C’était une journée comme les autres, Nemue avait assisté à la boutique pour répondre aux questions des clients habituelles tout aussi bien que les nouveaux. Toujours armée de son sourire, elle restait polie et courtoise avec hommes et femmes qui cherchaient réponses. Elles laissaient les vieillards lui saisir les mains se laissant traiter comme si elle était leur petite fille, mais ça ne lui dérangeait pas, loin de là. Elle aimait être proche de tous ces gens et les voir ainsi dans sa boutique prouvait que ses remèdes étaient efficaces et qu’ils étaient redemandés. Elle avait un peu de tout, même ce qui n’était légalement pas accepté, mais ce n’est pas connu de tous.

Enfin, après une dure journée de travail à soigner petite et grande, Nemue appréciait profiter d’un petit verre. Normalement, elle le faisait seul à l’arrière de sa boutique, mais pour faire changement, elle décida de se mêler aux citoyens de la ville qui peut-être deviendrait une grande ville si elle continuait ainsi? Nemue ne rêvait que de cela, mais pour l’instant elle se contentait de soigner voyageurs et aventuriers qui passaient par là tout en livrant directement à ceux qui ne pouvaient pas se déplacer. La demoiselle s’était donc vêtue de façon à ne pas trop se faire remarquer, bien qu’elle garda tout de même de son élégance. Un pantalon de cuir serré surmonté de longues bottes aux talons anormalement pointus. Une tunique sombre sied ses épaules et tombait derrière elle, recouvert d’un corset de cuir rouge qui se trouvait sur son abdomen. Ses lèvres rouges et sa manucure impeccable accompagnaient l’accessoire rougeoyant et elle s’était contentée de mettre une simple fleur au pétale sanglant pour retenir une partie de sa chevelure sur son côté gauche. Elle n’avait pas mis de bijoux pour ne pas attirer les malfaiteurs, mais on se doutait bien qu’elle ne faisait pas partie du petit peuple.

- Les enfants, restez sages et ne faites pas de bêtises!
- Oui, oui Nemue.
- On n’est pas des gamins non plus! Protesta l’aîné.

Elle s’approcha d’eux afin de les serrer dans ses bras comme une mère aurait fait à ses enfants.

- Vous aurez beau protester, j’ai décidé de prendre soin de vous lorsque je vous ai trouvé à la rue, cela fait donc de moi votre mère adoptive.

Elle les regarda avec un grand sourire alors que Lith roula des yeux et Irhu lui tourna le dos pour retourner à ses occupations. Elle poussa un petit soupir et quitta finalement l’appartement pour sortir sur le côté de celui-ci et se rendre jusqu’à l’auberge. Il faisait déjà sombre lorsqu’elle mit le pied à l’extérieur. Heureusement que les cristaux magiques éclairaient les rues, parce que la demoiselle n’aurait pas apprécié se promener ainsi seule et fit finalement son entrée dans l’auberge. De nombreuses personnes la reconnurent et lui fit signe de la main. Bien évidemment, elle les salua d’un signe de tête et s’assied directement au bar. Elle demanda sa commande spéciale et le sirota doucement alors qu’elle sortit sa longue pipe histoire de profiter d’un peu de tabac. Bien évidemment, elle ne fut pas la dernière à pénétrer la salle. Il y avait beaucoup d’aller et venue à cette heure-ci, mais une personne attira son regard. Elle aurait pu être impressionnée par sa taille, par le charisme qu’il dégageait, mais non. Son œil aiguisé reconnaissait là la démarche d’un homme blessé, mais qui tentait de le cacher.  Elle n’était pas soigneuse pour rien. Quand l’aubergiste revint après avoir saisi sa commande, la demoiselle n’hésita pas à fourrer son nez dans les affaires qui ne la regardait pas.

- Nouveau?
- J’me souviens pas de sa tête.
- D’accord. Qu’est-ce qu’il vous a commandé?
- Ce que j’ai de plus fort.

Elle hocha la tête, lui mentionna de lui faire deux verres et elle éteignit sa pipe avant de la ranger pour ensuite se saisir des verres, dont le sien. Elle fit un clin d’œil à l’aubergiste qui hocha tout simplement de la tête et Nemue se dirigea aussitôt de sa démarche féline en direction de l’homme à la chevelure verdoyante. Ses talons claquaient au sol signalant ainsi son approche et une fois à sa table. Elle déposa les verres au centre avant de pousser les deux qui lui appartenaient. Et elle se glissa sur la chaise en face de ce dernier de façon décontracté avant de se saisir de son propre verre pour y tremper ses lèvres. – Je me suis dit que vous en auriez besoin de plus qu’un… Elle baissa d’un ton pour que seul lui puisse entendre. – Au vu de votre état, finit-elle avec un sourire aux lèvres. Elle l’avait vu et lui faisait savoir bien qu’il ne sache pas qui elle était vraiment.

- Je suis Nemue.

Elle attend un moment et observe sa réaction bien que ce dernier semble aussi accueillant qu’une commode, mais elle ne se laisse pas débiter par la froideur de ce dernier. Elle n’était pas là pour tenter de le séduire, bien que l’idée ne lui aurait pas échappé certainement sous d’autres conditions, mais ce dernier était blessé et même s’il tentait de le cacher, les yeux aguerris de la guérisseuse en avait vu plus d’un nié les maux qu’il trainait avec eux. Bien évidemment ce dernier ne s’en plaignait pas. D’ailleurs, elle ne lui avait pas demandé la permission pour rejoindre sa table pour la simple et bonne raison qu’un refus ne l’aurait pas empêcher d’agir de toute façon. Bien sûr que son attitude pouvait attirer les suspicions. Comment le savait-elle et d’ailleurs, comment s’était-il fait cela? L’avait-on attaqué en chemin, s’était-il blessé suite à une quête? Était-il un aventurier? Bref, il avait besoin d’aide et Nemue ne pouvait tourner le dos à cet homme.

Bien évidemment, cela prit quelque temps avant qu’il ne se décide à lui parler, se contentant de simple enchanté. *Pas très bavard le jeune homme* se dit-elle intérieurement alors qu’elle observait les traits de ce dernier. Son esprit divagua un moment en se demandant ce qu’il pouvait bien être arrivé à son œil pour avoir une telle cicatrice. Le pauvre n’avait certainement pas eu sous la main des potions de soin efficace qui lui aurait permis de guérir convenablement. Il n’aurait peut-être pas perdu l’usage de son second œil, mais bon il était trop tard pour cela à moins qu’un jour elle réussisse à créer une potion assez puissante permettant aux cellules mortes de se régénérer, mais ça, elle avait beaucoup de chemin avant d’en arriver jusque-là.

La sorcière le voyait hésitant à consommer l’un de ses verres. S’il était si peu confiant, c’est peut-être parce qu’il était recherché? Enfin, elle émettait cette simple supposition, mais préférait ne rien dire histoire de ne pas éveiller la discorde dans l’auberge. Enfin, elle note les soupirs suivant ses mouvements, car oui ses yeux ne le quittent pas cherchant d’où proviendrait sa douleur.

- Je ne sais pas ce qui vous a mis dans cet état, mais il faudrait tout de même que vous consultiez un soigneur pour vous aider. Après tout, vous ne savez pas sur quoi vous pourrez tomber en reprenant la route.

Bien évidemment, le soigneur c’était elle, mais elle ne dit rien pour le moment préférant soutenir le regard de ce dernier. Elle connaissait une seule personne qui possédait cette couleur d’iris, mais cela était dû à son hybridation de veuve noire. Enfin, ce qu’elle lui voulait exactement? Enfin une question qui lui était destinée et qui lui fit afficher un grand sourire sur ses jolies lèvres. Elle croisa alors l’une de ses jambes sur l’autre tout en appuyant son coude contre la table afin d’appuyer le côté de son visage entre son index et son pouce alors que les autres doigts étaient repliés sur eux-mêmes.

- À vrai dire, la question est plutôt ce que vous désirez exactement. Il s’avère que j’ai une boutique à quelques pas d’ici. L’Apothicarium pour être plus précise. Si vous me laissez jeter un coup d’œil à vos blessures dans un endroit plus discret, je pourrais m’occuper de ces dernières. Bien évidemment, je vous suggère ma boutique où j’ai tout mon matériel à disposition puis… Elle se pencha légèrement vers l’avant comme si elle s’apprêtait à lui dire un secret, bien qu’elle mit sa main pour cacher sa bouche afin que seul lui voit. – Pour ne pas mentir, j’ai une collection de fort bien meilleur qu’ici. Puis elle reprit sa place, un sourire aux lèvres. Peut-être était-elle trop confiante, après tout il pouvait refuser l’aide qu’elle souhaitait lui apporter, mais au moins elle aurait essayé.

La sorcière ne fit pas attention au ton employé par ce dernier. Elle n’était pas du genre à reculer pour une si petite chose. L’homme avait clairement envie de rester seul, mais si elle s’était approchée de ce dernier c’est parce qu’elle savait ce qu’elle faisait et conserva toute son assurance ainsi que son sourire lorsqu’il la compara à un ange gardien d’un ton des plus sarcastique. Son verre toujours en main, elle le porta de nouveau à ses lèvres attendant que ce dernier ne prenne une décision. Bien évidemment, cela lui permit de vider la totalité de son petit cocktail dont elle raffolait et déposa bruyamment l’objet sur la table massive en bois avant de mettre la main à son sac pour en ressortir de nouveau sa pipe qu’elle alluma avant de tirer sur cette dernière. Laissant s’échapper la fumée d’entre ses lèvres, elle s’amusait à imaginer ce que pouvaient penser les autres d’elles. Une guérisseuse qui fumait et qui buvait parfois à outrance devant ses propres patients s’était crachée sur la charité. Elle était la première à conseiller d’éviter ce genre de pratique, mais s’était plus forte qu’elle. C’était ses petits péchés et heureusement, ils ne connaissaient pas sa vie privée parce qu’elle leur offrirait sa tête sur un plateau. Enfin, elle aimait bien cette phrase; faites ce que je dis et non ce que je fais. C’était elle l’apothicaire.

Elle s’appuya alors contre la table de son bras se penchant doucement vers l’avant alors que sa longue chevelure tombait de ses épaules encadrant ainsi son visage sans âge alors qu’elle tenait éloignée sa main qui tenait sa longue pipe fumante. – Je ne vous promets pas l’immortalité, mon ami, mais seulement de vous soigner. Elle échappa un petit rire avant de se redresser contre le dossier et d’inspirer dans ses poumons son poison tant aimé. On l’avait déjà traité de charlatan, mais jamais pour ce qui attrayait au domaine de la médecine. Elle avait confiance en ses compétences, mais ne se révolta pas à l’entente de ces mots qui l’auraient certainement blessé par le passé lorsqu’elle débutait. Aujourd’hui, elle était passée maître dans l’art de porter un masque. Elle pointa d’ailleurs en partie des gens dans la salle, surtout les réguliers qui vivaient dans la ville ainsi que certains voyageurs qu’elle avait pu consulter dans la journée.

- D’ailleurs, si vous souhaitez quelques preuves, vous pouvez toujours aller vous renseigner auprès de l’aubergiste ainsi que quelques clients. Ils pourront vous chanter mes louanges, finit-elle avec un sourire amusé. Bien évidemment cette partie était là pour détendre l’atmosphère. Sans surprise, la question de l’argent avait été abordée, mais Nemue n’était pas une extorqueuse, puis ce dernier, à vue d’œil, avait vraiment besoin de soin et elle ne pouvait pas fermer les yeux sur sa détresse qu’il ne désirait pas montrer. Parce qu’il jouait les durs, essayait depuis le début de leur discussion de refroidir la demoiselle afin qu’elle quitte sa table, mais malheureusement, Nemue n’était pas aussi impressionnable. – Tout ce que je demande en échange, c’est de la reconnaissance et quelqu’un avec qui partager un verre par la suite. Je suis venue à vous par moi-même, je ne suis pas pour vous demander un quelconque paiement alors que je vous offre mon aide.

Malgré tout, elle ne pouvait nier que ce dernier était bien difficile à convaincre, mais elle n’était pas son ennemie, loin de là. Que pouvait-il bien faire de sa vie pour vouloir ainsi fuir la compagnie d’une charmante demoiselle comme elle? Peut-être qu'en se retrouvant que tous les deux, ce dernier serait peut-être un peu plus bavard?

- Ma boutique est à quelques pas d’ici. Elle est située au centre du village afin qu’elle soit visible et accessible à tous. Si c’est parce que vous craignez le noir, ne ne vous inquiétez pas, nous serons éclairés en tout temps par les cristaux magiques.

Bien évidemment, elle faisait exprès de le piquer pour daigner avoir une quelconque réaction de sa part, puis elle donna une petite tape du bout de ses doigts et se leva d’un bon.  

- Bon, aller, dépêchez-vous, décida-t-elle, je vais régler la note et je vous attends pour partir.

Elle n’était quand même pas pour quitter l’auberge sans le garder à l’œil.

Même malgré ses tentatives d’alléger l’ambiance entre eux, celui-ci conserva son air stoïque. Cela devait être si triste d’être lui. Ne pas sourire ou s’en tenir au strict minimum dans l’espoir de repousser les autres, c’était quasi inconcevable pour elle et c’était très certainement pour cela qu’elle était toujours à ses côtés attendant presque patiemment que ce dernier ne se décide à la suivre. Et lorsqu’il lui avait demandé où se trouvait sa boutique, elle avait cela comme un simple oui et elle en avait profité pour profiter du moment. Il ne devait pas changer d’idée et l’inciter à la suivre sans lui donner le choix faisait partie de son plan. Enfin, le plan était seulement de le soigner et d’en apprendre un peu plus sur lui. Après tout, que pouvait bien cacher ce grand homme derrière ce masque de froideur. Que lui était-il arrivé pour qu’il devienne comme cela et elle espérait obtenir plus que quelques grommèlements ou de quelques réponses courtes.

Nemue s’était donc levé d’un bon marchant de sa démarche féline accompagnée du son de ses talons à chacun de ses pas. Les voyageurs présents n’hésitèrent pas à tourner la tête lors de son passage ce qui l’amusait bien. Après tout, la subtilité n’était pas donnée à tous et attendre de ne plus être dans son champ de vision ne leur était pas venu. Nemue prit alors les cristaux rajoutant ainsi le pourboire et les glissa à l’aubergiste avec un petit sourire. Ce dernier soupira se demandant encore ce qu’elle allait manigancer, mais pour une fois, elle était réellement innocente. Elle n’était pas venue ici dans le but de trouver un pauvre aventurier esseulé en manque de compagnie. C’était peut-être son troisième péché, mais elle savait se tenir tout de même.

Le temps que ce dernier se rende à la porte, Nemue avait déjà terminé de compléter la transaction et s’était alors empressé de le rejoindre et pendant un instant elle crut le voir se détendre, mais était-ce qu’une impression. Sa morosité revint à la charge ce qui fit doucement soupirer la demoiselle qui le suivit à l’extérieur. Invitée par ce dernier à prendre la route, la demoiselle se mit à ses côtés afin de le guider. D’ailleurs, elle évita, avec ce dernier, de faire ce don elle avait l’habitude; s’accrocher à son bras pour profiter de la promenade qui ne serait que de courte durée. Ignorant pourquoi elle faisait cela, elle avait tendant à prendre contre elle le bras de son compagnon de marche et elle le faisait même avec d’autres femmes. Était-ce son côté noble qui ressortait, peut-être.

Enfin, l’air était frais et la soirée plus fraîche au vu de la saison. Il fallait prévoir quelques vêtements chauds à ce temps-ci de la saison et même s’il n’avait que quelques mètres à parcourir, la demoiselle ressentait déjà la fraîche se poser sur ses épaules ce qui la fit frémir au point de se frotter les bras de ses mains. La marche fut de courte durée, car ils tombèrent aussitôt à l’entrée de la boutique où logeait un grand capteur de rêve surmonté d’un crâne de cerf. Elle ne l’avait jamais vendu, mais en même temps, il faisait partie de la boutique. Sortant ses clés de son petit sac, elle se mit à trifouiller histoire de trouver la bonne et lorsqu’elle ouvrit la porte, ils étaient plongés dans le noir total. L’oiseau qui se tenait normalement à l’accueil était absent et avait certainement trouvé le confort de son nid. Elle se tourna alors vers son invitée. – Entrez, entrez! Je vais allumer une chandelle.  Et elle s’éloigna aussitôt après avoir refermé la porte derrière eux. Disparaissant dans la noirceur, la sorcière pouvait se guider dans les allés sans se soucier de percuter quoi que ce soit puisqu’elle connaissait l’emplacement par cœur. Seul le son de ses talons faisant échos permettait de la distinguer. Le bruit d’une porte qui s’ouvre se fit entendre un peu plus loin et une lumière chaude se mit alors à briller éclairant ainsi la demoiselle qui revenait vers ce dernier telle une luciole.

- Je préfère que nous nous installions dans la salle à l’arrière de la boutique. Je préfère éviter les curieux qui tenteront de vérifier l’origine des cristaux de lumière à cette heure-ci.

Elle tourna les talons et se dirigea alors vers ladite pièce, passant au travers des allées. La lumière était assez forte pour éclairer ce qui se trouvait sur les étagères. Il y avait là des herbes, des mortiers ainsi que des fioles. Bien évidemment, ce n’était pas tout ce qui se trouvait dans sa boutique. Les remèdes se trouvaient surtout derrière le comptoir afin que n’importe qui puisse y avoir accès. Enfin il ne s’agissait que d’un avant-goût. Une fois dans sa pièce, Nemue déposa la chandelle sur le bureau et alluma finalement les cristaux de lumière. – Pardon, pour les yeux, mais j’aurai besoin de toute la lumière possible pour vous ausculter et faire cela à la lueur d’une chandelle, ce n’est pas bien pratique. L’endroit était composé d’une chaise longue où il était possible de s’y étendre, un bureau et quelques classeurs. Une table ronde  accompagnée de trois chaises et pour finir, son petit bar personnel où elle conservait une panoplie de fort en tout genre.

- Bon, je vous offre un petit verre avant de débuter ou vous retirer vos vêtements maintenant?

Un petit rire s’échappa d’entre ses lèvres lorsqu’elle réalisa la tournure de sa phrase, mais elle posa tout simplement son fessier contre son bureau en croisant ses bras sous sa poitrine en attente d’une réponse de ce dernier.

L’homme l’avait suivi dans le plus grand des silences jusqu’à l’arrière-boutique où Nemue préférait rencontrer ses clients en privé. Cette salle était, pour la plupart du temps, utiliser pour des consultations de type médical, mais aussi pour un sujet dont elle ne parlait que très peu. Autant elle tentait de prolonger ou bien bonifier la vie d’autrui, autant elle était accompagnée par la mort tous les jours ou presque. Beaucoup la connaissait comme étant une simple apothicaire faisant partie de la noblesse, mais qui avait décidé de travailler tout comme bien d’autres civiles afin de mettre aux services des autres ses compétences, alors que d’autres la connaissaient sous le surnom de la sorcière dû à son pouvoir de communiquer avec les morts.

La femme au regard d’émeraude s’était donc retournée lui donnant la possibilité de prendre un petit verre avant de commencer, bien évidemment, tout cela tourner d’une drôle de façon, mais ce dernier ne retint même pas et refusa le verre. Elle haussa les épaules se faisant à l’idée qu’elle n’obtiendrait certainement rien de lui ce soir ou bien même jamais, car ignorait s’il comptait un jour repasser par le village au même moment qu’elle. – Très bien. Je vous laisse donc vous installer comme il se doit.  Pendant ce temps, cette dernière attrapa sa longue chevelure de sorte à l’attacher en queue de cheval afin qu’elle ne soit pas gênée par cette dernière et qu’elle ne se retrouve pas dans les blessures de ce dernier. Elle fit aussi bien vite de la place sur son bureau faisant attention à la chandelle afin de ne pas la faire tomber par mégarde et remonta finalement ses manches roulant les extrémités.

Quand elle se tourna, c’était pour observer un corps meurtri qui ne manquait pas de cicatrice. Son regard parcourra ces dernières rapidement et elle fit une légère moue. Soit ce dernier ne faisait vraiment pas attention à sa personne, soit la personne qui avait soigné le tout n’avait rien d’un véritable professionnel. Il avait certainement appris cela d’une boîte de céréales si on pouvait le dire ainsi. *Le pauvre, entre de bonnes mains il aurait pu éviter bien des cicatrices* se disait-elle alors qu’elle s’était approchée pour observer les blessures récentes qu’elle devait soigner. Écoutant celui-ci banaliser l’entaille et la "connerie" de gauche, Nemue soupira en levant les yeux vers son visage quelques instants. Elle avait envie de lui donner une bonne claque derrière la tête pour lui faire comprendre que ce n’était pas un jeu et que sa vie était en danger, mais elle ne fit rien, préférant se redresser sans avoir touché à ses plaies.

- Bon, je vais aller chercher le matériel nécessaire pour cela. Éloigner la chaise du mur pour que je puisse passer derrière vous.

Bien évidemment elle lui aurait simplement conseillé de s’asseoir sur une chaise normale face au dossier afin qu’il appuie ses bras, mais si ce dernier trainait ses blessures depuis quelques heures, du repos lui serait nécessaire.  Elle prit la chandelle sur son bureau et partie dans la boutique se dirigeant aussitôt à l’arrière du comptoir où elle y prit un cataplasme permettant d’aider à la guérison, un peu d’eau d’Ascléria pour aseptiser le tout et une pommade contre les brûlures. Elle n’oublia pas le fil ainsi que l’aiguille qui lui permettra de coudre la plaie faite par la lame espérant que ce dernier n’était pas douillet. Le tout mis dans un petit panier, elle alla dans une autre allée cherchant ainsi des bandages propres pour penser le tout. Avec tout cela et si ce dernier écoutait les directives de Nemue, il pourrait s’en sortir sans aucune trace. Quand elle revint vers ce dernier, elle déposa les ingrédients sur le bureau, prépara ces derniers en ouvrant les pots dans un ordre précis avant de se laver les mains et récupérer les outils nécessaires à tout cela. Il s’agissait surtout de petite pince, car elle ne devait pas le toucher directement.

- Navré de cette attente, mais je ne fais pas les choses à moitié. Je vais donc vous expliquer ce que je vais faire avant de commencer. Déjà, je vais vérifier qu’aucun corps étranger se soit logé dans vos plaies puis je vais tout désinfecter, cela risque de faire mal, mais c’est un processus important. Ensuite, je vais appliquer une pommade contre les brûlures sur votre côté droit, puis je vais suturer la plaie du côté gauche pour qu’elle guérisse comme il le faut. Par la suite, je vais appliquer un cataplasme des deux côtés pour aider à la guérison, puis bander le tout. Cela vous va? Je préfère vous demander votre accord avant tout, après tout, il s’agit de votre corps.

Pendant qu’elle parlait, elle avant pris un petit plateau métallique qu’elle nettoya avant de prendre une petite paire de pince qu’elle passa dans les flammes de la chandelle pendant un certain temps dans le seul but de les aseptiser une première fois, puis elle mit un peut d’eau d’ascléria sur un petit tampon qu’elle frotta sur ces dernières avant de la déposer dans le plateau avec quelques tampons propres et elle y mit la fiole d’antiseptique. Il ne manquait plus que son accord pour agir.

L’homme lui donna son feu vert ajoutant par la même occasion que c’était elle la pro sur le coup. Cela fit sourire la demoiselle pendant un bref instant, mais maintenant qu’elle pouvait agir, elle termina de préparer le petit plateau métallique avec tout ce dont elle avait besoin puis s’approcha de ce dernier qui était toujours assis. Déposant un genou au sol pour se mettre à une bonne hauteur pour avoir son flanc droit au niveau de ses yeux. Nemue lui fit lever le bras de sorte qu’elle ne soit pas dans le chemin. Heureusement, cette dernière avait une excellente vu, mais elle prit tout de même en main une petite loupe histoire de bien déloger les saletés qui pourraient ralentir sa guérison. Le côté de sa brûlure sembla être correct puis elle changea de côté, vérifiant l’entaille. D’ailleurs, c’est pendant ce temps que ce dernier se décida enfin à se montrer curieux.

- Vous savez, dit-elle avec concentration, si ce n’était que de moi, j’offrirai toujours cela gratuitement. Je ne fais pas cela pour faire de gros profits sur le dos d’autrui, mais j’ai besoin de payer ma marchandise que je ne peux pas toujours trouver par moi-même. Je dois aussi payer les aventuriers ou toute autre personne qui travaillent pour moi et qui risquent leur vie pour décoter les ressources nécessaires. Puis, je dois aussi payer mes jeunes protégés pour le travail qu’il accomplit pour moi.

Maintenant qu’elle avait fait le tour, elle désinfecta les pinces prenant ainsi des lingettes propres sur lesquels elle versa de ce même désinfectant pour bien mouiller le linge qu’elle attrapa de la pince. Elle se mit, avec délicatesse à appliquer le tout sur le côté droit en première part, puis changea de lingette pour passer du côté gauche.

- En effet, ce n’est pas tous les guérisseurs qui peuvent se permettre cela, mais je ne peux pas fermer les yeux devant un blessé et encore moins lui exiger un quelconque paiement lorsque c’est moi qui insiste pour le soigner.

Elle se redresse pour aller se nettoyer de nouveau les mains, parce qu’elle ne prend aucune chance puis elle prend la pommade contre les brûlures afin de l’appliquer sur son flanc. Elle utilisa cette fois-ci une petite spatule pour appliquer le tout. La demoiselle s’appliquait vraiment dans son travail. Elle aurait pu observer le corps de ce dernier profiter de la vue qui lui était offerte, mais elle n’en fit rien. Elle s’était donné une mission des plus importantes et se devait de l’accomplir jusqu’à la fin. Puis elle sait ce que ça fait que de fricoter avec les patients. Ça ne se déroule pas toujours bien et plutôt que de l’aider à aller mieux, cela peut empirer son état. Ouvrir de nouveau ses blessures ne faisait pas partie de sa liste ce soir.

- Une dette? Je ne vois pas pourquoi, vous devriez vous sentir endetter envers moi. Je prône la vie et la guérison. Fermer les yeux sur votre cas aurait été honteux de ma part. Je fais cela de bonne grâce alors je refuse que vous me deviez quoi que ce soit et ne vous en faites pas avec cela.

La demoiselle était donc maintenant rendue au point de suture et lui demanda avec gentillesse de s’allonger sur le dos et de garder son bras au-dessus de sa tête. Il pouvait en faire ce qu’il désirait tant qu’elle ne lui mettait pas de coup par simple réflexe. Elle s’agenouilla de nouveau à ses côtés après avoir changé les outils dans son plateau et avoir aseptisé l’aiguille et le fil qu’elle allait utiliser pour cela. Elle avait déjà préparé le cataplasme et une seconde spatule tout aussi propre pour passer à la suite dès qu’elle aurait terminé.

- Sinon, et si vous me parliez un peu plus de vous, mh? Dit-elle alors qu’elle préparait le fil et l’aguille. L’idée étant de lui changer les idées pour qu’il ne ressente pas ce qu’elle s’apprêtait à faire. – Par exemple, vous pouvez me donner votre nom, non? Où se trouve votre prochaine destination? Je commence les points de suture. Elle mit ses mains froides de chaque côté de la plaie et entra l’aiguille d’un premier côté. – Enfin, vous pouvez me parler de ce que vous voulez aussi.

Elle l’avait questionné dans le seul but que ce dernier puisse penser à autre chose qu’à l’aiguille qui traversait sa peau d’un côté jusqu’à l’autre. L’opération était délicate, car elle ne devait pas déchirer les tissus en endommagé. Mettre le fil trop près de la plaie était risqué pour cela et le mettre trop loin pouvait engendrer d’autres soucis tels qu’un inconfort pour ce dernier et une douleur qui ne lui était pas nécessaire. Et en vérité,  elle écoutait d’une oreille distraite ce que ce dernier lui disait, parce qu’il s’agissait d’une opération délicate et qui lui demandait beaucoup de concentration.

- J’ai toujours rêvé de pouvoir voyager, mais disons que j’ai quelque chose qui me retient ici.

Dit-elle pour qu’il poursuivre et qu’elle ne lui donne pas l’impression qu’elle ne l’écoutait pas du tout. Bien entendu il poursuivit expliquant qu’il n’avait pas réellement de destination précise. Ce qui n’est pas réellement dérangeant lorsqu’on y pense. Après tout, les voyageurs peuvent explorer le pays afin de découvrir ce qu’il s’y cache un peu comme faire du tourisme en fait, mais la suite est un peu étrange.

- Chasseur donc? Je connais aussi une chasseresse, mais il me semble que de ne pas avoir de destination précise pour chasser n’est pas très efficace. Suivre la migration et le mouvement des créatures lors des changements de saison est parfois mieux, non? Enfin, c’est vous l’expert dans la matière. Moi je ne suis qu’une apothicaire et guérisseuse.

Il ne lui restait plus qu’un point à faire et cela ne lui prit que quelques minutes. Coupant finalement le fil, elle s’assura de faire un petit nœud pour que son travaille ne puisse se défaire. Enfin, avec le cataplasme qu’elle allait déposer sur le tout et si ce dernier ne faisait pas de mouvements brusques cela ne devrait pas arriver. N’ayant pas besoin que ce dernier se redresse pour le moment, elle déposa ses outils et essuya ses mains sur une serviette avant de mettre l’eau d’Ascléria sur ses propres mains.

- Avec de telles blessures, vous ne vous seriez pas rendu à temps à Forteresse. Cela aurait pu s’infecter voir pire si vous aviez croisé d’autres bandits.

Bien évidemment, elle se doutait bien que le coup de lame ne s’était pas fait de par lui-même et ce n’était pas l’acte d’une créature vivant dans les plaines. À moins que l’une d’entre elles avaient appris à manier les armes blanches. Sa petite réflexion la fit doucement sourire alors qu’elle se redressa doucement étirant ainsi son dos et tous ses membres en réalité. Être accroupis et pencher ainsi ne l’avait pas du tout aidé. *Je vais avoir besoin d’un massage après tout cela, moi!* Pensa-t-elle avant de sourire repensant à une certaine soirée où elle avait fouillé des heures durant dans ses bouquins pour trouver une solution aux problèmes d’un de ses patients bien plus bavards que ce dernier qui s’était offert pour lui faire un message. Il est évident qu’elle le lui refuserait si cela venait à se reproduire.

Elle revint finalement auprès de ce dernier déposant finalement une mixture verdâtre et froide au contact sur le côté de ses points de suture et s’assura d’en mettre juste assez pour que ça ne colle pas partout, puis elle fît le tour de la chaise pour ne pas avoir à se pencher au-dessus de lui et refaire la même chose de l’autre.

- Isaac? C’est un joli prénom. Cela vous va bien dans tous les cas, lui dit-elle avec un sourire. Je peux enfin mettre un nom sur ce joli visage. Ça sera plus plaisant que de toujours vous dire vous, dans tous les cas. Enfin, je vous ai déjà donné le mien, vous pouvez l’utiliser autant de fois que vous le voulez, Isaac. Elle rangea finalement le cataplasme et referma le couvercle avant de prendre le bandage en tissu propre qu’elle avait récupéré. – Bon, assoyez-vous, je vais maintenant vous faire votre bandage. C’était la partie qui se voulait tout de même délicat, puisqu’elle ne pouvait pas tourner autour de lui chaque fois qu’elle devait aller à son dos et disons qu’au vu de sa carrure, il n’était pas très petit et la demoiselle dû s’approcher de ce dernier afin que ses bras puissent passer jusqu’à derrière lui. – Désolée, je sais que je suis dans votre bulle, mais j’ai bientôt terminé. Dans tous les cas, il pouvait humer le parfum de la demoiselle, un mélange sucré et épicé à la fois avec une légère touche de tabac. Elle tentait aussi de ne pas trop le fixer concentrant ses yeux le bandage qui se devait d’être droit et sans plie et elle l’attacha à l’avant lui montrant par la même occasion ce qu’elle faisait pour que cela tienne.

- Pfiou! Et voilà! Terminé. Vous pouvez remettre vos vêtements, mais attention à ne pas faire de geste brusque. Je vous conseille quelques jours de repos sans trop vous mouvoir afin que le tout guérisse comme il faut et je vous laisserai tous les produits que j’ai utilisés pour vous pour que vous puissiez nettoyer vous-mêmes les plaies et que vous puissiez refaire le même processus que j’ai fait pour vous.

Elle secoua ses mains l’une contre l’autre et ramassa tout ce qui se devait d’être lavé pour le mettre au sol et elle ferma tous les pots pour pouvoir lui donner lors de son départ. Les outils utilisés furent déposés dans le plateau métallique et mis de côté. Elle nettoya son bureau avec un linge qu’elle n’avait pas utilisé et s’assura d’aseptiser ses mains à la toute fin.

- Bon, maintenant que vous êtes plus bavard et que je vous ai montré que je ne suis pas réellement une menace pour vous, j’imagine que vous prendrez un verre cette fois-ci?

Elle s’en servit un pour elle, puis un deuxième qu’elle lui tendit. S’il n’y touchait pas, elle pourrait très bien le finir. Sa consommation avait été plutôt modérée ce soir, elle pouvait se le permettre.  – D’ailleurs, je suis curieuse, comment avez-vous perdu votre œil? Lui demanda-t-elle alors qu’elle prenait place sur une chaise qu’elle avait tirée devant lui.

Nemue n’était pas du genre à se gênée lorsqu’elle souhaitait avoir des réponses. Elle avait même été jusqu’à questionner l’activité sexuelle d’un de ses amis garde qui avait une apparence des plus particulières sans se soucier si ce dernier avait déjà goûté à cela ou pas. Alors demander à cet homme ce qui était arrivé à son œil ne lui posait aucun souci ni aucune gêne. Même si cela allait peut-être créer un certain inconfort chez son patient, sa curiosité personnelle en serait satisfaite. Puis, avec cela, elle avait réussir à se faire une petite idée de l’origine de toutes les autres. S’il s’agissait d’un acte désespérer commis par l’atrocité humaine, cela allait de pair avec ses blessures actuelles et qui sait ce qui aurait pu lui arriver si elle n’avait pas croisé sa route.

- Un désespéré, hmm, j’imagine que vous avez croisé beaucoup de désespérer, dit-elle en portant son verre à ses lèvres pour y prendre une gorgée toujours en gardant ses yeux fixés sur ce dernier.

Bien évidemment, elle faisait référence à toutes les blessures qu’elle avait vue sur son corps dont elle n’avait pas touché mot. Son travail étant maintenant accompli, elle pouvait se permettre un petit relâchement et ses yeux parcouraient l’homme qui se trouvait devant elle sans aucune gêne.  *Isaac…* se répéta-t-elle en son for intérieur. Ce dernier n’était certainement pas ce qu’il prétendait être. Avec la magie, il y avait le moyen de mettre la main sur des potions ou bien même de trouver un guérisseur pour soigner les blessures. Elle n’était certainement pas la seule à le faire gratuitement dans des cas désespérer, alors ce dernier, pour avoir autant de cicatrices, ne devait pas faire affaire avec les bonnes personnes. Que dire de son attitude bourrue cherchant à repousser les autres. Cela lui avait tout pris pour qu’il sorte de son mutisme et que dire de la confiance inexistante qu’il avait envers les autres. Elle ne savait pas réellement ce que ce dernier faisait, même s’il se disait chasseur, mais elle préférait ne pas savoir. Elle l’avait soigné et aidé, mais n’allait pas lui émettre son hypothèse au risque de le mettre en colère. Après tout, si elle avait découvert son secret par simple déduction, comment pouvait-elle prévoir sa réaction?

D’ailleurs ce dernier la sortit de ses pensées lorsqu’il se décida à la questionner sur sa présence en ces lieux. Qu’est-ce qui la retenait et ça, c’était tout de même une bonne question. – Et bien, déjà, je ne peux pas me décider à partir alors que ma boutique fonctionne très bien ici. Puis, Manillam est peut-être une petite ville comparée aux autres, mais elle n’en reste pas moins achalander. Après tout, la ville se trouve tout juste entre la capitale, le village perché ainsi que la forteresse. La plupart des voyageurs passent par ici. Une nouvelle fois son verre fut levé et porté à ses lèvres avant qu’elle ne reprenne la parole. – Puis, j’ai toujours vécu, en grande majorité, hors des grandes villes. La mansion où j’ai grandi se trouvait près du grand lac non loin de la forêt. Lorsque ma sœur est décédée, nous avons déménagé à la capitale, mais dès lors que je fus en âge de partir je n’ai pas hésité à prendre mes ailes et m’envoler. Bien évidemment, j’ai eu un coup de main de mes parents pour m’aider un peu à construire mon rêve alors voilà. Je ne vis pas très loin d’ici, mais je considère cet endroit comme chez moi.

Elle se pencha doucement vers l’avant, appuyant ses avant-bras contre ses cuisses justes avant son genou puis elle laissa pendre dans le vide son verre qu’elle tenait du bout des doigts. – Et contrairement aux grandes villes, mes patients n’ont ne pas attendre des jours et des jours avant de pouvoir consulter quelqu’un parce que leur liste est beaucoup trop longue. Moi je me déplace même jusqu’au malade s’il le faut et j’ai même emménagé une aile de mon manoir pour accueillir les gens qui nécessitent mon attention plus souvent que d’autres. Je ne pense pas être meilleure que les autres loin de là, mais si je me trouvais à la capitale, je ne pourrais pas fonctionner comme je le fais.

Nemue avait parlé de chose qui aurait pu être personnelle aux yeux de certains. Après tout parler de décès de sa sœur pouvait être dur pour bien des personnes, mais lorsque Morganne les a quittés, elles étaient encore jeunes toutes les deux et cela était dû à un simple accident. Bien évidemment, Nemue s’était pardonné de ne pas avoir pu sauver sa sœur, mais si elle avait sauté à l’eau avec elle, aujourd’hui ses parents n’auraient pas perdu qu’une fille, mais le couple de jumelles. Seulement, Nemue n’appréciait pas spécialement les étendues d’eau depuis ce jour. Enfin, cela aidait la jeune femme à passer outre son deuil. Elle ne pouvait pas ignorer l’existence de cette dernière et encore moins faire comme si elle n’avait jamais existé. Elle se devait d’honorer sa mémoire.

Enfin quand ce dernier lui parla de bravoure concernant ce qu’elle faisait, elle ne comprenait pas réellement ce qu’il voulait dire par se reposer sur son nom. Enfin, si, mais pourquoi l’évoquer maintenant? Est-ce qu’il vouait une certaine animosité envers les nobles de leur société? Est-ce que si elle lui avait simplement dit qu’elle était noble, leur conversation se serait coupée court? Peut-être qu’en lui parlant, il avait réalisé qu’il ne pouvait pas tous les mettre dans le même panier. Dans tous les cas, Nemue savait que cette animosité était bien réelle, mais seulement chez lui. Beaucoup crachait sur la noblesse. Certains l’étaient de génération en génération, alors que d’autres venaient tout bonnement de recevoir leur titre par leur dur labeur. Il est vrai que vu ainsi, recevoir les lauriers grâces à leur ancêtre n’avait rien de digne. Après tout, c’est le premier de la lignée Lynella qui avait obtenu le titre ce qui faisait en sorte que les générations suivantes en étaient donc héritier. Bien évidemment, elle n’avait jamais vu son père dépenser en outrance et même elle travaillait fortement pour avoir ce qu’elle désirait. Sa demeure avait été un cadeau de départ de la part de ses parents, mais la boutique avait été un projet qu’elle avait bâti de ses propres mains.

- J’imagine que certains ont de noblesse que le titre.

Après tout la noblesse morale était une tout autre vertu que peu connaissait. Nemue ne s’était jamais senti supérieur à qui que ce soit et s’efforçait même de mettre ce qu’elle avait pu acquérir au service des autres. Elle n’avait rien à voir avec ces nobles prétentieux qui n’hésitaient pas à insulter voir rabaisser les autres pour se sentir bien supérieur. Eux, Nemue ne daignait même pas les regarder.

- Non en effet, nous n’avons rien manqué, mais ça ne veut pas dire que je dois me reposer sur cela pour mon avenir. Je n’avais pas l’intention d’épouser le premier noble que mes parents m’auraient présenté pour former une alliance, dit-elle alors qu’elle échappa un joli rire. Bon j’exagère, ils ne m’auraient jamais fait cela, mais je ne sais pas en réalité ce qui m’a fait choisir cette voie. Mon père ramenait souvent des livres d’apothicaire à la maison et certaines avaient des illustrations faites à la main. J’ai toujours trouvé cela joli alors je me suis engagée sur cette voie et j’ai étudié dans le domaine de la médecine et plus spécialement dans la création de remèdes et de potions. Peut-être est-ce un sentiment de culpabilité qui m’animait à cette époque parce que je n’ai pas su aider ma sœur, qui n’est pourtant pas partie suite à la maladie, ou est-ce le fait de connaître la douleur et le chagrin de perdre un être aimé qui me pousse à vouloir rendre les gens heureux en prolongeant leur vie grâce à mes soins.

Elle se redressa tout en haussant les épaules et elle termina finalement son verre d’un coup et étira son bras pour le déposer contre le bureau.

- Dans tous les cas, faire cela m’apaise et pouvoir garder ce contact humain avec eux me fait du bien. Bien évidemment je ne suis pas une déesse et parfois la maladie l’emporte sur le guérisseur. Ça nous fait du mal, mais il faut continuer d’avancer.

Elle se garda de parler de son pouvoir puisqu’elle avait la possibilité de rappeler les morts afin que la famille des défunts puisse discuter avec eux. Bien évidemment, il s’agit très souvent d’un dernier au revoir précédé d’un départ beaucoup trop rapide. Certain on le temps de faire leur deuil parce qu’ils s’y sont préparés, mais lorsqu’un être aimé disparait sans donné de nouvelle ou qu’une mort subite frappe quelqu’un, il est normal que ceux ayant entendu parler de la sorcière entre en contact avec elle.

- Et vous, Isaac, vous arpentez Aryon sans avoir de réelle destination allant seulement là où la demande vous appelle, mais n’avez-vous pas d’attache ou bien un rêve?   Vous n’êtes pas lassé de ce genre de vie?

Rien qui ne le retient? Même si elle avait quitté la capitale, tout ce dernier, Nemue avait toujours un endroit où aller. Elle savait que peu importe ce qui lui arriverait, sa famille serait là pour l’accueillir en cas de problèmes pour la soutenir. Mais s’il ne disait avoir rien peu importe où il allait, cela voulait donc dire qu’il n’avait ni famille ni amis. Renié ou orphelin, elle ne pouvait le savoir, mais ne lui demanderait pas même si ça curiosité la titillait. Elle savait quelques sujets plus délicats à aborder et cela pourrait expliquer en partie son côté distant. Dans tous les cas, elle ne comprenait pas pourquoi ce dernier disait qu’il n’aurait peut-être jamais le temps de se lasser. Un changement de carrière l’attendait? Qui sait?

- Pas le temps de créer des liens? Et pourtant nous sommes en pleine discussion et apprenons à nous connaître. Si ce n’est pas créer des liens, je ne m’appelle pas Nemue! Dit-elle en lui faisant un petit clin d’œil. Puis, maintenant que vous connaissez mon magasin, vous pourrez toujours revenir me voir si vous avez besoin de soin. Bon, je ne serai peut-être pas aussi généreuse les prochaines fois, mais vous serez toujours le bienvenu ici même si ce n’est que pour discuter bien évidemment.

Nemue ne connaissait pas les pratiques de ce dernier et espérait se tromper sur ses possibles hypothèses, mais tant que la vérité lui était cachée, elle pourrait fermer les yeux et continuer à le traiter comme un ami. Ce ne serait pas le premier à cacher en partie son identité et malgré tout, l’amitié était une possibilité puis peut-être que de ne pas se savoir si seul dans ce monde pourrait rajouter un baume sur son cœur endurci par les dures lois de la vie? Enfin, cette dernière s’avança un peu vers lui et tapota amicalement sa main contre son genou sans aucune autre signification cachée bien évidemment.

- Ton temps n’est peut-être tout simplement pas encore venu. Un jour tu te trouveras bien une place quelque part. Enfin, si tu vois dans l’entraide une source d’inspiration et bien tant mieux. Personnellement, je ne suis pas parfaitement blanche et je ne me considère pas réellement comme une source d’inspiration. Fumée et boire pour une guérisseuse ce n’est pas conseiller et pourtant!

Et pourtant, elle aurait pu continuer sur sa lancée, mais préféra s’arrêter sur cela. Elle ne devait pas trop ternir son image tout de même et parler de ces vices n’allait sûrement pas aider ce dernier. Dans tous les cas, ce dernier avait poursuivi sur une phrase qui pouvait être interprété de façon positive, mais vu la mine sévère qu’il arborait Nemue se questionnait réellement sur ses intentions. De quel genre de dons parlait-il. S’agissait-il de son pouvoir ou avait-il un talent cacher dont il ne parlait pas? Bon, en même temps, ils n’étaient pas là pour montrer ce qu’ils savaient après tout. Ce n’était pas ce genre de discussion.

- Et vous avez déjà une idée de ce que vous allez faire avec ces dons? Demanda-t-elle avec curiosité.