Apolline pas venir ?
Le regard ambré quitta le feuillet d’informations pour se poser sur la silhouette de plus en plus imposante de Kaname. Actuellement à un stade équivalent d’adolescence avancée, la loutre faisait preuve d’un dynamisme s’assagissant peu à peu mais gardant tout son optimisme. Cela faisait quelques semaines que le coursier l’entrainait à effectuer quelques longs trajets avec lui, et la mission qu’on venait de lui confier, simple sur le papier, semblait être une bonne occasion pour lui faire goûter les saveurs multiples de l’aventure. Appréhender les contraintes et les efforts inhérents aux assignations de la Garde.
Apolline ne devrait pas venir. Mais il n’est pas improbable qu’elle se soit encore glissée dans mon sac à dos.
Kana aime bien Apolline ! Marrante.
Si on veut, oui.
Kana aussi contente que Soly chérie vienne !
… Soly chérie ?
Apolline dit Soly chérie. Mignon : Soly chérie.
… si on veut, oui, réitéra Calixte en tapotant de la main la tête enthousiaste de sa loutre.
Après ses mésaventures avec Rebecca – à la suite desquelles il avait demandé à la Valkyrie de s’entraîner avec lui afin d’améliorer un peu son aisance au combat – le coursier devait avouer être content de faire équipe avec Solveig pour cette assignation. Non seulement parce que la jeune femme était clairement une arme ambulante, mais surtout car il appréciait sa compagnie. Ils n’avaient pas eu beaucoup l’occasion de réaliser des missions de concert – la dernière devait être la pénible croisière avec Sieur Lapêche – mais ils avaient pris le pli de se rencontrer sur leur temps libre, de préparer des soirées « valkystiques » qui finissaient régulièrement de manière improbable, et de s’écrire d’un peu partout en Aryon. Cette dernière manie était à la fois plaisante et cathartique pour le coursier qui s’était pris au jeu de la confidence par la plume. Et c’était toujours avec un plaisir tout anticipé qu’il déballait les missives de Solveig à son adresse. Qu’elles fussent enthousiastes, interrogatives ou agacées, les lettres de la jeune femme avaient pris l’habitude d’habiller ses journées, de leur donner une teinte toute particulière. Car quoi de plus délicieux que le parfum coloré de l’amitié suivant inexorablement ses pas, par monts et par vaux, à travers le royaume ? A travers ses émois.
D’ailleurs il attendait avec une pointe d’impatience que la Valkyrie le rejoignit. Non pas parce qu’il fût particulièrement pressé de se mettre au travail, ni qu’il attendît depuis longtemps, mais parce qu’il n’avait eu l’occasion de la croiser que brièvement depuis son retour de la Capitale – occasion à laquelle ils avaient d’ailleurs défini ce rendez-vous à la hâte lorsqu’ils s’étaient rendus compte qu’ils allaient partager la même assignation – et que la soldate lui avait paru loin de son état enjoué usuel. A la fois inquiet et curieux, il avait hâte de pouvoir détromper sa première impression, ou de pouvoir mettre des mots, des raisons, sur cette situation inhabituelle. Enfin, si elle était en binôme avec lui pour l’assignation, c’était qu’a priori, même si elle n’était pas au meilleur de sa forme, il ne devait s’agir de rien de grave. Si ?
Soly chérie là ! s’exclama Kaname coupant ses réflexions.
Le regard de Calixte quitta l’encre du document entre ses mains pour dépasser les bosquets bordant la cour, longer le mur de pierre adjacent, et se lever vers l’un des passages sous arcade que lui indiquait la loutre. Laissant son contentement se peindre sur son sourire, il leva la main pour se signaler à Solveig.
- Mademoiselle Prudence, vous devriez manger.
- Pas faim.
- Oui mais tout de même vous êtes en mission aujourd’hui.
- Je sais.
- Avec Monsieur Calixte.
- Je sais.
- Faites un effort… Pfff… Le bureau du capitaine est dans l’autre sens.
- Pourquoi je dois aller le voir déjà ?
- Pour récupérer l’ordre de mission.
- Calixte a déjà dû le faire.
- Et s’il ne l’a pas fait ? La voix de Louis se fit plus hautaine.
- Il l’a fait. Maintenant laisse moi tranquille. Pour la première fois depuis longtemps, la voix de Solveig ne laissa place à aucun dialogue et la descente jusqu’à la cours principale se fit en silence.
« Ressaisit toi !» s’intima la garde tout en fronçant les sourcils, ne faisant qu’accentuer un peu plus son air renfrogné et les poches bleuâtre qui cernaient ses yeux. Malheureusement tout n’était pas aussi simple qu’elle l’aurait voulu, tout comme sa situation était loin d’être idéale. La jeune femme avait plusieurs fois songée à esquiver sa journée de travail, prétextant une quelconque maladie, fièvre ou fatigue. Elle aurait filé au petit village de ses parents et aurait passé la journée sous une couverture à regarder Samaël reconstruire et remélanger inlassablement son rubik’s cube. Elle l’aurait ensuite prit dans ses bras sans jamais le lâcher. Mais la présence de Calixte l’avait convaincu de rester, de plus son fils était déjà suffisamment perturbé par le comportement de sa mère ainsi que tout ce qui était en train de changer dans leur vie. Cependant il le vivait bien mieux qu’elle n’aurait su l’imaginer. Même lui s’était mieux adapté. C’était une forme de fierté pour la garde.
Les émotions de Solveig s’entrechoquaient durement la tiraillant entre la tristesse et la colère. Parfois elle avait envie de hurler tant cela lui faisait mal et à d’autre elle avait juste envie de fracasser tout ce qui passait à sa portée. Pourtant vu de l’extérieur, elle n’affichait qu’une mine sombre. Un état qu’elle détestait profondément. De nature toujours chaleureuse et souriante, se retrouvait ainsi enfermé dans une spirale obscure ne faisait que lui miner un peu plus le moral. Sauf qu’elle était bien incapable de penser à autre chose qu’à Fauve. L’envie de lui tordre le cou pour de bon était encore bien vivace.
- Ehm… Mademoiselle Prudence… Mademoiselle… Prudence ! Mad-…
Un sifflement reconnaissable se fit entendre et par réflexe les oreilles de Solveig se dressèrent sur son crâne.
- Azazel ? Tu devais rester dans la chambre. Dit-elle dans un soupire lasse. Qu’à cela ne tienne, elle n’était pas d’humeur à faire la guerre à son familier.
- MADEMOISELLE PRUDENCE !
- QUOI ?
- Monsieur Calixte, juste sur la droite.
- Oh… Pardon.
Sans même s’en rendre compte, elle avait bifurqué et était passé sous le nez de son coéquipier sans lui offrir l’ombre d’une attention. Dans un petit rire nerveux Solveig effectua un demi tour et lui adressa enfin un signe de main. Elle lui sourit également, le premier depuis plusieurs jours sans aucun doute. Peut-être était-ce dû aux nombreuses soirées qu’ils avaient partagées ou aux nombreuses lettres qu’ils échangeaient... Toujours est-il qu’elle se sentait à l’aise à ses côtés. Et cela se confirmait une fois de plus, comme si être en sa compagnie permettait d’alléger un peu ce qui la tourmentait.
- Vous êtes bien matinal Monsieur Alkh’eir ! Dit-elle tout en glissant une main dans ses cheveux pour les ébouriffer avant de s’asseoir à ses côtés. - Oh tu emmènes Kana aujourd’hui ? De prime abord elle ne l’avait pas remarqué mais dès que ce fut chose faites elle jeta son dévolu sur la petite – grosse – loutre et lui gratta l’encolure avec fermeté. - Ohoh, t’as encore grandit ma belle ! Tu viens avec nous aujourd’hui ? Ce cher Calixte s’est enfin décidé à être moins papa poule ? Elle lança un petit regard moqueur à l’intéressé puis passa un bras autour de ses épaules, l’attirant ensuite vers elle. - Et comment va ledit papa poule ? Puis elle ajouta plus bas. - Dis moi que tu as récupéré l’ordre de mission, sinon Louis va me casser les pieds pendant des lunes…
Soly chérie pas très bonne à cache-cache, commenta Kaname d’une voix songeuse. Autre jour a passé looongtemps à chercher Kana. Kana était juste cachée derrière poteau, avec Azazel. Azazel faisait éclairs, c’était joli.
Malgré un éclat de contrariété, Solveig prêta enfin attention à son âme artificielle, et son regard vairon croisa celui de plus en plus inquiet de l’espion. L’étonnement passé, Calixte ne pouvait que s’alarmer un peu plus sur l’état visiblement soucieux de son amie. Déjà la veille, lors de leur brève interaction, elle lui avait paru chagrine. Quelques nuages avaient-ils fait leur apparition dans la vie usuellement haute en couleurs de la jeune femme ? Ou avait-elle simplement passé une mauvaise nuit ? Ou enchaîné trop d’assignations ? C’était peut-être ça, car lorsqu’elle arriva à nouveau à sa hauteur, ce fût avec sa familiarité habituelle qu’elle l’ébouriffa et avec son ton enjoué coutumier qu’elle s’adressa à lui.
Avec un nouveau sourire, il attrapa cette main qui taquinait ses mèches et la porta à ses lèvres avant de la lui laisser pour qu’elle s’installe à ses côtés. Amusée par l’action, Kaname tenta de la reproduire, avant de se laisser gratifier de quelques gratouilles.
- Bonjour, Sol ! Bonjour, Louis. Il parait que l’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt, commenta-t-il en pianotant distraitement le dossier qu’il avait encore entre ses doigts. Et je ne suis pas un papa poule, je suis un papa loutre.
Et teisheba !
- Oui, et teisheba. Et drarbuste. Et glooby… cette liste est beaucoup trop longue. Kana a déjà fait quelques allers-retours avec moi pour certaines courses, et comme elle s’est très bien débrouillée…
Kana grande ! Bientôt forte comme K’awill ! insista la loutre en levant son museau avec fierté et insistance près de Solveig.
- … et que cette assignation n’a pas l’air des plus périlleuses, je suis ton conseil de l’emmener avec moi. Donc, poursuivit-il en tapotant du doigt l’épaule de la Valkyrie contre laquelle il s’était aisément lové. Si je prends la sage décision de la laisser grandir et s’épanouir, c’est complètement de ta faute.
Il tendit le document contenant les informations sur l’assignation à sa partenaire et en profita pour mieux l’observer tandis qu’elle s’intéressait au dossier. La désorganisation de la jeune femme n’était pas chose nouvelle, mais il y avait tout de même quelque chose dans les intonations – forcées ? fatiguées ? – de celle-ci qui titillait la curiosité et l’inquiétude coursier. Il y avait de légères ombrelles sous les yeux vairons, et la trace de petites ridules tracassées traversant son front. Ses cheveux, encore humides d’une douche récente, étaient légèrement emmêlés.
- Donc je ne sais pas si l’avenir nous appartient, mais en tous cas celui de ce peigne nous est confié. Celui du Capitaine.
Et d’ailleurs, c’était pas un peu un abus de pouvoir que de faire d’une quête personnelle une assignation pour ses troupes ? Ou peut-être que Solveig et lui étaient punis pour une raison qui lui échappait. Emeor Calyx avait-il enfin réalisé que c’était son coursier qui encombrait davantage son bureau de bricoles incongrues et s’était-il octroyé un ordre de mission ridicule pour que cela lui fît les pieds ? Peu probable, le lieutenant n’était pas de cette trempe, et n’aurait certainement pas approuvé que le propre bordélisme du Capitaine nécessitât l’intervention de ses effectifs pour y remédier. Néanmoins, habitué aux petites déviances venant avec son travail – il n’y avait certainement pas que des colis de la Garde qu’il trimballait d’un bout à l’autre d’Aryon – Calixte n’allait pas être celui qui s’offusquerait de ce type d’assignation.
- Je ne savais pas qu’il avait des goûts aussi… flamboyants ? poursuivit-il en montrant du doigt le dessin du peigne perdu qui avait été joint au dossier.
La représentation peinte à l’aquarelle faisait état d’un objet en camaïeu de rose, serti de strass et saupoudré de paillettes. L’artiste qui avait reproduit le model y avait visiblement mis tout son cœur, et peut être un chouilla trop de zèle. Ou alors le produit original était véritablement rutilant. Et même s’il était familier des affaires plus ou moins incongrues que le Capitaine Al Rakija gardait dans sa chambre, il ne lui semblait pas avoir déjà croisé tant de brillance. Son regard suivit la ligne que Solveig lui montrait.
- Ah. Un cadeau de sa fille. J’ai pas le souvenir d’avoir déjà croisé ses enfants, commenta-t-il distraitement en se disant que, d’une manière ou d’une autre, il lui faudrait un jour jeter un coup d’œil à la maison familiale des Al Rakija à la Ville Aquatique histoire de peaufiner davantage son dossier sur le Capitaine. Alors que Sam… Comment va Thépa ? poursuivit-il par association d’idées.
Il y avait eu de sombres affaires dernièrement parmi les Valkyries. Une disparition, des doutes, des certitudes pour les plus proches, un deuil. Un chamboulement dans l’organisation de l’unité d’élite féminine. Et peut-être était-ce ça, finalement, qui tracassait son amie.
- Bientôt tu seras une vraie loutre de coursier et Calixte n’aura plus de crainte à t’emmener. Quoi que pour le deuxième point j’ai des doutes qu’il soit un jour capable de ce genre de prouesses… Mais il y a du progrès !
Solveig ne cru pas si bien dire puisque la seconde suivante le blond notifiait justement que la présence de la monture était justement dû au caractère facile de leur assignation. D’une certaine façon, Solveig pouvait le comprendre. Emmener quelqu’un au devant du danger, prendre la responsabilité d’une éventuelle blessure, surtout lorsque cette personne nous tenait à cœur, ce n’était pas une mince affaire. Le rythme régulier des doigts sur son épaule lui fit perdre le fil de la conversation, seulement une petite seconde et son regard se perdit dans le vide, alpaguée par des souvenirs qui remontaient bien trop loin. Ses sourcils se contractèrent mais avant que quiconque n’ait le temps de le lui faire remarquer elle reprit son air enjoué.
- Vous devriez prendre exemple, Mademoiselle. Glissa innocemment la dague.
- Prendre exemple ? Sur quoi ? Tu es une dague. Tu n’es pas un bébé dracoloutre. Tu es fais de métal, elle est faites de chaire. Même si je venais à te briser je pourrais te faire reforger. Sa voix trahissait un agacement certain.
- Que vous dites ! Vous n’attendez de moi que cela pour vous débarrasser.
- Pas aux dernière nouvelles.
- Tch… J’aurais du être un gant…
- Tu… Humpf… Le visage de Solveig se fendit en une moue renfrognée et elle se résigna à ne pas répondre. Si elle le faisait, elle perdrait son calme à coup sûr.
- Un peigne ? Murmura-t-elle intriguée à l’attention de Calixte qui lui tendait déjà le dossier. Les pages se mirent à tourner frénétiquement entre les doigts de la chiraki. Ses yeux faisaient des aller et retour de lignes en lignes et s’arrêtèrent finalement sur l’image en aquarelle de l’objet en question. Un léger rire secoua ses épaules et elle pointa du doigt le dessin, non sans gratifier son camarade d’un léger coup de coude pour attirer son attention. Ensuite, elle referma la chemise en carton.
- Je ne pense pas que tu verras souvent ses enfants ici. Ce n’est pas vraiment un lieu adapté. J’emmène Sam parfois, quand je n’ai pas le choix. Je ne les ait jamais vu non plus, pourtant je connais Yuduar depuis longtemps. Tout ce que je sais c’est qu’il y tient comme la prunelle de ses yeux. Et c’était une chose bien normale. Après tout, ils étaient la seule chose qui lui restait de sa défunte épouse. - Et tu t’apercevras vite que ses goûts sont… Parfois surprenant. Il porte très bien le surnom de capitaine fantasque. Beaucoup trop bien même. Dit-elle, hilare. Mais bien vite son sourire disparu et il laissa place à un soupire las. - Thépa ne va pas franchement bien. Je l’ai rarement vu aussi abattu. Les Valkyries de manière générales ne vont pas bien. Riley était l’une des meneuses. Pas très loquace aux dernières nouvelles mais très douées dans son domaine. Sans compter qu’elle était ici depuis un bon bout de temps. M’enfin je ne l’ai jamais vraiment connu. Elle haussa les épaules. - Ça ne me plaît pas mais je dois laisser ma frangine faire son deuil. Je pense me contenter de surveiller discrètement, pour le cas où la chute serait plus rude que prévu. Je ne suis pas très douée quand il s’agit d’elle de toute façon. Rien de très nouveau. Plantant ses coudes dans ses cuisses, elle enfouie son visage contre ses mains puis le frotta avec énergie comme si elle tentait de dissiper un voile invisible. - Puis j’ai quelques affaires à régler de mon côté. Tout s’enchaîne vraiment de manière chaotique… Quel enfer.
D’un coup d’un seul, et tout en attrapant le bras de Calixte au passage, elle quitta le banc où ils étaient installés.
- Bon aller ! On ne va pas faire de vieux os ! Aussi saugrenue soit cette assignation, on doit la faire ! Et puis qui se plaindrait de quelque chose d’aussi sympa hein ? Pas de risque de se faire couper en tranche, ni de servir de petit déjeuné à un glooby géant. Ce n’est pas toi qui va t’en plaindre n’est-ce pas ? Sans lui demander son avis la jeune femme entraina son camarade dans son sillage. - Ça me rappelle notre première rencontre tiens ! C’est amusant. Non ? Oh, je pensais commencer par la chambre de Yuduar. Non pas qu’il soit sot mais il est parfaitement capable de l’avoir égaré devant son nez et passer à côté. La dure vie d’un capitaine… Dit-elle d’un air solennel. Après quoi elle relâcha le bras prisonnier et prit le devant des opérations. Sa démarche qui, d’habitude, était aérienne et sautillante, était aujourd’hui lourde, presque traînante. Ralentissant la cadence, elle se tint aux côtés du coursier et lui adressa un simple sourire. - Et toi alors ? Comment vas-tu ? Tu m’as l’air bien enjoué ce matin !
- Il n’y a que vous pour être d’une humeur aussi exécrable de bon matin.
Les pas de Solveig se stoppèrent net et ses yeux s’agrandirent, lui donnant un faciès un peu fou.
- Je vais le tuer. Déclara-t-elle, cérémonieuse.
- Vous vous couperiez.
- Ce n’est pas cher payé.
- Comme vous y allez…
La chiraki jura plusieurs fois, de manière parfaitement incompréhensible pour quiconque n’avait pas l’oreille collée à ses lèvres. Elle reprit ensuite sa route, tourna sous l’arche d’où elle était arrivée puis bifurqua dès qu’elle aperçue un escalier. Encore quelques mètres, quelques angles de couloirs et ils furent devant la porte.
- Voilà ! Si monsieur veut bien se donner la peine ! Prenant son air théâtrale le plus ridicule, elle se plia en une petite révérence.
Kana pas comprendre, fit la loutre tandis que Solveig embrayait sur les remarques de l’espion.
Tentant d’expliquer à son familier les raisons de leur hilarité tout en prêtant une oreille attentive à sa camarade, Calixte ne réussit bien aucune de ces tâches. Finalement la loutre resta avec l’impression que le Capitaine Al Rakija aimait les objets brillants, et le garde loupa le laïus de Solveig concernant celui-ci. Hochant la tête au surnom de l’homme, il se demanda à quel point il avait disjoncté tandis que son amie lui parlait des enfants de ce dernier. Il n’eut cependant pas l’occasion de revenir dessus, car elle répondit à la seconde partie de ses interrogations : Thépa. Instinctivement, le bras du coursier trouva la courbure des lombes de la Valkyrie, et il l’écouta lui donner des nouvelles de sa sœur.
Bien qu’Aryon fut un royaume prospère et relativement paisible, chacun avait connu sa dose de deuils. Peut-être même davantage en s’enrôlant dans la Garde. Mais il y avait un lien particulier entre la Valkyrie et le coursier, entretenu par correspondance et approfondi un peu plus au Grand Port les lunes passantes, qui avait fait des peines de Calixte le lit d’une relation privilégiée. L’ombre de Ruth s’était peu à peu retirée de sa vie, pour ne plus y laisser qu’une douce empreinte, et le soutien indéfectible de la jeune femme n’y avait pas été étranger. En dehors du monde officieux des espions, il n’y avait à présent certainement plus grand-chose dont le coursier n’osait pas parler avec son amie. Et il espérait qu’un jour, si Lucy le voulait bien, il pourrait à son tour présenter son épaule à Solveig lorsqu’elle en aurait besoin, aussi sûrement qu’elle avait été là pour lui. Qu’elle était là.
Elle s’arrondit pour prendre son visage entre ses mains, et il l’embrassa davantage de son étreinte. D’abord avec sympathie, puis avec une pointe d’inquiétude à la mention d’affaires à régler.
Soly pas bien ? interrogea Kaname réceptive aux humeurs de ces deux humains qu’elle connaissait maintenant très bien.
Je ne suis pas sûr, je… débuta Calixte avant que la Valkyrie ne le devançât et quittât sa position recroquevillée sur le muret.
Déstabilisé par le mouvement soudain ainsi que son bras entraîné à la suite de la jeune femme, le garde se concentra sur l’objectif de ne pas se ramasser contre terre et toute interrogation le quitta sur le moment. Lorsque ses deux pieds eurent à nouveau trouvé une position et un rythme de marche ne promettant pas un bisou forcé au sol après quelques pas, il posa un regard songeur sur la silhouette de Solveig qui le tirait toujours plus loin. Toujours de ceux plus promptes à aller de l’avant que de s’apitoyer sur leur propre sort, elle avait retrouvé cette vivacité à présent focalisée sur l’assignation pour laquelle ils s’étaient initialement retrouvés. Et pourquoi pas. Il était des silences qu’il fallait respecter. Des omissions nécessaires. Des sourires de façade à ne pas forcer. Ombre dans l’ombre, Calixte savait le besoin comme l’exigence des artifices. Cela ne l’empêchait pas de s’en préoccuper pour son amie.
- Oui, on peut commencer par là. Et peut-être jeter un coup d’œil à son bureau si on ne l’y trouve pas, répondit-il distraitement à Solveig tout en continuant à la couver du regard.
Fouiller aussi librement les deux lieux de résidence du Capitaine aurait dû lui donner un goût de satisfaction, mais il était pour le moment bien plus intrigué par la Valkyrie que par Al Rakija. Et puis ça n’était pas comme s’il ne se permettrait pas d’y revenir. Dans l’une comme dans l’autre pièce. Plus tard. A la recherche de documents tendancieux.
L’intervention de Louis lui permis d’éluder temporairement la question de Solveig, et il regarda avec une pointe d’amusement l’interaction entre la jeune femme et son âme artificielle. Et y avait-il là plus de mordant et moins de taquinerie qu’usuellement ? Assurément plus de ronchonnement que d’ordinaire. Quelles que fussent les affaires à régler de la Valkyrie, l’état de son unité comme celui de Thépa abattue par le chagrin devait aussi l’avoir franchement affectée. Ou décuplé sa fatigue.
Ils arrivèrent devant la porte de la chambre du Capitaine, et Solveig se fendit d’une courbette théâtrale. Attrapant la main de son amie la plus proche de lui, Calixte l’attira doucement à lui. Elle lui avait demandé s’il se souvenait de leur première rencontre, et oui, bien sûr que oui, qu’il s’en souvenait. Ca n’était pas tous les jours qu’une Valkyrie vous tombait dessus en demandant une visite guidée et que celle-ci comprît un tour dans les souterrains réhabilités en salles à partouzes. Ca n’était pas tous les jours qu’au bout de quelques heures seulement, on vous demandait si vraiment, ça allait. En promettant une oreille attentive comme une compagnie à toute heure si le besoin s’en faisait sentir.
- Tu sais que cet enfer, comme une bonne amie m’a dit un jour, si tu as besoin d’en parler ou même simplement de compagnie, peu importe l’heure… je suis là, finit-il en serrant au creux de sa main celle qui l’avait déjà tant soutenu.
Le grincement de la porte s’ouvrant sur la chambre du Capitaine Al Rakija interrompit l’instant, et Kaname leva vers les deux gardes un regard innocent.
Cal pas besoin fusionner ! Kana a ouvert. Porte pas bien fermée. Capitaine sait pas fermer porte.
- Merci, Kana, choisit de répondre Calixte en haussant les sourcils avant de s’avancer dans la pièce en bordel, les doigts toujours enlacés à ceux de Solveig.
- Je… Commença-t-elle.
Mais le grincement de la porte l’avait interrompu, retournant son attention sur leur mission. Un petit sourire daigna percer sur ses traits et elle tendit sa main libre pour tapoter affectueusement la tête de Kana.
- Une loutre pleine de ressources, c’est certain. Puis elle se laissa entraîner dans la chambre de son vieil ami.
Rien n’avait vraiment changé depuis la dernière fois. La pièce baignait toujours dans une odeur entêtante d’huile de soin qui lui prenait les narines, la lumière perçait toujours à travers les persiennes en découpant de fin liseré dorés sur le sol. Le désordre était toujours aussi omniprésent voire omnipotent arrivé à ce stade. Délaissant la main du blond elle entreprit d’avancer vers le lit, tirant sans aucune once de gêne l’un des tiroirs de sa table de nuit. A l’intérieur elle découvrit une peinture, de bonne qualité pour sûre ; représentant un homme aux cheveux aussi bruns que bouclés et une jeune femme à la chevelure noir corbeau et au même teint basané que son partenaire. L’identité de ces deux personnes ne faisait absolument aucun doute. Solveig caressa la peinture du bout des doigts. Que ferait Yuduar si subitement son épouse revenait d’entre les morts ? Serait-il heureux ? Aurait-il peur de voir son équilibre se briser ? Cette femme, aurait-elle changé au point de ne reconnaître d’elle que le physique ? Comment réagir ? Que dire ? Devait-elle rester ? Ou s’enfuir ? Prendre Samaël et s’enfuir loin jusqu’à ce qu’il soit en âge de prendre ses propres décisions ? Est-ce qu’elle avait seulement le droit de ressentir de la haine envers un homme, comme Fauve, qui avait souffert pendant plusieurs années ? Sa conscience lui soufflait qu’elle en avait le droit alors que sa raison lui hurlait qu’elle était une femme cruelle. Pourtant son cœur, lui, ne mentait pas. Il était rongé par une haine et une souffrance enfouie depuis trop longtemps ; qui ne demandait plus qu’à exploser aujourd’hui.
Fichtre qu’elle aurait aimé que son ami soit là. Elle aurait voulu lui poser mille et une question. Pour la première fois depuis longtemps elle se sentit affreusement seule et ses épaules se voûtèrent comme si le poids des années venait subitement de les accabler. Sa main trembla et elle laissa échapper le cadre qui rebondit dans un vacarme qui lui parut assourdissant. Rendu maladroite par son esprit embrumé elle tendit les mains dans l’espoir de le rattraper mais ne réussit qu’à effectuer un ridicule demi tour, manquant de se faucher un genou avec l’angle du meuble. La peinture retomba inerte sur le sol et Solveig resta immobile, son corps encore prisonnier du premier mouvement qu’elle avait effectué. Interdite elle ne pipa mot.
Sans même qu’elle ne s’en rendent compte, ses yeux, grands ouverts sur un monde dont elle seule connaissait le contenu, échappèrent des perles salées, et les coins de sa bouche tremblotèrent avant de s’affaisser. Même ses oreilles, si agitées en temps normal, tombèrent avec lourdeur de chaque côté de son crâne lui donnant un air détestable de chien battu.
Solveig aurait voulu balayer tout cela à l’aide de l’un de ses sourires fétiches ou se convaincre une nouvelle fois de ne pas mêler ses proches à ses histoires, encore moins le pauvre Calixte qui avait déjà traversé suffisamment d’épreuves. Tout partait à vau-l’eau, même jusqu’à l’endroit où ils se trouvaient. Comme si la chambre de son ami et amant était véritablement le bon endroit pour s’effondrer. Enfin, au moins ce n’était pas en plein milieu de la cours aux vues et aux sues de tous. Même si elle n’avait pas de réputation à tenir, garder l’image de son sourire inébranlable lui paraissait être une chose primordiale. Enfin, elle se redressa.
- Il est réapparut. Souffla-t-elle en posant les yeux sur le jeune homme, comme si il allait deviner de quoi il retournait. Sa voix si claire et chantante n’était qu’un murmure morne. Elle avait l’impression que si elle parlait plus fort elle allait exploser, que le dégueulis d’émotion qui lui tordait les tripes allait s’extirper de sa gorge d’une manière ou d’une autre. - Fauve, elle grimaça et pinça les lèvres à sa simple évocation, le père de Sam... Il est vivant. Ses iris bicolore se baissèrent sur ses mains. - Je devrais être contente. Mais… je… le… Je le déteste, Calixte. J’ai même pensé à fuir la région avec Samaël. Juste le temps qu’il oublie. Ou alors lui dire simplement de sortir de notre vie. Mais qui suis-je pour priver Sam de son père ? Agrippant ses cheveux à l’aide de ses mains elle se recroquevilla un peu plus sur elle-même. - Je n’avais pas prévu ce cas de figure. Je ne sais pas comment gérer ça. Il devait être mort ou disparut mais il n’aurait jamais dû revenir. Pas après sept ans. Comment aurais-je pu m’y préparer ? Hein ? Comment je dois gérer ça, Cal ? Ses yeux s’agrandirent. - Je me sens prise au piège, j’ai l’impression de me perdre de vue. Qu’est ce que je dois faire ? Sa voix montait crescendo alors qu’elle cédait à la panique et que sa vision s’opacifiait.
Capitaine sait pas fermer porte, et sait pas ranger chambre. Mais Muffin, donc normal.
Calixte se dit qu’il avait mal saisi les propos de Kaname, et tout occupé à froncer les sourcils d’incompréhension en balayant du regard la petite pièce chaotique – ou tout du moins chaotique pour un espion maladroit mais organisé – il laissa la chaleur des doigts de Solveig se défaire des siens sans tenter de la rattraper.
Muffin ?
Capitaine Muffin.
Qui… ? C’est la chambre du Capitaine Al Rakija, Kana. Du régiment Al Rakija. Et pas du régiment des muffins…
Apolline dit Al Raggamuffin. Trop long. Muffin. Khalie aussi autre jour dire Capitaine Muffin. Muffin bon. Muffin poisson très bon ! Soly chérie aussi aimer muffin. Suis sûre mange souvent muffin.
Prononcer autant de fois le terme « muffin » en aussi peu de phrases aurait dû être interdit, tout comme l’associer aussi naïvement à un sous-entendu si regrettable. Clignant des yeux pour chasser l’image intrigante mais inappropriée dans le contexte, l’espion se dit qu’Apolline, par ses surnoms ou ses récits, avait vraiment une bien vilaine influence sur lui. Et ses familiers.
Heu je… ok. Admettons. Fais attention à ne rien abimer dans la penderie.
Oui ! Attention cache-torse, cache-fesses, cache-jambes…
Notant qu’il allait lui falloir reprendre le vocabulaire vestimentaire de la loutre lorsque l’occasion se présenterait, Calixte focalisa son attention sur un petit meuble directement dans l’entrée de la pièce. Comme il était étrange d’avoir la permission – enfin l’avaient-ils vraiment ou se l’étaient-ils un peu rapidement octroyée ? – de fouiller aussi librement les quartiers du Capitaine. De l’une des raisons principales de son affectation au Grand Port. Même si ça n’était pas ces dessins d’enfant, étalés sur le bois de la commode, qui allaient l’aider pour l’assignation en cours, ni pour sa mission plus officieuse d’espion. Quoi que. Il était toujours confortable d’avoir une appréciation globale de ses cibles. Alors qu’il allait céder à sa curiosité et entrouvrir l’un des tiroirs du meuble, un bruit sec le coupa dans son élan et son visage se tourna instinctivement vers la source de celui-ci. Ses yeux ambrés trouvèrent en premier le cadre photo reposant à terre, probable responsable du son l’ayant détourné de sa tâche première, puis remontèrent automatiquement le long de la silhouette de la Valkyrie, figée dans une posture coupable. Affligée.
Ses lèvres s’entrouvrirent pour interroger la jeune femme sur son désarroi, lorsque les perles humides dévalant soudainement les joues hâlées de celle-ci retinrent son attention. Comme son verbe. L’inquiétude lui fit froncer les sourcils, la tendresse réduire immédiatement ces pas qui le séparaient de son amie. Ses bras trouvèrent instinctivement leur place autour du corps se recroquevillant sur lui-même, et il attira contre son cœur celui peiné de Solveig. Il y avait là un désarroi, une peine inhabituelle, débordant en vagues pour heurter son torse de soubresauts, pour mouiller ses épaules d’un peu d’écume. Et s’il n’avait pas menti en proposant son écoute et sa présence à la jeune femme, il ne pouvait que se soucier de la cause de l’effondrement de cette Valkyrie usuellement si vive, si courageuse. Car c’était là des morceaux d’elle qui ne demandaient qu’à s’échapper de son étreinte pour s’égrainer à même le sol. Inconsciemment, il resserra encore ses bras autours de ce corps exsudant la peine de son âme, pour éviter qu’elle ne s’éparpille davantage. L’une de ses mains remonta jusqu’à la racine des mèches claires de la chiraki et il posa doucement sa joue sur leur couronne tremblotante, son souffle chatouillant presque les oreilles abattues.
Il n’avait pas compris, initialement, ce dont Solveig parlait. Et puis les mots, semés de concert avec les larmes empressées, finirent par prendre leur sens, et Calixte mit enfin une raison sur le trouble de son amie. Le regard distraitement planté sur le mur lui faisant face par-dessus l’épaule de la Valkyrie, il laissa son propre cœur accuser un moment de confusion. Parce qu’il y avait là tout un camaïeu d’ennuis qui se profilait à l’horizon, et que s’il était homme à fuir ses propres soucis, il n’en était pas moins loyal à ceux des êtres qui lui étaient chers. Assurément, si le rôle de Solveig avait été le sien, il aurait depuis longtemps mis les voiles pour d’autres paysages. Mais peut-on éternellement éviter un passé bien décidé à se rappeler à nous ? La voix de la jeune femme atteignit de nouvelles fréquences, et il sentit son agitation motrice, reflet de son émoi, écharper les reliefs de son enceinte rassurante. Ses bras glissèrent contre le corps tremblotant de la Valkyrie, l’incitant à s’assoir sur le lit du Capitaine, et comme il l’accompagnait pour se lover contre elle, ses doigts trouvèrent les reliefs de ceux de celle-ci.
- Respire, répondit-il simplement d’un ton bienveillant mais ferme.
Doucement, il posa son front contre celui de Solveig, pour l’inciter à se recentrer.
- Respire, le reste peut attendre, répéta-t-il en entremêlant leurs doigts. Ici, et maintenant, tu es en sécurité avec moi. Le reste peut attendre.
Soly… ? lui fit la voix inquiète de Kaname.
Son regard se voulut bref, mais la chaussette trônant sur la tête de la loutre le fit s’arrêter quelques secondes.
Soly a besoin d’une pause. Est-ce que tu peux continuer les recherches pour nous ? Ça nous aiderait beaucoup.
Oui ! Kana grande loutre. Si Soly et Cal pas bien, Kana peut tout faire, conclut le familier avant de retourner d’une détermination nouvelle vers les placards n’attendant que d’être fouillés.
Leurs mains entrelacées retombèrent sur leurs cuisses, et Calixte décolla son front de celui de Solveig.
- Tu es libre de tout, Soly. D’être contente de le voir ou de le détester. De fuir ou de lui dire de sortir de votre vie. Et peut-être que tu as l’impression de te perdre de vue, mais moi je vois encore bien qui j’ai en face de moi, poursuivit-il en amenant la courbe de son doigt lever délicatement le visage décomposé de son amie, afin que les yeux vairons rencontrassent ceux ambrés. En face de moi se trouve une Valkyrie forte et volontaire, une mère admirable de bienveillance, et une jeune femme libre de ses choix. C’est normal de ne pas être préparé à l’inimaginable. De s’en émouvoir et de s’en préoccuper.
Sa dextre remonta le long de la joue de Solveig et il dégagea doucement les mèches emmêlées qui étaient venues s’agglutiner à l’affleurement des ruisseaux de larmes.
- Au cœur de la tempête, il n’y a parfois rien à faire, que de laisser les choses se faire. Mais au final, quelle que soit l’option que tu choisis, et si tu le souhaites, je serai là pour toi. Que ce soit pour noyer ta détresse dans une des liqueurs hors de prix du quartier Touristique, ou pour déverser ta colère sur un jeu de fléchettes avec une cible à son effigie. Pour préparer tes valises pour d’autres horizons, ou pour préparer Sam à revoir cet homme s’il devait le souhaiter. Pour te tenir la main, ou pour te pousser à aller de l’avant. Pour pleurer encore, ou pour rire un moment. Pour faire sauter à coups de runes magiques ce piège où tu t’es retrouvée empêtrée, si cela est nécessaire.
L’espion se garda d’ajouter que, dans tous les cas, le fameux Fauve venait de trouver son nom placardé sur sa liste de personnes à surveiller. Et que s’il n’était pas de caractère très vindicatif, le garde pouvait se montrer taquin envers ceux chatouillant un peu trop son cercle d’amis.
Fini ! déclara Kaname en les rejoignant pour poser sa tête sur les cuisses de la Valkyrie, afin de l’embrasser d’un câlin à sa manière. Sauf lit. Ai juste trouvé joli cache-cou. Donner à Soly ! Comme ça Soly contente. Sent bon aussi cache-cou.
Regardant la loutre tendre un foulard d’excellente facture à Solveig, Calixte se détacha quelque peu de celle-ci et retira d’un geste distrait la chaussette toujours perchée sur le crâne de son familier.
- Et puis bon, s’il faut aussi cacher un corps, je connais maintenant plein de planques, ajouta-t-il sérieusement à l’adresse de son amie. Ça ouvre plein de portes d’être coursier, justifia-t-il innocemment.
Calixte avait raison elle était libre de tout. Tout n’était, de toute façon, qu’une question de choix. Mais pour la valkyrie ceux là n’étaient pas envisageable. Tout simplement parce que si aujourd’hui elle avait peur de perdre son petit garçon, elle avait encore plus peur qu’il puisse la haïr pour ses mauvais choix en grandissant. Si elle décidait de mettre les voiles, elle privait par la même Samaël de faire un choix. Et il ne s’agissait pas là de choisir le parfum de la boule de glace qu’il allait commander. De même, Fauve était son père biologique, si était un homme couard et cruel, elle se refusait de devenir comme lui. Solveig ne voulait pas non plus le détester, une âme rongée par la haine et la colère devenait toujours laide par la suite. Ce moment de faiblesse n’était que passager, dès demain elle irait de l’avant. C’était une promesse.
Les mots que le coursier prononça ensuite calmèrent le hoquet qui soulevait ses épaules depuis un bon moment maintenant et sa proposition de cacher les corps lui arrachèrent même un rire. Plus bancal et disgracieux qu’autre chose mais un rire quand même. Ses yeux se tournèrent ensuite vers la petite kana qui, la pauvre, n’avait absolument pas demandé à se retrouvé là dans un moment pareil.
- Bon travail mademoiselle… La félicita-t-elle d’un ton qui se voulait encourageant. Puis elle attrapa le carré de tissus et l’approcha de son nez. - J’ai le nez tout congestionné… Pas moyen de sentir quoi que ce soit pour le moment. Elle plia l’accessoire avant de le ranger dans l’une des poches de son pantalon. Mieux valait le mettre en lieu sur le temps qu’elle puisse analyser l’odeur, elle aurait tout le temps de le rendre à Yuduar ensuite. Maintenant qu’elle s’était redressée elle observa Calixte en silence. Ses épaules étaient encore basses et ses oreilles molles mais son regard moins embué semblait avoir reprit un peu de vigueur.
- Je suis désolée. Finit-elle par trancher. Sa tête vint reposer sur l’épaule du jeune homme dans un premier temps puis ses bras se refermèrent autour de son torse et elle se blottit contre lui, cachant son nez dans le tissus de sa veste. - Merci. Murmura-t-elle tout en fermant les yeux, écoutant simplement les battement de cœur qui lui parvenait. C’était un peu égoïste mais elle voulait encore rester comme ça un moment, oublier tout les tracas qui allait lui revenir en plein visage dès qu’elle échapperait aux bras du coursier.
- Je… Humm… Fit une voix qu’elle aurait préféré ne pas entendre. - Premièrement ce n’est pas une tenue pour une demoiselle. Qui diable saute ainsi dans les bras d’un jeune célibataire ? Deuxièmement il y a bien d’autres endroits que le lit d’un supérieur pour se peloter jeune gens !
Par réflexe les oreilles de Solveig s’étaient redressées, venant heurter le visage de Calixte sans douceur. Ses bras le relâchèrent et elle dû soulever l’une de ses cuisses pour libérer la dague prisonnière.
- Je serais volontiers resté silencieux un peu plus mais voyez vous, je suffoque moi Mademoiselle.
- Comment pourrais-tu suffoquer si tu n’as pas de bouche… Marmonna la demoiselle en reniflant.
- La n’est pas la question très chère. La question est : qu’auriez-vous fait si ne n’était pas intervenu ? Fichtre, personne ne protège donc votre vertus ?
Solveig manqua de s’étouffer de rire à la fois pour la bêtise que pour l’entêtement de la dague.
- Calixte ne fait rien de mal. Apolline n’a jamais de geste gentil envers toi ? Le questionna-t-elle avec l’espoir de le faire changer de sujet.
- Justement ! Sa voix monta de quelques octave avant de finir dans un marmonnement de barbe inexistante. Après ça Louis garda le silence et même si il en était dépourvu, elle l’imaginait très bien bien froncer les sourcils en croisant les bras. Las, Solveig poussa un long soupire et vint faire glisser ses doigts le long de la joue de son ami.
- Je ne peux pas te promettre d’être de bonne compagnie pour aujourd’hui. En toute franchise… Je me sens toujours aussi perdu mais je pense… Elle marqua un temps d’arrêt, cherchant ses mots. - Je pense que ça m’a tout de même fait du bien et je me sens plus légère à l’idée de t’avoir à mes côtés. La garde se serait volontiers attardée un peu plus longtemps mais elle ne pouvait pas imposer un comportement aussi déprimant pendant aussi longtemps, sans parler du travail qui les attendait, de Louis qui continuait de ronchonner et de Kana qui attendait patiemment la suite des évènements. Toutefois elle avait la sensation d’oublier une chose. Une chose importante en plus.
- Dis Cali-… Oh merde ! D’un bond elle se précipita vers la porte qu’elle ouvrit à la volée. Instantanément un éclair jaillit et vint s’écraser à l’endroit où se tenait son pied. Fort heureusement, elle eut tout juste le temps de le retirer. - Je suis désolée ! Dit-elle tout en prenant la fuite dans un coin de la chambre. Pour toute réponse le teisheba émit sifflement strident et se lança à sa poursuite. Pourquoi, diantre, leurs missions ne se passaient jamais simplement ?
Il manqua de fait les accusations de Louis, et lorsqu’il voulut s’attarder sur les propos de celui-ci alors qu’il reprenait ses esprits, son attention fut happée par la silhouette de Kaname se glissant sous les draps du lit du Capitaine. Profitant du mouvement de bascule de Solveig qui semblait avoir libéré l’âme artificielle de quelque part sous son séant, la loutre paraissait avoir pris le geste comme une invitation à finir son examen des lieux en poursuivant son enquête sous la couette ainsi davantage libérée. Haussant les sourcils à la petite montagne d’édredon – et de familier – évoluant méthodiquement des pieds à la tête du matelas, Calixte se demanda distraitement si Al Rakija remarquerait les poils de loutre qui se glisseraient immanquablement dans son lit. Lorsqu’enfin Kaname ressortit au niveau de l’oreiller, il lui adressa un sourire incrédule.
Alors ?
Peigne pas ici ! déclara fièrement la loutre avant de redescendre sagement de la couche pour se poster à leurs pieds, dans l’attente de la suite des évènements.
L’attention du garde fut rappelée par des doigts familiers courant le long de sa joue, et il tourna à nouveau un regard vigilant vers Solveig. Le gros de la tempête semblait être passé, pour le moment. Mais il y aurait encore certainement un peu d’orage et de pluie. Levant sa dextre pour lier sa main à celle de la Valkyrie, il la serra doucement en son cœur.
- Tu n’as rien à me promettre, répondit-il. Et je resterai le plus longtemps à tes côtés alors, poursuivit-il tandis que Louis s’insurgeait de cette indécence.
Kana aussi !
- Et Kana aussi, ajouta-t-il même si le regard décidé que la loutre adressait à la Valkyrie parlait pour lui-même.
Amusé, le coursier regarda son familier satisfait récupérer quelques caresses. Avant d’observer, surpris, son amie foncer vers l’issue de la chambre.
- Sol, que… ?
Un éclair agacé traversa l’entrebâillement de la porte que la Valkyrie venait d’ouvrir à la volée, et les sourcils de Calixte s’arquèrent à nouveau haut sur son front. Incrédule, il regarda la robuste soldate danser au rythme des décharges colériques de son teisheba, et il sentit une présence intéressée se hisser en haut de son épaule.
Je croyais que tu ne voulais pas participer à l’assignation.
Assignation nulle. Capitaine Muffin sait pas ranger. Nul. Mais Azazel copain ! Attaquer avec copain !
Qu… NON !
- NON ! Vren reviens !
Mais tout excitée à l’idée de retrouver son camarade teisheba, la petite nébuleuse avait complètement occulté les ordres de son maitre, et filait droit pour se joindre au balai électrique. Sans réfléchir davantage, Calixte se leva d’un bond, passa sous le duo de familiers qui pourchassait Solveig, attrapa la main de celle-ci et l’embarqua avec lui hors de la chambre.
Kana : manta’pist sur Vreneli, et uniquement Vreneli !
Oui ! Jeu ! Jeu !
Un jet d’eau frôla la silhouette du teisheba du coursier, et celui-ci se désintéressa de sa proie initiale pour se tourner vers la loutre géante. Calixte savait que pour toute sa pugnacité, Vreneli ne chercherait jamais à électrocuter cette dernière. Ses familiers, s’ils partageaient rarement de missions, avaient pris l’habitude d’évoluer ensemble. Ils se connaissaient, formaient une famille plus ou moins dysfonctionnelle, et étaient liés d’un amour plus ou moins évident mais ayant jusqu’ici préservé l’intégrité de leurs liens. Par ailleurs, l’espion leur avait appris – et continuait à leur apprendre – à travailler et jouer ensemble. Si Kana pouvait attaquer Vreneli de son manta’pist en veillant à l’intensité du jet d’eau, le teisheba savait qu’il ne devait lancer d’éclairs vers la loutre. Ses « attaques » à lui étaient comptées lorsque son museau réussissait à toucher le haut du crâne de Kaname. Calixte espérait juste qu’Azazel, à défaut d’écouter Solveig, écouterait les consignes de son compère teisheba et ne s’en prendrait pas par électricité à la loutre.
Une décharge passa entre le corps du coursier et celui de la Valkyrie pour s’écraser sur le mur du couloir. Un bref regard par-dessus son épaule apprit à Calixte que si ses propres familiers les suivaient en jouant, celui de Solveig semblait déterminé à leur faire la peau. Et peut-être que ce fut cette notion qui motiva finalement son amie, car elle accéléra soudainement pour prendre les devants de leur course effrénée. Réminiscence de celle des souterrains du Bastion quelques lunes plus tôt ; l’espion se retrouva bientôt balloté comme un sac de pommes de terre derrière la Valkyrie.
- Ce couloir-là ! indiqua-t-il à Solveig qui changea un peu brusquement de direction manquant de lui faire se manger l’angle d’un mur. Pardon, pardon ! s’exclama-t-il à leurs collègues qui s’écartèrent vivement de leur passage en trombes. Là ! finit-il par lancer à son amie en montrant une porte au bout d’un passage.
Une porte qui indiquait le bureau du Capitaine Al Rakija. Parce que Calixte n’avait aucune idée de comment apaiser le teisheba de la Valkyrie, mais ils avaient une assignation à poursuivre. La froideur soudaine d’un jet d’eau mal lancé humidifiant l’arrière de sa tête l’interrompit dans ses pensées, et alors qu’ils touchaient au but un éclair s’aventura un peu trop près de ses mèches de cheveux. Un étourdissement, une odeur de cochon grillé, et une coupe en pétards après, et le coursier adressait une grimace à son amie tout en se massant la nuque.
- Ow.
La jeune Prêth ne sut jamais vraiment comment ils se débarrassèrent du teisheba du coursier, ni si Kana était d’une nature logique au point de détourner son attention. Un regard dans son dos suffit à mettre ses sens en alerte. Azazel avait grandit au fil des mois et sa vitesse qui était autrefois rapide s’en trouvait aujourd’hui améliorée. De même les petites décharges piquantes qu’il envoyait lors de ses premières semaines de vie étaient maintenant de belles canonnades électriques et douloureuses pour quiconque se risquait à l’agacer. Pour l’heure elles n’étaient pas encore à un niveau mortel et heureusement puisque après qu’elle eut prit les devants de leur course et tourné à l’angle d’un couloir sous le judicieux conseil de Calixte, elle put sentir l’air se charger d’électricité et d’humidité puis un claquement la fit sursauter et elle arrêta sa course dans l’élan.
- Je suis désolée ! Sa main lâcha celle du blond pour aller se poser sur ses joues avant de l’obliger à tourner la tête. - Euh… Dis moi… Mh… Tu as encore ce peigne dont tu m’avais parlé ? Vainement elle tenta d’aplatir les cheveux en pétard de son ami. - Décidément…Ah ça ne veut pas… Après plusieurs passages vain, elle se retourna vers les familiers. Il ne lui fallut qu’un instant, au vu de la mine penaude de sa propre nébuleuse pour comprendre de qui provenait la décharge qui avait heurté le pauvre Calixte. Alors qu’elle allait ouvrir la bouche afin de le réprimander, la voix de Louis la coupa net.
- Quand je vous disais que ce teisheba filait du mauvais coton ! Mademoiselle Prudence, faites un effort et débarrasser vous en ! Vous vous rendrez service.
Comme si Azazel avait compris ce qu’il venait de dire, il se mit subitement à s’agiter en poussant plusieurs sifflement strident. Le regard dépareillé de la chiraki le suivit et elle finit par soupirer.
- Si je me sépare de lui je te revendrais au passage et si je n’y arrive pas je te jetterais de l’une des jetées du grand port. Je suis certaine que malgré la qualité de ton alliage l’eau de mer finira par émousser ta lame. Sa voix était chantante, parfaitement taquine mais cela n’empêcha pas Louis de prendre la mouche.
- Je vous savais cruelle mademoiselle mais à ce point…
- Tu aurais du t’en douter. Cette fois, son ton laissait planer l’ombre d’un doute, comme une menace éphémère et pas complètement exclue. Après cela elle éclata de rire et se planta devant Azazel. - Je suis déçue.
- Trrriiiiii… Tentat-il de se défendre.
- Non. A la chambre, tout de suite. Sans hausser le ton, sa voix claqua dans l’air comme un coup de tonnerre.
La mine de l’animal lui fendit le cœur mais elle garda son air renfrogné jusqu’à ce qu’il disparaisse à l’angle du couloir. A ce moment là seulement ses épaules s’affaissèrent et elle poussa un long soupire.
- Je ne vous savez pas une telle autorité.
- Je ne suis pas faites pour l’autorité.
- C’est certain. Quoi qu’après réflexion…
Sans écouter sa dague un instant de plus elle revient aux côtés de Calixte et caressa avec douceur ses cheveux humides.
- Comment tu te sens ? Aaaah j’aurais du être plus sévère avec Azazel… Mais ses sautes d’humeurs sont tellement amusantes… Anhw je saurais nous faire pardonner si tu veux bien ! Elle lui offrit un sourire chaleureux. - Tu te sens de continuer ? Prenant son visage en coupe elle entreprit d’observer avec attention ses traits et surtout ses iris afin d’y déceler une quelconque anomalie qui pourrait mettre un terme à leur mission.
Kana plus de points ! Mais Kana toucher Cal… Cal va bien ?
Jouer encore ! Manque points.
Peut-être Kana perdu, comme Kana arroser Cal…
Azazel donner nouvelle coupe cheveux à Cal. Meilleure tête. Vreneli faire pareil.
Heu non. Non, merci. D’ailleurs…
Il récupéra son peigne magique qu’il gardait dans son sac-à-dos, et passa un coup dans sa tignasse qui reprit quelque peu son allure d’origine. Lorsqu’il rangea à nouveau ses affaires, Azazel se faisait congédier et Louis évoquait d’un ton condescendant l’autorité – ou l’absence de – de Solveig. Patientant sagement sur le côté du couloir, Kaname et Vreneli observaient l’angle où le teisheba avait disparu, communiquant mentalement tour à tour leurs interrogations quant au développement de la situation.
- Un peu étourdi, mais sinon ça va, répondit-il finalement entre les bribes de bavardage mental de ses familiers. Je pense qu’on fait ce qu’on peut, avec les moyens du bord, à un instant donné, rigola-t-il alors que Solveig reprenait son visage entre ses mains. Et je dois avouer que je ne saurais t’en vouloir si finalement tu souhaitais le faire revenir avec nous ; je suis sûr qu’il ne pensait pas à mal. Enfin je crois. J’espère. Peut-être.
Il adressa un sourire contrit à la Valkyrie qu’il l’observait sous toutes les coutures d’un œil attentif et soupçonneux. Sa triple conversation en cours ne lui donnait pas un air très intelligent, et il finit par secouer la tête pour se redonner contenance.
- Désolé ; Kana et Eli se disputent l’attention de mon cerveau grillé, expliqua-t-il sommairement à son amie en récupérant ses mains dans les siennes pour les décoller doucement mais fermement de ses joues. Il n’y a rien à pardonner, continua-t-il en déposant un baiser sur la pommette griffée de la soldate. Poursuivons. Le Capitaine ne se remettrait pas de notre abandon si rapide de sa requête, conclut-il amusé.
Et comme il devait sembler qu’aucune porte n’était jamais vraiment fermée dans l’enceinte du Bastion, il poussa celle du bureau sans difficulté. L’attention rapidement dirigée vers ce nouvel espace de curiosité, Kaname et Vreneli se faufilèrent entre les deux gardes pour s’adonner à l’exploration. Communicant entre eux dans un langage animalier incompréhensible pour le coursier, le duo de familier se mit en quête du peigne cible, de pistes éventuelles quant à celui-ci. Ou tout simplement de distractions. Profitant d’un temps pour observer l’étrange camaraderie entre la loutre sociable et le teisheba grincheux, Calixte se dit qu’il avait de la chance que la plupart de ses familiers s’entendissent entre eux. Même si Ayren, le jeune drarbuste, semblait avoir du mal à trouver sa place dans cette grande famille recomposée, celle-ci connaissait plus de joies que de difficultés réelles. Et heureusement, car si le coursier n’avait initialement pas soupçonné qu’il finirait un jour avec autant de créatures sous sa responsabilité, cela n’empêchait qu’il fallût maintenant composer avec.
- C’est… moins organisé que chez le lieutenant Calyx, mais mieux rangé que ce à quoi je m’attendais, commenta l’espion en détaillant la pièce du regard.
Ce qui était à la fois vrai, mais aussi un petit peu faux. Ça n’était pas la première fois qu’il pénétrait dans l’antre de travail du Capitaine, mais il était régulièrement surpris par l’ordre maintenu par celui-ci, contrastant avec son tempérament plus fougueux. Peut-être qu’Emeor avait peu à peu détint sur son supérieur, ou que le titre porté par ce dernier l’avait finalement forcé dans un moule. Prenant le temps de ne pas foncer directement sur les piles de dossiers qu’il savait les plus intéressantes – pour lui, voire pour leur assignation – Calixte lâcha à nouveau Solveig pour explorer à pas lents le bureau.
- S’il n’est pas là, je ne sais pas trop vers quelle piste on peut se tourner, réfléchit-il à voix haute. Kana et Eli seraient bien incapables de pister l’odeur du Capitaine aussi aléatoirement, et s’il faut fouiller tout le Bastion…
Il se rapprocha finalement de la table occupant l’espace central de la pièce, et son regard sauta de documents en documents avec curiosité, parcourant brièvement les lignes tracées à l’encre.
- Je pense que je peux laisser un mot aux collègues de la logistique afin qu’ils ratissent la caserne ; d’entre tous ce sont ceux qui en parcourent le plus ses divers passages, et qui ont aussi le temps – et certainement l’envie – de se pencher sur ce type de requête farfelue. Ce nous laisserait l’occasion de fouiller hors des murs les derniers lieux visités par le Capitaine. En espérant que le peigne ne soit pas tombé de ses poches dans les innombrables rues du Grand Port. Voire d’Aryon.
Ses doigts déplacèrent quelques papiers à la recherche d’informations pouvant les aiguiller. Et après une fouille distraite mais nécessaire, les mains du coursier s’arrêtèrent pour indiquer à Solveig un large cahier à la protection de cuir usé, que celle-ci avait déblayé de sous une pile de feuilles.
- Et ça, c’est quoi ? demanda-t-il avec intérêt à la jeune femme tout en sachant pertinemment qu’il s’agissait de l’agenda officiel de leur supérieur.
Alors que la Valkyrie ouvrait le carnet pour en prendre connaissance, le coursier s’approcha de celle-ci. Peut-être n’y aurait-il pas grand-chose d’évident pour faire avancer leur affaire, mais passer à côté de celui-ci semblait peu judicieux. Laissant Solveig feuilleter les pages remplies d’écritures différentes – visiblement Al Rakija n’était pas le seul à tenir son propre planning – les yeux de l’espion scannèrent avidement les notes de réunions, rendez-vous divers, missions, et autres réjouissances rythmant la vie du Capitaine. Il n’y avait là quasiment aucune information de l’ordre du privé, et cela limiterait certainement l’utilité du cahier ; mais ces données étaient tout de même loin d’être perdues pour l’esprit curieux de l’espion.
- Dis-donc, il en a des convocations concernant l’état des comptes du Bastion, nota distraitement Calixte tandis qu’ils se rapprochaient dans les dates de celle du jour.
Et peut-être que, finalement, Lucy était d’humeur à s’intéresser à leur quête, car lorsque la Valkyrie fit tourner la dernière page les amenant à la semaine en cours, un tiquet s’envola du carnet et Vreneli s’en empara au vol.
Gagné !
Bravo. Rends-le à Sol, s’il-te-plait.
Effectuant une pirouette orgueilleuse, le teisheba consentit tout de même à remettre le petit bout de papier entre les doigts agiles de la soldate.
- En vous remerciement de votre fidélité – Bon pour un repas en couple à l’auberge des Quatre Saisons, lu à haute voix le coursier par-dessus l’épaule de son amie, les sourcils s’arquant de surprise. Je ne savais pas que le Capitaine avait pareil goût du luxe.
Il s’agissait-là d’un établissement cossu, extrêmement bien placé dans le Quartier Touristique de la ville, profitant à la fois des richesses de celle-ci comme d’une vue imprenable sur les plus beaux atours de la cité portuaire.
- Peut-être qu’il a coutume d’y retrouver des interlocuteurs de marque ? Des Nobles un peu effrayés par la rusticité du Bastion ?
Etait-il possible qu’il y eut aussi passé quelques nuits ? Cela semblait peu probable. Même si les affaires s’étaient possiblement éternisées tard dans la nuit, Calixte imaginait mal le Fantasque se prendre une chambre au tarif indécent alors que son propre lit l’attendait dans l’enceinte de la caserne.
- Ceci dit, il a certainement dû y aller quelques fois pour obtenir de pareil établissement une telle invitation, réfléchit-il à haute voix, pensif. Ce qui est étonnant s’il n’y a été qu’en journée, et uniquement pour y retrouver certains Nobles.
Était-il possible qu’il y eut mis les pieds pour des affaires privées ?
- Penses-tu qu’il aurait pu y retrouver ses enfants ? Sa famille ? Pour leur éviter les locaux spartiates du Bastion. Ça parait quand même surréel, vu le personnage. Quoi que je ne suis certainement pas celui qui le connait le mieux… Mais quand on sait qu’il fait peu cas d’amener ses conquêtes ici, ce bon pour les Quatre Saisons parait bien incongru. Tu as entendu la rumeur ?
Celle d’une belle matinée, de volutes brumeuses s’échappant de la fenêtre entrouverte de la chambre du Capitaine, accompagnées de vocalises doubles et relativement peu discrètes. Cela avait attisé la curiosité comme l’amusement de certains passant à proximité – et il n’était pas impossible que le coursier se comptât parmi les certains – et il n’avait pas fallu plus que la fin de la même journée pour que les bruits de couloirs s’en emparassent et fissent circuler la nouvelle dans tout le Bastion. Il n’y avait pas plus pipelette qu’un garde en repos sur base.
Apolline a théorie sur rumeur Muffin, interjeta Kaname, le museau fouillant une corbeille.
- Apolline a toujours des théories sur tout, nota le coursier en regardant la loutre à l’œuvre. Et celle-ci… bon, j’avouerai être quand même curieux de savoir celle-ci.
Parce que vraiment, tant que ça ne le concernait pas lui, ni ses amis, il n’était jamais contre un peu de divertissement érotique. Le Capitaine était loin d’être un hideux personnage, et ça ne coûtait rien de rêver. Fantasmer. Qui comptait ?
- Il doit apprendre à se contrôler. Conclut-elle simplement d’une voix douce. Et c’était là une triste réalité. Si le caractère orageux d’Azazel l’avait toujours amusé, il venait pour la première fois de dépasser les bornes. S’en prendre à elle était une chose mais dans d’autres circonstances cela aurait pu avoir un impact bien plus important. Solveig n’était certainement pas de ceux qui pratiquent la bienséance ou qui sont des exemples de droiture, elle aurait même pu être qualifiée de laxiste, toutefois, elle ne pouvait laisser un familier de combat agir ainsi. Que se serait-il passé si la nébuleuse avait envoyé un rafale électrique alors qu’elle possédait sa taille adulte ? Elle n’était pas franchement disposée à le savoir. Enfin, la chaleur de Calixte sur sa joue la rappela à l’ordre, l’obligeant à cligner des yeux. Cela la surprenait toujours ; de faire face à une personne aussi tactile qu’elle, mais cela ne la dérangeait pas. Bien au contraire et surtout dans des moments comme ceux là où, même si elle se faisait violence pour ne pas sombrer, elle se sentait plus seule que jamais. D’ailleurs, si elle ne l’avait pas embêtée avec cela un peu plus tôt, nul doute qu’elle aurait plongé se réfugier entre ses bras. Mais l’heure n’était pas au badinage et son camarade le lui rappela en tournant les talons. Pendant quelques instants, ses yeux parcoururent la cambrure de son dos, remontant sur ses épaules avant de s’attarder sur sa nuque où quelques cheveux humides terminaient leur course. Le prémisse d’un sourire étira l’un des coins de ses lèvres et elle chuchota. - Je te suis. Ils pénétrèrent dans la pièce.
D’aussi loin que remontait ses souvenirs la jeune garde n’avait jamais mis les pieds dans le bureau de Yuduar et elle devait bien admettre une chose, elle aussi s’était attendu à trouver un foutoir monumental. Plus encore, elle était presque outrée de voir un endroit si conforme et si bien rangé. A présent il y avait une chose dont elle était quasiment certaine ; le peigne n’était pas ici. La pièce et tout ce qu’elle contenait était bien trop organisé pour que l’ont pu y perdre un objet. Du moins à ses yeux.
- Personne ne serait capable de pister une odeur si faible dans un lieu si vivant et je sais de quoi je parle. Confirma-t-elle. - Je suis convaincu que le peigne n’est pas ici. Et en même temps… Qui irait se promener en ville avec un peigne aussi… Anhw… Il s’agit de Yuduar après tout. Ça ne serait pas surprenant venant de lui. Poursuivit la Valkyrie, songeuse. - Laisse moi réfléchir… Et comme si cela allait l’aider en quoi que ce soit elle rejoint en quelques enjambées le confortable fauteuil qui faisait face au bureau. Elle se pelotonna dedans tout en laissant ses yeux courir sur le bureau. De temps à autre elle soulevait également une pile de feuille, en repoussait une autre. Enfin, alors qu’elle allait également le repousser dans un coin et sans doute faire tomber l’encrier qui s’y trouvait, Calixte l’interpella et désigna un vieux cahier dont la couverture ridée laissait supposer qu’il avait vécu bien assez longtemps.
- L’agenda sans doute… Marmonna-t-elle tout en se mettant à feuilleter les pages à la vas-vite afin de tomber sur les semaines précédentes. - Ah… Oui les comptes… Je l’avais entendu en parler, je crois que cela lui a pris un ou deux jours… Il a été convoqué par la trésorerie royale. J’imagine que les comptes ne sont pas très bons. Et il ne nous a pas fait beaucoup de retour sur les nouvelles mesures. Je ne saurais pas t’en dire plus… Ses yeux se levèrent pour aller interroger ceux du coursier, peut-être en savait-il un peu plus ? En même temps elle tourna une nouvelle page pour passer à la lune suivante, c’est à ce moment qu’un petit bout de papier échappa à son attention, vite rattrapé par le familier, fort heureusement. - Merci. Lui dit-elle dans un vague sourire en prenant le bout de papier, l’étirant devant son visage de façon a ce qu’ils puissent voir tout les deux.
- Mh… Marmonna la chiraki tout en gesticulant sur le siège de façon à faire passer ses jambes sur un accoudoir et appuyant son dos sur l’autre. - Yuduar est un bon vivant mais tout de même. Tu le verrais toi dépenser autant de cristaux pour ça… ? Elle écouta avec attention les remarques qu’il lui fit. - Tu as raison. Il préfère la simplicité, oh bien entendu je l’imagine mal cracher sur un tel endroit de temps à autre mais…
- Ce n’est pas vraiment le genre d’endroit où emmener des enfants, Monsieur Calixte. Coupa la voix de Louis. - Voyez vous, l’endroit est parfaitement raffiné et luxueux. Cependant il pousse plus au romantisme et aux retrouvailles privées qu’aux réunions de famille. Si Monsieur Al Rakija s’y est rendu et ce à plusieurs reprises… Enfin vous voyez l’idée, n’est-ce pas mon jeune ami ?
- Peut-être que ce n’est pas n’importe quelle conquête ? S’interrogea la chiraki. - Peut-être que c’est une dame de haute volée et qu’il ne peut se permettre de l’emmener au bastion ? Ou alors peut-être que c’est une personne qui doit à tout prix garder son identité secrète ! Un amour caché ! L’adage dis « pour vivre heureux vivons caché » crois-tu qu’il est en train de vivre une histoire à l’eau de rose du genre… Des étoiles se mirent à briller dans les profondeurs de ses prunelles, son âme de commère s’éveillait. Elle fit toutefois l’effort de se contenir et tourna vers lui des yeux innocents. - Une rumeur ? Quelle rumeur ? Même si elle supposait savoir de quoi il parlait, elle voulait savoir ce qui se disait, avec exactitude.
En attendant une réponse, elle se remit à fouiner sans pour autant quitter le siège. Tirant un tiroir si et là, elle finit par tomber sur une petite boite de mouchoir qu’elle utilisa pour se moucher -logique- farouchement. Quand ce fut fait, elle attrapa le morceau de tissus dans sa poche.
- Bien, livre moi les secrets de ce bon vieux capitaine. Je l’imagine mal avoir développé une subite passion pour les foulard en cachemire alors… Elle renifla une dernière fois afin de bien libérer ses sinus puis plongea le nez dans le tissu et inspira jusqu’à ce que ses poumons soient entièrement emplie du parfum enivrant qui le recouvrait. - Encre, papier… Oh… S’exclama-t-elle. - Je crois… Du Divine Mademoiselle de Choco Chawel ! C’est un parfum assez connu mais qui n’est pas porté par n’importe qui. Le prix de la bouteille équivaut à un mois de salaire. C’est un mélange de divinam, d’héliotrope, de jasmin et surtout, ce qui fait sa renommé… la maison de Chawel ajoute toujours des essences de banzaï diamantaire… Je ne sais pas si tu connais mais c’est un produit rare qui se vend à prix d’or… Ses yeux s’agrandirent et se posèrent dans ceux de Calixte, une lueur d’affolement y perçant. - Tu ne crois tout de même pas que Yuduar se fait entretenir par une vieille héritière rabougrit hein ? Qui d’autre pourrait vouloir d’un vieux garde veuf… ? Ca expliquerait le lieu et le niveau de discrétion...
D’un coup d’un seul, elle se leva du fauteuil.
- Nous ne trouverons pas nos réponses ici. Allons directement à cette auberge ! Attrapant le bras de Calixte, elle l’entraîna à sa suite sans lui laisser franchement le temps de protester. Entrelaçant leurs doigts et sautillant d'une gaieté étrangement retrouvée, elle les conduisit au devant d’une auberge, qui s’avéra ne pas être la bonne. Faisant mine de connaître son chemin elle poursuivit sa route et bifurqua à droite puis à gauche et encore une nouvelle fois à droite. Au bout d’un bon kilomètre elle se rendit à l’évidence, mieux valait laisser Calixte les diriger.
- C’est vrai que vu son profil, il serait plus logique que celui de sa soupirante soit effectivement une Noble d’un certain âge. Au-delà de canonique, ne pouvant plus elle-même avoir d’enfants, réfléchit à haute voix le coursier, fasciné – bien plus personnellement que professionnellement – par la tournure de l’affaire.
Ils s’arrêtèrent un temps devant une façade, puis Solveig sembla insatisfaite par celle-ci et ils poursuivirent leur route. Tout à ses interrogations, et conquis par la gaieté nouvelle de sa camarade, il se laissait porter par le pas sautillant de celle-ci, lui faisant complètement confiance sur la direction empruntée. Et s’il enregistra qu’ils étaient loin de prendre le chemin le plus court pour atteindre leur objectif, il ne s’en formalisa guère. Chaque moment illuminant davantage le visage de la Valkyrie était un don.
- Mais peut-être qu’une jeunette s’est entichée de sa réputation ? Les enfants peuvent aisément rebuter les âmes qui n’en ont pas, mais si toute l’affaire reste sans attache… Peut-être que la notoriété et le charme suffisent au Capitaine pour s’attirer l’attention de quelques jeunes héritières de famille ? En quête du frisson de l’aventure ?
- Il me fait certainement frissonner la fermeture éclair.
Copine Apolline !
Trousse bavarde.
- Pourquoi ça ne m’étonne pas que tu apparaisses à ce moment-là ? nota avec résignation Calixte tandis que l’âme artificielle se hissait de son sac à son épaule, tout en saluant Louis et Solveig de quelques commentaires salaces.
Et comme la Valkyrie paraissait plus intéressée par la petite trousse que de continuer à les faire avancer par le chemin le plus long qu’elle connût pour atteindre l’auberge des Quatre Saisons, le coursier reprit l’initiative. Le trajet allait donc être finalement plus court, car il ne tenait pas nécessairement à faire interminablement la conversation à une Apolline visiblement en forme.
- J’suis sûre qu’essayer c’est l’adopter ! L’âge a dû bonifier ses performances… me dis pas que tu t’en souviens pas ! J’suis certaine que y ait pas une oreille au Bastion qui n’ait pas entendu la rumeur. Et dire que toi tu as eu la chance d’être aux premières loges pour entendre ces performances.
- Celle d’activités tout en vocalises chez le Capitaine, commença à expliquer l’espion à Solveig dont les oreilles intéressées par ces ragots, qu’elle avait effectivement semblé ne pas connaitre plus tôt, s’étaient redressées avec intérêt.
- T’as vraiment pas entendu la rumeur, Soly chérie ? Mais où étais-tu !?
- Ca remonte à un certain temps maintenant. Quelques semaines ? Lunes même, je pense. Qu’importe, le fond de l’histoire c’est qu’un certain matin, alors que le Capitaine avait laissé sa fenêtre entrouverte…
- Et qu’il délassait visiblement ses burnes dans un bain chaud, à en juger la brume qui s’en échappait…
- … ceux passant à proximité ont profité des échos d’activités très certainement charnelles. Ou alors…
- Ou alors que dalle, éclata de rire Apolline. Tu les as toi-même entendus, ça laissait vraiment pas place au doute. Par contre la question que tout le monde se pose, c’est qui donc s’éreintait avec Al Raggamuffin ?
- C’est vrai qu’à cette heure-ci y avait déjà un peu d’activité. Il est plus que probable que l’un de nous ait croisé sa conquête avant ou après les réjouissances. Et pour être passée aussi inaperçue…
- C’est quelqu’un du Bastion ! Peut-être même une Valkyrie, comme quoi l’Etalon des guerrières doit pas toucher si loin de la vérité.
- On n’en sait rien, Apolline. D’ailleurs…
Récupérant la trousse, Calixte la rebalança d’un geste habitué au fond de son sac. Ils étaient arrivés devant le passage donnant sur l’auberge des Quatre Saisons, et le phrasé vulgaire de l’âme artificielle n’y avait pas sa place.
Copine Apolline trop bavarde pour jolie auberge, déclara solennellement Kaname alors qu’ils s’avançaient sous un porche pour pénétrer dans une petite cour isolant la bâtisse de l’agitation de la rue.
- Exactement. Vous nous attendez tous les deux dehors pour le moment. Prenez soin l’un de l’autre, d’accord ?
Et comme les deux familiers acquiesçaient, le coursier s’avança vers l’entrée du bâtiment, qu’un homme costumé leur ouvrit galamment.
- C’est notamment pour ça que je suis un peu sceptique sur le fait que le Capitaine profite d’un endroit comme celui-ci pour des rencontres romantiques. Enfin, l’épisode du Bastion remonte, et il peut aussi tout à fait courir plusieurs lapins en même temps.
Le murmure d’un commentaire monta de son sac-à-dos, et l’espion passa une main par-dessus son épaule pour serrer davantage les liens fermant celui-ci.
- Qu’est-ce que tu en penses ? poursuivit-il en se tournant enfin tout à fait vers Solveig.
Distrait par Apolline, ses familiers, la route à prendre et les hypothèses qui s’affrontaient dans ses pensées, et rassuré par la joie qui avait semblé peu à peu ressaisir son amie, il l’avait doucement lâchée de son regard attentif.
- Je m’étonnais de ne pas t’avoir encore vu ! Ironisa la garde lorsque la trousse fit son apparition. Apolline était un drôle de numéro et elle était presque certaine que si ça n’avait pas été Calixte elle aurait été envoyé aux poubelles en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, mais elle l’appréciait. Que cela soit pour ses talents d’écriture, son incapacité notoire à se taire lorsque cela était nécessaire ou simplement pour la bienveillance qu’elle portait au coursier. Malgré son état d’âme artificielle, elle était de bonne compagnie.
Si Louis avait gardé le silence jusqu’ici, se contentant de marmonner quelques commentaires de temps à autre, il se mit à toussoter de manière distinguée, comme lui seul savait le faire.
- Ma dame Apolline, qu’elle surprise, je suis content de vous voir !
Ne lui prêtant aucune attention, Solveig se rapprocha de l’épaule de Calixte. Non pas par envie subite de rapprochement mais bien parce que les histoires de la trousse de cuir l’intéressait. Ah... Elle en connaissait des discoureuses avides de connaître tout les petits potins, elle en faisait partie mais Apolline était au dessus du lot. La rumeur parlait donc de ce bon vieux Yuduar qui aurait rameuté la moitié du bastion à cause d’une partie de scrabble un peu trop énergique.
- Euh… Marmonna-t-elle tout en pinçant les lèvres. Bien sûr qu’elle en avait entendu parler, pis encore, elle en était à l’origine. Avaient-ils été si bruyant ? Elle n’en avait pas l’impression. Son esprit s’égara un instant dans le passé et elle hocha la tête. Si ils l’avaient été. Mais comme le faisait si bien remarquer la trousse l’âge avait bonifier ses performances et Solveig n’était pas d’une nature à cacher son plaisir, bien au contraire. Toutefois elle blêmit lorsque la présence du coursier fût annoncée, ses yeux se tournèrent légèrement vers lui avant de se replanter droit devant elle, son pas se fit un peu plus pressé. Pour la première fois depuis bien longtemps elle ne savait pas trop sur quel pied danser, c’était un sentiment assez étrange d’ailleurs. Elle n’était pas du genre à se cacher de ses conquêtes, pourtant pour cette fois elle espérait bien que la rumeur mourrait dans l’œuf sans que quiconque ne cherche à voir plus loin. A cause de la différence de rang ? Ou peut-être que c’était son camarade le véritable fond du problème ? Elle lui lança un nouveau regard de biais tout en gardant le silence. Seule la supposition de l’âme artificielle la fit réagir.
- Va savoir… Peut-être que cette femme à un pouvoir d’invisibilité ou qu’elle peut se fondre dans les murs. Ça ne serait pas une nouveauté. Son ton était volontairement nonchalant.
Enfin arrivée devant l’auberge Solveig s’assura que Louis s’était bien rendormis. Il savait se tenir mais par Lucy elle n’avait aucunement besoin de l’une de ses interventions intempestives, encore plus lorsque l’on savait qu’il avait le chic pour apparaître au moment le moins opportun. Par chance l’ignorance totale qu’il avait reçu un peu plus tôt l’avait incité à faire un petit somme et il avait le sommeil lourd. Ainsi ils passèrent l’entrée sans aucun problème, ne s’arrêtant que lorsqu’ils furent à la hauteur d’un petit pupitre où devait s’effectuer les réservations.
- Ce que j’en pense ? A son tour elle leva les yeux vers lui. - Je… Mh… A l’époque où j’ai connu Yuduar il venait de perdre sa compagne, autant dire qu’il n’était pas un grand coureur de jupon… Elle tapota son menton du bout de sa griffe. - Mais je pense qu’il est bien capable d’aller manger à plusieurs râteliers et puis, ce n’est pas parce que tu te contentes de coucher avec une personne que tu ne peux pas passer des bons moments avec hors du lit. Non ? L’interrogea-t-elle. Ensuite, elle fit un pas dans sa direction et l’observa en plissant les yeux. - Mh… Tu m’as l’air très curieux à ce sujet… Serais-tu… Intéressé par Yuduar ? Inverser la tendance pour détourner l’attention, voilà qui était digne de son génie. Elle aurait volontiers enfoncé le clou mais malheureusement une voix vint les interrompre.
- Ma dame, Monsieur, vous avez réservé ? Droit comme un i, un homme aux cheveux gominés poivre et sel se tenait derrière le pupitre. Ses yeux, d’un bleu si clair que Solveig se demanda s’il n’était pas aveugle, se mirent à les détailler des pieds à la tête avant qu’un sourire énigmatique ne vienne étirer le coin de ses lèvres. - Si ce n’est pas le cas vous avez de la chance, nous avons souvent quelques tables libres le midi. Je pense qu’il doit nous rester quelques chambres également, la saison fraîche n’est pas du goût des voyageurs… Soupira-t-il d'un air maussade.
Interloquée, la jeune femme mit plusieurs secondes à réagir. - Quoi ? Finit-elle par laisser échapper, le fond de ses iris exprimant l’entièreté de son incompréhension.
- Vous et votre… Compagnon ma dame…
- Mon compagnon… ? Elle se tourna vers Calixte avant qu’enfin son cerveau ne daigne réagir. Éclatant d’un rire nerveux elle secoua la tête de gauche à droite. - Ahahahaha… Non, nous ne euh… Nous ne sommes pas… Oh laissez tomber. Un dernier regard en direction de son « compagnon » et elle posa la question fatidique. - Auriez vous reçu, il y a de cela quelques jours un client, grand brun avec une grosse barbe et qui rigole beaucoup trop fort. Sans doute habillé avec des vêtement très colorés… ? Cette journée était définitivement bizarre.
- Nous enquêtons sur la disparition d’un objet cher au Capitaine, et il semblerait qu’il aurait pu l’oublier dans votre établissement, précisa-t-il alors que leur interlocuteur observait attentivement les lignes du formulaire, vérifiant leur authenticité.
Finalement, il retendit au coursier le papier, et s’arma d’un large almanach barbouillé de noms et d’indications diverses.
- Ce… client est effectivement passé dernièrement, et la chambre qui lui a été allouée a été la même que les fois précédentes. Par chance pour vous, la fraicheur se profilant a épargné de nouveaux clients dans celle-ci depuis sa dernière visite.
Se tournant pour récupérer l’une des clefs du porte-clefs mural derrière lui, le réceptionniste la leur confia tout en notant cet emprunt temporaire comme sa raison.
- Il vous faudra emprunter le second escalier sur votre gauche après les camélias, puis monter jusqu’au dernier étage. Vous ne pourrez ensuite vous tromper : il n’y aura là qu’une seule chambre. Je m’en vais entre temps vérifier l’inventaire des « objets trouvés ». Si vous rencontrez mon collègue en repartant, demandez-lui « James » de l’accueil, que je vous informe des résultats de cette recherche.
- Pourrait-on savoir avec qui la chambre a été partagée ? Si on n’y trouve pas l’objet, il ne serait pas improbable que sa partenaire l’ait embarqué, volontairement ou pas.
- Si cette chambre a effectivement été partagée, et que vous n’y trouvez guère l’objet de vos recherches, je vous propose d’en rediscuter à votre retour à la réception. Politique de l’établissement ; je suis certain que vous pouvez comprendre le désir de discrétion de nos clients.
Voilà qui était à la fois frustrant et intrigant. Mais Calixte hocha docilement la tête, et ils avisèrent l’escalier qui les mènerait à la chambre contenant peut-être encore le peigne perdu. Curieux et peu pressé d’en finir avec cette histoire, le garde devait s’avouer qu’il espérait ne pas mettre la main sur l’objet cherché, juste pour avoir le fin mot de celle-ci. Rangeant le dossier de mission dans son sac, il sentit Apolline profiter du mouvement pour se rehisser sur son épaule.
- Pas très loquace votre copain à l’accueil, pourtant tellement plus chaleureux à l’idée de vous donner une chambre. Sûrs que vous voulez pas partager un bout d’matelas ? Ça remettrait des étoiles dans ses yeux. Et p’tet dans les vôtres aussi. Sans compter des paillettes entre les draps. Pas l’même genre que celles du peigne, commenta l’âme artificielle dans un nouvel éclat de rire. Est-ce que j’vous ai raconté la fois où Abdoul mange’moule a voulu rendre phosphorescent son sper…
- Je pense qu’on peut se passer de cette anecdote.
- Vrai. Les potins sur Al Raggamuffin sont bien plus croustillants. Tout comme son séant lorsqu’il revêt l’uniforme de Capitaine.
- Y a un uniforme de Capitaine ?
- J’espère bien, y a un fantasme à conserver ici. Le costume, les abdos, la discipline ; faut faire un peu tourner la machine du rêve autour de la Garde !
- Parfois, je ne sais pas ce que tu t’imagines qu’on y fait.
- Parce que cette assignation est vraiment le reflet de l’utilité militaire. Non, faut s’attarder sur ce qui a du sens : les fantasmes et la bai…
- Ca va être là, indiqua Calixte à Solveig en lui tendant la clef enfin qu’elle l’ouvrît, son pas sautillant l’ayant précédé.
La porte de bois s’ouvrit dans le silence de gonds bien huilés, et leur découvrit une pièce aux proportions très correctes, dont le mobilier avait visiblement été choisi à la fois pour son confort et pour son faste. Située au dernier étage de l’auberge, la chambre disposait d’étroites fenêtres donnant vue sur les toits des bâtisses alentours, les rues agitées du Quartier Touristique, et même à l’horizon sur l’onde marine.
- On prend celle-là ?
L’espion jeta la trousse de cuir dans un coin de la salle.
- Rends-toi donc utile, indiqua-t-il dans un soupir à l’âme artificielle tandis qu’il avisait les tables de chevet.
- T’sais j’pense pas qu’il s’offusquerait que vous lui piquiez transitoirement sa chambre d’explorations charnelles. Hé à l’occasion on pourrait se glisser dans le mur pour profiter de celles-ci.
Les billes ambrées s’arrondirent tout à fait, et le regard du coursier se posa sur Solveig qui papillonnait d’un coin à l’autre, fouillant plus ou moins inefficacement la pièce.
- Alors, heu non hein. Ça serait flippant.
- Tu penses qu’il fait des trucs flippants au lit ?
- Je… non. Flippant de fusionner dans un mur – ou autre chose – pour regarder d’autres s’encanailler.
- Hou y a quelques bouctons sous cette commode. Ça fait du contenu gratos pourtant ; j’vois pas pourquoi tu t’effarouches.
- On reparlera de la morale et de l’intérêt d’avoir une conscience, marmonna l’espion en reposant le livre traitant des préceptes de Lucy dans la commode où il l’avait trouvé. Et mon imagination me suffit, merci. Le charme du Capitaine ne me laisse pas indifférent, non, ajouta-t-il avec un sourire mi amusé mi sincère à l’adresse de la Valkyrie, se rappelant sa boutade de plus tôt.
- Ce parquet est vide d’intérêt en dehors des poussières s’y accouplant. Si t’avais pu joindre le Tetris de l’autre matin ?
- Une charmante idée, mais une idée, rien de plus, concéda partiellement Calixte en quittant la zone de la literie et du petit bureau adjacent. Je n’ai rien de ce côté, as-tu plus de succès sur la partie salle d’eau, Sol ?
Cette dernière n’était séparée du reste de la chambre que par un élégant paravent – d’ailleurs replié en l’absence de client – et de ce qu’en percevaient les yeux du coursier, aucun objet y trainant ne ressemblait à un peigne rose pailleté. Mais peut-être que la fouille des divers tiroirs avait apporté à son amie quelques informations intéressantes, voire ledit peigne cherché.
- Il s’appelait vraiment mange’moule ? Demanda-t-elle distraitement alors que ses yeux se perdaient sur une peinture dont l’enchevêtrement de corps lui donnait le tournis. Elle s’arrêta d’ailleurs devant pendant quelques instants, mais pas suffisamment pour que son camarade ne la dépasse. - Elle a raison ! Les fesses de Yuduar sont déjà sympathiques mais en uniforme… ! Puis subitement une once de raison lui revint et elle croisa les bras dans son dos. - Enfin, je crois. Pour ses fesses. Pas comme si je les avais déjà vu. Enfin. Bref. A moi de jouer ! Dit-elle alors qu’on lui tendait la petite clef de la chambre. Ni une ni deux elle l’enfila dans la serrure tourna de deux crans sur la droite et entendit le loquet se soulever. Contre toutes attentes la porte n’émit pas le moindre son. Solveig eut presque l’impression d’entrer dans un endroit interdit tant le silence qui y régnait était impénétrable. Néanmoins cela n’allait aucunement entacher ni sa curiosité ni son énergie et c’est sans se faire prier qu’elle entra dans la pièce.
Du coin de l’œil elle pu voir Apolline voltiger jusque sous une commode. Étrangement silencieuse, la valkyrie ne perdait pourtant aucune occasion d’écouter ce que se disait les deux autres. Sans compter qu’avec un tel calme il lui était parfaitement impossible faire croire qu’elle n’entendait pas. Mais tout d’un coup, ses oreilles se dressèrent sur son crâne et elle adressa un regard surprit à Calixte. Ses yeux papillonnèrent quelques instants et, songeuse, elle disparut au niveau de ce qui pouvait être qualifié de salle de bain. Elle commença d’abord par fouiller sous la baignoire où elle ne dégotta rien, puis dans une petite commode où elle ne trouva qu’une brosse à cheveux de voyage. D’un noir d’encre, elle était bien loin du peigne affriolant qu’ils recherchaient.
- Pas grand-chose. Quittant la petite zone de douche Solveig revint au centre de la pièce. - J’ai trouvé ça. Elle leur présenta la brosse puis tira sur un long cheveux blond. - L’odeur est similaire au foulard que j’ai trouvé et… Ses yeux se plissèrent, analysant avec attention le fil d’or. - Ces cheveux sont en bonne santé. Blond. Ce n’est pas de la teinture…. Du moins ça n’en a pas l’air. Je ne crois pas que nous trouveront quelque chose de plus ici. Par contre… Elle déposa calmement la brosse sur le bureau après y avoir de nouveau coincé le cheveux. Après quoi elle fit quelques pas en direction de Calixte.
C’était étonnant, d’apprendre ce qu’on ne pouvait même pas soupçonner sur une personne. Peut-être, si elle avait fait un peu plus attention l’aurait-elle remarqué ? Quoi que ce n’était pas le genre de chose qui pouvait véritablement se voir facilement. Mais cela expliquait sûrement pourquoi il était l ‘un des seuls hommes de la caserne à ne jamais avoir reluqué son décolleté. Ou il était très discret. Solveig pencha pour la première option. Mais cela la menait à un autre sujet, plus délicat peut-être. Avec douceur, comme toujours, elle glissa ses mains autour des hanches du jeune homme jusqu’à l’emprisonner entre ses bras. Ensuite elle leva ses grands yeux vairons dans sa direction et accrocha ses prunelles mordorées.
- Donc...Si Yuduar ne te laisse pas… Mh… Mhh… L’illumination. - Tu es gay ! S’exclama-t-elle avec brusquerie. - Quoi que j’aurais du m’en douter quand tu m’as parlé de Naëry. Mais je ne sais pas. Je me disais simplement que c’était une amourette comme une autre. Aaaaah tu vas faire tellement de déçu à la caserne. Dire que je pensais simplement que tu ne me trouvais pas jolie... Me voilà rassurée ! En douceur elle libéra l’une de ses hanches pour poser ses doigts sur ses lèvres et l’empêcher de parler. - Mais ne t’inquiète pas. Ton secret sera bien gardé ! Par la suite elle s’en détacha et prit son élan pour faire un vol plané dans le lit qui n’émit aucun bruit lui non plus. Allongée sur le dos, à moitié recouverte par la soie du draps elle regardait les draperies qui ornaient le plafond du lit a baldaquin. - Je rêve de faire ça depuis qu'on est entré ! Dit-elle dans un soupire. - Enfin… Revenons en à nos bouctons. Solveig se mit debout sur le lit puis s’approcha du bord de manière à pouvoir attraper les épaules de Calixte, qu’elle guida de gré où de force jusqu’au matelas où il dû s’asseoir. Après quoi elle posa sa tête sur ses genoux. - Bon. Repassons tout en revu. Nous n’avons rien. Un rire secoua ses épaules. - Seulement cette adresse et un carré de tissus qui porte une odeur particulière. Ainsi qu'une sacré révélation eheh... Mais je crois que ça ne compte pas le quota. Ses iris se levèrent vers le visage de Calixte. - Si à l’accueil ils ne nous donne pas plus d’information… Il faudra directement aller les chercher chez Yuduar. On y va ?
Sans attendre sa réponse elle avait quitté ses genoux, reprit la brosse abandonnée sur le bureau et attrapa Apolline pour la mettre sur son épaule. - Je sens que ce vieux glaçon va être ravi de nous revoir. Tordant la bouche en direction de la trousse elle murmura : - Si Louis avait été humain je sais à quoi il aurait ressemblé. Puis elle pouffa avant de tendre la main à son ami. - On va avoir besoin de ton beau minois pour embobiner l'autre coincé de l'accueil. Et dès qu'il fut de nouveau à ses côté, Solveig les entraina jusqu'à l'accueil.
- J'ai entendu. Grommela Louis d'une voix endormis alors qu'ils refermaient la porte derrière eux.
- Oui, je pense que…
- Tu es gay !
Les sourcils du coursier s’arquèrent haut sur son front, prêts à quitter celui-ci pour d’autres horizons, et il faillit s’étouffer sur sa propre respiration.
- Je… balbutia-t-il en essayant de mettre un sens derrière les propos de Solveig, mais fort gêné par son cerveau qui semblait s’être arrêté dans son incompréhension, il accusa un long moment de stupeur incrédule.
Qui ne parut pas jouer en sa faveur. Lorsqu’enfin son esprit réhabita son corps, ses doigts manquèrent le bras de la Valkyrie qui s’éloignait vivement de son pas sautillant. Clignant des paupières, l’espion se passa en revue tous les éléments qui auraient pu induire en erreur son amie. Le plus gros d’entre eux paraissait évidemment trouver sa source en Naëry, et il se rendit compte qu’il avait peut-être plus évoqué à Solveig ses pulsions homosexuelles qu’hétérosexuelles. Le rire franc et interminable d’Apolline l’arracha à ses pensées, et il observa son amie se saisir de la trousse de cuir pour la poser sur sa propre épaule. Il se rendit alors compte qu’il n’avait probablement rien capté des derniers propos de celle-ci, et suivi bêtement cette joyeuse compagnie qui quittait la chambre n’ayant plus de secrets à leur livrer.
- T’en fais pas, Cal se fera un plaisir d’user de ses charmes pour décoincer notre réceptionniste. Il est plutôt ton style en plus, non ?
- Oui, mais…
- Puis ça te changera des rustauds des quais. Quoi que les marins de notre dernière croisière avaient été forts charmants, hein.
- Oui, mais…
- Bien sûr, personne n’arrive à la cheville de ce cher Capitaine Al Raggamuffin. Une vraie tragédie qu’il soit pas attiré par les autres services trois pièces, ajouta l’âme artificielle dans un faux murmure de confidence à l’attention de Solveig. Certainement la raison pour laquelle notre Cal cherche à savoir qui a happé le cœur – et les bourses – de l’homme.
- J’ai juste dit qu’il ne me laissait pas indifférent ! Comme…
- Ah ça pour sûr. Nul doute qu’il a le profil parfait pour ses positions préférées, poursuivit Apolline à l’oreille de la Valkyrie. Pauvre Cal, qui va devoir rester coincé dans ses fantasmes.
- Mes fantasmes comprennent aussi…
- Naëry, bien sûr, bien sûr. Si peu d’hommes prêts à partager sa couche, c’est dur pour lui. « Dur » ahahahahah.
- Alors, oui. Mais c’est une autre histoire. Et sinon…
- J’espère que vos recherches ont été fructueuses ? J’ai le regret de vous annoncer ne rien avoir trouvé aux « objets trouvés ».
Interloqué par leur arrivée brusque à l’accueil de l’auberge, Calixte marqua un nouvel instant de pause pour réorganiser ses pensées. Qui, évidemment, lui fut défavorable.
- Nop, infructueuses. On aurait besoin du nom de la dulcinée. Et de ton numéro cristallique. Pour le jeune homme-là, qui est fort déçu de voir que son Capitaine chéri partage pas sa passion pour les saucisses, déclara joyeusement Apolline sans s’inquiéter des yeux de Calixte qui s’arrondissaient toujours plus au-dessus d’elle.
Les lèvres du réceptionniste se pincèrent davantage, et son regard froid toisa impassiblement chaque membre du trio. Ils allaient se faire jeter. Mais, finalement, dans un claquement de langue, il leur tendit un bout de papier que le coursier s’empressa de saisir.
- Quelle impatience, nota la trousse.
- Voici l’identité de la personne ayant partagé la chambre. Maintenant, si vous n’avez plus de demande professionnelle…
- Oui, non, merci pour votre temps, remercia rapidement le coursier et passant son bras sous celui de Solveig pour l’entraîner d’un pas empressé vers la sortie.
- Encore une déception, quel dommage. T’en fais pas Cal, on te trouvera un bel homme pour remplir tes soirées et ton…
Fini ?
- Fini ici, répondit l’espion à Kaname. Eli, tu peux jouer avec Apolline, poursuivit-il à l’adresse du teisheba.
Dans un grand rire vainqueur, la trousse dévala l’épaule de Solveig pour s’enfuir plus loin afin d’éviter les éclairs joueurs du familier en chasse.
Apo pas sage ? demanda la loutre en penchant la tête, curieuse.
- Apo jamais sage, grommela Calixte.
Il s’approcha à nouveau de la Valkyrie et déplia le bout de papier sous leurs yeux. Avant de marquer une nouvelle pause, les rouages de son cerveau accusant à nouveau une halte avant de redémarrer sur les chapeaux de roue. La blondeur, la finesse du foulard, le luxe du parfum, la discrétion huppée du lieu de rencontre… Queen Milan. Effectivement, cela collait. Aussi étonnant que cela fut. Par contre…
- C’est pas la Capitale son lieu de résidence principale ? se demanda le coursier à voix haute. Tu as un pass pour le portail de téléportation ?
Il n’était pas contre profiter de la présence de la jeune femme sur les chemins entre le Grand Port et la cité royale, mais s’ils pouvaient éviter de mettre des semaines à terminer cette assignation improbable… Au pire, l’espion avait lui-même deux pass. Parce que. Pourquoi pas.
- Les hommes dans la fleur de l’âge donc… Murmura-t-elle tout en se tapotant le menton. - Si je m’y étais attendu… En tout cas je peux affirmer d’une chose, c’est que je n’ai jamais vu Yuduar en compagnie d’un homme. Du moins… Pas pour ces choses là. M’enfin ce n’est pas non plus comme si il me confiait tout ces secrets. L’oreille du côté où était posé Apolline se baissa subitement pour écouter avec attention ses chuchotis. La seconde suivante ses prunelles descendaient vers elle. - Comment ça le profil parfait pour ses positions préférées ? Mais avant qu’une réponse ne puisse lui parvenir, l’homme aux cheveux grisonnant fit son apparition.
Maintenant qu’elle le regardait avec un peu plus d’attention elle devait bien admettre que c’était effectivement un bel homme. Toutefois il lui semblait atrocement froid que cela soit à cause de son air, de la couleur acier de ses cheveux où du bleu presque blanc de ses yeux mais tout ce qu’il évoquait chez elle n’était autre qu’un mur de glace. Si ils n’avaient pas été en mission peut-être aurait-elle tentée d’enflammer ce mur de froideur, après tout il était plaisant de voir des barrières aussi rigides tomber et s’enflammer sous le coup d’une irrépressible envie. Un petit sourire en coin lui échappa tandis que la trousse essayait d’arranger le coup entre Calixte et lui. Ce qui ne fit qu’accentuer sa frigidité.
- Professionnelle non mais person-… Bien trop vite à son goût le bras de Calixte s’enroula autour du sien et l’entraîna à sa suite sous le regard médusé du réceptionniste. - Eh bien, au revoir. Eut-elle tout juste le temps de lui glisser dans un sourire avant de se retrouver à l’extérieur. L’air frais aurait pu lui faire du bien et remettre ses idées en place mais ce ne fut pas le cas. Au contraire, elle continuait de se repasser tout les éléments qu’elle devait intégrer allant des indices concernant les coucheries de son ami aux coucheries inexistantes et homosexuelles de son autre ami. Son cerveau allait exploser à coup sûr. Finalement ce furent les mouvements d’Apolline qui attirèrent son attention, elle l’a regarda filer avec un petit sourire amusé et son attention revint sur Calixte et le bout de papier.
- Je ne connais pas Queen mais j’ai déjà entendu parler des Milan. Ils sont une grande famille de noble c’est bien ça ? Ca ne m’étonnerait pas qu’ils vivent à la capitale. Les riches vivent là-bas dans quatre vingt dix pour cent des cas non ? Je crois même que l’un d’eux bosse au palais. Enfin là n’est pas la question… Sans crier gare elle se saisit des mains de Calixte et plongea un regard désolé dans le sien. - Je sais que tu ne fais pas le poids face à une telle femme, surtout parce que le capitaine n’est pas de ton bord mais s’il te plait, reste fort. J’imagine qu’entre Naëry et Yuduar la déception doit être lourde mais… Promis on te trouvera quelqu’un de bien ! Et elle le serra avec force dans ses bras tout en glissant une main affectueuse à l’arrière de sa tête. - Je te promet que j’y veillerais personnellement. Mais pour l’instant, elle se recula pour prendre son visage en coupe dans ses mains, - Nous allons nous rendre à la Capitale et qui sait… Son sourire se fit mystérieux, puis elle étouffa un petit rire avant d’aller embrasser sa joue avec affection.
Sans doute les affaires de cœur du jeune coursier ne la regardait pas, mais Solveig se sentait obligée de le soutenir. Plus que n’importe qui elle savait comme cela pouvait être difficile et surtout, quoi qu’il puisse en dire il était un ami cher à son cœur, bien plus qu’elle n’accepterait jamais de l’admettre. Le laisser de côté n’était certainement pas une option, tout comme lui présenter un bon partie était une obligation, et pour l’heure personne ne trouva grâce à ses yeux.
- Tu as de la chance ! Je n’avais pas d’accès aux portails jusqu’ici. Je l’ai acheté hier sur un coup de tête. Je me suis dis que ça pourrait être utile. Il faut croire que je suis plus lucide que je ne l’imaginais. Eheheheh.
- Ce n’est qu’une impression mademoiselle. Répondit la voix bourru de Louis.
- Ahahaha, je me disais que tu étais resté bien silencieux… Soupira Solveig partagée entre amusement et agacement.
- Ma dame Apolline était occupée à converser. Il aurait été malvenu que je l’interrompe…
- Oh, si ma dame Apolline était en train de parler alors…
- Serais-ce une pointe de jalousie ? Demanda l’âme de son ton le plus hautain.
Pour toute réponse la Valkyrie étouffa un rire avant de faire glisser la bretelle de son sac de manière à pouvoir fouiller dedans. Un carnet fut le premier à trouver la sortie, suivit d’un crayon, d’une gourde, d’un set de couteau de lancer, d’un bonnet, d’une boucle d’oreille abîmée, d’une peluche rongée par les années et dont Solveig ne semblait pas être la propriétaire puis enfin le pass !
- Aaaaah tout de même ! Bon… Si on part maintenant avec un peu de chance nous pourront rentrer avant la nuit. Sammael pourra s’occuper d’Azazel et Thépa de Samaël. Autrement dit… Si on décide malencontreusement d’aller faire la fête et de rentrer seulement demain matin… Son sourire se fit atrocement grand et elle haussa les épaules d’un air innocent. - Aller, c’est partie on a pas toute la journée monsieur ! Comme il l’avait fait un peu plus tôt, elle attrapa son bras et le guida à travers les rues. Étrangement, cette fois elle n’eut aucun mal à trouver son chemin.
Mais Kana aime bien quand Cal gai ! Cal pas heureux ?
Pas « gai » comme heureux, Kana. « Gay » comme amoureux des hommes, pour un homme. Ou amoureuse des femmes, pour une femme.
Cal pas aimer hommes ? Pas aimer Valentino ? Réno ? Liory ? Naëry ? …
Quelques neurones de la tête blonde se croisèrent, et il chassa les dérangeantes images de ses pensées. Entre ses doigts, il agita son pass avec distraction.
Amoureux dans le sens de désirer des rapports sexuels.
Sexuel c’est comme Apo et Shushu.
L’espion accusa encore un moment de confusion. Pas tellement à la notion de savoir les deux âmes ensemble, mais plutôt à celle de savoir qu’il devait effectivement bien se passer quelque chose entre elles. Mais comment.. ?
Heu oui. Probablement.
Donc Cal heureux mais pas gay ?
- Hé Cal, c’était quoi le nom de la boite où vous êtes allés avec Reb ? Celle qui fait les soirées mousses. T’avais eu des touches là-bas.
- J’avais eu une touche féminine.
- Oui mais c’était un homme dans un corps de femme, alors que toi-même tu avais le corps de Reb ; t’as vu comme il reste loyal à la cause homosexuelle ? La mousse était magique et faisait changer de corps, expliqua Apolline à l’air interrogateur de la Valkyrie.
- On s’est embrassé avec Reb !
- Pas vraiment, tu t’es embrassé alors que tu étais toujours dans son corps et elle dans le sien. J’sais pas comment ça s’caractérise ça. Autosexualité ? Il a de ces pratiques des fois. D’où tu crois que je puise mon inspiration pour mes romans, Soly chérie ?
- De toute façon la boite a fermé. Y a eu une descente le lendemain de notre visite, à cause de la drogue.
- Et l’autre que vous aviez vue avant ?
- Avant ? C’était un lupanar – où on poursuivait un couple de criminels – mais il a aussi fermé. Parce qu’il poussait au cannibalisme. Je t’ai dit qu’il s’était passé des choses étranges cet été, poursuivit Calixte en levant innocemment les mains au regard perplexe de son amie.
- Bah. Soly a aussi de très bonnes adresses. On te trouvera ton étalon.
- … tu le sais très bien qu’étalon ou jument, tout me va.
- Je suis heureux de le savoir, monsieur. Mais moi je voudrai juste vos pass. Je vends pas de chevaux.
Le regard ambré de Calixte croisa celui de l’adolescent blasé qui contrôlait les papiers de ceux accédant au portail. Il devait s’agir-là d’un petit boulot pour arrondir les fins de mois de sa famille, ou peut-être simplement de le faire vivre lui-même. Quoi que les affaires qu’il portât attestaient plutôt de la première hypothèse que de la seconde. Sous un préau adjacent, une femme notait sur un formulaire les données dictées par l’adolescent.
- Je sais que tout te va, commenta Apolline tandis qu’ils se faisaient enregistrer. Par contre j’ai entendu que tu n’allais pas forcément à tous. Ou à toutes, en l’occurrence, rigola l’âme artificielle.
Et si jusque-là, en dépit de ses moments de silence incrédule, le coursier avait gardé une attitude relativement sereine, ses joues se teintèrent soudainement d’un peu de vermeille. Adroitement, il évita de croiser le regard de Solveig.
- Ce qui se passe aux soirées logistiques, reste aux soirées logistiques, grommela-t-il en récupérant son pass pour s’avancer vers le portail.
Et ils quittèrent le Grand Port sous le rire franc de la trousse de cuir.
Il pleuvait des cordes à la Capitale. Ce qui avait momentanément dérouté la joyeuse troupe, et accéléré leur pas d’un bâtiment à l’autre. Les discussions, aussi, avaient été victimes du temps maussade. Principalement car il était compliqué de s’entendre sans crier par-dessus le brouhaha de la ville, le chant des gouttes heurtant les reliefs, et le claquement des bottes contre les flaques d’eau. Et c’était tant mieux, car Calixte – qui trouvait que l’on avait déjà suffisamment parlé de sa sexualité pour au moins toute une vie – n’avait pas particulièrement envie de partager ses penchants pour les étalons et les juments avec tous les badauds du coin. Ainsi, d’un pas maladroitement pressé pour le coursier et bondissant pour la Valkyrie, ils avaient fait un saut aux bâtiments administratifs du ministère, où leur quête d’un point de chute pour Queen Milan les conduisit au bureau d’études statistique et économique de la population. Quelques lunes plus tôt, l’espion était déjà passé par là, bien plus officieusement, à la recherche de l’un des membres de la Cabale. A la recherche de réponses autour du meurtre de Ruth. Dans un accueil aussi froid que le temps, un fonctionnaire avait cédé à l’autorité de leurs plaques de gardes, et leur avait dressé la liste des domaines Milan, ainsi que des derniers statuts déclarés de leur héritière.
Et c’était donc ainsi que, forts de ces informations, Solveig et Calixte finissaient leur repas de midi à l’abri d’une taverne sans prétention. Kaname avait réduit de taille grâce à sa magie, et grignotait encore quelques sardines dans un plat en grès posé à l’une des extrémités de leur table. Apolline, chassée par l’humidité, puis par le bureau ravivant quelques souvenirs malheureux à l’espion, s’était postée sagement à côté de la loutre – et Louis, qui avait apparemment souhaité montrer le bout de sa lame – et contait à celle-ci ses péripéties en mer lorsqu’elle avait accompagné Louise à bord du Glouton quelques semaines plus tôt.
- Peut-être que le plus simple serait de se pointer là où elle travaille, proposa Calixte à Solveig en sirotant son thé, tandis qu’ils déviaient des potins entendus sur la famille Milan pour revenir aux besoins de leur mission. Vu l’ambition de celle-ci, il ne serait pas étonnant de la trouver, justement, à son poste. Ou pas loin, dans l’intention de justement assoir ses affaires. Dans tous les cas, c’est certainement l’endroit où il nous sera le plus aisé de l’aborder.
Son regard se posa sur l’adresse du logement personnel de Queen Milan, et son doigt tapota distraitement celle-ci.
- Déjà qu’à mon avis elle ne nous recevra pas à bras ouverts, alors si l’on s’invite chez elle…
Dès que les pieds de la valkyrie se posèrent à la capitale une irrépressible envie de faire demi tour la prit. Elle s’était d’ailleurs apprêté à le faire avant que la voix de Louis ainsi que la précipitation la rappelle à l’ordre, l’obligeant à sortir se mouiller sous la pluie. En plus de cela le bruit assourdissant des gouttes lui faisait vriller les tympans, les clapotis atrocement régulier qui heurtaient la surface d’une flaque et le « splotch » des bottes humides sur le sol mi pavé mi boueux était à un cheveux de la rendre dingue. Solveig haïssait la pluie en ville et à raison. Comme bien trop souvent à son goût, elle se reposa donc sur Calixte, le laissant gérer lui même leur course.
- Quel temps pourrit… Marmonna la blanche, les yeux rivés sur la petite fenêtre. - On est en pleine saison chaude et pourtant il fait un froid de canard. Quelques degrés de moins et ce serait le défilé de neige et de flocon… Poursuivit-elle d’un ton morose tout en réprimant un frisson. Puis soudainement ses oreilles s’agitèrent sur son crâne et elle prit conscience que son camarade s’adressait à elle. - Oh.. Euh… Tu disais… ? Tu veux aborder quelqu’un ? Je te savais pressé mais pas à ce point ! D’ailleurs ça me fait penser, de quoi parlait Apolline tout à l’heure ? Tu sais, quand elle disait tu n’allais pas à tous. Je ne comprend pas. Ses grand yeux s’étaient brusquement braqué sur Calixte sans pour autant le regarder véritablement, un peu comme si elle regardait un point derrière lui qu’elle seule était en mesure de percevoir. - J’ai du mal à te comprendre parfois. Avait-elle continué, pensive. - Je veux dire, tu ne m’avais pas dis que Rebecca était une de tes amies ? Alors… Mh… Elle s’arrêta et tapota son menton du bout des doigts. - Oh, lui aussi est un ami… Je serais bien mal placé pour te faire une réflexion. Enfin, je suppose qu’on est pas là pour parler de ça… Et il faudrait que l’on trouve cette… Milan. Tu penses que c’est une personne sympa ? Quoi que les Milan n’ont pas vraiment bonne réputation mais eh… Peut-être que celle là c’est de la bonne graine huhuhu… Aller c’est partie ! Ni une ni deux elle avala la fin de son assiette et la ramena sans aucune gêne jusqu’au comptoir puis s’attacha à régler leur addition.
- Veuillez l’excuser monsieur Calixte, mademoiselle est parfois… Elle n’a pas écouté un traître mot de ce que vous lui avez dit. Je crois.
Une poignée de minutes plus tard, Solveig revint. Elle adressa un petit sourire à son cadet avant d’attraper la dague et de la ranger dans son fourreau.
- Arrête de papoter, il est temps de bosser ! Vu l’heure on devrait commencer par le palais, elle doit sûrement y être. Il paraît que c’est une bête de travail ! Elle eut un gloussement puis attrapa les doigts du blond. - Promis à partir d’ici je connais le trajet. Normalement. Ah et pour le repas, considère que c’est un remerciement pour ce matin. Un nouveau sourire, désolé cette fois et elle l’entraîna à sa suite.
Dehors il pleuvait toujours des hallebardes, aussi Solveig marcha d’un bon pas. Cela ne les empêcha pas d’arriver à l’entrée du palais trempé jusqu’aux os. Pour la première fois depuis qu’ils avaient quittés la taverne la jeune femme libéra les doigts emprisonnés entre les siens.
- Qui va là ? Demanda un premier garde dont l’armure ne faisait aucun doute quant à son appartenance à la royale.
- Soldat Prêth et Alkh’eir, du bastion sud. Une assignation du capitaine nous à menée jusque ici. Nous venons voir la trésorière Milan. Fouillant dans son décolleté, elle en sortie ses plaques de soldat.
- Les armes ne sont pas autorités. Tout vous sera rendu à votre sortie.
- Ah par la sainte… J’imagine que je ne peux pas te garder non plus… Dit-elle tout en sortant Louis de son étuis de cuir.
- Effectivement. Tenez vous bien, ne me faites pas honte. Le dos plus droit. Oui comme cela, levez le menton. Un peu de dignité que diable, vous n’allez pas voir un marchant de tapis mais la trésorière royale !
- Oui, oui… Soupira la valkyrie en se défaisant de ses affaires pour les ranger dans un petit casier qui lui avait été désigné. Après cela et en attendant que Calixte se défasse de ses armes s’il en avait, elle s’approcha du garde qui les avait accueillit.
- Excusez moi… Tapotant l’épaule de son armure elle lui fit un adorable sourire qui le fit rougir dès qu’il tourna la tête. - Dites moi mon cher, vous êtes plutôt beau garçon, n’est-ce pas ?
- Hein ? Euh.. Je… Euh…
- Allons, allons, ne faites pas votre timide. Dites moi franchement, vous ne trouvez pas mon camarade charmant ? Ses traits s’étirèrent d’autant plus et son visage en vint même à se rapprocher du garde qui eut un léger mouvement de recule sous l’invasion de son espace personnel. Le royal comme Calixte n’étaient visiblement pas au bout de leurs peines.