Son esprit peinait encore à prendre la mesure de ce qu'elle avait appris, ce jour-là, sur la grève lapée par les vagues. Savoir qu'Astrid - qu'elle avait rencontré quelques mois auparavant, et qu'elle trouvait profondément drôle et attachante - et son grand-père, - qu'elle n'avait cessé de maudire pour ses hauts faits héroïques durant toutes ces années... - étaient en réalité une unique et même personne, créait une profonde dissonance cognitive en elle. Dahlia était tout bonnement écartelée par les émotions contraires que lui inspiraient ces deux individus pris séparément, qui ne parvenaient à se juxtaposer dans ses pensées malgré leur lien hélas réel. Mais ce qui gênait le plus Dahlia, c'était d'avoir... d'avoir...
Lorsque le souvenir de ce malencontreux évènement affleura à nouveau dans son esprit, la garde se recroquevilla davantage dans son lit et enroula ses bras autour d'elle, éprise d'une terrible détresse. Elle avait tout simplement envie de mourir, ne sachant comment vivre avec l'erreur incestueuse qu'elle avait commise, qui la lestait d'une culpabilité immense. Cette bourde, Dahlia n'avait encore osé l'avouer à quiconque. Elle avait songé à se confier à Aelith, mais l'aventurière résidait au Village Perché, et Dahlia n'avait pas encore trouvé le temps – ni le courage – de la rejoindre. Tant pis, la solitude était présentement un parfait écrin pour accueillir ses tourments intérieurs.
« Laisse-moi tranquille, Keruberosu... »
La voix de Dahlia venait de résonner, bougonne, face aux crocs qui venaient de mordiller ses orteils dépassant de la couette dans laquelle elle s'était enfouie. La garde n'était pas encline à subir les assauts joueurs de son familier. Or, devant cette résistance revêche, ce dernier entreprit de se scinder en trois. Après quelques jappements, Keru vint tirer son duvet, tandis que Bero et Su s'employaient à tirailler ses chaussettes, allant jusqu'à les lui ôter dans un impérieux appel à sortir du lit. Les efforts redoublés du Canitribus finirent alors par faire réaliser à Dahlia :
« Le rendez-vous avec le Capitaine ! »
La garde avait en effet un repas planifié avec Arthorias, faisant suite à leur dernière assignation, le soir-même. Engoncée dans sa déprime, Dahlia l'avait complètement oublié, et il était à présent trop tard pour le reporter. Elle se redressa en hâte et jeta un coup d'œil à l'horloge : il lui fallait partir aussitôt, sous peine de s'y présenter en retard. Dans une tornade de mouvements empressés, elle se résolut à s'habiller – enfilant une robe, sobre et élégante, pour l'occasion - et fit même l'effort de se parer d'un soupçon de rouge à lèvre, et d'une ombre de mascara. Ceci afin de rehausser son regard quelque peu rougi et gonflé, suite aux flots de larmes qui s'en étaient déversé.
Sitôt apprêtée, elle quitta la caserne pour se rendre jusqu'au lieu du rendez-vous, au pas de course. Manquer l'heure du rendez-vous, voilà un impair qui n'était pas tolérable, à ses yeux. Elle entra en trombe dans le restaurant, puis avisa la table où se tenait déjà Arthorias, et réajusta sa coiffure avant de rejoindre la tablée.
« Bonsoir, Capitaine. J'espère que vous ne m'avez pas trop attendue. »
Elle lui offrit un sourire contrit, épouvantée en son for intérieur. La ponctualité était en effet une règle d'or dans les sphères martiales, et Dahlia espérait que le Capitaine ne lui tiendrait pas rigueur de ce léger retard. Une serveuse arriva rapidement afin de prendre leurs premières commandes, et Dahlia opta pour de l'hypocras. À vrai dire, elle préférait l'hydromel, mais ce spiritueux était encore trop chargé en souvenirs. Tout comme un autre élément, qui fit ajouter à Dahlia, à brûle-pourpoint avant que la serveuse ne s'éclipse :
« Ah ! Et, surtout pas de cacahuètes, je vous prie. » Face à la mine incrédule qui s'esquissait sur le faciès de la demoiselle, Dahlia précisa : « J'y suis en effet... allergique. Leur simple vue me fait défaillir. » Ce n'était pas là la vraie raison, mais la garde ne pouvait la lui fournir, et cette excuse ferait donc l'affaire.
Chassant de son esprit les pensées corrélées à ces arachides, qu'elle souhaitait à présent oublier, Dahlia reporta son attention sur son supérieur :
« Comment allez-vous, depuis notre excursion dans les bas-quartiers ? Je dois avouer que je suis ravie du succès de notre assignation, et qu'il me tarde d'aller au nord, pour la suite de l'opération. »
Un rendez-vous avec les producteurs d'incandescent y avait en effet été convenu, et ils auraient de nouveaux défis à y remplir. Songeant qu'un tel voyage ne devait peut-être pas être courant, pour Arthorias, elle ajouta :
« Votre absence ne sera-t-elle d'ailleurs pas trop problématique, vis-à-vis de vos devoirs au Palais ? »
Converser le plus naturellement du monde et ne rien laisser transparaître de sa détresse intérieure, voilà la gageure qu'avait décidé de relever Dahlia, afin de pouvoir profiter pleinement de cette soirée.
Le rendez vous avait été dument noté, à l'encre noire sur l'un des carnets d'Arthorias et ce dernier s'il était en général bien trop griffonné pour laisser espérer un peu de repos, avait été aménagé pour aujourd'hui.
Un rendez vous semi professionnel, et semi personnel. Tel était la nature de ce qui l'attendait aujourd'hui.
Dahlia avait été un allié précieux sur la dernière affaire, mais ce repas datait d'une plaisanterie datant de bien avant, une sinistre histoire, une de plus, dans les bas quartiers qui avait fait se croiser la petite fille du commandant Delancy et le capitaine de la garde royale.
Et comme pour lui rappeler cela, le soleil franchit sa fenêtre, indiquant que l'heure commençait à poindre. L'homme sortit de ses papiers, classant soigneusement un énième rapport avant de se diriger presque machinalement vers le présentoir de son armure avant de se raviser. C'était à moitié professionnel, mais une telle tenue serait plus que voyante dans un restaurant, et d'autant moins pratique qu'elle n'avait pas été conçu pour se restaurer.
Tranchant sur ses habitudes, l'officier secoua la tête et passa dans sa chambre pour trouver une tenue adaptée à la soirée. Son armoire contenait bien quelques tenues, mais rien de trop ordinaires, à moins que le restaurant ne se trouve au milieu de la cours royale... Ce qui lui permit d'écarter une partie des tenues de cérémonies brodées d'or et d'argent et aux armoiries royales.
Passés cette garde robe stricte, il ne lui restait qu'un choix bien maigre, composé de hauts en tissus adaptés au climat de la saison, les coutures renforcées trahissant leurs utilités première ne les défigurant pas tant.
Ce fut donc un ensemble gris pâle qu'Arthorias enfila, dont les manches étaient cousues de lignes noires pour souligner les coutures et donner une fausse impression de décoration.
La tenue n'avait pas servit depuis quelques temps, mais lui allait toujours, il faut dire que le poste ne lui avait pas permit de prendre du poids, les responsabilités et le stress brûlant les calories aussi surement que n'importe quel sport régulier.
Ses lourdes bottes au pieds, il sortit de la caserne sous le regard étonné de la sentinelle en faction, peu habituée à voir son capitaine sortir en civil depuis son divorce. Les bruits de casernes toujours croissant, surtout quand le Maitre du Guet sortait.
Le restaurant choisit n'avait rien de trop luxueux, et était même plutôt en bordure de la ville. Arthorias aimant sortir du cadre habituel des quartiers riches.
Les hauts murs de la villes protégeaient techniquement tout le monde, et la vue de la haut était toujours somptueuse. C'était par un rapport qu'il avait appris l'existence dudit restaurant, situé dans une des tours de guet de la muraille est.
Et ce fut donc tranquillement qu'il s'y rendit, en avance sur l'horaire convenu.
L'homme avait l'habitude d'attendre, mais certainement pas de se faire attendre, et c'est donc bien en avance qu'il s'assit à une table un peu excentrée, dans une des alcôves de l'établissement. C'était encore un peu tôt, et il eut tout le loisir de perdre son regard sur la plaine aux alentours, détaillant le soleil qui distribuait ses derniers rayons sur l'émeraude des prairies.
Le temps s'écoula de lui même alors que le soleil faisait rayonner les chevelure de l'officier qui fut tiré de ses pensées par une voix qui le sortit de ses pensées autant qu'elle fit naitre un petit sourire sur son visage
-Bonsoir Dahlia !
Dit il un peu plus haut qu'il ne l'aurait voulu, quelque peu surpris dans ses propres pensées, et de façon un peu honteuse.
-Pour ce soir Arthorias ira très bien, nous ne sommes pas en service n'est ce pas ?
Techniquement non, même si le travail allait faire partie de la discussion, et alors qu'il la regardait s'asseoir, il ne put s'empêcher d'observer sa tenue qui dépassait de loin en élégance la sienne, ce qui le fit se sentir quelque peu honteux.
Jouant avec une de ses mèches, il acquiesça avant de reprendre
-Très bien ma foi, j'ai eu quelques demandes diverses, mais rien d'insurmontable, la situation semble doucement s'arranger un peu partout. Et je pense pouvoir dire que le moral dans le régiment est au beau fixe
Ce qui ne répondait pas vraiment à la question malgré lui. Arthorias ne se voyant encore qu'en tant que capitaine de la garde royale. Est ce qu'Arthorias Hekatyar allait bien ? Difficile de lui faire dire, et lui même ne se posait pas la question, tachant simplement de profiter de chaque opportunité pour sortir des affaires courantes.
-J'ai un second pour ce genre de cas, et fort heureusement, il à fallut un peu de temps, mais elle est plus que capable d'assurer la relève le temps de mon absence.
Et je dispose de quelques personnes de confiance également, au cas ou
Sa propre garde, qui, si elle n'avait rien d'officielle sur le papiers, était reconnu par tout le monde dans la royale et souvent, la vision du binôme à la crinière noire signifiait que le capitaine s'intéressait de près à la situation.
Chassant le soucis d'un geste de la main, il commença à vouloir poser la même question avant de constater l'état de la jeune femme en face de lui. Même maquillée, le gonflement de ses yeux trahissait quelque chose qui fit s'évanouir le sourire du capitaine.
-Quelque chose ne vas pas n'est ce pas ?
La question était à moitié posée, et il eut une lutte intérieur pour ne pas se raidir et croiser les mains au dessus de la table comme il le faisait à chaque fois qu'il entendait de tristes nouvelles.
Lui même avait dit qu'ils n'étaient pas en service. Une inquiétude sincère apparut néanmoins.
Arthorias l'invita à l'appeler par son prénom, et Dahlia acquiesça, rejoignant son point de vue malgré la gêne que cela ne manquait de lui inspirer. Toutefois, faire fi du protocole lui était présentement facilité par la tenue de civil du Capitaine. Fort bien coupé, son habit mettait en valeur sa corpulence finement charpentée, et elle se fit la remarque que ce gris clair lui était particulièrement seyant, car faisait ressortir l'éclat un tantinet incongru de son regard vairon. La robe de Dahlia, quant à elle, dénotait peut-être d'un surcroît d'élégance, en vis-à-vis, mais elle l'avait choisie en hâte. Au demeurant, cela lui changeait de ses habituelles armures, et n'était pas pour lui déplaire.
Bien que logé dans un bâtiment militaire, le restaurant qui les accueillait était tout sauf austère. Les pierres apparentes de la tour de guet transparaissaient çà et là, conférant une atmosphère à demi-martiale au lieu, car elles se retrouvaient par endroits parées de chatoyantes tentures. Le bruissement enjoué des convives leur parvenait atténué depuis l'alcôve dans laquelle leur table était nichée, et les flammes dansantes des chandelles animaient de chaleureux éclats sur les nappes dressées avec soin.
Dahlia nota qu'Arthorias en vint très rapidement à aborder le moral de son régiment. La félicité du Capitaine semblait être étroitement liée à celle de ses troupes... mais pas exclusivement, tout de même ? - s'interrogea-t-elle. Le garde royal possédait-il des aspirations et des joies personnelles, ou ne vivait-il que pour et au travers de son travail ? Cette question, Dahlia n'osa pas la lui poser. La barrière professionnelle les séparant l'empêchait en effet d'aller sur ce terrain trop intime, et elle lui répondit donc simplement :
« Ravie de savoir que la situation de votre régiment se porte au mieux, et que vous pourrez vous absenter sans crainte sans que cela ne lui porte préjudice. Avoir des appuis de confiance fait partie des acquis les plus précieux au monde, je crois... »
Cela était au demeurant une très bonne nouvelle, que de savoir que le Capitaine allait l'accompagner au Nord, sans être retenu par d'autres obligations palatiales, et sans être inquiété du sort du régiment qu'il abandonnerait provisoirement. Dahlia allait embrayer et l'interroger sur son goût pour le voyage, lorsqu'elle vit le sourire du Capitaine s'estomper comme un rêve au matin et son regard se charger d'une ostensible inquiétude.
Le coeur de la garde se serra alors, quand elle comprit, à la question qu'il lui adressait, qu'il pressentait qu'elle n'allait pas bien. Comment l'avait-il deviné ? Son supérieur était doué d'une perception à l'acuité insoupçonnée, sans doute aiguisée à force de sonder le moral de ses gardes. Mais il fallait concéder que malgré ses efforts de camouflage par quelques artifices féminins, les yeux rougis de Dahlia, et le voile morose de son regard, ne pouvaient que trahir son état intérieur, bien malgré elle.
« Je... J'ai été impactée par une malheureuse nouvelle, récemment, en effet. » avoua-t-elle, désarmée et ne pouvant totalement feindre d'aller parfaitement bien.
Pouvait-elle lui en détailler la teneur ? Non, cela lui paraissait être tout sauf une bonne idée. Comment allait-il la considérer, s'il apprenait cet acte innommable qu'elle avait commis ? Certes, Dahlia n'en était pas directement responsable, sa situation étant le fruit d'un malencontreux hasard... mais elle ne pouvait tout de même s'en ouvrir au Capitaine, bien trop honteuse du regrettable coup du sort dont elle avait fait l'objet – À savoir, tomber sur et sous le charme de son aïeul réincarné, parmi toutes les âmes peuplant Aryon... Lucy se payait vraiment sa tête.
« Mais je ne vais pas vous accaparer avec mes histoires. Je souhaitais surtout profiter de l'occasion de ce dîner pour en apprendre davantage sur vous. En tant que Capitaine, mais aussi, et surtout, en tant qu'Arthorias. »
C'était en effet la raison qui l'avait véritablement motivée à s'extraire de ce lit, et de cette mélasse de désespoir. Vite, il lui fallait à présent trouver un autre sujet sur lequel enchaîner, pour éluder toute question supplémentaire du Capitaine, qu'elle craignait de voir renchérir.
« Je crois notamment me souvenir que vous deviez me raconter l'histoire de votre rencontre avec ce fameux... Jurgen. »
Sitôt posée, Dahlia en vint à regretter sa question, car voilà que celle-ci instillait de nouvelles images – tout aussi compromettantes et honteuses – en elle, à l'évocation de cet homme dont Arthorias avait emprunté le physique, lors de leur dernière assignation. Fort heureusement pour elle, la serveuse revenait leur apporter leurs premières commandes, et la garde s'empara aussitôt de son verre d'hypocras pour en avaler une ample gorgée, afin de dissimuler la gêne cuisante qui lui colorait déjà les joues.
Le régiment, toujours le régiment, c'était parfois à se demander si l'officier était autre chose qu'un symbole de commandement, sa vie personnelle se résumant simplement à ses quelques sorties pour dégourdir ses wargs.
Pour le reste...
Et l'annonce de Dahlia ne fit que le pousser plus encore vers l'oublie de soit, sa fonction semblant vouloir remonter à la surface et le faire afficher cette mine si impassible qui le caractérisait, là derrière son bureau, vêtu de son armure habituelle.
Et ce fut presque une réussite, jusqu'à que le contact habituel de l'acier, ou plutôt son absence, ne le fisse retourner à la réalité de l'instant.
-Une... nouvelle ?
Sa tête se pencha sur le côté, de manière un peu naturelle, mais l'empressement de la jeune femme à changer de sujet le fit renoncer lui aussi. Chercher la moindre faille faisait partie du travail. Dahlia n'était pas une collègue ce soir, et s'il tachait toujours de se montrer digne de son rang. Ce soir au moins, il tacherait de paraitre humain à quelqu'un.
A vrai dire, entendre quelqu'un vouloir en apprendre plus sur le lui le laissa perplexe quelques secondes.
Qui était vraiment Arthorias derrière sa belle tenue et son rang ? Lui même n'aurait sut le dire réellement. Derrière l'uniforme ne se cacherait-il qu'un fantôme qui vivotait tout juste de par son travail ?
-Sachez que vos histoires ne seraient nullement inconvenantes, au contraire, si en parler vous fait du bien... Je ne saurais vous promettre que je trouverais des solutions, mais parfois, rien que le dire...
Enfin passons si tel est votre souhait
L'homme se fendit d'un sourire compréhensif. Après tout, il n'était qu'un collègue de travail. N'ayant guère envisagé une amitié avec qui que ce soit depuis...
Depuis bien longtemps. Le vouvoiement en était la preuve, surtout depuis Rebecca, une certaine distance s'imposait d'elle même, chose qui bien malgré lui le desservait...
C'était donc un Arthorias quelque peu maladroit dans ses propos, car privé selon lui de ce qui faisait toute sa personne qui se tenait devant elle ce soir.
-Alors... que diriez vous d'un échange ? Je vous parle de ce Jurgen et si vous vous y sentez l'humeur, vous me parlez de vos soucis ?
Rien que de repensez à cet homme... Ou plutôt du moment ou il avait été lui...
Secouant la tête pour se remettre les idées en place, recevant avec joie un verre contenant une boisson d'un bleu cyan, dont l'odeur faisait penser à celle du citron azuré.
Une gorgée plus tard, il put se recentrer sur son histoire et la commencer
-C'était il y à... Hum... Plusieurs années, cinq ? Peut être six...
La Première compagnie de la garde royale faisait une instruction en montagne, pas vraiment le genre de formation dans laquelle il fait bon vivre, car nous avions tous été embarqués pour la Forteresse du Nord.
Vous devez en imaginez le paysage : De la neige à perte de vue, aussi bien au sol que dans les airs et un paysage quasiment désert, uniquement occupé par des hautes montagnes, dont les sommets arboraient des sommets identiques que leurs bases.
Partout de la neige, parfois de la glace.
Il continua quelques instant sur les conditions hivernales, tachant de rester le plus fidèle à ses souvenirs, passant longuement sur l'état des hommes dans des armures non prévues pour le froids.
-Ce Jurgen, c'était un montagnard, né d'une congère et d'un loup si on l'écoutait. Toujours avec ce sourire moqueur... Toujours à nous mettre des bâtons dans les roues.
Connaissez vous l'épreuve de la glace et du feu ?
Ces régions sont pourvues de sources chaudes et cette épreuve se déroulait près d'une de ces dernières. L'épreuve était simple, former une sphère de neige et la transporter à dos jusqu'au point prévu.
Trente kilos à porter, sur une vingtaine de kilomètres et le tout en terrain montagneux et cela sans moyen d'en connaitre le poids. Trente kilos au jugé. Si nous prenions trop, nous nous fatiguions pour rien et si nous ne prenions pas assez, nous devions recommencer.
Mais ce Jurgen... Il avait placé le point d'arrivé dans des sources chaudes... De telle sorte à ce que nous devions tout recommencer au moins une fois, et prévoir plus que nécessaire pour que la sphère ne fonde pas.
Trois jours... Il nous à fallut trois jours pour que tout la compagnie parvienne à lui donner ces fichues sphères, toujours en dormant dehors et en nous abritant comme ont peu...
Il nous avait même interdit d'enlever nos casques tant que quelqu'un nous avait en vue, ma peau avait gelée sur le métal.
Je vous le confesse... J'ai bien failli essayer de le tuer... Comme beaucoup des mes camarades de l'époque
Et vous savez quoi ? Après une lune dans ce genre... Il est partit, juste comme ça. Après tant de temps à nous en faire baver il est parti sans rien dire, pas même pour voir combien nous étions à rester malgré ses épreuves
Rien que d'y penser, ce souvenir le rendait amer. Arthorias n'ayant toujours pas compris ce geste.
Cela pouvait paraitre anodin, mais pour des soldats ayant tant souffert, c'était comme un dernier coup de couteau dans le dos, et ses poings se serrèrent doucement avant qu'il ne finisse par rire de lui même.
-Cela doit vous paraitre trivial, dit comme cela... Haïr quelqu'un pour un départ sans aurevoir
Le froid avait sans doute rendu ses nerfs d'autant plus à vif qu'à l'époque, il était sortit de là avec des brûlures de gel partout ou son armure l'avait trop longtemps touché, et avec une bonne dizaine de kilos en moins.
Soupirant pour lui même il finit par ajouter.
-Voilà pourquoi je me souviens aussi bien de son visage et le souvenir qui y est rattaché, rien d'héroïque je le crains
Puis Arthorias se fendit d'une proposition. Celle-ci demeurait ouverte, mais lui offrait l'opportunité de se confier, si d'aventure elle en ressentait le besoin. Dahlia la considéra pensivement, avant de répondre :
« Un échange donnant-donnant ? Pourquoi pas... »
Si cet accord pouvait lui permettre de découvrir le souvenir liant le Capitaine à ce fameux Jurgen, elle était prête à l'étudier. Malgré la honte qui l'emplissait encore, vis-à-vis de ses... actions passées avec ce colosse balafré, la curiosité de Dahlia primait sur le reste. Elle but une nouvelle gorgée d'hypocras, avant de se plonger dans le récit dévidé par Arthorias, le menton posé sur ses mains jointes, et le regard brillant d'une concentration pétillante d'intérêt.
Les mots du Capitaine eurent tôt fait de la plonger dans le décor rude et glacial qu'il retraçait, la faisant presque frissonner, et Dahlia fut bientôt transportée, autant que révoltée, par l'histoire qui se révélait peu à peu à elle. Comment pouvait-on être aussi inhumain avec ses hommes ? Cela lui rappelait les méthodes à l'implacable cruauté de certains de ses instructeurs, à l'Académie militaire, mais poussées à leur paroxysme.
Ce fut toutefois la conclusion du récit qui la saisit le plus. Un départ sans aurevoir... ? Des souvenirs de cette journée, sur la plage, déferlèrent dans son esprit, à cette évocation, dans une douloureuse réminiscence. Il s'agissait justement de ce qu'elle avait infligé à Astrid, ce jour-là, lorsqu'elle avait appris ce qu'elle n'aurait jamais voulu apprendre. Avait-elle seulement pensé à ce que la citoyenne avait pu ressentir ? Non, Dahlia avait été bien trop égoïste pour cela. Elle déglutit, avant de laisser filer un soupir consterné.
« Woaw... Je ne peux que comprendre comment il a autant pu vous marquer. Amener ses hommes à se surpasser est une chose, les faire souffrir inutilement et cruellement en est une autre. C'est tout bonnement indigne d'un supérieur. »
Un instant de silence plana entre eux, tandis que Dahlia réfléchissait à la suite. C'était en effet, normalement, à présent à son tour de se confier. Allait-elle éluder la question de ses problèmes et trouver un autre sujet, ou accepter de s'en ouvrir ? Un regard vers le Capitaine lui fit arrêter sa décision. N'était-ce pas en lui parlant de choses plus privées qu'ils allaient véritablement commencer à apprendre à se connaître ?
« Vous parliez de départ sans aurevoir... » Commença-t-elle, sa voix s'éteignant dans un silence coupable.
« Je crois que cela pourrait en effet m'aider, de vous confier ce que j'ai présentement sur le coeur. Et je vous... je te remercie d'être là, Arthorias. » Le vouvoiement n'était plus de mise, à présent. « Ce que je vais te dévoiler est un secret, en revanche, et ne doit surtout pas s'ébruiter. »
Dahlia avait toutefois entièrement confiance en la discrétion du Capitaine, dont le rôle était tout de même de protéger les affaires palatiales. L'un de ses doigts agrippa subitement l'une des mèches de sa chevelure, et commença à s'y entortiller, sous la nervosité qui l'étreignait. Puis, enfin, les mots daignèrent franchir la barrière de ses lèvres.
« Il s'agit... d'une personne de ma famille, qui a refait surface dans ma vie. Je la croyais morte, jusqu'alors, mais il faut croire que la magie réserve bien des surprises. » Le coeur de Dahlia se mit à battre la chamade. Comment allait-elle pouvoir le lui dire ? « Cette personne... » Sa voix dépérit, jusqu'à ne devenir qu'un murmure, uniquement audible d'Arthorias. « Elle a affronté un Fenrir, autrefois. »
Dahlia marqua une pause, pour permettre à Arthorias d'intégrer cette information. Après tout, ce n'était pas tous les jours que l'on apprenait que l'ancien Commandant de la Garde Royale, Edmond Delancy, était encore de ce monde.
« Je sais que cela peut paraître totalement inconcevable... Mais c'est pourtant vrai. Et l'on peut dire que sa nouvelle identité n'a absolument rien à voir avec la première. » Cette simple pensée lui vola un demi-sourire, malgré elle, qui s'estompa toutefois très rapidement. Son regard redevint plus grave, avant de se détourner et fuir dans un recoin de l'alcôve. « Mais ce n'est pas le pire... »
« Vous avez fait votre choix, en ce qui concerne les plats ? »
La voix de la serveuse, qui venait de se représenter à l'orée de leur table, sans crier gare, fit sursauter Dahlia. Reprenant tant bien que mal contenance, elle adressa sa commande à celle-ci, choisissant de partir sur du Coq de Léral au vin, et attendit qu'Arthorias fit de même. Puis elle reprit, d'une voix légèrement fébrile qui faisait écho à son regard au trouble profond, une fois la demoiselle de salle repartie au loin :
« As-tu déjà connu et ressenti... Une honte immense ? »
Bien qu'elle lui paraisse ridicule, son histoire n'en était pas moins vrai, et ce ne fut qu'une fois totalement racontée qu'il reprit ses esprits et la conscience du lieu ou il se trouvait, ainsi que les jolis yeux de Dahlia en face de lui.
Sans la pousser à tout prix à raconter son histoire, il devait tout de même avouer qu'une certaine curiosité le piquait. Cette jeune femme avait fait face seule à un béhémot, et avait tenue la ligne sans fléchir. Qu'est ce qui pouvait l'avoir mis dans un état tel qu'elle n'avait put retenir ses larmes ?
Cela aurait été un de ses soldats, Arthorias aurait trouvé milles et unes raisons pour tout cette histoire. Mais voilà... Dahlia était ce qu'on pouvait appeler une variable inconnue. Un soldat d'exception, avec un héritage conséquent. Elle aurait pu tout avoir mais avait choisit de commencer en bas de l'échelle...
Et si l'homme respectait ce choix, il n'en saisissait pas toute la portée. Delancy était un nom lourd à porter...
Et ainsi, quand elle avoua vouloir se mettre aussi à parler, l'officier but une grande gorgée avant de se concentrer pleinement sur l'histoire qui allait survenir. Une main sur l'autre, le menton posé sur ces dernières, ses prunelles se plongèrent dans celles de Dahlia alors qu'il tachait de ne pas perdre une miette de ce qui allait être dit.
Et si le passage au tutoiement lui occasionna une seconde de surprise, il l'accepta d'un hochement discret de la tête, considérant qu'ils en étaient de toute façon bien au delà...
-Tes secrets sont les miens Dahlia, si tel est ton souhaits, personne ne les entendra de ma part, je t'en fais le serment.
Et les serments de l'officiers étaient tels les murs qu'il défendait. Tant qu'il vivrait, personne ne pourrait ne serait-ce qu'espérer les briser. Ce fut sa seule incartade ou son regard froid revint, avant que le blond ne finisse par redevenir plutôt ordinaire. Un sourire aimable sur les lèvres alors que l'histoire commençait.
Chaque parole fut bue avec avidité et le déroulé des phrases ne cessait d'éveiller toujours plus de curiosité.
La mention d'une personne de sa famille disparue fut pour ainsi dire un premier pic d'adrénaline, car si une folle théorie se monta rapidement dans son esprit, son côté rationnel la chassa immédiatement, tachant de ne pas le faire céder à quelques frivolités.
Et à la mention de "Cette personne", le sang se mit à lui battre aux tempes, alors qu'un certains suspens s'installait.
Lorsque le Fenrir fut évoqué, Dahlia put voir les pupilles d'Arthorias s'élargirent alors que ses yeux s'écarquillaient, son sourire disparaissant d'un coup. Non pas pour retrouver sa froideur professionnelle. Mais pour afficher une expression de surprise comme personne n'en avait vu auparavant.
Edmond Delancy... Le vieux Delancy... encore de ce monde ? Une part de son esprit lui hurlait que c'était faux, mais l'estime que l'officier portait à la jeune femme lui indiquait le contraire. Dahlia n'était pas une menteuse et au vu de son trouble à son arrivée...
Manquant de s'étouffer avec sa salive, il prit le verre entre ses mains pour en soustraire une autre portion avant de le reposer.
L'officier était beaucoup de choses, mais certainement pas un homme habitué aux surprises de quelques sortes que ce soit, et Dahlia fut sans doute la première à lui faire perdre ses moyens et à voir Arthorias tel qu'il l'avait été avant de devenir officier.
-Pas le pire ?!
Il manqua presque de se lever tant le suspens montait, et ce ne fut qu'au prix d'un grand effort qu'il parvint à se contrôler, totalement sous le choc à cause de la révélation.
Le commandant... encore en vie.... Comment ? Pourquoi ?
Tant de questions se bousculaient, qu'il ne savait plus vraiment comment réagir, à tel point qu'il se mit nerveusement à jouer avec ses mèches, au point que lorsque qu'arriva la serveuse, il sursauta en défaisant sa queue de cheval, laissant sa longue crinière d'or rouler sur ses épaules sans s'en rendre compte.
De façon décousue, Arthorias commanda la même chose que Dahlia, bien incapable de penser à manger à un moment pareil. Et ce ne fut qu'après le départ de la serveuse qu'elle reprit son histoire... mais par une question cette fois. Ce qui força le soldat à sortir de son écoute attentive.
-Honte immense hein ? Mon divorce sans doute ? L'idée même d'avoir échoué à rendre quelqu'un heureux.
Même si ce n'était pas vraiment sa pire honte. Au bout d'un petit moment de silence, il fit sauter son dernier masque.
Serrant les poings pour se rappeler d'un souvenir plus douloureux encore, il fit lui même une confidence à Dahlia.
-Je vais être honnête avec toi... Ma pire honte à été celle de sonner la cloche des morts pour mes hommes... Quatre fois...
Et à vrai dire... je sens toujours une certaine culpabilité à chaque fois que je pense à eux...
Sa voix se fit légèrement plus grave alors que le souvenir de cette cérémonie tenue à huis clos il y avait de cela plusieurs lunes lui revenaient en mémoire, et sa main trouva celle de Dahlia en un geste qui se voulait réconfortant alors que ses yeux se plongeait dans le siens.
-La honte... même immense... N'est qu'un souvenir qui nous encourage à ne pas répéter nos erreurs. Ni plus, ni moins... J'ai honte de beaucoup de choses, mais à chaque fois, c'est cette dernière qui m'encourage à ne pas répéter tout ce que j'ai pu faire de mal.
Avoir honte, c'est avoir conscience de ce que l'on à fait.
Alors même si cela ne te soulagera pas, sache que tout le monde le ressent et que je ne suis pas la pour te juger, ce soir je suis là en ami
Dit il avec un nouveau sourire qui finit de briser son aspect strict et froid, révélant Arthorias et non le capitaine de la garde royale
Et Arthorias n'avait pas encore fini d'être surpris. À la question de Dahlia, il commença par avancer son divorce, ce qui fit naître une pointe de compassion en elle. Hélas, cela confortait la garde dans ce constat amer que les romances, même les plus belles à leur origine, se soldaient souvent par un échec. Était-ce là la finalité de l'amour, de se déchirer ou de s'étioler immanquablement ? La garde ne pouvait donner une réponse ferme à cette question. Tout ce qu'elle savait, c'était que s'engager dans un couple était prendre un risque, celui de finir dévasté tôt ou tard... La magie des débuts justifiait-elle d'endurer les larmes de la fin ? C'était là tout le pari d'une relation.
Mais finalement, Arthorias lui révéla que ce n'était pas là sa plus grande et indicible honte. Face à son aveu, la surprise figea les traits de Dahlia. Faire le deuil de ses hommes devait en effet faire partie des pires souffrances à endurer. La garde elle-même se sentait encore responsable des gardes qui étaient tombés au combat, à la tour de guet en ruine, plusieurs lunes auparavant lors de sa mission avec l'officier de Brumerive.
« Je peux tout à fait comprendre ce sentiment, malheureusement... »
Lorsque la douceur de la main d'Arthorias vint gagner la sienne, Dahlia ne put s'empêcher de se raidir, parcourue d'un frémissement d'étonnement. Elle ne s'était pas attendue à un tel geste de son supérieur, et ne cessait d'être impressionnée par cette humanité croissante qu'il dévoilait, ainsi dépouillé de son grade et de son armure orfévrée. Le discours qu'il lui livra ensuite, parachevé par le sourire affable dont il se fendit, finit de faire tomber les dernières pierres du rempart de sa froidure. À présent, il n'y avait plus aucune distance professionnelle entre eux, et Dahlia réalisait faire bel et bien face à un ami. Elle avait trouvé, sans même l'avoir véritablement cherché, le défaut dans sa cuirasse permettant d'atteindre l'homme qu'il était sous celle-ci.
« C'est une joie et un honneur, de te compter en tant qu'ami. Et je te remercie d'accueillir toutes ces révélations sans l'ombre d'un jugement, malgré leur caractère quelque peu... incongru. »
S'autorisant l'esquisse d'un sourire, Dahlia repensa alors aux dernières paroles du Capitaine.
« Si je voulais éviter de réitérer cette erreur que j'ai découvert avoir commise, et qui m'accable de tant de honte, je devrais... demander l'arbre généalogique de mes prochains amants. Sans omettre celui de leurs éventuelles existences antérieures. »
Une démarche qui risquait assurément de compromettre tous ses futurs plans drague, car celle-ci ne manquerait d'engendrer une flagrante circonspection chez ses interlocuteurs. Dahlia en était pourtant bien capable et y songeait sérieusement, traumatisée comme elle l'était.
« Car c'est malheureusement vrai... » Reprit-elle en baissant les yeux, un air immensément confus et fautif ancré sur son visage. C'était en effet le moment... Elle allait savoir si prononcer ce terrible péché pourrait véritablement amorcer sa guérison. « J'ai... » Dahlia se mordit la lèvre inférieure, pétrie d'hésitation. Sa main devint moite, et une goutte de sueur perla à son front. Puis les mots quittèrent enfin ses lèvres, de façon abrupte et sans détour, comme si elle arrachait un bandage : « J'ai couché avec la réincarnation de mon grand-père. Par erreur, le soir de notre première rencontre, alors que nous ne connaissions pas nos identités... » Son regard, éperdu de désespoir, osa croiser à nouveau celui d'Arthorias, alors qu'elle concluait : « Et je dois avouer que je ne sais pas comment continuer à vivre avec cette faute sur la conscience. »
Le Capitaine avait promis de ne point la juger... Y parviendrait-il ? Dahlia ne lui en tiendrait dans tous les cas pas rigueur, s'il enfreignait sa promesse, s'attendant déjà à ce qu'il quitte la table sans mot dire.
A force de côtoyer des soldats et des automates, Arthorias avait finit par devenir guère plus qu'une machine avec un haut niveau de responsabilités, chaque problème déclenchant une réponse calibrée, adaptée et qui satisferait tout le monde.
Une facette de sa vie qui avait finit par lentement écraser ce qui aurait pourtant du être primordial pour le jeune homme. Il avait fallut ressusciter un ancien commandant pour faire ressortir ce qui se noyait lentement en lui.
Dire que Dahlia avait réussit à faire en une soirée ce que tant avaient tenté en plusieurs lunes...
Mais là ou la série de révélation aurait suffit à rendre l'officier parfaitement humain, se posa un problème bien plus grave, du moins... du point de vue de la jeune femme. Et s'il n'était pas directement concerné par le soucis, il faisait de son mieux pour se mettre à sa place...
L'insinuation était subtile mais suffisante pour que le déclic se fasse de lui même.
-Oh.
Fut tout ce qu'il trouva à dire dans un premier temps, tachant lentement de recoller les pièces du puzzle dans son esprit. Et si Dahlia semblait souffrir de la situation... L'homme respecta sa promesse en ne pensant pas une fois à la juger.
Au lieu de quoi, il fit ce qu'il put pour la rassurer avec ses mots.
-C'est ainsi...
Laissant quelques instant de silence, il finit par reprendre, non sans la quitter des yeux ou interrompre leurs toucher qui se voulait réconfortant.
-Je veux dire, tu n'étais pas au courant, et comment deviner que le commandant Delancy, un vieux bonhomme était devenu une jeune femme... J'imagine le choc que cela à dut te faire...
Et même si dans certains cas l'ignorance n'excuse pas tout, ce cas précis devrait pourtant figurer comme une exception. Toi comme moi, nous savons que dans certaines situations... les actions les plus farfelues sont fruit d'une influence extérieure.
Arthorias hésitait à lui rappeler leurs propres nuit sous l'emprise de la drogue, un peu honteux de son propre comportement... Et tachant lui même de se convaincre ne pas avoir apprécié l'instant pour ce qu'il était.
Et finalement, après une nouvelle hésitation il finit décida de ne pas en rajouter sur le sujet pour le moment. Mieux valait garder cela pour un moment un peu moins tumultueux pour la jeune femme.
-Il faudra continuer à vivre, et je suis sur que cela s'arrangera Dahlia, pour ce que ça vaut, je te sais suffisamment forte pour surmonter cela. Une erreur additionnée à une nouvelle identité... Seule Lucy aurait pu vous prévenir et je crois que dame chance ne sourit pas tout les jours à qui le mériterait.
Alors même si c'est difficile de se le dire... Tu devrais sans doute accepter ce que tu as fait, et ne pas te torturer pour ça, personne n'efface le passé ainsi.
Pour lui, l'histoire de chaque individus était une ligne droite que l'on parcourait dans un sens et un seul, et jamais encore il n'avait pensé à gommer le moindre fait de cette ligne.
Recommandant un verre pour Dahlia, il le luit servit lui même avant de faire de même pour le sien.
-L'alcool ne te fera pas oublier, mais je t'offre au moins un verre comme remontant. Et si je ne peux pas vraiment savoir ce que tu ressens... Sache que ton image n'a nullement changée pour moi.
Tu restera une amie, erreur ou non.
Une déclaration qu'il ne se rappelait pas avoir déjà fait... Ses "amis" tentant bien trop souvent de le tuer.
-On fait tous des choses irréfléchies, ou malheureuses, certaines se révèlent être des choix qui porterons leurs fruits plus tard, d'autres de vrai erreurs.
Mais au final c'est ce qu'on en fait qui nous sert vraiment.
"Connaitre pour ne pas répéter", un ancien disait souvent ça au régiment, et je pense ne le comprendre que depuis peu.
Ses yeux étaient remplis de chaleur, l'homme hésitant presque à poser une main sur les cheveux de Dahlia, comme son père l'avait fait tant de fois quand les choses n'allaient pas
« Je n'étais pas au fait qu'elle avait été mon grand-père, en effet… Mais j'avais toutefois découvert qu'elle en était à sa seconde vie. Et qu'elle avait été un homme, antérieurement, ayant vécu environ 60 ans. » lui précisa-t-elle, désireuse de rétablir l'entière vérité.
À l'occasion d'un jeu « action ou vérité » qui avait été, sur le moment, particulièrement drôle, Dahlia était en effet parvenue à effeuiller certains des secrets d'Astrid. De cette soirée, elle avait conservé un heureux bien que cocasse souvenir... jusqu'à comprendre sa méprise.
« Je regrette de ne pas avoir poussé plus avant mon investigation avant d'avoir eu… autre chose en tête. »
Car, hélas, ils n'en étaient pas arrivés jusqu'à la révélation qui aurait pu lui permettre d'enrayer ce faux-pas. Dahlia avait été trop saoule avant, et avait subitement décidé de tenter une expérience inédite avec Astrid. Celle de conclure - pour la première fois de sa vie - avec une femme. D'expérience, qui plus est, ce qui avait alors attisé son intérêt. Le Capitaine savait à présent tout de ses penchants un tantinet gérontophiles, mais Dahlia n'était plus à ça près.
« Mais il aurait pu être n'importe qui, lors de sa première existence, n'est-ce pas ? Diantre, pourquoi a-t-il fallu que cela tombe sur mon ancêtre ? »
Arthorias avait raison... Une entité extérieure particulièrement retorse devait parfois se plaire à malmener les êtres qu'elle observait, et dont elle tirait les fils du destin. Mais il était fort probable que celle-ci n'avait alors cherché qu'à réunir un grand-père et sa petite-fille... Sans se douter que leurs retrouvailles allaient prendre un chemin si dévoyé. Par un déplorable concours de circonstances, Dahlia et Astrid avaient galvaudé la destinée qu'avait voulu leur ébaucher Lucy, dans sa grande magnanimité.
Dahlia était-elle suffisamment forte pour surmonter cela, comme Arthorias venait de l'affirmer ? Elle n'en était pas sûre, à vrai dire. En revanche, il était vrai qu'elle avait beau ressasser son incommensurable erreur jusqu'à ne presque plus en dormir, cela ne l'aidait pas le moins du monde à l'effacer. L'alcool, toutefois, pouvait permettre de l'en tenir éloignée... Et le Capitaine venait justement de lui offrir gracieusement un nouveau verre.
« Merci pour ton soutien indéfectible, Arthorias. L'alcool peut en effet offrir une aide précieuse, que je ne pense pas être en position de refuser. »
Sitôt leurs boissons resservies, Dahlia ne vit rien de mieux à faire que de boire sa coupe cul-sec, et de leur recommander une tournée. Alors que sa tête commençait déjà à tanguer, elle lâcha, d'une voix engourdie par l'alcool d'où perçait une colère rentrée.
« Je le déteste encore plus qu'auparavant. Pour avoir ruiné mon avenir professionnel, et aussi, à présent, pour avoir anéanti une amitié qui m'était chère. » avoua-t-elle, le cœur douloureusement serré.
Dahlia avait en effet revu Astrid à plusieurs reprises, après leur première soirée ensemble, et avait commencé à lier une amitié forte avec cette dernière, l'appréciant pour son éternel humour, et sa propension à se tirer de chaque mauvais pas avec une indolente facilité. Or à présent, leur lien était malheureusement compromis à jamais. Dahlia réalisa subitement que sa mention sur sa carrière professionnelle avait dû surprendre Arthorias. Elle ne lui en avait encore jamais parlé... Mais il était peut-être le moment.
« Tu ne le sais pas, Arthorias, mais... » La lueur honteuse de l'aveu s'alluma à nouveau dans les prunelles de Dahlia, tandis qu'elle plongeait son regard dans celui du Capitaine. « Je n'ai jamais voulu intégrer la Garde. J'y suis contre mon gré, car ma mère a menacé de me déshériter, à mes 12 ans, si je ne la rejoignais pas. » Leur dispute avait été particulièrement animée et véhémente, et c'était d'ailleurs lors de celle-ci qu'elle avait découvert son pouvoir. « Nous avons alors conclu un accord : si je parviens à être promue Capitaine, je pourrais choisir ma destinée. Jusque là, je suis forcée d'officier en tant que garde. »
Voilà, à présent, l'on pouvait dire que le Capitaine savait tout... Dahlia ne l'avait pas ménagé, en terme de confessions, mais cela lui permettait de ne plus dissimuler plus longtemps qui elle était réellement. La garde étant elle-même intriguée du parcours exemplaire de son ami, elle ne put s'empêcher de lui demander :
« Est-ce que ta propre carrière émérite résulte de ton choix ? »
La belle jeune femme ne cessait de pester contre le sort. Et Arthorias voulait bien lui accorder cela... Dame Lucy n'avait pas été tendre avec elle. D'un point de vue extérieur, ce qu'elle avait ne le choquait pas tant que cela. Bien sur ça impliquait beaucoup de choses, mais au vu des circonstances ? Difficile de lui en vouloir réellement.
Et quelque chose dans son esprit lui disait que la garde en bavait déjà assez. Non ce soir, il voulait essayer de la rassurer au mieux, même si le combat semblait perdu d'avance
-Je ne pense pas que l'alcool soit...
Mais trop tard... le verre était déjà vide, et le suivant arrivait rapidement, faisant craindre pour la jeune et son état mental. Mais avant qu'il n'ai put dire quoi que ce soit, une nouvelle suite de reproche fut fait à celui qu'il avait cru mort depuis quelques années. Des reproches qui le laissèrent bouche bée
Savoir tout ce qui c'était passé était certes acceptable, mais cette nouvelle révélation fut comme un coup de masse qui coupa toute envie de rire à Arthorias.
-Oh.
Ce fameux "oh" qu'il disait parfois quand la situation devenait hors de contrôle ou catastrophique... Dans le cas présent, c'était une révélation qui aurait ébranlé plus d'une personne.
Certes le poids du passé devait être lourd à porter... Mais à ce point ? L'officier n'imaginait pas que c'était aussi difficile.
Si la garde avait été une carrière qu'il avait appelé de ses vœux, ce n'était pas pour autant une vie qu'il souhaitait à tout le monde, car les contraintes de cette dernière étaient plus que réelle...
-Devenir capitaine pour être libérée en quelque sorte... Je ne vais pas te mentir... inutile de devenir capitaine dans ce cas... Non pas que tu ne serais pas un bon officier Dahlia, au contraire, s'il fallait signer pour te faire rentrer en tant que second dans la garde royale, je le ferais.
Mais ce n'est pas une vie pour quelqu'un comme toi. Lorsqu'on n'y met les pieds, on n'en ressort que rarement indemne. Alors si tu ne fais ça que pour être libérée...
Il secoua tristement la tête, comprenant le dilemme qui s'offrait à la jeune femme, et tenta d'ajouter un peu de substance à son dialogue, ouvrant les bras comme pour se présenter.
-Regarde moi, j'ai perdu ma femme, et sans doute tout sens des relations, tous les contacts humains que j'ai tenté de nouer se sont soldés par des échecs, je suis tombé amoureux d'une femme que j'ai recruté, puis d'une ministre...
Et tout ça pour rien, je me suis seulement enfermé dans mon travail pour m'empêcher de recommencer.
Il y a des chemins qu'il ne vaut mieux pas emprunter si tu tiens à ta liberté...
Et il fut presque navré de devoir lui répondre pour la suite. Certes sa carrière lui avait couté ses liens sociaux mais il l'avait choisis, et quasiment en pleine connaissance.
Sa promotion avait été inespérée, et si elle avait précipitée son déclin, elle l'avait en un sens permis de survivre au reste.
-Ma carrière à été fait de ma propre volonté. Certes, mes parents m'ont peut être aidés dans ce choix, mais jamais contre mon gré. La garde... C'est tout ce que je connais et que je ne connaitrais jamais.
Je finirais sans doute comme tout ces vétérans à la commission un jour, seul avec quelques médailles, c'est le lot de tous je le crains...
Alors envoyer Dahlia dans cette spirale, surement pas.
Sirotant son verre, il tacha de chasser la tristesse de son propre aveux. Lui même aspirant peut être plus qu'à être un bon officier. Et il finit même par l'avouer à voix basse.
-Si tu veux vivre autre chose que les patrouilles et le devoir... Rencontrer quelqu'un, n'essaye pas d'aller à la même place que moi....
Lors qu'un nouveau « Oh » s'échappa de la bouche d'Arthorias, Dahlia ne put s'empêcher de noter que cet air ébahi lui conférait un air à la fois comique et attendrissant. Même dans la surprise la plus totale, le Capitaine parvenait conserver un certain contrôle de lui même, et la garde se demanda s'il lui arrivait parfois de pousser des jurons ou autres exclamations fleuries. Le cas échéant, elle voulait voir ça, assurément.
Dahlia venait de s'offrir une nouvelle lampée de son breuvage lorsque le Capitaine lui annonça qu'il accueillerait son entrée dans la Garde royale sans l'ombre d'une hésitation. La surprise la saisit, si bien qu'elle manqua de s'étouffer, et toussota sous le couvert de sa main. N'imaginant pas un seul instant avoir les qualités requises pour officier dans cette élite, elle était plus qu'étonnée et touchée de l'estime que semblait lui porter Arthorias. Il était toutefois vrai que, lors de ses missions avec le Capitaine, Dahlia avait mis un point d'honneur à donner le meilleur d'elle même, et à se surpasser. Pour sauver les apparences mais surtout... pour ne pas le décevoir.
Puis, lorsqu'il lui retraça ses échecs, elle fut soufflée par l'étonnement, autant que peinée pour son ami. Sacrifier ses relations sociales était-il le prix à payer, pour arriver là où il était parvenu ? Telle était en effet la teneur de son aveu... Et cela marqua profondément Dahlia.
« Tu veux dire que... il est impossible et vain de concilier ce choix de carrière avec une vie privée et sentimentale ? » répéta-t-elle, avant de laisser planer un silence abasourdi.
Dahlia ne parvenait à le croire... et le refusait, même. Car, bientôt, des exemples émergèrent dans son esprit, bien résolu à réfuter cet état de fait bien trop malheureux.
« Pourtant, cela doit bien être faisable... Regarde, prenons le cas de mon maudit grand-père, par exemple. Même en tant que Commandant de la Garde royale, il a été marié de nombreuses années... Et ma grand-mère devait être heureuse, à ses côtés, car elle n'a jamais affirmé le contraire. »
Bien entendu, Haydée n'était jamais entrée dans les détails de sa vie de couple avec sa petite-fille, mais Dahlia avait tout de même pu entrevoir qu'un lien fort les avait unis.. C'était en tout cas ce dont elle voulait se convaincre, pour ne pas souffrir d'une autre désillusion.
« Et puis regarde, récemment... L'on a bien appris que le Capitaine du Régiment Sud s'autorise quelques distractions... lors de ses passages au Palais royal. Sûrement les prémices d'une relation en devenir, si tu veux mon avis. »
La rumeur bruissait en effet dans la Capitale, depuis quelques temps, sur les folies potentiellement commises entre le Capitaine Al Rakija et la Trésorière royale. Aussi, malgré le caractère folâtre de ce dernier, Dahlia pouvait déduire que ça ne devait pas être si insurmontable que cela, de concilier négociation de bilans financiers et un autre type de... pourparlers.
« Et nous-même, nous avons trouvé le temps de prendre quelques... libertés, lors de notre dernière mission, sans que cela ne vienne compromettre celle-ci. »
Pourquoi avait-elle pris cet exemple ? Et pourquoi ce dernier avait-il eu le malheur de s'immiscer à nouveau dans son esprit ? Le faciès de Dahlia devint encore plus empourpré qu'il ne l'était, et elle balbutia, éminemment confuse.
« De façon purement accidentelle, b-bien sûr. Tout ça à c-cause des effets de cette drogue à laquelle nous n'aurions pas dû goûter... Mais heureusement, cela ne nous a pas porté préjudice. Ce fut même plutôt... agréable. »
Agréable ? Décidemment, il fallait vraiment que Dahlia arrête de boire. Mais l'alcool était son seul et unique allié, pour pallier cette gêne qui la gagnait, à présent. Elle s'empressa donc de porter à nouveau à ses lèvres son breuvage, dans une levée de coude quelque peu désespérée.
La question de Dahlia était légitime, mais malheureusement, l'officier n'avait pas de réponses nettes à lui donner. Pour lui cela ne semblait pas marcher, pour le commandant Delancy, oui.
Peut être le problème ne venait pas de la fonction, mais de l'homme qui l'occupait. Et Arthorias n'hésita pas une seconde pour lui révéler ses propres doutes.
-Pour ta famille cela à été le cas, mais je ne sais pas quel miracle est venu les aider. Ou peut être est ce simplement moi qui ne suit pas fait pour cela... Je ne sais vraiment pas...
Fit il avec une moue triste avant de vider son propre verre, plus par dépit que par envie
Les rumeurs sur Yuduar le faisaient rire. Il ne connaissait pas vraiment l'officier en charge du sud, mais ce dernier, fidèle à son caractère n'en faisait pas grand cas. Arthorias le voyait comme un homme parfaitement en phase avec son régiment, et si ses nombreuses frasques étaient remontées jusqu'à lui, il se voyait mal en dire quoi que ce soit.
Capitaine d'expérience, l'officier royale voyait mal ce que les dires d'un homme en poste depuis à peine plus d'un an aurait à dire. Il eut un petit rire néanmoins.
-C'est ce qui ce dit, et j'aurai tendance à penser que c'est la vérité. Et s'il à décidé de refaire sa vie, je lui souhaite tout le bonheur possible, ce n'est pas comme s'il ne le méritait pas.
Et il se voulait honnête sur ce point. La légende prétendais que chaque régiment se livraient une petite guère entre eux, mais en vérités ou du moins, à ce qu'en pensais Arthorias, tout le monde faisait de son mieux pour le bien du royaume.
Même si ce soir, le bien du royaume était sa dernière préoccupation.
Et quand Dahlia aborda leurs propres soirée mouvementée, il manqua presque de s'étouffer avec son verre.
-C'est un sujet... que je ne pensais pas te voir aborder ainsi
Dit il en rougissant vivement, les souvenirs de la soirée n'attendant qu'une petite invitation pour refaire surface. A croire que cette simple étreinte avait suffit à retourner l'officier, et ce bien plus qu'il ne le laissait voir.
Il avait un peu honte de lui, une partie de lui disait qu'il avait lâchement profité de la situation, alors qu'une autre lui rappelait ses propres paroles sur les actes et leurs circonstances.
Un verre plus tard, il finit par tousser pour s'éclaircir la gorge.
-Accidentelle et à cause de la drogue oui.
Un long blanc s'installa, alors qu'une phrase ne cessait de se répéter dans son esprit, tournant jusqu'à ce qu'il ne finisse par accepter de la dire. Autant poussé par l'alcool que la raison.
-Plus qu'agréable je dirais, même si ce n'était pas... nous... j'avoue avec un peu de culpabilité ne pas regretter...
Voilà qui amorçait une première étape pour lui même. L'homme regrettait beaucoup de choses, mais cela... étrangement non.
Ce souvenir avait un gout d'interdit et de pure liberté.
-Tout c'est bien passé pour la mission, et je dois avouer, avec un peu de culpabilité en être ressorti avec un sourire que je n'aurai pas pensé avoir au départ....
Dit il en baissant la tête un peu honteusement
Chassant cette métaphore de son esprit, elle se recentra sur les dires du Capitaine. Il semblait connaître d'assez près Yuduar, et souhaitait son bonheur dans sa reconstruction. Il était vrai que le Capitaine du Sud avait déjà connu un premier mariage à la fin malheureuse... Dahlia songea qu'après tout, l'on avait bien le droit à plusieurs tentatives - et ce, quel que soit leur nombre. Le plus important, dans un échec, comme l'avait dit précédemment Arthorias, n'était-il pas d'en tirer un maximum de leçons, afin de ne pas reproduire les mêmes erreurs ?
Puis la gêne d'Arthorias éclata, en miroir à celle qui envahissait présentement la garde, suite à ses dernières paroles évoquant leur nuit ensemble. Il répéta les causes de celle-ci, comme pour s'en convaincre – tout comme Dahlia, qui avait elle-même cherché à s'en persuader - puis un silence tissé de malaise se déploya entre eux. Durant celui-ci, Dahlia recommença à jouer avec ses mèches de givre, et faillit même se coincer un doigt dans le nœud inextricable qu'elle avait formé avec celles-ci.
Puis la voix du Capitaine résonna à nouveau, et le cœur de la garde rata un battement. Il ne regrettait pas cet épisode ? Dahlia non plus, quand elle y réfléchissait, à vrai dire... Elle n'était pas du genre à regretter ses actes passés, quels qu'ils soient. Enfin, hormis celui impliquant son grand-père, car beaucoup trop douloureux et honteux. Mais concernant son aventure avec Arthorias, celle-ci avait aussi courte que plaisante, tel un feu d'artifice dont on profite de tous les éclats, avant que ceux-ci ne meurent à jamais. S'il y avait une chose qu'elle regrettait, toutefois, c'était peut-être...
« Je n'ai pas de regret non plus... Si ce n'est, peut-être, que je trouve un peu dommage que ce fut avec Jurgen. »
Ce constat était sorti sans crier gare, Dahlia ayant réfléchi à voix haute, et énoncé le fond de sa pensée en oubliant d'étudier sa portée au préalable. L'écarlate investissant à présent chaque parcelle de son visage, elle reprit, de façon précipitée et malaisée :
« Je veux dire... Il n'était pas spécialement mon genre, physiquement parlant. Un peu trop massif... J'ai toujours préféré les carrures plus minces. » Jurgen était en effet un véritable colosse, dont la puissance avait heureusement été contrebalancée par cette douceur dont savait faire preuve Arthorias. Mais autant dire que le physique du Capitaine était quant à lui beaucoup plus proche de ses préférences. « Et puis, il n'avait pas ce regard vairon particulièrement... attrayant. »
Dahlia trouvait en effet que les deux pierres dépariées du regard Arthorias offraient une dissonance particulièrement captivante. Par ailleurs, elles semblaient toujours investies d'une quiétude apaisante, à l'image de l'attitude du Capitaine. Avant que Dahlia n'ait le temps d'ajouter quoi que ce soit, la serveuse vint leur apporter leurs plats : deux coqs de Léral au vin, qui dégageaient un fort appétissant fumet, présageant du bouquet de leurs savoureuses saveurs.
Dahlia attrapa sa fourchette et enfourna une première bouchée. Sa gorge comme son estomac s'étaient quelque peu dénoués, suite à sa récente discussion avec Arthorias, qui lui avait apporté un réconfort revigorant, la rendant encline à profiter de ce repas. Bien sûr, sa bourde liée à son grand-père continuait d'étendre un léger voile de morosité au-dessus de son moral, car elle ne pouvait totalement l'oublier... Mais la garde devait apprendre à vivre avec, à présent.
« Je me demandais... Quelles étaient les raisons de ton divorce ? Enfin, tu n'es pas obligé de me répondre de façon détaillée, bien sûr. Désolée si je suis trop indiscrète... Ce serait juste pour mieux comprendre et pouvoir t'aider, si tu souhaites en parler. »
Arthorias avait précédemment évoqué l'impact de son travail sur ses relations, mais était-ce la véritable cause à blâmer ?
La situation se faisait aussi pesante que la gorge d'Arthorias se serrait. Comme souvent, ses mots avaient dépassés la barrière de morale de ses pensées. Du moins c'était encore à cause de l'alcool. Un jour, on lui avait dit qu'aucune grande histoire ne commençait avec un verre d'eau. Et s'il en doutait fortement, c'était bien ce dernier qui avait délié sa langue.
Ainsi l'attente lui parut tout une vie, alors que les yeux de la jeune femme se plongeaient dans les siens. Le sang lui battant aux tempes, il tacha de prendre une nouvelle gorgée sans s'étouffer se reprochant lui même son comportement presque adolescent.
La suite cela dit, le prit encore plus au dépourvu, et il ne sut comment répondre dans un premier temps, le silence étranglé se muant en stupeur.
Cette sensation n'était pas que réciproque et là ou la volonté du blond le retenait enchainé tout désirs supplémentaires, l'inverse ne semblait pas aussi vrai.
-Pas avec Jurgen ?
Aussi stupide que cette question fut, ce fut tout ce que son esprit embrouillé parvint à produire. Avant que les même chaines qui retenaient tout le reste ne se détendent à mesure que Dahlia s'exprimait le faisant lentement, mais surement rougir d'embarras.
Lucy en soit témoins, s'il avait eut son casque il l'aurait mis sans hésiter pour cacher toutes ces émotions conflictuelles qui apparaissaient successivement sur son visage
-J'étais pourtant persuadé que...
Une sincère surprise s'affichait sur son visage, l'homme ayant toujours observé bien des dames préférer ce genre de brutes au crane épais et à la musculature saillante. Une caractéristique communes à bien des aventuriers et certains gardes et qui n'avait jamais vraiment convenu à l'officier.
Secouant la tête en tachant de recouvrer ses esprits, il ne fit que tout mélanger et finit par devoir au moins répondre à tout ça.
-A vrai dire...
Mais sa propre déclaration fut interrompue par le coq de léral. Et si la belle garde semblait disposée à manger, lui dut faire de gros efforts tant son estomac c'était contracté en signe de stress. Et bien que le gout fut exquis, cela ne suffit pas à lui redonner l'appétit.
S'il avait été aussi froid et placide qu'on le disait, il se serait fendu d'une politesse froide, mais au lieu de ça, il parvint à produire quelque chose qui se rapprocha d'un vrai compliment.
-Le mauve te vas à ravir et j'avoue avoir toujours eu du mal à décrocher mes yeux des tiens
Une caractéristique qui n'avait pas échappé à l'officier lors de leurs première rencontre et ce malgré toute sa réserve. Autant dire que dans son état, il lui fallut un réel effort de volonté pour s'y arracher, retrouvant son assiette et toute sa difficulté à avaler quelque chose.
Et quand il fut mis le divorce sur la table, Arthorias eut presque un soupir avant de répondre.
-Au point ou nous en somme, je ne vois pas de raisons de te le cacher. Tu as déjà entendu parler de la cité enfouie ? Nous y avons fait une expédition avec une collègue et mon ex-femme.
Elle tenait à nous accompagner et... elle n'est pas ressortie pareille... Je ne saurais pas te dire ce qu'elle à vu que je n'ai pas vu, mais une fois de retour à la vie normale, elle était instable...
Jouant avec un os décortiqué à l'aide de son couteau, son regard vacillait doucement à mesure que les souvenirs remontaient, se reformant lentement en quelque chose de racontable.
-Volatile, elle en devenait presque violente, et mon absence n'a pas aidé. Et un beau jour... ça à éclaté... C'était quelqu'un d'adorable avant tout ça. Mais la cité l'a changée en quelqu'un que je ne reconnaissait plus.
Je crois bien qu'elle aurai bien finit par essayer de s'en prendre à moi au bout d'un temps.
Nous avons préféré arrêté avant que tout ne dégénère.
Au fil de son histoire, il finit par recouvrer un peu d'appétit et parvint à terminer son coq avant de cette foi, afficher une mine triste à l'évocation de ces souvenirs.
-Peut être que si j'avais été là, ça ne serait pas arrivé, dans tout les cas, je sais pertinemment que je ne peux qu'aller de l'avant, j'ai bon espoir d'avoir mit tout ça derrière moi.
Jamais je n'aurai pu t'avouer tout ça auparavant, peut être que notre histoire commune aide un peu, et je dois avouer... que je me sens plus en confiance quand tu es là.
Il fit de son mieux pour rattacher ses cheveux rendus anarchiques par les émotions. Entre les déclarations respectives et les histoires des deux... il se sentait presque à bout de souffle.
-Je doit te confesser regretter une chose également pour cette soirée.
Dit il en sentant ses joue à nouveau s'empourprer, laissant planer un certains silence
La garde fut elle-même ébranlée, lors qu'il la gratifia à son tour d'un compliment. Et si elle ne pouvait pas nier qu'elle en recevait elle-même fréquemment – étant jeune, célibataire et plutôt bien constituée – il lui fallait avouer que celui qui venait d'émaner du Capitaine eut un impact inattendu sur elle. Comme si elle accordait un crédit particulier à tout ce qu'il pouvait penser à son égard.
« M-merci. » Elle s'efforça de ne pas détourner les yeux, malgré la gêne qui croissait en elle. « C'est une couleur assez inhabituelle, c'est sûrement pour ça. »
Et voilà qu'elle rougissait de nouveau. Quelle maladie l'avait piquée, au juste ? Dahlia commençait à sentir que la situation lui échappait, ainsi que les émotions qu'elle gardait enfouies en elle. Pourtant, elle s'était toujours évertuée à de jamais tomber naïvement dans ces affres sentimentaux, gardant une certaine distance avec ses plans drague, depuis un certain temps. Mais elle sentait qu'ici, face à la douceur d'Arthorias, elle allait avoir du mal à rester entièrement maître d'elle-même.
Lorsqu'il accepta de lui parler des circonstances de son divorce, elle l'écouta d'une oreille attentive. Dahlia avait déjà entendu parler de la Cité Enfouie, bien que cela restait de vagues échos parvenus à ses oreilles. Ce qu'elle apprit de la part du Capitaine ne manqua de lui givrer l'échine d'un frisson d'effroi. Son ex-femme semblait avoir été victime d'une sorte de malédiction proprement terrifiante. Avaient-ils trouvé un moyen de la conjurer ? La garde l'espérait de tout cœur.
« Je te remercie pour ta sincérité. Cette histoire a dû en effet être particulièrement éprouvante, pour vous deux. J'espère que ton ex-femme s'en est remise... As-tu reçu de ses nouvelles, depuis ? »
Il était en effet courant de garder contact avec ses anciennes relations, dans le climat apaisé et amical qui pouvait succéder à leur déclin. Dans tous les cas, Dahlia constatait que chacun avait son ou ses propres fardeaux à porter... Pouvoir s'en ouvrir offrait souvent un réconfort précieux, et elle espérait de tout cœur que cette révélation entachant son passé avait pu aider Arthorias. Elle gageait que le regret et la culpabilité devaient encore être présents en lui, et que les avoir fait resurgir avait dû lui demander un notable effort. Elle n'insista donc pas plus sur ce sujet. L'ébauche de confession du Capitaine qui s'ensuivit alors l'interpella.
« Un... regret, à propos de cette soirée, dis-tu ? De quoi veux-tu parler... ? »
La circonspection la gagna, puis ce fut l'appréhension qui ne manqua de l'enserrer. La dernière fois qu'on lui avait fait une confession, celle-ci avait provoqué un véritable déluge en elle, et elle craignait en son for intérieur que cela ne se reproduise.
Refaire surgir cette histoire n'avait en effet rien de joyeux et s'il clamait l'avoir depuis longtemps laissée derrière, elle laissait toujours des marques. Pas ces blessures aussi noires que profondes qui changeaient un homme à jamais. Simplement de vieilles cicatrices qui lançaient toujours quand on appuyait un peu trop dessus. Et à la question de la belle garde, Arthorias ne put répondre que par un mouvement de tête silencieux
Ils c'étaient recroisés, parfois, par hasard. Mais jamais cela n'avait bien terminé. Le démon de Rebecca était bien trop fort, même pour celui qu'on disait être l'immortel Maître du Guet...
Mais au final, mieux valait chasser cela des pensées de tout le monde. Dahlia avait déjà d'autres soucis, et l'homme ne tenait pas à ajouter les siens à sa vie.
Et elle sembla le comprendre car elle renonça d'elle même à la discussion.
Et quand il fut question de son regret... Il laissa planer un silence alors que sa langue passait presque nerveusement sur ses lèvres comme s'il ne savait trop comment aborder le sujet.
-En fait... nous avons fait certes beaucoup de choses sous nos apparences d'emprunt mais... s'il y a bien quelque chose qui me tente depuis lors, c'est... !
Et alors qu'il trouvait enfin un peu de courage, pour avouer quelque chose de presque honteux, un bruit soudain interrompit la requête, alors qu'un client sursautait en renversant son verre à la vue de la créature qui était entrée comme si de rien n'était.
Arborant fièrement le signe de la garde royale, le loup géant trotta vers son maitre, ses yeux remplis d'une certaine intelligence alors qu'il se plantait devant le duo insolite, Arthorias ayant par réflexe saisit la main de Dahlia pour appuyer ses propos.
*Chose ronde dans le bureau bouger *
Prit de court, l'officier eut une expression de surprise alors que s'engageait une discussion muette avec son familier, l'imposant loup de guerre dépassant en taille certains clients qui regardaient le noble animal avec une expression de crainte mélangée avec un peu de curiosité.
L'emblème accroché à son harnais indiquant clairement que c'était un familier domestiqué.
-Il bouge ? Vraiment ? Depuis le temps ?
*Chose oeuf nerveuse, bouge vite, Yuna garde un oeil*
Lâchant la main de la jeune femme, Arthorias se leva, déposant la somme correspondante, même un peu plus sur la table avant de la tendre à nouveau à l'héritière des Delancy.
-Une affaire très urgente m'appelle mais... nullement professionnelle...
Que dirais-tu de m'accompagner ? C'est un imprévu mais, je pense que ça vaudra le coup d'œil et nous aurons tout le loisir de reparler de tout ça un fois l'affaire réglée et... je n'ai pas vraiment envie de reporter nos discussions une fois de plus
Il était quelque peu vague, mais une certaine inquiétude se lisait sur son visage. L'imposant loup fixa Dahlia, penchant la tête sur le côté, bien que sa truffe soit au niveau du visage de la jeune femme assise, il ne montra pas le moindre signe de menace, et ses oreilles étaient tournées vers elle, en signe de curiosité
*Dame venir ? Dame sent bon*
-Tu ne l'a jamais vu, mais voici Yio, un de mes familiers, malgré sa taille, c'est presque une peluche
*Maitre pas gentil, Yio féroce !*
Main tendue, et regard plongé dans le sien, il n'attendait que sa réponse pour l'emmener... un peu plus loin dans leurs découvertes respectives
Les secondes qui s'ensuivirent s'écoulèrent avec une interminable lenteur, puis de premiers mots jaillirent des lèvres du Capitaine. Mais alors que la partie la plus capitale de la confession qu'il était entrain de déclamer se révélait... Une créature s'engouffra dans l'auberge, provoquant l'effet d'une bourrasque sur son passage. L'un des clients renversa même le contenu de son potage, dans un sursaut impromptu. Atteignant plus d'un mètre au garrot, le Warg noir qui venait d'entrer vint se poster... juste devant leur table, en tournant son museau en direction d'Arthorias avec lequel il sembla alors entretenir un échange télépathique. Dahlia, quant à elle, demeura coite, les yeux écarquillés sous la stupeur qui venait de la figer, peinant à prendre la mesure de ce qui venait de survenir.
Puis Arthorias se releva en hâte, saisi d'un état d'alarme. Manifestement, il semblait que quelque chose venait de tourner au vinaigre. Et, à en juger par l'insigne de la Garde qu'arborait le familier, cela avait sûrement trait aux affaires professionnelles du Capitaine. Leur soirée ensemble était donc, semblait-il, sur le point de se conclure, le devoir appelant son ami...
Mais lorsqu'il s'adressa de nouveau à elle, il dissipa sa crainte en écartant l'hypothèse d'un contretemps lié à son travail. Il lui proposait même... de l'accompagner ? Les yeux de Dahlia alternèrent entre Arthorias et le warg. Elle se trouvait si proche du familier qu'elle pouvait percevoir le souffle s'échappant de ses naseaux, la faisant blanchir de peur. Pourtant, le corps massif du loup géant ne semblait animé d'aucune animosité, sa cage thoracique enflant sereinement au rythme de ses inspirations régulières.
« Ravie de faire sa connaissance. » souffla-t-elle à mi-voix, sans détourner ses yeux du prénommé Yio. « Presque une... peluche, hein... ? »
Il n'y avait plus qu'à espérer qu'Arthorias ne lui relatait pas des salades. Comme pour s'en convaincre, Dahlia avança sa main avec une extrême lenteur vers Yio, puis, après avoir noté qu'il ne reculait pas, vint lui flatter l'échine d'un geste affectueux, ses doigts glissant dans sa fourrure d'ébène. Elle reporta finalement son regard vers Arthorias, tout en attrapant sa main tendue.
« Je te suis. » lui répondit-elle sobrement, non sans l'once d'un sourire, avant de se lever à son tour. « Merci pour le repas. »
Si elle pouvait lui être d'une quelconque aide... Dahlia était en tout cas encline à l'épauler, pour la suite de leur soirée qui s'annonçait encore riche en surprises. Il n'y avait pas de tapis volant, au moins, au programme ? Elle aurait peut-être dû s'en assurer.
A peine terminé, le repas se transforma en marche rapide, le duo quittant la chaleur du restaurant pour la fraicheur des rues. Le loup géant les suivait à la trace, restant derrière Dahlia, sa queue battant de joie à l'idée de faire un peu d'exercice.
Le chemin pour l'île citadelle fut court, car l'officier ne ménageait pas son rythme, quelque peu inquiet d'arriver trop tard. Et bien rapidement, le dédale des rues faisant assez vite place au lac calme qui composait le centre de la capitale.
Si le palais était éclairée de façon grandiose, l'île forteresse de la garde royale était bien plus sobre. Quelques lanternes magiques éclairant sobrement les entrée, les remparts étant laissés sombre. Et ce n'était que dans le clair de lune qu'on distinguait des silhouettes sur les murs, patrouillant avec le regard porté vers les alentours.
Si le palais ne dormait jamais vraiment, il en allait de même pour la caserne.
Empruntant l'un des deux ponts qui y menaient, Arthorias avisa la sentinelle qui les vit approcher de loin, cette dernière se mettant au garde à vous en voyant son capitaine passer accompagné.
-Désolé de te presser ainsi Dahlia, mais j'ai peur d'arriver trop tard
Le doute était laissé sur ce qu'il aurait pu rater. Mais elle découvrirait bientôt toute la source de cette agitation. Le blond la fit passer au travers de nombreuses salles du bastions, toutes décorée du blason d'or de la garde. Peu peuplé à cette heure, ils ne croisèrent personne dans les salles, que ce soit le réfectoire ou les salles d'armes.
Même les forges étaient froide, bien qu'une chaleur rémanente n'émane encore des foyers. Une volée de marche plus tard, il gagnèrent en altitude, jusqu'à arriver dans les hauteurs du donjon principal ou se tenaient les appartements de l'officier.
Un golem en faction s'activa à son approche, l'armure s'animant par la proximité du soldat, observant Dahlia de son regard vide.
-Pour l'introduction rapide, voilà ou je vis
Dit il avant de lui ouvrir la porte, révélant un simple bureau décoré à l'aide d'étendard et de râteliers ou un massif bureau occupait la majeur partie de la pièce.
Cette dernière sentait le vieux bois et le léger parfum de l'huile pour armure. Quelques une d'entres elles ornaient les présentoirs, différentes par leurs styles, certaines n'ayant rien en commun avec l'officielle du Maitre du guet.
L'une d'entre elle était sombre, ses plaques éraflées et ses revêtement en tissus élimés, et malgré son usure, elle trônait aussi fièrement que l'armure de solarite qui irradiait doucement d'une très légère lueur .
Mais l'important n'était pas là, et Arthorias l'emmena plus loin, vers une porte qui aurait pu passer inaperçue, située entre deux grosses armoires et à moitié recouverte par une broderie.
Cette dernière les mena dans un vestibule bien plus vaste.
-Enfin c'était mon bureau, mes quartiers sont un peu plus vastes
Dit il avec le sourire en s'avançant dans cette entrée qu'un plafond de verre éclairait largement. Plusieurs portes closes bordaient la salle, mais une en particulière était restée ouverte et comme en réponse à cette soudaine attention, une immense forme blanche en sortit.
Un warg blanc s'avançant lentement en reconnaissant son maitre, mais se mettant à grogner à la vue de l'étrangère. L'odeur de Dahlia n'était pas connu du prédateur Alpha, et alors qu'il commençait à s'avancer, un simple claquement de doigt d'Arthorias suffit à le faire se coucher les oreilles basses.
-Et voici Yuna, un peu moins accueillante que Yio j'en conviens, mais une fois qu'elle te connaitra... tu risque d'avoir fort à faire pour t'en débarrasser.
Prenant la jeune femme par la main il la fit passer à côté du warg blanc qui les suivit, rapidement suivit du noir.
Pénétrant dans une pièce presque trop chauffée, ils trouvèrent un petit œuf de couleur ambre qui remuait doucement. Un petit cristal lui fournissait une faible lumière, rendant la pièce tamisée.
Arthorias avait reçu cet œuf il y avait quelques temps, un cadeau d'un noble dont il avait oublié le nom, mais qui n'avait cessé de vanter ce petit oeuf.
-Voilà la source de l'agitation Dahl'... Cet oeuf trône ici depuis bien longtemps, et il n'avait encore jamais bougé, mes wargs veillaient dessus depuis quelques temps déjà
Et alors que tout le monde était fixé sur l'oeuf, l'immense warg s'approcha de la jeune femme, sa truffe se baladant sur sa main avant de de descendre, l'animal étant quasiment aussi grand qu'elle. Et après une inspection olfactive sommaire , l'énorme loup passa la tête sous ladite main à la recherche d'une caresse
Yio fit de même avec l'autre main, les deux familiers sentant visiblement que quelque chose se tissait entre leurs maitre et la demoiselle.
Avec un sourire, l'homme vit le spectacle avant de se mettre à rire
-Ah... te voilà piégée maintenant
« Ne t'inquiète pas pour le rythme, l'urgence prime et j'espère que le temps que tu m'as consacré ce soir ne te portera pas préjudice. »
Lorsqu'ils atteignirent le pied des contreforts de l'île forteresse de la Garde royale, Dahlia se remémora fugacement la dernière fois qu'elle s'y était rendue... Un peu par le coup du destin, à l'occasion de leur affrontement avec ce Kerberus Alpha, plusieurs lunes auparavant. La garde n'y était jamais retournée depuis, et surtout, n'avait jamais pénétré à l'intérieur de l'enceinte de la muraille, s'étant uniquement cantonnée à ses abords jusqu'alors. Ce fut donc avec un regard teinté d'une grande curiosité qu'elle détailla toutes les pièces qu'ils traversèrent, lors de leur cheminement jusqu'aux appartements du Capitaine.
Son regard venait d'accrocher cette obscure armure à l'état d'usure fort avancé, faisant naître mille interrogations en elle sur l'histoire qu'elle abritait, lorsqu'Arthorias l'invita à avancer dans une seconde pièce, plus grande et aussi plus privée que celle accueillant présentement son imposant bureau. Acquiesçant, Dahlia s'y introduisit à sa suite, puis fut rapidement figée face à l'apparition d'une énorme créature immaculée, qui retroussa ses babines sur des canines acérées, en émettant un grondement fort peu amène à son encontre. Dahlia reconnut immédiatement qu'il s'agissait là d'un warg blanc, bien moins commun que son homologue noir, et également plus redoutable... à l'état sauvage, tout du moins. Arthorias semblait être parvenu à apprivoiser parfaitement son familier, aidé par le puissant lien qui les unissait, et Dahlia fut soulagée de le voir reprendre une posture apaisée au signal de son maître.
« En-enchantée, Yuna. » Parvint-elle à balbutier face à la on-ne-peut-plus imposante boule de poils. « Wow, un warg blanc, je n'en avais jamais aperçu, jusqu'alors, tant ils sont rares. »
Elle suivit à nouveau Arthorias dans la salle à l'ambiance feutrée qui accueillait la cause de ce revirement impromptu. Un œuf, de garabit relativement petit, y gigotait fébrilement, comme si ce qu'il renfermait ne demandait qu'à en sortir. Arthorias lui expliqua que ce dernier sommeillait ici depuis un certain temps, et Dahlia ne fut guère étonnée : elle-même avait déjà assisté à l'éclosion de son Canitribus, naguère, et elle savait qu'il fallait parfois s'armer de patience jusqu'à l'éveil de son familier. Le moment semblait à présent venu... Dahlia s'apprêtait à parler à nouveau, lorsqu'elle sentit un contact soyeux, puis un autre, se couler sous ses paumes. Et voilà qu'elle se retrouvait, sans crier gare, prise en tenaille par les deux loups géants, qui avaient collé leurs immensités respectives contre chacun de ses flancs, quémandant de l'attention.
« Heureusement que tu n'en as que deux, juste assez pour mes mains, haha. » plaisanta-t-elle en caressant tendrement leurs pelages - mettant de côté par là-même sa peur et essayant d'occulter de son esprit la taille conséquente des créatures, en particulier de Yuna.
Ses yeux revinrent se poser sur l'œuf, puis sur Arthorias, et elle lui demanda finalement avec une voix chargée d'une excitation enthousiaste.
« Sais-tu le familier qu'il renferme ? Et as-tu... déjà trouvé son nom ? »
Celui-ci permettrait en effet de faire éclore la créature qui ne demandait visiblement qu'à rencontrer son Maître.
Yuna... Ce warg avait une histoire presque tragique en considérant là ou il l'avait récupéré, et si au début, elle c'était montrée agressive, plus par peur qu'autre chose, avec le temps, le warg blanc avait finit par devenir une véritable peluche.
Un loup féroce en cas de danger, mais un amour quand il s'agissait du reste.
-Rare et dangereux dans la nature, réputés de vrais tueurs. Et je t'avoue qu'elle n'a pas toujours été comme ça. Elle était effrayée au début, et comme tout animal effrayé, elle m'a attaqué plusieurs fois.
Je crois que j'ai vraiment failli y passer quelques fois. Mais une fois domptée, puis élevée, elle à put s'ouvrir un peu. J'évite encore de la faire sortir au milieu des gens, autant Yio est un familier sur, autant Yuna peu encore avoir des réactions un peu sauvage en cas de gros stress.
Mais ne t'en fais pas, elle t'a adoptée visiblement.
Les deus familiers voulaient presque monopoliser la jeune femme, sentant successivement ses jambes puis ses bras, curieux de ce nouvel être dans leurs maisons. Mais comme toute meute, elles l'acceptaient sans trop de soucis.
Reportant son attention sur l'œuf qui se faisait de plus en plus tremblant, Arthorias secoua la tête pour répondre à Dahlia
-Aucune idée non... C'est un cadeau que j'ai reçu, je ne sais même plus à quelle occasion, et très franchement... je ne m'étais pas penché dessus plus que cela à l'époque.
Quand j'ai fais des recherches, on m'a dit que c'était probablement un riboux , mais... la taille ne correspond pas... Alors peut être une sous espèce, je ne sais pas trop
Comme pour lui répondre, l'œuf se mit cette fois à osciller, quelque chose cognant définitivement contre la petite coquille, et alors qu'il prenait de l'ampleur, son mouvement le fit doucement glisser vers le bord du présentoir, ou l'officier fut obliger de le rattraper de justesse, s'asseyant sur un des canapés de la pièce ou il invita Dahlia à faire de même, les deux loups se plaçant au pied de la jeune femme avec curiosité, Yuna couinant doucement pour avoir une caresse de plus.
-Les filles laissez Dahlia tranquille pour le moment
Dit il avec un regard appuyé, bien qu'emprunt d'un certain amusement. Ses familiers aimaient rarement autant les gens. Peut être avaient elles sentit quelque chose que lui même avait du mal à s'avouer.
L'oeuf dans ses mains s'agita de plus en plus et il eut tout de même le temps de répondre
-Pour le nom... pas la moindre idée, j'attend de voir quel type de riboux c'est. Que je puisse trouver quelque chose qui va avec son nom
Mais il n'eut pas le temps d'en ajouter plus car la coquille se fendilla, et une petite pate en sortit, éjectant le morceau vers le sol dans un claquement discret.
Les yeux d'Arthorias s'écarquillèrent, en voyant doucement une queue faire son chemin ainsi qu'un petit crane paré de bois naissant et de deux ailes majestueuse.
Tenant dans la paume de la main du blond, ce dernier ne put réprimer un hoquet de surprise en voyant un rarissime drabuste dans ses mains.
-Oh, un drabuste...
Un drabuste... cette espère si rare...
Le dragon peinait à se mettre sur ses quatre pattes, ses ailes encore repliées. L'aidant de sa main pour le remettre correctement, il eut la surprise de voir que le dragonnet avait un regard semblable au sien, une pupille verte le fixant d'un côté alors qu'une autre d'un bleu azuré faisait de même.
D'un équilibre précaire, il poussa un petit cris qui résonna dans la pièce faisant se dresser les oreilles des deux loups alors que ce dernier se couchait timidement dans la paume d'Arthorias.
Lui même n'en revenait pas, regardant cet animal aux couleurs de l'automne se lover dans sa main, ne cessant de fixer son nouveau maitre, s'habituant déjà l'odeur de se dernier, l'officier pouvant sentir quelques souffle chaud contre sa paume.
S'affaissant un peu plus dans le fauteuil, il finit par se retrouver épaule contre épaule avec la jeune femme, portant le dragon jusqu'à leur hauteur à tout les deux, ou l'animal regarda la garde avec attention, passant de l'un à l'autre, sans oser bouger d'un cil.
Il comprenait mieux la valeur du cadeau et pourquoi la lettre mentionnait une expédition à Labyrinthia. L'oeuf avait été ramené à grand frais par des aventuriers téméraires et vendus ensuite à un marchand de la capitale...