Tous partis à Grand Port (vous choisirez la raison qui vous conviendra), le hasard fait que vous vous retrouvez tous les trois dans le même bain du SPA de la cité portuaire. Mais alors que la vapeur d'eau chaude envahit l'espace, quelque chose vous fait tourner la tête…
Lorsque cela cesse, vous n'avez plus pieds dans ce grand bassin… Vous voilà revenu à l'âge de 5 ans avec la conscience de cet âge et aucun souvenir de votre passé a un âge plus avancé.
C'était donc en boitant que la créature se rendait aux bains pour divers motifs. En premier lieu, c'était par pur professionnalisme que Khepra effectuait cette petite virée au spa. On lui avait confié un contrat d'assassinat avec de conséquentes précisions quant aux habitudes de sa cible. Gros bonhomme peu méfiant malgré sa richesse, ce nobliau ne méritait probablement pas d'être brutalement poignardé par un mort-vivant, mais son sort semblait déjà scellé et Khepra avait déjà bien trop à penser pour s'encombrer de remords mal placés.
Enfin arrivé à bon port, la chose inspecta un instant la devanture de l'établissement dédié au bien-être et se remémora les temps anciens où il pouvait profiter de la douce chaleur des eaux, non pas pour nettoyer les cadavres et masquer les odeurs que la décomposition créaient inexorablement mais bel et bien pour le plaisir des sensations suscitées par la baignade. Sous son masque de chair encore passablement fraîche, le zombie soupira et pénétra dans la bâtisse en saluant le personnel d'un signe de main. Voyant sa canne, une jeune femme bienveillante se jeta sur la nouvelle cliente, lui proposant de l'aide pour s'installer. Khepra refusa et la remercia pour la délicate attention, préférant éviter tout contact trop direct avec qui que ce soit. En plein jour, à la vue de tous, il avait plutôt intérêt à ne pas se faire remarquer.
La jeune femme ne fit pas d'histoires et se rétracta, se disant que cette nouvelle cliente avait bien du courage de vouloir se débrouiller seule malgré son handicap. Khepra lui offrit un sourire qui se voulait avenant et, s'appuyant sur son bâton, il accéda aux vestiaires et adopta un accoutrement plus adapté, à savoir une simple serviette qui recouvrait ses attraits féminins mais surtout l'immense cicatrice qu'il avait cousu à la va-vite et qui ornait le flanc de son vaisseau. Une fois dévêtu, le zombie inspecta son corps et se maudit pour la barbarie de son travail. Certes, elle s'était défendue et c'était cela qui avait grandement complexifié le meurtre, néanmoins un tueur aussi expérimenté que lui ne pouvait plus se permettre ce genre d'erreur. Il pesta et cacha l'immonde blessure sous l'épais tissu blanc puis se rendit aux bains.
Coup de chance, il était seul pour le moment. Il posa sa canne et submergea son corps d'emprunt jusqu'aux épaules, indifférent à la chaleur des eaux. Il profita de cet instant de solitude pour inspecter son enveloppe, se faisant avec amusement la réflexion qu'à force de crapahuter dans la nature, il n'aurait pas longtemps l'occasion de profiter de cette charmante apparence de petite brune au joli minois.
Une seconde personne fit alors son entrée, le tirant à ses réflexions. Chassant le sourire enjoué de son visage, le non-mort s'enfonça plus profondément dans l'eau, ne laissant apparaître que la partie supérieure de son visage. Avec un peu de bol, il aurait de quoi se rincer l’œil.
Pourquoi s'était-il aventuré aussi loin déjà? Oui, pour une demande de familier, bien sûr. Son client l'avait contacté par courrier, habitait dans le coin et voulait un familier marin, autant dire qu'il avait paru naturel à Nir de se déplacer. Vu la demande, il n'avait pas besoin d'être accompagné, il s'agissait simplement de fournir un neptuchien à une riche famille, et à assurer le minimum syndical du dressage. C'était très bien payé et facile, autant dire que le travail de Nir ici était déjà terminé. Il aurait juste à repasser une dernière fois à la demeure le lendemain pour s'assurer que tout se passait bien, prodiguer d'éventuels derniers conseils et récupérer la fin de sa paie. Il avait donc du temps de libre et avait envie d'en profiter un peu.
Ses déambulations le conduisirent devant un SPA, et il hocha les épaules. Pourquoi pas, après tout? Il n'y allait presque jamais, mais il en avait un plutôt bon souvenir. Il entra donc et se dirigea rapidement vers les bains. L'endroit proposait aussi des massages, mais sa dernière tentative montrait que bien peu de masseurs savaient correctement masser une personne avec des ailes, aussi préféra-t-il ne pas tenter sa chance. Les bains, en revanche, l'attiraient, et il se changea doucement mais sûrement avant d'entrer dans les bains, en apparence impassible mais le bout de sa queue frétillant d'impatience.
Au début, il cru l'endroit vide. Il s'installa tranquillement, prenant son temps pour s'immerger dans l'eau. Il finit néanmoins par capter le bruit de mouvements d'eau semblant trahir la présence de quelqu'un d'autre, et il aperçu alors une femme dans un coin, la tête à moitié dans l'eau. Ah, elle était peut-être gênée? C'étaient des bains mixtes, elle devait le savoir pourtant, non? Enfin, vu son attitude, Nir décida de se contenter d'un salut de la tête et alla barboter plus loin. Il s'étonnait de ne pas l'avoir entendu respirer en entrant, mais certaines personnes étaient plus discrètes que d'autres!
Il trouva un coin où se prélasser correctement. Heureusement, il y avait de la place, aussi ne se priva-t-il pas d'étirer ses ailes, profitant qu'il n'y avait presque personne pour les laisser en partie dépliées. Avec cette chaleur, il n'était pas mécontent que ses ailes mettent du temps à sécher, ça allait lui permettre de rester un peu au frais après le bain, même si l'eau était chaude!
Apaisé, Nir ne prêtait pas plus attention que ça à la jeune femme, mais ses oreilles mobiles s'agitèrent en entendant une autre personne approcher. Bah, ça ne le gênait pas, il y avait largement assez de place pour 3 dans ce bain, et même si elle était plus bavarde que sa voisine, discuter un peu ne l'empêcherait pas de se détendre.
Enfance envolée
Raina s'était levé dans la souffrance à l'auberge. Étant arrivée au début de la nuit précédente pour une histoire de commande passée par sa maîtresse. La servante avait finit par se retrouver à faire équipe avec une membre de la garde face à des hommes de mains défendant la boutique qui s'était révélée faire dans le commerce illégal. Résultat après une lutte acharnée, les deux jeunes femmes avait remporté la victoire au prix de plusieurs blessures de lames pour Khalie la fameuse garde, et quelques contusions pour la rousse dont l'une sur la jouer gauche qui avait particulièrement agacé la servante. On lui avait enseigné qu'il était inconvenant pour une femme dans une soirée noble d’apparaître avec pareil blessures au visage, même pour une servante, cela allait donc fortement affecter son travail.
L'humeur de la servante avait encore d'avantage baissé quand le médecin avait fortement déconseiller un voyage retour en bateau immédiat, l'obligeant à écrire une lettre d'excuse à sa maîtresse et prendre une chambre à l'auberge la plus proche où elle s'était avachie et avait dormit jusqu'au milieu de la journée suivante. Elle se décida finalement à sortir et retrouva en partie sa bonne humeur en achetant une brochette sur un stand près de l'auberge, elle commença à voir ça comme une congé maladie méritée après avoir protéger l'intégrité morale de Grand Port pour sa maîtresse, quelque part ce n'était pas si mal.
De bien meilleur humeur qu'au réveil, la grande rousse passa devant les bains de Grand Port. Sa famille ne s'intéressait pas assez à elle pour l'y emmener étant enfant, et elle avait été trop occupée pour s'y arrêter depuis son indépendance, c'était donc le moment où jamais de les essayer. Elle avait laissé sa hache à l'auberge, inutile de faire peur aux pauvres employées. Raina se pressa donc d'entrer et on lui indiqua le bain le moins plein.
Raina se pressa de retirer ses vêtements et rougit quelque peu. La nudité partielle des bains ne la gênait pas en tant que telle, mais en tant que jeune fille éduquée par la noblesse, montrer ses abdominaux finement sculptés par des années d’entraînement avait toujours été gênant à ses yeux. Elle secoua la tête et considéra que personne ne la reconnaîtrait ici, les autres utilisateurs du bain penseraient simplement voir une aventurière ou une garde. Forte de cette pensée, Raina enveloppa deux serviettes autour de ses formes féminines, elle aurait bien tout caché y comprit son ventre avec une seule serviette, mais son corps de descendante de pirate approchant les deux mètres ne permettrait pas une telle manipulation. Ainsi avec une serviette nouée autour de la poitrine et l'autre autour des hanches, ne cachant pas ses bleus au visage, au flanc et à la cuisse, la femme de grande taille entra avec confiance dans le bain.
Après un rapide regard, Raina confirma qu'il n'y avait bien que deux personnes. Une jeune homme à l'apparence démontrant clairement un pouvoir de transformation ou de mutation, qu'elle trouvait cependant du plus bel effet avec ses membres aux teintes rouges rappelant les cheveux de la servante. L'autre femme en revanche semblait plutôt timide. Peut être qu'elle n'était pas au courant de la mixité des bains et tentait de cacher son corps des yeux de l'homme ?
« Bonjour. »
La rousse se contenta pour l'instant de cette politesse de base à l'intention des deux autres personnes, suivit d'un sourire chaleureux. Elle ne cherchait pas particulièrement à s'en faire des amis, mais jugeait l'ambiance un peu lourde sans ce minimum d'échange. Raina haussa ensuite les épaules et commença à se laver rapidement avant de se diriger vers le bain chaud, s'adossant au bord en écartant les bras. Ces bains étaient vraiment aussi agréables qu'on le disait, elle pourrait facilement y perdre la notion du temps.
Malgré son physique de goliath, cette dernière semblait au final être la mieux éduquée du trio puisqu'elle fut la première à briser le silence pesant qui régnait dans le bain. Khepra était certes en pleine infiltration, mais se planquer sous l'eau et refuser d'adresser la parole à qui que ce soit ne lui facilitait pas forcément la tâche, cela pouvait même attirer les soupçons. Il décida donc de lui répondre mais, tête en l'air qu'il était, oublia qu'il avait la bouche sous l'eau. D'une voix trop grinçante pour correspondre à celle de son enveloppe, le mort-vivant tenta de répondre mais fut surpris par le résultat:
"Blblblblbblonjour."
Quelque peu décontenancé, il se mit à loucher et comprit la cause du problème. Effectivement, les humains éprouvaient certaines difficultés à parler sous l'eau et avaient d'ailleurs tendance à ne pas tenter l'expérience, risquant à tout moment de boire la tasse et de s'étouffer. Le Non-Mort se sentit certes un peu idiot d'avoir oublié ce petit détail mais cela avait au moins le mérite de détendre l'atmosphère.
Le trio fut alors témoin d'un phénomène étrange. Le léger voile brumeux qui s'élevait depuis la surface de l'eau s'épaissit soudainement, embaumant les lieux d'un brouillard mystique. Très interloqué par ce changement d'atmosphère, Khepra s'extirpa avec vivacité du liquide en supposant que le bain venait de changer brusquement de température par magie, bien qu'il fut incapable de ressentir un quelconque réchauffement. Les deux silhouettes de ses compagnons de baignades disparurent progressivement dans la brume et il perdit conscience.
Là où se tenait quelques instants plus tôt une jeune femme zombifiée se trouvait désormais un petit garçon brun aux yeux bleus qui, s'accrochant tant bien que mal au bord du bassin, parvint à s'extraire complètement de l'eau au prix d'un effort conséquent. Incapable de se souvenir pourquoi et comment il s'était retrouvé là, le petit bout d'homme hébété par la situation tentait vainement de chasser l'épais brouillard qui l’empêchait d'y voir clair.
Comme elle était apparue, la brume se fit de plus en plus transparente et le petit garçon fut soudain surpris par un grand bruit d'éclaboussement et de lutte aquatique. Il tourna la tête et aperçut, à l'autre bout du bassin, un autre enfant qui peinait lui aussi à sortir de l'eau. Ni une ni deux, le petit débrouillard s'élança à toute allure et manqua de peu de se casser la figure. Il fit le tour du bain en cavalant puis, une fois arrivé au niveau de l'autre mioche, il l'empoigna sous les épaules en prenant soin de ne pas abîmer les ailes duveteuses qui gesticulaient dans tous les sens. Au prix d'un effort colossal et grâce à leurs efforts combinés, ils finirent par le sortir de là.
Les deux petiots reprirent leur souffle et celui qui était venu en aide au curieux garçonnet ailé décida de se présenter en premier :
"J'm'appelle Sylvestre. Et toi c'est quoi ton nom ?"
Enfin, tant pis! Il n'allait pas la forcer si elle ne voulait pas discuter. La personne suivante fut plus expressive avec un bonjour clairement formulé, auquel il répondit cette fois oralement afin d'être sûr que son message soit bien compris. Il fut surpris par la taille de la nouvelle venue, qui était nettement plus grande que sa sœur, déjà plus grande que lui. Il fut cependant distrait par la timide qui, de timidité sans doute, oublia de sortir sa tête de l'eau avant de dire bonjour. Nir ne put qu'être impressionné de ne pas l'entendre tousser ou s'étouffer après ça.
Bon, la glace était brisée, si l'on pouvait dire, entre eux. Très bien. Maintenant, chacun semblait se détendre dans son coin sans chercher à faire plus ample connaissance, et ça lui allait très bien! Nir ne s'affola pas de voir la brume s'épaissir, il paraît que c'était normal dans les bains, parfois, avec la chaleur et les mouvements de l'air. Il redressa juste la tête en entendant quelqu'un, la timide sans doute vu l'origine du bruit - il commençait vraiment à ne plus rien y voir, c'était normal? - commencer à s'extirper du bassin, mais il n'eut pas le temps d'en penser grand chose qu'il sombrait doucement dans l'inconscience...
De l'eau! De l'eau partout!
D'instinct, Nir parvient à nager jusqu'à la surface où il tousse et crache l'eau qu'il a avalé par inadvertance. Il n'a pas le temps de se demander où il est, ce qu'il fiche là, où sont ses parents ou sa sœur. Son impératif : sortir de l'eau. Immédiatement! La brume autour de lui se dissipe et il aperçoit un rebord juste à côté de lui. Il s'en approche aussitôt et tente d'en sortir, mais ses grandes ailes maladroites et gorgées d'eau ne l'aident guère, et dans la panique, il n'arrive pas à s'en dépêtrer et à les replier correctement.
Heureusement, un autre petit garçon qu'il ne connaissait pas vint à son aide et, à eux deux, ils parvinrent à hisser Nir en sécurité hors de l'eau. Haletant, le petit Nir de 5 ans, ses oreilles félines/lupines plaquées contre son crâne pour éviter que l'eau ne rentre dedans, ses ailes couvertes de duvet juvénile encore à moitié dépliées au-dessus du bassin et sa queue s'agitant nerveusement sous l'effet du stress, une queue de fourrure rousse comme ses oreilles mais aussi pourvue de quelques plumes de duvet comme ses ailes. Avec ses cheveux trempés et plaqués contre sa tête, on discernait mieux ses cornes, qui étaient en réalités de courts bois, également présent quelques instants avant sur sa forme adulte mais cachés au milieu de ses longues mèches blondes. Une fois remis, Nir tourna ses yeux d'un bleu profond vers son... Bon, pas sauveur, il s'en serait sans doute sorti seul au bout d'un moment. Disons plutôt personne qui l'avait aidé.
- Merci! Moi c'est Niraen. Tu peux dire juste Nir, c'est plus court.
D'un regard, il ne voyait pas sa famille, et ne reconnaissait pas non plus l'endroit. Ça ne ressemblait pas du tout à là où il habitait, et il ne se souvenait pas d'être parti en voyage. Il fut néanmoins distrait par des bruits et une silhouette plus loin.
- Hé, il y a quelqu'un d'autre! Ça va? Héla-t-il de la où il était.
Il se redressa prudemment et ébroua ses ailes avant de s'approcher du troisième gamin qui partageait leur sort, espérant qu'il n'avait pas les même difficultés que lui car, même s'il savait pourtant nager, vu son expérience récente, il préférait encore éviter de retourner dans l'eau s'il pouvait...
Enfance envolée
Raina ne put s'empêcher de glousser à la réaction étrange de la femme dans le bain. Elle devait avoir une excellente capacité à respirer par le nez pour ne même pas s'être souvenue que sa bouche se trouvait sous l'eau quand elle avait tenté de répondre. Ce spectacle attira l'attention de Raina quelque peu et lui fit donc rater le mouvement de l'homme ailé. Mais elle ne s'en offusqua pas et commença à se détendre. Et en effet elle le fit, c'était incroyable à quel point ces bains faisaient des merveilles si elle avait sut elle aurait commencé à les fréquenter bien des années plus tôt. Alors que la rousse laissait sa conscience vagabonder les yeux fermés, une variation d'humidité sur son visage la fit ouvrit les yeux. Apparemment la pièce était entrain de se remplir de vapeur. La servante haussa les épaules, elle avait entendu dire qu'un peu de vapeur était parfaitement normal, elle pourra toujours s'en inquiéter si cela durait plus longtemps. Elle referma les yeux, retournant à la détente de cette cure de jouvence lâcha le bord et vogua quelque peu avec plaisir.
Raina ouvrit les yeux et regarda autour elle. S'était elle endormie ? Il n'était pas rare que la jeune noble prenne un bain par elle même étant donné le peu d'intérêt que lui portait sa famille, mais elle essayait de ne pas y passer trop longtemps, elle allait avoir des ennuies si elle était encore entrain d'utiliser le grand bain quand grand frère ou grande sœur en aurait besoin. En plus avait elle mit trop d'eau chaude ? Elle n'y voyait pas grand chose. La petite commença à nager vers le bord avec la facilité d'une enfant des îles quand elle entendit d'autres voix d'enfant.
« Qu-qui est là ? »
Raina se pressa d'atteindre le bord et enroula une serviette qu'elle avait attrapé en route autour d'elle. Alors que la brume se dissipait, elle aperçu les deux silhouettes qui venaient de parler. C'était bien deux enfants. Ils étaient d'une demi-tête plus petits qu'elle, elle estima donc qu'ils devaient avoir son age. Que faisaient-ils dans le manoir Silandin ? Ses parents avaient-ils reçu des invités sans avertir leur cadette. Ce ne serrait pas la première fois mais tout de même, pourquoi ces invités étaient ils immédiatement rentrés dans la salle de bain. Bombant le torse, la petite rouquine s'exprima fièrement, prête à défendre son territoire face aux étrangers. Elle les pointa du doigt avec fierté et s'exprima.
« Je suis Raina de la famille Silandin, donnez moi vos noms et la raison de votre présence ! »
La rousse voulu enchaîner, dire que si elle n'était pas satisfaite elle allait appeler les servantes voir les gardes du manoir. Mais avant cela elle remarqua un petit détail qui l'avait éludé jusque là. Elle n'était absolument pas dans la salle de bain de sa famille. Elle le voyait bien mieux sans brume, mais en dehors du similaire grand bassin les deux pièces n'avaient symétriquement rien à voir. Elle n'était par certaine de ce que cet endroit pouvait être, cela ressemblait à une salle de bain de noble en proportion, mais semblait avoir été optimisé pour une dizaine de personnes à la fois. En tout cas elle n'était pas chez elle et venait tout de même de gronder les deux jeunes garçons dont elle n'avait même pas encore réussit à distinguer les détails.
Le visage de la petite fille vira à un rouge similaire à celui de ses cheveux longs. Son premier réflexe fut de se couvrir le visage de honte pour se soustraire du regard probablement circonspect des deux jeunes garçons. Elle fut cependant forcée de se reprendre, si ce n'était pas des nobles, tout n'était pas perdu ! Oui voilà, elle pouvait garder sa dignitié ! Il suffisait de la jouer finement, comme les précepteurs l'avaient dit ! La petite fille reprit alors une posture assurée, et tenta sur un autre ton.
« Ahem enfin, évidement, il faut...em...donner son nom en présence d'une dame ! »
Convaincue d'avoir parfaitement donné le change. Raina hocha la tête, approuvant son propre choix avant de fixer à nouveau le petit garçon brin et celui aux airs d’oisillon. Ils devaient sûrement être sans voix devant une telle aura de noblesse, qui pourrait les en blâmer ?
"Salut Nir. Elles sont trop rigolotes tes ailes."
Il gloussa sincèrement, encore étranger au simple concept de la moquerie. Ce faisant, il inspecta impunément les curieux appendices qui ornaient le corps de celui qu'il considérait déjà comme un nouvel ami, dans son innocence et sa naïveté. Incapable d'identifier la bizarrerie de la situation, il n'eut pas l'occasion de s'en soucier davantage car ils furent tous deux tirés à leurs introductions par l'entrée en scène d'une troisième protagoniste.
Une fille, plus imposante qu'eux, les pointa du doigt avec autorité et leur ordonna de décliner leurs identités. Sylvestre, interloqué par la sévérité de la fillette, troqua son sourire avenant pour une mine décrivant son incompréhension. Il inspecta à nouveau les lieux et réalisa aussitôt à quel point ils lui étaient étrangers. Avait-il fait une bêtise ? S'était-il encore retrouvé dans un territoire interdit d'accès ? Sa mémoire était brouillée, mais la crainte de la punition le poussa à l'honnêteté :
"Moi c'est Sylvestre de... de la famille rien du tout. Sylvestre de la Capitale."
Il n'était pas convaincu par sa réponse mais avait voulu se présenter avec autant de classe que son interlocutrice. Ca en jetait pas mal de dire "de la Famille Silandin", à bien y songer. La petite dame se cacha alors étrangement le visage et se mit à rougir comme un pivoine. Intrigué, Sylvestre se persuada que c'était un truc de la noblesse et passa à autre chose, nullement démonté malgré ses doutes et multiples questions :
"Tu sais où on est Raina de la famille Silandin ? Je crois qu'on s'est perdus avec mon copain Nir de la famille de je sais pas."
Il était certes curieux que le petit Sylvestre ne ressente aucune angoisse à l'idée de se retrouver dans un lieu parfaitement inconnu sans souvenir d'y être entré, mais ce dernier avait déjà subi bien pire situation malgré son jeune âge et n'était pas effrayé aisément. Précautionneusement, il inspecta son environnement pour en découvrir le contenu et confirma ne jamais y avoir mis les pieds. Il espérait toujours ne pas être puni par les fidèles de l'Eglise quand il rentrerait à bon port, mais comptait surtout profiter de ces nouvelles rencontres avant toute chose.
Il le remercia, mais son remerciement fut en partie coupé par une question effrayée. Lorsqu'il ce fut approché de l'inconnue - se rappelant juste à temps de sa serviette et se hâtant de la récupérer et de la remettre, l'ayant à moitié perdu en sortant de l'eau - il distingua avec surprise une gamine plus grande qu'eux - plus âgée du coup, sans doute - qui se présenta à eux avec un air impérieux.
Nir adopta aussitôt une mine tout aussi perdue que celle de son voisin. Il n'avait jamais été confronté à ce type d'attitude et ne savait pas ce qu'elle voulait dire ni comment réagir. Voyant Sylvestre se présenter, il décida de faire de même.
- Moi c'est Niraen Thrani! Mais Thrani c'est la famille du côté de ma maman. Du côté de mon papa son nom de famille c'est Kenre. Et, euh... Je suis de Litlan. Enchanté!
Son camarade le devança en demandant où ils étaient, et après un rapide regard autour de lui, Nir se rendit compte qu'en effet, il ignorait où il se trouvait. Il s'approcha de la sortie du bain, intrigué, avant de se tourner vers les deux autres, en particulier Raina vu qu'elle avait l'air d'être la moins perdue du lot, encore que vu la teinte rouge qu'elle venait de prendre il ne savait plus trop quoi penser.
- Ben faut dire son nom aux gens qu'on connaît pas non? Pour faire connaissance! Et sinon vous avez pas vu ma sœur et mes parents?
Peut-être qu'ils étaient parti en voyage. C'était rare, ses parents les considéraient lui et sa sœur comme encore trop jeunes pour ça, mais c'était pas impossible, et ça expliquerait pourquoi il ne reconnaissait pas l'endroit! Moins pourquoi il ne se souvenait de rien, mais il était sûr que sa sœur devait être planquée quelque part, ses parents non loin, et que tout lui reviendrait en les retrouvant. Et sinon, ben ils lui raconteraient ce dont il ne se souvenait pas!
Enfance envolée
La petite fille était en réalité aussi confuse et troublée par ce lieu que les deux jeunes garçons. Mais elle ne pouvait certainement pas l'admettre après avoir lancé la conversation ainsi, que faire que faire ? Improviser ! Improviser avec confiance ! C'est comme ça que ses ancêtres pirates s'en sont toujours sorties d'après son oncle. Peut importe à quel point on est mal préparé ou perdu : il faut toujours agir comme si on savait exactement ce que l'on fait ! De plus elle venait d'apprendre deux points cruciaux : les deux autres enfants n'étaient pas des nobles et ils ne savaient pas plus qu'elle ce qu'il faisait ici. Ce qui en réalité rendait la situation bien plus difficile à gérer, mais du point de vue de l’ego de la petite rousse, c'était une grande amélioration.
« Bon dans ce cas il faut em...trouver une servante ! »
La petite fille bomba sa poitrine avec fierté pour cette idée lumineuse. Un endroit avec un aussi grand bain avait forcément des servantes d'après la logique de la petite noble, et donc il suffisait de demander à l'une d'entre elle où étaient leurs parents. Ou peut être Raina était elle venue avec son oncle ? Étant donné que ses parents ne l'emmenait jamais nul part c'était également probable. Dans tous les cas il fallait trouver une servante à qui poser les question. Raina se pressa donc vers ce qui semblait être la porte, et poussa avec la force de son petit corps pour l'ouvrir. Découvrant une autre grande pièce mystérieuse, la petite décida de se redonner confiance en elle en ordonnant les deux petits garçons.
« Venez Niraen et Sylvestre ! C'est par là ! »
Entrant dans le vestiaire, un détail attira le regard de la petite rousse. Une tenue de servante était posée dans l'un des bacs destinés aux vêtements des usagers des bains. Cela voulait bien dire qu'une servante était entrain de se baigner, mais où était elle passée ? C'était bien curieux. La noble pointa du doigt la tenue aux deux autres espérant secrètement qu'ils auraient une meilleur idée.
« Voilà ! Il faut trouver la personne a qui est ce vêtement ! »
Sans savoir qu'elle pointait sa propre tenue. Raina la montra aux deux roturiers supposant qu'ils ne savaient probablement pas à quoi ressemblait une servante. Mais bien entendu ce qu'elle ne savait pas c'était qu'elle ne risquait pas de trouver la propriétaire du vêtement tant qu'elle n'aurait pas retrouvé sa forme normale.
"Je sais pas trop Nir. En même temps je sais pas à quoi ils ressemblent tes parents !"
Les deux petits garçons avaient apparemment bien fait de s'en remettre à Raina pour comprendre la situation car cette dernière semblait déjà avoir trouvé une idée convaincante pour déceler quelques indices. Trouver une servante, disait-elle ? Cela semblait farfelu mais après tout, Sylvestre n'avait pas beaucoup mieux en réserve. Le trio de marmots partit donc en exploration, suivant le commandement de la fillette qui paraissait plus dégourdie qu'eux. Raina repoussa la porte imposante et accéda en première à ce qui semblait être des vestiaires.
Raina se mit à fouiller les bacs à vêtements et le petit Sylvestre décida d'en faire de même. Il savait qu'il n'avait pas le droit de toucher aux affaires des adultes, encore moins en leur absence, mais il avait pris ce mauvais réflexe depuis peu et plongea donc ses mains dans les poches d'un manteau usé qui traînait là. Le gamin fut alors frappé par l'odeur du tissu et esquissa un léger mouvement de recul. Il ne reconnaissait pas ce parfum désagréable mais elle le dégoûtait au plus haut point.
"Berrrrk... Ca sent pas bon. Ca doit pas être la robe d'une servante, ça c'est sûr !"
Ses souvenirs verrouillés l'empêchaient de réaliser que les haillons à la fragrance détestable n'étaient autres que ses propres habits. Leur contact n'éveilla pas en lui la moindre mémoire mais eut cependant l'effet de déclencher un inexplicable malaise chez l'enfant. Il tritura quelques poches et étuis et à force, il finit par y trouver un objet plutôt intéressant. Il dévoila alors une dague dorée aux finitions originales. Si le manche était somptueux, la lame était quant à elle négligée et tâchée de pourpre. Sylvestre se risqua à renifler l'arme et la puissante odeur qui lui parvint le mit instantanément dans un état de nausée. Il planqua maladroitement la dague où il l'avait trouvée et décida de ne plus y toucher.
"Je veux rentrer à l'Eglise, j'aime pas quand je sais pas où je suis et j'aime pas trop cet endroit..."
Sans trop en comprendre la raison, le garçonnet se sentait pris d'un malaise important depuis la découverte du vêtement malodorant. Il se frotta les yeux à l'aide de ses poings, affichant une grimace de mécontentement. Lui qui était si enjoué quelques minutes plus tôt avait désormais un peu envie de pleurer et le fait de ne pas savoir pourquoi n'y arrangeait rien. Raina le tira à ses ruminations en portant leur attention sur un habit en bien meilleur état. Selon elle, il s'agissait bel et bien de la robe d'une servante. D'un ton un peu pleurnichard, il répondit :
"Raina, je crois que j'ai fait une bêtise et que j'ai pas l'droit d'être là... Mais là j'ai peur et je préfère aller voir un adulte alors je te suis, on va trouver ta servante."
Sans même y faire attention, Sylvestre se posta au flanc de la fillette et s'accrocha fébrilement à son bras tandis que sa main libre frottait nerveusement l'un de ses yeux. Il ne voulait pas se mettre à chouiner devant ses deux nouveaux copains mais la situation commençait sérieusement à le faire paniquer.
En tout cas il n'eut pas le temps de demander si l'un d'eux se souvenait comment ils étaient arrivés là ni s'ils avaient vu quelqu'un que Raina les traînait dans la pièce suivante où, assez logiquement, se trouvaient des paniers pour se changer. Les deux autres s'étaient déjà intéressés à des paniers remplis, alors il alla voir le dernier qui semblait contenir des affaires, et il eu tôt fait d'être surpris de ses découvertes.
En effet, le style vestimentaire était celui de sa famille, et les outils dans la besace semblable à ceux de sa mère, mais il y avait des plumes rousses qui traînaient, et une fente dans le haut des vêtements, comme adapté à ses ailes. C'était... Vraiment curieux. Il était le seul dans sa famille, et même dans tous les villages, à avoir des ailes, qui plus est rousses. Ses affaires pourraient parfaitement lui convenir une fois adulte. Mais... Quelque chose le titillait.
Il regarda les autres paniers. Tous vide, en dehors des trois qu'il avait examiné avec ses deux nouveaux camarades. Il se gratta la joue. Il y avait quelque chose à déduire de tout ça, il en était sûr. Il essaya de faire travailler son imagination. Qu'est-ce que ça pouvait signifier?
Il se retourna, remarquant Sylvestre mal à l'aise et s'approcha pour le tapoter maladroitement pour le rassurer.
- T'inquiète pas, je suis sûr que ça va aller! Tu as pas reconnu les affaires là bas, tu es sûr?
Il observa la tenue dont Raina avait parlé, puis s'approcha de la tenue qu'avait observé Sylvestre, curieux. Il repéra aussitôt l'odeur mentionnée, et plissa le nez. Il connaissait cette odeur, il n'avait sentie en suivant sa mère au travail.
- Elles sont bizarre ces affaires, elles sentent la mort on dirait.
Il n'osa pas trop fouiller. Autant la tenue avec les plumes appartenait peut-être à quelqu'un qu'il connaissait, autant ces tenues là ne lui disaient rien, il évita donc de trop toucher. Il retourna près des deux autres, essayant à la fois de réfléchir à ce qu'il avait trouvé et de regarder la pièce pour voir s'il n'avait pas raté quelque chose, mais il avait l'impression que les rouages de son cerveau tournaient à vide, et ça le fatiguait. Il demanda donc aux deux autres :
- La tenue de la servante, c'est pas la personne avec qui tu es venue Raina par exemple? Demanda-t-il. Et toi Sylvestre, la tenue là, ça pourrait pas être, je sais pas, celle de quelqu'un de l’Église dont tu as parlé? Parce qu'on était que trois, et y'a trois tenues. Je sais pas où sont les nôtres par contre. En plus celle que j'ai trouvée est bizarre, on dirait qu'elle est adaptée pour quelqu'un qui a une queue et des ailes roux comme moi, mais en adulte, et y'a personne comme ça dans ma famille ni mon village...
L'idée selon laquelle les tenues étaient celles de leur accompagnateurs lui avaient paru bonne au départ, mais il avait oublié les particularités de celle qu'il avait observée en détail. Du coup, il était beaucoup moins sûr de lui. Si c'était ça, où était sa sœur, et pourquoi aucune de ces personnes n'étaient là? Et surtout...
- Mais au fait... Raina, tu te souviens pas toi comment tu es arrivée ici?
Enfance envolée
La petite noble était fière que son plan semblait bien se dérouler en apparence, en effet si il y avait des vêtements de servantes ici c'est que l'une d'entre elles ne devait pas être bien loin. De là à savoir exactement où par contre, cela redevenait plus compliqué. Puisque ses vêtements étaient là, cela devait vouloir dire que la servante était dans le bain non ? Alors pourquoi n'y avait(il que des enfants dans la pièce ? Répondre à cette énigme était équivalent à trouver la fameuse servante et donc pouvoir parler à une adulte responsable ! Du moins d'après l'analyse de la petite fille. Cependant avant qu'elle ne puisse trouver de réponse à ces questions elle fut interrompue par les autres enfants découvrant d'autres vêtements. Elle s’approcha, intriguée, mais se boucha rapidement le nez après être passée à portée de la tenue indiquée par le petit Sylvestre.
« Pouah...ces guenilles sentent plus mauvais que les entrailles de poissons, ne touche pas à ça... »
Ordonna-t-elle avec l'instinct de ceux habitués à l'autorité. Nir le décrit encore mieux : la mort, ça sentait la mort. Le terme fit frémir la petite fille, il était même étrange qu'un enfant de son âge puisse reconnaître une telle odeur si simplement, mais la petite rousse ne le releva pas. En revanche elle releva l'inquiétude et la panique du petit Sylvestre. Voulant le rassurer elle tenta de retrouver ses moyens et reprendre le contrôle de la situation. Une idée une idée...si les vêtements de la servante étaient là mais qu'elle n'était pas dans le bain avec eux. Oui ! Le bain des servantes !
« Il y a probablement un bain moins luxueux pour les servantes à proximité ! »
S'exclama-t-elle avec énergie. Cela faisait sens, il était rare que les servantes se baignent dans les mêmes baignoires luxueuses que leurs maîtres, elle était donc peut être dans une pièce proche. Raina était confiante en cette théorie, mais le petit garçon ailé vint immédiatement la faire doûter avec sa propre analyse de la situation. C'était vrai...ou étaient leurs vêtements ? Pourquoi y avait-t-il trois vêtements, le même nombres qu'eux. Et surtout un vêtements qui semblait être fait pour le petit garçon ailé mais bien trop grand ? Raina était confuse, elle ne savait plus à quoi s'en tenir. Elle avait tenté de prétendre avoir le contrôle de la situation, mais devant l’insistance de Nir et sa dernière question, la petite noble fut obligée de baisser la tête en agrippant sa serviette en signe de stress.
« Je...ne m'en souvient pas...magie peut être ? »
Fut la seule réponse qu'elle pût improviser en baissant les épaules avec une mine boudeuse de vaincue. Elle aurait voulue pouvoir aider d'avantage, mais elle devait bien l'admettre, cette situation était aussi confuse ou peut être plus pour elle que pour eux.
"Je sais pas trop... peut-être."
La magie affectant sa mémoire ainsi que son apparence semblait perdre en intensité, provoquant chez lui un trouble conséquent à la simple vue de ses possessions. Son esprit d'enfant innocent, imperméable à la folie et à la violence qui étaient pourtant siennes, parvenait encore à chasser l'infâme vérité de ce qu'il était devenu, à l'âge adulte et au delà. Une exclamation de la part de Raina finit tout de même par l'extirper à cette hypnose curieuse mêlant diverses temporalités et ses yeux devenus vitreux s'illuminèrent subitement. Des bains moins luxueux ? Des servantes ?
"Tu as raison Raina ! On doit se dépêcher."
Tout en gardant l'oreille tendue pour écouter les énonciations d'hypothèse de ses compagnons, le petit bout d'homme lâcha soudain le bras de Raina et resserra encore un peu sa serviette avant de se diriger prestement vers la porte d'entrée des vestiaires. Il posa une main sur la porte coulissante qu'il fit glisser au prix d'un certain effort, n'étant pas aussi costaud que la fillette qui l'accompagnait. Une fois la voie ouverte, il s'aventura avec empressement dans l'accueil qu'il avait traversé sans le savoir quelques minutes plus tôt. Il ne reconnut évidemment pas l'environnement et encore moins la jeune femme attablée derrière un comptoir, le nez rivé sur ses documents administratifs.
"Madame ?"
Sans une once de timidité, il s'était avancé jusqu'à elle, trop heureux de découvrir une adulte qui pourrait éventuellement l'aider à retrouver le chemin de l'Eglise. La demoiselle leva la tête et son visage trahit immédiatement une certaine incompréhension. De là où trois clients avaient pénétré seulement quelques minutes plus tôt, trois marmots venaient de ressortir, vêtus simplement de serviettes qu'ils fournissaient usuellement à leurs usagers. Elle se leva brusquement, observant le petit garçon qui s'était adressé à elle. Sans lui répondre, elle contourna son comptoir et se rapprocha du trio, découvrant alors toute la bizarrerie de la situation. Non seulement ses trois clients avaient disparu mais deux des mioches ressemblaient à s'y méprendre à des versions miniatures de ces fameux clients ! Celui qui s'était adressé à elle n'avait rien de la femme handicapée qui manquait à l'appel, mais l'étrangeté de la situation n'en était pas moindre pour autant.
"Que..."
Bafouilla-t-elle en esquivant le trio avant de se rendre aux bains. Elle n'y trouva évidemment pas les trois adultes volatilisés et émit l'hypothèse qui lui semblait la plus naturelle, en vue des récents événements curieux dont elle avait été témoin. Elle retourna près de la brochette d'enfants et s'agenouilla à leur niveau, les observant tous les trois comme des bêtes curieuses.
"C'est... c'est vous ?"
La question ne trouva évidemment pas de réponse immédiate car les trois petits, privés de leurs souvenirs d'adultes, étaient tout aussi confus si ce n'était plus. Sylvestre fut le premier à engager la conversation, ignorant passablement l'interrogation invraisemblable de la dame qui le dévisageait si ouvertement.
"Heu... je sais pas si c'est nous. En fait on a fait une bêtise pasqu'on sait pas où on est mais en fait Raina elle a dit que les bains des serveuses étaient pas loin alors qu'en fait il fallait qu'on y aille parce que si y'a les vêtements des serveuses qui sentent bons c'est qu'elles sont là mais on sait pasque y'a aussi des vêtements qui sentent moins bon. Vous savez où est l'Eglise madame s'il vous plait merci ?"
Cinq ans ET DEMI, tout de même.
L'idée de Raina selon laquelle les gens à qui étaient ces affaires puissent être dans un autre bain doucha ses certitudes. Est-ce qu'ils avaient juste mis leurs affaires ailleurs et s'étaient trompés de bain? Mais les adultes, eux, ne se seraient pas trompés, si? Il regarda autour de lui mais ne voyait pas d'accès à d'autres bains.
Raina fini par avouer timidement ne pas savoir non plus, et Nir hocha la tête. Il ne savait pas grand chose de la magie, mais il était sûr que ça pouvait expliquer tous ces évènements bizarre! Ou bien des plantes. Il savait que certaines des plantes que récoltait sa mère pouvaient avoir plein d'effets différents, il était sûr que certaines pouvaient donner des trous de mémoire ou donner des hallucinations! La question, maintenant, c'était de trouver ce qui les avais affectés et, si c'était volontaire, pourquoi. Dans tous les cas, il leur fallait un remède! Peut-être que ça l'aiderait à retrouver sa famille!
Sauf qu'il n'avait rien remarqué de spécial dans les environs, que se soit en terme de plantes ou d'objets inhabituels. Il suivit donc Sylvestre, perplexe, pendant que ce dernier semblait tout enthousiasmé par l'hypothèse des autres bains de Raina.
Bon, de toute façon ils allaient bien finir par tomber sur quelqu'un qui pourrait les aider non? Il suivit donc le mouvement et ne manqua pas la surprise de l'employée à qui son camarade s'adressa. Il faut dire que Nir était tout particulièrement reconnaissable avec son hybridation, et Raina avait aussi des traits caractéristiques plutôt marquants. Elle eu une réaction un peu différente envers Sylvestre, mais elle se précipita aussitôt dans les bains sous le regard perplexe des enfants avant de revenir se planter devant eux, stupéfaite.
"C'est... c'est vous ?"
Tout ça n'aidait pas vraiment Nir. Hélas pour lui, la réponse de Sylvestre ne fit qu'ajouter à la confusion de la pauvre employée, guère habituée à ce genre d'évènements et trop méconnaissante des magies et potion pouvant avoir cet effet pour comprendre ce qui se passait. L'hybride ajouta donc :
- Ben on peut pas être quelqu'un d'autre que nous même non? Vous avez pas vu mes parents? Et ma sœur?
L'employée resta sans voix quelques secondes, bouche bée tel un poisson hors de l'eau avant d'enfin balbutier :
Il... Vous êtes les seuls clients à être entrés dans ce bain. Mais vous... Si c'est bien vous, vous étiez adultes en arrivant tout à l'heure... Mais comment... Vous... Vous ne vous souvenez de rien?
Cela fit aussitôt tilt chez Nir, qui n'eut besoin que de quelques secondes pour appréhender ce que l'employée venait de dire, lui qui était déjà proche de la solution - il réfléchissait trop ce gamin, que voulez-vous - et il ouvrit de grand yeux tout excités.
- Ça veut dire qu'on a rajeunit?! J'avais presque raison alors, les vêtements étaient ceux des gens qui nous ont accompagné ici puisque c'est nous! Mais euh, on fait comment pour redevenir comme avant? Et pourquoi on est redevenu petit? Moi je me souviens pas d'être arrivé ici, ni d'avoir été grand. Mais je me souviens de ma famille et de mon nom et tout. Et d'ailleurs, je crois que ma maman m'avait parlé d'une potion qui pouvait faire ça, mais, euh... Je me souviens plus du nom...
L'enthousiasme d'avoir trouvé une hypothèse concernant ce qui leur était arrivé fut rapidement remplacée par d'autres questions et une certaine angoisse. Qu'est-ce qu'il allait faire seul sans sa famille s'il restait comme ça? Si c'était une potion qui avait fait ça, qui l'avait versée dans le bain, et pourquoi? Et surtout, quelle potion, lui qui était incapable de se souvenir du nom? Est-ce qu'il ne confondait pas ça avec les histoires qu'elle lui racontait parfois?
Nir se gratta la tête, perdu dans ses réflexions, et adressa un regard perdu à ses compagnons tandis que l'employée essayait de se remettre de ses émotions et de comprendre ce que Nir avait répondu.
Bon, ils n'étaient pas tout à fait tirés d'affaire, mais ils avaient trouvé un adulte maintenant, donc ça devrait aller, non?
Enfance envolée
Malgré l'évidente confusion de la petite rousse, Sylvestre semblait continuer de vouloir croire en sa théorie et ouvrit rapidement la porte pour partir à la recherche du fameux bain des servantes. Et se jeta à pleine vitesse dans le couloir, la rousse, poussée par son sens des responsabilités, le suivit immédiatement, abandonnant les vêtements mystérieux. En continuant à la poursuite du garçon étant passé de timide à motivé, probablement à cause du stress, raina n'eut gère le temps de bien observer l'étrange bâtiment qui ne ressemblait vraiment pas à une demeure normale. Encore moins cette dernière pièce qui ressemblait vaguement à l'entrée de son manoir mais tout de même étrange. Mais encore une fois, pas le temps de se poser des questions, une jeune femme était là. Raina fut surprise, elle ne ressemblait pas à une servante, ou au moins elle n'avait pas la tenue appropriée. Cependant elle se comportait plus ou moins comme telle alors cela restait une piste qui valait la peine d'être tentée.
« C'est... c'est vous ? »
Nous ? Comment cela ? Donc elle avait déjà vu les enfants ? La piste était donc bonne, Raina aurait sauté de joie si l'intonation de la jeune femme ne lui avait pas donné un mauvais pressentiment. Et en effet après quelques mots erratiques de Sylvestre, elle finit par s'exprimer. Et ajouta donc.
« Il... Vous êtes les seuls clients à être entrés dans ce bain. Mais vous... Si c'est bien vous, vous étiez adultes en arrivant tout à l'heure... Mais comment... Vous... Vous ne vous souvenez de rien? »
Comment ? Quoi ? La petite fille était à nouveau confuse au plus haut point. Alors que le petit garçon ailé était déjà entrain d'assembler les pièces du puzzle, ajoutant de nouvelles informations, certes pertinente mais surchargeant l'esprit de la petite fille. Raina resta quelque instant suspendue par le choc. Elle venait d'apprendre qu'elle était déjà adulte ! Des milliers de questions lui venaient. Avait elle réussit à impressionner ses parents ? Avait elle été fiancée à un noble du continent comme sa grande sœur ? Avait elle même eu des enfants ? Et puis pourquoi était elle venue seule sans escorte ni servantes alors si elle était vraiment une noble dame maintenant ? Ou alors sa servante était celle à qui appartenait cette tenue qu'elle avait vu ?
Se rappelant de l'un des conseils de son oncle, Raina ferma les yeux et se donna une série de petite tapes sèches sur les joues pour reprendre son calme. Elle ne devait pas paniquer, elle était une adulte...apparemment, elle devait se montrer encore plus raisonnable. Cependant, même après avoir remit de l'ordre dans ses pensées, une question lui parut tout de même valoir la peine d'être posée.
« Mais alors...laquelle de ces tenues était à moi ? »
L'employée, comme beaucoup de monde, n'eu aucun mal à se souvenir de l'allure singulière de la rousse et put donc répondre sans trop d'hésitation.
« La tenue de servante mada...mademoiselle. »
Raina fut muettes pendant plusieurs seconde. Elle une servante ? C'était ridicule, saugrenue, ses parents ne lui donnait pas tant d'importance mais tout de même, qu'est ce qui avait pu se passer pour qu'elle en arrive là ? Et pourtant...pourquoi dans son cœur cette pensée ne lui était...pas si étrangère, presque chaleureuse. Comme si son esprit avait oublié quelque chose, mais que son corps se souvenait encore de la sensation de satisfaction et de fierté que lui procurait son travail actuel. Une sensation acquise après des années d'efforts acharnées, que l'enfant ne pouvait pas encore comprendre. Raina ayant pour de bon retrouvée son calme, se retourna vers l'adulte de la pièce.
« Bien donc, si c'est bien une potion, il nous faudrait une pièce où attendre la fin de la potion s'il vous plaît madame ! »
La rousse s'inclina poliment, ce qui sembla aider l'employée à elle même si retrouver grâce à cette demande raisonnable et simple. Le genre de bon sens basique de servante qui semblait lentement revenir à l'esprit de la rousse maintenant qu'elle avait accepté son futur. La jeune femme chercha donc une pièce pour permettre au enfant de rester tranquilles en attendant la fin de l'effet.
Raina demanda à la membre du personnel de leur trouver une pièce et ce fut dans la plus totale angoisse que Sylvestre se contenta de suivre le mouvement, accroché au bras de la petite fille qui les avait guidé tant bien que mal durant cette courte mésaventure. Il visualisa mentalement le poignard ensanglanté à la garde dorée tandis que des images cauchemardesques emplissaient son esprit et le privait peu à peu de son innocence éphémère.
Quelques minutes passèrent et malgré les joviales interventions des bambins qui l'entouraient, il ne parvenait pas à trouver un aspect positif à la terrible transformation qu'il s'apprêtait à vivre. Il se mit à pleurer à chaudes larmes, les genoux relevés contre son visage qui bientôt, ne tarderait pas à redevenir celui de l'effroyable bête en guenilles. Il profita de son dernier instant sous cette forme pour prendre la parole entre deux sanglots, justifiant difficilement son soudain effondrement émotionnel :
"En fait je suis tout triste pasque je pense qu'on aurait tous pu devenir des super copains si j'avais pas été un monstre qui pue. Mais maint'nant c'est trop tard alors du coup je voulais vous dire que...
_
Subitement, une épaisse vapeur se mit à s'échapper de son petit corps. Elle l'enveloppa entièrement et Sylvestre disparut pour de bon dans un amas brumeux. La fumée se dissipa rapidement, dévoilant la silhouette de la femme dont il avait volé l'apparence. La créature se dressa brusquement, quittant son assise avec empressement dans un sursaut de panique. L'enfant en lui s'était éteint, mais les souvenirs de la mésaventure étaient toujours présents. Avec effarement, la chose jeta des regards angoissés aux deux autres protagonistes qui reprenaient peu à peu leur forme d'origine. De stupeur, elle manqua de faire tomber la serviette qui couvrait son corps et la rattrapa à la dernière seconde, révélant bien malgré elle l'immense plaie cousue qui avait causé la mort initiale de son enveloppe. Affolée par le bruit, la femme de l'accueil vint à leur rencontre et tâcha de s'expliquer du mieux qu'elle le pouvait.
"Madame ! Tout va bien ! Vous avez été victime d'une potion de jouvence et..."
"Mais pousse-toi de là ! Dégage d'ici !"
En boitant avec empressement, le non-mort en état de panique s'enfuit de la pièce en bousculant violemment la demoiselle qui laissa échapper un cri de stupeur face à cette brutalité dont elle ne comprenait pas l'origine. Dans la panique, le monstre n'était pas parvenu à garder le contrôle des cordes vocales de son enveloppe et ses ordres avaient donc été prononcés d'une voix caverneuse et métallique, bien différente de celle que ses deux compères avaient entendu auparavant. Tremblante de peur, elle suivit timidement Khepra qui filait en direction des vestiaires et balbutia des excuses :
"Je suis profondément désolée madame. Les services seront fournis par la maison pour vous dédommager. Je ne sais pas comment c'est arrivé, notre eau est pourtant..."
"Ferme la ! Ne m'adresse pas la parole !"
Dans une colère noire, le zombie laissa sa rage s'exprimer dans ce puissant éclat de voix et jeta un regard assassin à la pauvre demoiselle tout en jetant sa serviette au visage de la pauvre fille qui battit en retraite face à tant de violence. Khepra se prit les pieds dans le banc, chuta à deux reprises et parvint tant bien que mal à enfin sa tenue taillée en pièces. Il s'assura d'y retrouver ses armes et son équipement puis fit volte-face et s'éclipsa, n'accordant aux trois individus qu'une ultime œillade meurtrière avant de disparaître d'une démarche claudicante. Il quitta les bains, haletant malgré son absence de poumons fonctionnels.
Quelques centaines de mètres plus loin, la créature vint s'écrouler dans l'ombre d'une ruelle, à moitié nue et en proie à la plus totale folie. Elle hurla, mêlant la voix de son hôte à ses propres grognements monstrueux alors qu'elle tentait tant bien que mal de reprendre son calme. La chaleur de l'eau, les parfums, le contact du tissu contre son corps, son innocence... Tous les souvenirs encore extrêmement vifs de ses sensations perdues durant un siècle semblaient bien trop à endurer.
La crise s'acheva enfin mais pas la mémoire de l'expérience trop brève d'une vie fugacement retrouvée pour être volée à nouveau. Cela l'emplit d'une colère sourde telle qu'il n'avait pas connu depuis bien longtemps et ce fut dans cet état déplorable qu'il quitta la ruelle en prenant appui sur le mur.
Il lui en fallait plus, il avait besoin de retrouver sa véritable chair.
Il avait donc le futur le plus attendu et le plus prévisible des trois. Rien ne le surprenait vraiment dans ce qu'il avait vu de ses affaires, si ce n'est l'absence de sa sœur à ses côtés. Étant jumeaux, ils étaient presque toujours ensemble, en tout cas à l'âge dont il avait les souvenirs, mais ils avaient sans doute apprit à être un peu plus indépendants en grandissant... Ou alors elle était là, quelque part dans la ville, partie faire autre chose? Et ses parents? L'endroit n'avait clairement rien à voir avec son village, c'était donc sans doute assez loin, donc au moins son père avait du rester pour s'occuper de son élevage.
Tout ça n'avait rien de bien surprenant. Raina semblait surprise par contre d'apprendre que les vêtements de servante étaient les siens. Vu son attitude, sûrement qu'elle était noble ou quelque chose comme ça. Nir en avait trop peu côtoyé pour les reconnaître rapidement, surtout enfants. Du coup oui, ça devait lui faire bizarre, mais elle sembla s'y faire assez vite.
Non, celui qui l'intriguait le plus, c'était Sylvestre. Si chaque tenue correspondait à l'un d'eux, alors il ne lui restait que les vêtements sentant la mort, et ça ne pouvait pas être bon signe... Même quand on travaille à s'occuper des cadavres, on ne sent pas autant, si? L'intéressé devait penser à peu près la même chose, vu son expression, et Nir ne pouvait que le comprendre.
Raina eu la présence d'esprit de demander à ce qu'on leur prête une salle pour attendre de redevenir adulte. Ils avaient commencé ça ensemble, naturellement ils finirent ensemble, attendant que les effets de la potion se dissipent. Nir était un peu rassuré à l'idée que ça allait disparaître tout seul. Il voulu poser des questions aux autres sur eux, curieux, mais il n'eut pas le loisir de pousser ses réflexions plus loin que Sylvestre éclata en sanglots. Maladroitement, Nir s'approcha de lui pour essayer de lui tapoter l'épaule pour le réconforter. La détresse de son camarade semblait si forte qu'il commença d'instinct à ronronner pour l'apaiser, et malgré sa petite taille, il réussissait à se faire entendre malgré les bruits. Avant qu'il n'ai pu demander ce qui n'allait pas, Sylvestre prit la parole, s'expliquant de lui-même, puis fut coupé par ce qui aurait pu passer pour un nuage de fumée s'il n'était pas sorti de son corps.
Nir sursauta, et trébucha en arrière alors que la même vapeur sortait de son corps. Il n'entendit jamais la fin de la phrase de Sylvestre alors qu'il retrouvait lui aussi sa forme adulte, ses plumes duveteuses laissant la place à un plumage adulte, son corps grandissant et sa mémoire lui revenant soudainement, sans pour autant oublier ce qui venait d'arriver.
Il fut aussitôt frappé par l'étrangeté de ce qui venait de se passer, en particulier quand à la place de Sylvestre, il trouva la femme qu'il avait vu en entrant dans le bain tout à l'heure, cachant une très vilaine cicatrice. De nombreuses questions se bousculèrent dans l'esprit de Nir, accompagnés d'une certitude : l'eau ne dissimulait plus l'odeur de mort qui émanait directement du corps de la femme qui lui faisait face, et le druide tout juste redevenu adulte ne savait pas quoi en penser. Un pouvoir...? Mais, dans ce cas, où était le petit garçon qu'il avait vu, et qui était cette femme?
Il n'eut pas le temps de se remettre, tout juste celui de se relever, que l'employée entra pour essayer de rassurer l'inconnue désorientée et visiblement affolée... Ce qui eu l'inverse de l'effet escompté. La... femme, donc? Réagit avec violence et une voix bien étrange tout en partant avec précipitation. Nir jeta un coup d’œil à Raina, mais sentant bien qu'ils avaient du être témoins de quelque chose qu'ils n'auraient jamais du voir, et vu la réaction de... Sylvestre, du coup, il ne se voyait pas l'appeler autrement malgré son apparence actuelle, il préféra ne pas suivre. Il semblait paniqué et acculé, et ce n'était clairement pas le moment d'insister. L'employée s'y essaya bien, mais d'ici Nir entendait la voix étrange et caverneuse l'envoyer bouler. Il finit quand même par doucement suivre le mouvement, souhaitant lui aussi récupérer ses affaires, et croisa un Sylvestre pressé qui ne leur accorda qu'un regard assassin avant de partir précipitamment, déclenchant une réaction instinctive de la part Kaetsu de Nir qui lui hérissa les poils tout en adoptant une attitude d'apaisement.
Bon... Il n'avait pas prévu que son après midi se déroulerait ainsi. Ayant encore un peu de mal à concilier ses souvenirs récents avec les anciens et sa conscience adulte, sans parler de l'attitude de leur troisième compère d'infortune, Nir se fit plus discret alors qu'il allait se changer lui aussi, sa queue s'agitant nerveusement. Son ouïe lui permit vaguement de capter ce qui ressemblait à un cri avec la voix caverneuse bizarre qu'il avait entendue, mais c'était à la limite de ce qu'il pouvait entendre, et il n'avait aucune envie de lui courir après. Il doutait que se soit une bonne idée.
L'employée, remise de ses émotions à leur sortie des vestiaires, se confondit à nouveau en excuses, leur remboursant leur entrée dans le bain et leur proposant un rafraîchissement en plus pour se faire pardonner, continuant à leur assurer ne pas savoir comment c'était arrivé. Nir, de son côté, n'avait jeté qu'un coup d’œil dans le bain pendant qu'il se rhabillait, mais il n'avait rien remarqué non plus. Ils étaient sans doute condamnés à ne jamais savoir comment c'était arrivé, et même si cela le rendait curieux, il n'avait pas très envie d'insister.
Il se tourna simplement vers Raina, la seule à ne pas être encore partie, pour essayer de la saluer d'une façon un peu plus convenable que Sylvestre ne l'avait fait.
- C'était une façon plutôt... Bizarre de se rencontrer. J'espère que l'expérience t'a moins secoué que Sylvestre...
Ah, c'était tellement bizarre comme situation! Il l'avait tutoyée sans réfléchir, car l'instant d'avant ils se parlaient avec l'innocence d'enfants, mais il aurait sans doute du la vouvoyer plutôt! Ah, il n'en savait rien! En tout cas, si elle était servante, elle était sûrement occupée et avait profité d'un moment de libre pour venir se baigner, donc...
- J'espère que le reste de la journée sera plus normal! Peut-être à une prochaine fois, lança-t-il timidement.
Ok, l'expérience ne l'avait pas traumatisé outre mesure même si c'était très étrange et que ça le travaillait encore, par contre ça l'avait rendu complètement maladapté socialement visiblement, et ça c'était chiant. Il salua donc Raina, remercia l'employée qui semblait plus détendue d'avoir affaire à des clients moins agressifs, et parti de son côté, se poser dans un endroit où, il l'espérait, il pourrait se poser sans risquer un nouvel évènement du style et où il aurait le temps de se remettre de ses émotions. Mais... Même si l'attitude de Sylvestre clamait son envie d'être seul, il ne put s'empêcher de partir du côté de l'origine du cri, cherchant dans les ruelles s'il n'arrivait pas à le croiser, même s'il ne savait pas du tout ce qu'il pourrait bien lui dire s'il arrivait à le trouver.
Enfance envolée
Raina était parvenue à retrouver son calme. Sans avoir encore récupérée ses souvenirs, elle pouvait sentir un certain confort à l'idée de retrouver sa vie d'adulte. Sa logique lui disait qu'il n'y avait que des mauvaises raisons pour elle de devenir une servante. Que cela ne pouvait que vouloir dire qu'elle avait été tant délaissée par sa famille qu'elle fut obligée de trouver un moyen de survivre par elle même. Cela impliquait qu'elle avait échouée à accomplir ce qu'elle cherchait actuellement à accomplir à savoir s'attirer l'approbation et les faveurs de ses parents, et pourtant elle ne se sentait pas mal. Son intuition, ses souvenirs enfouies lui disaient que tout allait bien, qu'elle n'avait aucun regret, qu'elle pouvait retourner dans cet avenir avec confiance. En chemin vers la salle indiquée par la seule adulte présente, raina attrapa la robe de servante et la serra contre elle, faisant attention de ne pas la laisser traîner par terre. Elle sentait à présent que cette dernière était précieuse à ses yeux, ou du moins ses futurs yeux.
Cependant maintenant que son propre état mental était stabilisé, elle put commencer à s'inquiéter pour celui des autres. Notamment celui de Sylvestre. Et en effet, avec un peu de logique Raina comprit rapidement ce qui troublait le petit garçon avant même qu'il ne commence à parler. Il n'y avait aucun doute sur le fait que les vêtements à l'odeur des plus suspectes lui appartenaient. Raina se tourna vers Sylvestre elle voulait le rassurer, mais c'est à cet instant qu'il finit par expliquer son état d'esprit en premier, malheureusement avant qu'il ne puisse finir ou être entendu la vapeur s'échappa rapidement des trois enfants à nouveau.
Alors que la rousse était encore trop confuse pour réagir, l'employée entra dans la pièce et bien malgré elle s'attira les foudre de la femme en piteux état. Mais surtout cette voix, cette voix qui aurait déjà étonnée la rousse venant d'un homme adulte alors d'une jeune femme, clairement il y avait quelque chose d'anormale. L'intuition de garde du corps de la rousse la poussait à se méfier de cette personne. Plus elle reprenait ses esprits et plus les signes ne trompait pas, un corps anormalement blessé, une odeur de morts, une arme cachée, et une attitude paniquée. Il était évident qu'un pouvoir funeste et un individu qui l'était encore plus étaient impliqués. Et pourtant...il ne faisait aucun doute que cette personne était également le petit enfant apeuré qu'elle avait tenté de rassurer quelques minutes plus tôt...
Bien entendu en retrouvant son corps adulte, Raina avait retrouvé son propre lot de blessures mais aucunes ne semblaient sérieuses en comparaison. Nir était allé se rhabiller, alors Raina fit de même, sa curiosité restant piqué au vif. Elle ne pouvait pas abandonner cette personne étrange, pas après avoir vu ce qu'elle avait été. Alors que Nir revenait la saluer, Raina lui sourit gentiment, s'être connues étant enfant rapprochait même si pour le coup les circonstances étaient un peu particulière.
« Haha, ne t'en fais pas pour moi. C'est vrai que j'ai pas mal changée, mais j'en suis fière. A la prochaine Niraen. »
La servante s'était décidée à partir à la recherche de l'étrange femme qu'était devenue Sylvestre, mais ne souhaitait pas impliquer l'homme oiseau dans cette histoire. De manière aussi triste que pratique, la recherche allait être facile, étant donné le puissant cri provenant d'une ruelle pas si éloignée des bains. Une fois sortie, la servante se mis à courir dans cette direction. Elle ne savait pas vraiment ce qu'elle ferrait une fois sur place. Mais prendre des décisions uniquement quand on est sûr de savoir ce qu'on fait c'était pour les lâches ! Que son oncle disait toujours.