« Il faut souvent du temps pour parvenir à panser toutes les blessures antérieures d'un familier recueilli adulte... » Comme d'un humain, d'ailleurs, se fit-elle la réflexion en son for intérieur. Seul le temps savait véritablement estomper les cicatrices. « Tu t'en es en tout cas remarquablement sorti, elle est adorable en effet. » conclut-elle en tapotant affectueusement le flanc immense de Yuna derechef.
Dans le cas du présent œuf qui remuait devant eux, impatient de voir le jour au point de frôler la chute de son présentoir – heureusement que le Capitaine était pourvu de réflexes affûtés – cela s'annonçait à priori plus simple. Ainsi donc, Arthorias, qui l'avait reçu en présent, présageait d'un riboux sans en avoir la certitude. Ils allaient bientôt le savoir, et Dahlia sentit l'impatience monter en elle. La situation n'était pas sans lui rappeler l'éclosion de son Canitribus, plusieurs lunes auparavant. Le souvenir de cet instant durant lequel elle avait lié son destin à celui de Keruberosu, à son plus grand bonheur, l'éprit de nostalgie, alors qu'elle rejoignait le canapé et s'y enfonçait, sans quitter des yeux la coquille frémissante et rayonnante de chaleur.
« En effet tu verras, le nom te viendra instantanément. C'est en tout cas ce qu'il s'est passé pour moi lorsque mon Canitribus, Keruberosu, a éclos. Il faudra que je te le présente, un jour. Il est encore jeune, donc assez joueur et folâtre, mais c'est une boule d'amour. Enfin, trois même, haha. »
L'avantage d'avoir un familier à même de se scinder en trois canidés distincts. Nul doute en tout cas qu'il s'entendrait certainement à merveille avec Yuna et Yio. Ce fut alors que, sous les yeux ébahis de Dahlia, l'œuf palpitant commença à se fissurer, une ébauche de brèche fendillant sa coquille. La patte qui en jaillit fit sursauter la garde, puis elle fut tout bonnement coite en constatant le familier qui venait d'en émerger. Celui-ci n'avait finalement rien à voir avec un riboux... À sa robe constituée de feuilles aussi flamboyantes qu'une hêtraie en automne, Dahlia reconnut un bébé drarbuste. Elle eut le souffle coupé devant sa beauté attendrissante.
« On peut dire que tu attires les familiers d'une certaine rareté... Il est magnifique, avec ses yeux vairons en miroir des tiens. »
Ainsi lové dans la paume d'Arthorias, la garde pouvait presque sentir le lien les reliant, comme si celui-ci miroitait dans l'air entre eux. Alors que le regard du dragonnet se mettait soudainement osciller entre eux deux, après qu'il se soit fendu d'un doux gazouillis, les prunelles de Dahlia s'humidifièrent d'émerveillement.
« Il a l'air encore si petit et fragile... Mais avec son maître pour veiller sur lui, nul doute qu'il grandira sereinement jusqu'à sa taille adulte. »
Sous l'émotion, Dahlia n'avait pas aussitôt remarqué qu'Arthorias et elle s'étaient rapprochés imperceptiblement, au point que leurs épaules se touchent. Lorsqu'elle le réalisa soudainement, elle tressaillit légèrement de gêne, mais n'esquissa pas de mouvement de retrait pour autant. Avoir cette proximité physique avec celui qu'elle considérait à présent plus comme un ami que comme un collègue, ne la dérangeait pas. Bien au contraire, la chaleur qui émanait d'Arthorias était réconfortante.
« Tu penses qu'il devrait l'atteindre au Solstice de la saison froide ? Ou ce serait encore un peu tôt ? J'espère qu'il ne perdra pas sa robe de feuilles, ou alors il faudra lui trouver des moufles en fourrure pour lui tenir chaud. »
Le solstice était dans une lune environ, mais Dahlia ne connaissait pas très bien le rythme de croissance des dragons, d'où sa question peut-être évidente.
Un petit drabuste... Si l'officier c'était attendu à cela... Le petit être était roulé dans ses mains, l'observant avec toute la curiosité d'un animal découvrant son maitre pour la première fois. Ses petites branches affichaient les couleurs de l'automne, les nombreux reflets de la lumière lui donnant l'apparence d'un petit soleil dans les mains du chevalier.
Ses deux yeux affichaient un mélange de crainte et de curiosité, et il était facile de comprendre pourquoi. A peine né, voilà que deux humains et autant de wargs le regardaient surpris
La main du blond s'éleva, un doigt se portant près de crane de l'animal qui sentit le doigt avant de se frotter contre ce dernier.
-Solaire...
Le nom avait été prononcé avec hésitation, puis reprit plus fort par l'homme qui ne voyait tout simplement pas comment l'appeler autrement.
Oui... ce serait ça
-Solaire, ce sera ton nom petit dragon, ravi de te rencontrer
Un grand sourire s'afficha sur les traits de l'officier alors que l'animal s'agitait en déployant ses petites ailes en signe de joie. L'animal se fendit presque d'une révérence, le drabuste s'avérant déjà noble dans son comportement, et gratifia Arthorias d'un léger appel discret.
Un nouveau familier voyait le jour, et s'il était encore peu sur de ses pas, c'est sans crainte qu'il regardait les deux wargs qui restaient sans bouger devant ce petit animal qui deviendraient sous peu un de leurs compagnons.
Il était inutile de leur ordonner quoi que ce soit, les deux loups étant assez intelligent pour comprendre ce qu'était le petit être. Ce dernier partageant les mêmes liens avec Arthorias qu'eux même.
Solaire était tout de même fatigué par sa naissance, et ne tarda pas à se rouler en boule dans la main de l'officier, ce dernier le déposant sur un petit coussin à porté de main, ne remarquant que maintenant sa proximité nouvelle avec Dahlia.
Au vu de tout ce qu'ils c'étaient dit... Cela ne le dérangeait plus vraiment.
-Il faudra oui, mais je pense que je vais avoir suffisamment de temps pour faire les choses correctement. Il y aura beaucoup à faire, mais je vais déléguer un peu de travail à mon second.
J'avoue être épuisé par le temps passé sur les dernières affaires...
Loin de dégager son épaule, il se laissa doucement aller, s'enfonçant dans le canapé quitte à être encore un peu plus en contact avec Dahlia, tachant tout de même de garder un contact visuel avec elle.
Dire qu'il y avait plusieurs lunes de cela, ils avaient combattus un kerberus...
-Et notre future affectation s'annonce d'autant plus importante que nous n'auront pas vraiment droit à l'erreur. Il nous faudra être plus crédible que jamais...
Enfin je parle encore de travail... Je suis désolé Dahl...
C'était à en oublier tout ce qu'ils c'étaient dit plus tôt, et l'étrange sensation de gorge serrée revint avec la disparition temporaire du familier.
Hésitant tout d'abord, il finit par vouloir revenir sur le sujet qui les préoccupaient jusque là
-Ou en étions nous déjà ? Nous parlions de nos identités empruntés, et de ce moment volé... mais quelque peu désiré...
Le familier ne tarda pas à s'endormir paisiblement, douillettement niché dans son coussin. Arthorias revint alors sur son planning chargé et les difficultés afférentes à celui-ci. Il devait en effet être délicat de s'occuper d'un familier en bas âge, lorsque l'on occupait la fonction de Capitaine de la Garde royale… Dahlia repensa à leurs discussions précédentes, et songea que concilier vie professionnelle et personnelle devait rester une gageure perpétuelle pour Arthorias.
« Notre affectation risque de nous retenir un certain temps au nord… J'espère que Solaire n'en pâtira pas trop. L'avantage des séparations, cependant, c'est que les retrouvailles à leur issue n'en sont que plus mémorables. »
Puis, de façon quelque peu surprenante, le Capitaine embraya rapidement sur un sujet tout autre. Les joues de Dahlia rosirent à nouveau quelque peu, lorsqu'elle se remémora les paroles qu'elle avait osé confier à Arthorias un peu plus tôt lors de leur repas à l'auberge, favorisées par son alcoolémie. À présent que les récents évènements l'avaient légèrement aidé à recouvrer un semblant de lucidité, sa gêne prenait le dessus. Elle réalisa à nouveau leur proximité, dans ce canapé, et fut saisie par la panique malgré elle. Dahlia éluda ainsi les derniers propos du Capitaine, en changeant radicalement de sujet :
« Il est très confortable, ce canapé, je dois dire… C'est quel type de rembourrage ? De la plume de rapidodo, peut-être ? Et son revêtement en velours paraît vraiment de grande qualité, pour avoir une telle douceur… La caserne civile n'est pas si bien lotie en ameublement, c'est bien dommage… »
Raconter des lieux communs s'avérait être le meilleur moyen, pour Dahlia, d'évacuer son présent embarras. Ce faisant, elle s'appliquait à éviter soigneusement le regard du Capitaine. Au fond d'elle, la garde avait horriblement envie de s'enfuir. Autant que de rester. Ses yeux osèrent finalement revenir affronter ceux d'Arthorias.
« Au fait, je crois que tu t'apprêtais à me dire quelque chose, juste avant que Yio ne fasse son entrée dans la taverne... » Voulait-elle réellement connaître la teneur de cet aveu interrompu, un peu plus tôt dans l'auberge ? En son for intérieur, la confusion était grande. Dahlia espérait autant qu'elle redoutait ce que le Capitaine allait lui annoncer. Mais il lui fallait savoir : « Qu'était-ce ? »
De façon presque comique, cette rencontre sautait d'une ambiance à une autre, représentant à la perfection toutes les rencontres qu'Arthorias avait eut avec Dahlia. Depuis ce premier regard dans cette chambre enténébrée, et la chaleur intime de cette auberge...
Tout semblait aller si vite... tout en étant si naturel...
La mention du canapé tira un sourire à l'officier qui baissa quelques instant les yeux, effleurant le tissus du bout des doigts. C'était vraiment ce qu'elle pensait ? Avec le temps, ce meuble était devenu bien ordinaire, et il fallut un petit moment pour comprendre que seule sa nervosité était braiment en cause dans cette situation. Son propre esprit se mit à en détailler le revêtement, et son histoire, un nombre incalculable d'invités ayant sans doute été assis dessus, depuis bien avant la naissance du capitaine.
Mais là encore c'était une chose bien éloignée du sujet
Et à vrai dire... au vu du nœud qui lui nouait la gorge il pouvait bien comprendre la nervosité de Dahlia. Quelque chose de complexe se tissait lentement entre lui... ou plutôt entre eux.
Le blond commençait à voir Dahlia un peu différemment désormais. Elle n'était plus simplement la petite fille du commandant Delancy, ni même une garde talentueuse. Une amie, de ça il en était sur...
Mais plus ? Beaucoup de règles lui auraient interdit de le penser. Mais au fond de lui, c'était bien différent, une légère pression sur sa poitrine lui faisait dire que la réalité n'était peut être pas conforme aux cas réglementaires et aux carcans de la garde.
Une sourde envie battait lentement en lui se fichant bien des lois ou des traditions propres aux ordres militaires. Sa voix se fit un peu plus fluette et ses premières paroles traduisirent bien cet état d'esprit
-Ce que je voulais dire ? L'ambiance me semble bien peu propice à cela.
Le restaurant et son cadre chaleureux, la liberté de parole qu'ils avaient eut plus tôt. L'alcool aidait certes, mais ce dernier n'avait été qu'un moyen de faciliter leur échange.
Cela lui semblait presque déplacé désormais. Après un instant d'hésitation, il secoua la tête, le duo était déjà bien avancé sur cette voie, trop pour reculer
-Mais qu'importe, j'avoue ne pas franchement avoir envie de garder cela pour moi
Son cœur s'accéléra subtilement, et son esprit partit chasser quelques idées farfelues alors que ses joues se teintaient légèrement de rose.
-Notre étreinte, aussi agréable soit elle... a manqué de quelque chose plus personnel... Et vois tu... ça ne cesse de tourner en boucle quand je ferme les yeux.
L'élixir d'apparence pourrait peut être nous dédouaner de tout cela... Mais je n'en ai guère envie !
Enfin c'est un peu brusquement dit, et j'avoue ne pas être sur de moi pour cette fois, mais j'ai tant de fois refuser d'écouter ce que mon instinct me disait. J'aimerai... Enfin rien ne t'y oblige !
Peut habitué à être dans ce genre de position, tout comme ressentir un début d'attirance pour quelqu'un, Arthorias se mettait lentement à paniquer, ses mots d'ordinaire comme des ordres gravés dans le marbre devenant aussi inconstant que le pelage d'un renard de saison.
-Ce que je veux dire par là, c'est que le contact charnel était des plus agréable mais... J'aurai aimé quelque chose de plus... intime, pas quelque chose échangé sous le coup d'une quelconque substance plus ou moins licite...
Ses yeux vairons se portèrent sur le visage de la jeune femme, se focalisant quelques furtifs instant sur les lèvres de la jeune femme qui lui revenaient parfois lorsque ses songes le permettaient, avant de replonger dans son regard envoutant, lui même ayant du mal à dire ce qu'il voulait vraiment.
Alors que c'était si simple, mais pourtant... le demander en arracherait tout son sens symbolique
« Si elle n'est pas propice, tu n'es pas obligé d'y revenir, ce n'est pas grave tu sais… Désolée d'être aussi indiscrète. »
Ils n'auraient qu'à évoquer des sujets plus légers et anodins, pour conclure cette soirée qui avait été… étonnement plaisante, si Dahlia devait revenir rétrospectivement sur celle-ci. Elle y était arrivée lestée d'un poids considérable au cœur, et si ses regrets n'avaient pas été effacés – car l'évènement à leur origine subsistait, ne pouvant être tout bonnement oublié – avoir pu les confesser, en toute confiance, à Arthorias lui avait apporté un réconfort substantiel. Son écoute attentive, ses conseils et son absence de jugement l'avaient grandement aidée. Dahlia souhaitait lui offrir la même écoute bienveillante en retour, quelque soit le sujet, mais le voir ainsi hésiter l'interrogeait : pourquoi Arthorias semblait-il soudainement réticent à se confier ? Craignait-il sa réaction en retour ?
Le Capitaine se résolut tout de même, finalement, à lui parler, et Dahlia sentit le rythme de son cœur s'accroître alors qu'il égrenait ses premiers mots. Nourrissait-elle un espoir quelconque, en elle, sans véritablement se l'avouer ? La garde n'était pas à même d'y réfléchir, à vrai dire, bien trop concentrée sur les paroles de son ami. Et celles-ci ne furent pas sans la troubler, les propos décousus du Capitaine peinant à faire sens dans son esprit, de prime abord, comme si Dahlia se refusait à réaliser leur teneur sous-jacente.
Elle demeura muette un moment après qu'Arthorias eût achevé sa dernière tirade, mais ses yeux restèrent toutefois ancrés dans le regard du Capitaine. Ils semblaient continuer de l'interroger silencieusement, comme s'il manquait une pièce du puzzle dans le discours qu'il venait de prononcer. Petite, mais qu'il lui parut utile de retrouver et d'énoncer à voix haute.
« La drogue n'a-t-elle pas simplement été une sorte de… catalyseur ? » finit-elle par lâcher, à demi-mot. « N'a-t-elle pas seulement révélé et amplifié… des envies qui étaient déjà présentes, mais enfouies, car encore inconscientes ou bridées par la raison ? »
Une conclusion que Dahlia ne pouvait décemment ignorer plus longtemps, surtout au regard du présent emballement de son myocarde. Une fois émise à voix haute, elle se sentit d'ailleurs comme déchargée d'un poids.
« Mais tu as raison, je dois également t'avouer que… » S'interrompant, elle en profita pour s'approcher davantage d'Arthorias, avec une lenteur mesurée. Sa cage thoracique lui faisait mal, tant son cœur la martelait, mais elle prit sur elle pour outrepasser son embarras. Finalement, elle entoura le Capitaine de ses bras, l'enlaçant pour mieux glisser dans le creux de son oreille ce qui ressemblait à une confidence : « J'aimerais également m'affranchir des solutions de facilité, pour la suite. Elles permettent rarement de profiter pleinement de l'instant présent. »
Contrôler. Depuis sa naissance, Arthorias avait été formé pour cela. Contrôler ses environs, ses actes, ses émotions... Tout semblait avoir été une routine bien écrite. Jusqu'au point ou l'officier pouvait précisément décrire sa journée du lendemain.
Mais voilà, il y avait eu Dahlia. Un petit grain de sable dans l'engrenage, un tout petit détail qui avait lentement érodé la machine, jusqu'à ce que les engrenages ne sautent un as un et que le contrôle absolu ait finit par s'emballer.
Cette machine c'était bien le cœur du blond qui c'était mit à battre plus vite, comme s'il tentait de s'extirper de sa cage.
-Bridées par la raison, le devoir, tant de choses oui... Mais est ce que tout ça à vraiment un sens ? A vivre avec les codes que nous ont inculqués les autres, nous n'avons rien fait à part nous figer pour devenir des poupées.
La gorge d'Arthorias se serra à nouveau, alors qu'un sentiment d'urgence emplissait tout son être. Et alors que la garde s'approchait de lui, ce dernier se recula doucement. Pas par crainte, mais simplement pour tenter une dernière fois de garder ce cher contrôle. Un instinct que le canapé lui refusa, le bloquant contre le dossier et le forçant à faire face.
Les mots habituels restèrent bloqués et l'habitude dut se retirer pour faire face à la réalité, et quand les bras de la jeune femme l'entourèrent, ce fut comme si la dernière résistance, pourtant forgée solidement sur l'expérience de la déception, se fragmenta jusqu'à rompre totalement.
-Alors oublions la facilité, embrassons ce que nos désirs exigent
Finit il par soupirer en sentant un frisson libérateur lui parcourir l'échine.
Était-ce vraiment le moment de tout relâcher ? La question tourna une dernière fois avant de s'envoler avec le parfum de Dahlia.
Sa main courut le long de la joue de la jeune désormais si proche. Sa vraie demande n'allait au final pas avoir le temps d'être exprimée.
Son regard aperçut une petite branche de gui dépassant au dessus de lui. La tradition aurait pu l'amuser si la situation n'avait pas été à un point aussi critique.
Sauter dans l'inconnu, cela l'aurait terrifié avant. Mais avec elle ?
Les familiers c'étaient retirés, laissant le couple naissant seul en cette nuit d'hivers. La respiration rendu rapide par l'émotion, son cœur battant à tout rompre, Arthorias plongea une dernière fois son regard dans celui de Dahlia, y perdant par la même une parcelle plus noire de lui même.
-Dahlia...
Mais au finale toute parole aurait été superflu, le blond ne pouvant se résoudre à résister plus longtemps, déposant ses lèvres sur les siennes dans un long et langoureux baiser
Et jusqu'alors, ne pas mélanger vie personnelle et professionnelle en faisait partie, car il était de sens commun que cela n'entraînait que des complications. Cela incluait d'éviter tout contact rapproché avec un collègue, même occasionnel car issu d'un régiment différent… Et si Dahlia était plutôt correctement parvenue à respecter cette ligne de conduite, durant ses précédentes années de service - non sans avoir renoncé à quelques opportunités - force était que constater qu'elle venait de littéralement ruiner tous ses efforts accomplis jusque-là. Une première fois, durant cette assignation avec le Capitaine dans les bas-quartiers, puis définitivement, alors qu'elle avait pris l'initiative d'un rapprochement dans ce fort commode canapé.
Et visiblement, la garde était parvenue à sortir le Capitaine du même carcan de ses devoirs. Ce dernier semblait avoir volé en éclats, comme ses paroles l'apprirent à Dahlia. Et si en effet, ils ne seraient plus des marionnettes guidées par les convenances et la bienséance, la garde se sentait gagnée par un autre type d'emprise. Plutôt agréable, au demeurant, mais particulièrement dangereuse. Et horriblement impérieuse. Le Capitaine sembla vouloir un instant la fuir, avant d'être acculé par ce dossier de canapé, et surtout par l'attitude entreprenante de Dahlia, jusqu'à ce que ses mots dévoilent qu'il y cédait également.
Dahlia commença alors à perdre pied. Elle ne remarqua même pas la branche de gui qui les surplombait, comme enveloppée dans une bulle ouatée, et guidée par ses seules sensations physiques. La chaleur de la fine carrure du Capitaine contre la sienne, la caresse de ses doigts contre sa joue… Ses propres mains remontèrent jusqu'à la nuque d'Arthorias, s'y pressant alors qu'il approchait son visage du sien, pour y déposer un baiser sans atermoyer davantage. Dahlia ressentit alors une décharge électrique, suivie d'un feu d'artifice intérieur. Le baiser fut à la fois long et affreusement court, et lorsqu'il fut achevé, elle dut reprendre son souffle avant de s'exprimer :
« Ce n'est vraiment pas raisonnable… C'est même absolument inconvenant. Vous devriez avoir honte, Capitaine. »
Une once de reproche feint perça dans sa voix, avant qu'elle ne se précipite contre les lèvres d'Arthorias pour l'embrasser à nouveau, sans lui laisser le temps de répliquer, tout en veillant à ne pas lui écraser trop rudement le nez dans son empressement. La magie des débuts valait-elle de prendre le risque d'endurer les larmes de la fin ? Visiblement, la garde venait de prendre parti sur cette question.
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