Il est à peu près midi, lorsque au Grand Port, une émeute éclate proche des quais.
- Vous l'avez vu ?
- Pauvre bête, il faut appeler un médecin au plus vite !
- Encore un coup des braconniers ...
Un Darwinus Rexus, animal en voix d'extinction protégé par décret de la Reine elle-même est retrouvé blessé, les nageoires entamées par ce qui ressemble à des actes de violence gratuite. Emeor, en patrouille non-loin, tu te diriges rapidement vers les lieux du crime où la créature est à moitié sortie de l'eau, pas loin d'être agonisante. En faisant reculer la foule, tu demandes à ce que quelqu'un joigne un vétérinaire capable de venir en aide à cette créature affaiblie.
Niraen, tu te trouvais dans le coin, lors d'un de tes nombreux voyage, lorsque en approchant la scène, tu entends la voix du garde en pleine tentative de contrôler la foule. A-t-il demander un vétérinaire aussi ? Est-ce par sensibilité à la cause de cet animal ou par curiosité ? Mais tes pas t'ont menés jusqu'au devant de la scène où tu croises le regard de Emeor. Es-tu le vétérinaire qu'il attendait ?
Et des bagarres? L'hybride profitait d'un moment de libre pour se promener simplement, surveillant les échoppes à la recherche de deux trois bricoles précises, lorsqu'il remarqua du remue ménage devant lui. Qu'est-ce qui se passait? Vu l'ambiance générale, il doutait que se soit un simple spectacle improvisé. En temps normal, il aurait fait le tour ou rebroussé chemin, peu intéressé par ce genre de choses - c'était le rôle des gardes d'apaiser les incidents, même s'il n'était pas du genre à laisser faire n'importe quoi sous ses yeux non plus - mais le peu qu'il entendit le retint. Il avait l'air d'être question d'un animal blessé...
Il ne pouvait pas tourner le dos à ça. Peu lui important qu'il s'agisse d'un animal sauvage et que personne ne le paierait pour ça, il franchit la foule pour arriver à l'origine de tout ce bazar. L'hybride tournait ses oreilles mobiles pour essayer de glaner des informations, sa queue lui servant à s'équilibrer alors qu'il se frayait un chemin dans la foule, écartant volontairement un peu ses ailes pour inciter les gens à se pousser. Il vit alors un garde faire reculer la foule de badauds pour donner de l'espace à un rexus blessé à demi échoué.
La réaction du druide fut immédiate. D'une voix sèche et ferme, il demanda à ce qu'on le laisse passer, s'excusant rapidement avant de pousser fermement les gens de côté s'ils n'étaient pas assez rapides pour se décaler de son chemin, et il jeta à peine un regard au garde alors qu'il s'exclamait en passant :
- Je m'en occupe. Éloignez les curieux si vous pouvez, il a besoin d'espace.
Heureusement qu'il avait plus de diplomatie que sa sœur, elle aurait bousculé tout le monde sans scrupule et aurait eu un choix de mots beaucoup plus cru et direct... Lui-même était peut-être un peu trop rapide et franc, les gens de certaines régions étaient plus susceptibles que d'autres, mais pour l'heure, il avait d'autres préoccupations.
Il s'agenouilla près de l'animal, étendant une de ses ailes pour lui faire de l'ombre au-dessus de la partie émergée, survolant l'état de ses blessures et grimaçant. Bon, ça avait l'air léger, il pouvait s'en sortir même si les animaux marins n'étaient pas sa spécialité, mais ce n'était pas le lieu et il n'avait que le strict minimum sur lui... Ça allait être coton. Il craignait néanmoins d’aggraver les blessures de l'animal en le déplaçant, vu sa position actuelle, aussi éclaboussa-t-il toute la partie du corps qui était hors de l'eau avant de sortir son matériel de sa besace et se tourner vers le garde.
- Vous avez du matériel et une zone de soin adaptée à proximité?
Alors que le Lieutenant s'approchait, il écarta la foule de gestes amples - sans blesser par malchance un habitant - pour, enfin, témoigner de ses propres yeux de l'accident qui s'était produit. Il vit alors ce pauvre animal, blessé, agonisant tandis qu'une personne semblait d'ores et déjà prendre la situation en main. Il entendit l'ordre de ce dernier - qu'il ne connaissait guère - et sans même attendre une quelconque autre parole fit déjà une telle action ; en effet, en tant que Lieutenant, un simple citoyen - hormis si ce jeune homme s'avérait être un noble, ce dont on pouvait douter à juste titre - n'avait guère besoin de lui donner de tels ordres puisque cela ne respectait en rien la hiérarchie militaire bien stricte et froissait bien le sens aigu du protocole d'Emeor. Il donna l'ordre à ses soldats de faire reculer la foule tandis qu'il s'exécuta pour faire de même. Tant bien que mal, les habitants, les curieux s'écartèrent bien que de nombreux malotrus ne partissent point. Une fois ceci fait, le Lieutenant demande aux trois soldats de rester en place afin de contenir les élans de curiosité bien malsaine de la part de cette foule. Il s'approcha de l'homme qui s'occupait de l'animal et entendit son second ordre, sec. Il se tint droit, regardant ce énergumène. Il ne montrait rien mais luttait contre cette terrible odeur tandis que le son des vagues s'échouant contre la berge narguait ses oreilles alors que l'écume chatouillait le bord de ses yeux, attirant son regard par cette blancheur éclatante.
Il commença à nettoyer les plaies de la pauvre bête. Au moins, ça avait l'air plutôt propre, c'était toujours ça! Enfin, propre... Disons qu'il n'y avait pas l'air d'y avoir de saletés dans les plaies, l'eau en avait éliminé la plupart. De là à dire que les plaies étaient nettes, non, clairement pas. Mais la plupart ne représentaient pas de difficulté insurmontable. Le gros problème, c'est plus que Nir se sentait très peu à l'aise pour soigner un animal marin seul, sans aide de quelqu'un de plus qualifié que lui. Malgré que sa mère aussi ai plus l'habitude de créatures aériennes ou terrestres, il était sûr qu'elle saurait se débrouiller mieux que lui.
Enfin, il devrait réussir à assurer quand même! Il avait les bases et les connaissances nécessaires en principe, il manquait juste d'assurance et d'expérience... Et de matériel. Il pouvait nettoyer autant qu'il voulait, il manquait de certaines baumes spécifiques aux animaux marins, qui remplaçaient en quelque sorte les bandages plus classiques et permettaient d'éviter que l'animal ne se remette à pisser le sang en retournant dans l'eau. Or, autant la plupart des mammifères aquatiques pouvaient sortir de l'eau, autant tous ne pouvaient pas y rester très longtemps. C'était le cas du darwinus, qui même sans compter la déshydratation, allait vite souffrir de son propre poids sur la terre ferme. Nir lui faisait toujours de l'ombre avec une de ses ailes, ce qui n'était d'ailleurs ni très pratique ni très confortable pour lui, et essayait de l'arroser régulièrement, mais il ne pourrait pas faire ça indéfiniment. En entendant la question d'un des gardes demandant s'il était vétérinaire, il redressa la tête.
- En quelque sorte, mais d'habitude je ne m'occupe pas d'animaux marins. Je manque de matériel spécifique, et plus particulièrement d'onguent résistant à l'eau. Si vous pouvez trouver des pastilles de soin ou nourrissantes spécialisées, se serait l'idéal aussi, il va en avoir besoin pour se remettre.
Nir changea légèrement de position afin de s'occuper des blessures de l'autre côté de l'animal, et il grimaça en ajustant la position de ses ailes pour continuer à faire de l'ombre. La position de son aile n'était pas très naturelle et il n'avait pas du tout l'habitude de la tenir ainsi.
- Et si quelqu'un pouvait m'aider à garder l'animal à l'ombre et à l'asperger d'eau régulièrement en évitant ses blessures, ça m'arrangerait, avoua-t-il.
Glacée. Ainsi fut la première sensation. Sa main heurta la paroi glaciale avant d'y pénétrer. Il sentait l'eau salée s'échouait contre ses doigts, contre sa main. L'espace d'un instant, le Lieutenant détourna le regard, fermant alors les yeux, et n'exécuta guère l'ordre du vétérinaire de fortune. Le pauvre animal gémissait et se tordait de douleur. Emeor finit par regarder à nouveau la situation, droit dans les yeux. Il déglutit. Et sortit sa main de l'eau afin d'asperger la créature. Celle-ci sembla apprécier - ou du moins le Lieutenant l’interpréta comme tel - puisqu'elle poussa un léger cri qui se différenciait à bien des égards des glapissements de douleurs. Le militaire plongea à nouveau sa main dans l'eau, se concentrant sur l'animal, et versa à nouveau de l'eau sur le corps ; peu à peu, le geste devint ainsi mécanique. La peur le hantait toujours, ne le quittait jamais. Néanmoins, face à l'animal, le courage et la soif de Justice l'emplissait, le galvanisait. Il continuait, sans s'arrêter. Se dévouer corps et âme au Royaume, tel est le rôle d'un Soldat d'Aryon.
Une fois qu'il eu terminé de s'occuper des plaies de l'autre côté, il demanda l'assistance du garde en face de lui.
- Je vais avoir besoin de votre aide pour le porter encore un peu en dehors de l'eau, c'est indispensable pour soigner ses dernières plaies qui trempent dans l'eau. On ne va pas trop s'éloigner pour pouvoir toujours l'arroser facilement, juste le porter assez pour qu'il soit totalement hors de l'eau, et en évitant de le traîner pour ne pas le blesser d'avantage. On devrait y arriver à deux. Mettez vos mains comme ça pour le soutenir correctement, et à mon signal soulevez.
Il montra comment faire au garde, corrigeant un ou deux détails, avant de se remettre en position de son côté, montrant au garde jusqu'où ils devaient aller.
- Prêt?
Dès qu'il eu un signal affirmatif de la part du garde, Nir lança un bref :
- Maintenant!
Ils soulevèrent l'animal et le décalèrent hors de l'eau avant de le reposer. Ils avaient à peine fait quelques pas, piétinant plus qu'autre chose, mais vu le poids de la bête, ça avait suffit à épuiser Nir. Il replia son aile avec une grimace de douleur et se plaça près de la queue du Darwinus de sorte à se que son corps fasse de l'ombre à la créature. Ce n'était pas parfait,, mais ça devrait suffire, et ainsi il avait facilement accès à l'eau pour arroser son patient de temps en temps. En temps normal il n'y avait pas besoin de les humidifier aussi souvent, mais vu l'état de détresse de l'animal, c'était préférable. Et encore, heureusement qu'il avait comprit que les deux hommes ne lui voulaient pas de mal et qu'il ne se débattait pas, ses cris et mouvements étant uniquement du à la douleur, sinon leur tâche serait on peut plus compliquée! Il allait bientôt avoir besoin de ce que le soldat était parti chercher, mais faute de pouvoir accélérer son retour, il demanda au garde qui s'était un peu reculé :
- Pardon lieutenant, je ne me suis pas présenté. Je m'appelle Niraen Thrani.
Il avait brièvement relevé la tête de sa tâche pour regarder le dit lieutenant, un certain Emeor Calyx s'il se souvenait bien du nom donné par ce dernier. Vu l'urgence vitale sous ses yeux, il avait omit la plus basique des politesses et ne réalisait que maintenant qu'il ne s'était toujours pas présenté...
Hélas, l'expérience ne faisait pas tout. Il entendit le lieutenant se présenter à nouveau, ayant sans doute oublié avoir déjà donné son nom plus tôt. Dire que Nir s'était félicité de s'en être souvenu à temps avant de lui redemander... Il ne l'aurait sans doute pas remarqué. Sauf s'il s'était représenté par habitude en l'entendant faire, ou en croyant qu'il avait oublié, malgré l'usage de son grade. Oh, peu importe! Ce n'était vraiment pas le moment d'y penser.
- Hélas, tant qu'il ne sera pas revenu, je ne pourrais pas faire grand chose de plus que ce que je fais actuellement...
Son esprit avait beau divaguer un peu, ses gestes restaient précis, mais il n'avait plus le réflexe de passer de l'eau sur l'animal, surtout avec la mer dans son dos. Emeor s'en rappela pour lui et voulu le faire, mais se faisait long. Au bout d'un moment, et ne voyant plus le lieutenant à ses côtés, Nir fini par réaliser qu'il s'était un peu éloigné. Il releva la tête, espérant voir revenir le garde parti chercher ce qu'il fallait, mais non. Et le lieutenant n'était pas en vue.
Sentant l'animal s'agiter, il se retourna pour l'asperger l'eau, et ce ne fut qu'après avoir humidifié l'animal qu'il réalisa qu'il avait vu le lieutenant figé face à l'eau, telle une statue. Surpris, il se tourna vers lui et demanda d'une voix hésitante :
- Ça va aller lieutenant?
Du bruit devant lui le fit voir le soldat envoyé par Emeor plus tôt revenir vers eux en courant, fendant aussi vite que possible la foule.
- Je crois que votre soldat est de retour... Je peux vous laisser réceptionner ce qu'il a ramené? Fit-il remarquer, espérant que cela le ferait d'avantage réagir.
Cela tombait bien, il avait presque fini de son côté. Après s'être assuré que l'animal était à nouveau assez humide, il termina de s'occuper de la queue, vérifiant au passage n'avoir oublié aucune blessure nécessitant de soin, pour autant qu'il puisse voir sans trop bouger l'animal. S'il en jugeait par la quantité de saignements qui coulait vers l'eau, ça devrait aller, à moins qu'il ai une plaie cachée sur le ventre et qui ne saignait pas à cause de la pression. Il souleva doucement l'animal d'un côté pour vérifier, mais fut vite rassuré de ne rien remarquer de grave à cet endroit.
Ok ok, une seconde. Est-ce qu'un garde travaillant dans une ville côtière avait réellement la phobie de l'eau? Mais... Pourquoi être passé par ce chemin donnant vue sur la mer alors, sachant qu'il avait l'air d'être le plus gradé? Ah... Ils avaient du être attirés eux-même par le remue-ménage provoqué par la vue d'un animal protégé blessé.
Bon. Heureusement, Emeor, en voyant son soldat revenu, paru rapidement revenir à lui et, tournant le dos à l'eau, reprit une attitude plus normale et professionnelle. Du moment que Nir ne s'amusait pas à lui demander d'arroser l'animal, ça devrait aller. Profitant que le garde avait posé ce qu'il avait ramené au sol devant eux, le druide lui demanda de venir à côté de lui arroser régulièrement l'animal, et le soldat s'exécuta aussitôt, visiblement désireux de bien faire.
- Oui, ça devrait aller. Une fois que je lui aurais appliqué les onguents et donné ces médicaments, on pourra le remettre à l'eau. Ensuite... J'espère que tout se passera bien pour lui. S'il ne croise pas la route de prédateurs, ça devrait aller.
Ils ne pouvaient pas le garder indéfiniment hors de l'eau de toute façon. Nir appliqua l'onguent sur toutes les plaies qu'il pu trouver et qui soit significative, réussit à faire avaler des pastilles nutritives et des pastilles aidant la guérison à l'animal puis, avec l'aide du garde qui était parti chercher tout ça, il remit aussi doucement que possible l'animal à la mer. L'onguent faisant aussi anti-douleur, l'animal retrouva assez rapidement sa mobilité, bien qu'il soit forcément gêné par ses blessures. Il fit quelques tours dans l'eau près d'eux pour tester un peu ses capacités avant de s'éloigner doucement.
- Hé bien voilà, je pense qu'on a fait tout ce qu'on pouvait, sourit Nir en se tournant vers les gardes. Merci pour votre aide!
Mine de rien, tous avaient eu un rôle. Les gardes retenant la foule leur avait permis de travailler dans de bonnes conditions. Emeor avait eu le mérite d'essayer d'aller contre sa phobie, ce qui expliquait ses quelques moments d'absences et peut-être aussi sa rigueur très forte, mais il n'en était pas moins resté efficace, et évidemment le garde qui avait fait l'aller-retour ne semblait pas encore complètement remis de son sprint. Ce dernier semblait cependant particulièrement content d'apprendre avoir pu être utile, et Nir lui demanda à qui il avait prit tout cela, pour rapporter ce qui n'avait pas été utilisé et le remercier. Une fois qu'il eu l'information, il salua l'ensemble des gardes, particulièrement Emeor, laissant ces derniers terminer leur patrouille sous les incitations de ce dernier, souhaitant sans doute s'éloigner de l'eau. Les autres ne semblaient pas au courant, et Nir était bien incapable de donner le moindre conseil sur comment améliorer ça, mais il serra la main du lieutenant en le remerciant chaleureusement avant son départ.
L'avantage d'avoir soigné des blessures à proximité de l'eau, c'est qu'il avait pu se nettoyer les mains rapidement, s'évitant d'être taché de sang, et ses vêtements n'avaient pas reçu de projection, ou alors très discrètes. Il pouvait donc continuer à vaquer à ses occupations sans trop de soucis, mais avant de rendre visite à l'alchimiste qui les avait aidés par son matériel, Nir ne put s'empêcher de rester près de l'eau, suivant du regard le Darwinus sauvé qui nageait tranquillement au loin, comme hésitant à s'éloigner. En principe, il devrait être plutôt à l'abri dans cette zone, les bateaux ne passaient pas par là et il y avait en principe assez de monde pour que des gens réagissent à nouveau s'il lui arrivait quelque chose. Enfin... En espérant que des gens compétents soient disposés à aider, comme ça avait été le cas cette fois!