- Alphonse ! Tonna Queen dont le timbre de voix était tremblant de colère.
- Oui, mademoiselle ? Immédiatement le blond jaillit dans l’embrasure de la porte donnant sur les cuisines, frottant lascivement une tasse dont les ornements vieillit laissaient à supposer qu’elle était souvent utilisée. - Vous êtes là si tôt…
- Crois tu seulement que cela soit de mon fait ? Elle ne criait pas, elle n’en avait pas besoin, son ton était suffisamment menaçant.
- Vous avez…
- Oh ne me regarde pas avec tant de pitié Alphonse.
- Ce n’est pas…
- Depuis combien de temps vivons nous ensemble ?
Le majordome eut l’air penaud un instant mais il se ressaisit rapidement et ses mâchoires se contractèrent.
- Presque dix ans, mademoiselle.
- Et tu tentes encore de me tromper ? Tu es plus sot que je ne l'aurais cru. Un gloussement ironique lui fut arracher. - Fais donc couler un bain, contente toi de préparer un bouillon pour ce soir, je n’ai pas faim. Nous dînerons dans le salon, toi aussi. J’ai envie de compagnie et même si ce n’est que la tienne je saurais m’en contenter exceptionnellement. S’approchant d’un pas rapide elle posa dans ses mains un dossier. - Brûle le. Les résultats sont erronés. Les sourcils du jeune homme se soulevèrent mais il ne fit aucun commentaire. Son employeuse était réputée pour bien des choses dont son excellent travail, c’était bien la première fois qu’elle lui demandait une telle chose. C’était également la première fois qu’elle rentrait aussi tôt du palais. Il ne fallait guère être un génie pour comprendre de quoi il en retournait. Elle avait été congédiée ; priée de prendre du repos, forcée en vérité. Parce qu’Alphonse le savait, Queen ne prenait jamais de repos. Pourtant cette fois il pensa que c’était une nécessité. Aussi puissante soit sa force de caractère le bout de femme qu’elle était s’effondrait à mesure que les jours s’écoulaient.
Alphonse était bien placé pour le savoir. Il se souvenait encore du jour où il avait confié la noble à l’aventurier. Nora. Il se souvenait également de la nuit qu’il avait passé à chercher un homme de confiance ou du moins avec qui il pouvait espérer revoir sa maîtresse en vie. Son instinct ne l’avait pas trahit et c’était une poignée de jour plus tard qu’elle était rentrée au domaine. C’est à ce moment là que la dégringolade avait commencée. Évidemment Queen avait toujours refusée de s’avouer vaincu, pire qu’un fauve elle avait défendu ses positions prouvant aux autres maisonnées que la fin de son ascendance ne marquait pas la fin de sa lignée. Que même sans Nienor les Milan n’en devenaient en rien faible. Mais la vérité était toute différente, cruelle aussi mais cela ne l’empêchait pas de se débattre et Alphonse était là, la regardant s’emmêler sans savoir quoi faire. Elle lui avait proposé de quitter les lieux, après tout la véritable patronne du jeune homme n’était autre que la matriarche de la personne avec qui il vivait. Mais depuis toujours ses services avaient été destinés à cette femme aux boucles d’or et dont le caractère d’acier le faisait frémir depuis des années. Il n’avait su se résoudre à reprendre sa liberté. Qu’en aurait-il fait de toute façon ? Pouvait-il laisser l’héritière choir de cette façon ? Elle, elle l’aurait fais. La résidait toute l’admiration qu’il lui portait. Une admiration discutable certes.
Tandis qu’elle disparut à l’angle d’un couloir en pierre, lui, prit la direction de la salle de bain. Il s’occupa d’y préparer la baignoire ainsi que d’ajouter des huiles relaxantes. Au bout d’une quinzaine de minutes Queen se tenait sur le pas de la porte. Sans discuter elle se glissa dans l’eau chaude avec pour seul remerciement un soupire de soulagement. Le silence resta de mise entre les deux, seulement brisé par le bruit du peigne démêlant la cascade de cheveux dorés. Quand l’eau passa de chaude à tiède il la pressa de sortir et l’enveloppa dans une serviette molletonnée. Quand ce fut chose faites, il attrapa une seconde serviette plus petite et y enveloppa ses cheveux.
- Voulez vous que je vous laisse seule ? Demanda-t-il calmement tout en fixant le visage de Queen. Jamais au grand jamais il ne l’avait vu aussi fatigué et émacié. Même ses yeux étaient auréolés de noir tandis que ses iris d’habitude bleu azur n’était plus que deux aigues-marines aussi froide que la glace.
- Oui.
Il disparut.
Queen ne réapparut qu’une bonne heure plus tard, ses yeux étaient aussi gonflés que rougit. Le majordome était habitué à ce genre de chose dernièrement et il ne s’en offusquait plus, il réussissait même à s’empêcher de lui demander comment elle se portait. Dès qu’elle fut installée il lui servit son repas puis s’installa dans l’un des fauteuils en face afin de manger également. De tout le dîner Queen garda le bol entre ses doigts mais n’avala pas une seule gorgée, ce ne fut que lorsque le blond reposa sa propre assiette qu’elle en fit de même.
- Il faut que je retrouve Hildegarde. Le coupa-t-elle avant qu’il n’ait le temps de la sermonner quant aux repas qu’elle loupait. Cela eut d’ailleurs l’effet escompter puisqu’il resta muet quelques instant.
- Hildegarde ? L’âme artificielle de feu votre mère ?
- Elle-même. Lorsque je me suis rendu au domaine personne n’a fait mention des âmes de mes parents, or ils en possédaient tout deux une. Peut-être nous aiguilleront-elle…
- Vous aiguiller mademoiselle? Comptez vous vraiment retrouver ceux qui ont fait ça à vos parents ? Une pointe d’inquiétude perçait dans sa voix.
- Qui serais-je si je venais à laisser un tel acte impuni ? Nienor est décédée, la puissance de ma famille est en berne, les vautours le savent et même si nous ne les voyons pas je suis sûre qu’ils rodent déjà. Ne pas réagir à un tel affront serait comme tendre mon cou sous une hache ennemie tout en espérant qu’on ne le coupe pas. Ses yeux se posèrent sur le petit feu qui crépitait dans le cheminée. - Je veux voir le visage de celui qui a fait ça. Et je le tuerais.
- Mademoiselle… Vous devriez au moins prendre contact avec vos aînés. Votre sœur ne sera peut-être pas utile mais ne serait-il pas bon d’ainsi réunir vos forces ? Même si ce n’est que le temps de…
- Ne crois pas que la mort de ma mère t’offre plus de liberté. Le coupa Queen, tranchante.
- Je suis désolé.
- Cela dit, tu n’as pas complètement tord. La puissance d’une fratrie comme la mienne pourrait m’offrir une force de dissuasion suffisante. Malheureusement Primus est toujours aux abonnés absents, si tant est qu’il soit encore en vie. L’idée fut rapidement chassée, elle avait suffisamment perdu de membre de son clan, elle ne voulait pas imaginer un seul instant qu’il puisse en être de même pour lui. - Fauve est porté disparu depuis… Bien avant que je ne vienne à la capitale ? Je crois bien que je serais même incapable de le reconnaître si je le croisais. Et de toute façon nous le savons tout les deux, Alphonse, mon frère ne s’est jamais intéressé que ce soit à nous ou à politique. Si Andra n’était pas aussi sotte peut-être aurais-je pu faire appel à elle, malheureusement je ne tiens pas à transformer nos ennemies en lumios alors je me passerais de ses services. Un soupir las franchit la barrière de ses lèvres et ses épaules s’affaissèrent. - Hildegarde saurait quoi faire, elle à servit ma mère durant des années, elle connaissait aussi bien ses secrets que ses plans.
- Je ferais mandater des aventuriers dès demain si cela vous sied.
- Parf-…
TOC TOC TOC
- Nous attendions de la visite ?
- Non.
- Va ouvrir, renvoie ces personnes. Je ne suis pas d’humeur à recevoir qui que ce soit, pas même la reine.
- Bien.
Alphonse quitta la pièce et le son des gonds grinçant se fit entendre. Cependant le claquement qui devait annoncer la fin des échanges et la fermeture de la porte ne vint pas, à la place la voix d’Alphonse se fit de nouveau entendre, incertaine.
Andra est horriblement silencieuse pendant notre voyage vers le domaine de notre sœur, même mes tentatives de lui chercher des poux pour lui changer les idées ne sont pas assez. Ce fichu mot qu’elle a trouvé, cette saloperie d’assassinat bien trop violent, bravos maman, tu as eu, visiblement, un retour de flamme de tes actions. À trop jouer, tu t’es brûlé.
Même le toutou que je viens de lui donner, ne semble pas plus la dérider que cela. Elle a grogné, c’est certain, bien correctement, mais il manque de la conviction dans sa voix, de la vie un peu, enfin de mon point de vue. Je suis qui pour savoir de comment elle est vraiment en colère ? Ça me rassure de lui avoir donné un de mes chiots, il a été entrainé pour au moins lui servir de diversion en cas de problème et ne pas attaquer de Milan. J’ai préparé le même type de chien pour Queen, même si elle va certainement détesté aussi, plus mon souci maintenant.
— Fait pas autant la gueule, fais-lui croire que c’est un plaisir d’avoir un toutou et elle accepter le sien que part fierté. Après, si ni l’une, ni l’autre, n’est capables de s’occuper d’une simple boule de poil qui peut attaquer un ennemi comment vous allez faire face au dit ennemi ?
C’est de la simple provoque, ce que je fais presque depuis le début. Que ça soit pour lui avoir forcé le cul à demander de l’aide à Queen qui a le bras plus long qu’elle pour avoir des informations à la cour ou pour qu’elle ne parte pas toute seule en vendetta ridicule. Elle me rappelle tellement moi pour certaine de ces réactions, se voir dans un miroir déformant est quelque peu déstabilisant à certain moment.
— Bon, je vais rentré, faire comme chez moi et normalement derrière tu pourras lui vendre tout ce que tu veux tellement elle aura ras le cul de moi.
D’une certaine façon je tente de la faire un peu rire, mais j’ai cette impression de donner des coups de vide en agissant ainsi, pas bien grave, au moins je tente, c’est mieux que rien. Je frappe avec force à l’entrée pour nous deux sans même avoir fait attention vraiment à ce que Andra a pu répondre. Une fois que la porte s’ouvre je siffle jeune chien pour Queen pour qu’il rentre sans attendre, ce qu’il fait sans aucune hésitation.
Il y a une expression indignée de l’autre côté de la porte et puis je reconnais la personne à la porte. Oh ! Ce cher Alphonse est encore là, c’est bien de voir que l’autre toutou humain que mes parents ont entrainé pour la famille est bien resté fidèlement attacher.
— Mon Alphinou, quel plaisir, tu vas bien nous laisser rentrer, n’est-ce pas ? Bien entendue, comme si tu allais refuser notre si belle venue alors qu’on est venue avec plein de cadeaux en poche.
Tout en disant cela je le pousse dans le hall profitant de sa surprise et laissant la place, plus que nécessaire pour qu’Andra entre à son tour. Il faut de la place pour une princesse mine de rien. Au visage complètement outré de mon ancien camarade d’arme et la bouche qu’il ouvre, il va clairement vouloir foutre dehors. Je presse sans aucune délicatesse mon doigt sur ses lèvres pour le faire taire et parle pour finir de couper dans son élan. Il a été trop bien dresser pour me couper en plein milieu, tant que je ne fais aucun geste agressif contre Queen.
— On est là pour parler famille, pas lui cracher à la figure, je n’y peux rien si elle n’a pas répondu à mes premiers courriers après mon départ et qu’on est pas garder contact. En tout cas c’est un plaisir de te voir encore en vie, tu es moins inutile que ce que mère le pensait visiblement.
Ce n’est même pas un faux compliment. Bon, depuis le temps, mère l’aurait jeter à la rue s’il avait vraiment inutile comme ce qu’elle pouvait dire à certain moment. Il ne semble pas trop savoir comment réagir, c’est plaisant et amusant mine de rien.
— On peut voir notre sœur du coup ?
Tout en disant cela, je commences à prendre mes aises et faire le tour de l’entrée tranquillement, le petit chien pour la propriétaire des lieux me suivant sagement pour ce familiariser aussi. Je laisse Andra finir de gérer, c’est une grande fille tout de même.
Démunie face à la mort de ses parents et ne sachant pas vers qui se tourner pour l’aider à assouvir sa soif de vérité et de vengeance, Andra finit par contacter son frère, Fauve. Ces deux-là avaient gardé une forme de contact, s’échangeant quelques lettres de temps à autres. Enfin a vrai dire c’était plutôt Fauve qui envoyait des lettres, et Andra qui faisait montre de politesse en répondant à certaines. Pas toutes. Ce n’était pas grand-chose comme contact, presque rien même. Surtout entre un frère et sa sœur. Mais c’était pourtant là le meilleur lien qu’avait Andra avec sa fratrie, ses relations avec les autres membres la composant étant bien plus houleuses. Les Milan étaient définitivement une famille à part. Une famille que Fauve voulait de toute évidence réunir en forçant Andra à demander de l’aide a son aînée. Une idée qui ne plaisait pas à la cadette, une idée qu’elle n’aurait jamais eue elle-même. Mais son frère avait su la convaincre -ou la forcer, dépendant du point de vue- et les voilà maintenant tous deux en chemins vers la capitale, se rendant chez leur sœur. Mais, cerise sur le gâteau, ce qui servait de frère à Andra et Queen avait décidé de leur offrir un chien à chacune. Andra avait râlée aussi bien qu’elle savait le faire -et chez elle râler était un don- contre cette idée stupide.
- Un jour il faudra que je te parle de mon expédition à la cité enfouie Fauve, tu verras que ta sœur n’est pas aussi fragile que tu le crois. Je n’ai pas besoin de ton sac à puces pour me défendre.
Fauve était aussi têtu qu’elle, essayer le faire changer d’avis maintenant ne servirait à rien et Andra commençait presque à regretter de s’être tournée vers lui. Mais au fond et malgré toutes les remarques désabusées qu’il pouvait lancer pendant le trajet, Andra savait qu’il se préoccupait sérieusement de la situation. Le simple fait qu’il ait décidé de bouger pour venir voir Queen avec elle en était une preuve.
- J’imagine qu’en avoir ras le bol de toi nous fera un point commun entre Queen et moi, c’est pas mal.
Son ton était ironique mais d’une certaine façon, elle avait raison. Andra pouvait déjà imaginer la tête de Queen face à leur insupportable frère. Encore plus avec son idée de chien en cadeau. Nul doute que la trésorière réagirait peu ou proue comme sa cadette dans cette situation.
Les deux Milan arrivèrent enfin devant la porte de leur sœur et c’est Fauve qui se chargea de toquer et d’engager la conversation avec Alphonse. Il ne faisait pas montre d’un grand sérieux, n’hésitant pas sur le familier ni à entrer sans attendre l’autorisation du majordome. Andra le laissa faire puis pénétra dans le hall à son tour, s’arrêtant devant Alphonse pour confirmer la raison de leur venue et le convaincre de les mener jusqu’à Queen.
- Désolé Alphonse mais tu n’as pas ton mot à dire. Laisse-nous voir notre sœur. Tu n’as aucune confiance en moi, c’est évident. Mais la présence de Fauve qui a d’ordinaire à cœur de se tenir loin des histoires politique de la famille devrait suffire à te convaincre. D’ordinaire, Andra n’aurait sûrement déjà pas été reçue facilement chez sa sœur mais depuis sa dernière visite -sous les traits de Primus- il allait sans dire que c’était encore pire. La cadette devait être sur liste noire, si elle ne l’était pas déjà avant. Fauve était donc son ticket d’entrée. - Queen est rentrée du palais ou on doit l’attendre ?
La surprise avait prit Alphonse aux tripes lorsqu’il avait ouvert la porte. Il s’était attendu à voir n’importe qui. Un coursier ou même un garde qui serait venu rapporter une quelconque nouvelle erreur dans un dossier, mais certainement pas les deux êtres qui se tenaient devant la porte. L’un aux prunelles d’un bleu azur inimitable, l’autre avec une cascade de cheveux dorée rehaussée d’une manière qu’il ne connaissait que trop bien. Même si il ne les avait pas vu depuis bien des années, le majordome savait pertinemment qui lui faisait face. Au delà des traits physique propre à cette lignée, leur aura, leur façon de parler, quoi qu’ils puissent en dire et surtout quoi qu’ils puissent renier de leur origine, il suffisait d’un coup d’œil pour savoir à quel sang ils appartenaient. Tout les deux.
Silencieux, les grands yeux mordorés d’Alphonse parcoururent ces visages, s’attardant sur celui de l’aîné. Il fut d’ailleurs le premier à parler. Son insolence était toujours inégalable, si ce ne fut qu’elle avait empiré avec les années. Dans d’autres circonstances, peut-être, le coin de ses lèvres se serait relevés. En réponse à la question suggestive qui lui fut posée, il barra la route de Fauve. Du moins l’idée traversa son esprit mais avant de pouvoir la mettre en place ce dernier avait déjà posé un pied dans le hall, l’obligeant à céder du terrain. Et comme si cela ne suffisait pas, avant qu’il ne puisse rétorquer quoi que ce soit l’un des longs doigts fin du jeune homme vint se poser sur ses lèvres. Instantanément ses sourcils se froncèrent et il le foudroya du regard avant de s’adoucir légèrement à ses dernières paroles. Toutefois cela fut de courte durée ; la voix de la traîtresse venait de retentir à ses oreilles. Comme si son pouvoir répondait aux émotions qui lui transperçait l’estomac un léger vent s’éleva. Alphonse balaya la main du noble d’un geste sec mais précis.
- Mademoiselle est bien rentrée du palais mais… Avait-il commencé.
- Il faut croire que la déchéance attire les charognards. Coupa la voix glaciale de la maîtresse de maison.
Si jusqu’ici elle avait laissé entrevoir à son serviteur une once de ses faiblesses, il était certain qu’elle avait bien fait en sorte de revêtir son masque pour se présenter à sa fratrie. Sans vergogne elle les toisa de son air le plus hautain, un claquement de langue lui échappa lorsqu’elle croisa les yeux dorés de sa petite sœur. Quant à son frère il n’eut droit qu’à un haussement de sourcil.
- Quel couple mal assorti. Il serait temps que tu apprennes à éviter les épées, mon frère, tu ne ressembles plus à grand-chose.
- Je suis désolée mademoiselle. Souffla Alphonse d’un air consterné en se pliant respectueusement vers l’avant.
- Rassure toi. Je sais à quel point il est difficile de se débarrasser de la vermine. Posant une main sur son épaule, elle ne lâchait pas sa fratrie des yeux. - Veux-tu bien préparer de quoi boire et manger, je suis sûre que ces crétins n’ont rien avalés et la déesse seule sait à quel point Fauve est insupportable le ventre vide. Quant à toi… Ses iris de givre se posèrent sur Andra. - Si tu tentes la moindre chose, je te flanque une correction dont tu te souviendras. Ne pense pas que la présence de Fauve me dissuadera de quoi que ce soit. Sa menace à peine voilée claqua dans l’air et elle tourna les talons. - Attendez vous de dessécher sur le pas de ma porte ? Le salon est par ici. Alphonse se pressa, disparaissant à l’angle d’un couloir tandis que Queen, pour sa part, guidaient les deux parasites jusqu’à son petit salon où gisait encore les vestiges de son repas non consommé. Elle reprit sa place initiale et les invita d’un geste désinvolte à faire de même. - Oh et ma tendre sœur, j’ose espérer que tu as fais tes besoins avant de venir, parce que je t’interdis formellement de quitter cette pièce. Son regard, souligné par deux traits noirs de fatigue, lui indiquèrent que ce n’était aucunement une blague. La trésorière croisa ensuite les jambes puis demande : - Alors ? Que me vaut le déshonneur de votre visite ? L’un d’entre vous a-t-il des nouvelles de ce traître de Primus ?
Que cela soit l’un ou l’autre cela n’a aucune importance, le chien, même si cela me déplait au fond de moi, pourra toujours lui servir d’appât ou distraction à un moment pour fuir si le besoin s’en fait ressentir. Lui offrir une arme en plus n’est pas un signe que je pense qu’elle est faible, sinon, pour les deux, j’aurais engagé du personnel pour faire garde du corps. Cela aurait été un peu plus embêtant à faire passer et la fidélité aurait pu être remise en doute à n’importe quel moment.
Sinon, pour en revenir à ce qui se passe tout de suite il n’y a pas à dire, les chats ne font pas des chiens, mais je sais pas, je ne m’attendais pas que cela serait flagrant à ce point. C’est fou que cela ne m’eût pas manqué une seule seconde mine de rien ce genre d’attitude là. Je sais qu’elle est acculer, a devoir sortir les griffes, ne pas se montrer et tout le tralala de merde, mais elle aurait pu le faire avec plus de finesse tout de même.
— C’est incroyable, je ne saurais pas qu’elle a passé l'arme à gauche j’aurais jurer avoir mère sous le nez. C’est Andra qu’on a entraîné pour qu’elle te ressemble parfaitement et en réalité c’est toi qui as le rôle de la parfaite copie. Tu ne veux pas mettre un peu plus de poison dans tes mots pour que l’on comprenne encore plus qu’on est des déchets pour Sa Majesté ?
Elle m’amuse tellement. Queen, si tu ne veux pas de notre présence il fallait hurler, claquer la porte au nez, faire en sorte qu’on ne rentre pas chez toi. Juste bouger ton cul, je sais que le deuil te rend beaucoup plus mollassonne, mais c’est une chance que cela ne soit que nous et pas ceux ayant éliminé les parents. Sinon on aurait un cadavre de plus sur les bras.
— Puis, c’est mignon de t’inquiéter pour mon apparence, mais pense à payer correctement les peintres pour tes portraits, ta poitrine est clairement plus petite que ce que tu cherches à faire croire. Tu risques de décevoir ainsi.
Puis comment moi j’entraîne mon chiot à faire attention à sa tronche si elle ne fait même pas l’effort de donner des reproductions des plus réalistes d’elle ? Si je veux avoir le corps recouvert de cicatrices qui me mettront loin de la noblesse c’est aussi mon souci.
— Mais bon, je suis bon prince, j’ai des cadeaux d’anniversaire en retard pour toi.
Je lui désigne le chien à mes côtés et lui met dans les mains d’Alphonse un paquet de lot vielle lettre que j’avais écrite de base pour ses divers anniversaires. Mieux vaux tard que jamais. Je prends place ensuite contre sur un siège comme si j’étais chez moi, c’est un peu le cas. Ce qui est à elle est à moi, d’une certaine façon.
— Sinon, oui, il envoie de superbes cartes postales des Archipels, tu n’en as pas reçu ? Ou bien est-ce que tu aurais visiblement préféré le voir dans le même état que les vieux pour une loyauté à cette famille si unie que nous sommes ?
Cela me hérisse le poil de l’entendre traiter Primus de traître. Elle n’aurait pas fait mieux à sa place, lui au moins a eu le courage de dire de merde à cette famille avant d’être une coquille vide. Bon, il l’a fait de manière purement égoïste et c’est un mensonge pour les cartes postales, mais à sa place, elle n’aurait pas fait mieux.
— Et sinon, même si ton nouveau fantasme ça semble de vouloir voir Andra pisser dans tes fleurs, regarde ce qu’elle vient t’offrir avant.
- Ma chère sœur, tu es tombée bien bas si tu commences à payer les peintres pour qu’ils gonfle ta poitrine. Tu fais donc tant fuir les hommes que ça ?
Elle n’avait pas pu s’empêcher d’ajouter son grain de sel à la conversation. Ignorant les menaces de Queen, Andra se dirigea vers le salon qu’elle connaissait déjà puisqu’elle s’y était rendue sous les traits de Primus il y a quelques temps. La blonde s’installa sur l’un des sièges face à sa sœur, dans une posture nonchalante néanmoins accompagné d’un regard glacial. Elle eut cependant -l’espace d’un court instant- un regard compatissant pour sa sœur, l’air de dire "on n’est pas aidées avec un frère pareil". Lorsque Fauve lui présenta le chien qu’il avait amené pour elle. La cadette ayant eu droit au même cirque un peu plus tôt, elle plaignait presque sa sœur. Mais son regard froid reprit bien vite le dessus.
Andra restait muette, ignorant les quelques remarques de sa sœur pour le moment. Elle préférait laisser Fauve s’amuser à répondre à leur sœur pour le moment, il ne l’avait pas vu depuis longtemps après tout. Elle s’en voudrait de gâcher ces joyeuses retrouvailles. Et en parlant de retrouvailles, il manquait un Milan à cette petite réunion de famille : Primus. Celui-ci était porté disparu et même Queen, on il était pourtant le plus proche, ne savait pas où il se trouvait. Andra eu un petit rictus à l’évocation de ce deuxième frère.
- Si quelqu’un ici est susceptible de savoir où se cache ce rat, c’est bien toi. Pas nous.
Fauve ramena alors la conversation sur la raison de leur venue avec Andra. A savoir ce petit bout de lettre à moitié calciné qu’elle avait trouvée au domaine Milan. Elle fouilla alors dans sa poche pour extirper ce morceau de papier et l’agiter entre ses doigts sous les yeux de sa sœur, dans le seul et unique but de la titiller un peu.
- L’héritière, que dis-je, l’avenir de la famille devrait apprendre à fouiller si elle veut mon avis. Andra se redressa pour s’asseoir plus convenablement et plonger son regard dans celui de sa sœur, la lettre brûlée toujours entre les mains. - J’ai trouvé ça au domaine. La voilà la raison de notre venue. Enfin, la raison qui a poussé notre pacifiste de frère à m’obliger à venir ici pour te montrer ce morceau de lettre. C’est probablement un bon indice sur les meurtriers de nos parents. Je compte bien leur faire payer mais te connaissant je doute que je reste dans la confidence de l’enquête après t’avoir partagé ça. Tu me tiendras certainement à l’écart. J’hésite sérieusement à te la montrer.
Andra tenait fermement le bout de papier entre ses doigts. C’était la seule information qu’elle avait, sa seule piste pour venger la mort de ses parents et elle craignait bel et bien ne pas pouvoir assouvir sa vengeance en étant tenue à l’écart après avoir partagé cet indice avec sa sœur. Son regard s’était encore noircit, tant de rancœur envers Queen que de haine pour les meurtriers de ses géniteurs. Fauve l’avait convaincue sur le principe mais la blonde hésitait sérieusement à tenir son engagement maintenant qu’elle devait véritablement partager son seul indice.
Queen se demanda aussi, quand diantre, ils allaient daigner s’asseoir. Visiblement les femmes de cette famille étaient doté d’un cerveau plus efficace, Andra s’assit avant de lui lancer un regard compatissant qu’elle avait parfaitement ignoré. Et le blabla reprit, à n’en plus finir. Dès que l’un comme l’autre eurent enfin la générosité de fermer leur clapet, non seulement Alphonse était à deux doigts de leur éclater son plateau sur le crâne mais en plus Queen aurait presque partagé son envie. Le silence persista un moment avant qu’elle n’accepte de le rompre.
- Fauve, si tu étais un peu plus malin, tu saurais depuis bien longtemps que mère recherchait très exactement ce que tu vois en moi. Ne t’en déplaise. De plus, tu admettras, que malgré ses penchants parfaitement sadique, son amour de la conspiration et du meurtre, ses humeurs caduques et ses trop nombreux ennemis ; c’était une femme intelligente, puissante et à la témérité inégalable. Ta bêtise face au danger ne te viens certainement pas de père, triple buse. Contrairement à toi, je n’ai pas honte de mon nom. Ni de ma mère. Elle prit une longue inspiration comme pour s’assurer qu’elle n’allait pas l’étrangler tout de suite et poursuivit. - Ce qui me déçois vraiment, c’est que tu sois si bien renseigné sur la taille de mes seins. Pose toi les bonnes question. Mon frère. Voilà donc qui devrait lui donner du grain à moudre pour quelques instants. Se défaisant du regard bleu de son frère, elle tourna les yeux vers son majordome. Lui indiquant d’un geste rageur de débarrasser le plancher avec les lettres et surtout l’horrible créature dont la queue remuait le peu de poussière sur le sol. Maladroit, Alphonse s’exécuta et disparu.
Son courroux pouvait maintenant s’abattre sur Andra, elle n’hésita pas un seul instant. Ses yeux se nimbèrent de noir sous le coup de la colère, comme un voile de rage opacifiant le bleu azur. - Fouiller ? Qui était là lorsque la rumeur de la mort de nos parents est parvenu ? Moi. Qui était là lorsqu’il a fallut répondre aux questions des gardes ? Moi. Qui était là lorsqu’il a fallut identifier les corps mutilé de nos parents ? Moi. Sais-tu, pauvre cloporte, que la langue de notre mère a été arraché ? Et que je n’ai presque pas reconnu notre père ? Sais-tu l’odeur que dégage un cadavre Andra ? Et je ne te parle pas d’un cadavre fraîchement mort. Je te parle de celui qui a eut le loisir de pourrir quelques jours entre les murs d’une chambre parentale, bercée par la morbide chaleur de l’âtre ? Et vous osez parler de poison ? Ouvre les yeux Fauve. Le poison n’est pas que dans mes veines. Son regard passa en coup de vent sur son frère avant de se reposer sur Andra. Ses mains tremblaient, ses iris envoyaient un millier d’éclair. Nul doute qu’elle n’avait qu’une envie ; baisser sa garde et faire place à cet excès de colère qui l’a rongeait depuis bien trop longtemps. Elle hésita au point qu’une fine pellicule de sève se mit à suinter des paumes de ses mains. Mais à la place, elle en tendit une vers sa sœur.
- Tu resteras dans la confidence. Si tu tiens sincèrement à venger nos parents, tu le resteras. Mais trahis moi et je te tuerais. Le voile de ses yeux s’était levé, mais persistait encore une volute de noirceur dans ses prunelles. Toutefois, elle n’était pas adressé à Andra mais bien à ses desseins de vengeance. De nouveau elle se tourna vers Fauve. - Je n’ai pas pour fantasme que de faire uriner ma sœur dans les bosquets, peut-être ne l’as-tu pas remarqué mais ils sont entretenu. Je n’ai pas non plus pour passion de redevenir une enfant ou pire, un lumios. Tu devrais demander à ta chère et tendre sœur adorée, une explication. Et si cela te déplaît, tu n’auras qu’ à l’accompagner faire ses besoins dehors. Il y a déjà un chien à la maison, je me passerais du second. Maintenant vous allez m’expliquer très exactement ce que c’est que ça et ce que vos misérables carcasses font à la capitale. Et elle pointa du doigt le bout de papier de sa cadette. Un semblant de calme lui était revenu, mais malgré ses efforts, ses mains demeuraient fébriles.
Je laisse glisser quelques secondes à la fin de ces mots, je suis certain qu’elle va nous faire une chute, elle ne peut pas être tombée aussi bas pour croire les merdes qu’elle raconte tout de même. Mais cela ne vient pas et un rire un peu jaune sort de mes lèvres. Vraiment, Primus, pourquoi tu n’es pas là pour voir ce foutoir qu’on est ? Je suis certain que tu te serais fendu la poire en nous voyant faire.
— Tu crois vraiment ce que tu dis ou est-ce que tu as soudainement décidé d’être conne ? Parce que j’ai suivi ce que vous avez fait, de manière grossière et sans tous les détails parce que j’avais mieux a faire, mais il me semblait que vous aviez plus de neurones, toutes les deux.
Parce qu’Andra aussi foire. C’est si dur de présenter un cadeau ? Je veux bien me prendre toute la colère de Queen sur la gueule, c’est aussi un pour cela que je suis là, servir de tampon pendant qu’elle discute, mais elle doit aussi y mettre du sien.
— Je mettrais ça dans ma prochaine lettre à Primus, tiens. Nos frangines sont assez stupides pour croire qu’on a été autre chose que des outils pour les géniteurs et une crois même avoir de l’importance parce qu’on s’est mis à vraiment s’occuper d’elle une fois que tu as dit merde à notre si intelligente mère qui a rien su ne voir venir. Tu veux peut-être une médaille pour avoir été son jouet ? Promis, je passe t’en faire une en ville la prochaine fois que j’y vais si tu as si besoin de cela.
C’est aussi une bagarre d’égo et je le sais très bien, mais je refuse de courber l’échine devant une pâle copie de mère. J’ai tourné le dos aux géniteurs à mes quinze ans c’est pas pour ramper face à un spectre d’eux quinze ans plus tard. Je me tourne vers Andra et lui réindique Queen du menton.
— Donne lui ton cadeau bordel, tu ne peux rien en faire toi-même de toute manière. Je ne sais pas ce que vous avez foutu comme merde toutes deux, mais là on parle de retrouver des ennemis qui si les parents ne sont pas là, vont finir par s’en prendre à chacun d’entre nous pour effacer les Milan. On ne tue pas ainsi si on souhaite laisser une famille en vie. C’est un avertissement pour de comment la suite va arriver.
Et il y a, techniquement, un gamin qui n’a rien à voir mise à part des mauvais gènes perdus dans une folie de jeunesse qui a pas besoin de ce genre de truc au-dessus de sa tête. Parce que c’est bien beau de parler de venger les parents les princesses du dimanche, là on parle aussi de rester en vie dans cette histoire et ça semble un peu vous passez au-dessus de la tête.
— Au fait, Queen, pour ta gouverne, tu crois vraiment que notre si intelligente mère m’aurait laissé vivre ma vie comme je l’ai vécu si je n’avais pas craché tout du long sur mes racines et utiliser notre nom ? Tu ne crois pas que j’aurais été le premier cadavre de cette famille à être trouvé pour faire du ménage dans les ordures qu’il laisse partir ? C’est mignon de dire que j’ai honte de ma famille, mais réfléchis une demi-seconde dans quel sens ça se passe vraiment. Tout comme tu penses être la seule à avoir vu des cadavres de ta vie ou être la seule à avoir bougé là-bas ? Tu as été la première sur place, bravo, ça ne rend pas le passage des suivants moins moche.
J’ai un claquement de langue un peu rageur parce que merde, ce n’est pas la honte qui m’a fait agir. Avoir honte c’est avoir peur et je n’ai pas peur. Je soupire et fixe la plus jeune de mes deux sœurs et prends mon ton le plus blés du monde.
— Tu as si peur que cela qu’elle te laisse loin de cette histoire ? Tu n’as pas dit que tu étais une grande fille un peu plus tôt ? Tu ne penses pas avoir tes sources dans l’enquête dans tous les cas ? Andra n’est pas l’air aussi fragile, ce n’est pas crédible.
Elle a plus de moyens que cela et que bordel, Queen doit aussi comprendre que le fait de donner son accord pour donner des informations ou non dans toute cette histoire, ce n’est pas forcément non plus complètement de son ressors. Enfin, elle a beaucoup de cartes en main, mais quand on veut savoir quelque chose tout s’obtient.
- Tu as finis ? Si c’est pour te contredire toi-même ou dire ce qu’on sait déjà tous, abstient toi de parler la prochaine fois. Et si c’était pour jeter de l’huile sur le feu, tu aurais pu t’abstenir de venir. Le duo d’engueulades qu’on forme avec Queen n’a pas besoin d’un troisième membre pour les pimenter. C’est bien beau de dire qu’on est là pour la mort de nos parents et pas pour régler nos vieilles histoires mais tu devrais commencer par appliquer ça a toi-même. Il y a plus urgent que savoir si tu as honte de ton nom ou si on a été le jouet de mère ou non. Et tu ne peux me dire que je ne ferai rien de cet indice toute seule tout en soutenant que je ne devrais pas avoir peur d’être tenu à l’écart.
Une fois de plus, Andra se surprenait elle-même. Après tout c’était elle la cadette de famille. C’était elle qui était vu comme une gamine et c’était elle qui avait une bien grande tendance à ne pas savoir se taire et à être impulsive. Mais de toutes évidences certains choses vous font grandir plus vite et il semblait que la mort de ses géniteurs avait au moins eu cet effet positif sur la jeune noble qui faisait preuve d’une maturité soudaine. En ayant fini avec son frère, elle reporta son regard vers sa sœur et déposa le bout de papier au creux de la main qu’elle lui avait tendue.
- Comme je le disais, j’ai trouvée ça quand je suis allée au domaine. Ce papier était à moitié brûlé ; de toute évidence le meurtrier a voulu effacer ses traces mais c’est un échec. J’ai d’abord pensé que ce symbole devait être les armoiries d’une autre famille, jalouse des Milan, qui aurait engagé un assassin mais à ma connaissance il ne correspond à aucune d’elle. Si ce n’est d’autres nobles, je ne vois pas qui aurait pu commanditer un tel assassinat mais m’est d’avis qu’on trouvant à quoi correspond ce foutu symbole on pourra remonter la trace des coupables.
Andra avait un peu retrouvée de son calme mais sa colère n’avait pas totalement disparue. Elle en voulait mortellement à ceux qui avait assassinés ses parents.
Sa petite sœur n’avait jamais été réputée ni pour sa sagesse ni pour ses comportements irréprochables en société. Encore moins quand la moitié de ladite société s’avérait être Queen. Pourtant pour la première fois de sa vie elle venait de faire preuve de plus de jugeote que le reste de sa fratrie. Incapable de cacher son étonnement, la trésorière arqua un sourcil et laissa tout le loisir à sa cadette de s’exprimer. Son regard dardait sur Fauve, l’accablant tant et plus alors que tout son visage exprimait l’entièreté de la méprise qu’elle lui portait. Pas besoin de mot, il suffirait qu’il la regarde pour comprendre ce qui lui traversait l’esprit. La jeune héritière referma la main sur le papier puis la rouvrit pour le tenir devant ses yeux.
- A moins que ça ne soit mère qui ait tenté de brûler des preuves. Mais des preuves de quoi ? Dans les deux cas cela a été fait la hâte. Nienor avait bien des défauts mais certainement pas celui de négliger ce genre de chose. Si elle avait voulu faire disparaître quelque chose, elle l’aurait fait parfaitement. A moins qu’elle ne soit pressé par le temps. La solution est là dessus. Une chance que les domestiques n’aient pas nettoyés. D’ailleurs, cela laisse supposer qu’ils ont été brûlés après le meurtre, sinon la cheminée aurait été propre. Du moins c’est une supposition, il suffit que le planning des femmes de chambres ait changé pour fausser mes dires… Ses yeux, d’un bleu limpide, continuaient de fixer le sigle, passant en revu toutes les armoiries de toutes les maisons noble qu’elle puisse connaître. Aucune ne lui vint. - Je vais faire ce que je peux. Mais je ne garantie rien. Les questions se bousculaient dans son esprit et cela se vit sur ses traits. - Toutefois vous comme moi, devons rester discret. Je gage que si les personnes qui ont fait ça, savent que nous détenons un potentiel indice, nos têtes ne resteront pas accrochées à nos corps bien longtemps. Et je ne compte pas rendre l’âme sans avoir confronté celui ou celle, qui a fait ça. Dans un soupire elle se laissa retomber contre le dossier de son assise avant de croiser les jambes.
Son cerveau continuait d’activer ses rouages à tel point que l’on pu presque les entendre. « A qui faire confiance ? Vers qui se tourner ? Pourquoi quelqu’un en était arrivé à une telle extrémité ? Qui les craignait si peu qu’il avait osé s’en prendre à eux sans effacer ses traces à la perfection ? Etait-ce Nienor ou même Billus qui avait tenté de leur donner un ultime indice ? » Personne ne pouvait répondre à ces interrogation, les cadavres ne parlaient pas. Cela agaça d’autant plus la blonde, et pour passer ses nerfs elle ne connaissait rien de mieux que l’attaque. Aussi, ses yeux de givre se levèrent sur Fauve et elle ouvrit la bouche.
- Quant à toi. Tu es aussi flétrit que n’importe quel Milan. Voir des cadavres et voir les cadavres de membre de sa famille sont deux choses parfaitement différentes et je suis profondément désolé que tu ne saisisse pas la nuance. Cela doit être la manifestation de notre sang. Va savoir. Tout comme j’ai été le jouet de mère, tu as été le jouet de Primus. La seule différence c’est que de mon côté, mère est morte, je n’ai plus rien a lui sacrifier. Et toi ? Quand est-il de mon frère ? Un sourire mauvais s’installa sur son visage. Elle ne connaissait pas bien Fauve c’était un fait indéniable mais elle savait que l’amour qu’il portait à Primus était similaire au sien. C’était là le seul terrain où elle savait pouvoir le heurter comme lui venait de le faire. Et sans lui laisser le temps de rétorquer, elle se retourna vers la plus jeune des Milan.
- Je ne peux promettre des résultats rapide. La discrétion ne permet pas de faire dans ce domaine et croyez moi, il vaut mieux que l’on nous prenne pour des enfants endeuillé par la mort de leurs parents, n’étant capable que de réunions solidaires, plutôt que pour ce que nous sommes vraiment. J’imagine que vous vous en doutiez, cela dit. Je ne sais par quoi commencer. Sans doute chercher dans la sphère noble. Mais peut-être que la plèbe détient quelques secrets. J’imagine mal un sang bleu se salir les mains lui-même. Tout comme j’imagine mal qu’un simple gueux puisse être à l’initiative d’une telle œuvre. Non… Quelque chose nous échappe. Mais quoi… ?
En vérité, Queen avait un mal fou à réfléchir. Son chagrin, ses craintes, sa colère, tout cela obstruait sa vue mais également son jugement. Elle était incapable de raisonner et cela la rendait folle. Plus encore que ce crétin de Fauve qui ne daignait jamais la boucler quand cela était nécessaire. Puis soudainement, un nom lui revint. Vesper. Qualifiable de psychologue de la part du commun des mortels. Mais dont la nature était bien plus profonde, notamment en raison de son pouvoir. C’était par la que Queen devait commencer. Conserver sa colère pour ne retirer que sa peine. Cela ferait un moteur terriblement puissant qu’elle alimentaire grâce à tout les ressentiments qui mugissaient en elle depuis sa plus tendre enfance. Ainsi, elle viendrait tôt ou tard, à venger dignement ses parents et laver le nom qui était le sien.
Alors, comme un toutou sage, je me la ferme et écoute les deux interagir. C’est presque émouvant de voir de comment Andra gère beaucoup mieux que ce que je pensais ou de comment Queen est avec un caractère en cet acier si spécifique des Milan. Vraiment, mère aurait mieux fait de les transformer en alliées dès le début plutôt qu’en rivale, elles auraient roulé sur le royaume à deux. Quoi que, c’est stupide de penser ainsi vu que c’est leur rivalité qui les a montés à ce niveau-là.
Un rire un peu jaune sort de mes lèvres en écoutant la remarque directement adressée à moi sur le fait que je sois le jouer de Primus. Elle a si tort. Enfin, elle n’a pas la subtilité de ce qui s’est passé. Après tout, je suis le jouet usage des parents et de Primus en même temps, mais la chose qu’on a laissé pourrir dans un coin pour trouver mieux assez rapidement, pour tous. Est-ce que tu te rends compte Queen que l’important dans l’histoire n’est pas de si on est un jouet ou non, mais est-ce qu’on est utilisé ou non ?
Andra a été ignoré, mis de côté et vois de comment elle a cherché à compenser sans jamais avoir été de la véritable attention des parents. Imagine ce que c’est quand tu en obtenu un peu de tes propriétaires pour au final juste laisser du vide à la fin, que plus personne ne souhaite de toi pour ton utilisation et de n’avoir jamais imaginé ta vie autrement. Cela parasite chacune de tes décisions plus tard, même celle qui aurait fait changer toute ta vie. C’est ce que j’ai vécu dans cette histoire Queen et tu penses de comment j’ai été moi-même un jouet ? La bonne blague.
Il serait si simple de lui cracher cela à la figure, d’encore plus m’enfoncer dans un conflit qui ne sert à rien, qui ne fait que détruire encore plus tout ce que je touche. Ne pas choisir la voie de la facilité ne serait pas un mal. Changer de ce que j’ai laisser cette famille faire de moi sans même que je le comprenne vraiment sur le moment.
— Moi, je cherche un nouveau propriétaire. Mère souhaitait que je sois tien quand Primus à jouer à la fille de l’air, maintenant qu’elle n’est plus, même si je me doute que ce n’était plus dans ces projets, je me dis que respecter l’une de ces volontés que j’ai pu connaître ne serait pas un si mauvais hommage pour le fils indigne que je suis. Donc ma sœur, voilà ce qu’il en ait de moi.
Parce qu’au final je fais toujours tout tourner autour de cette famille, autant l’assumer un peu au bout d’un moment. Même changer de nom pour couper les liens avec eux, mais en gardant toutes les lettres, en inversant simplement la lecture, ce n’est pas une cassure claire, plus une fuite, un peu comme toutes mes autres fuites. Je regarde rapidement Andra avant d’ajouter la suite.
— Puisque visiblement de toute façon je suis un mauvais assaisonnement à votre duo, autant que je prenne une place que je sais mieux tenir.
Celle du bouffon de service qui sait bien faire son travail quand il la ferme. C’est pas si mal comme rôle, même si je vais finir par l’ouvrir à un moment ou un autre. Parfois, je me dis que j’aurais mieux fait de suivre directement ce que mère aurait voulu, mais je n’aurais jamais connu une telle liberté comme celle que j’ai actuellement, puis cette famille n’est pas non plus forcément un cadeau. Enfin, ce n’est pas ce genre de réflexion qui va nous faire avancer de toute façon.
— On est dans le flou total pour le moment… Au fait, les parents ont bien garder leurs si précieuses artificielles ? Si cela a été caché, il est impossible que mère n’ait pas cherché à mettre cela aussi à l’abri. Il ne me semble pas les avoir repérés dans les décombres. Parce que pour le coup, eux pourraient avoir pas mal de pistes ou être un point contre nous.
Enfin, plus Queen et Andra pour le coup que moi, mais on ne va pas commencer à jouer sur les mots tout de suite. J’en ai assez fait pour là tout de suite.
L’une des silhouettes n’est autre que Primus Milan, qui lance un regard mauvais à la seconde silhouette en face de lui : Monza Murcatto, son intendante. C’est elle qui l’a poussé à venir ici. Elle lui a annoncé en début de soirée, avec son insupportable air satisfait, la trésorière royale, avait quitté le palais plus tôt que d’habitude et se trouvait selon toute probabilité, chez elle. Quelle meilleure occasion que celle-ci pour aller (enfin) la saluer… et lui demander ce qu’il en était exactement du meurtre de leurs géniteurs.
Primus n’avait pas parlé à sa sœur depuis qu’il était parti du Village Perché, plus de quinze ans auparavant. Il l’avait brièvement croisé, mais Nienor, leur marâtre de mère l’avait immédiatement mis en garde. S’il se rapprochait trop de Queen, elle s’assurerait de le lui faire regretter. Ainsi il n’avait jamais vraiment pu parler à sa sœur qu’il avait tant adorée étant jeune.
Et pourtant là tout de suite, leur mère décédée, et le seuil de sa porte quasiment devant lui, il n’arrivait pas à se résoudre à quitter la sureté de l’habitacle plongé dans la pénombre. Pourtant, Monza avait raison, il fallait bien qu’il lui parle, ce qu’elle ne tarda pas à lui faire savoir :
« Cela fait plus d’un an que vous avez quitté la capitale, et vous n’y avez gardé quasiment aucun contact. Vous ne pouvez pas savoir qui est digne de confiance ou non ou qui peut en vouloir assez à vos parents au point de les tuer. Vous pourriez être le prochain. Queen est votre seule famille et c’est tout ce qu’il vous reste.
Elle n’a pas tort, comme d’habitude. Décidant que gratifier sa tirade d’une réponse serait lui faire trop plaisir il quitte finalement la calèche :
-Attendez moi là !
Et le voilà devant la porte de la demeure de sa sœur. Comment va-t-elle ? Acceptera-t-elle de le laisser entrer ? Voudra-t-elle lui parler ? Que lui a raconté Nienor sur son compte ? Se contentera-t-elle de le renvoyer sèchement ? Il frappe avant de pouvoir changer avis.
C’est Alphonse qui lui ouvre. Primus ignorait qu’il existait encore !
-Pardonnez-moi Monsieur mais Madame Milan ne reçoit personne ce soir.
-Ne soyez pas ridicule Alphonse, dépêchez-vous de me faire rentrer, il fait un froid de canard. Alphonse fronce les sourcils avant de le regarder avec des yeux ébahis, il l’a enfin reconnu. Toujours dans l’excès. Il faut dire que dans l’obscurité de la nuit, dans son manteau de fourrure noir et avec son voile de deuil devant son visage il n’est pas si identifiable. D’autant plus qu’il il n’est réapparu depuis un an. Mais il a tout de même travaillé deux ans au gouvernement en même temps que Queen, il ne devrait pas être si étonné de le voir ici. Alphonse étant soudainement frappé de mutisme, Primus l’ignore et entre dans la maison.
Entendant des voix, Primus se dirige comme s’il était chez lui dans ce qui ressemble à un salon et cette fois c’est à son tour de se retrouver aphone. Ce n’est donc pas sa présence qui choque tant le domestique. C’est la présence des quatre enfants Milan sous le même toit !
Queen est là, visiblement en pleine conversation avec Fauve et Andra. C’est très mauvais ça. Primus n’est absolument pas prêt pour ça. Il n’a qu’une envie c’est de faire demi-tour et de rejoindre Monza dans la calèche dehors le plus vite possible. Mais il est trop tard pour ça. Primus est comme pétrifié, il ne sait plus quoi dire ni quoi faire, ce qui est tout de même assez rare pour lui.
Il se lance, avec une voix d’où il ne parvient pas à chasser son hésitation :
-Bonsoir je…Hum, j’ignorais que vous seriez tous là. Mais j’imagine que c’est aussi bien ainsi.
« Reprends-toi tu es Primus Milan, au nom de Lucy reprends-toi ! » s’admoneste-t-il intérieurement après cette pathétique entrée en matière. Vu la situation autant attaquer directement au cœur du sujet :
-Je suppose que vous êtes au courant pour Nienor et Billus ? Les informations que j’ai moi-même reçu étaient pour le moins succinctes. Vous savez ce qui leur est arrivé exactement ? Devrions nous nous inquiéter ?"
S’il n’était pas aussi stupéfait de revoir ainsi tous ses frères et sœurs, il irait se cogner la tête contre un mur. C’est vraiment tout ce qu’il a trouvé à dire ? Mais où est donc sa légendaire éloquence lorsqu’il en a réellement besoin ?
— Non, bien sûr que non, on n’est pas au courant, on est seulement là pour prendre le thé parce qu’on absolument rien d’autre n’a faire et que notre famille est des plus unis pour se retrouver dans ce même endroit sans avoir une raison capitale.
L’ironie ne me va pas bien pour le coup, je ne le sais que trop bien, mais c’était soit cela, soit mon poing qui part. Cela me démange, mais c’est le tapis de chez Queen, je n’ai aucune envie de devoir le faire nettoyer ou remplacer pour avoir le sang e notre propre frère dessus. C’est peut-être stupide, mais j’ai comme l’impression, permettez-moi de le penser, qu’elle a vu assez de sang pour les prochaines lunes avec la mort des parents pour ne pas lui infliger en plus Primus dans un sale état.
— Tu veux savoir ce qui leurs arrivé mise à part qu’ils sont morts ? Tu as vraiment quelque chose à foutre ou est-ce que c’est pour voir si tu peux te rapprocher de Queen actuellement sans nous dans les pattes ?
C’est con, mais je veux protéger Queen, un peu, même d’une personne à qui je tiens particulièrement. Parce qu’il n’a fait aucun geste envers moi, alors qu’on jouait au chat et à la souris. Je savais où il était, il savait que je le cherchais, on savait mutuellement chacun pour l’autre, j’en suis persuadé, mais comme c’était sa fuite, ça devait être son retour vers moi, pas moi qui le supplies à genoux de me reprendre. Seulement il revient à Queen a un moment où elle est vulnérable niveau influence, sans le soutient de mère qui vient de mourir et la bouche en cœur sans aucune info comme peux le faire Andra ou moi qui souhaitons une simple paix entre les deux, pour ne pas trouver cela étrange. On n’est pas les enfants de nos parents pour rien après tout, son départ a été assez mouvementé pour que vouloir toucher Queen en vengeance ne soit pas le truc le plus stupide qui me passe par l’esprit. J’aimerais pouvoir lui faire confiance, vraiment, mais pour le coup, je viens de proposer de changer d’allégeance à notre princesse, ce n’est pas pour revenir dessus au simple retour du petit prince.
— Mais bonsoir à toi aussi Primus, ça fait quoi, quinze ans depuis la dernière fois, non ? Tu as pensé à apporter aussi des cadeaux à Queen pour ses anniversaires en retard ? Tu m’excuseras, ton chien est resté au chenil.
Il y a vraiment un chien, du même âge que celui que je viens de donner à Queen et Andra qui l’attends à mon chenil et d’une certaine façon c’est aussi une invitation, à ma manière, pour qu’il vienne s’intègre à cette réunion de famille des plus bancales. Cela me fait à nouveau rire un peu jaune. Vraiment, toute l’ironie de cette situation me tue.
— J’aurais su que la mort des parents nous aurez tous réunis aussi efficacement, ça m’aurait presque donné envie de faire finir leur vie.
Juste presque, parce que j’aurais voulu une réunion de famille avec eux aussi. Quelque chose qui fait qu’on ne soit pas juste ce puzzle cassé et dysfonctionnel qu’on semble être actuellement. Vraiment, comme si on avait besoin de cela pour être une famille maudite.
Ignorant complètement les petites querelles de Queen et Fauve concernant Primus, ce dernier n’intéressant pas une seule seconde la cadette qui ne l’avait pour ainsi presque pas connu, Andra tâchait elle aussi réfléchir une énième fois à un moyen de mettre à profit cet indice. Elle avait bien pensé à ce mercenaire, Inaros, qu’elle avait engagé pour une autre histoire mais ils ne s’étaient pas vraiment quittés en bon terme lors de leur dernière entrevue. Et elle doutait sérieusement que lui demander d’enquêter sur cette histoire était une bonne idée. L’animal s’était déjà montré aussi fourbe que vénal, il tâcherait à tous les coups de profiter de cette faiblesse au maximum en commençant par extorquer un maximum de cristaux aux Milan.
A la remarque de Fauve sur le "duo" que formait Queen avec Andra, cette dernière ne put s’empêcher de laisser s’échapper un petit rire entre ses lèvres. Elles deux ? Un duo ? C’était bien la première fois qu’on pouvait qualifier les deux sœurs de duo plus que de deux pestes s’opposant sans cesse l’une à l’autre. Il aura fallu la mort de deux Milan pour commencer à ce que les autres s’allient. Lucy avait un sens de l’ironie parfois bien prononcé.
- Je ne sais pas encore comment mais j’enquêterai de mon côté aussi. En restant discrète bien entendue. Hors de question de laisser ces assassins agir à leur guise sans en payer le prix.
Fauve venait aussi de faire une remarque intéressante. Les âmes artificielles de Billus et Nienor ; les retrouver serait à coup sûr un grand pas en avant. Andra ne les avaient pas cherchés spécifiquement mais elle avait bel et bien fouillé le domaine et elle ne les avait pas trouvées pour autant.
- Je n’ai pas pour habitude de me salir les mains mais croyez-moi, j’ai bien fouillée le domaine. Je n’aurai pas trouvé ça sinon. Elle désigna le bout de papier calciné dans la main de Queen. Et je n’ai pas vu la moindre traces des âmes artificielles de nos parents. Si ce n’est pas l’assassin qui les a emportées avec lui, elles n’étaient en tout cas déjà plus là lorsque je me suis rendue chez nous.
Du bruit se fit entendre derrière Andra, en direction de l’entrée. Andra se contenta d’ignorer. Ce n’était assurément pour elle qu’un gêneur venu rendre visite à sa trésorière de sœur qu’Alphonse aurait tôt fait de renvoyer chez lui. Pourtant des bruits de pas se firent bien entendre, s’approchant du salon et une voix hésitante retentie dans la pièce. La blonde tourna brusquement son regard vers le nouvel arrivé. Qui pouvait bien être cet homme que le toutou sagement dressé de Queen avait laissé entrer et qui leur parlait comme s’il les connaissait ? Lui ?! Impossible. Andra ne voyait qu’une seule réponse mais celle-ci était bien trop improbable pour y croire. Pourtant les visages de Queen et Fauve en disaient long, l’homme qui venait de faire irruption dans la pièce n’était autre que Primus. Primus qui débarquait comme une fleur chez Queen après une absence monumentale et qui déblatéraient des propos qui sonnaient faux aux oreilles d’Andra. Stupéfaite, elle resta muette quelques long instants avant d’éclater d’un rire nerveux qui disparut aussi vite qu’il était apparu.
- Ridicule. Es-tu vraiment notre frère ? Usurper l'apparence de quelqu'un est plutôt facile de nos jours... Comment peux tu oser débarquer comme une fleur et nous demander si on est courant pour la mort des parents ? Comment oses tu demander ce qu’il leur est arrivé et si on doit s’inquiéter aussi simplement ? On m’avait vendu un frère ainé plus intelligent, éloquent et au courant du monde qui l’entoure que ça. De toute évidence Nienor aura eu besoin de coups d’essai avant de réussir à avoir des enfants dotés de capacités cérébrales supérieures à celles d’un gloot. Mais vas-y, installes toi mon cher frère. Prenons une tasse de thé tous ensemble et discutons tranquillement comme si de rien n’était. Puisque tu ne sembles pas très au clair avec la situation on va te faire un topo : les parents ont été assassinés, on est très probablement les prochains sur la liste et, non, on n’a pas pour habitude de manger des petits gâteaux tous ensemble. Même pour le meurtre de Nienor et Billus, être réunit tous les quatre ici n’a rien de banal.
Andra enrageait contre Primus et son arrivée si laxiste. Elle lui vouait un regard intensément noir et devait se retenir de se lever pour lui flanquer la gifle de sa vie.
D’abord étonnée d’être de nouveau visité aussi tard, elle avait laissé le soin à ce bon vieil Alphonse de congédier le malotru. Cependant quelque chose lui avait soufflé que rien de tout cela ne serait simple. En témoignait la présence de la moitié de sa fratrie en face d’elle. Jamais elle n’aurait cru se retrouver avec eux dans la même pièce, encore moins réunit sous une même bannière. A dire vrai elle s’en passerait bien, même maintenant. Mais Queen était une femme maline et lucide ; même si elle aimait faire cavalier seule elle ne se serait pas risqué à cela dans cette affaire. Nul besoin d’être un génie pour comprendre qu’ils allaient s’attaquer à plus gros qu’eux. Quoi qu’Andra et Fauve n’en avaient peut-être pas encore prit pleinement confiance. Elle ne chercha pas à le savoir, du moment qu’elle le voyait c’était suffisant. Néanmoins, il fut une chose qu’elle ne vit pas arriver et la simple mélodie de sa voix suffit à la pétrifier comme une statue de sel.
Il y avait longtemps, lorsqu’elle était encore une enfant et que tout ce qu’elle était aujourd’hui n’était qu’un simple bourgeon sur le point d’éclore, sa mère lui répétait sans cesse : « Queen, de l’amour à la haine il n’y a qu’un pas. L’un et l’autre vont de paire. Ils sont tout deux de puissants moteurs, mais la haine plus encore. » Si les derniers mots de cet adage n’était qu’une profonde vérité dont elle pouvait attesté, elle devait bien avouer que le pas entre amour et haine lui était parfaitement inconnu. Étrange et difficile nuance à saisir que celle-ci, lorsque l’on n’aime pas. Ou lorsque l’on ne se doute pas que l’on aime. Ainsi, pour la première fois de sa vie Queen comprit parfaitement ce que Nienor avait voulu dire, mais aussi le potentiel dévastateur de la colère. Une colère alimentée par l’inquiétude, l’affection blessée et une fierté mal placée. La mâchoire de la trésorière se crispa, ses yeux se firent lames de glaces pour aller se planter directement dans ceux de son aîné. Toute digne qu’elle était, assise sur son grand fauteuil aux airs de trône et malgré les auréoles noires sous ses yeux, elle ne réussit pas à cacher la moue interloquée qui la sidéra. Interdite, elle fut parfaitement incapable d’émettre le moindre son. Tout ce qu’elle pu faire fut de le regarder, lui, ce frère qu’elle avait tant espéré revoir et qui, maintenant qu’il se tenait devant elle, lui donnait des pulsions meurtrières qu’elle avait un mal fou à réfréner.
Cette soirée atteignit le paroxysme de l’improbable lorsque, avant qu’elle n’ait réellement eut le temps de reprendre tout ses esprits, Fauve et Andra ouvrirent la bouche avant elle. Ils étaient peut-être moins lent d’esprit qu’elle ne l’avait cru, finalement. Son regard passa d’abord sur son frère qui fut le plus rapide et sûrement le plus affecté par le retour impromptu de Primus. Elle lui laissa donc tout le loisir de déblatérer autant qu’il le voulu, à son grand regret par instant. « Par la sainte depuis quand Fauve maitrise-t-il aussi bien le sarcasme ? » Songea Queen avant qu’il ne se taise et que ce soit au tour d’Andra d’entrer sur le ring. Comme sa sœur sa langue était affûtée et elle ne tarda pas à tailler un costume à l’ancien ministre. Au final sa fratrie s’en était si bien tiré qu’elle ne fut pas certaine d’avoir quoi que ce soit à ajouter. Elle n’en avait pas envie en vérité. Trop d’évènements venaient perturber son quotidien, trop d’émotion retournait son esprit ; pour la première fois Queen prit conscience de l’ampleur de la tâche qui les attendaient et cela l’épuisa encore plus. Parfois, lorsque rien ne venait occuper son esprit -autrement dit rarement – elle s’imaginait ce qu’aurait pu ressembler sa vie si elle n’avait pas appartenu à la lignée des Milan, si elle avait, comme ses frères, décidé d’emprunter un chemin tout différent de celui sur lequel elle évoluait présentement. Son imagination, probablement flétri par l’âge adulte, n’était pas convaincante et elle avait finit par remettre ses utopies au placard.
- Fauve et Andra ont tout dit. Finit-elle par lâcher d’une voix d’outre-tombe, s’abstenant de faire un quelconque commentaire à Andra concernant l’usurpation d’identité. Ses yeux azurites toujours plantés dans ceux de son grand frère elle poursuivit. - Tu n’es pas sot, d’aussi loin que remonte mes souvenirs. Tu sais qu’il y a lieu de s’inquiéter. Mère était ce qu’elle était ; presque inatteignable, au moins autant que folle, sadique et paranoïaque. Ne pouvant s’en empêcher, elle laissa un petit rire franchir la barrière de ses lèvres. - Ils ont raison, elle désigna les deux autres Milan dans la pièce, un simple décès n’aurait pas suffit à nous réunir. Prenant une longue inspiration, elle intima à Alphonse de leur apporter quelque chose à boire. Tant qu’elle ne se serait pas désaltéré, elle ne reprendrait pas son récit.
Le silence qui tomba sur la pièce était lourd aussi bien de sens que de secret, et Queen ne chercha aucunement à le briser. Tout aussi gênant que reposant, elle en profita pour éclaircir ses idées mais également pour reprendre contenance ; s’obliger à se rappeler n’avait rien d’agréable et si maintenant elle était en mesure ne de plus fondre en larme le souvenir était toujours d’un poids incommensurable. Alphonse revint rapidement avec un plateau chargé d’un peu de tout allant du thé à la bouteille de whisky en passant par du jus et des petits biscuits. Si la jeune femme tendit d’abord le bras en direction d’un thé, elle se ravisa rapidement et se servit un verre de vin de treize ans d’âge. Une occasion pareille méritait tout à fait que l’on ouvrit une telle bouteille.
- Installe toi. Dit-elle d’un ton glacial même si elle brûlait d’envier d’aller se lover dans les bras protecteurs de son frère. Diantre qu’elle aurait payé cher afin de lui rendre les rênes de leur lignée, sans parler du fait qu’il était l’héritier mâle et surtout le premier né, elle n’avait aucun doute concernant ses capacités à guider leur famille. Toutefois elle entendait respecter les volontés de leur mère et surtout, surtout, renoncer lui demanderait de mettre fierté et égo de côté ; cela elle n’en était pas capable.
- Leur mort à été prodigieusement violente, mère plus que père. L’un a été mutilé, l’autre pas. Pas besoin de détail, mais il a été compliqué de l’identifier. Elle fit tourner le liquide carmin dans son verre puis en avala une rasade. - Comme je le disais à Andra et Fauve, je n’ai pas de piste. Rien. Pas l’ombre d’un indice. Cependant… Elle agita le morceau de papier. Andra, à défaut de fouiner dans les affaires des autres, collaboration n’était pas synonyme de paix, encore moins dans cette famille, - à trouvé ceci. L’emblème ne me dit rien, mais je compte mener l’enquête. Mais avant il y a plus important. Les âmes de nos parents ont disparue. Si celle de père ne nous est pas vraiment utile, celle de notre mère était aussi bien son âme que sa confidente et sa secrétaire. Que cela concerne leur mort ou les affaires de mère avant sa mort, elle sait forcément quelque chose. Son air se fit soudainement plus grave, plus fatigué. - Les familles à qui nous avons causé du tord ne tarderont pas apprendre la nouvelle. Ils craignaient mère, pas nous. Ils chercheront sûrement à se venger. J’ai besoin de Hildegarde pour voir les coups venir. Elle fronça les sourcils et se pencha en avant avant de fixer le sol comme s’il s’était agit d’une carte indiquant les positions ennemies. - Je refuse de voir notre nom souillé par l’une de ses familles impures, et je refuse que leur mort reste impunie. Voilà ce que tu as loupé, mon frère, la vengeance. Et elle darda un regard glacial certes mais animé d’une lueur brûlante de colère sur lui.
Et c’est là qu’elle revient, la douleur, qu’il pensait déjà avoir tellement supporté qu’elle n’était désormais plus que l’équivalent d’un bruit de fond. Une sensation diffuse, qui se faisait plus discrète avec le temps sans jamais disparaitre tout à fait. Mais ce soir, il semble que sa fratrie ait réussi à la raviver avec brio.
Cependant il est tellement surpris de se retrouver si affecté par les vociférations de ses semblables, que l’effet de surprise domine le reste. Pourtant il ne peut s’empêcher de ciller lorsque la propriétaire des lieux lui intime de s’asseoir. Le moment n’étant guère propice à s’offusquer du ton, qui tient plus de l’ordre que de l’invitation, Primus s’exécute sans broncher. Ecoutant attentivement Queen alors qu’elle termine ses explications.
Il n’est pas prêt pour ça. Il voulait parler à Queen, et elle uniquement. Il lui fallait plus de temps pour se sentir de taille à faire face à Fauve. Quant à Andra il ne pensait même pas prendre la peine de se rappeler à son bon souvenir. Ce n’est pas comme si il avait déjà fait le moindre effort dans sa direction du temps où ils vivaient encore sous le même toit.
Il est mal préparé, c’est d’ailleurs pour ça qu’il est venu ici ce soir. Pour sonder le terrain, pour voir qu’elle serait la réaction de sa sœur. Il n’est pas à son avantage ici et ça fait si longtemps qu’il a coupé les ponts qu’il vogue dans des eaux inconnues. Et a priori ils s’en sont tous rendus compte. Comme la cadette Milan l’a très justement fait remarquer, il l’a connait à peine. S’il l’avait croisé dans la rue, il n’aurait jamais reconnue sa sœur.
Alors que dire ? Par où commencer ? Il aimerait tellement avoir la force et le courage de leur expliquer que c’est Nienor qui lui a interdit tout contact avec eux. Qu’à peine il a commencé à vouloir revoir Queen, que leur marâtre a immédiatement menacé de lui faire payer très chère toute tentative de rapprochement. Mais ce n’est ni l’endroit ni le moment. Ils ne sont pas prêts pour ça. Pas prêt à accepter ça. Alors plutôt que d’être honnête plutôt que leur dire ce qui est réellement important, il se réfugie, comme toujours dans le sarcasme et dans l’indifférence…
Il a beau avoir coupé les ponts avec sa mère jeune, cela n’empêche qu’il se comporte exactement comme elle l’aurait souhaité. Cette vieille mégère peut être fière d’elle. Ce n’est peut-être pas non plus le bon soir pour annoncer, que s’il veut savoir qui a tué ses parents, c’est aussi pour leur offrir des fleurs en remerciement…
-Je ne suis pas ici pour me justifier auprès de vous. Tout ce qui m’importe c’est de savoir si oui ou non, nous sommes les suivants sur la liste… J’ai fait assez d’efforts et de sacrifices pour m’éloigner de ce qui nous a servi de parents, pour ne pas aujourd’hui me retrouver la cible de la vendetta d’un quelconque concurrent que Nienor aura ruiné ou humilié comme elle savait si bien le faire.
Il se tourne vers Andra et lui décoche un regard qui se veut le plus venimeux possible mais il ne sait pas si ses yeux sont bien distinguables derrière son voile de deuil.
-J’entends vos critiques et j’aurais presque pu leur accorder une certaine forme de légitimité… Cependant je constate, à mon plus grand désarroi, croyez le bien, que vous n’êtes pas plus avancés que moi lorsqu’il s’agit de savoir qui est à l’origine du meurtre. Notez toutefois que j’ai l’excuse de n’avoir eu aucun contact avec nos géniteurs depuis plus d’une décennie.
Mais je ne suis guère surpris. Bien que vous sembliez entretenir l’illusion que Nienor ait pu vous croire dotés de « capacités cérébrales supérieures à celle d’un gloot », force est de constater qu’elle ne s’en montrait pas plus transparente avec vous pour autant quant à toutes les affaires qu’elle menait.
De toute évidence, l’éloquence revient plus vite dès qu’il est question d’insulter ses pairs. IL détourne son regard d’Andra pour s’adresser à tous, avec un ton dédaigneux :
- Mais en l’occurrence, puisque je dois bien reconnaitre que je ne peux pas me montrer plus utile que vous, je vais passer sous silence le caractère farfelu de vos remontrances et la pauvreté de vos informations, et me concentrer sur ce que nous pouvons faire pour retrouver ceux qui ont fait ça.
Il marque une pause, avant de poursuivre d’une voix aussi ferme que glaciale :
- Néanmoins je préfère vous prévenir tout de suite que je refuse de me mêler à tout projet de vengeance. Je souhaite simplement m’assurer que peu importe contre qui Billus et Nienor se soient dressés, cette personne s’estime satisfaite avec leur meurtre et ne vienne pas s’en prendre à nous ensuite. Tout le reste ne m’importe que peu. Nienor m’a déjà pris bien assez de temps et d’énergie je n’irais pas m’investir dans une vaine quête pour lui rendre justice où je ne sais qu’elle autres sottises.
Autant être clair sur ce point immédiatement. Il n’a pas le temps pour se livrer à de tels enfantillages. Il a coupé tout lien émotionnel qu’il pouvait avoir avec ses géniteurs, il n’est pas question qu’il aille désormais venger leur mort. Malheureusement, devant l’air résolu de Queen, il craint d’être entrainé malgré lui dans la vendetta qu’elle semble impatiente de mener.
— Il est trop lui pour être un autre Andra. Un Primus Milan ça ne se copie pas aussi facilement que cela, surtout face à ceux l’ayant vu grandir.
Et autre. C’est con, mais même si l’attitude de mon frère me hérisse le poil, me donne envie de lui mettre mon point dans la figure et dans bien d’autres parties de son corps encore et encore à marqué sa peau bien trop pale. Oui même si j’ai une rancœur au ventre qui ne part pas et grossit même mot après mot qu’il débite, à aucun moment je ne souhaite laisser planer le moindre doute que cela puisse être un autre que lui. Vraiment, il est bien trop lui pour qu’il soit quelqu’un d’autre. Même sans lui avoir parlé directement après autant d’années.
Bordel, il est venu uniquement pour Queen à la base et cela se ressent tellement.
Ne pas penser à cela pour le moment. Le meurtre des géniteurs avant tout autre chose. La survis des nôtres. De ce qu’il reste du nôtre qu’est notre famille dysfonctionnelle. J’aurais du prendre Ardent, Chance ou encore Soly avec moi pour passer mes mains dans leurs fourrures encore et encore pour oublier mon agacement quand il monte trop. Même prendre Xarope aurait été une bonne idée, mais cela aurait certainement agacé Andra pendant le voyage et je ne voulais pas lui imposer cela en plus des chiots.
— Enfin, certains pourraient se faire avoir, je suppose.
Parce qu’au final, Andra ne le connaissait pas tant que cela et oui, effectivement, elle aurait pu se faire avoir par une copie. Peut-être Queen aussi je suppose. Moi j’ai bien trop d’orgueil et je le suis depuis bien trop longtemps pour même imaginer que je puisse me faire avoir par une copie. Tout serait si pâle face à lui. Il a bien trop de couleur pour être imité. Bien trop de couleur qui brule la rétine et donne envie de colorer sa peau de belle trace bleu ou noir.
— Changer de nom de famille aurait été plus pratique pour rester loin d’eux si tu voulais tellement faire des efforts pour t’éloigner.
C’est bien ce que j’ai fait. C’est ce que je m’attendais à ce que tu fasses pour le simple plaisir de savoir Nienor se rouler dans son énervement de voir son si précieux jouet bafouer encore plus bas que terre le nom qu’elle lui a donné par son sang et mariage. Ce qu’elle a été si fière de porter et d’élever le plus haut possible. Ce nom que Queen refuse qu’on traine dans la boue par des familles impures alors qu’il baigne déjà dans la boue des conneries des parents. La bonne blague. Toute cette histoire est une blague terriblement pathétique de toute manière.
— La vengeance pour le coup n’est pas ce que je cherche, ne pas mourir et voir ce que je tiens être détruit est tout ce que je demande. Vous trois compris dans le lot. J’irais te chercher Hildegarde si tu en as besoin Queen, je me saloperais les mains s’il y a besoin pour protéger cette merde de lien de sang qui ne ressemble a rien, mais ce n’est pas moi qui hurlerais vengeance pour nos similis parents, pas si c’est pour finir en guerre sans aucun sens.
Parce que c’est aussi cela le souci dans toute cette histoire. Le sang appelle le sang. La haine appelle la haine.
— Parce que, même si on brule le mal au cœur même de ces racines en faisant un beau petit feu de joie suite à cela. Même si on tente d’éradiquer chaque bout de menace de notre si tendre et douce mère à mis sur route de son vivant pour en avoir une mort des plus douce comme tu l’as si bien décris. Même si on fait tout cela, il y aurait toujours de mauvaises herbes qui hurleront à leur propre vengeance pour nos actes dans un cercle sans fin.
Une boucle qui a déjà commencé, je ne le sais que trop bien. Le premier sang est tombé, verser et étaler sans aucune grâce sur les murs d’une chambre à coucher.
— Est-ce que vous êtes vraiment prête à avoir cet héritage-là sur les épaules ?
Oui, seulement prête, parce que Primus à bien dit qu’il n’en voulait pas.
— Dans tous les cas, je suivrais. Parce que même si ça fait horriblement niais et étrange, j’y tiens à ce qu’on est.
Parce que je ne saurais pas quoi faire d’autre de ma vie que d’être un Milan. Même être un Nalim c’est simplement resté un Milan, mais écrit autrement. Rien de plus.
Pathétique.
Queen prit enfin la parole, confirmant simplement les dires de Fauve et Andra pour le moment. Puis elle invita leur aîné à s’installer et lui résuma la situation. Sans rater une occasion d’envoyer une pique a Andra, évidemment. - Si je n’avais pas fouiné on n’aurait pas la moindre piste. Et, n’en déplaise à certain ici, je suis aussi une Milan. J’ai fouillé dans les affaires de ma famille. Rétorqua-t-elle rapidement. Primus n’avait sûrement jamais vraiment considéré Andra comme sa sœur et Queen et elle n’avait jamais pu s’entendre, pour autant Andra était bien une Milan et était à l’origine de leur seule piste pour le moment. Et elle comptait bien le leur rappeler aussi souvent que nécessaire. Car si Queen avait promis qu’Andra resterait dans la confidence de cette affaire tant qu’elle ne la trahissait pas, Primus aurait sûrement tôt fait de mettre la cadette de côté. Et elle n’était pas dupe : l’arrivée de Primus était susceptible de changer beaucoup de choses pour Queen et Fauve qui en étaient bien plus proche qu’elle. D’ailleurs Primus était venu voir Queen, pas les deux autres membres de la fratrie. Il était hors de question pour la blonde que le choses se passent comme ça.
Sans grande surprise Primus se défendit des remarques qu’il avait reçu en contrattaquant, aussi habile en joute verbale que le reste de la famille. Mais a ce jeu là il avait intérêt d’être en forme car Andra ne comptait pas se laisser faire. S’il se permettait de prendre airs hautains, Andra ne voyait en lui qu’un imbécile à l’arrogance déplacée venu chez Queen dans le seul but de sauver sa propre peau. Un imbécile et un lâche donc. Il n’avait apparemment aucune envie de venger Billus et Nienor et, malgré sa tenue de deuil, c’était à se demander s’il en avait vraiment la moindre chose à faire. Andra brûlait toujours de rage envers Primus mais elle laissa le soin a Fauve de parler. Les remarques de Fauve et Queen ayant assurément plus d’impact sur Primus que celle d’Andra.
- Certaines ont bien failli se faire avoir jusqu’au bout, crois moi. J’ai dû jouer un Primus trop intelligent et pas assez à côté de la plaque que pour ne pas être démasquée. Mais j’imagine que seul un Milan peut en imiter un autre et puisqu’on est tous là ce doit être le vrai. Son regard s’était brièvement tourné vers Fauve suivit de Queen avant de retourner fixer Primus. - Quant à toi Primus si tu avais vraiment voulu t’éloigner la famille tu aurais dû faire plus de ces "efforts" et de ces "sacrifices" que tu as évoqué. Même si je doute que tu connaisses seulement la signification de ces mots. Même s’il s’est contenté d’une simple anagramme Fauve a au moins eu l’intelligence de changer son nom. Mais toi tu as continué de porter le nom de la famille et ce nom t’as sûrement servi autant que desservi. Tout ça pour aujourd’hui débarquer comme une fleur avec le seul désir de sauver ta peau. Reportant de nouveau son regard sur Fauve pour lui faire comprendre qu’elle s’adressait à lui aussi, elle continua ses remarques. - Que ça vous plaise ou non vous êtes tous les deux des Milan, les enfants de Nienor, au même titre que Queen et moi. Reniez-le jusqu’au bout ou ne le faites pas mais vous êtes ridicules à le faire à moitié. Alors si vous avez une once de respect pour le nom que nous ont légués nos géniteurs je ne comprends pas comment vous pouvez simplement accepter leur mort sans chercher à les venger. A moins que vous ne soyez simplement devenus deux froussard tremblant de peur face aux autres familles ?
Andra se servit quelque chose à boire et en bu quelques gorgées avant de terminer sur une dernière remarque.
- Je ne crois pas que tu n’aies eu l’envie de revoir Fauve et moi ne serait-ce qu’une seconde alors si c’est un tête-à-tête avec Queen que tu veux ne te sens pas obligé de rester.
Elle se sentait presque insultée par la présence et l’attitude Primus en plus du fait qu’elle redoutait qu’il change la donne vis-à-vis de Queen et Fauve. Elle ne serait donc très clairement pas contre son départ.
Ses yeux se posèrent ensuite sur son frère. Du moins celui qui avait l’air d’être son frère. Maintenant qu’elle le regardait avec plus d’attention, qu’elle écoutait le flot ininterrompu de mots qui sortaient de sa bouche, elle avait la sensation de faire face à l’ombre de ce qu’il avait été. Rien n’avait jamais été rose dans leur famille, Queen le savait et chacun des membres de cette tablée aussi. Pourtant ils étaient tous là dans le but d’obtenir des réponses, de se venger pour au moins deux d’entre eux. Au delà de la personne exécrable que Nienor avait été elle n’en restait pas moins leur mère et il y avait cet affront fait à leur nom. Ce meurtre avait fragilisé leur réputation. Le pilier, la redoutable matriarche des Milan, mise à mort dans son propre royaume. Que leur restait-il ? Les Milan passaient pour une famille affaiblie et ils l’étaient.
Un nouveau soupire lui échappa et elle se pinça l’arête du nez en fermant les yeux. « Si ce ne sont pas nos ennemis qui me tuent, ce seront eux... » songea-t-elle en les écoutant s’envoyer des insanités en plein visage. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils sortaient tous du même moule et cela même si ses frères plus âgés s’échinaient à hurler le contraire. Changer de patronyme ne les sauveraient pas de ce qu’ils étaient, peu importe le point auquel ils le souhaiteraient.
- Même si ça me fait mal de l’admettre, je suis d’accord avec Andra. Finit-elle par trancher à contre cœur. - Je ne peux tolérer l’affront qui nous est fait. A ma mère, notre mère, TA mère. Quoi que tu puisses lui reprocher, tu ne pourras changer cela. Elle est la chaire de ta chaire et l’essence même de ce qu’elle était coulera éternellement en toi. Sa souillure comme tout le reste. Son nom, son regard passa également sur Fauve, restera le tiens et cela même si tu en changes les lettres. Tu ne souhaites pas te venger ? Je ne t’y obligerait pas. Je refuse d’agir de la même façon qu’elle. Mais il n’empêche qu’elle était ma mère et que je l’ai aimé.
Queen quitta son fauteuil et commença à faire les cent pas dans son salon.
- Primus. Si tu avais des rats dans ta grange et que tu en tuais deux tout en sachant qu’une ribambelle suivra, serais-tu satisfait ? Elle laissa le silence s’étirer un moment puis poursuivit. - Non tu ne le serais pas. Tu voudrais les éradiquer jusqu’au dernier afin de t’assurer qu’aucun ne viendra de nouveau empiéter sur tes plates bandes. Ces gens nous voient comme des rats et si tu crois qu’ils te laisseront la vie sauve car tu renies tes liens avec nous… Autant que nous choisissions aujourd’hui ce que comporteras ton épitaphe. Un rire lui échappa. - Je savais que tu étais d’une nature à faire les mauvais choix mon frère et je t’ai défendu face à ceux qui disaient que tu avais fuit le gouvernement. Je me demande finalement si ils n’avaient pas raison. Es-tu si peureux, Primus, que même l’assassinat de tes propres parents te laisse avec pour seul sentiment une envie de nobliaux campagnard ? Tu ne t’inquiète même pas pour nous, tu t’inquiètes pour toi et uniquement pour toi. Nienor, elle, avait au moins à coeur les siens. Lequel de vous deux est le plus monstrueux ?
Ses yeux flamboyaient d’une glace aussi incendiaire que tranchante. Queen se sentait aussi bien trahit dans sa chaire que dans son âme. Ce frère sur lequel elle avait toujours pu compter, qu’elle avait aimé au-delà de tout le reste de sa fratrie, l’abandonnait pour la troisième fois. Si elle avait su lui pardonner les deux premières, elle n’était pas certaine d’être en mesure de s’acquitter de celle-ci.
- Quant à vous, cette fois elle s’adressa à Andra et Fauve, je n’ai pas plus d’informations à vous fournir. Aucune piste. Il n’est pas nécessaire de vous le cacher. Mais je compte bien en trouver. Un petit sourire étira ses traits. - Si je dois retourner tout le royaume pour cela, qu’il en soit ainsi. C’était une promesse. Aussi longtemps qu’elle se tiendrait sur ses deux jambes, elle n’aurait de cesse de chercher des réponses et déesse seule savait qu’elle les obtiendraient.
D’ailleurs, pour être tout à fait exact, Primus n’aurait pas besoin de chercher longtemps pour que les visages d’une bonne cinquantaine de personnes ayant le même avis sur lui, lui vienne à l’esprit. Et il y a surement encore plus de monde qui pense qu’il est encore bien pire que tout ça.
Si seulement ses pairs avaient la moindre idée de ce qu’il avait dû endurer. De ce qu’il avait vécu. Des obstacles qu’il avait dû surmonter. Mais comment pouvaient-ils le savoir s’il fuyait une fois de plus ? Le décès de leur parent était pour qui une chance, probablement la dernière qu’il avait de renouer avec sa famille. Elle est tout aussi dysfonctionnelle que désunie, mais c’est la seule qu’il lui reste.
Il n’a pas une multitude d’option ce soir. Soit il part, préserve sa tranquillité, et tourne le dos à nouveaux à ses frères et sœurs, et cette fois aucun retour ne sera plus jamais possible, il en est conscient ; soit il reste ici, ce qui implique de se joindre à eux dans cette folle et stupide quête de vengeance qu’il peut déjà voir se former dans les esprits machiavéliques de Queen et Andra.
Fauve semblait lui aussi réticent que lui à l’idée de vouloir laver l’honneur de leurs géniteurs… mais il n’a pas changé s'est rangé à l'avis de ses sœurs, comme ils le faisaient tous les deux il y a bien longtemps. Et à les voir le couvrir d’insultes tous les trois, Primus se surprend à penser que finalement, bien qu’il ne les ait pas pas vu depuis des années, ils n’ont pas tant changés que ça.
Alphonse ne semblant guère désireux de s’avancer dans l’arène - et comment l’en blâmer ? - Primus entreprends de se servir lui-même un whiskey. Après tout, il en a bien besoin. Il se renfonce dans son siège et croise les jambes sous son long manteau noir avant de commencer :
- Il n’a jamais été question pour moi de renoncer à mon nom. Ce nom était, et est toujours, une arme dont je n’ai jamais eu l’intention de me défaire. Mon problème a toujours été avec Nienor et avec elle uniquement. Et vous êtes bien placés pour savoir qu’elle ne négociait pas avec les gens qui ne faisaient pas ce qu’elle voulait, elle les écrasait. Au sens propre comme au sens figuré. Alors oui, je me suis échappé. Si pour vous partir seul, sans argent, à dix-sept ans pour s’extirper des griffes de ce monstre que vous appelez « mère », est de la couardise alors je le prends comme un compliment.
Primus sait qu’il ne les fera pas changer d’avis ce soir. Comment aurait-il réagit si leurs rôles avaient été inversés. Si Fauve avait été l’ainé et qu’il l’avait quitté de la même façon ? Mais on ne ressasse pas le passé si on veut avoir un futur.
-De toutes façons nous ne tomberons pas d’accord ce soir sur ce sujet. Je ne regrette en aucune manière ce que j’ai fait et je ne suis pas venu pour m’excuser. Tu as raison, Andra, je n’étais pas pressé de te revoir. Si je suis venu ici c’était avant tout pour savoir ce qu’il était arrivé, pas pour une réunion de famille... Je suppose que même un Milan n’a pas toujours ce qu’il veut. Toutefois tu aussi tort, j’avais envie de vous revoir. J’espérais simplement avoir un moment plus… Opportun. Mais je ne regrette pas non plus de vous trouver là ce soir, même si vous ne rendez pas la chose facile. Mais peu importe, ce qui est passé est passé, ni vous, ni moi, ni pouvons plus rien. Ce qui compte c’est que nous allons faire désormais… si il y a un « nous ».
Il termine sa tirade en regardant Fauve puis lentement, avec un visage aussi neutre que possible il poursuit s’adressant plus à Queen :
- Tu serais gentille de garder tes rats, tes nobliaux campagnards et tes autres fantaisies pour toi. Il n’est pas question d’avoir peur, il est question du temps et de l’implication que réclame la Vengeance. Deux choses que je ne suis plus prêt à donner depuis longtemps pour Vos parents. Pour moi ils ne furent que deux géiteurs, ni plus ni moins. Le nom que vous me reprochez d’avoir gardé est la seule chose que j’ai pu garder d’eux. La dernière chose qui nous relie. Mais cela ne sera peut-être pas suffisant.
Il s’égare, il faut qu’il se concentre. Ce n’est pas le moment de se laisser aller à la mélancolie !
- Mais si c’est vraiment ce que vous souhaitez alors très bien, je vous suis. Cependant méfiez-vous, elle pourrait vous laisser un goût bien amer. Enfin, je ne suis pas revenu jouer des grands-frères pleins de sagesse. Tout cela ne nous avance pas, où devons chercher en premier ? Celui ou celle qui a fait ça devait bien avoir un contentieux avec Nienor, et pas des moindres.
S’il faut en passer par là, pourquoi pas ? Quoiqu’ils fassent, leurs géniteurs sont morts et bien morts, et ça, dans tous les cas, c’est une belle victoire du point de vue de Primus ! Il peut bien suivre ses cadets dans leur quête de vengeance si cela lui permet de renouer un lien avec eux, aussi infime soit-il. Levant sont voile il trempe légèrement ses lèvres dans son verre, attendant que les foudres des Milan continuent de se déchainer.