Lorsque Queen entra à la trésorerie ce matin là, les bureaux étaient encore vide. C’était là une routine qu’elle avait prise depuis bien longtemps. Sans doute même depuis toujours, cela remontait à bien trop loin pour qu’elle soit capable de l’affirmer. Mais c’était un petit plaisir personnel ; commencer son travail sans que personne ne soit là pour la déranger. C’était aussi grâce à cela que ses délais étaient aussi bon. Pas comme ses assistants en trésorerie qui pointaient le bout de leur nez à neuf heure pétante et repartaient sur les chapeau de roue lorsque les cloches de la ville sonnaient dix sept heures. A cause de cela elle n’était pas en mesure de lâcher son poste afin de se consacrer entièrement aux affaires de la première ministre. D’une certainement façon Queen était une amoureuse éperdue de son travail et cela faisait maintenant trois longues années qu’elle avait été nommée trésorière royale. La première chose qu’elle avait obtenue à la sueur de son front. La laisser aux mains du premier venu n’était pas dans ses capacités.

Contrairement aux autres matins, où ses humeurs étaient aussi calme qu’un lac, elle était en proie à un agacement bien vivace. En premier elle percuta de plein fouet le coin d’un bureau au niveau de la hanche, vu la douleur qu’elle avait ressentit il était certain qu’elle aurait un beau bleu demain. Ensuite elle avait renversé son café sur les fiches de paies des domestiques puis comme si cela n’avait pas suffit elle avait oublié de mettre du café dans l’eau qu’elle avala d’une traite en grimaçant. Non, cette matinée ne commençait pas bien et lorsque Queen ouvrit son agenda elle comprit que ce n’était là que le début du pire jour de sa vie. Comment avait-elle sérieusement pu oublier un tel rendez-vous ? Elle aurait pu reconnaître entre mille cette écriture aux lettres italiques, c’était la sienne, pourtant elle ne se souvenait pas un seul instant d’avoir prit ce rendez-vous. Peut-être que son esprit, dans une tentative désespérée de préservation l’avait obligée à oublier ? Une chose était certaine, il était dans le dénie total et Queen dans un désespoir tout aussi grand.

Quand elle y repensait, sa rencontre avec Yuduar n’avait pas été si terrible. Elle s’était même surprise à l’apprécier mais tout ceci c’était passé en dehors du royaume, à l’abri des regards. De plus elle avait pensé que d’ici a ce que le bilan du bastion sud lui revienne, elle aurait trouvé un remplaçant. Mais que nenni ! C’était à elle de faire face à cela, pire encore, les derniers résultats qu’elle voyait en bas de la feuille. Un nerf pulsa sous son œil droit et elle décida de prendre un nouveau café -avec du café cette fois.

Son grand livre de compte ouvert, les parchemins des résultats de la garde étalés devant elle, la jeune femme fit ce qu’elle savait faire de mieux. Elle compta, décompta et calcula mille et une somme. Griffonnant ci et là des annotations plus incompréhensibles les unes que les autres. Bientôt, elle ouvrit un second parchemin et commença à noter « Plan économique » tout en haut. Ce qu’elle adorait dans tout ça, c’est que le temps se mettait à filer comme le vent, son attention se plongeait entièrement dans les chiffres et d’elle, il ne restait plus que l’enveloppe charnelle qui écrivait frénétiquement. Sa concentration était telle qu’elle n’entendit pas la secrétaire. Cette dernière après plus de trois tentatives totalement infructueuses, décida qu’il était bon d’envoyer l’invité dans les bureaux. Lui saurait peut-être l’arracher à son travail.

La pauvre femme ne sut pas à quel point elle avait raison. Si Queen ne leva pas la tête lorsqu’il se présenta, le « Madame » lui fit immédiatement lever les yeux. Face à elle se tenait un visage qui, si elle ne l’avait pas vu depuis longtemps, était resté inchangé. Des traits où l’âge commençait doucement à se faire voir mais dont les yeux restaient ceux d’un enfant, cette peau ébène et surtout cette atroce odeur de sable chaud. Les iris pâle de la jeune femme restèrent un moment interloqués, comme prit sur le fait. Mais bien vite elle reprit contenance et son air hautain refit surface plus vite que jamais. Tout en fermant le grand livre de compte et nettoyant sa plume elle se mit à parler.

- Monsieur La raji.. Al Rika… Sa mâchoire se contracta puis elle fendit d’un sourire crispé. - Capitaine. Installez vous, je vous en prie. Dit-elle tout en lui désignant l’un des deux sièges terriblement moelleux qui faisait face à son office. - Soit dit en passant, n’étant ni mariée, ni une femme de votre âge, je préféreras que vous vous en teniez à « Mademoiselle » plutôt que Madame. Son sourire se fit ironiquement affable. A son tour elle prit place dans son fauteuil puis croisa les jambes avant d’attraper le plus grand des parchemins, de la ses yeux plongèrent sur le papier et de la Queen hautaine, Yuduar put faire connaissance avec la professionnelle.

- Bien. Revenons en la raison de votre venu ici. Le Bilan du bastion sud est le plus catastrophique de ceux que j’ai pu voir. Principalement pour le régiment des Valkyries mais je vais commencer par la globalité. Elle leva les yeux pour les planter de ceux du brun. - Les dépenses en terme de nourritures sont énormes, de mémoire de trésorière je n’ai jamais vu ça. Les autres régiments ne consomment pas autant et vous êtes aussi nombreux. Ou presque. Elle marqua un temps de pause puis baissa à nouveau les yeux, ne les relevants que de temps à autre pour regarder le visage de son vis-a-vis à la dérobée. - Concernant votre bataillon spécifique, je parle de ce harem que vous appelez « Valkyrie », il serait bon qu’en cas de départ ou de décès vous récupériez le matériel que la garde fournit. Le budget d’armurerie est faramineux. C’est sans doute cela qui met votre bastion en porte-à-faux. Se faisant elle enroula le parchemin et pointa du doigt le second. - J’ai pris le temps de vous écrire une ébauche de plan économique visant à redresser la barre du Grand Port, si cela vous intéresse.

Bien malgré elle, Queen dû enfin se taire. Elle espéra silencieusement que Yuduar prenne le relais afin que son esprit n’ait pas la bonne idée d’aller vagabonder près d’un chalet en forêt. D’ailleurs à peine cette image l’effleura qu’elle se redressa brusquement tout en toussotant. - Mh… Ce rendez-vous risque d’être long. Puis-je vous proposer quelque chose à boire ? Bien que nous sachions tout deux que nous ne serez sans doute pas en mesure d’apprécier la valeur des arômes d’une telle qualité. Ne put-elle s’empêcher de le piquer.  

Si Yuduar n’avait pas l’air convaincu par les explications de Queen, elle n’ont plus n’était pas convaincu que ce bilan se passe dans les meilleures conditions. Quoi qu’en y repensant bien, elle avait géré des cas bien plus grave et surtout avec des personnes bien moins coopératives. Du moins Yuduar n’avait pas l’air d’une totale mauvaise foi. Évidemment, il tenterait de défendre son bout de gras, comme tous les gens qui finissaient dans son bureau mais elle aimait croire qu’il n’était pas sot. Peut-être lui accordait-elle un trop grand crédit ? La jeune femme aurait tout le temps pour s’en mordre les doigts plus tard. A la place elle resta aussi immobile qu’impassible. Seuls ses yeux suivaient les mouvements de l’homme, se détournant dès que la blonde admira ses courbes sans sa veste.

L’héritière avait fait des pieds et des mains afin d’oublier cette histoire au chalet. Elle avait également eut une bonne dose d’angoisse, priant pendant de nombreux jours pour que le brun tienne sa promesse de ne rien dire. Force était de constater qu’il avait su tenir sa langue et pour cela Queen lui en était reconnaissante. Toutefois cela ne faisait pas de lui une fréquentation potentielle. Pour l’heure et sans doute à jamais, il n’était qu’une erreur de parcours. Agréable certes mais une erreur tout de même. Point positif, même si il se montrait taquin, il n’avait pas encore remit cette histoire sur le tapis. Preuve qu’il voulait lui aussi passer cette histoire sous silence et de cela, elle n’allait pas se plaindre !

Queen avait l’impression de faire face à un enfant qui n’avait pas envie de travailler. Alors, quand enfin il daigna s’installer une bonne fois pour toutes, elle soupira de soulagement. Peut-être allaient-ils pouvoir se mettre à travailler. Que nenni ! Il lui suffit de croiser un bref instant le regard du garde pour comprendre que ce n’était pas pour tout de suite. La remarque eut tout de même le mérite d’arracher à la jeune femme son premier sourire de la journée. Pour toute réponse elle quitta à son tour son siège et se dirigea vers le fond du bureau où trônait un assortiment de petite boite de fer ainsi qu’une en verre.

- Si vous pouviez éviter de vous endormir, cela me faciliterais tout de même la tâche. Notre café n’est pas le meilleur du palais, cela dit ma secrétaire a au moins le mérite de savoir en faire correctement. Deux tasses furent arrachés à un placard bien ordonné et elle les remplit calmement. - Concernant l’armurerie de votre Harem je peux comprendre, je me suis déjà renseigné au sujet de ce bataillon. Cependant cela reste trop cher, si vous voulez que nous augmentions leur budget nous le pouvons. Toutefois il faudra prendre ailleurs. Comme par exemple… Elle termina de remplir les récipients puis se mit à chercher le sucre. - Dans les dépenses festives. Taverne, danseuses, maison des plaisirs… A croire que le sud est une réunion de débaucher. Ou que le lieu se prête plus à cela. Si vous ne voulez pas toucher à ce montant, peut-être devrions nous revoir les troupes marines. Après tout les mers sont plutôt calme ces derniers temps. Non ? Je dois dire qu’à ce sujet, je ne suis pas très bien renseigné. Enfin de toutes façons nous verrons ceci ensemble. Elle glissa deux cuillères à café de sucre dans sa tasse et tourna les talons pour revenir en direction de Yuduar. Calmement, elle se pencha au dessus de son épaule, juste au niveau de son oreille et se mit à murmurer avec douceur.

- Je ne vous ait pas confondu uniquement grâce aux annotations dans mon agenda. J’ai été prévoyante, vous pensez bien… Son sourire se fit plus grand et enfin sa main se tendit pour déposer la tasse sur le bord du bureau. - Votre café, capitaine. Ajouta-t-elle avant de contourner l’office en bois et de retourner s’installer derrière. Déposant son breuvage dessus, elle croisa les bras tout en ouvrant un livre de compte devant elle. - Je ne trouve pas mes plans très strict. Mais c’est le point de vu d’une trésorière après tout. Dans l’idée je prend simplement quelque part pour donner ailleurs. J’ai légèrement amputé votre budget général tout de même afin de rembourser les dettes. Étant donné que j’ai pioché un peu partout, aucune section ne sera vraiment affectée par la diminution du budget. J’ai également soumis l’idée de réduire la brigade maritime afin d’allouer une partie du budget à votre har…Vos Valkyries. Nous pouvons également prendre à la logistique mais je suppose qu’ils sont autrement important. Les administratifs sont toujours important. Ajouta-t-elle en haussant les épaules. - Ah aussi, j’ai réduit votre budget en essuie tout. Vivez vous avec des singes incapable de ne pas renverser ce qu’on leurs sert ? Une énième fois elle soupira et referma le livre. - Bien, cela vous convient ? Vous pouvez également me soumettre vos idées. Je fais un excellent travail mais je ne peux penser à tout. Je vous écoute.

Les yeux de Queen s’étaient attardés sur le côté, croisant au passage le sourire en coin de Yuduar. Pendant l’espace d’une seconde elle s’était dit qu’elle avait bien des façons de le faire disparaître. Mais la raison l’avait rapidement rattrapée et elle s’en était retournée derrière son bureau. Ensuite, elle avait fait ce pour quoi elle avait été engagée. Gérer la trésorerie. Ses explications avaient donc plut sur le pauvre soldat sans discontinuer. La jeune femme, tout en discutant était également en train de prévoir d’autres possibilités. Après tout comme elle l’ajouta à la fin de sa phrase, elle excellait dans son travail mais ne pouvait penser à tout.  Après avoir fièrement étalé sa science, signifiant également que cet endroit était son territoire, elle attrapa sa tasse et se mit à souffler sur le liquide. Ses yeux se perdirent dans le noir du café et elle laissa enfin la parole à son vis-a-vis.

Alors comme ça il tenait à favoriser son unité ? D’après le peu qu’elle en avait entendu cela se comprenait. Premièrement parce que chacunes de ses Valkyries étaient apparemment dotées d’un charme fou mais aussi parce qu’elles faisaient partie de l’élite du pays. Vu comme cela il lui semblait normal qu’elles passent en priorité. Bien elle n’amputerait pas cette section. Elle releva légèrement la tête lorsqu’il parla de la logistique et de fête au sud. Qu’est ce que cela pouvait bien avoir comme rapport ? En quoi le fait que la région soit en fête pouvait bien leur faire utiliser plus de papier nettoyant ? Une image peu ragoutante traversa sont esprit et elle arqua un sourcil avant de replonger sur le liquide de son récipient. Toujours trop chaud d’ailleurs. La pauvre Trésorière poussa ensuite un soupire d’exaspération. « Le beurre, l’argent du beurre et le postérieur de la crémière. » Ronchonna son esprit. Et puis quoi encore ? Elle était en train de lui dire que leur budget était bancal, mauvais, catastrophique, pourtant il lui demandait de l’agrandir. A quelques choses près elle se serait assommée sur le bureau mais sa fierté l’en empêcha et à la place elle lui offrit un sourire faux. - Bien entendu, je me pencherais sur le sujet lorsque vous aurez terminé. Parce que oui, elle le sentait, il n’avait pas finit. Et elle ne croyait pas si bien dire. Manquant de recracher la gorgée de café qu’elle avait enfin avalée, elle lança un regard assassin à Yuduar. Elle toussa pendant encore une dizaine de minute avant de réussir à calmer son larynx.

- Quoi do-kofkofkof...Donc ? Demanda-t-elle tout en se penchant pour attraper -sans douceur- la feuille qu’il lui tendait. Elle se racla la gorge avant de hocher la tête. - Eau Chaude Chauffée Magiquement. Dit-elle tout en énumérant les initiales à l’aide de ses doigts. - Cette appellation est plutôt connue par le commun des mortels, bien que stupide je vous le concède. De l'eau froide chauffée magiquement serait quelque peu compliqué à obtenir. Mais je suppose que vous ne vous donnez pas souvent la peine de plonger dans ce genre de document. Ce qui explique sans doute le gouffre du bastion Sud. Un nouveau sourire affable décora son visage et elle tendit la feuille à son propriétaire puis en attrapa une autre au passage. Si sur les premiers exemplaires l’écriture de Queen était d’une propreté et d’une légèreté rare, sur celle qu’elle venait d’attraper il n’y avait que tâche et rature. Elle se garda bien de la laisser voir à son client. - J’avais effectivement noté l’existence de ce devis. Il sera refusé, sachez le. Conservé mais refusé jusqu’à nouvel ordre. Au moins l’année prochaine si vous arrivez à remonter la pente. Elle décroisa les jambes puis les recroisas. - Concernant votre budget literie, je suppose que tout bon soldat sait faire son lit sans avoir besoin de demander à un autre de le faire. Surtout un capitaine, je me trompe ? Une lueur faible et taquine illumina son regard pendant un instant avant de se mourir dans le bleu de ses yeux. - Bien nous devons donc favoriser deux de vos escouades sans dévaloriser la troisième et sans amputer un budget trop important aux autres. Quel bazar. Soupira la Milan tout en reprenant sa plume.

Pendant un moment elle se replongea dans ses documents, elle écrivait, rayait et pestait, ne relevant le nez que pour fixer le vide tout en agitant ses lèvres sans qu’un son n’échappe jamais à sa gorge. - Tch… Grogna-t-elle après avoir gribouillé une énième ligne. - Bien… Remontant légèrement sur son siège elle s’étira brièvement avant de reposer sa plume. - Ce sont des calculs succincts mais qui peuvent vous donner une idée. Si nous diminuons le budget de réhabilitation de manière assez drastique… Je suis désolée mais je ne suis pas magicienne. Qu’à cela vous faites un peu plus attention aux prochaines folies de vos soldats, ainsi qu’à leur dépense et qu’ils survivent sans des douches en plus, tout ceci devrait faire. Si vous voulez pouvoir agrandir les marges je vous conseil de ne pas chauffer l’eau en été. Je veux dire… Les températures au sud semblent assez douces pendant la saison chaude, vos gardes ont-ils besoin d’un hammam ?  Je ne pense pas. Bref en faisant ceci nous pourront allouer une somme plus large aux Valkyries. Concernant le régiment de votre lieutenant… C’est impossible pour l’heure. Ses doigts vinrent s’entrelacer et elle posa ses coudes sur la table, ses yeux se perdant sur la feuille tandis qu’elle réfléchissait. - Mais je pense que d’ici quelques temps, lorsque vous aurez commencé à remonter vos comptes, cela sera possible. Si tout se passe bien et que je ne me trompe pas ça ne sera l’espace que de quatre ou cinq mois. De plus les sommes ne pourront pas être faramineuse dès le début. Je dirais que cela sera de l’ordre de quelques cristaux par-ci par là. Tenez, voyer par vous même. J’ai fais des prévisions sur l’année à venir et je… Sa phrase s’interrompit au moment même où sa main heurta la tasse de café brûlant, cette dernière vacilla sur le bord du bureau comme pour narguer Queen et dégringola sur le capitaine sans qu’elle ait le temps de faire quoi que ce soit. - Merde… Souffla-t-elle, la main encore tendue.  

La main encore tendue dans le vide, une tasse éclatée sur le sol et un capitaine sur un siège éjectable. C’était un tableau bien peu commun que recevait aujourd’hui la trésorerie. Fort heureusement en dehors de la maîtresse des lieux personne n’était en mesure de le voir et avec un peu de chance de le répéter. Quoi que vu la tâche qui était en train de couler le long de la cuisse de Yuduar… Les questions iraient bon train. Tout ce qu’elle espérait c’est que les réponses seraient plus évasives.
Bientôt deux billes noisettes et rieuses vinrent croiser les siennes, la sortant de la torpeur dans laquelle elle venait de s’enfermer. Immédiatement elle se redressa au dessus de son bureau et ferma la bouche. Une chose était certaine, si elle avait voulu renverser cette tasse volontairement, elle n’aurait pas aussi bien réussit son coup.

- Quoi ?! S’étrangla-t-elle à moitié lorsque le brun lui indiqua que son tapis, lui, n’avait pas eut autant de chance que le reste de sa personne. Par Lucy ! Elle aurait échangé mille pantalons en lin contre ce tapis qui lui venait tout droit de l’héritage familial. « Bordel... » Si Nienor venait à se rendre compte de se sacrilège, la pauvre Queen en entendrait parler pendant des lustres. Sans parler de la valeur financière de l’objet. Avec un peu de chance, elle trouverait quelqu’un pour réparer cela dans la rue commerçante. Tout dépendrait de son état. De toute façon elle n’avait pas le temps de s’attarder tout de suite sur cette affaire, Yuduar venait une fois de plus de soulever une question intéressante. Avait elle tâché tout les documents qu’elle avait remplit depuis ce matin ? Une petite prière à la déesse et elle contourna le bureau. - Ouf… Soupira-t-elle en se saisissant des parchemins. Seul l’un d’entre eux, le moins important, avait reçu quelques éclaboussures. Rien qui ne le rendent illisible heureusement. - A part le dernier sujet que je vous avais donné tout est en ét-… La tenue ? Dit-elle en se retournant.

Bien trop de jour s’étaient écoulés depuis que la jeune trésorière n’avait pas vu un corps aussi finement sculpté. Oh bien entendu ses amants, triés sur le volet rappelons le, étaient toujours dotés de corps d’Apollon. Mais ils étaient lisse et sans fissure pour les défigurer un tant soit peu. Alors que celui du brun, lui, témoignait d’une existence et d’une force de caractère bien vivace. Pendant l’espace d’une seconde son esprit fut de nouveau transporté au confins de la grande forêt, là où avait eut lieu leur première et dernière étreinte. La sensation de la barbe légèrement râpeuse dévalant ses courbes ou encore de ces mains larges et fortes capable de bien des douceurs… - Cela suffit ! Plus de plébéien! S’exclama-t-elle pour interrompre le fil de ses souvenirs en manquant de s’étouffer avec sa propre salive. - Ehm… Oui, gardez votre pantalon. Enfin, elle prit une grande inspiration. - Écoutez, je suis désolé mais… Faisant un pas en avant, la petite voix de l’autre côté de la porte lui fit tourner la tête. Il n’en fallut pas plus pour que cette situation déjà bien désagréable ne devienne que pire.

Un bord de tapis légèrement gonflé par un liquide et un esprit accaparée par une voix impromptue. Rien de plus, rien de moins. Queen eut la sensation de voir la scène au ralentit. D’abord elle sentit la pointe de son pied se prendre au piège, par réflexe elle tenta donc de palier au mouvement de bascule en levant un peu plus le prisonnier, malheureusement cela ne suffit pas, tout comme le ridicule mouvement de moulinet qu’elle effectua ne l’éloigna pas de la fatalité. Toutefois, il y avait bien un paramètre qu’elle n’avait pas prit en compte. Et celui-ci était instinctif, quand bien même elle aurait voulu empêcher la mécanique, tout ceci aurait été parfaitement impossible. C’est donc sans vergogne qu’elle se rattrapa à la première chose qui lui passa sous la main. Ainsi qu’il le veuille ou non, Yuduar se vit défait de ses derniers vêtements.

La pauvre secrétaire, nouvellement nommée et dont le caractère était bien plus réputé pour sa timidité que pour son efficacité se trouva fort dépourvut devant le tableau qui se dessina sous ses yeux. Si dans un premier temps elle avait hésité à entrer, le hoquet surprit de sa patronne l’avait incité à ouvrir la porte. Quelle erreur. Bouche bée, les yeux agrandit par la surprise ; seules ses joues changèrent de couleur pour virer à un joli rouge pivoine.      

Queen était au moins autant sidérée que son employé si ce n’était plus. Premièrement la vue était quelque peu spéciale mais la situation était bien pire que tout ce qu’elle aurait pu imaginer. Machinalement elle tourna la tête en direction de la porte où la petite femme replète ouvrait et fermait la bouche comme un poisson hors de l’eau.  - Sortez ! Aboya-t-elle à son encontre, l’obligeant à reprendre ses esprits et tourner les talons, non sans lancer un regard courroucé aux deux occupants du bureau.

 

Avec les années Queen avait pu constater qu’il existait plusieurs sortes de silences. Les silences éloquent ; ceux qui se suffisent à eux-même, les silences glaciaux et aussi les silence pesant. Vraisemblablement celui qui venait de s’installer faisait partie de la troisième catégorie. Il lui sembla si lourd que l’envie de disparaître devint forte mais pas suffisamment pour que son vœux se réalise. Pendant quelques secondes elle songea à se changer en sève et filer par le trou de sa serrure. Elle n’en fit rien, cela ne ferait que la rendre plus ridicule encore.

Lorsque Yuduar prit la parole, sans doute dans le but de palier à la discrétion dans laquelle ils étaient plongés, Queen pensa qu’elle aurait encore préféré qu’il se taise. Dans un autre contexte sans doute aurait-elle pu faire mine de rire à l’une de ses boutades. Mais en l’occurrence c’était sa dignité qui était mise en jeu, et ce n’était pas la première fois. En y réfléchissant bien, il y avait un dénominateur commun à tout les malheur qui lui arrivaient dernièrement. Bien qu’elle eut été saoul ce soir là, elle pouvait encore se souvenir de l’étreinte des draps ainsi que de la bataille qui avait suivit pour terminer sur une étreinte d'une autre nature. « C’est bien le moment de penser à ça » Ragea la blonde tout en prenant la main tendue à contre cœur.

Pourquoi diantre fallait-il qu’il remue ainsi le couteau dans la plaie ? La situation n’était-elle pas déjà suffisamment pathétique ? C’était lui le chaos ambulant qui s’échinait à foutre tout en l’air. A chaque fois qu’elle croisait la route de Yuduar quelque chose cessait de filer droit, et tout se transformait immanquablement en n’importe quoi. Sauf que cette fois cela ne comporterait pas de dérapage. Non, elle ferait fit de cette alchimie entre eux mais également de ce corps aux muscles tendus, de ce regard qui lui faisait parfois oublier leur différence de statut, ou même de cette atroce odeur qui lui rappelait ses brefs séjours au sud. Oh que non, elle ne se laisserait plus convaincre par les baisers qui avaient parsemés sa peau, et encore moins par ce sourire de gamin enjôleur ! Un Milan se faisait peut-être berner une fois mais pas deux !

Queen retira sa main comme si celle de Yuduar avait été en feu puis elle reprit un air pincé.

- Je vais très bien. Ce n’est qu’une vulgaire chute. Elle s’approcha de nouveau du tapis tout en prenant ses précautions. - Est-ce que vous savez que ce tapis est un héritage que nous recevons générations après générations depuis près de deux cent cinquante ans ? Il est sans doute ruiné. Râla-t-elle tout en ramassant les parchemins qu’elle avait entraîné dans chute avant de les poser sur le bureau. Elle revint ensuite vers son invité. - Oh et je puis vous assurer que vous garderez votre caleçon cette fois ! S’exclama-t-elle tout en posant un index accusateur sur le torse de Yuduar. - Dès que vous êtes dans les parages tout part à vau-l’eau ! Je savais que faire venir quelqu’un de votre classe était définitivement une mauvaise idée, capitaine ou pas ! Croisant les bras sur sa poitrine, elle toisa l’homme malgré leurs centimètres de différence. - Les rumeurs vont aller bon train j’espère au moins que vous en avez conscience. Alors peut-être est-ce pour vous une bonne publicité, après tout, je ne suis pas n’importe qui mais ça ne marche pas dans l’autre sens mon cher ! Se faisant elle se détourna de lui pour aller fermer les portes de son bureau à clef. Déjà que sa secrétaire allait commérer, elle n’avait pas besoin que l’un de ses assistants rentre par surprise dans le bureau. Que dirait-il en voyant le capitaine dans une tenue pareille ?

-  Par la sainte, comment allons nous faire… Marmonna-t-elle tout en revenant à la hauteur du brun. - Vous ne pouvez décemment pas sortir ainsi… Du bout des doigts elle souleva l’un des pans de la chemise. - Et vous êtes bien trop large pour porter les quelques vêtements qu’il me reste de mon frère. Je suppose que vous n’avez rien sur vous, je me trompe ? Non je ne me trompe pas, il n’y a que les gens prévoyant qui emportent des vêtements de rechange. Dit-elle tout en laissant passer un petit rire outré et nerveux. - Oh et par pitié, cessez donc d’afficher votre petit air goguenard, c’est aussi votre problème et ce n’est pas… Elle désigna sa ligne abdominale avec un air -faussement-  écœuré. -…Ceci qui m’en détour… Oh laissez tomber ! Pinçant le nez elle ferma les yeux et s’obligea à réfléchir, chassant des images aussi affriolantes qu’acrobatiques. - Je dois… Je dois avoir quelques capes dans l’armoire. Même si ça ne sera sans doute pas votre taille. Dit-elle en désignant ledit meuble, derrière l’un des canapés de courtoisies, sans pour autant ouvrir les yeux. - Ça ne pourra pas être plus dénudé que maintenant cela dit.  

Le regard complètement blasé de Queen se posa sur Yuduar. « Est-il si sot ? » pensa-t-elle tout en s’abstenant de le lui demander ouvertement. Pas pour longtemps cela dit. Si il continuait dans une telle lancée elle ne serait pas capable de retenir sa langue bien longtemps. Dans le cadre de son travail, la jeune femme avait tendance à faire des efforts. Colossaux. Mais il ne fallait pas lui demander la lune. Elle crut d’ailleurs implosée lorsqu’il lui lança une boutade bien sentit concernant la terminaison de ce qu’ils avaient commencés. Sa bouche avait d’ailleurs commencée à s’ouvrir afin de le contredire, il la devança, l’obligeant à se taire. L’air désillusionné  de la jeune femme ne fit que s’intensifier et elle décida de contourner le soldat afin de se rendre dans l’armoire dont elle parlait juste avant.

- Je n’ai certes pas le choix de vous rencontrer. Mais j’aurais tout aussi bien pu laisser l’un de mes assistants s’occuper de votre cas. Ce qui était passablement faux. Le cas du bastion sud et de bien d’autres était souvent retord, aussi ils demandaient une improvisation et des calculs instantanés. Dans ce bureau seule Queen était en mesure de chiffre et de travail correct. Le statut de trésorière royale ne lui avait pas été offert par pure charité. - Tch… Tout le monde n’a pas le loisir d’ignorer les rumeurs. Il suffisait que la mauvaise personne entende la mauvaise rumeur et tout pouvait devenir terriblement compliqué. Pire encore si cela remontait jusqu’aux oreilles de Nienor Milan. Femme impitoyable de son état et qui même si elle adorait sa fille aînée, ne lui faisait aucun cadeau. - Enfin je n’en attendais pas plus d’un homme tel que vous. Siffla-t-elle la mâchoire contractée après avoir attrapé une cape d’un noir d’encre. L’observant un moment, elle l’a retourna comme pour inspecter son état. Quoi qu’elle en dise celle-ci ne serais pas à la taille de Yuduar mais pour ce qu’elle comptait en faire cela suffirait.

En quelques enjambées, elle se retrouva à ses côtés. Elle plaqua sans douceur la cape contre son torse afin d’en apprécier la longueur puis elle passa une doigt sur ses lèvres les sourcils froncés. - Prévoir est le maître mot d’une personne avec un minimum de style vestimentaire, ce que, je vous l’accorde, vous ne possédez pas. Déposant la cape sur l’accoudoir du canapé, elle se tint de nouveau face au brun, plantant ses iris azurite dans les siens. - Peut-être avez vous oubliez que le trajet jusqu’à la caserne ne s’effectue pas en un claquement de doigt. Il serait sans doute préférable que vous ne vous baladiez pas en… Elle pencha la tête, en profitant pour laisser son regard glisser sur la chaire de Yuduar. - Eh bien, aussi dénudé dirons nous. Elle se concentra de nouveau sur son visage.

Sans qu’elle ne s’en rende compte, son esprit divagua et l’a rappela une nouvelle fois à ses yeux noisettes où autrefois avait observé un ardent désir. La bouche charnue de la trésorière s’entrouvrit légèrement, comme si elle s’apprêtait à prononcer quelques mots, mais aucun son n’échappa à sa gorge. Toussotant, elle se tapota doucement la poitrine.

- Bref, nous devrions poursuivre. Assit. Lui indiqua-t-elle grossière, appuyant sur son épaule avant d'aller prendre la liasse de feuille sur son bureau ainsi qu’un crayon. Elle les déposa sur la petite table basse et prit place aux côtés du brun. - Rassurez vous, cela fait bien longtemps que la vue d’un torse ne m’émoustille plus. Sans compter que nous ne sommes pas du même rang et tout ce qui s’en suit. Elle leva les yeux vers lui et prit son air le plus hautain. - Je n’ai donc aucune raison d’être perturbée. Croisant les jambes elle prit une petite liasse de feuilles et se remit à relire. - Tenez, le plan que vous aviez il y a un instant. Que disions nous déjà ? Et elle lui tendit la feuille tout en le toisant.

La patience de Queen, déjà bien entamée, se voyait encore plus mise à mal. Peu importe ce qui sortait de la bouche de Yuduar ce n’était rien de sérieux, rien qui vaille la peine qu’elle s’y penche plus de quelque instant. Cependant elle ne pouvait décemment pas l’ignorer. A son grand désarroi.

- En caleçon si ce terme vous fait plus plaisir. Marmonna-t-elle tout en levant les yeux au ciel avant d’inviter le garde à s’asseoir de force. Visiblement ce dernier n’apprécia aucunement d’être pressé ainsi. Tant mieux, Queen non plus n’aimait pas être tournée en ridicule de cette façon, pourtant elle le laissait faire. Il le lui paierait tôt ou tard, d’une manière ou d’une autre et s’il n’était pas sot il devait savoir cela. Vu les quelques rumeurs qui couraient à son sujet au palais, sans parler de son amitié avec Grimvor. Yuduar avait sans doute eut vent de ses méfaits. En parlant d’amitié, Queen fut étonnée de découvrir que  les deux hommes étaient des connaissances. Évidemment le capitaine de la garde et le roi étaient obligés de se fréquenter mais pour que cela mène l’un à emprunter les vêtements de l’autre… Cela ne devait pas être de première jeunesse. Tout comme les deux hommes d'ailleurs.

Enfin, bien après que la trésorière ait prit place sur le sofa du petit salon, il en fit de même. Avec une lenteur telle qu’elle lui aurait volontiers brisé les rotules pour accélérer la descente. Malheureusement la jeune noble était une femme de goût et pleine de délicatesse, aussi elle se contenta de plonger le nez dans ses affaires, faisant mine d’ignorer copieusement ce qui se tramait juste à côté. Toutefois le brun n’en avait pas finit avec elle, elle aurait du s’en douter cela dit. Déjà lors de leur première rencontre il avait su se montrer aussi taquin que provocateur, cela les avaient d’ailleurs mené à se battre contre une couette pour finir ensuite sur un combat d’une autre nature. Queen finit par abandonner et relever la tête, observant son vis-a-vis avec un visage d’une neutralité époustouflante. Sauf peut-être ce nerf qui pulsait à vive allure sous son œil bleu. La trésorière resta insondable un bon moment, elle ne pipa mot également puis subitement son visage se fendit d’un large sourire.

- Écoutez moi, Rajik… Rakija, Capitaine. Êtes vous venu ici pour me confirmer que les gardes savent mieux que quiconque faire le singe ou pour que je calcule les gouffres financier que vous êtes gentiment entrain de créer au sein de votre garnison ? Elle fronça les sourcils. - Oh je vois bien que vous vous amusez mon cher mais ici voyez vous nous ne commandons pas une garnisons complète de danseuses et de cracheurs de feu ! Si vous croyez que vos amitiés avec sa Majesté vous sauverons toujours la mise, vous serez forcé de constater que lorsqu’il n’y a plus de cristaux il n’y en a plus et que ça ne se trouve pas sous les pieds d’un Tsi’ly ! Agacée elle ne put s’empêcher de voir sa voix monter dans les aigus mais cela ne l’empêcha pas de poursuivre tout en plantant un doigt accusateur contre le torse de Yuduar. - Oh et puis vos petites allusions à cette nuit dans la forêt par pitié ! N’avez vous donc pas passé l’âge ? Là aussi vous allez trouver à redire ? Peut-être avez vous un corps désirable mais pour ce qui est du reste... Elle soupira bruyamment puis planta son regard dans le sien. - Concernant vos vêtements vous devez bien vous douter que je compte vous rembourser ce n’est pas comme si vos vêtements pouvaient valoir plus que les miens… Tch si cela peut même vous faire plaisir et également me permettre de me débarrasser de vos petites remarques puériles, je vous rachèterais un ensemble de meilleur qualité.

Subitement ses airs agacée disparurent et laissèrent place à un visage faussement calme. Tranquillement elle croisa les jambes et se tourna vers son invité avant de se pencher légèrement vers lui, un sourire bien trop grand étirant ses traits.

- Satisfait ? Pouvons nous reprendre ? Ou vous comptez me coincer dans la cape que je viens de vous donner en guise de punition ? Continuer vos sarcasmes peut-être ? Enfin je fabule ! Un homme tel que vous ne s’abaisserait pas à ce genre de bassesse n’est-ce pas ? Dit-elle caustique. Avec des gestes mesurés elle vint déposer le dossier sur la table. Cette conversation ne repartirait pas immédiatement sur le budget de la garde sud, elle en était convaincu.  

« Je vais le fumer... » Pensa la trésorière pendant que Yuduar ne cessait d’intervenir entre deux de ses phrases. Était-il donc incapable de se taire ? Cet homme était seulement bon à creuser sa propre tombe, ce qu’il était d’ailleurs en train de faire présentement. Cependant il y avait bien une chose que Queen ne pouvait ni nier ni lui retirer : Son répondant. Elle avait toujours été reine en matière de joute verbale, Haru en avait été l’une des principales victime, mais il fallait croire que l’heure de son avènement était terminée. Sauf qu’elle ne comptait pas se laisser détrôner sans se battre. Pour cela il fallait qu’elle arrive à se contenir en premier lieu et ceci n’était pas une mince affaire. Le masque poli de la jeune femme se fissurait à mesure que son vis-à-vis contrecarrait chacun de ses arguments.

Enfin le discours des deux adversaires cessa. Yuduar était occupé à regarder l’extérieur pendant que Queen se rongeait le frein, s’obligeant à ne pas lui coller une bonne giclée de sève en travers de la gorge. Quoi qu’elle en dise il était un capitaine de l’armée, tenter ce genre de chose contre lui serait sans doute fatal. Et elle n’était ni sotte ni masochiste. A son tour elle laissa son regard se perdre sur un point indéterminé bien au-delà du mur qu’elle semblait fixer.

- Tch… Grogna-t-elle lorsqu’il rompit le silence. Dans quel genre de jeux étaient-ils en train de s’embarquer. L’un et l’autre semblaient parfaitement incapable de renoncer à avoir le dernier mot ou prenaient-ils plaisir à se piquer de cette façon ? Queen faillit répondre par l’affirmative mais elle se ravisa rapidement lorsqu’il tendit la main dans direction. «  A quoi tu joues ? » s’inquiéta son esprit alors que la main s’arrêtait, lui faisait ressentir un sentiment de déception. Pourquoi celui-ci d’ailleurs ? Elle n’avait pourtant aucunement envie qu’il pose un doigt sur elle ! « Hypocrite » Souffla sa conscience.

Une dernière pique jaillit de la bouche du garde et Queen soutint son regard. Tiraillée entre une envie irrésistible d’entrer sur ce genre de terrain et la raison qui lui murmurait que ce n’était absolument pas une bonne idée. Prenant une grande inspiration, elle décida de garder son masque de calme avant de prendre la parole.

- Croyez moi, si je pouvais me permettre de prendre un temps de repos, je le ferais. Malheureusement la couronne ne peut se contenter d’impotent au gouvernement. Elle se leva enfin et lui fit face. - Je suis désolée si le doigt que j’ai porté sur votre torse vous a émoustillé, je n’imaginais pas que vous puissiez être… Eh bien… Comment dire… sensible ? Mais je ne peux que comprendre rassurez-vous, cela restera entre nous. Un petit rire narquois franchit la barrière de ses lèvres. - Concernant votre garde robe… Un jour. Lorsque j’aurais du temps, je vous enverrais voir Mademoiselle Belmont. Ses créations ont la réputations de transformer le plus vil des manants en prince charmant. Je suis certaine qu’elle sera en mesure de faire des miracles sur vous. Elle ne pourra pas faire pire de toute façon.

Après un dernier sourire affable, la jeune Milan tandis la main en direction de celle de Yuduar, elle laissa son ongle courir sur son avant bras. - Que comptiez vous faire ? Oh et c’était bel et bien une allusion agrémenté d’une pointe d’ironie. Diantre que vous êtes un homme lucide capitaine ! Sarcastique elle porta sa main libre jusqu’à sa joue et mima une expression d’admiration intense. Après cela elle emprisonna l’avant bras qu’elle caressait quelques instants auparavant et tira avec force pour obliger le brun à se pencher vers l’avant. Maintenant qu’il était à sa hauteur elle planta son regard azurite dans le sien. - Mon bon Yuduar, je suis maîtresse dans ce genre de jeu… Vous risquer sur ce terrain, serait vous brûler immédiatement. Elle se rapprocha à tel point que leurs lèvres s’effleurèrent puis murmura. - Ce n’est pas ce que nous voulons n’est-ce pas, très cher… ? Enfin elle le relâcha.

En plus des joutes verbales, Queen avait toujours prit un malin plaisir à jouer de ses charmes. Pour de bonne ou de mauvaise raison et lorsque ce n'était pas de force c'était un jeu qui l'amusait beaucoup. Evidemment il aurait été préférable que cela ne soit pas avec un homme tel que Yuduar... Mais il était l'unique fautif de cette situation. Était-elle la seule à ressentir cette alchimie entre eux ? Elle s'en serait volontiers passé cela dit, tout comme elle se serait bien passé d'un Yuduar qui vient empiéter sur son propre terrain de jeu, l'obligeant à répliquer pour ne pas perdre la face.

Son regard se fit félin, son sourire carnassier alors qu'elle fixait encore l'homme.

- Vous avez quelque chose à ajouter, peut-être ?

Visiblement le masque de Queen n’était pas le seul à tomber. Oh cet homme pouvait toujours se cacher derrière l’ironie ou l’humour, toujours est-il que son regard n’était plus le même, ni sa gestuelle d’ailleurs. Aurait-il osé, il y a de cela une petite poignée de minute, la saisir ainsi au vol ? Elle en doutait fortement. D’ailleurs elle aurait été étonnée qu’il ne réagisse pas au petit affront qu’elle venait de lui faire.

Lorsque ses lèvres effleurèrent de nouveau celles de Yuduar un agréable frisson parcourus le corps de la trésorière. C’était une chose de se jouer des sensations, s’en était une d’en être l’objet. Mais la demoiselle n’était pas décidée à se laisser avoir, pas sur son propre terrain de jeu. Sans parler de la différence de leur statut social. Quoi qu’il puisse en dire, la pauvreté de son rang était un véritable soucis pour la petite noble. Si quiconque venait à supposer qu’elle fréquentait un homme comme lui, elle ne donnait pas cher de sa peau et de la sienne non plus. Il faudrait d’ailleurs qu’elle se charge de cette petite fouine de secrétaire après cette entrevue. Toutefois elle avait plus important à penser, comme ce doigt qui chatouillait la paume de sa main ou encore ce regard noisette et taquin qui ne cessait d’agiter ces sens.

La chose que Queen ne pouvait pas retirer à ce fantasque de capitaine, c’était son audace. Il était l’un voir le seul, à oser poser la main ainsi sur elle sans songer un instant que les retombées puisse être catastrophique. Il était également et incontestablement le seul à avoir jamais aussi bien tenu tête à la demoiselle. Sans doute était-ce pour cette raison qu’il ne craignait pas ses foudres. Ou prenait-il ses aises en pensant que l’avoir mise une fois dans son lit lui offrait tout les passes droits ? La blonde était bien incapable de donner des réponses concrètes pour l’instant. Toute son énergie était concentrée ailleurs, notamment dans le calme apparent qu’elle maintenait. En vérité seule la chair de poule et son regard mi avide mi joueur trahissait son véritable état d’esprit. Mais deux choses étaient certaines. Elle ne laisserait pas ce crime impunie et jamais au grand jamais elle ne retournerait dans le lit d’un homme de basse naissance.

- Quelle suite je vais vous servir hein ? Dit-elle en arquant un sourcil lorsque le brun eut déposé sa main sur son cou. Elle l’a laissa comme ça un moment, soutenant son regard, cherchant à le sonder. Contre toute attente, elle ne retira pas sa dextre de la peau basanée. Au contraire même. Avec lenteur elle contourna l’homme par la gauche et sa main passa de son cou à sa pomme d’Adam pour terminer sur le haut de sa clavicule. - Quelle audace, Yuduar… Murmura-t-elle, son souffle venant s’écraser sur l’épaule dénudée. - Je crois que ça faisait longtemps que je ne m’étais pas amusée ainsi… Il faut croire que l’on peut trouver des choses intéressante même en bas de l’échelle… Sa langue apparut entre ses lippes et elle ne s’empêcha pas de la laisser courir une seconde.  Enfin, elle arriva dans son dos et son bras libre vint se glisser le long des côtes du capitaine, sa main remonta sur ses pectoraux. - A quoi vouliez-vous que je réponde déjà ? Je crois ne pas avoir écouté votre question. Une pointe de provocation en plus ne pourrait pas faire de mal, si ? En attendant, elle s’amusait bien.

Maintenant dans le dos de Yuduar, pouvant apprécier ses muscles dorsaux à leur juste valeur, la jeune femme se hissa sur la pointe des pieds afin que son nez vienne se cacher dans son cou, non loin de ses boucles brunes. - La gentillesse est un signe de faiblesse, baissez votre garde… Et vous serez dévoré tout cru… Quoi que vous puissiez en penser.  De même, n’allez pas m’inventer une sensiblerie que je ne possède pas. Vous seriez forcément déçu. Ses griffes dévalèrent avec lenteur son torse nerveux, ses lèvres vinrent susurrer à son oreille tout en attrapant ses lobes par moment. - En parlant de fuite, vous le pouvez encore, je ne vous en voudrez pas après tout. Ses mains arrêtèrent leurs courses à la bordure de ce qu’il restait du pantalon blanc. - Mais notez bien, capitaine, qu’un Milan n’a pas pour nature la fuite. Nous avons bien des défauts mais certainement pas celui-ci. Comme pour ponctuer ce balais dangereux, le corps de Queen vint naturellement épouser les courbes de celui du garde. - Vous venez de vous lancer dans un jeu aussi dangereux qu’hasardeux mon cher. J’espère que vous en avez conscience. Mais maintenant je me demande… Quel sera votre prochain coup… Dans un dernier souffle lascif elle chuchota : - Surprenez moi.    

- Exactement… Souffla Queen dans le dos du brun tandis que ses poignets venaient d’être prit au piège par ses larges mains. Pendant un moment elle avait cru qu’il allait la laisser faire, une victoire bien trop facilement acquise à son goût. Sauf que Yuduar était homme à surprise. Cela aurait dû être évident, au moins aussi évident que le sentiment de satisfaction qui fit naître un rictus aux coins des lèvres de la trésorière.  La question était maintenant de savoir comment il allait jouer sur cet échiquier à deux pièces, quel genre de stratégie ou de fuite allait-il mettre en place pour reprendre l’avantage que la blonde lui avait dérobé.

En un tour de main et sans qu’elle ne soit en mesure de vraiment expliquer la contorsion dont il avait fait usage, Yuduar se retrouva de nouveau face à elle. Au delà de sa voix devine plus dure, ses mains enserraient les siennes avec une autorité qu’elle ne lui connaissait pas. Une découverte pour le moins intéressante cela dit. Dans un simple sourire provocateur ainsi qu’un petit coup de nez pincé, elle répondit : - Si j’en comprend les règles ? Je suis celle qui les établies ! Lança-t-elle alors que ses mains venaient de se faire emprisonner dans son dos. Ses yeux, eux continuaient de chanter leur domination tandis que son esprit murmurait : « Peut-être que cette fois, tu vas perdre ? » Elle tira légèrement sur l’un de ses poignets. « C’est exclu. » Se répondit-elle alors que la prison ne se résumait plus qu’à une seule main, l’autre venant courir le long de sa mâchoire. Délicieuse torture, violente caresse. Ses lèvres s’entrouvrirent pour laisser échapper un souffle qui se heurta au visage basané.  - Je me le demande… Souffla-t-elle, honnête, contre ses lèvres, en réponse à sa question.

Dans une telle position, Queen était bien en mal de prendre l’ascendant et quoi qu’elle en dise, leurs positions étaient inversés. C’était maintenant Yuduar qui menait se ballet. Les sentiments qu’elle ressentaient été mitigés. La frustration, l’allégresse… Et comme pour l’obliger à choisir, les larges mains cuivrées se saisirent de ses cuisses, la soulevant du sol comme si elle n’avait pas pesé plus lourd qu’une plume. Naturellement ses mains vinrent reposer sur les épaules qui lui faisaient face pendant que ses cuisses se resserrèrent autour de la taille du capitaine. Quelques enjambées de plus et ses fesses rencontrèrent la froideur de son propre bureau. Elle le sentait, elle le voyait, elle l’entendait, tout chez cet homme était en train de glisser dans le désir, dans la luxure. Sa voix soudainement plus rauque et grinçante, ses gestes plus ferme et instinctif. Elle ne s’y trompait pas, elle le savait mais elle savait également à quel point il pouvait être redoutable. Pas seulement parce qu’elle l’avait sous les yeux mais parce qu’elle l’avait déjà vu avec cet éclair dans le regard. Cette fois là, il y avait de cela plusieurs mois, au fond de la grand forêt. C’était exactement le même éclat.

Il n’y avait pas que des insanités qui sortaient de la bouche de Yuduar. Mais des paroles dont elle se serait bien passé, sans aucun doute. Sauf que c’était là les risques de leur petit jeu. Entendre des choses que l’on aurait préféré taire faisait partie des règles. Cela ne l’empêcha pas de tendre le cou lorsqu’il vint y faire courir ses lèvres, pendant quelques secondes ses paupières se fermèrent. Juste avant que la respiration qui lui faisait face ne vienne la rappeler à l’ordre. A ce moment, elle plongea de nouveaux ses iris dans leurs jumeaux. L’une de ses mains appuyée derrière elle afin de la maintenir droite, l’autre vint se glisser sous le menton de Yuduar, le relevant.

- Je devrais avoir honte d’après vous ? L’une de ses longues jambes s’enroula un peu plus autour de sa taille, rapprochant leur corps avec fermeté. - Qui a dit que j’avais honte ? Elle se redressa un peu plus et avant que leurs lèvres ne se touchent, elle dériva sur sa joue puis son cou. -Montrez moi donc cette témérité dont vous semblez faire preuve. Yuduar l'audacieux... La main sur son menton dériva lentement, passant sur son oreille avant de venir se perdre au milieu des mèches brunes avec lesquelles elle s’amusa quelques secondes. - Je me pose tout de même une question… Qu’est ce qui fait de l’un de nous le gagnant ? Sans prévenir elle pressa l’arrière de la tête de Yuduar, là où sa main c’était perdue. Ses lèvres, elles, vinrent s’écraser contre les siennes pour un baiser d’une avidité sans pareille. Sans aucun mot elle était en mesure d’exprimer toute la retenue dont elle avait fait preuve jusqu’ici. Ses doigts pourtant si fins ne faisaient preuve d'absolument aucun douceur, allant même jusqu'à tirer sur la crinière brune.

- Échec. Dit-elle lorsque enfin elle libéra ses lèvres, se reculant légèrement afin d’apprécier la mine qu’offrait son partenaire en l’instant. Elle ne pu s’empêcher d’afficher un sourire en coin. Le contre coup allait être brûlant, elle en était certaine et elle n’en attendait pas moins.