Épidémie

Inaros

Il fit sous-entendre à Nora qu’il n’y avait pas eu d’accroc, mais impossible de lui expliquer qu’il venait d’apparaître il y a cinq minutes. En plus, il n’était pas en état de se battre. Il se sentait de plus en plus nauséeux et, à voir la tête des trois autres, ils étaient aussi dans un piteux état. Le mercenaire s’était fabriqué des armes de verre mais n’était pas certain de pouvoir les manier avec précision et correctement. Réfléchissant à tout ça, celle avec des oreilles de félin eut soudain une idée et leur demanda de rassembler les créatures sous une réserve d’eau à la structure bancale. Heureusement, celui avec qui il s’était retrouvé et qui semblait manier le feu fut extrêmement utile et réussit à grouper la plus grande majorité des immondices enflammées où il fallait.

Inaros avait la gorge qui le démangeait, il avait une furieuse envie de la gratter et il toussait de plus en plus fort. La prochaine expectoration fut teintée de rouge. Il crachait du sang. Les boutons blancs, énormes et pustuleux, qui recouvraient sa peau le démangeait atrocement. Il voulait les gratter et les tissus qui recouvraient sa peau ne l’aidaient pas. Ils étaient trop serrants et accentuaient les démangeaisons. Il commençait même à avoir des vertiges.
Ne partageant malheureusement pas la mémoire d’Ivara, il n’était pas au courant de tout ce qui s’était passé auparavant. Il avait juste quelques bribes de souvenirs : un énorme trou visqueux dans lequel il tombait et des cadavres qui parsemaient les chemins du village. Ils avaient tout droit atterri en enfer et étaient devenus malades.

Inaros n’avait plus que son instinct pour l’aider et son sens de l’observation. L’homme qui maîtrisait le feu était doué, très doué au combat et Nora semblait avoir acquis de nouvelles capacités depuis leur dernière rencontre. La femme était très agile et suffisamment forte pour se défendre. L’odeur de l’eau verdâtre qui s’écoula sur le sol lui donna envie de rejeter une nouvelle fois ce qu’il n’y avait pas dans son estomac. Il se retint de justesse, l’attention happée par l’aventurier aux cheveux de jais qui attrapait son vêtement pour lui parler. Il était dans un sale état, c’était encore pire qu’Inaros. La lueur de la lune ne le gâtait certes pas, mais il était d’une pâleur très inquiétante et des lambeaux de peau se détachaient de son visage.

- Compte sur nous pour t’le trouver, répliqua-t-il très simplement en l’aidant à prendre appui sur le mur pour ne pas tomber. La maladie en était à un stade bien plus avancé chez l’aventurier. Qu’en était-il pour le mercenaire ? Combien de temps lui restait-il avant que sa peau ne parte aussi en morceaux ? Il devait agir vite et bien et ce sans savoir ce qu’ils cherchaient vraiment. En effet, il n’était pas vraiment au courant qu’ils cherchaient tous un remède et il ne savait pas non plus quels lieux ils avaient déjà explorés.

La tâche semblait simple, mais la dénommée Lulla ne serait pas de trop pour l’aider. Avec ses quintes de toux à répétition, il attendit qu’elle les rejoigne pour lui expliquer que Nora leur avait demandé de trouver une goule plus intelligente que les autres, un marchand de sable. Le nom l’avait fait tiquer, après tout il transformait le sable en verre.
Lulla et Inaros s’éloignèrent donc de quelques pas et, même si toutes les créatures n’avaient pas été vaincues, ils pouvaient se permettre de faire quelques recherches autour d’eux. Les survivantes étaient contrôlées par leur instinct primaire : se nourrir des cadavres déjà à disposition un peu partout dans le village et semblaient même un peu déboussolées sans savoir comment elles pouvaient agir. La goule qui les commandait ne devait pas non plus savoir où donner de la tête, un peu abasourdie par le mouvement des humains.

- Regarde !, s’exclama Inaros en montrant à Lulla une goule un peu plus en retrait que les autres. Comme un général sur le champ de bataille, elle semblait observer ses troupes et le meilleur moyen de pouvoir attaquer les humains qui avaient essayé de les éliminer. Ce ne pouvait qu’être elle et ce n’était pas très compliqué de paraître plus intelligente que ses congénères. Elle était aussi un peu plus grande. Elle était à quelques mètres de là et, puisque le mercenaire était quand même perdu avec tout ce qui se passait, il se permit de poser quelques questions à Lulla entre plusieurs quintes de toux.

- On était séparés en deux groupes, commença-t-il à expliquer en jaugeant la réaction de l’aventurière pour voir si elle allait le contredire. Vous avez trouvé quoi, d’votre côté ? T’sais pourquoi Nora tient à c’qu’on aille voir c’te goule en particulier ? Juste pour qu’elles s’barrent ?

Il jeta un coup d'œil interrogatif à la demoiselle. S’il pouvait avoir quelques réponses, il ne disait pas non. Les autres devaient toujours se dire que c’était Ivara puisqu’en apparence rien n’avait changé : même timbre de voix, même visage, mêmes vêtements… Et il n’était pas certain qu’ils se soient tous côtoyés suffisamment longtemps pour qu’ils remarquent de menus changements chez la sculptrice comme la façon de marcher ou quelques tics de langages.

Seulement, cette goule n’était pas la plus intelligente pour rien. En les voyant approcher, elle s’enfuit pour se dissimuler.
Heureusement, les sens de Lulla permis de les protéger car elle avait entendu la respiration rauque de la créature qui s’apprêtait à leur sauter dessus et prévint à temps le mercenaire. Inaros essaya de réagir le plus rapidement possible pour que le pire ne se produise pas. Il puisa dans ses réserves pour faire chauffer du sable et projeta du verre liquide extrêmement brûlant sur la goule avant qu’elle n’agisse. Il répéta l’opération plusieurs fois, ce qui fit reculer la goule jusqu’à l’intérieur d’une maison. Rentrant à l’intérieur, Inaros put enfin viser les poignées pour les clouer sur le sol et attendre que le verre en fusion durcisse de lui-même en quelques secondes pour immobiliser le monstre. Il n’avait pas eu l’occasion de les aider dans le combat précédent, il avait au moins pu accomplir une petite part avec cette action.

Haletant et crachant du sang, il se tourna vers Lulla qui avait dû faire face à une acolyte de la goule intelligente. Dans son empressement, Inaros n’avait pas envisagé que ce marchand de sable pourrait utiliser des larbins pour la défendre. Mais le temps comptait.

- Reste avec elle, j’reviens dans deux minutes. Ils sont juste en bas. Faut qu’on reste à quatre et pas qu’ce truc reste notre otage.

Sans attendre, Inaros s’élança vers le duo formé par Jin et Nora. Il n’hésita pas à pester contre Ivara en se demandant pourquoi elle avait accepté un truc pareil. Elle sculptait, son métier n’était pas de combattre des monstres ! Il avait laissé Lulla seule avec l’autre goule, immobilisée, mais combien de temps pourrait-elle tenir seule ? Assez longtemps pour qu’ils puissent avoir toutes les clés en main, il l’espérait.

Épidémie

Lulla

Me laisser seule avec cette goule ? Je n'allais pas jouer la fine bouche, ni même chercher à la retenir. Après tout, elle était immobilisée, que devrais-je risquer ? D'un signe de tête, j'accepte sa requête. Même si dans un sens... Je trouvais étrange que la jeune Ivara de toute à l'heure, celle qui refusait d'aller seule vers les mines, me demande à présent de rester seule en si monstrueuse compagnie. Je pris garde de ne pas l'approcher de trop près, et jetai quelques regards à l'extérieur de la maison pour voir où sont mes partenaires. Je ne peux nier cette peur en moi, celle qui fait gonfler ma poitrine et qui faisait battre mon cœur comme un tambour de guerre. Mais je n'ai pas seulement peur par le fait d'être seule ici... J'ai peur pour Nora, je le vois s'affaiblir de minutes en minutes, et ne plus l'avoir sous mon champ de vision m'angoisse. J'ai peur pour Jin, aussi confiant veut-il se montrer, il a mis ses capacités à rude épreuve et va terminer par ne plus pouvoir fournir. J'ai peur pour Ivara, ne comprenant pas tellement ce changement si soudain, mais je lui reconnais le fait de vouloir tous nous garder unis. Dans un sens, c'était aussi ce qui importé pour moi. Nous étions venus tous ensemble, et il était hors de question de repartir en laissant derrière nous l'un des nôtres.

Le temps passe, je ne sais où sont rendus mes partenaires et cela commence à m'inquiéter. La goule quant à elle, à moitié assommée, semble reprendre ses esprits. Elle était immobilisée certes, mais commence toutefois à rentrer dans une certaine agitation. Mon regard félin ne la lâchait pas, commençant à me demander si le verre, aussi épais soit-il, n'allait pas finir par céder par les pulsions du monstre. Plus embêtant encore, ses cris perçant, pour des oreilles aussi affûtées que les miennes, devinrent insupportables. Mais l'assourdissement de ses cris est toutefois le dernier de mes soucis. Cette créature demande de l'aide à ses congénères, et ces dernières n'allaient certainement pas tarder à rappliquer. Il fallait que je réfléchisse, et rapidement, avant que je ne me retrouve au milieu d'une orgie de charognards.

Ce qui fut rapidement le cas, lorsque l'une des vitres vola en éclats, laissant ainsi rentrer l'une de ses putréfactions. Je n'allais pas crier à l'aide, je suis pour le moment en bonne condition pour les mettre hors d'état de nuire. Une seule était revenue, il faut dire que nous en avions abattue de nombreuses, il ne devait plus en rester beaucoup... Je l’espère. Toutefois, je suis un félin, une panthère, et il était hors de question que je devienne la simple proie. Rapidement, ma main se glisse dans mon sac pour en sortir mon poignard. Avant même que la monstruosité ne vienne à se jeter sur moi, je parvins à le lui planter dans le globe oculaire, lui arrachant ainsi un cri strident et perçant. Ses membres squelettiques tentèrent de se saisir de moi, me donnant du fil à retordre. Ça va aller, j'ai vu pire que cette horreur, il était hors de question qu'elle vienne à bout de ma personne. Néanmoins, je commis une seconde erreur en ne gardant plus à l’œil, le marchand de sommeil. Ce dernier c'était défait de ses liens de verre, et venait à son tour à se mêler à la danse. Là, en revanche, les choses devenaient plus compliquées.

Hors de questions de planter mes crocs dans ces hideuses créatures, en revanche, mes griffes acérées transpercèrent leurs peaux, la réduisant ainsi en lambeaux. Elles sont tenaces, moi aussi. Le seul problème étant que je sens mon esprit tournoyer, mon état ne me permettait pas de tenir si longtemps... Il fallait que j'abrège, et rapidement. Je ne suis pas aussi forte que mes compères aventuriers Nora ou Jin, mais je sais faire preuve de ruses. D'un bond félin, je m'élance vers le lustre suspendu au-dessus des monstruosités, donnant un grand coup de griffe dans la suspension.

Un bruit assourdissent, un fracas assommant, la poussière se soulève parmi les débris au sol. - Ouch.... Je me relève avec difficulté, ma cheville en avait pris un sacré coup, les chats ne retombent pas toujours sur leurs pattes... Que voulez vous. Mais sûrement bien moins que ces goules, qui se trouvent à présent empalées sous le lustre. Ces créatures m'avaient laissé quelques souvenirs, quelques entailles, mais je dois l'avouer...Je suis satisfaite d'avoir fait seule, la peau à ces deux-là.

D'un pas assez lent au vu de ma condition et de ma maladie qui commence à me ronger et m'affaiblir, je sentis mon esprit tournoyer de nouveau. Il fallait que je sorte, et tente de les retrouver à mon tour. Il fallait juste, que je reprenne mon souffle, et tente de calmer mes douleurs si violente. Adossée contre un mur, je me laisse tomber en tentant de reprendre un rythme calme, et contrôler ses brulures dans mon ventre.

Épidémie

Inaros

Le druide était un homme d’un âge certain. Il semblait pourtant en bonne santé, comme s’il avait été préservé de toutes les horreurs qui agitaient ce village depuis quelques jours. En voyant l’état de tout le groupe, il obligea chacun d’entre eux à s’allonger sur une couche pour qu’il puisse apaiser certains symptômes. L’aventurier Nora était dans un état critique et chacun ignorait comment il avait pu prendre la parole d’une voix aussi assurée en toquant à la porte. Allongé sur une paillasse, le druide appliqua plusieurs onguents sur la peau décomposée du brun. Lulla, Jin et Inaros n’étaient pas encore aux portes de la mort, même si elles se rapprochaient dangereusement. Le druide donna à boire plusieurs mixtures à chacun, quid pour calmer des douleurs d’estomac ou des quintes de toux sèches qui déchiraient les poumons.

- Je ne peux rien faire de plus… Et ça ne vous guérira pas, précisa le vieil homme avec une pointe de regret dans la voix. J’ai essayé de tous les sauver, mais je n’ai pas réussi... Ils sont presque tous morts. Je crois que le village est condamné… Même le remède que j’essaie d’élaborer… Je les ai tous envoyés à la mort. Ses yeux, d’un bleu très clairs, s’embuèrent et il se tourna pour ne pas craquer devant le quatuor. Si vous vous demandez pourquoi je ne suis pas encore malade, je pense que c’est Lucy qui veut me faire payer mes péchés et mes faiblesses.

Inaros, qui attendait avec impatience que la mixture du vieillard fasse effet sur lui, écoutait à moitié ses élucubrations. Il commençait à être très sérieusement agacé. Il était couvert de vomi, avait lui-même encore envie de renvoyer tout son estomac, avait des boutons qui le démangeait absolument partout et devait se contenir pour ne pas craquer et retirer tous ses vêtements qui commençaient horriblement à le gêner.
Il respira plusieurs fois, essayant de se calmer. Le rouge lui montait de plus en plus aux joues. L’aventurière Lulla posa alors une question pertinente, demandant au druide ce qu’il voulait dire lorsqu’il affirma les avoir tous envoyés à la mort.

- Les mines… Je les ai renvoyés dans les mines chercher ce qui manque pour mon remède… Je suis persuadé que c’est ça. La solution est à l’intérieur des mines. Mais à mon âge… Je ne peux plus y aller… Ô Lucy, qu’est-ce que j’ai fais…

Le vieillard prit sa tête dans ses mains, de chaudes larmes coulant sur ses joues. La culpabilité et les remords le rongeait. Il semblait désolé que quatre autres âmes aient à subir ce terrible châtiment qui, à ses yeux, était divin. Lucy les mettait à l’épreuve mais, dans son extrême bonté, leur permettait de pouvoir se soigner eux-mêmes avec tous les ingrédients nécessaires présents dans le village.

- Génial ! Une putain d’chasse à l’ingrédient mystère ! bougonna Inaros en se redressant soudainement.

Ce qu’il proposa ne fut nullement un acte héroïque. C’était la colère d’avoir sa vie mise en danger et la rapidité dont ils devaient tous faire preuve pour trouver tout ça qui le fit se décider.

- J’vais aller dans c’foutues mines. Vous, restez là. Ou faites c’que vous voulez. J’m’en cogne. J’n’ai ma claque d’tout ça.

Saisissant l’une des lanternes présentes dans la cabane, Inaros partit, claquant la porte derrière lui. Peu lui importait que l’un d’eux le suive. Il allait se rendre dans les mines et tenter de retrouver cet ingrédient mystère mais il ne resterait sûrement pas planter dans cette cabane à attendre que la mort vienne l’attraper.
Dehors, il restait encore des goules. Peut-être que l’un d’eux pourrait s’en charger pendant qu’il faisait son exploration.

En franchissant le seuil des mines, il observa avec attention la disposition de tous les éléments. Il repéra rapidement ce qui servait aux mineurs pour descendre sous le sol, il s’agissait d’un monte-charge très rudimentaire. Il avait environ quatre-vingt-dix-neuf pourcent de chance de mourir avant d’atteindre les profondeurs de la mine. De toute façon, il n’avait pas le temps de trouver autre chose. Il se positionna sur la plateforme et actionna le levier qui le fit descendre lentement. Très lentement et avec de nombreux à-coups. Il se cramponna solidement, se préparant mentalement aux divers dangers qui pouvaient l'attendre en bas. Est-ce qu'il pouvait y avoir d'autres goules ? Ce n'était pas impossible.

Après ce qui lui sembla être une éternité, "l'ascenseur" arriva à destination. Il ouvrit le portillon en bois pour fouler le sol de la cavité. Il était bien heureux d'avoir ce pince-nez qui couvraient les odeurs. L'une d'elle persistait : la mort. Sa lame en main et une lanterne dans l'autre, il avança à tâtons vers le premier couloir dans l'espoir de trouver ce qu'il cherchait.

Il espérait que tout se passait bien là-haut. Il préférait remonter avec l'ingrédient mystère et que ses acolytes soient en vie.

Épidémie

Lulla

Ainsi avachie contre ce mur, je luttais pour ne pas laisser mes paupières se fermer. Bien que la maladie, mais aussi la fatigue venait à me gagner, je doutais qu'il soit raisonnable de se laisser aller par le sommeil... Au risque de ne parvenir à se réveiller. Heureusement, je sentis des personnes approcher, dont l'odeur me fut familière et me permit donc de ne pas me mettre sur un état offensif. Jin portait à bout de bras Nora, dont l'état ne faisait hélas qu'empirer d'heures en heures... Ce qui dans un sens, est relatif pour nous tous. Un léger sourire se dessinait sur mon visage, destiné à mes camarades et en particulier à mon frère. Me voulant simplement rassurante et bienveillante envers lui, même si je commençais à sentir mes forces m'abandonner, je ne voulais pas qu'il se fasse bien plus de soucis. Par l'aide du flamboyant, me voici de nouveau sur mes deux jambes, mais pas de temps pour tergiverser, nous devions reprendre rapidement notre mission. C'est ainsi que nous allions tous rejoindre la maison d'un Druide, qui je l’espérais, nous aiderait à créer un remède. Car si lui n'y était pas parvenu jusqu'à présent, peut être qu'avec ce que nous venions de récolter en informations, nous pourrions parvenir à notre but dans un dernier effort commun.

Le vieil homme tentait vainement de calmer nos maux, et même s'il insistait sur le fait que nous devions chacun nous reposer, il était hors de question pour moi de m'éloigner de Nora. Venant alors, à rester près de lui, allonger sur une paillasse. Comme je l'avais fait pour moi, je ne voulais pas qu'il ferme ses yeux et se laisse sombrer, veillant alors à son éveil. Jin et Ivara semblaient plus aptes à rester debout, bien que l'un perdit grandement patience quant aux explications du druide. A ma grande surprise, non, ce ne fut pas Jin, mais bel et bien Ivara qui avait une bien étrange élocution. Serait-ce l'effet de la maladie ? En réalité, je ne m'attardais pas longuement sur cela, peut être que je pourrais avoir plus d'explications après coup, mais pour l'heure, ce n'était nullement le souci.

Ivara disparaît, déterminée à trouver cet ingrédient qui serait la cause de tous nos soucis. Mais si nous en avions la cause... Nous pourrions ainsi créer un remède qui lui est efficace. J'hésitais longuement à l'accompagner, me remémorant le fait qu'elle avait eu peur d'affronter seule cet endroit... Et pourtant, cette fois, elle y fonçait tête baissée et prête à en découdre. En réalité, j'ai peur d'être un poids en la suivant, je ne suis plus aussi rapide, à cause, de mon état se dégradant. Ma main gardait celle de Nora dans la mienne, venant parfois à se resserrer lorsque je sentais des vives douleurs. Une quinte de toux s'en suivit, crachant du sang au passage. Chose que je dissimulais à mes partenaires, bien que j'imaginais que c'était à présent le cas pour tous.

Restant éveillée près de Nora, je laissais à Jin le soin de veiller à l'activité extérieure. Nous étions au beau milieu de la nuit, et même si les goules n'avaient plus leur meneur, elles se trouvaient toujours présentes. Moins nombreuses, moins assidues puisqu'elles n'ont plus personne pour les guider, mais présente. Le Druide prenait la parole avec Nora, tentant de trouver un moyen de sortir la tête de l'eau. Je le laissais s’accommoder entre eux sur l'art et la manière de procéder, jusqu'à ce qu'ils s'accordent sur une liste d'ingrédients nécessaires. Outre celui qu'était partit chercher Ivara, il y avait aussi au besoin, des herbes médicinales. Il semblait évident que cela se trouvait aisément chez un druide, mais pour tenter de soigner la population, ses stocks furent réduit à néant. Bien sûr, j'acceptais sans broncher de prendre l'initiative d'aller chercher le nécessaire. Nora n'était pas en capacité de se déplacer... Lui et le druide sont probablement les seuls capables de créer un remède parmi nous. Il fallait donc faire en sorte qu'il ne leur arrive rien. Je pris donc soigneusement la liste, et déposait un baiser sur le front de mon frère.

- Je reviens vite Nora, tu m'attends d'accord ?

Peinant à me relever, j'attrape une besace qui me servirais à ranger ma cueillette, et m'avance cette fois vers Jin, le gratifiant d'un sourire qui se voulait confiant.

- Veille sur lui, et le druide. Les goules sont encore bien vives et il ne faudrait pas qu'elles parviennent à rentrer... un conseil, surveille les fenêtres. Fais attention à toi aussi !

Je termine cette phrase sur un léger clin d’œil à son encontre, dissimulant ainsi ma propre peine à me mouvoir. Mais si Ivara y parvenait, j'allais réussir aussi. Hors de question de baisser les bras, et de me laisser vaincre par un fichu virus. Bien évidemment, il allait aussi me falloir faire preuve d'une grande prudence, car je devais rejoindre une partie boisée du village, afin de trouver des herbes fraiches. Les trouver, ne sont pour moi nullement un problème, mon flair allait me permettre de faire cela rapidement. Le tout est de cependant éviter que les goules ne me posent soucis durant mon chemin.

Épidémie

Inaros

Au moins, la mixture du druide faisait son effet. C’était léger, certes, mais ses voies respiratoires n’étaient plus obstruées et il n’avait plus la furieuse envie de se gratter toutes les dix secondes. Il n’avait pas meilleure mine pour autant. Il était toujours couvert de diverses substances innommables (pour que chacun garde le cœur bien accroché) et se sentait brûler de l’intérieur mais il tenait bon. De toute façon, il n’avait pas le choix et il avait débarqué il y a moins d’une heure dans ce monde horrifique. Les autres doivent être là d’puis plus longtemps encore. Nora avait l’air vraiment amoché. Faut qu’ils tiennent le coup, tous.
Outre l’odeur nauséabonde, il était impossible de deviner qu’un drame s’était joué en ces lieux. Il releva la lanterne pour éclairer les recoins du tunnel qu’il allait emprunter. Rien ne semblait suspect au premier abord. Les parois étaient humides et légèrement effritées, juste assez pour craindre un effondrement. Il poursuivit son avancée à tâtons.

Alors… Une pioche… Un casque… Tiens, on s’rapproche. Qu’est ce que c’est que ça…? Ses interrogations étaient muettes. Il s’approcha de l’objet blanchâtre et retint une quinte de toux en se rendant compte qu’il s’agissait d’un os humain. Os du bras, j’pense. J’n’ai pas vu beaucoup mais ça y r’ssemble. Il est un peu plus grand qu’celui d’Iva et j’pense pas qu’beaucoup d’femmes allaient directement dans la mine. Pas impossible mais peu probable. Ce d’vait être celui d’un mineur. Mais où est le reste du corps ? Interdit et aussi silencieux qu’une ombre, il ne trouva pas le reste de la dépouille dans la petite alcôve. Quelqu’un est passé ici avant moi… Ou quelque chose. J’dois rester prudent. Les goules pouvaient-elles s’être aventurées jusqu’ici ? Était-il aussi envisageable que les goules résultent du réveil des malheureux qui avaient succombé à la maladie ? Perspective peu enthousiaste. Si tel était le cas, alors il ne devait pas exclure la possibilité de faire affaire avec quelques-uns de ces morts-vivants.

Le mercenaire faisait appel à toute sa mémoire et sa concentration pour se repérer dans ce triste endroit. Beaucoup de tunnels étaient en réalité des culs-de-sac, il rebroussait sans cesse chemin pour trouver ce qu’il voulait. Mais c’était difficile de progresser sans savoir ce qu’il cherchait. Il était aussi rapide que possible.

C’est alors qu’il entendit un étrange bruit, semblable à un sifflet en fin de vie. Il n’eut qu’à faire quelques pas pour repérer une alcôve un peu plus grande que les autres, où se trouvait un cadavre dans un grand état de décomposition et dont certains organes n’étaient plus du tout à leur place. Inaros réprima un haut-le-cœur en constatant qu’il avait marché sur un truc rouge, épais et visqueux et fit un pas de côté. Erreur. Une des créatures en profita pour lui sauter dessus. Ses griffes plongèrent dans son bras et il sentit l’haleine fétide avant même de sentir qu’elle essayait de le dévorer vivant. Impossible de savoir ce qui le sauva réellement, mais il eut l’instinct de lui donner un énorme coup de coude qui, bien qu’il lui fit aussi mal, dégagea la goule qui tomba sur le sol. Dans la surprise, il avait lâché la lanterne et sa lame. Repérant cette dernière sur le sol, il fit une roulade jusqu’à celle-ci puis revint vers le monstre pour lui asséner plusieurs coups fatals. Heureusement qu’il était habitué à tuer. Poussant un léger soupir, il tomba à genoux et porta sa main sur son cou, où il avait écopé d’une belle blessure non létale. Il chercha rapidement dans son sac un bandage pour que le sang ne s’écoule plus. Fort heureusement pour lui, elle était seule mais le sifflement était toujours présent.

Inaros, se ressaisissant de la lampe, repéra rapidement qui en était à l’origine. Ou plutôt, quoi. C’était une masse difforme, grossière et couverte de sang. Elle ne l’attaqua pas. Elle en était incapable : elle n’avait plus de membres. Elle possédait encore un œil, qui semblait empli d’amertume, de tristesse et de colère. Quoique fût - ou ait été - cette chose, elle ne réussissait pas à mourir. En l’examinant avec plus d’attention, Inaros remarqua les mêmes symptômes que ceux des villageois à la surface. Les boutons blancs, les yeux injectés de sang et ce qui restait de peau semblait s’être nécrosée. Qu’est-ce qui t’es arrivée, cocotte ? Pourquoi t’as pas crevé avec ton pote qui m’a sauté d’ssus… Qu’est ce qui peut bien te maintenir dans cet état…? Il pourrait sûrement trouver une raison en inspectant la chose et les alentours proches.

C’est ce qu’il fit. Lorsque ce fut au tour du cadavre, il le regarda avec une pointe de compassion dans le regard en soufflant : - J’vais arrêter tes souffrances. Il pouvait au moins faire ça, plutôt que de laisser cette horreur en vie sous les pieds du village. La créature le comprit-elle ? Elle le laissa faire, ne pouvant plus émettre qu’un grognement. Comment pouvait-elle toujours respirer ? Il devinait sans peine que l’autre goule avait passé son temps à le grignoter pour qu’elle soit dans cet état. Répugnant.

Un champignon s’était développé dans ses entrailles. Un champignon bien particulier qui devait avoir son rôle à jouer dans la confection du remède.
Prononçant un quelconque serment, cinq mots alignés envers Lucy pour accompagner l’âme du malheureux alors que lui-même n’était pas empli d’une telle foi, il l’acheva avec sa lame. Le sifflement se tût. Le silence revint. Il arracha les champignons et ramassa tout ce qu’il put dans son sac.


Une vingtaine de minutes plus tard, il se cramponnait fermement au monte-charge en fermant les yeux pour ne pas mourir. Lorsque les rayons de l’astre lunaire éclairèrent son visage, il porta son bras devant son faciès pour ne pas être aveuglé. C’est qu’il faisait sombre, en bas. L’air, bien plus frais malgré ce qu’il contenait, lui fit le plus grand bien et en inspirant un grand coup il fut pris d’une immense quinte de toux qui lui fit cracher du sang et qui raviva la blessure à sa gorge. Frissonnant, il courut - aussi vite que possible avec les douleurs et la maladie - jusqu’à la cabane du druide pour rapporter le trésor.

- Je… J’ai un truc…

Il tomba une nouvelle fois à genoux devant le druide, n’ayant pas encore eu l’occasion de jeter un œil aux alentours pour vérifier si tout le monde était là et savoir ce qu’il s’était passé en son absence. Il était épuisé. Il puisa dans ses dernières forces pour tout raconter au druide.

- Où sont les autres…? acheva-t-il dans un souffle. Putain. Plus jamais j’accepte qu’Iva parte à l’aventure. Elle a intérêt d’en être vaccinée.

Dans le fond, il espérait bien que ce soit juste un mauvais rêve. Son regard se porta alors sur l’aventurier étendu sur l’une des couches. Il s’était assoupi quelques temps auparavant. R’pose toi. Quand tu t’réveilleras, tout sera terminé pensa-t-il tout en attendant, avec beaucoup d’espoir, que les deux autres aventuriers reviennent.

Épidémie

Lulla

Il allait falloir me faire discrète et silencieuse, deux choses qui ne sont pas bien compliquées en réalité pour une féline. Me faufiler était facile, et éviter les goules ne devraient pas être difficile... Du moins, je l’espérais. Seulement, il allait falloir que je me concentre sur ma recherche des éléments nécessaires qui compléteraient le remède avec ce que pourrais aussi ramener Ivara, et ne pas perdre mon temps à jouer avec ces cadavres à cache-cache. Heureusement, l'intention de ces dernières fut happée par une sorte d'explosion, reconnaissant le bruit d'une rafale de feu. Jin était certainement en action, et en guerre contre ces monstruosités. J’espérais vraiment qu'il allait parvenir à tenir le coup jusqu'à notre retour, mais au moins, son action me permit de faire la mienne sans encombre. Pas de temps à perdre, car il était compté pour chacun de nous. Mais aussi, pour toutes les personnes vivantes encore en ce village. Elles étaient hélas, bien peu nombreuses à présent... Les survivants méritent de trouver un air respirable et surtout une aide salvatrice. Je ne suis pas prétentieuse au point de croire que nous puissions être ceux qui allaient les sauver, mais nous serions au moins ceux, qui apaiseraient leurs maux.

Me voici avec ma liste dans la main, mon sac sous le bras, et trouve un coin boisé tout près du village. Mon odorat me permit de trouver quelques plantes, que je connais bien assez de part la culture induite par Nora. Certaines sont assez difficiles à trouver, si ce n'est impossible, car elles ne poussent qu'à certains endroits précis du royaume. Cependant, je parvins à trouver des plantes aux vertus similaires, espérons que cela puisse suffire. Dans tous les cas, cela pourrait permettre de faire un remède temporaire... J'en suis sûre ! Je ne perds pas espoir, et de toute façon, nous n'avions nul autre choix que de réussir. Certaines plantes demandent toutefois beaucoup de précautions au moment où je les manipule, me demandant alors pas mal de temps. Même si j'avais grandement envie de me presser pour retourner au coté de mes compagnons, je ne pouvais prendre le risque d'une mauvaise manœuvre et faire louper la concoction du remède. Ma confiance envers mes partenaires était sans faille, je suis certaine que Nora allait tenir, Ivara allait trouver cet élément, et Jin contiendrait ces goules voire leur ferait passer un bien mauvais moment. Une chose est sûre... Cette mission, allait rester ancrée en chacun de nous.  

Ma cueillette prit le temps qu'il fut pour être enfin complète. Le petit matin commençait même à pointer le bout de son nez... Quelle heure était-il ? Quatre heures ? Cinq heures ? Espérons que cette nouvelle journée se termine avec une bonne nouvelle pour les prochaines. D'autant plus que je devais l'avouer, je ne suis pas certaine de tenir bien longtemps... La fatigue s'accumule, mélangée à cette fichue maladie qui me ronge de l'intérieur. Il est temps d'y mettre un terme, d'une manière ou d'une autre.

Me voilà sur le chemin du retour, courage les amis ! Nous touchons à notre but ! Me voilà de retour dans la cabane du druide, fermant la porte derrière moi, et me laissant glisser le long de cette dernière dans un souffle d'épuisement. Je remarquais qu'Ivara était aussi de retour, Jin devait encore contenir les goules à l'extérieur. Le druide se précipite vers moi, prenant ma besace.

- Avec ce que vous m'avez ramené mesdames, vous ramenez l'espoir ! Reposez-vous, cela me prendra une bonne heure... Mais j'ai foi !

Son regard semblait pétiller, depuis le temps que le pauvre homme cherchait à trouver un remède... Ce n'était à présent, plus qu'une question de temps.