Luz trépignait d’enthousiasme dans le salon de l’antique demeure des Weiss. Outre son naturel jovial, la journée avait particulièrement bien commencé. Un réveil du bon pied juste comme il fallait, avec un doigt de repos et une pincée de soleil entre les amples rideaux de sa chambre. Les travaux de rénovation de l’aile ouest avaient progressé et son grand-père avait même fait montre d’une lueur accrue d’intelligence, semblable à celle qui illuminait auparavant toujours son regard avant que la maladie ne l’atteigne. Cette succession de pièces correctement imbriquées dans le vaste puzzle d’une journée, nécessitait déjà quantité de bonnes coïncidences, une chance hasardeuse et un moral de fer. Cela, s’il en était la dernière nouvelle qu’elle venait de recevoir et qui achevait de balayer d’un geste dédaigneux de la main tout malheur possible en ce jour.

D’un, Nora avait accepté de revenir. Nora Eos, l’Aventurier qu’elle ne pourrait décemment plus regarder dignement dans les yeux s’il continuait à lui rendre aussi brillamment service en dépit de son emploi du temps fort rempli auprès de la Guilde des Aventuriers. Elle ne le payait véritablement pas assez au regard de ce qu’il aurait pu grappiller auprès de l’entité dont il dépendait. Et il ne gagnerait vraisemblablement pas autant d’honneur à accomplir les menues tâches d’une Noble écervelée qu’à abattre des gévaudans légendaires… Et pourtant, le jeune homme apparaissait toujours devant sa porte par un miracle incongru, les armes prêtes à servir et plus de cœur à l’ouvrage qu’elle n’en aurait jamais. Luz ignorait quel service avait bien pu contenter Lucy pour qu’elle daigne lui accorder de telles faveurs. Elle ne méritait pas la loyauté de Nora et encore moins son professionnalisme.

De deux… Il y avait Calixte. Calixte était momentanément rentré du Grand Port. Un sourire de jouvencelle placardé sur les lèvres, Luz ne cessait de lui tourner autour à la manière d’une mère enamourée, couvrant d’attentions l’espion qui était malheureusement pour lui entré dans la demeure dix minutes auparavant. Elle pépiait ainsi des frivolités à n’en plus savoir que faire, digne parent trop longtemps éloigné de sa progéniture. Pourquoi diable certains adultes devaient-ils prendre leur indépendance ?! Manquait-il de soleil ? Sortait-il souvent ? Les garnisons du Grand Port le traitaient-elles bien ? Combien de conquêtes avait-il déjà mis dans sa poche ? Et que dire des kilos qu’il semblait avoir perdus… ?

Fort heureusement, l’arrivée de Nora contraignit Luz à reporter son enthousiasme démesuré sur plus d’une seule personne. Et c’est après s’être assurée une dizaine de fois qu’ils étaient tous deux parfaitement équipés pour la tâche dont ils avaient hérité qu’elle les guida vers le terrain fraîchement acquis par la famille Weiss. Bien entendu, l’effondrement et les tunnels étaient restés en l’état depuis la visite du groupe précédent, et Luz avait soigneusement tenu éloigné son troupeau d’adolescentes excitées de ce chantier dangereux. Ses domestiques avaient d’ailleurs disposé des barrières de part et d’autre du site ainsi qu’une tente et des éclairages plus définitifs que les torches initiales. Elle avait interdit tout accès aux souterrains dans l’attente qu’une escouade puisse se débarrasser des nuisibles qui y grouillaient.

Autrement dit, Calixte et Nora.

Très clairement, si un seul foutu demi rongeur dégénéré était pris de la merveilleuse idée de poser un croc sur l’un d’eux, Luz était déterminée à faire sauter la zone entière. Elle leur faisait du moins entièrement confiance pour gérer cette extermination avec savoir-faire et adresse.

« Tenez, voici la carte dessinée par Mademoiselle Sanward et reproduite par mes soins. »

Luz avait appliqué une couche de vernis sur sa reproduction et glissé le tout dans un tube de transport. La carte ne craindrait pas l’humidité des souterrains grâce à cela.

« Soyez prudents, il a plu il y a trois jours et bien qu’il fasse à présent grand soleil, je ne sais pas à quoi cela ressemblera là-dessous. Il est actuellement 9 heures. Je resterai dans la tente jusqu’à 21h et je reviendrai demain à 9h si vous n’êtes toujours pas sortis d’ici là. »

Elle ajouta après un court moment de doute, une inquiétude immédiatement visible sur ses traits :

« … N’allez surtout pas vous faire blesser ou tuer. Votre sécurité est prioritaire. »

Heh, qui savait de quoi était capable un rat géant foutrement mécontent !

Plus les lunes passaient depuis son affectation au Bastion du Grand Port, plus il semblait que ses pas le ramenaient inlassablement à la Capitale. Avec le temps – de l’amour aussi, mais surtout beaucoup de temps – un baume avait apaisé les cicatrices du passé, et ses retours à la ville Royale avaient cessé d’ouvrir davantage celles-ci. La tristesse, la colère, et la mélancholie s’étaient étiolées au gré des jours, des rencontres, des retrouvailles, et il n’y avait plus rien en ces lieux pour le faire fuir. C’était donc ainsi, avec une joie toute sincère, qu’il avait profité d’un énième squattage à la colocation Luzah pour s’intéresser aux affaires de son amie médecin. Calixte ne manquait pas de travail, mais il ne manquait pas non plus de curiosité. Ni de tendresse pour la jeune femme. Contrairement à la colocation, l’auguste demeure des Weiss restait territoire inconnu, rempli de mystères. Et, visiblement, d’un large trou dans le terrain attenant tout récemment acquis par la Noble famille. Il n’avait pas fallu plus d’informations au coursier pour postuler à la requête de Luz. Quoi de mieux qu’allier l’utile à l’agréable ? S’il avait lu plus attentivement les lignes du papier, il aurait probablement tiqué à l’alinéa mentionnant la nécessité de combattre un certain nombre de créatures. Mais pour des besoins scénaristiques, ses yeux avaient là ripé.

Parfois Luz pouvait être aussi volcanique que Carciphona. Et ça n’était pas pour déplaire au coursier qui s’était installé confortablement dans le nid d’attentions que la jeune médecin lui ménageait, mais sa propre curiosité avait été balayée sous le tsunami de questions de son interlocutrice, lui laissant un goût d’inachevé alors que son partenaire de mission se pointait enfin. Décrochant l’ambre de ses yeux des courbes graciles de Luz, Calixte s’intéressa davantage à cet homme vers lequel la jeune Noble reportait son attention toute maternelle. Il lui fallut quelques secondes pour remettre Nora Eos – soit le bref temps que la médecin n’exclamât son nom – mais lorsque ses pensées s’alignèrent enfin, il lui accorda davantage de curiosité. L’aventurier, hormis sa taille, ne payait pas vraiment de mine. Son visage réservé se perdait sous une tignasse de mèches sombres et l’éclat de ses yeux clairs n’invitait pas franchement à l’effusion de sentiments. Luz ne semblait pas en faire cas, mais elle était après tout de caractère fougueux et prévenant. Elle leur fit, d’ailleurs, revérifier leur matériel, leurs informations – où Calixte se rendit bêtement compte qu’on attendait de lui qu’il affrontât une armée de rats géants et accusa un moment de flottement – et leur redonna quelques conseils pour la suite des opérations avant de les mener à la lisière de la cavité.

Attaquer ? demanda Vreneli en glissant de la poche latérale de son sac-à-dos pour se hisser sur son épaule.

Initialement intrigué par le frémissement électrique de Luz, le teisheba avait passé quelques jours à suivre – coller, vraiment – la médecin avec curiosité. Mais une fois qu’il avait compris qu’elle ne s’amuserait pas à déchainer ses foudres juste pour ses beaux yeux, il s’était désintéressé d’elle pour retomber dans une langueur grincheuse. Avivé par la notion de combat à venir, et la présence de Nora animant l’espion de sentiments contradictoires, il s’était résolu à pointer à nouveau le bout de son nez.

Pas maintenant.
Lia dit Nora bête.

Ah. La pomme de la discorde. Calixte récupéra la carte que l’aventurier lui tendait, et adressa un sourire à Luz.

Xylia dit beaucoup de choses, surtout sous le coup de l’émotion. Et quand cela touche des sujets qui lui tiennent à cœur. Et quand on a sorti une bouteille. Quelques bouteilles.
- Promis, nous serons vraiment prudents, renchérit Calixte en levant la main de Luz à ses lèvres pour y déposer un doux au revoir.

Vreneli grésilla de quelques éclairs contenus, mais se tint finalement sage, suivant les deux hommes qui s’avançaient enfin vers l’entrée des souterrains. Calixte, qui se rendait peu à peu compte qu’il était vraiment venu en touriste, décapsula le tube protecteur contenant la carte que Luz leur avait donnée, et déploya celle-ci pour y jeter un coup d’œil.

- Ca serait effectivement pas mal de voir de quoi ils se nourrissent, si quelques chose en particulier les retient sur cet espace-là, nota-t-il distraitement en tapotant l’endroit du plan marquant l’emplacement du nid des rongeurs. Mais vu leur régime alimentaire, il parait compliqué de complètement l’éradiquer. Sauf si on fait vraiment table rase de tout ce qu’il y a dans ces souterrains, poursuivit-il en fronçant les sourcils tout en commençant à fouiller dans son sac à dos. Mais ça serait dommage pour les spécimens végétaux qui pourraient servir dans le travail de soins de Luz.

Un changement d’intonation de la voix de Nora lui fit lever les yeux de la carte, et il posa son regard intrigué sur l’aventurier. Vreneli, qui commençait déjà à s’ennuyer et n’était toujours pas convaincu de l’innocence du brun, s’était mis à tournoyer au-dessus de la tête de ce dernier.

- Heum j’ai pas vraiment de plan, répondit-il après un instant de silence. Ce qui est une autre manière de dire : je n’ai vraiment pas de plan.
Plan : attaquer !
Oui.
Attaquer Nora !
- NON ! s’exclama Calixte en ouvrant de grands yeux tandis que le petite teicheba commençait à crépiter de plus belle. Vren, reviens ici !
Pour Lia !
- Hors de question ! Laisse Nora tranquille, ou je te laisse avec Luz ! Désolé, il est un peu… c’est un teisheba quoi. Mais il sera peut-être utile par la suite. Peut-être.

Ses doigts trouvèrent enfin ce qu’il cherchait dans son grand sac sans fond coincé dans son sac à dos militaire réglementaire, et il alluma sa lampe magique qu’il accrocha à l’une des sangles avant de tendre sa paire de lunettes de jour à Nora.

- Les veux-tu pour avoir les mains libres ? Je peux me débrouiller avec la lampe, Vreneli – laisse Nora ! – et peut-être pas trop de malchance.

A mesure qu’ils progressaient dans le boyau souterrain, la lumière chutait rapidement, laissant place à une obscurité laissant imaginer toutes sortes de chimères dans l’ombre des pierres poussiéreuses.

- Pour revenir au plan. Il faudrait soit agir à leur insu. Ce qui est possible, mais probablement compliqué vu leur capacité innée à communiquer entre eux par télépathie. Soit réussir à les bloquer à un endroit pour éviter de faire un cache-cache géant avec leur pouvoir à notre défaveur.

Il pianota encore la carte.

- Et heu… peut-être éviter de leur faire comprendre qu’on leur veut du mal directement en leur sein ? Sauf si on est prêts à se faire débiter par des dizaines – centaines ? – de paires de mâchoires ? Ce qui ne me gêne pas. Enfin, dans le sens où je peux fusionner dans cette sphère et rouler ma bosse jusqu’à un terrain en sécurité. Mais j’aimerai moyennement te récupérer en charpie ; Luz risquerait de mal le prendre.
Lia aimerait.

Probablement. Mais là n’était pas la question.

La lumière du jour les quitta tout à fait, et Nora s’équipa des lunettes. Profitant de la lueur de sa lampe magique – quoi qu’un peu branlante du fait de son attache sommaire à son sac – Calixte continuait à observer la carte qu’il avait entre les mains. Il était de plus en plus curieux de cette drôle d’entreprise, et se demandait effectivement si son camarade, Xylia et dame Sanward avaient été chanceux lors de leur premier passage ou si les rats étaient véritablement impassibles. Ou peut-être y avait-il quelque chose dans cette salle qui, non seulement les retenait sur place, mais en plus captivait la majorité de leur attention. Son regard suivit les courbes tracées à l’encre noire, et il tapota l’un des passages à l’attention de l’aventurier. En dehors de la boucle évidente, il y avait une issue s’échappant du nid qui semblait encore comporter sa part de mystères.

- Et là ? Vous êtes allez voir ce qu’il y a par là ? Ou vous n’avez pas du tout eu l’occasion ?

S’il s’agissait d’un cul-de-sac sans trop d’intérêt, peut-être pourraient-ils s’en servir pour y coincer la colonie de rat. S’ils mettaient la main sur de quoi les appâter. D’ailleurs… C’était lui ou Nora sentait de plus en plus le boucton avarié ? Avait-il fait son choix de cologne pour se fondre plus facilement dans la masse grouillante des rats ? Le coursier aurait-il dû lui aussi faire un plongeon dans les égouts avant de débuter la mission de Luz ? Essayant de se remémorer quelques données sur les capacités olfactives des rats, Calixte s’éloigna légèrement de son odorant camarade.

- Heu oui. Je peux fusionner avec tout ce qui n’est pas vivant, commenta-t-il distraitement. Ou exceptionnellement avec un être vivant, mais avec un objectif particulier. Ceci dit je peux aussi te faire bénéficier de ce pouvoir. De fusionner avec les objets. Pas de fusionner avec moi. Quoi que si, mais bref. Donc si ça part en sucette et que j’attrape ton bras pour rentrer dans un mur, c’est normal. Et indolore. Enfin normalement.

Rangeant la carte dans son tube et le tube dans la poche latérale de son sac à dos, il adressa un nouveau regard surpris à l’aventurier qui lui faisait un topo sur son propre pouvoir. Automatiquement, l’espion se passa en revue les dernières heures de sa vie pour vérifier si Nora pouvait éventuellement tomber sur quelque chose de compromettant. Parce quoi qu’il en eût dit… Calixte gardait une part de méfiance relativement normale pour cet homme qu’il venait de rencontrer. Et dont il avait eu un tableau haut en couleurs de la part de Xylia. Sentant son instant de doute, Vreneli sauta sur l’occasion pour lâcher une décharge qui aurait certainement atteint l’épaule de l’aventurier si le garde n’avait pas eu le réflexe de tirer celui-ci vers lui au crépitement prononcé de son teisheba.

- Vren ! gronda-t-il en ouvrant de grands yeux. Si tu refais un coup comme ça, je te mets dans une bille !
Nora danger ! Danger pour Lia, pour Cal, pour espions !
- Non, Nora n’est pas un danger, grommela le coursier en relâchant le bras de l’homme dans un soupir. A part olfactif, peut-être. Pour le moment. Je veux dire que ton sac de nourriture modifiée commence à révéler des effluves remarquables… enfin, je crois que c’est ton sac ?

L’idée d’empoisonner leurs cibles était une très bonne piste, aux yeux de Calixte qui n’était pas non plus un expert au combat. Ni dans la dératisation. Ni globalement dans l’éradication de toute chose vivante appartenant au règne animal. Non, le domaine de prédilection de l’espion, c’était la fuite. Surtout si celle-ci impliquait de rentrer dans un objet environnant. Plus il y réfléchissait, plus il constatait qu’il était vraiment venu en touriste.

- Mais l’idée de les empoisonner est pas mal du tout. Faudra réfléchir quoi faire des corps d’ailleurs… Ca risque d’en faire un petit paquet.
Gros bonhomme de pierre ! Attaquer !
Oui, gros bonhomme. Non, pas attaquer. Reste sur mon épaule. Ou sur celle de Nora, mais arrête de lui… renifler les oreilles ?
- Bloquer les issues pourrait être un confort, mais je ne suis pas sûr d’être correctement équipé pour ça. On peut toujours essayer de placer des bonhommes de pierres aux endroits stratégiques, mais je ne suis pas certain qu’on arrive à bien occlure les passages.

Quant à se servir de son porte clef de taille variable, ça risquait d’abîmer les boyaux de pierre qui n’avaient pas vraiment une ouverture sphérique tout en laissant probablement assez d’espace pour que les rongeurs s’y faufilent.

- Peut-être que si l’on trouve ce qui les retient dans cette pièce, qu’on l’élimine, et qu’on dispose tes appâts dans le passage là… si c’est une impasse ; on pourrait être pas mal ?
- Ou comment tortiller des fesses pour chier droit, fit une voix rieuse sur le rabat de son sac à dos.

D’une main distraite, dans un geste automatique, le garde renvoya la trousse de cuir au fin fond de là d’où elle était sortie.

- Apolline, commenta-t-il d’un ton pensif à l’adresse de Nora comme si cela expliquait tout. Ou alors on étale directement la nourriture au niveau du nid, et on voit ce que ça donne.

Au pire, si les rats s’enfuyaient par la suite vers la rivière, Vreneli pourrait les y électrocuter aisément – même si le coursier ne donnait pas cher payé de la qualité de l’eau au décours – et s’ils sortaient vers… la sortie, et bien c’était tout bénéf. Luz serait certainement un peu surprise, mais bon. Néanmoins s’ils partaient vers l’issue mystérieuse…

- Mais on a peut-être intérêt à aller éclaircir le passage sur la droite du nid, histoire de maximiser nos chances.

Nora déposa son odorant paquetage, l’emballa dans davantage de tissus, et ils poursuivirent leur route en discutant stratégie. Ou, du moins, en mettant en lumière leurs interrogations respectives. A ce stade, ils étaient encore sur des hypothèses plus qu’un plan efficace pour débarrasser les souterrains de ses envahisseurs.

- A moins qu’il n’y ait quelque chose de magique les retenant ici, ce doivent être leurs conditions de vie qui y sont confortables, réfléchit Calixte en haussant les épaules. Généralement les nuisibles sont là où se trouve la nourriture.

Ils furent bientôt interrompus dans leur échange par un couinement animal. Puis deux. Et bientôt suffisamment pour intimer les deux jeunes gens au silence prudent. Après un échange de regard déterminé et légèrement résigné, les gestes mesurés, ils pénétrèrent au cœur d’une salle souterraine semblant être large d’un petit couple de dizaine de mètres, et dans laquelle le nid des rats géants s’était établi. Une forte odeur était présente, chatouillant les narines comme les viscères, faisant un peu regretter au coursier son dernier repas. Dans la masse grouillante, éclairé par sa lampe magique, il distinguait à peine ses pieds mais percevait un peu trop clairement le parterre visqueux de déjections sous ses semelles. Nora attira son attention, et bien qu’il ne le perçût probablement pas aussi bien que son camarade doté des lunettes de jour, Calixte devina l’obscurité du passage non exploré sur leur droite. Il allait suivre l’aventurier quand un vrombissement énervé attira son attention. Levant les yeux, il aperçut Vreneli dont la masse de rats géants semblait réveiller les pugnaces ardeurs.

Reste tranquille, pour le moment on se fait discrets, indiqua l’espion à son familier.

Ce qui partait plutôt assez mal. Intrigués, puis méfiants quant à cette nébuleuse d’électricité qui planait au-dessus de leurs têtes, les rats les plus proches s’étaient immobilisés en observant attentivement les mouvements du trio. Et plus particulièrement du teisheba. Ce dernier, énervé par tant d’attention, crépitait de plus en plus violemment, effectuant de brusques pirouettes près de l’épaule de Calixte. Il y eut un moment de flottement, où le garde sentit que tout risquait de rapidement dégénérer. D’un geste précipité, il saisit l’une des billes de bois de sa ceinture, et y fit fusionner Vreneli. L’éclair courroucé qui attaqua ses doigts juste avant qu’il ne réussît sa prise faillit lui faire lâcher la petite perle pour la perdre dans l’océan de rats, mais il la rattrapa in extremis pour la ranger dans l’une de ses poches. Aussitôt, l’atmosphère se détendit et les créatures reprirent leur activité.

Soulagé, Calixte réavisa la silhouette de Nora qui l’attendait un peu plus loin, et se remit en marche. Buta contre un rat, s’étala de tout son long contre un matelas d’immondices, et entendit une exclamation ravie dégringoler de son épaule pour finir à proximité des pieds de l’aventurier.

- J’sais pas ce que vous leur avait fait, mais ça mouille grave ici ! s’exclama Apolline de sa voix enthousiaste. Enfin j’peux comprendre. Ça fait certainement longtemps qu’elles n’ont pas vu un bel homme comme toi ces petites bêtes ! Oui, toi, insista lourdement l’âme artificielle auprès de Nora. Même si on est visiblement plus sur une petite fleur émo-ghotique que sur du bon gros muscle saillant. Enfin Cal dit que c’est pas la taille qui compte… Ca va Cal-bute ?

Dans un grognement, crachouillant les petites boulettes de… d’il ne voulait pas savoir ; le garde se releva péniblement. D’une main agacée, il essaya de se débarrasser du gros des saletés collées sur ses affaires, mais ne réussit principalement qu’à l’étaler. D’ailleurs… plus qu’une large couche de déjections qu’il s’attendait à épousseter, il s’agissait surtout de terre humide.

- Au moins je suis raccord avec le lieu maintenant, soupira le garde. Peux-tu ramasser Apolline s’il te plait, Nora ? poursuivit-il en vérifiant qu’il n’avait rien perdu d’autre dans sa chute, et que la lanterne de sa lampe magique ne s’était pas brisée.
- Hé Nora c’est pas un prénom de nana ? demanda la trousse à l’aventurier qui la récupérait prudemment. T’es vraiment une fleur en fait. Un woodlee. Un phiatri. Oooh un coquelicot ! Bien le seul que Lia hésiterait pas deux fois à utiliser au besoin ahahahah. T’en n’as pas eu assez Cal ? Tu te ramènes des souvenirs ?
- … ça ruissèle, répondit distraitement l’interpellé qui s’était à nouveau accroupi entre les rats qui continuaient à vaquer sereinement à leurs occupations.
- Hé quand j’ai dit qu’ça mouillait, j’mentais pas, rigola l’âme artificielle en s’installant sans gêne sur l’épaule de l’aventurier.
- Nora tu vois quoi au niveau du sol avec les lunettes de jour ? demanda Calixte en occultant aisément le laïus salace sur lequel Apolline embrayait.

Le garde décrocha sa lampe magique de la lanière de son sac-à-dos et approcha celle-ci près du parterre. Les allées et venues des rats géants dessinaient des ombres inquiétantes autours de lui, mais seul l’intéressait l’éclat singulier de l’eau chargée de matières. Un tour sur lui-même lui apprit que celle-ci ruisselait en nappe quasi infime sur une grande majorité du sol éclairé, et qu’elle semblait drainer à la fois déjections et nutriments. Une poignée de grains en cours de germination passa ainsi devant lui, pour s’arrêter quelques pas plus loin à l’affleurement d’une dalle, puis disparaitre dans la poigne d’un rat affairé. Suivant le parcours tranquille du ruissellement, Calixte s’éloigna peu à peu de Nora – et d’Apolline bien déterminée à raconter sa vie à l’aventurier – pour finir son inspection du sol presque contre l’une des parois de la pièce. Il y avait là des reliefs plus obtus laissant deviner quelques passages étroits, uniquement empruntables par de tous petits objets ou, en l’occurrence, des liquides. Où cela se déversait-il ensuite était une autre question. Qui, s’ils comptaient empoisonner les animaux voire contaminer la salle, devraient probablement être étudiée à un moment ou un autre. Passant son doigt avec curiosité contre les pierres filtrantes, le coursier nota qu’elles retenaient en grande partie les aliments que les rats n’avaient pas eu le temps d’attraper sur leur trajet à travers la pièce, leur donnant ainsi l’occasion de les récupérer là. Au balai des créatures autours de l’espion, il y avait d’ailleurs une attention toute particulière au dégagement régulier de ces évacuations. Mais le nid entier vivait-il les pieds dans l’eau ou la colonie s’était-elle construite quelques pilotis pour évoluer au sec ?

Laissant Nora explorer de son côté, Calixte se faufila entre les corps des rats à sa gauche et avança prudemment sa lampe pour essayer de mieux apprécier l’architecture du nid. Quelques couinements mécontents suivirent sa progression, mais il semblait que leurs hôtes avaient pour le moment convenu qu’ils n’étaient que d’étranges visiteurs. Couvertes par tout un groupe de rats, les constructions plus élaborées de ceux-ci passaient aisément inaperçues à l’œil inattentif. Il y avait pourtant le long des murs de petites terrasses de pierre et d’argile nivelées, permettant aux animaux de profiter d’un parterre sec. Au creux de ces plateformes, quelques jeunes portées étaient rassemblées. Et la nourriture récupérée au gré des ruissellement était entreposée. Dans une cadence bien rodée, les rats adultes s’étaient répartis les tâches nécessaires à l’entretien du nid, et cet afflux providentiel d’aliments au pied de leurs constructions leur permettait d’être d’une efficacité toute particulière dans la gestion de leurs stocks.

- Cal ! Coqueli-nora a trouvé le ruisseau – quoi que j’sais bien que la taille compte pas pour vous, mais là c’est quand même pas mal maigre pour appeler ça un ruisseau – à l’origine du delta ; viens voir. … tu préfères Nora-licot ? ajouta Apolline à l’adresse de son porteur.

S’écartant précautionneusement de l’extrémité du nid qu’il était en train d’étudier, le coursier fit demi-tour et suivit les intonations de l’âme artificielle avant de repérer à nouveau visuellement l’aventurier. Apparemment, et peut-être sans trop de surprise, leur point d’intérêt se situait dans le passage non exploré jusque-là.

Intrigué, Calixte suivit le son des voix de Nora et Apolline, avant de retrouver leurs silhouettes familières dans la lueur de sa lampe magique. Les rats se faufilaient encore contre ses membres, et le coursier dut redoubler de prudence pour éviter une nouvelle culbute malheureuse. Le passage emprunté par l’aventurier, non exploré jusque-là, se révéla cependant moins bondé de nuisibles, et la progression de l’espion y fut plus aisée. Bientôt, il atteignit la hauteur de ses compagnons, alors que Nora exclamait sa surprise. Et, effectivement, il y avait de quoi être étonné. S’avançant encore dans la nouvelle pièce, Calixte laissa ses yeux appréhender pleinement l’étrange balai déployé devant eux. Il y avait là bien plus de bonhommes de pierre qu’il n’en avait déjà vu en une seule vie, et une activité complètement insoupçonnée pour ce type de lieu. Immanquablement humaine. Car si le garde reconnaissait aisément qu’il n’y connaissait pas grand-chose à ces travailleurs rocheux, toute l’affaire était bien trop mécanique pour être d’origine spontanée. Naturelle.

Suivant des yeux encore un moment les gestes récoltant et déposant dans le cours d’eau les diverses richesses, le coursier finit par froncer les sourcils. Tout cela ne traversait pas le nid des rats géants. Il y avait des vivres trop grosses pour être drainées le long des alluvions, une quantité semblant disproportionnée par rapport au nombre de nuisibles. A moins que les rats ne mangeassent vraiment beaucoup.

- Tu ne rêves pas, mais… ça n’est vraiment pas ce à quoi je m’attendais, avoua Calixte en faisant volte-face pour suivre dans l’autre sens le petit ruisseau et revenir sur ses pas. C’est bien plus intéressant ainsi, nota-t-il distraitement pour lui-même alors qu’Apolline proposait à Nora de lui vendre davantage de rêve.

Ce fut au coude qu’il trouva sa réponse. S’agenouillant, il nota que le courant principal effectuait un tournant plus brusque, tracé par un esprit architecte, pour s’enfoncer à l’angle du mur encore plus profondément sous terre. Petit à petit, défiant ce mouvement forcé de la rigole, l’eau avait fini par s’échapper le long du couloir pour créer, au fil de l’érosion, le ruissellement plus faible qui finissait par s’évaser dans la pièce du nid. Tentant de voir davantage dans la brèche cédant passage au gros des flots, Calixte y avança prudemment sa lampe. Malheureusement, l’étroitesse ne lui révéla pas grand-chose. Songeur, il récupéra la bille contenant Vreneli et l’éloigna légèrement de lui – et du cours d’eau – pour laisser le familier s’échapper de son contenant.

- Je pense que l’on peut être d’accord sur le fait que tout cela n’a rien de naturel, fit-il à Nora qui semblait aussi pensif que lui – ou qui se retenait d’étrangler Apolline. Et qu’en dépit du fait de favoriser la présence du nid des rats, cela n’a pas grand-chose à voir avec notre mission. Mais j’avouerai être curieux, et à choisir entre un travail rapide mais superficiel et un plus méticuleux mais chronophage… pour Luz je prendrai toujours la seconde option, finit-il avec un sourire contrit à l’adresse de l’aventurier. Est-ce que tu aurais un cristal de communication ?

Et comme il devait s’avérer que non, Calixte lui partagea l’un de ses colliers jumeaux.

- Je vais descendre avec Vreneli là-dedans, précisa-t-il au regard interrogateur de l’homme. Ça sera mieux que rien avec ces colliers pairs : si l’un de nous devait être en danger, l’autre le saura. Bon, pour ma part je n’sais pas trop ce que tu pourrais faire de cette information…
- Ca nous donnera la certitude de te monter une pierre tombale. Je consolerai Luz, t’en fais pas. Je lui donnerai toute ma chaleur.
- … par exemple. Je vous laisse continuer l’exploration côté bonhommes de pierre ; on devrait revenir dans maximum une heure avec Eli, indiqua l’espion en rattachant sa lampe à son sac et en donnant la bille momentanément inerte à son familier qui la saisit entre ses crocs. Sois sage, intima-t-il à Apolline.
- Sinon j’aurai une correction ? Je suis sûre que Nora-licot serait pas contre y assister.
- Et si elle t’embête trop, jette-la dans le courant, je la récupérerai, finit-il à l’adresse de l’aventurier.

Et comme Vreneli s’impatientait, reflet de sa propre curiosité, Calixte fusionna dans la perle tenue par le familier. Et ce dernier ne se fit pas davantage prier pour se faufiler dans le trou engloutissant le ruisseau principal, s’enfonçant encore plus dans les entrailles de la terre.
La nébuleuse de Vreneli n’éclairait pas un grand périmètre autour d’eux, mais comme le courant dans son boyau de pierre taillée n’avait qu’un seul passage possible, le teisheba suivit celui-ci sans la moindre hésitation. Filant au-dessus du flot tranquille, il parcourut ce qui sembla être à l’espion une cinquantaine de mètres de conduites, avant de déboucher à nouveau dans une large cavité à l’architecture d’une autre époque.

Quittant le ruisseau conducteur, Vreneli s’éleva à la faveur d’une imposante colonne monolithique pour se dissimuler partiellement à l’angle de celle-ci avec une balustrade. A l’abri de la bille dans laquelle il avait fusionné, Calixte observa en silence la scène dévoilée à ses yeux. Nul besoin de sa lampe magique, quelques cristaux de lumière éclairaient déjà la salle. En demi-sphère, elle paraissait avoir été creusée à même la roche. L’émergence du ruisseau était encadrée de panneaux calcaires habilement ciselés, qui montaient pour se fondre au plafond voûté en arcatures aveugles, et elle donnait sur une rigole métallique traversant un autel massif, qui elle-même se jetait dans une lourde vasque soutenue par des statues aux traits grossiers. L’écoulement semblait ensuite se faire par débordements progressifs, jusqu’à un bassin à hauteur du sol, s’étalant en une ellipse approximative de la cuve aux panneaux décorés. De part et d’autre de cet ouvrage principal, des arcades surplombées d’un balcon rocheux faisaient le tour de la pièce. Et l’on devinait, dans l’obscurité du déambulatoire, quelques chapelles rustiques. Ne manquaient que les bancs de prière pour compléter l’allure pieuse de la cavité. Où s’affairaient quelques âmes humblement vêtues.

Attaquer ?
Non. Regarder. Et apprendre.
Volent objets dans eau. Objets à bonhommes de pierre.

Et, effectivement, dans une organisation visiblement bien rodée, les personnes présentes récupéraient les richesses, déposées en amont par les créatures rocheuses dans le courant aqueux, au niveau de la vasque. Etaient-elles seulement conscientes de tout le réseau conditionnant cet apport ? Et du fait que si elles souhaitaient transporter des vivres… ça n’était clairement pas le moyen le plus approprié ? Ni le plus efficient ? Si les rats, quasiment au début du parcours, pouvaient se satisfaire de grains un peu humides, assurément étaient-ils principalement viciés en arrivant jusque-là.

Descends discrètement. Essaie de suivre cette dame, là.

S’exécutant, Vreneli profita de la largesse de la colonne pour redescendre prudemment, puis il se faufila par à-coups de piliers en piliers. Avant de se glisser sous la jupe de leur cible.

Alors… c’est pas exactement ce que j’avais en tête. Mais pourquoi pas.
Cachés !
Oui, oui, cachés. Quand on aura du temps, on parlera des conventions sociales.

Un mouvement de jambe passa un peu trop près du teisheba, dont la nébuleuse électrique chatouilla la chair, lui faisant faire un brusque écart. Et alors que Vreneli esquivait in extremis un coup de pied instinctif, la bille de Calixte s’envola vers d’autres cieux. Vers d’autres ténèbres. Il rebondit contre la paroi de la galerie, avant de rouler bouler contre le sol de dalles humides. Au bout de quelques secondes, ne supportant plus le mouvement intense de rotation, le garde abandonna tout espoir de rester discret et défusionna de son abri sous les cris toujours plus affolés de la femme qu’ils avaient accompagnée.

- Bonjour, fit-il en premier parce qu’il était poli. Je crois que je vais être malade : vous avez des sanitaires où je puisse vider mon estomac ? poursuivit-il en retenant un haut-le-cœur.

Les bras sagement repliés contre lui, les mains posées sur ses cuisses, le dos bien droit, Calixte essayait de se montrer sous son meilleur profil – ou tout du moins celui le plus poliment naïf – afin d’amadouer la sœur lui faisant face. Il avait un peu galéré jusque-là à obtenir sa coopération ; peut-être avait-il été peu judicieux d’avouer être venu par le courant d’eau se déversant dans la chapelle, comme d’avoir piqué un sprint vers les sanitaires pour rendre son dernier repas alors qu’une armada de fidèles lui courait après, ainsi que d’avoir tardé à utiliser son bracelet de mimétisme pour mieux appréhender le mode de fonctionnement de son interlocutrice actuelle. Sœur Salima. Large comme un grognours, et à peu près aussi aimable. C’était une femme austère qui ne souffrait pas de contrariété, et pour toute l’habilité de sa verve, l’espion avait réalisé quelques faux pas l’ayant initialement davantage approché du séminaire de rédemption que de l’échange d’informations. Enfin, lorsqu’il avait pu utiliser les capacités de son objet de pouvoir, il avait commencé à sortir la tête du purin dans lequel il s’était jusque-là enlisé. Et, présentement, sœur Salima lui évoquait donc d’un ton froid l’histoire du lieu singulier. Ce qui était une sacrée amélioration de sa situation, comparée à quelques minutes plus tôt.

- Je ne peux malheureusement rien vous promettre pour la suite, avoua Calixte en fronçant légèrement les sourcils. Mais il sera dans tous les cas de bon ton que je rappelle votre existence à dame Weiss.
- Nos services peuvent poursuivre sans cette abondance miraculeuse, mais cela fait longtemps que celle-ci sert la communauté. En dehors de l’apport physique, il faut reconnaitre là l’intervention divine. Quelle âme ne s’émouvrait pas devant telle générosité ? Et Lucy sait que celles que nous accueillons ici sont particulièrement troublées. Avez-vous rencontré nos pensionnaires ?
- Non. Je n’ai pas tellement eu le temps. Et puis je pense que je ne vais pas tarder à repartir…
- Vous devriez les rencontrer.
- Heu oui. Bien sûr, oui. Puisque vous cela semble vous tenir à cœur. Mais ne pensez-vous pas que l’illusion…
- Lorsque feu monsieur Sbokoj – qu’il repose en paix, et que ses descendants soient bénis – a percé le fond de sa grange, cela a été une bénédiction. Il n’y a rien d’illusoire dans celle-ci.

Calixte se retint d’argumenter qu’il s’agissait en réalité de la grange du beau-frère de monsieur Sbokoj, et qu’il y avait tout de même là quelque chose de l’ordre du subterfuge, mais comme il ne tenait pas particulièrement à antagoniser sœur Salima et il évita donc tout commentaire désobligeant.

- Bien sûr, acquiesça-t-il en affichant un sourire entendu. Si vous le permettez, je vais donc selon vos recommandations faire un tour de la communauté…
- Et du culte.
- … et du culte, bien entendu. Puis retourner à ma dératisation. Je vous remercie pour votre temps, vos lumières, et votre hospitalité.

Ça allait lui prendre trois plombes de faire tout ça. Et il était à peu près certain que Nora ne résisterait pas à la tentation d’étriper Apolline s’il tardait trop à le soulager de la bavarde trousse de cuir. Enfin congédié par sœur Salima, le coursier avisa quelques mètres avant d’arrêter son choix de plan d’action. Un petit tour des lieux allait effectivement être bienvenu mais, dès que possible, il s’éclipserait à la faveur d’une fusion. Satisfait de cette perspective, il dirigea ses pas vers la pièce principale du culte.


- T’es tombé sur les canalisations d’un lupanar pour que ça vous ait pris autant de temps ?
- Sœur Salima était un peu difficile à esquiver sur la fin.
- Juste sur la fin, hein. A genoux la confession ?

Récupérant l’âme artificielle, Calixte la balança d’une main habituée au fond de son sac-à-dos. Le rire amusé de la trousse continua à en sortir, mais elle ne semblait pas vouloir faire de réapparition outre mesure.

- Alors, de ton côté ? A part subir l’interrogatoire d’Apolline.

Parce que Vreneli et le coursier étaient revenus alors que cette dernière bombardait l’aventurier de questions indécentes – comme ses dernières conquêtes, son intérêt pour l’un et ou l’autre sexe, son avis quant aux revues érotiques, ses genres préférés, ses fantasmes potentiels voire l’apparition possible dans l’Etalon des guerrières pour une session avec ledit étalon – et que Nora avait semblé trouver peu d’échappatoires dans la pièce visiblement dénudée d’intérêt hors l’étrange chaine de production. Et comme le jeune homme lui partageait ses maigres trouvailles, car effectivement il n’y avait là pas vraiment plus intéressant que les bonhommes récoltant diverses vivres, Calixte s’assit à côté de lui – oui, le temps avait été un peu longuet dans l’attente du garde et son teisheba – sur un rocher sec.

- Certaines richesses sont effectivement propres aux souterrains, à cette salle, mais les interstices – ici et ici – qui libèrent quelques graines donnent en réalité sur le fond d’une grange. Ils ont initialement été percés par une âme souhaitant contribuer à la renommée d’un temple troglodyte qui se trouve au terme du parcours du ruisseau, mais je ne suis pas certain que ce soit encore le souhait des agriculteurs actuels de verser ainsi ce singulier tribut. Même si cela doit être négligeable par rapport à leurs récoltes pour qu’ils n’aient pas investigué… ou alors, c’est vraiment leur choix.

Songeur, le coursier partagea à Nora ses propres découvertes. Ils n’en feraient rien. Le devenir du lieu de culte, jouissant de cette providence entretenant l’idée du miracle miséricordieux pour une population précaire en quête d’un guide spirituel et physique, n’était pas de leur ressort. Ce serait à Luz d’aborder cette affaire comme elle l’entendait.

- A terme, je pense qu’on aurait quand même intérêt à boucher le passage entre cette salle – enfin, en laissant libre le cours d’eau principal afin qu’il draine tout de même encore ces richesses jusqu’au temple, tant que Luz n’a rien décidé – et celle du nid, afin d’éviter qu’une nouvelle colonie soit attirée par cette abondance. Il faudrait aussi renforcer la rigole pour éviter qu’il y ait trop de ruissellement vers la salle du nid.
Attaquer !
- Et oui. Il faudrait qu’on se penche sur la dératisation. Comment penses-tu que l’on puisse procéder ? Peut-être que les empoisonner avec tes préparations pourrait suffire, poursuivit Calixte pensif. Et on peut chacun – toi, Vreneli et moi – se positionner à une issue pour s’assurer qu’aucun de s’échappe.

Tapotant distraitement du bout des doigts sa jambe, le garde laissa son regard observer encore un temps les bonhommes en pleine récolte.

- Ou peut-être vaut-il alors mieux que l’on obture le passage en premier ? Cela laisserait moins d’échappatoires…

L’aventurier était aussi d’avis qu’il allait leur falloir se lancer dans leur tâche de dératisation, et ils se remirent bientôt en mouvement. L’issue sur la droite du nid donnant sur une impasse, le coursier indiqua à son teisheba de s’y tenir prêt. Par ailleurs, le courant plus important à cet endroit de la pièce rendrait certainement les attaques du familier plus puissantes. Tout heureux de l’évolution de la situation, Vreneli ne se fit pas davantage prier et commença à patrouiller la zone qui lui avait été attribuée. Il n’avait pour le moment pas l’instruction de se décharger de ses foudres, mais vrombissait déjà d’une énergie prête à l’emploi.

Observant encore un peu l’organisation des rats tandis que Nora récupérait son paquetage empoisonné, Calixte se dirigea vers le passage nord de la salle. Sortant son porte-clef variable pour obstruer au mieux celui-ci au besoin, il réfléchit un peu plus au déroulement des évènements à venir.

- Dispose peut-être les directement sur les piles de nourriture les plus entamées, indiqua-t-il à l’aventurier qui revenait avec la nourriture modifiée. Qu’ils piochent directement dedans. Ça nous épargnera l’attente du ramassage-transport avant. Vu l’abondance de leurs réserves, ça nous prendra un petit moment d’attente sinon…

Et Nora s’exécuta, déversant le poison à divers endroits stratégiques du nid, avant de se positionner à la dernière issue de la pièce ronde. Et ils attendirent. Dans un silence rempli d’anticipation.

Les secondes passèrent doucement. Avant de laisser place aux minutes encore plus lentes. Et au terme de ce qui sembla être une éternité, finalement, du mouvement. Ou plutôt, un instant de flottement. Préludant la tempête à venir.

Bien que seulement éclairé de sa lampe magique, Calixte perçut presqu’immédiatement lorsque le mélange létal préparé par l’aventurier commença à faire effet. Comme s’il avait fait partie du réseau télépathique liant les rats géants entre eux, il perçut instinctivement la surprise des premières morts inattendues. Puis l’immobilisme prudent. Cédant ensuite au chaos de la réalisation à mesure que le nombre d’empoisonnés se faisait de plus en plus grand. Nora avait dû étaler son paquetage de manière efficiente, car en l’espace de quelques secondes, le coursier dut abandonner l’idée de noter toutes les créatures foudroyées par le poison, tellement le nombre de cadavres semblait croitre de manière exponentielle sous ses yeux. Néanmoins, les créatures eurent alors rapidement fait de repérer la cause potentielle de leur trépa organisé, et la colère – ou la peur, ou le désespoir – fit tourner les survivantes vers les trois issues possibles de leur tombeau. Comme vers les deux humains ayant certainement œuvré à celui-ci.

Instinctivement, alors qu’une vague pataude de nuisibles venait à sa rencontre, Calixte activa son porte clef qui grossit d’une impulsion pour boucher sommairement le passage, et il brandit l’épée de garde qui ne le quittait que rarement. Le reste de l’affaire fut relativement déplaisante. L’effroi des rats était palpable, et ce fut sans joie que le coursier usa de son arme pour ôter la vie à ceux n’ayant pas touché à la viande empoisonnée de Nora, ou n’ayant pas encore eu le temps de succomber à ses effets. Distraitement, alors que le métal de l’hémoglobine imprégnait davantage son odorat et que divers liquides visqueux tachaient toujours plus ses vêtements de garde, l’espion se dit que c’était le genre de mission qu’il n’aurait pu faire avec Naëry. Ou alors, autrement. Son ami aventurier n’aurait probablement pas apprécié annihiler toute une famille de créatures, fussent-elles comptées parmi les nuisibles. Un coup de dents bien senti au niveau de sa jambe lui fit lâcher un juron, et abandonnant finalement toute retenue, il redoubla d’ardeur dans ses mouvements martiaux.

A nouveau le temps lui parut interminable. Probablement ne fut-ce réellement là que l’affaire de quelques minutes. Mais la pénibilité de la tâche majorée par l’absence évidente de talent de sa part comme bretteur lui donna l’impression que celle-ci ne cessait de s’étaler en longueur. Lorsqu’enfin plus une créature devant lui ne vint à sa rencontre pour tenter une échappée ou venger ses proches assassinés, Calixte parcourut des yeux l’étendue macabre devant lui. Et avança méthodiquement en circonvolutions des parois de la pièce à son centre, à la recherche de survivants à pourfendre.

- Ca va, Nora ? demanda-t-il à l’aveugle vers l’endroit où devait être son collègue, grimaçant aux élancements divers de sa peau accusant l’agressivité des petits adversaires ayant fait mouche.

Grace à son porte-clef obstruant presque complètement l’issue devant laquelle il s’était posté, il était quasiment certain qu’aucun rat n’avait pu s’échapper de son côté. L’aventurier avait-il joué d’autant de chance ? Voire d’adresse ? Et surtout, tout comme lui-même, avait-il été – un peu, beaucoup – blessé suite à l’assaut des nuisibles en furie ?

Vreneli ? ajouta-t-il à l’adresse de son familier.

Il avait perçu les salves lumineuses du teisheba, fendant l’obscurité en flashs irréguliers, dénotant la participation active de celui-ci à leur sombre affaire. Certainement pour son plus grand plaisir. Libre de laisser ses éclairs s’exprimer en toute puissance, la nébuleuse avantagée par l’eau ruisselant contre le sol avait probablement assommé une grande partie de ses cibles, si ce n’était achever.

Attaquer encore ! Encore, encore, encore !

Se dirigeant vers le couloir menant à l’impasse de droite, Calixte observa d’un œil prudent les corps inanimés des rats à terre, et au moindre doute sur la possibilité qu’ils fussent seulement électrisés, les traversa de sa lame déjà bien rougie.

Vreneli poursuivre rats. Sont allés vers bonhommes.
- Doucement, Eli. J’arrive. Nora ? Je vais aider mon teisheba, apparemment certaines créatures se sont enfuies vers la ligne de récolte des bonhommes de pierre. As-tu besoin d’aide ?

La réponse vint dans un grognement, et Calixte hésita un instant, pointant sa lampe magique vers l’endroit où devait se trouver Nora. Etait-il blessé ? Avait-il besoin d’aide ? Il faillit bifurquer pour aller à la rencontre de l’aventurier au lieu de rejoindre son teisheba, quand l’homme poursuivit en lui indiquant de ne pas se préoccuper de lui. D’ailleurs, il semblait suffisamment en forme pour passer le nid au peigne fin et s’attaquer aux éventuels survivants. Il y avait quelque chose d’assez morbide dans toute cette affaire, mais si les deux hommes avaient souhaité faire dans la dentelle, ils n’auraient pas accepté une telle requête. Enjambant les cadavres inertes et les formes simplement électrisées qu’il passa sur le fil de sa lame, le garde s’engouffra dans le couloir emprunté par Vreneli à la poursuite des rats fuyards.

Eli ? appela-t-il à l’orée de la salle où les bonhommes de pierre poursuivaient sagement leur activité sans se préoccuper de l’agitation autour d’eux.
Encore là ! Eli peut les avoir !
Rabats-les un par un vers moi.
Non. Eli faire seul !

Soupirant, hésitant sur la conduite à tenir, Calixte choisit finalement de laisser son familier se dépenser et laisser jouer ses instincts pugnaces. Les décharges électriques n’étaient pas suffisantes pour tuer les rats – tout au plus elles les assommaient brièvement – mais cela ne semblait guère préoccuper le teisheba qui pouvait se donner à cœur joie dans ses attaques. Ce qui arrivait rarement. Pour ainsi dire jamais.

Pendant de longues minutes le coursier observa le ballet des nuisibles coursés par la nébuleuse teigneuse, en profitant pour réfléchir à la suite de leur entreprise. Parce qu’après tout, il allait aussi leur falloir se débarrasser des corps s’ils ne voulaient risquer une contamination infectieuse de la zone. Ils auraient certainement pu les laisser sur place en indiquant à Luz de se débrouiller, mais c’était une éventualité qui avait à peine effleuré l’esprit de Calixte. Il était hors de question qu’ils n’arrangeassent pas un maximum les affaires de la médecin. Ils pouvaient cependant difficilement incinérer sous terre le charnier, au risque de perdre le contrôle des flammes et inutilement mettre en péril leur vie ou celle d’aides quelconques. Il allait donc leur falloir extirper les cadavres pour s’en occuper à l’air libre. Restait à savoir comment.

Cal fainéant. Cal rien faire.
Tu es fatigué, ça y est ?
Eli pas dit ça.
Allez, pousse-les un par un vers moi.

Du fait de la capacité des rats à communiquer entre eux par télépathie, la chose fut plus facile à dire qu’à faire, et l’histoire leur prit encore de longues minutes d’échange, de coordination, de loupés et de morsures impromptues. Mais finalement, lorsque les derniers rongeurs s’effondrèrent, Vreneli vint se lover contre le cou de l’espion pour s’endormir aussitôt. Attachant les bêtes par leur queue, Calixte les tira ensuite le long du passage pour rejoindre le nid. Déjà en nage à ce bref effort alors que leur nombre n’atteignait pas la dizaine, il adressa un regard ennuyé à Nora.

- Il va nous falloir quelque chose pour faciliter leur extraction. J’ai bien un pendentif plume pour nous aider, mais il nous faudrait une plateforme – ou quelque chose d’équivalent – pour mettre les corps dessus.

Par dépit plus qu’autre chose, ils récupérèrent les chutes du sac de l’aventurier et y entassèrent sommairement quelques cadavres. Leur brouette de fortune craqua à mi-parcours, et ils finirent leur trajet le dos courbé et la respiration laborieuse. Dehors le soleil avait déjà commencé à décliner, attestant de leur travail prenant et s’étalant déjà en longueur, et Luz qui finissait une pause gourmande sous les rayons chaleureux de la journée vint rapidement à leur rencontre. Vreneli, qui avait toujours porté à l’électrique jeune femme une fascination tout inappropriée, glissa de l’espion à celle-ci et s’installa avec détermination sur sa chevelure carmin. Après quelques délibérations, le trio détermina qu’à défaut de remorque adaptée présente sur le lieu, l’un des pans de toile robuste de la tente ferait largement l’affaire.

La suite fut certainement aussi pénible que le massacre organisé des rats ; différemment, mais pas moins éreintante. Et il leur fallut un bon nombre d’aller-retours pour terminer tout à fait le transfert du charnier. Lorsque les premières flammes vinrent roussir le poil sombre des créatures inertes, la fraicheur de la soirée s’installait franchement. Nora et Calixte ne s’attardèrent cependant guère auprès de l’odorant brasier, retournant dans les profondeurs pour effectuer un brin de ménage – dans la mesure du possible – et consolider la rigole afin qu’elle ne drainât plus son chargement vers la pièce du nid, mais uniquement vers le lieu de culte. Lorsqu’enfin ils se trouvèrent satisfaits de l’affaire, les étoiles éclairaient à présent la voûte céleste, et ils s’assirent fourbus à proximité du feu toujours actif.

- Tiens, fit le coursier à Nora en lui tendant un cookie glooby. Ils sont un peu vieux, mais encore mangeables. Je crois.

En refaisant le point sur ses affaires, vérifiant qu’il n’avait rien oublié dans les souterrains, le coursier était tombé sur ce paquet qui trainait depuis quelques lunes déjà dans son sac. Mais qui calerait leur estomac assurément autant que tout autre biscuit. Un cookie entre les dents, Calixte releva les pans de son pantalon pour contempler les rétributions laissées par les rats. Il y avait là une carte en ecchymoses et coupures qui demanderait quelques soins mais rien de bien compliqué. Assurément rien qui ne le gênerait pour ses prochaines missions, ou quelques pas de danse.

Inventaire MAJ:

Luz essuya la suie qui maculait son avant-bras et poussa du pied une branche morte un peu trop invasive. Les prunelles plissées, elle surveillait l’appétit goulu du brasier, s’assurant qu’aucune étincelle ne venait coloniser les abords boisés du terrain. Elle aurait eu peine à expliquer ce nouveau tour de force à ses voisins, d’ores et déjà enquiquinés par l’animation permanente qui régnait dans la demeure des Weiss… De toute évidence satisfaite par la confection de leur bucher funéraire, la praticienne fit demi-tour et rejoignit ses deux aides épuisées. Sans mot dire ni avertissement, juste avec le naturel qui la caractérisait, elle s’accroupit devant les jambes de Calixte et entreprit de détailler les coupures qui fleurissaient sur sa peau. Devant ce mouvement impromptu, la tête penchée en avant, Vreneli eut le piaillement outré d’un animal dérangé dans sa sieste, toujours lové sur son crâne. Quelque peu gênée de l’attrait que lui portait le teisheba –après tout, elle ne souhaitait aucunement le dérober à son maître initial-, elle l’ignorait la grande majorité du temps. Elle devait toutefois convenir que l’énergie électrisante de l’animal lui donnait un air tout à fait adorable…


La paume fraiche de sa dextre vint épouser la peau de l’espion et elle sentit l’énergie de Vol vie affluer de sa senestre vers son patient.

« Cela dit, cette histoire de fuite est plus problématique… »

Que devait-elle faire ? Couper des vivres miraculeux pour une communauté qui en dépendait peut-être depuis toutes ces années ? Elle n’était pas religieuse, et n’étouffait pas non plus dans l’altruisme. Surtout envers de parfaits étrangers. Les soins faits et les blessures de Nora vérifiées, elle s’assit à côté de Calixte et étala devant eux la carte précédemment prêtée.

« Pourrais-tu me remontrer tout ça ? »

Il lui montra le couloir aquatique responsable de cet étrange acheminement, et lui fit part des propositions de colmatage évoquées précédemment. Vraisemblablement d’accord avec lui, Luz acquiesça dans le silence de la nuit et c’est songeuse qu’elle releva les yeux pour observer les dernières cendres craquer à quelques mètres de là.

« J’organiserai des travaux dès que possible. Je contacterai également les propriétaires de la grange pour leur faire part du problème… Cette histoire concerne désormais nos trois parties, nous pourrons peut-être prendre une décision commune après quelques négociations. »

Avec un peu de chance, la communauté religieuse accepterait de payer son grain à l’avenir si les agriculteurs souhaitaient conserver le fruit de leur travail. Elle fronça les sourcils et se tourna cette fois-ci vers Nora, revenant sur les bonhommes de pierre aperçus auparavant par l’Aventurier :

« Ce problème-ci est plus mystérieux… Nous avons affaire à un comportement magique qui dépasse mes simples compétences. Je réfléchirai au meilleur moyen de faire cesser ce travail sans déranger ces créatures. A terme et à mon avis, je n’aurai d’autre choix que de les déménager ailleurs… »

Elle comptait de toute façon envoyer d’ici peu un second groupe de volontaires étudier la porte magique fermée par les runes qu’ils avaient découvert sous terre. Peut-être serait-il préférable d’attendre leurs propres conclusions et découvertes sur cette affaire avant de prendre une décision… Décidément, ce terrain regorgeait de phénomènes inédits ! Elle se releva d’une impulsion, épousseta ses vêtements et remit aux deux hommes une bourse confortable de cristaux.


Ses prunelles s’ourlèrent d’un sourire. Elle ne désespérait pas de pouvoir convaincre entre temps Calixte de venir dormir avec elle à la Volière aux dragons. Avant qu’elle ne s’en soit rendue compte, elle caressait déjà machinalement Vreneli du bout du pouce, envoyant une petite étincelle électrique au teisheba ravi. Bon sang. Elle était nulle en matière d’autorité !

- Demande de Noble terminée -