Un voyage en tonneau de bière ? J'en avais entendu, des récits de voyages de noces, mais rentrer à la maison en roulant ? Rien que cette idée me fit à moitier rire, à moitié vomir. Je me retiens néanmoins, en me redressant sur mon assise. En plus, on venait de nous offrir les conso', que demande le peuple ? Visiblement, même Marty semblait se réjouir. Il allait être déçu lorsque demain je me pointerais à la taverne et qu'il me presserait de question pour me demander la suite et qu'en simple réponse, je lui dirais qu'il y avait méprise. Si je faisais ca, il ne risquait pas de me faire payer la tournée ? Non, fallait laisser planer le doute quelques jours.. Puis en fait, je ne passerais peut-être pas à la taverne ces prochains jours. On dit qu'il faut soignr le mal par le mal et pour s'éviter une grosse gueule de bois, repicoler derrière. Mais fallait aussi savoir faire une pause et.. Non je rigole. Je changerais juste de taverne quelques jours, jusqu'à ce que je croise Marty dans la rue et qu'il me fasse une crise de jalousie. Ca me semblait être un bon plan. Dans un mouvement de tête allant de droite à gauche, je ne pus contenir un léger soupire. Il en avait de ces gages ridicule !
"- Alors.. Alors... Si moi je gagne, vous enleverrez définitivement cette belle chemise que vous accrocherez sur votre front, tel le pirate déchu que vous êtes !"
Lui déclarais-je. Et comme il semblait encore trop confiant, je renchéris de plus belle alors qu'il lançait les dés, avant même que ces derniers ne viennent à rouler sur la table.
"- Et vous rentrerez à cloche pied !"
Un deal est un deal, et maintenant que les dés étaient jeté, nous ne pouvions revenir sur ce qui avait été dis. Je relevais alors la tête, le sourcil droit arqué pour observer sa réaction. Mais persuadé qu'il allait gagné, il ne fit même pas attention et relança ses dés. Chose que je fis également, de concert. 9 pour le premier jet, puis 7. Pour un total de... 16 point. A croire que mes jets étaient en fonction de ma sobriété, c'est à dire, à chier. Mais j'avais de la chance. Son état d'ébriété était bien pire, à lui. D'une mine satisfaite, je me levais alors de la chaise et jetais ma veste sur mon épaule.
"- Allez, sa seigneurerie doit rentrer, sinon il va louper l'heure du souper."
Je ne fis pourtant que trois pas, que déjà je sentais la lourdeur de mon pantalon qui voulait se barrer. Une ceinture, c'est pas que décoratif. Le voyage allait être long si je devais passer mon temps à le remonter. J'attendis alors le marchand sur le pas de la porte. Marty me fit un signe de la main, tout en essuyant des verres propres.
"- Oublies pas qu'une nuit de noces, ca se consume Mad', sinon le mariage n'a pas lieu d'être !"
"- Ouai ouai t'inquiète, on va bien la savourer cette nuit Ahaha"
Lâchais-je en pensant au confort ultime de mon canapé. Oh oui cette nuit j'allais bien la savourer. J'allais m'endormir di-rect. Enfin dehors. L'air ambiant me mit une claque sur mon front bouillonnant. Mais qu'est ce que c'était agréable. Je fis quelque pas, avant de me tourner vers Amadeus, et sans lui laisser le temps d'opposer quelconque resistance, pris sn visage entre mes doigts. Mon regard se posa alors sur lui, fixant ses iris. Le temps semblait suspendu.
"- Alors c'est vrai.... Vous êtes vraiment rond comme une queue de pelle monsieur le marchand ! ... Pourquoi vous me regardez bêtement ? Je vais pas vous rouler une pelle, destressez !"
Je me mis à rire, voyant son faciès interloqué. Quoi, j'avais l'air d'un vieux pervers en plus ? Ma main se détacha de son visage, pour venir se ranger dans l'une de mes poches de pantalon, comme sa consoeur, pendant que je me détournais du marchand.
"- N'oubliez pas que vous êtes un pirate à qui l'on vient d'arracher sa jambe de bois maintenant..."
Je faisais allusion à son gage.. Evidement.
Je reste un moment à buguer quand soudain des mains viennent agripper mon visage. Ce sont des mains d'une extrême douceur, des mains qui se déposent sur mon visage comme on mettrait un bandage sur une plaie béante. Elle plante ensuite son regard dans le mien, ses yeux sont magnifiques et je reste hébété devant son visage angélique. Son visage s'approchant du mien, j'ai cru qu'elle voulait m'embrasser et j'ai naïvement approcher ma tête avant que sa phrase juste après ne vienne contrebalancer sa gestuelle. C'est ce qui s'appelle une douche froide. Je lance de façon sarcastique.
"Evidemment ma chère fiancée, pas avant le mariage n'est ce pas ?"
Lucy, c'est un coup de traître que tu viens de m'infliger là. J'aurai bien aimé goûté la texture de ses lèvres si envoûtantes. Tiens d'ailleurs, je parlais de douche froide tout à l'heure, et bien le voilà au sens littérale. Des fines gouttelettes commencent à tomber du ciel sur mon corps déjà refroidi par les températures déjà assez basse. Je ne pense pas être capable d'affronter tous les éléments, mais après tout, elle l'avait dit ! Je suis un pirate ! Je bombe le torse et regarde Mad avant d'ajouter d'un ton enjoué.
"Allez matelot ! Levons les voiles ! Le capitaine rentre au Port ..."
Après avoir dit cette phrase, je me figeais d'un coup. Le port, cela me fit penser au Grand port, l'endroit où se trouvait actuellement une personne au moins qui voulait ma mort. Je voudrais ne plus jamais à y avoir penser. L'alcool n'était pas censé me faire oublier plutôt que de me faire ressortir ce genre de souvenir horrible ? Je soupire et décide de faire quelques pas à cloche pied. Le sol commence à être mouillée et je manque de perdre l'équilibre. Je peste intérieurement avant de faire un soleil, mes pieds passent au dessus de ma tête en une seconde avant que je fasse un atterrissage sur le dos. Ma tête esquive un choc de justesse et je me retrouve à regarder le ciel quand tout d'un coup, une silhouette que je connais bien apparaît devant mes yeux. J'ajoute d'une voix assez calme.
"J'avais jamais remarqué à quel point le sol était confortable ... je suis pas contre un coup de main pour remonter ...."
J'éclatais de rire, fier de ma bêtise. Le sol commençait à être trempé et mon dos également du coup par la même occasion. Toute cette eau sur mon visage c'était quand même pas très sain, pourquoi Lucy n'a pas fait pleuvoir de la bière ? Je suis sûr que j'aurais préféré ...
"- Les pavés ne sont pas adaptés à votre dos mon capitaine. Je vais vous ramener au navire. Au moins vous pourrez dormir plus aisemant dans la paille avec un petit porcelet ou des poules pour vous tenir chaud !"
Ricanais-je. Si je faisais allusion à des femmes ? Va savoir. La main du machand dans la mienne, je pris appuis en pliant légèrement les genoux et le tira vers moi pour le relever en me servant de mon propre poids pour le faire basculer, non sans manquer de me vautrer à mon tour par manque de stabilité. En temps normal ca aurait été une chose aisée, mais avec l'alcool dans le sang, rester stable sur ses pieds n'était pas notre fort. Le marchand à quelque centimètre de moi, je ne pouvais m'empecher de regarder son torse. Il n'avait plus de chemise. Et clairement pas pris sa veste à la taverne. Quelle andouille. Sa chemise entortillée autour de la tête, elle devait être désormais trempée. Il aurait été plus simple que je l'assome et le fasse basculer sur mon épaule afin de le porter comme un sac à patate. Mais actuellement, je n'étais pas sûre de pouvoir le faire. Peut-être sobre, j'aurais pu l'envisager, mais là..
"- Mais... C'est par là chez vous hein.."
Je me souvenais du chemin. Enfin à moitié. Mais clairement ce n'était pas le chemin que prenais Amadeus. Je fis alors signe au jeune homme de me suivre. Mais avant ça...
"- Mettez ça au moins sur vos épaules, vous allez attraper la crève."
Tout en parlant, je venais de prendre la veste que j'avais jeté sur mon épaule plus tôt et lui envoya. Durant tout ce temps, elle était restée posée sur mon épaule car n'ayant pas froid, je ne l'avais pas enfilé. A vrai dire la pluie ne me dérangeait pas tant que cela. Mais lui il devait pas avoir l'habitude d'être privé d'eau chaude et de chauffage.
"- Si vous veniez à être malade, je m'en voudrais terriblement ! .. Qui financerait des missions faciles après ? Déclarais-je au marchand en me moquant de lui. Oh.. Et d'ailleurs ! J'ai retrouvé votre jambe de bois ! Il vous sera plus aisé de marcher maintenant !"
Comme si je possédais un objet invisible dans les mains, je fis mine de brandir la chose devant Amadeus avant de m'accroupir devant lui. Mes mains se placèrent sous son genoux et je fis mine de viser un rondin imaginaire sous son genou. Fière de moi, je me redressais en posant mes mains sur mes hanches, hochant la tête de haut en bas, comme si je venais d'accomplir un acte de bravoure.
"- Allez venez. Il vont dire quoi sinon à la taverne si vous mourrez demain ? Les rumeurs vont courir que je vous ai supprimé juste après le mariage, ca craint comme réputation quand même."
Je pris alors le bras du jeune homme pour le forcer à avancer un peu. Droite gauche. Gauche. Droite. Ah. C'était peut-être pas la bonne route finalement ?
"Les sanglots longs Des violons De l’automne Blessent mon cœur D’une langueur Monotone. Tout suffocant Et blême, quand Sonne l’heure, Je me souviens Des jours anciens Et je pleure Et je m’en vais Au vent mauvais Qui m’emporte Deçà, delà, Pareil à la Feuille morte."
Au moment où le poème se fini, je reprend mes esprits en étant en face de la demoiselle, mon visage à quelques centimètres du sien. J'avais du lui réciter cela sans raison. Mais outre la gène qui aurait du prendre le dessus dans cette situation, il y a une autre pensée qui m'habite. Est ce que c'est l'alcool, ma chute, le mime de la demoiselle ou bien un mélange des trois qui m'a fait me rappeler de cet événement de mon passé ? Ou bien Lucy a t'elle décider qu'il était temps que je me rappelle de cette scène. Est ce qu'il y avait un message cachée dans ce poème ? Probablement pas, mais au moins je me suis rappelé de Signus c'est déjà bien. Je perd cependant l'équilibre et remarque que je ne suis plus torse nu, quand est ce que j'ai pris le temps de m'habiller ? Ah non, c'est pas à moi cette étoffe ! Je regarde par terre, déboussolé par cet événement incongru en pareil situation. Même quand j'essaie de l'oublier, le passé refait toujours surface. Chasser le naturiste, il revient dans le bungalow ... ou quelque chose comme ça comme on dit. J'ajoute d'une voix calme mais cependant qui semble beaucoup moins alcoolisé vers la demoiselle.
"Désolé, je viens juste de me rappeler de quelque chose d'avant mon amnésie. C'est un peu compliqué ..."
Cette nouvelle m'avait considérablement fait décuvé comme quand on reçoit une émotion forte et que le cerveau se dit qu'il vaut mieux canaliser ses efforts vers quelque chose de plus important que de l'euphorie. Je n'avais pas pour autant perdu mon côté malhabile et je pris le temps de m'adosser contre un mur le temps que tout se stabilise autour de moi. Mon regard se reporta ensuite sur la belle mercenaire. J'avais beau avoir décuvé, je la trouvais toujours aussi mignonne finalement avec son côté toujours pétillante. Comme si la tristesse n'avait jamais pris la peine d'entrer en elle. Je serrais les dents et je retirais la veste pour la lui donner. Je n'avais plus froid désormais, et les gouttes d'eau semblaient m'éviter tant je ne ressentais plus leur présence. Mon regard resta cependant bloqué un moment sur le corps de la demoiselle. La pluie ayant fait son office, les vêtements de la demoiselle était devenu bien moulant et mettait parfaitement en valeur son corps bien sculpté par le combat. Je désignais une direction avant d'ajouter.
"Ma maison est par là, on ne devrait plus être très loin ... Je n'oublie pas que j'ai un gage à honorer avant que tu rentres chez toi ..."
Oh non, ce gage là, je n'allais pas l'oublier de si tôt ! En plus, grâce à la pluie, le miasme de saleté présent originellement sur pantalon de la demoiselle avait été lavée partiellement. Comme quoi, il y avait une petite aide de Lucy dans cette tempête de pluie. Je me remis en équilibre sur ma jambe d'appuie et repris la démarche vers ma maison. C'était mieux que tout à l'heure déjà, mais ce n'était pas encore non plus une marche d'homme sobre. En même temps quel homme sobre accepterait de rentrer chez lui de la sorte ? J'ajoutais d'un ton enjoué, contrastant énormément avec le résidu de tristesse de mes précédents propos.
"Allez en route mauvaise troupe ! A ce train là on va finir noyer dans de l'eau pluie et ça serait un comble après avoir eu pareil descente à la taverne !"
"- Donc quand vous me voyez, vous avez envie d'vous tirer une balle ou ca se passe comment ?"
Se tirer une balle, enfin, façon de parler. Cette expression dans ce monde ne voulait pas dire grand chose à bien regarder. Le marchand prit appuie contre le mur pour me rendre ma veste. Soit, si il voulait finir enrhumé, j n'allais pas l'en priver. Je fis signe de la tête et tout en gardant le manteau entre mes doigts le rebalancais sur mon épaule. Coude relevé, ma main resta en l'air, dans cette même position afin de maintenir le manteau en position pendant que nous reprenions la route. Amadeus sembla perplexe en me dévisageant. Baissant les yeux, je regardais moi aussi mon pantalon. Ce dernier à cause de la pluie s'était collé à mes jambes. Il devait se dire intérieurement que j'allais en chier pour le retirer. Et c'était pas tellement faux.
Le visage d'Amadeus s'éclaira peandant qu'il proferait d'autres idioties. Mais pour le coup, il n'avait pas totalement tord ! Mourir sous la flotte ici alors qu'on sortait de la taverne où on aurait pu mourir saoul, c'était beaucoup trop déprimant ! Marchant avec un rythme un peu plus soutenu car la pluie se faisait plus forte, nous arrivâmes devant une boutique que je connaissais que trop bien. Le jeune homme me fit signe de le suivre, longeant le batiment pour pouvoir entrer par la porte de derrière. Il était déjà tard, et nous étions encore saoul comme des cochons.
"- Bon alors. Vous allez pas me laisser repartir sans le verre de trop quand même !"
Questionnais-je le marchand d'un ton qui se voulait réprimandant. Amadeus eut la bonté d'ouvrir sa porte, après avoir galéré pendant quelques minutes tout de même. Non parce que tout de même, c'était dur de trouver des clefs dans la poche d'un pantalon. A cette heure-ci hein.. Le jeune homme me laissa entrer en première, comme tout bon gentleman qui se respecte, ou peut-être bien parce qu'il galerait à retirer les clefs de la serrure. Donc son atelier faisait office de boutique, et de logement. Ca pour aimer son travail, il devait l'aimer alors !
"- Vous avez l'eau courrante au moins dans votre demeure royale ?"
Non parce que si il devait laver mon futal, sans lumière et sans eau ca allait être coton. Je fis mine d'allumer la forge, pendant que le marchand était à la recherche d'une bouteille. Ca va, allumer un feu, c'était pas trop compliqué. Il suffisait de frotter deux pierres ensemble, comme à l'époque. N'ayant pas trouver de quoi l'allumer, je pris deux cailloux qui trainaient et les frappais l'un contre l'autre. Euh. Ca fonctionnait avec ce type de caillasse ? Ou peut-être était ce à cause de moi, parce que trempée, je dégoulinais sur les pierres.
"- Vous vous en sortez avec la bouteille ou j'vais devoir me contenter d'un verre d'eau ?"
"Bienvenue dans mon antre, ne faites pas gaffe au bazar, si j'avais su que j'allais avoir de la compagnie j'aurais fais un minimum de ménage."
Bon après, je pense pas que la demoiselle soit suffisamment tatillonne pour tiquer sur le moindre gramme de poussière qu'elle pourrait trouver mais bon, il convient de présenter des excuses à ce moment là non ? Bon allez, trêve de bavardage, des vêtements mouillés ne vont pas se sécher tout seul. J'ouvre un placard à la recherche d'une huile et d'une bouteille d'alcool. J'en ai toujours une en réserve pour fêter les grandes occasions. En farfouillant je trouve finalement ce que je cherchais et je reviens dans la pièce principale ou je vois la demoiselle en train d'essayer d'allumer la forge. Heureusement qu'elle n'y arrive pas car il y a des lames dans les cendres de cette forge là. C'est l'étape juste après la trempe, mais bon ne nous égarons pas. Je dépose la cuve à huile et la bouteille sur l'enclume et ramène une sorte de tonneau de métal rempli de trou de chaque côté. Je casse quelques bouts de bois pour le fond et ajoute un peu d'huile dessus pour que le feu prenne bien. Je récupère ensuite un allume-feu métallique et effectue deux aller retours créant des flammèches et ainsi mettant le feu au contenu du tonneau métallique. De la chaleur émerge de la cuve et nous pouvons nous sécher devant une belle flambée. Je sors ensuite deux verres et commence à les verser. Le temps qu'elle regarde le feu, je BOIS une gorgée de la mixture pour m'assurer que c'est bien le rhum d'exception. Parfait ! C'est bien cela. Je verse donc la même quantité dans chaque verre avant de tendre le verre à la demoiselle.
"Trinquons à cette soirée très agréable ! Dommage que tu n'ais plus les dés, j'aurai bien miser une dernière fois !"
Je bus ensuite quelques gorgées de mon rhum, c'était un rhum d'exception. Je pense qu'à lui seul, il devait valoir plus que la plupart de mes créations. C'était une cuvée très spéciale que j'apprécie énormément. Suite à cela je pose mon regard sur la demoiselle. N'est ce pas romantique ? Une "grosse" chandelle, une boisson alcoolisé, et tout cela sur une magnifique table qui n'est autre que ... mon enclume. Et bien, cette soirée va vraiment finir dans les annales ...
"- Ah finalement ! Vous avez faillis baisser dans mon estime mon cher ami. Il faut toujours être prêt pour les visiteurs nocturnes .. !"
A mon tour je pris le verre entre mes doigts et trinquais avec Amadeus. Il voulais miser, encore ? A croire que j'avais le don de faire ressortir tous les vices de notre cher marchand. A quand les 7 péchés capitaux ? Un sourire carnassier s'étira sur mes lèvres.
"- Vous jouez avec le diable.."
Glissant mes doigts dans les poches de mon pantalon, j'en ressortis des dés. Les oublier à la taverne ? Non. Oublier ma veste ? Aye. Une chaussure? Aye. Ma dignité ? Aye. Mais mes dés ? Non jamais. Le Black Jack était un jeu amusant. En connaissait-il d'autre ? Je fis sauter les dés entres mes doigts -ce qui fut un exploit de les rattrapper tout de même- avant de lui en envoyer deux dans les mains. Mon regard se posa sur le marchand, observant les ombres qui se dessinaient sur son corps à cause de la lumière que projettait le feu.
J'en avais les joues brulantes. Il faisait chaud. Il faisait super chaud. C'est moi ou il faisait chaud ? La cuve prêt de moi, je pouvais sentir la morsure de la chaleur sur mes jambes et sur moi ce qui n'arrangeait rien mais qui était une bonne excuse pour ne pas avouer les obscénités qui m'avaient traverser l'esprit. Je levais alors le bras, méventant quelques peu avant de venir frotter mon front du bout de mes doigts. Des marques noirs se dessinèrent alors au contact de ces dernières, me laissant le faciès d'un guerrier des temps anciens ayant foiré son maquillage avant de partir au front, sans même me rendre compte de rien. J'avais les doigts noirs de suie, probablement dû à l'établi sur lequel j'avais pris appuis plus tôt.
"- Je suis sûre que vous en connaissez vous aussi, des jeux de tavernes. Faites pas semblant, vous êtes beaucoup plus dépravé que vous ne voulez l'admettre."
"Hum, je suppose qu'une invétérée du jeu comme toi connait bien le jeu du poker. Et bien jouons au poker d'as en deux lancés."
Je sais que je n'ai pas besoin d'expliquer les règles à ma complice de la soirée. Quand on connait les règles du poker, on connait forcément les règles du poker d'as. Sauf que là, au lieu de faire 3 lancés habituelles, on le fait en deux lancers. Quand on a effectué le premier lancé, on peut choisir de garder de garder ou non chaque dé. Puis les dés sauvegardés sont mis de côté et on relance ce que l'on ne souhaite pas garder. Le but, c'est comme au poker d'avoir le jeu plus puissant que celui de son adversaire. Bon bien sûr y a des variantes, la couleur n'existe pas et la quinte flush royale est impossible avec des dés. Par contre, ce qui remplace cette dernière, c'est le "poker". C'est la combinaison la plus puissante du jeu, qui consiste en 5 dés avec le même chiffre. Autant dire les chances de tomber sur le même chiffre sont moindres. Bref, en tout cas je sais que je peux compter sur ce jeu pour que ma chance revienne. J'attrape les dés confiant et ajoute.
"Juste au cas où tu aurais oublié comment ça se joue, je vais te montrer comment on fait. Si tu perds ce match là, tu devras jouer le prochain tour en faisant le poirier, je suis magnanime je te laisserais utiliser le mur."
"- Je me sens presque insultée ! M'apprendre, moi à jouer ?"
" Je sens surtout que vous voyez le vent tournez, dites moi donc quel est votre mise ?"
"- Si je gagne, vous enleverez un vêtement" Rire " C'est ce que vous auriez voulu entendre ? Vous pourrez vous contentez de vous gratter l'aisselle, avec votre orteil"
L'alcool faisait peut être son effet mais j'étais plutôt fier de me dire que j'allais infligé une humiliation véritable à la belle guerrière. C'est la moindre des choses après avoir fait le retour de la taverne torse nu et en clopinant comme un pauvre pirate sans son bateau. Il ne fait aucun doute qu'avec la quantité d'alcool absorbée, elle va sans doute nous gratifier d'une gastrique offense. Son gage a elle me fait doucement rire, je n'avais jamais essayé auparavant, ce sera l'occasion tiens. Elle est clairement folle à lier, et personnellement j'adore ça. Allez, il est temps de voir si Lucy souhaite que la guerrière fasse le poirier, ou souhaite me voir en train de me gratter l'aisselle avec mon orteil. Rien que de formuler cela, je me rend compte à quel point la soirée commence à dépasser un certain seuil critique de "n'importe quoi". Tant mieux, je ne connais aucune soirée exceptionnelle qui ait commencé avec de l'eau. Il est temps pour moi de lancer les dés.
Mon premier lancé m'offre quelque chose d'intéressant un brelan de 4 servi ! Je les mets de côté et relance les autres dés en espérant refaire un 4, parfait j'en refais un ! et j'obtient un 1 à côté de cela.. Bon cela fait un carré ! Je vais pas m'avancer mais à moins qu'elle ne me fasse un "poker" ou un carré plus grand, je ne peux pas perdre. J'espère qu'avec cela je serais amène de gagner la première manche. A toi de jouer donc ma chère Marie Madeleine. Puisse Lucy rester de mon côté ...
Tout comme le marchand, je pris dans mes mains d'autres dés. Heuresement que j'en avait toujours en stock.. Premier lancé, une suite, direct. 1 – 2 – 3 – 4 – 5. Alors là, je m'attendais pas trop à ça. Jettant un oeil sceptique sur le jeu d'Amadeus, je vis son brelan. Plus faible que mon jet. Bon.. Trop sûre de moi je fis un signe non de la tête, lorsque ce dernier me proposa de relancer mes dés. J'allais gagner avec cette mise, pourquoi diable prendrais-je le risque ? Trop sûre, beaucoup trop sûre de moi, j'affichais un sourire vainqueur aux lèvres. Qui s'éffaça aussitôt en voyant apparaitre le 4 sur le dé. Outrée, je me redressais de mon tabouret, faisant tomber ce dernier par le mouvement. Il avait triché, c'était sur ! Quand.. Quand j'avais cligné des yeux, j'en étais sûre il avait du bouger le dé et et.. Mauvaise perdante, moi ?
"- Damn. Vous êtes un suppôt de l'enfer ma parole !"
Ma main se dirigea vers mon verre avant de se raviser. Si je ne souhaitais pas dégobiller, mieux vallait stopper toute ingurgitation de quoi que ce soit. Dans un claquement de langue, je tournais le dos au jeune home, me dirigeant vers un pant de mur. Les deux mains au sol, je pris un léger élan et élançais mes jambes contre le mur. 1 seconde. Je ne voulais pas user de ce dernier, mais sans lui, je crois bien que mon numéro de voltige serait devenu un numéro de clown. 3 secondes. C'est possible de boire en sens inverse ? 6 secondes. Tiens, depuis quand les murs tanguent ? 10 secondes Bon dieu j'vais.. Je mis un léger coup sur le mur pour me projeter en avant, mais faute de pouvoir faire un salto actuellement, je me contentais d'une galipette, me retrouvant à côté d'une paire de chaussure à l'entrée. Assise désormais sur le sol, ma main droite se plaqua sur ma bouche, réprimant un haut le coeur. C'était moins une avant que je vomisse dans ses mocassins.
C'est là qu'on se rend compte qu'on est bien, lorsque le centre de gravité est prêt de la terre. J'avais plus envie de bouger, maintenant que j'avais une place confortable sur le sol. La main droite tendue devant moi, je fis signe au marchand.
"- Votre gage, votre responsabilité..."
C'est bien beau de faire tomber ses adversaires au sol, après, fallait les aider à se relever. J'attendis bêtement, la main toujours en suspens jusqu'à ce que le jeune homme s'approche de moi et l'empoigne. Maladroitement, il me tira pour me remettre sur pied. Comme un air de déjà vu. Désormais debout, je me retrouvais plantée debout, face à Amadeus. Il était plus grand que moi, mes yeux arrivant juste en dessous de son menton. La proximité était telle que je lui aurais probablement empoigné le col de sa chemise pour l'attirer à moi et l'embrasser, si il avait encore cette dernière. Mais ce n'était pas le cas. Et tant mieux. Parce que c'est l'alcool qui faisait parler, hein ? C'était pas du tout mon genre de toute façon, les personnes avec des visages aussi gracieux, avec un corps si élancé et et ... on aurait dit un mannequin. Et je n'étais pas trop habitué à ce genre de personne. Une vieille balafre sur le visage faisant perdre l'usage d'un oeil était plus sexy, non ? Je déglutis et fis un pas sur le côté, en rigolant bêtement pour retourner vers l'enclume. Mon verre en main, je pris ce dernier et l'avalais cul-sec.
"- Et comment vous allez expliquer demain à vos clients que vous ne pouvez pas les acceuillir et que l'atelier est fermé hein ? "Migraine" ? Je vais vous laisser là, avant que votre breuvage me fasse faire des choses encore plus insolites"
Plus insolites que de faire le poirier à 4 h du matin ou de sauter à cloche pied dans la rue, chemise nouée autou du front ? Damn
Je chancelais légèrement en tenant la demoiselle qui était désormais tout près de moi. On avait beau être encore légèrement mouillé, j'avais une sensation de chaleur quand elle s'approchait de moi. L'alcool peut être ? Allez savoir, cet instant sembla se figeait dans le temps. Son regard si marqué par les combats semblaient avoir laissé place à un visage angélique sans aucune imperfection. Et ce regard, elle n'avait qu'à demander et aussitôt on démarrait. Tiens ça pourrait être dans une chanson ça. Je la voyais se déplacer vers son verre, brisant cet instant magique pour aller boire son verre cul sec et m'annoncer son départ. Cela me fit un pincement au cœur mais bon, la beauté d'une fleur se perd lorsqu'elle est cueillie. Elle est de ce genre de personne que l'on prend plaisir à regarder et à ne la toucher qu'avec les yeux. Voici venu la fin de cette soirée endiablée et sa remarque sur ma gueule de bois de demain. J'éclate de rire et ajoute d'une voix calme.
"Ahah tu as bien raison, ça sera une première pour moi de forger avec une gueule de bois, t'imagine le ramdam que cela fait un marteau sur une enclume ? Allez, merci pour cette soirée, rentre bien et fais attention à toi sur la route."
Je m'approche d'elle pour la serrer dans mes bras, et là, va savoir ce qui me passe par la tête, mes lèvres viennent se placer contre les siennes. Tout aussi choqué que la demoiselle, je retire mes lèvres et n'ait pas le temps de m'excuser que je reçois un magnifique crochet dans la mâchoire. Le coup, suffisamment puissant pour me faire tomber sur mes fesses aurait pu m'assommer facilement. J'ai eu de la chance pour le coup. La demoiselle n'avait visiblement pas apprécié ma maladresse, je l'ai pas fais exprès je vous jure. C'est comme si mes lèvres avaient été aimanté aux siennes. Lucy est elle derrière ce coup du sort ? Je me masse la joue endolorie avant d'ajouter d'une voix paniquée.
"Je ... Je suis désolé, je ne sais pas ce qui m'a pris..."
L'heure tardive, l'alcool, l'adrénaline de ces paris accumulés ... Je ne sais pas, mon corps a agi tout seul et je le regrettais amèrement ...
Ou alors... Depuis le début, aurait-il feinté ? Il aurait joué sur le fait que j'adore les jeux de chance et m'aurait fait perdre exprès avec des dés qu'il aurait remplacé afin de gagner ? Tout cela en se faisant passer pour plus pété que moi pour que je le ramène chez lui et qu'il abuse de moi, petite fragile et faible femme ? Pour le fragile, on repassera. Mais tout de même ! Et puis, et puis, cet air de s'excuser ainsi, était-ce un jeu d'acteur ? Oui évidement, un sait tous que les mannequins sont de très bons acteurs ! Tout était clair maintenant ! J'avais entendu parler de cet homme, qui suivait les femmes dans la rue, faisait semblant de les prendre sous leur protections et faisait en sorte d'attirer leur sympathie pour ensuite abuser d'elle ! Comment s'appelait-il déjà ? Mickey Mouse ?
Un déluge de pensées avait envahis mes idées laissant place à la théorie du complot. Ne trouvant pas les mots pour exprimer ce que je pensais actuellement et fis demi tour vers la porte sans dire un mot de plus.
Une fois la porte passée, je me retrouvais seule dehors. Je fis alors quelques pas rapides pour m'éloigner. Et plus je m'éloignais, plus je réalisais des trucs. Primo, je venais de partir sans ma veste, mais il était hors de question d'y retourner maintenant. Deuxio, maintenant à la taverne on allait me demander comment s'était passé ma nuit de noces, et je ne pouvais leur dire que mon faux-marié était un truand. Tersio, j'avais également oublié mes dés , chose impardonable. Cinquo. J'avais apprécié le contact de ses lèvres sur les miennes. D'un mouvement de main je balançais cette dernière à côté de ma tête comme pour tenter d'enlever cette idée de ma tête. Et puis quoi après, tomber sous la coupe de son ravisseur, comme dans ces contes de princesses à la blanche neige qui finit par tomber amoureuse d'une bête immonde qui la retient en otage chez lui ? Bon. Question pilosité, Amadeus était encore loin de la bête sauvage du conte. Il ressemblait plus à la princesse...
Je ne vis pas le temps passer, marchand rapidement sous la pluie. C'était beaucoup plus triste qu'a l'allée. Une fois chez moi, mes pas se stoppèrent devant une armoire pour que je m'y serve un verre de Cognac. Ce dernier en main, je me redirigeais vers le canapé et m'y laissais choir, bottes aux pieds sur l'accoudoir. Il me fallait un plan d'action pour récuperer mes affaires demain. Plus je réfléchissais, plus je repensais à cette scène étrange, avant de sombrer dans un étrange sommeil mélant des pirates, une bête poilue maniéré avec des gants et un mariage avec un homme travesti...
Toutes les actions et réactions ont été le fruit de jet réel de dés... #pourri-ton-botpark
> To be continued ..