Bon, je peux comprendre qu’il veuille voir ce qui se passe lorsque j’essaie de lui mettre la selle, mais un petit conseil ou deux n’aurait pas fait de mal. Enfin, qui suis-je pour juger les méthodes d’apprentissage de ce dernier.  Val aussi était de ce genre d’école. Il me laissait faire et préférait me guider avec l’aide de questions pour que je voie moi-même mon erreur où pour que je puisse orienter mon enquête sur un point que je n’avais pas pensé. C’était parfois embêtant, mais chacun avait une méthode pour montrer et heureusement que j’étais douée pour apprendre et que je m’adaptais rapidement aux situations qui me faisaient face. Enfin, presque? Ok, ok tout ce qui touche la patience n’est pas nécessairement mon fort.

Ce qui veut dire que me retrouver coucher à plat ventre à moitié sur la selle ne me fait pas du tout plaisir. Si je devais illustrer l’état de ma patience actuelle, je suis passée de cent à cinquante pourcent d’un coup. Si j’ai horreur d’une chose dans la vie c’est l’humiliation et ça c’en est une. J’essaie de faire des exercices d’autocontrôle histoire de ne pas lui crier des bêtises à tue-tête et me relève finalement d’un bon posant une simple question. Est-ce qu’utiliser son pouvoir peut brimer la relation existante – bien que mince – entre son familier et son maître? Bien sûr, il me fait une petite analyse de ce qu’il croit voir au travers d’Arlequin. Puisqu’il ne semble pas souffrir de traumatisme à première vu il pense que son comportement est simplement taquin et qu’il souhaite me tester? Ah oui, me tester? C’est ce qu’on va voir! Qui va user qui en premier?!

« Oh je ne compte pas le forcer, après tout mon pouvoir ne fonctionne pas sur les êtres vivants. Mais si je peux l’utiliser pour tenter une ruse afin de le déjouer, je veux bien tenter. Après tout, la première fois j’ai réussi à lui mettre le licou grâce à cela. Est-ce qu’il s’en souvient, je l’ignore. Mais ça vaut le coup d’essayer. »

Après, je ne sais pas s’il me laissera le monter et ça, c’est une tout autre histoire. J’imagine déjà les voles planées et les chutes de son dos. J’exagère peut-être, mais tout de même. Je prends en main la selle qui se trouvait toujours au sol et m’assure de son poids. Celle-ci ne pèse pratiquement rien pour mon pouvoir, ce qui veut dire qu’il m’est possible de le leurrer avec des gâteries! J’active mon pouvoir sur l’objet, puis je la laisse tomber au sol avant de me diriger vers le sac qui contenait les aliments. Je prends deux carottes et deux bouts de pommes sur lesquels j’active aussi mon pouvoir. Dans un premier temps, je place une carotte devant son nez, assez prêt pour qu’il la sente et quand il souhaite mordre dedans, je la fais bouger juste assez pour qu’il ferme sa bouche sur rien du tout. Il tourne sa tête vers moi d’un coup! Il sait que je suis la responsable, mais comme nous l’avions vu avec Leoven, il était plutôt gourmant et l’appel de la nourriture allait très certainement le perdre.

J’attends donc de nouveau, telle une ligne jetée à l’eau, que mon gros poisson décide de morde à l’hameçon. Il me guette du coin de l’œil et s’approche doucement de l’appât et pourfend l’air de sa grosse tête mordant la carotte. Il semble fier, mais ce qu’il ne sait pas c’est que je lui ai laissé volontairement. Cette fois-ci, c’est un bout de pomme auquel il aura droit. Sauf que pour cela, il doit s’avancer un peu plus prêt de moi. Il regarde la selle au sol, puis moi comme s’il se questionnait sur ce qu’il avait vu dans sa petite tête de linotte. Du coup, il avance prudemment et encore une fois je lui laisse la pomme. Pour les deux derniers morceaux, j’en dépose un au sol afin qu’il s’en approche et qu’il doive s’abaisser pour le manger. C’est donc à ce moment que je décide de frapper. Je lui glisse aussitôt sous le nez le dernier élément et alors qu’il tente de l’attraper, je soulève la selle d’un coup de l’autre bras la faisant léviter dans les airs comme tout le reste d’ailleurs et je la glisse aussitôt sur son dos. Pas le temps de le laisser être surpris, je lui mets la carotte en bouche.

« Tu te croyais plus malin, mais j’ai gagné! »

Je m’approche donc de ce dernier qui détourne doucement sa tête de moi, comme s’il me boudait et me laisse, heureusement, attacher et ajuster les sangles sous lui. Bien sûr j’en profite pour le caresser.

«  Ne boude pas, Arlequin. T’auras droit à d’autres morceaux de pomme si tu te montres coopératif! Et compte-toi chanceux,  je ne pourrai plus utiliser mon pouvoir pour le moment. »

Mine de rien, ça gruge du jus tout ça et je ne sais pas combien de temps cela m’a prise, mais je me sens un peu fatigué. Pas au point de m’effondrer, mais je sens que réutiliser mon pouvoir pour le moment ne sera pas une bonne idée. D’ailleurs pour prouver mes bonnes paroles, je lui redonne un quartier de pomme après avoir été le récupérer, mais cette fois-ci je lui présence dans le plat de me main directement et dès qu’il le prend, je lui frotte le chanfrein tout en déposa mon autre main sous son menton.

Je caresse doucement ma monture essayant tant bien que mal de le faire sortir de son état de grand boudeur. Enfin, à savoir s’il ne le fait pas exprès aussi. Après tout, je le vois bien qu’il se moque de moi et qu’il ne cesse de me faire des mauvais coups. C’est un fourbe qui porte très bien son nom! C’est le roi de la bêtise même! Enfin, je ne remarque pas les coups d’œil curieux que jette Niraen en notre direction. Après tout, il doit analyser le comportement de la créature ainsi que ma façon de répondre au moindre caprice de ce dernier. Est-ce que lui donner à manger trop souvent reviendrait à trop le gâter ou bien, est-ce utile en début de relation histoire d’établir quelque chose de saint entre nous. Je me souviens que Leoven m’avait mentionné qu’il était aussi important de rester juste et parfois autoritaire pour éviter que la monture n’en fasse qu’à sa tête. Après tout, s’il est pour m’accompagner lors de mes prochains voyages, je préfère qu’il soit calme et obéissant et non têtu et loufoque, enfin, cela dépend aussi du contexte de la promenade.

Du coup, lorsque je lui mentionne qu’il pourra avoir d’autres morceaux de pommes s’il se montre coopératif, Niraen me mentionne que notre relation risque de tourner autour de la nourriture. Ça ne me cause pas de problèmes, tant que ce n’est pas moi qui suis obligée de manger! Je souris à ma petite blague personnelle et écoute le reste de ses propos.

« Ah, reste à savoir s’il ne me fera pas de mauvais coup concernant la monte! Je n’ai pas l’envie de finir au sol de cette hauteur. À un mètre soixante, tout nous parait haut. »

Petite tentative d’autodérision après tout, ma taille ne m’a jamais réellement causé de problèmes. Mais il est vrai que du haut de la bête, une mauvaise chute n’était jamais souhaitée et ce peu importe la grandeur du cavalier. Puis vu mon état actuel, je ne suis pas sûre d’être prête à ce genre de traitement et ce dernier semble l’avoir remarqué.

« Euh, ça va, mais fatigué comme tu l’as constaté. Je ne serais pas contre de prendre une pause si cela ne te pose pas de soucis. »

Mon pouvoir me demande énormément de facultés mentales après tout, je soulève et bouge des objets à l’aide de mon esprit. Bien sûr, je dois toucher les objets afin d’activer mon emprise sur eux pour l’instant, mais peut-être qu’un jour, en améliorant ce dernier, je ne serai plus obligée. Bref, je vais chercher mon petit sac sans fond et m’assis à même le sol. Je sors une simple gourde d’eau à laquelle je bois puis retire un plat dans laquelle j’y avais mis un repas simple au cas où je sentirais le besoin de manger. Quoi de mieux que la nourriture pour reprendre du poil de la bête? Je prends donc en bouche une bonne bouchée de mon sandwich constitué de viandes sèches, de beurre, de laitues et de tomates. Ce n’est pas un plat gastronomique, mais au moins ça se conserve bien pour un voyage comme celui-ci. Je finis par poser le regard sur Arlequin qui se promenait non loin en broutant l’herbe puis je soupire. Je ne regrette pas de l’avoir pris sous mon aile, mais parfois je devrais prendre le temps de réfléchir et ne pas me précipiter. Je ne sais même pas si j’aurai le temps de m’occuper de ce dernier comme je le voudrais. Je ne veux pas le négliger à cause de mon travail, il ne mérite pas cela.

Mon regard, balayant le paysage où nous nous trouvions, finit par tomber sur Niraen. Mis à part son nom et son métier, je ne sais pratiquement rien sur lui. En même temps, nous ne sommes pas ici pour devenir les meilleurs amis, n’est-ce pas? Mais je peux tout de même lui faire la conversation et lui poser quelques questions sur sa personne. Après tout, les pauses ne sont-elles pas faites pour cela.

« J’ai une question pour toi. Qu’est-ce qui t’as fait comprendre que le métier que tu pratiques aujourd’hui était celui-ci pour lequel tu voulais dévouer ta vie… »

Drôle de question peut-être, mais je suis bien curieuse de connaître sa réponse.

Je crois que ce dernier ne s’attendait à ce que je rompe le silence dans le but de le questionner sur son choix de carrière. Peut-être un peu pris de cours, ce dernier me répond tout de même facilement et il semblerait que ce soit de famille et qu’il n’a jamais douté de son choix et n’a jamais réellement cherché à changer de boulot. Si ce qu’il faisait lui plaisait et qu’il ne se voyait pas ailleurs, c’est qu’il était au bon endroit non? Pour ma part, je n’ai jamais pensé à chercher ailleurs, mais certainement pas pour les mêmes raisons que ce dernier et puis, j’ai fini par apprécier ce que je faisais et encore plus depuis mon changement de régiment.

«  Ce qui m’a poussée à devenir garde? Dis-je avec un petit ton sarcastique qui ne lui était pas du tout destiné. Ma mère malheureusement. Elle ne me trouvait pas assez obéissante. Enfin, c’est ça qu’être fille de noble. On te lance où il le désire et à leur simple volonté. Malheureusement pour elle, à mes 16 ans je ne suis pas retournée à la maison et suis restée dans la garde malgré tout. Au début, c’était surtout pour l’emmerder, mais au final, je prends à cœur mon boulot. Je ne le ferai pas à moitié. Je comprends l’importance de la garde et j’ai tout de même fini par rejoindre le régiment du sud du grand-port là où réside ma famille. »

Je prends un bout de carotte qui se trouvait dans mon propre plat et observe un moment la grande bête noire qui se tenait non loin de notre duo. Je crois les jambes devant moi en tailleur, puis je dépose ma main gauche derrière moi pour y prendre appui.

« Je ne sais pas si ce qui m’a poussée à gagner à tout prix cette enchère pour lui était mon désir de le sauver de possibles mauvaises mains ou bien que je percevais entre lui et moi une certaine forme de ressemblance. Quand je l’ai vu tenter de se rebeller contre les hommes qui l’amenaient de force devant la foule alors qu’il tirait de toutes ses forces pour le tenir tête, j’ai eu l’impression de me revoir. »

J’avais un petit sourire un peu nostalgique à ce moment. Pas que cette petite époque de rebelle me manque, mais disons que j’ai assez bien évolué depuis ce temps. Même que je ne suis plus aussi désagréable qu’à mes débuts. Enfin, je peux être direct avoir une flemme incommensurable, mais je suis bien plus sympathique qu’autrefois.

« Voilà! M’enfin, t’as pas à te sentir désolé pour moi, t’inquiètes. J’ai rencontré des personnes formidables, mes supérieurs sont très sympathiques et je me sens bien là où je suis. Mes partenaires de chambre sont respectueux et on a établi des règlements pour facilité puisque je suis la seule fille du trio. »

Le vent souffle légèrement faisant bouger mes couettes colorées dans tous les sens et j’observe un moment le ciel. Quelque nuage s’y trouvait, mais rien de bien inquiétant. Le ciel bleu dominait ce grand étendu et aucun signal de pluie n’était en vue. Je recommençai alors à manger maintenant que j’avais bien parlé et je prends ma gourde d’eau afin de me désaltérer.

Je suis tout à fait en accord avec ce dernier. Il ne faut pas acheter un animal sur un coup de tête. Il faut prendre le temps d’évaluer ses besoins, les ressources nécessaires à son confort, le temps que nous pouvons leur accorder et qu’on le veuille ou non, les cristaux à débourser en cas de visite chez un vétérinaire.  Des imprévus médicaux existent à n’importe quel moment de l’année donc si nous ne sommes pas prêts à soigner notre compagnon, c’est que nous ne devrions pas en avoir un. Je dois dire que je me tâte depuis bien longtemps à essayer de procurer un œuf de bastet, mais comme je suis garde, j’ai peur de manquer de temps pour lui. Je ne pourrai pas toujours l’amener dans mes missions surtout que je fais partie de l’avant-garde, ce qui implique de la discrétion. Si un chat violet venait à traverser l’endroit que je suis sensée infiltrer, je suis sûre qu’on se posera très certainement des questions. Enfin, je ne manque pas de cristaux, ma famille ne manque pas de fond non plus, alors sur ce côté je suis bien même si je ne veux pas dépendre d’eux. Puis il faut dire que je ne suis toujours pas en très bonne relation avec ma mère.

Enfin, je continue de manger doucement. Cette fois-ci le reste du repas se passe dans le silence. Ce n’est pas plus mal après tout nous sommes ici pour notre apprentissage sachant bien évidemment qu’après cette journée, je devrai faire beaucoup de travail pour améliorer notre relation à Arlequin et moi. Si tout se faisait en un claquement de toi, Niraen ne servirait à rien et on ne lui souhaite pas. J’observe d’ailleurs ce dernier donner à boire à Yami le petit Suikys. Il est vraiment trop adorable bien que je sois plus félin que canidé. L’énergie que possèdent les chiens ne va vraiment pas avec la mienne.  Je les aime, mais quand ils ne m’appartiennent pas puis je sais parfaitement que ces derniers ne seraient pas heureux avec moi.

« Ah? Dis-je surprise tout en me tournant vers ma monture qui s’était approchée de moi sans que je ne le remarque. En effet…Il doit venir voir si j’ai des restes dans mon plat. Et ben non! »

Je range le tout dans mon sac et me lève doucement secouant mon postérieur d’une main rapide. Ma fatigue mentale est encore présente, mais rien de bien grave. Seulement, je ne pourrai pas utiliser mon pouvoir davantage. Manger m'a permis de reprendre un peu de poil de la bête pour la suite qui nous attend. Mes bras s’étirent vers le ciel exhibant sans aucune gêne un peu plus de mon ventre puis je place mes mains dans le bas de mon dos afin de faire craquer celui-ci. Autant me préparer à monter la bête et être au meilleur de ma force, n’est-ce pas?

« C’est le grand moment tant attendu. Monter ce grand bestiau sombre. Dis-je en appuyant sur chacun de mes coudes afin d’étirer mes épaules chacun leur tour.  J’espère qu’il sait que s’il fait le fou je risque de me blesser et qu’il ne le fera pas par la même occasion! »

Bon avant tout, parce que je me pose la question et que je ne veux pas me blesser justement, est-ce qu’il y a des exercices au sol à faire avec ce dernier avant que je ne monte tout simplement? Je lui fais d’ailleurs part de ma question assez simple. Après tout, si je me blesse aujourd’hui, c’est mon travail qui en prendra un coup. Bon, je dois avouer que cela ne m’empêchera pas de travailler, à moins d’être dans l’impossibilité de me déplacer, mais je demande tout de même au cas ou.

Une fois debout on fait quelques étirements afin de bien s’échauffer. Aucun de nous ne souhaite un étirement involontaire d’un muscle ou d’un ligament n’est-ce pas?  Niraen l’accompagna donc et cela ne put qu’attirer l’attention de leurs amis poilus qui se demandaient très certainement ce que les deux humains étaient en train de faire de leur côté. Quand nous fûmes tous prêt, l’homme ailé s’approcha alors de ma monture afin de le caresser et ce fut alors le tour d’Arlequin à s’exercer. Après tout, lui aussi devait subir un échauffement avant que je ne puisse le monter. Il s’avère que j’ignore totalement la dernière fois qu’il fut monté et comme je ne l’ai pas fait non plus de mon côté et bien je ne vais pas me jeter comme ça sur son dos. Puis, si le fatiguer un peu lui permet d’être plus obéissant une fois en selle, c’est peut-être mieux ainsi.

Le premier exercice consistait donc à faire venir à nous, à tour de rôle, l’animal attiré par les friandises. Bien évidement, Niraen m’a fait comprendre que je ne devais pas lui en remettre à chaque fois et que lorsque je ne lui en donnais pas, qu’il me fallait simplement le féliciter lui faire comprendre que son comportement était apprécié et qu’il avait agit comme je l’attendais. Alors je dois dire que lorsque je le vois essayer voler dans la besace de ce dernier, je ne peux m’empêcher de rire. Un vrai chapardeur, mais j’observe bien évidemment le comportement de mon compagnon à l’égard de la monture. Après tout, c’est comme ça que je dois réagir. Rester autoritaire et ferme sans faire preuve d’agressivité ou de colère. Ce n’est pas lui qui commande, mais moi. Je ne suis pas l’être dominant, mais je suis hiérarchiquement au-dessus de lui. Bien sûr que ce dernier tenta de faire de même dans mon sac, mais je lui fais comprendre que ce n’est pas du tout ce que j’attends de lui en me détournant légèrement tout en lui faisant comprendre.

« Non, Arlequin. On ne fouille pas dans mon sac! »

Ce dernier releva la tête en me fixant de ses grandes billes sombres, mais je ne me laisse pas attendrir. Quand il semble se détendre et ne plus fouiller dans ma besace, je lui caresse doucement le chanfrein. Les caresses, ça, j’en avais en quantité illimitée, puis j’aimerais bien garder de ses friandises pour lorsque je serai sur son dos.

Bien sûr, on change d’exercice et cette fois-ci, je dois tenir la longe et diriger ce dernier à ses côtés. Je commence bien sûr par une petite marche simple. Bien évidemment, la longe s’étire derrière nous et bientôt, je dois m’arrêter parce que le bestiau ne veut pas bouger. Je commence sérieusement à me dire que ce dernier n’attend que je lui donne à manger pour faire ce que je veux ou bien c’est plutôt moi qui suit contrôler par ce dernier. Je sais que certains chiens assez développer comprennent que lorsqu’ils font quelque chose, leur maître a tendance à leur donner une gâterie pour gagner la paix. Peut-être qu’il essaie de faire pareil avec moi.

« Bon, Arlequin, si tu veux avoir une friandise, il faudra que tu sois obéissant jusqu’à la fin de l’exercice! Pour le moment, tu n’auras rien tant que tu ne donneras pas un peu de toi-même. »

Et je tire légèrement sur sa longe pour l’encourager à me suivre et finalement, je l’entends souffler par ses naseaux et le voilà qui se rapproche de moi me permettant de raccourcir sa longue avant de rester à ses côtés. On continue d’avancer et j’accélère légèrement le pas afin de jogger à ses côtés alors qu’il passe à un trot léger. Après tout, je reste bien moins rapide que lui. J’essaie de changer soudainement de directement afin de voir sa réaction à ce moment parce que des imprévus arrive toujours. Je veux voir comment il réagit et semble assez réactif. Enfin, ce n’est qu’un début, j’ai déjà des chevaux plus réactifs, mais j’ai bon espoir. Le petit Yami se joint doucement à notre jeu. Il ne m’embête pas seulement, je le surveille histoire qu’il ne se faufile pas sous une grosse patte de ma monture. C’est un bon exercice parce que cela me permet de voir comment il réagit aux petites choses qui se promènent non loin de lui et qui peut soudainement passer devant nous.  Enfin, l’exercice terminé, je donne une récompense à ce dernier comme convenu puis Niraen me propose finalement d’essayer de le monter.

Je sens Arlequin plus calme suite à un peu de sport et je dois dire que de bouger partout ainsi avec lui m’a légèrement fatiguée aussi, mais je me sens bien. J’ai l’impression d’avoir dépensé l’énergie nécessaire pour garder la tête froide et ne pas m’énerver au quart de tour. Enfin, je prends tout de même de quoi à boire et donne de l’eau aussi à mon compagnon équin. Lui aussi a le droit de se désaltérer.

Bon, premier détail que je constate, c’est que ce dernier est bien plus grand que les chevaux que nous avons à l’écurie. Ce n’est qu’un simple détail de mon haut d’un mètre soixante. Je suis agile et flexible, mais le suis-je à ce point? Enfin, du coup, je cherche un petit rocher autour de nous qui pourrait me servir de marche pied et je monte dessus avant de caresser doucement la monture.

« Tu es adorable aujourd’hui et tu vas le rester encore, n’est-ce pas? »

Je dépose alors un pied à l’étrier puis me donne un élan pour monter ma seconde jambe au-dessus de lui. Je dépose finalement mon fessier sur la selle et place les rêves de façon à ce que je puisse le diriger lors de notre marche. Malheureusement, ce dernier ne semble pas vouloir avancer et reste planter là…

« Aller, avance!... Yah! » Je fais même claquer ma langue contre mon palais et presse légèrement sur ses flancs avec mes talons, mais rien à faire. « Hue, Dada! » Que je finis par dire désespérer et ce dernier ne fait que secouer sa crinière. Je secoue légèrement les rênes, mais toujours rien. Je pousse un soupir et me penche légèrement vers l’avant pour caresser son encolure.

« Je suis montée, c’est déjà bien… »

Sauf qu’au contact de ma caresse au niveau de son coup, celui-ci s’ébroue doucement et commence à avancer doucement, mais je n’ai pas vraiment le contrôle. Non, en fait je ne sais même si c’est moi qui ai réussi à le faire avancer, mais il se dirige vers quelque fleur qui sembla appétissante selon lui et ne s’arrête que pour les manger.

« On fait quoi quand ce genre de situation arrive? »

Niraen croit qu’Arlequin n’a jamais été monté, ce qui pourrait être tout à fait probable au vu de son inaction à tous les signaux pour avancer. Je ne sais pas dire si c’est réellement la caresse qui l’a fait partir ou l’envie de manger la fleur au loin, mais au moins il se déplace en me gardant sur son dos. Peut-être que ma présence le gêne et qu’il ne sait pas trop comment se conduire. Après tout je ne suis pas à sa place et je ne peux pas le deviner. C’est une brave bête, un peu farceuse, mais je l’apprécie malgré tout. En apprenant à le connaître, j’ai compris qu’il ne s’agissait parfois que d’une façade. La perte de son premier maître doit l’attrister encore aujourd’hui. Jamais je ne pourrai remplacer ce dernier puisqu’il est né à ses côtés et que le lien les unissant est plus fort que tout, mais je ferai tout pour qu’il se sente aussi apprécié qu’avec ce dernier. D’ailleurs, ça m’amène à penser que je pourrais très certainement rendre visite à cet homme avec Arlequin. Ça leur fera certainement plaisir. Non?

Par contre c’est la première fois que je dois apprendre à une monture les commandes pour avancer. Normalement c’est à moi qu’on explique ce qu’il faut faire avec les montures et à la garde, ils ont tous appris la même chose. Alors ici, c’est à moi de décider. Je pourrais faire la même chose qu’à l’habitude. Ainsi, ce sera plus simple pour le palefrenier s’il doit s’en occuper et ça m’évitera de me tromper d’une fois à l’autre. Du coup, j’attends que Niraen me fasse comprendre que de son côté tout est bon et je donne tapote ses flancs de mes talons tout en faisant claquer ma langue. De l’autre côté, Niraen l’attend avec une friandise en main et dès qu’il arrive au point d’arriver, je le félicite chaleureusement avec de grandes caresses.

« Ça l’air de rien, mais c’est plutôt gratifiant. Je peux comprendre pourquoi tu aimes tant ton métier. Dis-je un sourire aux lèvres. Savoir qu’on est sur une bonne voie et qu’on aura travaillé ensemble pour forger notre lien, c’est bien plus plaisant que d’avoir un simple canasson qui répond au moindre commandement. »

On continue ainsi quelques fois jusqu’à ce que cette fois-ci Niraen n’aille plus de friandise en main. C’était le moment de vérité à savoir si mon compagnon avait bien assimilé sa leçon du moment. Alors d’une pression légère, j’appuie sur ses flancs tout en y ajoutant le claquement de langue et ce dernier bouge les oreilles dans tous les sens en regardant devant lui. Bien sûr, il doit voir que notre guide n’a rien dans les mains, mais ce n’est pas une raison. Je retente une autre fois et dès qu’il fait un pas, je le félicite pour l’inciter à continuer ainsi. « Bravo! Continue comme ça! » Un second pas, puis un autre puis sa démarche se fait plus rapide et il rejoint finalement Niraen de l’autre côté.

« C’est bien, Arlequin! »

Jusqu’à présent, nous nous sommes contentés d’aller en ligne droite. Je prends un peu de liberté et je le fais avancé afin de dépasser notre ami pour tirer légèrement sur les rênes afin de le faire passer derrière lui pour passer de son côté opposé pour nous tourner dans la même direction que Niraen. Je tire sur les deux en même temps afin de l’arrêter et ce dernier ne semble pas trop habitué au mors se trouvant dans sa bouche et semble sortir la langue à de nombreuses reprises comme s’il essayait de s’en défaire. Je rigole un peu en le voyant faire, puis je me tourne vers notre professeur.

« On a réussi la partie la plus compliquée, enfin  je crois? Du moins, j’ai réussi à monter sur son dos! Restera qu’à pratiquer tout ça, mais je ne voudrais pas le fatiguer. D’ailleurs, tu te portes toujours bien? Tu as marché jusqu’ici et on est entré dans le vif du sujet. Tu ne souhaites pas prendre un véritable repos? »

Encore une fois, je m’inquiète de l’état du dresseur. Ce n’est pas dans mes habitudes, mais puisqu’il s’est déplacé jusqu’ici pour m’aider aujourd’hui, je ne souhaite pas qu’il lui arrive quoi que ce soit, mais ce dernier ne semble toujours pas fatigué avouant même que la pause lui avait fait grandement bien. Je hausse les épaules. Après tout, il est le mieux placé pour savoir ce qui est le mieux pour lui, non? Enfin, dans tous les cas, il était d’accord avec moi. Il faut ménager Arlequin et comme nous venons de terminer sur une bonne note, autant arrêter sur ce moment pour prendre du repos. Je passai ma jambe par-dessus le dos du grand noir et me laisse tomber au sol rapidement. Arlequin s’ébroua contant d’avoir perdu la cavalière qu’il devait porter. Je me place donc devant lui et l’observant un moment et glisse délicatement une main sous son menton. Ma dextre quant à elle, remonte au-dessus de ses naseaux pour le caresser doucement.

« Il peut conserver sa selle. Je ne vais pas m’amuser à faire le chemin du retour avec cette dernière sur l’épaule. Une fois c’était bien assez. Nous pouvons rentrer pour aujourd’hui. J’ignore si vous aviez autre chose à me montrer sur ce dernier, mais dans tous les cas, profiter de votre séjour au grand-port. Je connais une taverne bien sympathique où il y est bon de manger et boire. »

Puis, je lui ai promis de payer un supplément pour le déplacement, alors s’il faut que je lui paye un repas en plus, ça ne me dérange absolument pas! Enfin, ça, c’est à lui de me le dire. Si ça se trouve, il voudra très certainement retourner chez lui, mais Gerolt n’est pas très regardant sur les familiers qui suivent leur maître. C’est plutôt courant puis mettre à la porte des clients à cause de cela s’est d’un ridicule et cela fait baiser ses recettes!

Je me dirige donc vers mes sacs, m’assurant d’y ranger tout ce qui m’appartenait et qui traînait un peu partout puis attache le petit sac à ma ceinture, alors que le grand se trouve à mon dos. Je reprends la longe en main et regarde doucement les alentours.

« Bon, on y va? Le ciel ne devrait pas tarder à s’assombrir et nous ne voulons pas traîner sur les côtes à une heure aussi tardive. »

Nous mettant donc en route, nous marchâmes à une bonne vitesse histoire de ne pas trop tarder, puis de toute façon, nous n'étions pas très loin de la grande ville portuaire. Khalie en profita pour discuter un peu.

« C'est ta première fois ici? »

Penser à cette taverne m’apporte de nombreux souvenirs et me fait légèrement sourire. C’est quand même bien que je sois celle qui avait arrêté la jeune Nayah alors qu’elle venait de voler une bourse à un vieux riche trop gras pour réussir à la rattraper. C’était la parfaite cible sur le moment, malheureusement, bien que j’étais nouvelle au régiment et pas encore en fonction, je me suis quand même permis de l’arrêter tout en refusant de la remettre à l’officier du moment responsable de la patrouille. Je dois dire que j’ai fait pâle figure devant ce dernier avec mon insubordination. C’est à partir de ce moment que la guerre fut instaurée entre l’officier Rivolti et moi-même. Encore aujourd’hui on se rixe un peu. On n’en manque pas une, ça, je vous le dis. Enfin, dans tous les cas, je suis bien contente que la petite Nayah ait trouvé sa place à la taverne de Gerolt!  

« Je n’ai pas de questions, dis-je en secouant la tête, mais sache que je pourrai facilement te retrouver au besoin. J’ai un flair exemplaire. »  Terminai-je en levant le nez vers le haut tout en le tapotant du bout de mon index.

Bien sûr, lorsque je parle de flair, je ne parle pas d’odeur. Seulement que je saurai le retrouver en posant les bonnes questions puis j’imagine qu’il est plutôt difficile de l’oublier. Enfin, ce dernier prend le temps de faire un résumé de tout ce que nous avons vu voulant s’assurer que j’aille bien tout assimiler et je trouve même le moyen de m’amuser lorsqu’il me fait passer un petit questionnaire pour savoir si j’avais bien retenu mes leçons du jour.

« Je suis peut-être une flemmarde selon mon dossier, mais il y en a là-dedans. Il ne faut pas le sous-estimer. » Dis-je en pointant ma tempe en parlant bien sûr de mon cerveau.

Par la suite, je propose que nous nous mettions en route et c’est en marchant je le questionne sur sa présence dans la partie sud du pays. Ce ne serait donc pas sa première fois en ce lieu. J’aimais beaucoup le grand-port contrairement à la capitale. Déjà, j’y étais née et bien que ma peau claire semblait dire le contraire, cela ne faisait pas longtemps que j’étais de retour puis le reste de ma famille aussi n’était pas basané. Puis, tout semblait exotique en ce lieu. Les vêtements étaient souvent différents de ce que l’on pouvait voir ailleurs. En même temps, avec un soleil de plomb en pleine saison chaude, il était plus courant de voir des hommes et des femmes porter des vêtements plus légers contrairement au nord où ils devaient porter de plus chauds vêtements. Et dernièrement, il y avait les mets que nous offrait la mer qu’on ne trouvait ailleurs.

« Hmm, un enchanteur, dis-je en frottant mon menton. Et bien, je n’en connais pas un personnellement, mais je crois que tu pourras trouver ton bonheur dans le village aquatique. Il y a justement un quartier réservé à l’étude de la magie. J’imagine qu’il y a très certainement quelqu’un qui pourra t’aider. Enfin, j’en suis presque sûre même. Il faut prendre la navette en partant du port. Le spectacle est magnifique. »

Mon regard se posa alors sur le petit canidé qui courait partout aux alentours reniflant tout ce qu’il pouvait. Tant de nouvelles odeurs à assimiler. Il ne devait pas être habitué à l’odeur de la mer puisqu’il vivait normalement en forêt, puis la faune et la flore n’étaient pas exactement la même.

« Il a quel âge le petit Yami? » Que je demande alors que la ville ne cesse de se rapprocher à chacun de nos pas.

Je me doutais bien qu’il s’agissait surtout de son boulot lorsqu’il me faisait répéter. Après tout, n’était-ce pas dans notre intention que de connaître les réponses à toutes ses questions? C’est pour nous qu’il se déplace. Enfin, ma réplique était surtout là pour me prouver un petit peu que j’étais douée, histoire de me la jouer un peu bien que je ne prenais jamais au sérieux. D’ailleurs ce dernier sut rebondir avec humour sur ma petite réplique.

« Vous êtes un éducateur en quelque sorte. C’est bien beau de dresser une bête, mais si le maître ne suit pas derrière, le travail accompli ne sert à rien si l’animal reprend de ses mauvais plis parce qu’on lui laisse faire ce qu’il veut. C’est un travail en continu et non de seulement quelques heures. »

Et c’était très certainement un travail qui demandait beaucoup de patience autant envers le maître que l’animal.

Nous voilà maintenant tout près de la grande ville portuaire et je dois dire que voir le petit chiot courir partout me fait légèrement sourire ce qui me pousse à le questionner sur son âge. Presque quatre mois et portant capable de suivre son maître d’aussi loin? Quel petit courageux.

Nous arrivons finalement aux portes où un petit contrôle de routine dû être fait, mais on me reconnut assez rapidement et je n’eus même pas besoin de montrer ma médaille pour nous faire entrer. Puis, il faut dire que le tour de garde n’a pas changé depuis notre départ. Du coup, une fois à l’intérieur de la ville, je nous guide jusqu’à mis chemin entre le bastion ainsi que les quais.

« Bon, d’ici tu pourras rejoindre rapidement la taverne dont je t'ai parlé. Elle se situe juste à côté de quai et non loin de la navette. Tu n'as qu’à continuer tout droit par là, dis-je en pointant vers la gauche. Tu vas arriver près de la mer. Tu n'auras qu’à remonter la rue. La taverne de Gerolt n’a pas un nom des plus extravagants, mais c’est simple et sobre. On s’y plait bien. »

Sur ces mots, je sors une bourse de tissu que j’avais préparé d’avance puisque nous avions déjà discuté des modalités de paiement et je lui tends donc cette dernière tentant de conclure aussi sur une poignée de main.

« Enfin, merci beaucoup pour ton aide! Je vais aller coucher ce gros bébé, dis-je d’un mouvement de tête en direction d’Arlequin. Je crois qu’il a bien mérité de se reposer. En espérant pouvoir te montrer notre avancé un de ces jours! »