Tout était parfait; le repas, les conversations. Nos parents semblaient bien s’entendre et pour une fois, mon père n’a pas essayé d’intimider qui que ce soit dès la première rencontre. Il l’avait fait avec Jin sans aucune raison alors que nous étions simplement sur la trace d’un homme barbare et la seconde fois c’était avec Devon, mais ça n’a pas duré bien longtemps et heureusement! Il l’aurait su, je peux vous le garantir! Sauf que bien que les conversations vont de bon train, cela fait quelque temps que mon père ne vit plus avec nous et ce dernier, qui a vécu durant quelques semaines à nos côtés, semblent observer des changements chez moi. Enfin, je le présume puisqu’il semble me questionner sur mes habitudes. Après tout, un chasseur se doit d’être observateur et c’est de cet œil qu’il m’observe. Bien évidemment, en tant que père, il doit se questionner. J’ai tenté d’être subtile, de ne pas trop faire savoir lorsque je devais aller à la toilette soit pour ma vessie qui était toujours pleine ou bien pour mes hauts le cœur qui me donnait des nausées. Mais bon, comme Devon, il s’est certainement inquiété, puis lui aussi a déjà été père. Il a vu ma mère, il sait ce que c’est. Peut-être qu’il connait notre secret, mais qu’il ne souhaite tout simplement pas en parler ou qu’il attend que Devon et moi souhaitions en parler. Après tout, il est le premier à avoir des secrets.

Un petit coup d’œil vers mon aimé pour lui faire comprendre que j’ai besoin d’aide et ce dernier semble le remarquer, car il dépose une main sur la table histoire d’attirer l’attention. Les regards se tournent vers ce dernier alors qu’il dit avoir une nouvelle importante à nous annoncer. Devon va agrandir l’Aventurier Téméraire. Sur le coup je suis surprise aussi. J’ouvre grand les yeux et me tourne dans sa direction. Bien évidemment, mon père lâche un petit commentaire ; « Oh, j’en connais une qui ne le savait pas. » et bien évidemment que je ne le savais pas! Pas que ça me dérange, après tout s’il croit que ce sera rentable pour lui, mais les rénovations seront pour quand? Avec quel argent, aura-t-il les employés pour s’occuper de la taverne et le bébé dans tout ça? Je déglutis doucement et je sens mon pouls s’accélérer soudainement. Je m’appuie sur la table et prends un grand verre d’eau pour tenter de me calmer. En vérité, je ne suis pas énervée, mais il s’agit juste d’une très grande source de stress et je sens la chaleur qui m’envahit.

« Tu vas bien, Saryna? S’enquit alors la mère de Devon.
- Oui, oui, ça va très bien. Je ne le savais pas, mais je suis contente pour lui.
- D’accord, c’est que tu nous sembles bien plus pâle que la normale.
- Ahaha, j’ai vu la pile de boulot qui nous attendait tout d’un coup, ça doit expliquer le teint.
- En effet, ça rajoute une charge de boulot tout ça! Tu as décidé de prendre des employés? Poursuivit alors mon père. Parce que ça te fera une blinde de clients en un soir, Saryna et toi allez avoir besoin de bras supplémentaires, j’imagine… »

Je sentais une certaine déception dans la voix de mon père, bien que j’ignore pourquoi. Après tout, le sujet de la taverne l’inquiétait parce qu’il savait que cela allait rajouter de la charge à Devon s’il ne prenait pas d’employé et que cela allait le tenir occupé bien plus qu’à l’habitude. En tout cas, de mon côté, le coup de chaleur ne semble pas passé et bien que mon pouls se soit accéléré, je me sens essoufflée sans même avoir bougé, puis il faut dire qu’avec la nourriture, le fait que nous soyons plusieurs réchauffe beaucoup la pièce…Je me lève donc de mon siège et m’excuse auprès de mes invités.

« Désolée, je dois aller prendre de l’air, il fait beaucoup trop chaud ici! »  

À vrai dire, je savais qu’il m’avait parlé de ses plans d’agrandissement, mais je ne pensais pas qu’il allait faire cela maintenant? Du moins, j’ai tellement été préoccupée par ma grossesse et symptôme qui en ont découlé que je ne sais pas dire s’il m’en avait parlé récemment. Était-ce donc cela tous les rendez-vous  où il s’absentait? Enfin, je ne peux pas lui en vouloir, après tout c’était quelque chose dont j’étais d’accord de base, mais si je quitte la table en m’excusant auprès de mes convives c’est seulement pour essayer de reprendre mon souffle et surtout faire baisser la pression qui me donnait extrêmement chaud. Un simple rien pouvait augmenter mon rythme cardiaque et c’est ce qui me gênait le plus. Alors je tente de contrer le mal par la froid et je ne prends même pas le temps de me vêtir chaudement et sors directement à l’extérieur. Le froid ne m’a pas encore saisie pour le moment, mais ça ne devrait pas tarder. D’ailleurs, cela ne prend que quelques instants avant que la porte ne se referme sur mon compagnon qui vient aussitôt m’enlacer tendrement comme il aimait si bien le faire, déposant ses mains contre mon ventre.

« Ça va et ne t’excuse pas… Cela m’a surprise un moment et oui j’ai de suite pensé à tout ce que cela impliquerait, mais je suis un peu tête en l’air et j’oublie certaine chose, dis-je en secouant la tête doucement. Je sais que tu ne ferais pas ça sur un coup de tête, mais t’inquiète pas, j’ai eu un coup de chaud à cause de mon état… Le rythme de mon pouls s’est accéléré d’un seul coup. Je me suis sentie étourdie et je me suis dis que prendre l’air allait très certainement me faire du bien… »

Je le laisse donc me guider en hochant la tête acceptant ainsi de retourner dans la maison avec ce dernier. Discuter semble avoir aidé un peu, puis un petit frisson commençait à se pointer le nez. Ce n’était pas réellement moment d’attraper un rhume. Du coup, une fois à l’intérieur, Devon reprend la discussion là où elle s’était arrêtée. Expliquant ainsi tout ce que cela impliquait, donc mise de côté, employés, plus de temps pour nous par la suite et c’est d’ailleurs le point qui plu en premier à mon père. Devon cru donc bon de rassurer sa mère malgré son silence. J’ai certainement raté quelque chose ou je ne suis pas au courant, mais je ne vais pas m’en mêler. Puis, si cette nouvelle semble aussi stresser nos parents d’une certaine façon puisqu’il s’agit d’une grande étape, j’ose espérer que notre annonce allègera ainsi cette petite crainte.

« Puis il aura plus de temps pour vous visiter aussi! Et s’il ne le fait pas, je lui botterai les fesses pour qu’il y aille! » affirmai-je par la suite en serrant davantage sa main qui était venue saisir la mienne quelques instants plus tôt. Mon père hoche la tête satisfaite et je vérifie bien vite et constate que les assiettes de ces derniers sont vides ou du moins presque. « Quelqu’un souhaite encore manger? » demandai-je rapidement. Les réponses furent plutôt négatives et je me lève afin de venir saisir les plats vides pour les apporter jusqu’au comptoir. Je prépare donc l’eau chaude pour les boissons chaudes et je sors finalement le dessert. Rien de compliqué, en réalité, et je m’étais contenté d’un simple gâteau à la vanille et au chocolat.  Cela ne servait à rien de gaver nos invités de nourriture, puis cette fois-ci, je mets le dessert au centre de la table apportant les assiettes et ustensiles nécessaires.

Peut-être qu’après le dessert il serait enfin temps d’annoncer la nouvelle. Après tout, je ne sais pas si je pourrai encore cacher bien longtemps mon ventre un peu plus arrondi que la normale en usant de subterfuge. Avant de m’asseoir, j’amène donc l’eau chaude ainsi qu’un peu de thé pour ceux qui en désirent.

« Servez-vous, il ne doit plus en rester! »

Parce que me connaissant, je sais qu’il finira toute dans ma bouche, mais on ma déconseillée ce genre d’aliment pour le bien de notre bébé alors autant profiter de tout ce beau monde.

Nous voilà à cet instant fatidique de la soirée où il est enfin temps d’annoncer notre nouvelle. Je sais que Devon a accroché les bas à la cheminée, mais je ne sais pas comment il compte attirer l’attention sur ces dernières. Nous avions terminé de prendre le dessert et bien que j’aurais voulu me resservir une deuxième part, Devon a fait exprès d’en proposer à nos invités sans me le demander ce qui me fait faire une petite moue. Ça ne m’aurait pas tuée! Enfin, soit, je jette un rapide coup d’œil à Devon qui me fait savoir d’un simple hochement de tête qu’il a comprise. Il se lève et s’avance en direction de la cheminée afin d’allumer un feu. Bien évidemment, il le mentionne à voix haute ce qui attire les regards dans cette même direction. Pour ma part j’observe les réactions si jamais il y en a et bien que cela ne me surprenne pas, les hommes ne semblent se douter de rien alors que Chrisna remarque quelque chose et s’apprête à poser une question, mais ne semble pas trouver les mots préférant sourire et passer de son fils à moi d’un intervalle régulier. Je souris doucement et surtout paisiblement alors que je me lève pour rejoindre Devon.

«  Est-ce que quoi? » demanda alors mon père qui était aussi aveugle qu’une autruche la tête dans le sol.

Je ne peux m’empêcher d’échapper un rire puis finalement lorsque Devon termine finalement de rajouter quelques buches, je glisse un bras dans son dos et me colle tout contre lui alors que j’observe à tour de rôle nos parents d’un grand sourire.

« Chrisna semble avoir un œil plus observateur que toi papa, ça m’étonne.
- Oh! Vous me faites des cachoteries et je ne suis pas un devin. Pas ma faute, dit-il d’un air boudant.
- Ce n’est pas ma faute si tu n’es pas assez observateur lorsque tu quittes ta forêt, dis-je en ricanant. »

Et pourtant! Ce n’est pas comme s’il n’avait pas du tout passé sa soirée à enquêter. Il n’a fait que cela!

« Du coup, avant que les douze coups de minuit sonnent, nous aimerions vous faire une annonce. Bien que Devon vous ait parlé de sa grande nouvelle concernant sa taverne nous en avons un deuxième sous la manche. » Je ne peux m’empêcher de porter mon regard vers ce dernier, observant avec amour l’homme pour qui je portais cet enfant. Puis je m’en éloigne malheureusement, mais gardant toujours sa main dans la mienne et je caresse doucement. Je puise dans sa force pour trouver les mots afin de leur communiquer cet heureux évènement qui ne tarderait pas à arriver parmi nous.

« J’ai du mal à trouver les mots pour vous l’annoncer, mais je pense que la meilleure façon de le faire est d’y aller sincèrement. Alors, papa, Chrisna et Balian, j’ai l’honneur de vous annoncer que d’ici quelques mois, vous serez grands-parents. »

La mère de Devon qui semblait avoir vu juste pousse un cri de joie alors que mon père me regarde comme s’il ne comprenait pas la bouche à moitié ouverte alors qu’un sourire s’était affiché sur les lèvres de Balian. Chrisna se lève d’un bon pour venir nous serrer dans ses bras même si cela est peut facile au vu de la corpulence de son fils jumeler à la mienne et pour une première fois, Balian se montre tactile à mon égard. Il dépose ses mains sur mes épaules, me regarde un moment et je peux sentir sa fierté et il me sert doucement contre lui. Il fait preuve d’une extrême douceur et je sais d’où vient celle de Devon. Être grand n’a pas toujours ses avantages et il faut faire particulièrement attention aux plus petites choses. Il se tourne alors vers son fils déposant une main contre son épaule la secouant légèrement tout en nous félicitant bien évidemment.

Mon père n’a toujours pas bougé, mais son expression a changé. Il se lève doucement et s’approche de moi un grand sourire idiot sur le visage et le connaissant il ne compte pas me demander la permission pour quoi que ce soit. Me serrant dans ses bras, il profite de notre embrassade pour toucher mon ventre de sa paume de main au-dessus de ma robe qui s’écrase contre celui-ci et qui montre enfin mes rondeurs que je cachais habilement. « Ma petite fille, qui n’est plus une si petite fille n’est-ce pas? » dit-il en levant finalement un regard ému et larmoyant en ma direction. Il caresse doucement ma joue puis se tourne finalement vers Devon. Sans aucune gêne, il l’attrape dans ses bras dans une accolade fortement musclée. «  T’es un bon gars, mon p’tit et tes parents peuvent être fiers de toi. Je savais que je ne faisais pas d’erreur en te laissant ma fille. » dit-il juste pour que ce dernier puisse l’entendre, puis il s’en éloigna afin de le laisser respirer.  

Nos parents sont fiers et heureux et bien que je pensais que mon père serait le premier à sauter de joie, il est le dernier à venir nous félicité. Je pense que l’émotion l’a cloué sur place et qu’il ne sait pas comment prendre la nouvelle. Ses yeux larmoyants me font savoir qu’il est ému, mais j’aimerais bien qu’il se lève non? Cela lui prend quelques secondes pour venir nous rejoindre, il semble avoir du mal à parler et même ses mots sont plutôt maladroits. En effet, je ne suis plus une petite fille, mais depuis bien longtemps et ça il ne le saura pas et je ne veux pas non plus y penser. Nous avons bien plus de réjouissance à faire.

Bien évidemment, nous retournons à la table tous ensemble et Devon ouvre une nouvelle bouteille pour fêter la nouvelle et aussi parce que l’heure avait bien avancé. Je ne peux bien évidemment pas boire et Devon non plus, mais nos invités sont bien heureux. Le pouvoir de Devon est plus que pratique pour éviter les gaspillages d’alcool. Il n’a qu’à servir la quantité nécessaire et l’eau peut rester quelques jours dans la bouteille sans changer de goût. Nous levons nos verres et c’est à ce moment que les cloches retentissent. Nephalie est le premier à lever la tête et semble se diriger vers la porte de sortie comme s’il y était attiré. Theraphosa se pose sur le petit dragon et attendent tout deux qu’on leur ouvre la porte. C’est Devon qui semble plus curieux et les libères donc, mais alors qu’il aurait du revenir auprès de nous bien rapidement, il nous appelle auprès de lui. Le rejoignant, je sens aussitôt une douce chaleur m’envahir et je lève les yeux dans la même direction que ce dernier. Le ciel était féérique avec la pluie scintillante. Je ne sais pas dire s’il s’agissait d’un phénomène normal ou s’il s’agissait du pouvoir de quelqu’un, mais dans le doute et surtout parce que je me sens dans l’envie de le faire, je ferme doucement les yeux souhaitant ainsi tout ce qu’il y a de mieux pour notre enfant à naître et je souhaite de tout cœur que mon père retrouve la santé ou du moins qu’il puisse vivre assez longtemps pour qu’il puisse passer autant de temps que possible avec son petit fils ou sa petite fille. Devon me tenait tout contre lui, ses mains contre mon ventre et par simple réflexe, je dépose les miennes sur les siennes en souriant doucement. Sa barbe chatouille mon oreille alors qu’il s’en rapproche pour me dire ces quelques mots d’amour. Resserrant mon emprise sur ses mains, je colle avec doucement ma joue contre la sienne tout en lui retournant aussi ces quelques mots. « Je t’aime aussi, Devon. »

Comme si nous n’étions que tous les deux, je ne remarque pas les regards attendrissant qui se sont tournés vers nous. Je me sens comme dans une petite bulle avec ce dernier et d’ailleurs, j’ai l’impression qu’un poids s’est levé de mes épaules. Comme si le secret que nous gardions depuis tout ce temps me rendait ainsi. Nous rentrons donc à l’intérieur afin de passer les derniers moments avec les membres de notre famille et comme minuit était passé, ils ne tarderaient certainement pas à retourner à leur maison qui n’était pas si loin de la nôtre au final. Les derniers au revoir furent annoncés et nous refermons la porte derrière ces derniers. Je ne peux que pousser un souffle soulagé que tout ceci soit enfin terminé et annoncé, mais avant de me diriger vers la salle de bain afin de me changer, j’ai encore un petit cadeau pour Devon.

« Viens suis-moi. J’ai un petit cadeau pour toi, enfin pour nous… »

Ce cadeau ne se trouve pas dans le salon sous le sapin, mais bien dans notre chambre. Je le fais s’asseoir sur le lit et lui fait fermer les yeux pendant que je fouille dans l’armoire où j’y avais caché la boîte. J’ouvre la boîte et en sors deux bracelets identiques composés de cuir tressé ainsi que de perle de bois noire. À son centre se trouve une petite breloque rappelant un arbre de vie que je lui mets au poignet droit. J’enfile le mien et lui mentionne qu’il peut ouvrir les yeux et je vois à son regard qu’il se questionne. « Tout comme nos colliers, ils sont liés l’un à l’autre, mais plutôt que de prévenir en cas de danger, ce dernier permet de partager nos émotions actuelles. »

Je dépose ma main droite contre mon poignet gauche et je me concentre sur ce dernier pour lui transmettre, la joie que j’éprouve à l’instant même, certainement mêlé à une goutte de stress, mais il y avait aussi une douce chaleur qui venait englober le tout. J’ignore comment il le ressent, mais il dépose sa main contre ma hanche glissant jusqu’au bas de mon dos pour me coller à lui pour venir capturer mes lèvres. « Bien évidemment, je vais essayer de ne pas en abuser, mais cela fonctionne, peu importe la distance qui nous sépare. Lorsque je penserai à toi, je te le ferai savoir… » j’ai un petit sourire joueur sur les lèvres, mais je dois avouer que je suis extrêmement fatiguée de ma journée.

« Enfin, je voulais t’embêter un peu ce soir, mais je n’avais pas prévu que cela serait aussi épuisant.
- Cela veut donc dire que cela fonctionne dans les deux sens, me dit-il en échappant un léger rire amusé alors qu’il me tient fermement contre lui. Mais bon, reposons-nous ce soir, après tout, il nous reste encore demain matin… »

Un sourire moqueur sur les lèvres et remplie de sous-entendu et je ne peux que lui voler un baiser. Bien évidemment, nous allons ranger la maison demain matin ou peut-être plus en début d’après-midi vu les projets de ce dernier qui implique que nous ne nous lèverons pas de si tôt. Mais pour ce soir, nous nous faisons confortables afin de trouver le sommeil allongé dans les bras de l’un et de l’autre.