Beaucoup de choses se sont produites depuis mon retour au grand port. J’ai empêché des jeunes fripouilles de détruire la place de la guilde marchande parce qu’il avait volé une bourse qui contenait des objets plutôt dangereux. Il y a eu aussi cette histoire de marché noir qui date d’une journée même pas et j’ai tout fait en sorte pour ne pas que Val me voie dans cet état.

Enfin, je dois dire que l’apothicaire qui m’avait refilé mes médoc’ m’avait donné quelque chose de plutôt fort. À un tel point que j’en perdais parfois la tête et que je m’endormais n’importe où. En plus, avec mon bras en écharpe c’était difficile de passer inaperçue, mais je me tenais occupée. À vrai dire, j’avais découché et avait rendu visite à ma famille incognito et me voilà maintenant avec eux pour le reste de la soirée. Je dois dire que l’ambiance n’est pas ce qu’il y a de plus chouette. Et si je suis là, ce n’est pas pour demander pardon à ma mère, mais pour avoir une discussion avec ma sœur. Des regards désapprobateurs de ma mère du coin de l’œil, alors que mon père essayait de sourire. J’avais du mal à me nourrir moi-même alors on m’avait fait préparer des aliments qui n’ont pas besoin d’être coupés avec un couteau, puisque je ne me servais plus de ma dextre. Le repas est long, ça parle de tout et de rien, je m’ennuie et dès qu’on nous autorise à quitter la table, je me lance vers ma sœur et l’attrape par le bras.

« Toi et moi on doit parler!
- Lâche-moi! Dit-elle en tentant de se dérober. »

Le mouvement me fait grimacer et je n’ai pas trop le choix que de l’abandonner. Je regarde mon état et même elle semble m’observer comme si elle se sentait coupable de ma douleur. Je lui souris en déposant ma main contre son épaule.

« Les risques du métier petite sœur, mais je vais avoir besoin de ton aide pour le bain.
- Tu veux qu’on se lave ensemble?
- Pourquoi pas? T’es ma sœur et ça ne serait pas la première fois! »

Elle roule des yeux et me suit bien malgré elle. Je retire l’écharpe qui retient mon bras contre moi puis nous entrons toutes les deux dans les bains. On s’en tient au nécessaire, elle me lave les cheveux et le dos et c’est pendant ce temps que j’en profite.

« Dis Ashley…
- Hm?
- Tu me le dirais si tu t’étais fait embarquer dans une mauvaise combine, n’est-ce pas?
- … (silence) »

Je me retourne légèrement pour la regarder prenant un visage sérieux.

« - Promets-le-moi, Ashley! Ne va jamais contre la loi et n’accepte jamais de suivre des gens louches… Je ne veux pas que tu finisses dans le même état que moi, voir pire!  Alors, jure!
- Oui, je te le jure. »

Je suis sceptique sur son honnêteté, mais elle a 18 ans et fait ce qu’elle veut. Après le bain, elle me sèche les cheveux à l’aide d’une grande serviette et elle me prête l’un de ses pyjamas certainement trop grands pour moi et on se dirige toutes les deux vers nos chambres respectives. Étrangement, je n’ai pas envie de dormir seule alors je la suis et l’entends râler.

« Tu croyais t’échapper de moi? Tu rêves, si je suis venue ici c’est pour toi, pas pour mère.  On n’a peut-être pas la meilleure des relations, mais je suis ta grande sœur et je dois prendre soin de toi. »

Alors je prends mes médicaments avant de me coucher à ses côtés et étrangement la douleur ne semble pas s’estomper bien que je trouve tout de même le sommeil.

Quand je me réveille, il fait extrêmement chaud et mon corps ne me fait plus mal du tout. J’ai l’impression de ne plus être dans mon lit et plutôt que d’être couchée, je suis assise sur le sol. Je regarde vite fait autour de moi et remarque qu’il n’a que de l’eau, sauf que ce n’est pas tout. À mes côtés se tient une personne que je ne croyais pas revoir de si tôt et il me parle!

« Aslander? »

En plus c’était quoi cette tenue. Je porte un bikini et lui un simple maillot de bain? Je me frotte les tempes.

« Je suis en train de devenir folle c’est ça? Tu apparais même dans mes rêves, quoi que…tu as bien dit en pleine nuit? »

Ce ne serait pas la fameuse pilule de rêve dont tout le monde parle en ce moment qui coûte la peau du c… enfin, vous voyez bien ce que je veux dire.

« Tu es en train de dormir toi aussi? Désolée, c’est la première fois que je vis ce genre de chose. Si ça se trouve, je suis vraiment dans un rêve… »

En tout cas ce qui est bien, c’est qu’il ne peut pas voir l’état dans lequel je me trouve réellement. Ça ne servirait à rien de l’inquiéter surtout que nous nous sommes quittés sur une note plutôt triste la dernière fois. J’espère simplement qu’il se porte mieux et qu’il a su se remettre. J’ai envie de lui prendre la main, de lui montrer que je suis là, mais je dépose plutôt cette dernière sur ma cuisse en observant le ciel sans nuage.

J’observe doucement le ciel et indirectement le soleil qui plombe sur nos têtes. Il fait chaud, il n’y a pas le moindre vent et mis à part l’eau qui nous entoure, il n’y a pas grand-chose. Le sable commence à coller à ma peau alors que cette dernière suinte légèrement. La sensation de soif commence à se faire ressentir comme si elle était réelle tout comme la chaleur qui nous étouffait. Étrangement, je reste calme et ferme les yeux. Le silence qui nous entoure est apaisant, même le clapotis de l’eau ne se fait pas entendre du à l’absence du vent.

Aslander déduit qu’il s’agit de ma première pilule de rêve et il semblerait que nous l’ayons tous les deux partager, mais je ne me souviens pas. Pourtant je devrais non? Au prix qu’elle coûte, quoi que le connaissant il a dû utiliser de sa fortune pour acheter une bêtise de ce genre.

« J’imagine que oui,  je n’ai pas vraiment souvenir d’avoir acheté un tel truc, ni même l’avoir partagé avec toi. »

De bons souvenirs? Oui et non, si on enlève le fait que nous avons retrouvé un cadavre, qu’un fantôme a décidé de prendre possession de moi pour me montrer une vision, puis sans compter l’histoire du mensonge, ce n’était pas réellement de bons souvenirs. Enfin nous avons réussi à passer au travers de ses épreuves ensemble et à surmonter nos problèmes. « Combien y avait-il de chance que nous prenions cette pilule en même temps? Sachant même que je me suis trompée avec mes médicaments… » que je dis surtout pour moi, mais à voix haute. C’était plutôt une constatation.

Je finis par tourner la tête en sa direction et l’écoute parler, car il disait avoir réglé son problème concernant les effets de la drogue qui semblait accentuer les sentiments qu’il éprouvait pour moi. Une femme l’aurait aidé à sortir de cette situation. Ça me fait bizarre de l’entendre parler d’une autre femme de cette façon, mais je ne peux pas garder ce dernier pour moi. C’est ce qui était le mieux à faire. Peut-être que mon cœur avait choisi le chemin le plus ardu et difficile, mais je sais qu’au fond de moi c’était le meilleur choix.

« Et bien, je suis heureuse de te voir dans cet état alors! En espérant qu’il n’y aille plus de fou furieux sur nos chemins. D’ailleurs, je n’ai pas pensé à ramener des preuves ou interroger le propriétaire de l’établissement. J’aimerais bien le mettre derrière les barreaux, mais bon avec ce qui se trame de mon côté, je n’ai pas le temps de partir pour la capitale. »

Je prends le verre qu’il m’offre et qu’il a fait apparaître. Hum, intéressant dis donc tout ça. S’il peut faire apparaître quelque chose qui n’est pas ici juste avec l’aide de ses pensées… Bon après tout ça reste un rêve non? Et dans les rêves tout peut arriver. Je porte mes lèvres au verre et regarde en sa direction.

« Hey bien, je ne peux pas vraiment te parler de la mission sur laquelle je suis. De un, ça irait à l’encontre de mon code et de deux je me ferais tuer par mon lieutenant s’il l’apprenait. »

J’ai un petit sourire en coin à ce moment-là bien malgré moi.

« Mais actuellement, tu ne me croiras pas, mais je suis en train de dormir à côté de ma sœur. Je crois qu’elle s’est mis les pieds dans quelque chose de douteux et j’ai voulu m’assurer de lui faire comprendre que si elle avait besoin de moi, j’étais là. Bon, elle a certainement du mal à me croire vu l’état dans lequel je suis en ce moment. » Merde! Moi qui voulais justement éviter de parler de ce sujet. « En tout cas, il fait beau ici, mais y’a pas grand-chose à faire dis donc!  Ha ha ha »

C’est vrai qu’il n’y avait pas grand-chose à faire. Après tout, nous étions pris sur une si petite île ne voyant qu’une côte à l’horizon. Décevant pour quelque chose qui doit avoir coûté une fortune et j’imagine que  comme à son habitude, il a tout payé de sa bourse. Mais ce dernier ne semble pas être ici pour la première fois. Il essaie d’expliquer ce que nous pouvons y faire et que la seule limite de notre rêve c’est notre imagination. Bien sûr, plus la création est grosse et demandante, plus cela nous épuise, mais en temps normal, le temps passé ainsi n’influence pas notre corps hors du monde onirique. Ça pourrait être pratique tiens si nous sommes loin de quelqu’un avec qui il est agréable de passer du temps. Enfin… Je ne vois pas qui voudrait faire cela avec moi alors que nous ne sommes pas maîtres du contexte de celui-ci.

Bref, j’espérais que ma petite ruse pour me faire passer à côté de cette discussion concernant mon état de santé avait fonctionné, mais il semble avoir gardé cela pour la fin. Du coup, je souris innocemment.

« Rien rien… »

Je bois une gorgée du whisky qu’il m’avait remis et dès que j’ai le contenu en bouche je le recrache aussitôt.

«  Mais c’est dégueulasse! »

Je lorgne en direction du liquide et celui-ci à changer de couleur et une odeur m’atteint aux narines d’un coup. Je le lance au bout de mes bras et dès qu’il touche l’eau, celui-ci semble prend un peu de temps avant de s’enfoncer. L’eau semble bouillonner et grimper rapidement sur notre îlot qui rapetisse rapidement.

« Oh merde! » Je me lève d’un bon et me colle contre le seul arbre qui nous protège des rayons du soleil.  

On est maître de ce lieu, sauf que ce qu’Aslander a fait apparaître semble ne plus être frais et indigeste alors que l’eau veut nous tuer. On doit trouver un moyen de fuir et vite. Alors j’essaie d’imaginer une barque assez grande pour nous deux et qui ne permettrait pas à l’eau de nous atteindre, mais la seule chose qui apparaît, c’est un vieux radeau tout pourri dont il manque une planche par-ci par-là.

« Euh, ouais, si t’arrives à faire mieux que moi, je suis preneuse, mais là pour le moment c’est mieux que rien. »

Et sans attendre, je saute dessus me mettant aussi à quatre pattes sur ce dernier pour ne pas basculer.

Je saute sur mon radeau improvisé alors qu’Aslander à l’excellente idée de le solidifier à l’aide de sa glace. Si nous ne sommes pas capables de créer à l’aide de notre imagination quelque chose, nous pouvons au moins utiliser notre don. Malheureusement pour moi, je ne pourrai pas nous soulever tous les deux et même encore, le radeau et moi-même sommes bien trop lourds. Il me faudrait réellement trouver une solution pour régler ce genre de problème.

Aslander me rejoint alors sur notre malheureux radeau prêt à couler à tout instant et s’éloigne de notre îlot qui se voit bientôt englouti sous les eaux. L’eau continue à bouillonner et pour une raison que j’ignore, ce dernier avait testé cette dernière en y mettant son doigt qu’il avait bien vite retiré. Je ne sais pas quelles étaient ses intentions, mais je me demande sincèrement si cela était nécessaire. On le voit bien que l’eau est chaude à moins qu’un gros monstre marin décide de remonter à la surface prendre une petite bouffée d’air, mais cela m’étonnerait.

Maintenant que nous sommes hors de danger temporairement, je m’assieds sur ma hanche les jambes étendues le regard rivé sur l’horizon. Aslander fait une remarque que je ne peux pas nier. Quand nous sommes ensemble, il y a toujours quelque chose pour venir mettre des bâtons dans les roues. Nous ne sommes pas capables de passer un moment tranquille ensemble et je commence à croire que le destin souhaite vraiment nous éloigner, mais je refuse! Et si je n’ai pas voulu répondre à sa question concernant mon état, c’est bien parce que je ne veux pas l’inquiéter inutilement. Nous sommes loin l’un de l’autre et même si nous étions l’un à côté l’autre, il ne pourrait rien faire de plus que de prendre pitié de moi. Je pousse un soupir long et fastidieux. Il sait que mon rien rien n’était qu’un simple mensonge.

«  Je vais bien, seulement, lors d’une enquête, quelque chose dont je ne m’attendais vraiment pas m’est arrivé. Du coup, je me suis fait passer à tabac, j’aurais pu mourir si ce connard n’avait pas parlé de ma sœur. Et personne n’a le droit de dire du mal d’elle, mis à part moi… Bref, je lui ai enfoncé deux dagues dans le dos. Heureusement que j’avais activé mon pouvoir avec, enfin, j’ai un bras en écharpe et je ne suis pas très jolie à voir, mais ça va. Demain je reprends le boulot. Je dois trouver les enfoirés derrière tout ça, j’ai juste un mauvais pressentiment en ce qui concerne Ashley. Enfin, je ne vais pas t’emmerder avec ses problèmes. Déjà que je suis insupportable, je n’imagine pas le duo… »

Je hausse doucement les épaules.

« Bref, voilà pourquoi je suis sous médication, mais t’inquiète. Je ne serai pas seule sur l’affaire. Je compte bien obliger mon lieutenant à me donner un coup de main! »

Maintenant que la vérité avait été dite, je regarde vers ce dernier plutôt curieuse de ce qu’il m’avait dit un peu plus tôt.

« Tu m’as dit avoir fait affaire avec une femme qui t’a aidé en trouvant l’antidote à ton problème. Ça s’est bien passé? Elle n’a pas eu trop de mal à te supporter? » Je dis cela avec un petit sourire en coin tentant ainsi de me moquer de ce dernier de façon tout à fait amical. Après tout, il le faut bien. Nous sommes amis après tout, n’est-ce pas?

Alors que je me confis à ce dernier que je lui parle de mes problèmes ainsi que ceux que ma sœur pourrait possiblement avoir, je reçois une tape sur le dessus de la tête qui me surprend et me saisit sur place. Mais qu’est-ce que?! Je tourne la tête vers ce dernier en lui jetant un regard qui voulait dire ; mais qu’est-ce que tu viens de me faire là? En plus, je lui dis que je me fais passer à tabac et il ose lever la main sur moi? C’est outrageux! Inacceptable! Qu’on le jette au cachot. Nan, en vérité c’était qu’une toute petite tape de rien du tout.  Bref, je continue de parler bien sûr sans lui montrer que son interruption m’a affectée et je parle de mon lieutenant qui s’avère être Valentino. Sauf que je ne sais absolument pas pourquoi il s’imagine des choses, mais je secoue la tête de droite à gauche en poussant un petit soupir.

« Oui, mon lieutenant qui se trouve à être l’homme avec qui j’ai discuté par cristal de communication. On s’entend bien, c’est un grand mot. On se tolère. »

Je lève doucement le menton vers le haut prenant un air légèrement pompeux.

«  On fait souvent équipe, puis je ne sais pas pourquoi, mais chaque fois qu’on se croise, il y a toujours des étincelles. Je ne sais jamais sur quel pied danser. J’ai l’impression qu’une guerre peut éclater à n’importe quel moment. Puis je ne sais pas du tout ce que tu t’imagines dans ta petite tête, mais dois-je te rappeler la conversation qu’il avait eue avec le sergent Gecko? Elle l’obligeait à être présente pour l’anniversaire de son frère. Ce qui voulait dire qu’elle y serait et pas que… enfin, ça doit être sa conjointe ou un truc du genre. En plus, il semble être proche de ses parents qu’on a rencontrés le soir que…enfin. »

Je m’arrête là, j’en ai marre de parler de ma mère de toute façon et de cette gifle monumentale. Déjà que tout le monde en parle déjà et que les parents de la noblesse avisent leur enfant de ne pas finir comme moi. C’est véritablement la joie, houlala. Bref, je détourne la conversation sur autre chose en parlant de la femme qui l’avait soignée.  Une sorcière? On parle bien des vieilles choses laides au nez crochu couvertes de verrues là? Parce que j’ai souvenir qu’il a parlé de délicieuse jeune femme.  Enfin, de toute façon, si elle a réussi à jouer avec lui bien plus qu’il le pouvait c’est qu’elle devait être très spéciale.

« Et elle n’a même pas succombé au charme du grand Aslander? Ce n’est pas une sorcière pour rien!  Enfin, je suis contente que ça se soit bien passé et que tu sembles avoir une meilleure mine. »

Enfin, la glace semble enfin commencer à fondre ce qui veut dire que mon pauvre radeau va couler et Aslander saute à l’eau après m’avoir mentionné si je savais nager. Du coup, je le suis de près. Après tout, je suis en bikini, je dois bien en profiter! Je ne sais pas combien de temps ça nous prend, mais je suis essoufflée une fois sur la plage. On se laisse choir comme des baleines échouées sur le dos sans même prendre le temps de sortir complètement de l’eau. Nous nous sommes allongés un à côté de l’autre et je me tourne légèrement en sa direction avec un grand sourire bien que le soleil est en train de m’aveugler.  Je glisse ma main dans la sienne, mais ça n’a rien d’un geste amoureux, non loin de là.

« Tu sais, j’étais vraiment déchirée la dernière… J’avais cru te perdre pour toujours. Mais nous voici encore ensemble. Même si on l’a acheté bourré cette pilule, c’est sûrement ce qu’il nous fallait pour se retrouver… »

Je lève nos mains vers le ciel bleu, mais j’éprouve une drôle de sensation dans tout le corps comme s’il ne me répondait plus à cent pour cent. Serais-je en train de me réveiller? Je dois me dépêcher alors!

« Merci d’être toujours là, Aslander, mon ami. »

Tout devient noir autour de moi perdant ainsi ma connexion avec le monde onirique. Aslander ne m’apparait plus et j’émerge doucement de mes songes dans le monde physique.