- Devon ! salua-t-iel avec un léger temps de retard, le ravissement cependant non feint. Un plaisir pour moi de découvrir que l’Aventurier Téméraire se porte bien, son propriétaire aussi… même s’il va falloir que tu me racontes ce qui est arrivé à ton bras.
Qui avait, de mémoire, connu des jours meilleurs.
- Et que Saryna semble déterminée à veiller sur les deux premiers, ajouta-t-iel avec un regard intéressé vers la salle principale que la jeune femme avait regagnée. Il n’est pas impossible, non plus, que la loquacité de Bernard m’ait poussée jusque-là, poursuivit-iel d’un ton taquin alors que le concerné bougonnait de plus belle bien qu’il eût retrouvé son tabouret.
Le tenancier s’éclipsa pour retourner à ses devoirs, et la serveuse-compagne de celui-ci récupéra sa place auprès de Calixte qui terminait la vaisselle.
- Cela ne te manque-t-il pas ? demanda-t-iel à Saryna, comme si leur conversation n’avait pas connu d’interlude. La forêt, la nature, son espace, ton travail dans cet environnement si différent ? Penses-tu essayer de cumuler les deux ? Ou ne rends-tu service à ton partenaire que ce soir ? Ou vas-tu réellement quitter cet univers-là pour celui de Devon ?
Cela lui paraissait un peu fou, de lâcher ses attaches pour s’accrocher à celles d’une personne que l’on pensait aimer. Même passionnément. Mais n’aurait-iel pas changé sa vie du tout au tout si Zahria le lui avait ordonné ? D’une loyauté si extrême qu’elle en était ridicule, iel aurait certainement pu accepter la terrible injonction sans sourciller si elle avait émané de l’Ombre. Alors finalement, était-ce plus insensé de le faire par amour ? Posant le dernier verre nettoyé à égoutter sur le rebord, coupant l’eau, Calixte se mit en quête d’un chiffon pour essuyer la vaisselle qui séchait lentement.
- Le Hvit est parti, vexé qu’v’soyez pas allée l’voir, revint à la charge Bernard, apparemment esseulé sur son tabouret.
- Il avait certainement autre chose à faire, commenta diplomatiquement l’espion-ne en lui refilant son torchon pour, à défaut d’autre chose, mettre le vieillard à contribution.
A deux, ils iraient ainsi plus vite. Et peut-être que l’homme tomberait ainsi moins rapidement en disgrâce aux yeux de Saryna.
- Pour ma part je vis de petits boulots, reprit-iel en revenant sur les interrogations de la jeune femme à son égard. Principalement je vais de commerce en commerce pour voir si certains ont besoin de l’aide de la Guilde d’une manière quelconque, et je porte leur requête à celle-ci moyennant quelques cristaux. Ça leur évite de perdre du temps en déplacement et procédures administratives, et moi ça me paie mon loyer. Et ça me fait les jambes.
- Pas assez apparemment, brindille qu’vous êtes, tentant d’piquer l’travail des autres, déclara Bernard en essuyant frénétiquement un broc.
- On s’était mis d’accord : je ne vole le travail de personne, lui rappela Calixte en plissant les yeux, ses propres mains haltant temporairement leur ballet autour d’une assiette.
[- Mmm. ‘tout cas, devriez demander au cuisto d’vous donner sa recette de gloot en sauce, ça vous r’plumerait.
- Je ne suis pas sûre que…
- Parait qu’il a voyagé par-delà l’continent et qu’il a conquis les tribus indigènes des Archipels avec c’te recette !
- Hum…
- Et r’gardez son fiston, là : s’il est autant en forme et en chair avec tous ces voyages c’est bien grâce à ça ! L’gloot en sauce ! J’ma propre recette sinon, j’vous la donnerai à l’abri des oreilles indiscrète. L’secret, l’est pas dans l’gloot.
L’espion-ne ne trouvait pas que Melta fut particulièrement enrobé, et iel était encore moins certain-e que c’était le genre de plat que Faolan réalisait régulièrement. Qui plus était pour son fils. Mais iel n’était plus très sûr-e non plus si Bernard souhaitait lo faire s’entretenir, grossir, ou toute autre chose qui lui échappait. Comme répondant à leur sollicitation involontaire, le cuisinier déboula non loin pour préparer quelques mets, apparemment à base d’alcool.
- Hé ! Quand j’dis que l’secret, l’est pas dans l’gloot ! en profita Bernard.
- Je vous crois, soupira Calixte en levant les yeux au ciel.
- Et c’est l’plat parfait pour vous !
- D’accord, acquiesça-t-iel, encore perplexe mais prêt-e à croire n’importe quoi à ce stade là.
Il y eut un petit moment de silence où ils observèrent presque religieusement Faolan réaliser son art, puis le vieil homme se mit à ricaner doucement.
- Vous êtes vraiment cruche quand même.]
Faisant claquer son torchon contre l’épaule de l’homme, iel le houspilla d’un ton faussement agacé – il en fallait plus pour lo démonter :
- Suivez donc le cuisinier en salle, Bernard. Allez goûter ces brochettes et faire un tour des jeux qui ont l’air de s’organiser.
La rumeur de parties de cartes avait suivi l’aller-retour du cuisinier.
- J’suis excellent à la belotte ! déclara le vieillard ravi, abandonnant sa corvée d’essuyage. Et l’meilleur plat pour vous, en vrai, c’est l’Hvit !
- Oust, Bernard !
- C’est vrai ! Vous arrêteriez d’vouloir voler l’travail des autres ! rigola l’homme avant de s’enfuir joyeusement vers la pièce principale.
- Ca frôle l’obsession son histoire de « Hvit », non ? soupira l’espion-ne en se tournant à nouveau vers Saryna. La première fois où j’ai rencontré Devon, c’était effectivement ici, mais l’établissement était presque vide. Nul doute que je me serais souvenu de pareil client, ajouta-t-iel en riant doucement.
Laissant à son tour son torchon de côté, iel entreprit de ranger la vaisselle pour la remettre à disposition. Non loin, Faolan semblait revenir à ses fourneaux.
"Jin mon ami! Installes-toi j'vais immédiatement te chercher un verre!"
Et je l'abandonne aux bon soin de Jack alors que le roulement continu, ainsi Faolan s'extasie sur le breuvage qu'il a pu gouter, même si une petite toux de sa part me fait comprendre qu'il n'a pas forcément l'habitude de l'alcool - une donnée que je garde en mémoire - il semble avoir déjà en tête une autre utilisation de l'alcool servi puisqu'il part avec son verre, m'indiquant qu'il doit tester cela dans une recette? Je ris doucement, visiblement il ne perd pas le nord! Il me fait penser un peu à moi sur ce point, quand on sait qu'en pleine balade au village perché avec Saryna ma première réaction a été de vouloir me rendre à la bibliothèque pour trouver des ouvrages sur les alcools... On ne se refait pas! Quoi qu'il en soit, il part vers la nourriture, je pars vers le comptoir, laissant Jin et Jack discuté vu que, comme prévu ai-je envie de dire, l'aventurier connait l'examinateur visiblement.
Je ne me mêle pas réellement de la conversation de Psolie, Bernard et Saryna! Non pas que je ne le désire pas mais j'ai des clients qui attendent. Un petit service par-ci par-là histoire de soulager Saryna de la charge et me voici de retour, déposant le verre devant Jin, une bouteille d'eau en main je l'observe un petit moment en souriant. "Rien de fort c'est bien comprit mais tu prendras quand même bien une petit goutte non?" Histoire de savoir s'il veut tout de même un peu d'alcool ou s'il préfère que je retourne chercher autres chose au comptoir. Dans le doute, j'lui sert quand même la même boisson qu'offerte précédemment à Camille, cela n'est vraiment pas fort et j'pense pas que ça aura une quelconque incidence sur son état d'ébriété. Pas avec un verre du moins! "Et oui, debout sur mes deux jambes et en pleine forme! Bon mon bras est encore un peu... Reluctant à coopérer? Mais Il en fait plus qu'un petit naufrage pour me mettre hors d'état!" Dis-je en riant sincèrement. Aucune mention a des choses irrationnelles ou imaginatif, ce n'était rien de plus qu'un naufrage, pas de quoi en faire toute une histoire après tout!
Et en parlant d'histoire, Faolan revient finalement avec ses brochettes de poissons! Je sais qu'il a utilisé de l'alcool mais normalement, l'alcool chauffé perd ses propriétés enivrantes, c'est bien pour cela que je peux manger le fameux sanglier à la bière que j'ai fais lors de ma rencontre avec Saryna - une recette familiale - sans finir par rouler sous les tables. Je goutes donc ce nouveau mets et je dois avouer que c'est excellent! Faolan a un don c'est une évidence. Pas le temps de le lui dire cependant, il repart déjà vers les fourneaux alors que Jack propose une partie de cartes... "Malheureusement je me dois de refuser mon brave ami, étant le propriétaire ici je ne peux décemment pas m'asseoir pour jouer et laisser ma compagne faire tout le boulot... Plus tard, lorsque la soirée sera moins jeune et les clients moins présents pourquoi pas si le coeur vous en dit?" Mais, comme une pièce bien huilé, un joueur part, un autre arrive! Voici que Bernard propose sa participation pour une belotte. Je lui cède donc ma place et retourne vers Faolan, la bouteille en main, m'arrêtant pour servir quelques personnes avant d'arriver au jeune cuisinier. "Mon ami, cette brochette est excellente! J'entrevois de grandes possibilités entre mon pouvoir et tes connaissances et capacités culinaires... Il faudra qu'on parle d'un potentiel partenariat lorsque nous aurons un instant..."
Tant de choses s’étaient produites dans cette soirée en si peu de temps. Les clients allaient et venaient et tenir des conversations avec tout le monde était devenu plutôt difficile. Devon et moi ne sommes que deux et heureusement que Psolie est présente pour venir nous filer un coup de main à la plonge. Je ne sais pas ce que nous aurions fait en cette soirée bien achalandé.
« Si la nature me manque? Évidemment, mais je pense que cela aurait été plus difficile de nous côtoyer si nous avions décidé de garder nos vies respectives. J’pouvais pas lui demander d’abandonner la capitale et sa taverne pour venir vivre avec moi, alors que pour ma part, je peux tout simplement prendre des contrats ici et voyager par la suite. M’enfin, je crois pas que j’vais arrêter totalement mon boulot, il y a toujours eu des temps morts alors je pourrais toujours aider Devon dans ces moments-là, mais je ne compte pas changer de carrière à moins qu’une situation me l’oblige. »
On est jamais à l’abri des imprévus et je ne peux pas spécialement lui dire que si je suis là ce soir c’est parce que si Devon a voulu faire les choses en grand c’était pour m’aider à sortir d’une situation plus ou moins délicate. Enfin, je retourne à mes affaires continuant à servir ce qui devait l’être écoutant par-ci et par-là les quelques discussions qui s’y tenait ce qui n’avait pas grand sens pour moi, puisqu’il m’était impossible de me concentrer sur quoi que ce soit d’autre. Quand mon petit tour est enfin terminé, je retourne derrière le comptoir histoire de me désaltérer et c’est là qu’une tête qui ne m’est pas du tout inconnue décide de faire son apparition; Jin. Un brave gaillard qui sait se battre et que je n’avais pas eu la chance de le revoir depuis notre boulot terminer. Enfin, le monde semble petit, parce qu’il semble connaître Devon. Un ancien collègue? Après tout il parle d’engeance, mais la réaction de ce dernier me met la puce à l’oreille; il parle de son bras et de naufrage alors que Jin mentionne des cocktails explosifs et des engeances. Parle-t-il du même évènement? Enfin, entre temps il s’était retourné vers moi pour me passer une petite remarque qui n’a que pour effet de me faire sourire. J’sais pas si je dois le prendre comme un reproche, mais bon, j’suis pas du genre à raconter ma vie à mes collègues de boulot. Déjà qu’il a rencontré mon père seulement par nécessité puisqu’il opère lui-même dans la grande forêt près des montagnes.
« Exactement. Parler de sentiment ne faisait pas partie du contrat, à ce que je sache, dis-je avec un petit rire derrière le comptoir. En tout cas, ravi que tu te portes bien, Jin! »
Je laisse donc ce dernier au soin de Devon et me retourne finalement vers Psolie pour continuer la discussion là où nous l’avions laissé la dernière fois. Bien évidemment, Bernard est toujours présent et je lui jette à peine un œil quand ce dernier trouve pertinent d’intervenir pour raconter encore ses âneries, ne me donnant pas la possibilité de discuter avec cette dernière. J’attrape un torchon pour nettoyer le comptoir en écoutant distraitement d’une oreille leur échange jusqu’au moment où ce dernier osa la traiter de cruche. J’hésitais à me tourner et le chasser rapidement de l’établissement, mais cette dernière ne le prit pas mal et le chassa d’une façon bien plus amicale que je ne l’aurais fait. Puis peut-être valait-il mieux que cela soit ainsi; Devon n’aurait certainement pas apprécié que j’agisse ainsi.
« En effet, j’sais pas trop pourquoi il cherchait tant à lui trouver une femme, mais bon, c’pas du tout mon genre t’façon. Des hommes plus efféminés que moi c’est un gros non. »
Je ne suis pas celle avec les manières les plus distinguées et même si les vêtements que je porte aujourd’hui semblent bien m’aller visuellement parlant, je les porte très mal. Je suis très mal à l’aise et je préfère bien plus mes pantalons de cuir et mes armures que ça. Ce sera certainement la seule fois où je porterai cet ensemble, puisque je l’ai acheté que pour aujourd’hui.
« Ouais, j’imagine qu’il y a de sacrés phénomènes un peu partout. » que je dis en m’approchant pour l’aider à ranger pour que cela aille plus vite. Après tout, je ne suis pas pour la laisser se chercher sans même lever le petit doigt. « J’espère que les prochains jours soient aussi bons pour lui que ce soir. Enfin, je ne m’attends pas à avoir autant de monde, mais j’espère simplement que tout ce se passera bien. Tu veux quelque chose à boire ou à manger? »
Après tout, j’suis là pour ça et malgré l’aide qu’elle nous apporte, elle reste tout de même une cliente. Puis c’est le moment de goûter à la cuisine de notre cher ami Faolan! Je me permets de jeter un coup d’œil à la salle à la recherche de mon petit familier qui ne doit pas être bien loin de Melta si je ne dis pas de bêtise. Il n’est pas bien grand et c’est encore un jeune drarubustre, mais je ne voudrais pas qu’il leur arrive quelque chose dans cette foule de gens. Heureusement, Nephalie était plutôt obéissant et ne cherchait pas à prendre la fuite sinon j’aurais passé mon temps à le chercher en forêt.
- Il a l’air de s’être enfui, nota-iel en jetant un coup d’œil à la salle principale.
Et vu son malaise évident, que même l’espion-ne avait perçu de l’autre bout de la pièce d’un regard rapide, sans doute que l’héritier Hvit – si c’était bien lui – ne remettrait pas de sitôt les pieds dans le coin. Se désintéressant aussi vite de la question qu’iel s’y était attaché-e, Calixte reprit le rangement de la vaisselle en compagnie de Saryna. Et c’était d’ailleurs mieux ainsi, car son ignorance des lieux lo rendait particulièrement inefficace dans son entreprise.
- Il est vrai que cette réouverture est particulièrement réussie ; je n’y avais jusque-là jamais vu autant de monde. Mais j’avouerai n’être venue qu’épisodiquement, commenta-t-iel alors que la jeune femme terminait de remettre à leur place une série de verres. Je pense que Devon, qui a l’habitude de ses affaires, sera bon juge de leur évolution. A moins que vous n’ayez prévu de modifier radicalement leur fonctionnement…
Ielles quittèrent l’isolement relatif de leurs tâches ménagères, et le regard ambré de Calixte suivi avec intérêt les propositions de Saryna. En dépit de sa bougeotte et de sa curiosité des lieux et de l’organisation des deux tourtereaux, lo coursier-e devait avouer être de plus en plus séduit par les odeurs alléchantes emplissant la salle. Iel savait intellectuellement que Faolan faisait toujours des merveilles au niveau culinaire, mais les appétissants aromes diffusants des divers mets présentés lo rappelait à une réalité bien plus pressante. Et son estomac, pourtant peu affamé, se découvrait une curiosité nouvelle devant l’étalage savoureux des victuailles.
- Peut-être reste-il quelques brochettes ? demanda-t-iel avec un espoir gourmand. Même si j’avouerai que tous les autres petits plats présentés me font déjà de l’œil. Et au risque d’être complètement anodine, je prendrais bien un verre d’eau, s’il-te-plait.
Profitant de ce moment oisif tandis que Saryna l’encourageait loin des corvées, l’espion-ne se laissa tenter par quelques petites bouchées. Se fondant tranquillement à l’orée de quelques groupes enjoués par l’alcool, la nourriture, et l’ambiance chaleureuse, iel se perdit un temps de potins en ragots, d’amusements en rires. Iel trouva parfois sur son chemin le petit Melta, son foulard et le drarbuste qui semblaient avoir pris à cœur de participer à ses folles aventures, mais iel résista à l’envie de l’aborder afin de ne pas tenter le sort en mélangeant ses couvertures. Lorsqu’enfin iel estima que sa curiosité culinaire s’était épanchée, et qu’iel avisa les traits enthousiastes de la serveuse mais davantage mis à l’épreuve à mesure que la soirée avançait, iel indiqua à Saryna au détour d’une nouvelle tournée :
- N’hésite pas à me dire, si je peux te soulager de certaines tâches. Et surtout, si tu veux profiter d’une petite pause à un moment.
- HRP:
- Sauf si Cal est pris à partie, je pense que je n’aurai plus d’apparition contributive ; donc sentez-vous libre de le/la pnjiser jusqu’à la fin du rp
Après un sourire partagé, j'attends la consommation qui arrive assez vite. C'est toujours marrant de le voir se ramener avec de la flotte pour fabriquer sa boisson. On a beau fricoter avec la magie régulièrement ça fait toujours son effet. Au même moment Sarygnée se prononce, et j'peux pas être plus d'accord. On le sait tous, hein, le boulot et le perso...
- J'te fais confiance. J'irai faire un tour dehors si ça sort par l'autre côté. Ravi de te savoir en bon état. Sacré naufrage, ouais...
Enfin, y'avait pas que ça quand même ? Peut-être qu'il voulait pas radoter, certainement. Est-ce que c'est vraiment une bonne idée d'en parler de toute façon ? Personne veut savoir, j'pense que nous sommes assez d'accord sur le fait que tailler bavette sur le temps qu'il fait restera toujours plus intéressant. Je regarde les autres clients, et il est vrai que j'ai toujours du mal à m'intégrer. Certainement parce que j'suis pas capable de foutre les formes quand il le faut, malgré les bons conseils de m'man et d'Haru. Ma foi, un jour, qui sait.
Mais j'accepte quand même le fait que j'serai jamais un homme de salon avec un phrasé pédant.
Mais Jack, lui, j'le connais. Et puis une partie de carte autour d'un verre, moi j'dis pas non. Avant toute chose, je prends quelques secondes pour une lampée du breuvage qui venait de m'arriver entre les pattes, en prenant le soin d'envahir entièrement le palais de ses saveurs. La gorge chauffe légèrement, la boisson est divinement bonne, et il fait du bien par là où ça passe.
- Beau boulot mon grand, ton pouvoir est vraiment une bénédiction. Jack, j'peux en être ? Me fout pas une raclée par contre, essaie de me faire croire que j'ai au moins une chance de t'avoir.
J'saisis mon verre, remercie une nouvelle fois le colosse derrière le comptoir d'un signe de tête et cherche une table disponible. Un regard sur le reste de l'assemblée pour voir si d'autres joueurs sont partant, mais dans le doute, je préfère laisser le commanditaire faire son recrutement. Timide ? Nan flemmard, plutôt.
Puis mes narines commencent doucement à être chatouiller par une odeur ennivrante... La bouffe.
- Ca commence à faire faim dis dont...
Vrai que j'aurai peut-être commencer dû à chercher à graille avant de venir. En tout cas c'est plus possible, il faut absolument que j'becte un truc.
- Devon ! On peut commander à becter ? Que j'demande avec un sourire presque avide.
- Oh bah on n’a pas décidé, mais je dirais pas non à une belotte, ça fait longtemps.
J’invite le sympathique bougre répondant au nom de Bernard à rejoindre la tablée. Pas vraiment un jeu à boire à la belote, c’est une des choses les plus conviviales que je connaisse. Je me rappelle des mes jeunes années à taper quelques parties dans la joie et l’insouciance, prenant avec pas grand-chose et parvenant à retourner la partie grâce à une parfaite compréhension du jeu. C’était quelque chose. Surtout que j’avais l’habitude de jouer avec les mêmes gars, à l’époque. On gardait les mêmes doublettes, ce qui nous faisait un historique sur des dizaines de parties. Au bout d’un moment, vous commencez à comprendre ce qui se passe dans la tête de votre allié au travers du mince sourire qui se dessine sur son visage quand son regard passe rapidement de son jeu au sept de cœur posé au milieu comme s’il y avait quelque chose de magnifique à réaliser. Le tout pour se faire mettre dedans et qu’il se plaigne qu’on n’avait pas de jeu. Que de rigolade.
Avec Jin, ça fait trois. Manque un quatrième larron. Évidemment, on ne peut pas inviter les deux propriétaires, parce qu’ils n’arrêtent pas de dire qu’ils doivent s’occuper de leur client, ce qui est tout de même bien normal. On est pas là pour les monopoliser. Ce n'est pas parce qu’on ne retranscrit pas ici les faits et discussions des gens autour de nous qu’ils n’existent pas. Ils ont aussi un cœur qui demande de l’attention et des gosiers qui demandent d’être abreuvés. Je pourrais demander à Faolan, aussi, mais à faire des aller retour avec la cuisine, ça va pas trop le faire. C’est quand même plaisant de faire une partie du début à la fin sans être trop interrompu. Une partie de belotte, c’est une histoire à vivre ensemble. Avec des remontées victorieuses, des échecs cuisants, de la confiance et de la compréhension de son adversaire. C’est vivre l’instant présent. Pour sûr. Dommage que le type bizarre soit parti. On aurait pu compléter avec lui. Je suis sûr qu’il serait intéressé. Et aurait fait une doublette rigolote avec Bernard.
-Tu connais pas quelqu’un pour jouer avec toi, Bernard ?
-Oh bah si ! Y’a mon amie. On n'a pas arrêté de causer. HE ! BRINDILLE ! RAMÈNE TOI !
-Ah bah parfait.
La brindille arrive. Quelqu’un que je ne connais pas, mais les tavernes sont faites pour faire des rencontres. Je vous l'ai déjà dit ? Evidemment, on fait une doublette avec Jin. La guilde quoi. Et Bernard avec son amie. La belote, c’est aussi une affaire d’amitié. Je sors un jeu de cartes de mes poches. Vous inquiétez, celui-là n’a rien de spécial. Pour les jeux un peu étranges, on verra ça l’année prochaine.
-Tout le monde connaît les règles ?
Je réexplique un peu les règles, pour être bien sûr. Parce que souvent, il y a des petites choses qui changent selon les personnes. Personnellement, je joue sans les annonces, sauf la belotte. Je trouve que les annonces, ça fait aller trop vite les parties et ça ajoute beaucoup trop de chance dans le jeu. A la rigueur, on pourrait faire une coinche. C’est plus stratégique, mais c’est plus pour des parties d’après midi où on a l’esprit clair. Le soir n’est pas trop propice à ce genre de défi, si vous voulez mon avis.
-Tache pas les cartes, Jin, hein. Même si la bouffe est un délice, il faut savoir garder ses manières.
Surtout que les paquets de cartes, c’est quelque chose qu’on perd régulièrement. Suffit d’une soirée un peu trop animée pour se retrouver avec des cartes manquantes ou tacher. Et alors là, tout le paquet est à jeter. Ça laisse des marques qui peuvent servir à tricher. Et tricher, c’est mal.
C’est comme si un monde de nouveauté s’ouvrait à Faolan d’un seul coup. Son humeur est des plus radieuse, autant que la pluie qui tombe avec force sur l’établissement et que le fatigue d’être aussi fort. Les émotions fortes ce n’est pas forcément sa tasse de thé, mais c’est toujours mieux d’être heureux que d’avoir un orage qui laisse tomber éclair après éclair. Cela lui donne aussi une nouvelle quête dans ces périples mine de rien. Il faut des informations visiblement précises sur les alcools pour les créer. Les récupérer en plus de ces recettes de base ne seront pas un mal en y réfléchissant bien.
— J’aurais tout le temps du monde après mon service, mon patron du moment est plutôt agréable sur cela.
C’est dit avec un brin d’humour, mais il aime bien son travail ici. Il ne peut que souhaiter que tout se passe pour le mieux pour ce couple. Melta se met à dessiner Saryna et Devon sur dessin en plus de Nephalie, Jack et de son foulard et cette vision amuse le père de famille. Puis, il y a la demande de cet aventurier qui semble connaître Devon qui arrive à ses oreilles. Ça parle de nourriture, même si ce n’est point lui au service ça sera lui qui devra se boucher à un moment pour lui faire sa demande.
— On peut parfaitement commander à becter, je suis là pour cela. Il suffit de dire ce qui pourrait faire plaisir et ce qu’il ne faut absolument pas mettre dans l’assiette et je prépare cela dans la mesure du possible. Désolé, mais je n’irais pas chasser de la scolopendre pour le faire venir dans l’assiette par exemple.
Une petite plaisanterie à nouveau et il se prépare à nouveau à sautiller derrière son plan de travail pour vraiment se mettre à l’ouvrage pour la fin de la journée et faire honneur à ces employeurs du jour. Enfin, une plaisanterie s’est vite dit, il avait bien eu une personne qui lui avait demandé de la glace de Folia Drakon comme si c’était ce qui se trouvait à tous les coins de rue. Vraiment, il y a des nobles qui devraient apprendre à respecter ce qui est faisable ou non.
"T'as entendu le patron Jin? Passe commande il s'occupe de tout et tu vas voir, il fait des merveilles!" Un peu de pression, cela ne fait pas de mal. "Je te laisse à la préparation, on reparlera plus tard." Car après tout, moi aussi j'ai du boulot... C'est qu'il y a encore quelques clients qui se doivent d'être servi. La soirée est encore jeune après tout, enfin... Pas tellement mais c'est une taverne ici, la soirée reste jeune temps qu'il y a des clients pour l'apprécier! Surtout lorsqu'on organise une réouverture en voyant les choses aussi grandes que je l'ai fais aujourd'hui. Je retourne donc au comptoir pour reprendre des bouteilles, j'en profite pour discuter un peu avec Psolie, je dois bien avouer que ça me fait plaisir de la revoir, après tout la demoiselle avait été d'une très agréable compagnie lorsque nous nous sommes rencontrés. Service ensuite entre les tables, faut bien que les clients assoiffés soient abreuvés après tout. Une petite blague par-ci par-là, c'est aussi à cela que l'on reconnait un bon tavernier : même devant la pression, ne pas oublier que le plus important pour un petit commerce, ce sont les clients! Après tout, un mauvais service, une mauvaise réputation et c'est toute l'affaire qui s'écroule, une chance que pareille chose n'a que peu de chance d'arriver.
Retour ensuite pour un nouveau service de nos quatre joueurs. Bernard ne se fait pas prier, j'suis presque certain qu'il a plus de bière qu'autre chose dans l'organisme, j'mets aussi une mousseuse à Jack, l'alcool antique c'est bien bon mais j'voudrais pas que le grand et sympathique gaillard ne perde ses facultés aux cartes. Pour Jin, le même service et Brindille, la boisson habituelle. C'est aisé avec les habitués. J'regarde rapidement comment se passe leur partie : une belotte, c'est toujours sympa mais voici que Bernard m'interpelle. "Et donc, ta conjointe regardait le Hvit là..." Léger soupire, il va recommencer si je le laisse faire. "Tu sais Bernard, parfois tu me brises le coeur..." Dis-je avec un petit sourire au bord des lèvres.
La soirée se déroule pour le mieux et ma discussion avec Psolie se poursuit malgré que nous nous gardions occupés. Elle aide du mieux qu’elle peut tout comme je gardais un œil sur la salle pour faire quelques refiles de boissons. Je lui apporte finalement un verre d’eau comme elle me l’avait demandé, puis je la laisse aller se servir alors que mon regard avisé surveille les petites familles. La taverne était normalement un lieu pour y boire, s’amuser et parfois bien bruyant, mais aujourd’hui c’était différent. C’était bruyant, mais constant. Les gens semblaient respecter leur voisin de table tout comme les familles respectaient les gens qui n’étaient là que pour s’abreuver. Il y avait une sorte d’harmonie ce qui n’était pas des plus déplaisant, mais à moins que Devon ait des plans, l’activité de cette dernière allait revenir à la normale et plus aucune nourriture digne du chef qui nous aide ne serait servi. Mais bon, je ne suis pas dans la tête de Devon et ne connais pas encore tous ses plans pour l’instant. Il s’agit de son gagne-pain et non du mien, bien que cette soirée de réouverture me sera plus qu’utile.
Enfin, les clients s’occupent et discutent entre eux et je profite d’un petit moment d’accalmie pour faire un peu de rangement dans les boîtes de thés dans lesquels je m’étais servie. La collection de Devon était quand même respectable et même s’il ne devait pas connaître toutes les vertus de ces dernières plantes, il possédait un peu de tout. C’est d’ailleurs avec mon père que j’avais appris à reconnaître les plantes et leur utilité dans le domaine médical à défaut d’avoir un médecin sous la main. Dans les bois, il n’est pas toujours possible de consulter alors on fait avec ce qu’on a! S’il vous éprouvé des problèmes d’estomac en tout genre il y a la possibilité d’utiliser des feuilles de menthe, du romarin, de la verveine ou bien même de la lavande bien qu’elle soulage aussi les maux de tête et est aussi utile lors des troubles du sommeil. Dans la même veine, il y a aussi la mélisse, la camomille, la valériane ainsi que la passiflore qui aide aussi à calmer le stress et l’anxiété. Pour les rhumatismes ou bien les maux de gorge en tout genre, il était plutôt conseillé d’utiliser de la sauge ou des feuilles d’ortie même si bien d’autres plantes pouvaient être utilisées. Ce n’était qu’un piètre résumé de ce que chaque plante pouvait faire, mais bon, bien que je connaisse les bases, je ne suis pas une herboriste. Je suis peut-être une forestière, mais j’ai tout de même une spécialité et je suis bien meilleure chasseresse que cueilleuse.
Enfin, avec tout ça, moi aussi je commence à avoir faim. Je cours partout depuis l’ouverture et je me mettrai bien un petit quelque chose sous la dent. Je termine donc de classer les boîtes en ordre alphabétique et me dépêche de m’approcher jusqu’à la cuisine improvisée de Faolan qui était justement retourné à ses fourneaux. Je ne peux m’empêcher de regarder ce qu’il y a en préparation et puisque j’ai entendu ce qu’il avait dit à Jin il y a peu de temps, je souris à pleine dent à ce dernier.
« Je peux avoir quelques trucs à manger et qui se fait rapidement? À vrai dire, tu pourrais même me donner de la viande crue que ça m’irait… D’ailleurs, que de la viande s’il te plait… »
Oui, la demande pourrait paraître étrange, mais il s’avère que la digestion de cette dernière est bien plus difficile lorsqu’elle est cuite que crue. On pourrait dire un peu comme les animaux, mais ça, je ne le dirai jamais à voix haute. Enfin, je peux manger de tout quand même, mais disons que j’ai une alimentation bien particulière.
On peut manger alors. Ca c'est une bonne chose. Ca rentre pas dans l'oreille d'un sourd comme dirait...J'sais pas, un connard, certainement.
Le cadre était pile comment je l'imaginais. Simple, convivial, chaleureux. Il y'avait cette ambiance familiale qui rendait à cet endroit un genre de maison dans laquelle tous les occupants auraient grandit ensemble. C'était bizarre et à la fois étrangement addictif. Comme si sortir d'ici deviendrait une petite blessure.
J'crois que c'est ça, "se sentir bien". Alors j'me fais pas attendre. Jack s'occupe de la table des joueurs, d'un signe de tête je lui fais savoir que j'ai bien écouter son conseil, même si, j'suis pas à l'abri de les cramer, ses cartes. Arrivé au comptoir, j'attends d'avoir le petit blondin sous les yeux pour lever ma mine dans sa direction. J'pouffe à la plaisanterie du cuistot, puis me mets à imaginer réellement quelqu'un demander du scolopendre à becter. Sérieusement, quelqu'un a déjà commandé un truc pareil ?
- Des cuisses de poulet rôti et dans son jus, et des patates avec ceci, chef. Que j'demande poliment, enfin j'crois.
D'un autre signe de tête pour le remercier, j'tourne les talons vers la table de jeu improvisée. Jack possède incontestablement une aura de Maître de Jeu hors pair, il pourrait presque cacher une âme plus obscure mais toujours dans une sympathie qui le qualifie. A vrai dire, ça serait marrant de le voir impitoyable cette fois. Mais Jack est une lumière dans un trou a rats qui baigne dans l'obscurité. Pis ça serai dommage de lui casser la gueule, hé ?
J'prends place à côté du collègue, retire mon manteau, me retrousse les manches pour témoigner de ma bonne volonté à ne pas tricher. T'façon, j'sais pas mentir, j'oublie les valeurs des cartes et des fois j'peux oublier celles que j'ai dans ma main. On va essayer de sauver les meubles. Hein.
- Lut' Bernard, Brindille. Jin.
- Bonjour l'ami !
- Enchantée, Jin !
- Jack tu distribues ?
Je le laisse distribuer cinq cartes chacun dans le sens de l'aiguille d'une montre, j'conclus que nous sommes ensemble pour cette partie. Faut espérer qu'il vienne pas grogner si j'me foire lamentablement. Jack place la retourne avec la première carte au milieu de la table. J'suis à droite de Jack, donc Bernard doit ouvrir sa gueule.
- Hm...
- Tu passes ou tu prends ?
- Je passe !
La partie se déroule et une assiette arrive à table, magnifique. Un regard en coin du Moustachu sur la mise en garde de toute à l'heure, alors j'prends mon chiffon qui dort dans ma poche pour m'essuyer les doigts après voir terminé de gameller. J'prends quand même le temps de savourer la viande croustiller entre mes mâchoires, les patates juteuses accompagner le tout, ma pupille se dilate, embuée par le plaisir infini qui m'envahi. Mais bordel de merde...Qu'est-ce c'est bon !
- Dis, Jack, tu connais le cuistot ?
Parce que j'aime bien avoir un nom quand il s'agit de quelqu'un qui sait faire son travail.
Que je glisse avec un clignement d’œil salace dans une pique assassine qu’il ne voit absolument pas venir. Moi non plus. Ça doit être l’alcool. L’ancienneté du breuvage ne doit pas y être pour rien. C’est qu’on sait pas, mais à l’époque, peut-être, il tenait vachement mieux à l’alcool et que ce qu’on sert maintenant comme étant notre plus fort alcool, c’est juste de l’eau pour ces gaillards d’antan. C’est drôle d’y penser. Comme ça pourrait être l’inverse et que dans mille ans, une bière fera rouler le plus solide des gaillards sous la table. Les gens changent. Les temps changent. On ne sait pas de quoi est fait le futur.
En tout cas, Jin me renvoie un regard assassin tout en me menaçant dans une réaction à rebours, puis se retient, en repensant comme si c'était mal, mais je lui fais comprendre qu’on s’en fout d’un signe de la main. Y a pas de mal. Je le mérite pour le coup. A le taquiner. Surtout que je compte pas m’arrêter là. La remarque de Bernard me fait embrayer sur autre chose et même si entre la serveuse et son tavernier, ça semble assez clair, il y a des cœurs qui devraient être pris mais dont on ne sait rien de l’histoire.
-Sinon, Jin. On est entre copains. Des gens de bonne compagnie. Et rien ne sortira d’ici, n’est ce pas ?
-Bien sûr !
-Sur mon honneur !
-Du coup, un gaillard comme toi, beau comme un pur sang, talentueux comme un saphir, c’est à se demander dans quel monde il n’a pas encore trouvé chaussure à son pied. Si tu vois ce que je veux dire, pour ne pas dire une main à marier. Héhé.
Bernard se marre à côté tandis que Brindille lâche un sourire amusé. Même du côté de Devon, le message est passé et ça s’enjaille. C’est que les histoires de cœurs et les ragots sur le sujet au cours d’une soirée, c’est aussi traditionnel que de fermer boutique en faisant sortir les récalcitrants à coup de pied au cul. Le constat sur l’aventurier est plutôt admis par l’assemblée et je peux vous dire que le public féminin ne se cache pas pour lâcher des regards en coin concupiscents au principal intéressé qui ne voit pas les vrais de ceux qui insistent juste assez pour le taquiner. Ça l’énerve, mais en même temps, c’est ça d’avoir plus de sex appeal en ne faisant rien d’autre que jouer à la belotte, les doigts dégoulinant de gras à manger son poulet, qu’un type donnant tout ce qu’il a pour attirer le moindre regard. Faut savoir encaisser qu’on va se prendre quelques blagues sur le sujet, l’alcool n'aide pas à faire la part des choses, mais je pense qu’on est assez de gars honnêtes dans le coin pour ne pas aller trop loin.
Je lance à la cantonade, après m’être levé comme pour un toast, ma choppe dressée vers le plafond.
-Dites-moi, mesdemoiselles, qu’est ce que vous pensez de monsieur Hidoru ? Est-ce que vous ne penseriez pas qu’il mériterait le titre de plus belle homme de la saison chaude de l’année mille, s’il y’en avait un ? Mis de côté le fait qu’il a vraiment le pouvoir de vous mettre le feu !
Grand rire. On trinque. C’est le passage obligé où on se rappelle qu’on est tous adulte et que la vie prend parfois des chemins amusants sans qu’on l’ait vu venir. Faut juste faire gaffe à ce que Melta ne capte pas trop les allusions, mais son foulard fait le boulot pour le maintenir dans un monde fantastique bien plus amusant à son âge. Puis, détourner sur Jin, cible ô combien évidente, ça me permet d’éviter qu’on cause de moi-même. Et d’une blessure qui ne guérira jamais vraiment. Et qu’après avoir noyé bien longtemps dans l’alcool, il ne s'agirait pas de retenter l’expérience ce soir.
Parce qu'il est le roi du Malaise.
Parce qu'il est incontestablement emmerdant.
Parce qu'en plus de ça il est terriblement sympa.
Et donc c'est pour cela que sa tronche ne finira pas enfoncée sur la surface de la table. Oh, non. Même un sourire, avec une espèce de gratitude dont j'pourrais même pas trouver sa provenance. Comme si c'était ma manière de le remercier qu'il soit encore à mes côtés alors que j'suis pas du tout un type de son envergure. En tout cas, c'est la marrade et Jack a encore trouvé le moyen de me déstabiliser, tellement que j'en ai le rouge aux joues pendant quelques secondes.
Sans attendre de réelles réponses de la part du nouvel auditoire de Jack, je lève mon verre dans leur direction en levant une main pour dire que j'suis plutôt désolé qu'elles aient à vivre pareille gêne. Jusqu'à ce que finalement la gêne ne soit finalement du tout partagée, comme si ça les amusaient. Ouais, donc, elles aussi s'amusent à se foutre de moi. Sauf peut-être la petite brune à côté et son clin d'œil. Mais désolé cocotte, y'a qu'une seule brune qui occupe mes pensées jour et nuit. Une maladie que j'suis heureux de contracter.
Et en faite, c'était aussi mon blocage. Parce que au-delà que ça soit Haru, c'est surtout que c'est la première ministre d'Aryon. J'ai tenté une fois de le dire au premier venu. Et j'ai eu droit à ce même genre de marrade, et franchement c'est pas agréable. En même temps, c'est aussi compréhensif, et me ramène à une certaine réalité : est-ce que j'suis vraiment le genre de type qui a les épaules pour une femme pareille ? J'me suis battu, j'me bats encore, mais pour combien de temps.
Alors, j'garde ce secret pour moi. Jack n'est peut-être pas prêt d'encaisser que le bras droit de la Reine partage ma couche, et c'est pas tellement l'ambiance dans la taverne pour en parler. Un soupir, derrière un sourire devant le collègue qui trahissait une phrase du genre "si tu savais..."
Alors que le rire général s'éteint doucement, nous reprenons la partie dans une ambiance en plus chaleureuse qu'elle ne l'était déjà. Donnant à Jack le vrai titre de Pyrokinésiste de la salle. On voit qu'il se sent bien, chez lui, dans son élément. L'impression qu'il nage dans le bonheur et j'espère que c'est vrai. Le bonheur...quelque chose qui prend des éléments si subjectifs qui parlent pourtant à tout le monde ici. Le bonheur des uns fait pas le bonheur des autres, mais ce bonheur là, a l'air de faire plutôt bien son taffe. Ni universel, ni objectif et ça répond pas toujours à une logique. Mais peut-être à une morale, ouais. En tout cas il est réelle que lorsqu'il est partagé et c'est exactement ce point d'honneur qui bouscule le palpitant.
Parce que dans le cauchemar que je vis, que j'ai vécu, et que je vivrais... Il y aura un enfoiré comme Jack pour donner un peu de lumière dans ce merdier.
A la réouverture d'une enseigne qui parle à tous les aventuriers, et à la lumière de bonheur qui va illuminer Aryon.
Santé.