Soupirant finalement, elle regarde du côté de son lugnipus qui lui arrivait bien au niveau des hanches et déposa sa sénestre contre sa grosse poilue qu’elle caressa avec vigueur. « Il n’y a que toi et moi cette année… » Ce dernier n’ayant jamais vécu ce genre d’évènements ne fit que la regarder sans trop comprendre pourquoi. Après tout, ils étaient toujours que tous les deux, alors une journée ou une nuit de plus ça ne faisait pas réellement la différence.
« Faux, pas deux, mais trois. Plue!, dit-il à voix haute.
- En effet, il y a Plue aussi, dit-elle en attrapant le petit glooby de sa poche qu’elle mit sur son épaule. Alors cette année nous ne serons que tous les trois! »
Sachant que ses amis allaient être occupés avec leur conjointe et que Fedora devait être à la capitale, Jaina n’avait donc aucune personne avec qui passer du temps et cela ne semblait pas être le genre de sa sœur. Bien au contraire, elle avait très des plans derrières la tête afin de profiter de la sortie de certain noble pour s’en mettre plein les poches. Et resté seul à ruminer ne l’aiderait sûrement pas, alors elle avait fait un choix. Un choix qu’elle allait très certainement regretter, mais elle avait décidé de se rendre jusqu’aux festivités du grand port organisées pour le solstice d’hiver. Le soir venu, Jaina s’était préparée convenablement et contrairement à ce que vous pouvez croire, elle ne s’était pas faite plus belle que la normale. Elle gardait sa tenue habituelle et tout son équipement à sa portée en cas de besoin. Elle avait tenté de prendre des vacances à la plage une fois et elle s’était retrouvée à combattre un Karthogan en bikini. Alors bon! Elle n’allait pas prendre de chance.
Il y avait foulé de monde et Jaina avait parfois du mal à circuler entre les passants. Même lors de ses rondes ce n’était pas si difficile, mais des kiosques étaient ouverts de partout et chacun tentait d’attirer les passants. Sucrerie, chocolat, boissons chaudes, viennoiseries, il y avait là de quoi prendre plusieurs kilos. Des activités semblaient même avoir été organisées pour les gens de tout âge. Spectacle de marionnette, acrobatie, jongleur en tout genre, tout était là pour épater les spectateurs, mais Jaina n’arrivait pas à en profiter. Elle surveillait autour d’elle les gens qui l’entourait s’assurant que personne ne vienne la toucher par mégarde, mais bien évidemment, se promener dans les rues avec un gros loup attirait bien les regards ce qui ne l’aidait pas. Des gens s’approchaient d’elle la prenant par surprise la faisant sursauter à chaque fois, mais ce qui sembla être la fois de trop fut lorsqu’un homme, certainement du même âge qu’elle, vint s’accroche à ses épaules en se collant un peu trop à elle. Par simple réflexe, la demoiselle l’attrapa rapidement et le fit passer par-dessus elle.
« Je…ne me touche pas!
- Mais t’es une malade! Gémit-il en partie ce dernier.
- Non… c’est… je n’ai rien fait de mal. »
Elle entendit les murmures s’élever autour d’eux et sentit les regards sur sa personne où était-ce elle, qui se faisait des idées. Mais chaque fois qu’elle vérifiait d’un côté, on la fixait et tout sembla se mettre à tourner autour d’elle. La seule chose qu’elle crut bon de faire à ce moment, était de prendre la fuite et sans se soucier de qui se trouvait là, elle poussait, jouait du coude jusqu’à ce qu’elle juge être assez loin, mais elle ne s’arrêta pas d’elle-même. Non, elle ne fit pas attention et fonça tête première dans un individu devant elle. Ouvrant grand les yeux de surprise, Jaina poussa un gémissement suite à l’impacte et se retrouva aussitôt fesses au sol sans comprendre ce qu’il venait de se passer. Sonner voir perdue même, elle avait bien du mal à s’en remettre. Son état de panique n’aidait très certainement pas.
« Jaina, trouvé! » dit alors le loup arrivant derrière elle en s’asseyant à ses côtés pour regarder l’individu devant eux suspicieusement. « Méchant? »
Les derniers jours avaient été mouvementés pour moi, habitué à un quotidien assez paisible. Il faut dire que la simple rencontre avec la jeune noble y était pour beaucoup. Je pense que j'ai bien du passer par toutes les couleurs de l'arc en ciel avec la demoiselle, même celle qui n'en font pas parti. Mais en faisant le bilan, seul du positif en ressort. C'est donc pour cette raison, que j'essaye un peu de bousculer ma routine solitaire. J'avais passé un bon moment aux festivités de l'autre jour, alors, pourquoi pas y retourner pensais-je au moment de partir.
Cette fois, me rendant en centre-ville je choisis un itinéraire différent, n'ayant pas de raison d'éviter les lieux peuplés. Ce n'est pas pour autant que je compte prendre un bain de foule. J'emprunte des rues que je ne connais même pas. Le ciel était sombre depuis quelques heures, la lune masquée par les nuages gris, impossible pour moi de me repérer de cette manière. J'ai finis par errer pendant une bonne demi-heure, avant d'entendre de nouveau l'agitation festive. J'ai une direction, mais le chemin.. mon regard balaye de gauche à droite en quête d'une ruelle donnant sur la place.
Je finis par arriver au niveau d'une petite cours, quelques devantures de boutiques. L'une d'elle, encore éclairée à la lueur d'une bougie attire mon attention. Un écriteau indique "vente d'armes magiques sur-mesure". Il est vrai que récemment, j'ai commencé à réfléchir à me procurer une telle arme. Je m'approche de la vitrine, essayant d'observer les différentes armes sur des présentoirs. Elles semblent de bonne manufacture. Si il y a bien une chose dont je me souviens des apprentissages de mon père, c'est certainement cela. Mais quoi qu'il en soit, je ne compte pas acheter une telle pièce, depuis quelques lunes, j'ai commencé à imaginer l'arme qui me siérait au mieux, et donc une pièce unique en harmonie avec mes flammes.
Des bruits de pas. Le claquement de semelles sur les pavés, un rythme soutenu. À peine le temps de me tourner, que le choc m'emporta droit sur le sol. La chose, ou plutôt, la personne qui m'a heurté n'est pas dans mon champs de vision. À vrai dire, je ne distingue que les murs d'un bâtiment et le ciel noirci par la nuit. Etalé sur le sol, je bouge un par un mes membres pour m'assurer d'être en un seul morceau. Tout semble en ordre, seule une douleur persiste entre mes épaules, la zone ayant encaissé ma chute de plein fouet. Par chance, ma tête n'avais rien, tout au plus, les cheveux humides par le contact avec le sol. Mes idées assez rapidement en place, je songe alors à me lever. Action retardée, alors que j'allais prendre appui, une masse sombre passa rapidement à côté de moi. Naturellement, mon regard voulu la suivre mais elle disparu derrière moi.
Rien ne m'entrave cette fois, mes bras pliés, une légère impulsion de mes paumes me permit de m'asseoir. Je pus alors couvrir l'angle mort que j'avais, étant allongé. Une voix provient de la masse sombre et poilue, que j'avais perdu de vue quelques secondes plus tôt. Elle me fait dos et semble s'adresser à quelqu'un. Peut-être la Jaina qu'il vient de mentionner. La boule de poil finit par se mettre à son côté et ses yeux ardents me fixèrent. Son déplacement révéla une femme encapuchonnée, certainement l'auteur de cet accroc. Je suis rapidement interpelé par.. le loup ? Méchant ? Moi ? Cette femme vient de me heurter et voilà qu'un loup m'accuse.
« Moi je.. non, c'est elle qui vient de me heurter. J'étais simplement en train de.. et puis je me retrouve par terre »
Par crainte que le canidé ne m'attaque, je me redresse maladroitement, manquant de finir par terre une seconde fois. De toute manière, je n'avais pas d'armes pour me défendre. Mes mains gantées, tapotèrent mes vêtements, dans le but de retirer la saleté s'y étant déposé. Pas simple de retirer de l'humidité avec de simples gants. Et maintenant ? J'attends de simples excuses et je m'en vais ? Relevant la tête, j'observe avec plus d'attention la femme au sol. Son visage est ombré par sa capuche, mes ses traits apparents ne mentent pas. Elle semble en pleine crise de panique. Je connais bien ce visage, il m'arrive de l'afficher périodiquement.. Des suppositions commencent à fuser dans mon esprit. Est-elle en fuite ? En cavale ? Le seul moyen de connaître cette réponse est de poser la question.
« Dis moi, tu es sûre que ça va ? Tu sembles avoir des ennuis.. »
Dis-je alors m'adressant à l'inconnue.
« Toi dire que Jaina coupable? »
Bien évidemment le loup se mit sur ses quatre pattes au même moment que cet humain se redressait sur ses jambes. Prévoyant plus qu’autre chose, il était prêt à faire bouclier si quoi que ce soit venait à arriver. « Pas faire mal! Sinon...! » Il retroussa les babines montrant ses crocs tout en lâchant un grognement en guise d’avertissement. Il avait appris à se battre avec Jaina et il avait même suivi des cours avec un véritable dresseur alors il n’allait pas hésiter à s’en servir! En plus, Jaina et lui avaient même réussi à établir un lien télépathique depuis et pour sortir sa maîtresse de ces genres de transe, il était bien plus facile pour lui de l’atteindre ainsi que par sa voix. Se tournant finalement vers elle, il mit son museau sous la capuche de la jeune femme et vint lui lécher le visage ou du moins seulement la joue.
*Jaina, calme. Cobalt est là. Cobalt protéger Jaina! *
Il continua ainsi un instant et Jaina bougea enfin la tête pour regarder en sa direction clignant à plusieurs reprises des paupières. Cherchant finalement à comprendre ce qu’il venait de se passer, elle observa les jambes qui se tenaient debout devant elle. Levant la tête afin d’observer l’homme en question, elle demande à son lugnipus ce qu’il se passait. Un échange mental laissa donc dans le silence ce dernier qui les tira ainsi de leur silence. Est-ce qu’elle allait bien?
« Je…vais bien, hésita-t-elle à dire avant de se relever avec l’aide de son loup. Je suis désolée de vous avoir heurté. Je…je ne pense pas avoir d’ennuis, enfin, si, mais cela n’implique pas la garde.
- Monsieur pas poursuivi Jaina. Jaina ok.
- J’ai, euh… d’accord, souffla-t-elle finalement. »
Ses paroles n’étaient pas bien précises et le garçon ne devait pas comprendre du tout ce qu’elle essayait de lui dire. Dans tous les cas, elle ne pouvait pas lui dire que les ennuis se trouvaient surtout dans sa tête…
« Je m’appelle Jaina, dit-elle pour se présenter officiellement. Vous allez bien, vous ne vous êtes pas blessé, à cause de moi j’espère? » dit-elle en l’observant davantage. « Oh, et lui c’est Cobalt, mon lugnipus. » Mentionna-t-elle en l’ayant presque oublié.
De nouveau, le loup s'adresse à moi en réponse à mes explications. Même si il ne s'agit que d'une forme de langage primitif, je suis toujours surpris après cette troisième réplique. En effet, des familiers en tout genre j'en ai bien rencontré, que ce soit au magasin de ma mère, ou depuis mon voyage jusqu'au grand port, mais possédant une magie leur octroyant la parole, il me semble bien que c'est une première. Surpris, mais aussi sur mes gardes, le canidé a les oreilles plaquée, et je me souviens, que l'on m'a toujours dit de me méfier de cela. Et puis, son interrogation verbale corrèle avec ce que je viens de soupçonner. Je tente alors de m'expliquer, afin de désamorcer tout éventuel conflit.
« Alors, non je ne dis pas qu'elle est coupable, seulement qu'elle m'a heurté.. je pense »
J'espère que les doutes de la boule de poil presque aussi sombre que la nuit se dissiperons. Mais c'est tout de même par précaution que je me suis relevé. Et l'effet escompté ne se produisit pas, un geste défensif de ma part, interprété comme une possible menace. Cette fois, le loup semble vraiment prêt à en découdre. Ce qui n'est pas mon cas, je souhaite simplement que tout se passe calmement.
« Tout doux, je ne vous veux aucun mal »
C'est d'ailleurs à ce moment là que mon attention se porte sur la maîtresse de l'animal protecteur. Je note d'ailleurs a quel point le loup semble y être attaché, prêt à attaquer un inconnu susceptible de nuire. Après avoir indiqué mon inquiétude, le familier fit de même envers sa maîtresse, passant de menaçant à câlin. Ce qui semblait faire son effet, après un court moment de rapprochement, la femme toujours au sol sembla revenir en partie à la réalité. Attendant ma réponse, je reste immobile, hormis une main venant frotter ma nuque. Enfin quelques mots s'échappent de sous son capuchon. Son ton de voix n'est pas en accords avec les mots prononcés, du moins, ce que je suppose. Elle poursuit ses explications, mais il me semble que elle-même à du mal à croire ses propos. Voilà qu'elle évoque la garde, au milieu d'autres paroles assez confuses pour mon esprit. Cela confirme ma théorie de la fugitive ? Pas vraiment, elle pense peut-être que je suis un garde. Le loup s'invite au dialogue pour ajouter des précisions. La femme à l'air de retrouver un semblant de cohérence, elle se présente à moi, ce qui dissipe mes soupçons. Quel fugitif dévoilerai son identité ? Mais cela n'explique toujours pas cette hâte et l'état de panique. Je m'apprête à ajouter une nouvelle interrogation mais elle poursuit. J'y réponds donc d'un léger mouvement de tête.
« Je me prénomme Kell, un-peu-mal-au-dos, ce n'est pas mon nom, mais ça va, j'ai vécu pire »
La main posée au dessus de mes épaule redescend le long de mon échine par réflexe à ce moment là. Mon regard se penche brièvement et un j'affiche un air un peu gêné.
« Enchanté Cobalt, tu as de beaux crocs .. »
Mais le lugnipus n'est plus ce qui me préoccupe, préoccupé n'est pas le terme exact d'ailleurs, curieux convient mieux. Même si il ne s'agit que d'une inconnue encapuchonné, l'envie de savoir me démange.
« Je me permet.. Jaina tu es sûre que ça va ? Je vois bien que ton compagnon peut te défendre, mais tu semble avoir des ennuis ... »
Je garde toujours mes distances pour ne pas l'inquiéter d'avantage, mais j'espère bien en apprendre plus.
Se présentant à son tour, Jaina pouvait finalement mettre un nom sur le visage de l’homme qu’elle avait heurté. Bien évidemment, elle se sentit mal lorsque ce dernier lui fit savoir qu’il avait toujours mal au dos de par sa faute et elle se contenta de s’excuser à nouveau…
« Enchanté Kell et vraiment désolé encore… »
Bien évidemment, il y avait une sorte de malaise entre eux deux, mais c’était plutôt normal. Après tout, elle venait de le heurter. Peut-être cherchait-il à être dédommagé? Après tout, il aurait très bien pu continuer son chemin après s’être relevé et s’assurer que tous les deux n’avaient rien de casser, mais les voilà toujours bien présent l’un en face de l’autre. Elle attrapa par réflexe son avant-bras de pierre qui était bien évidemment caché sous sa manche. La seule chose qu’il pourrait voir s’il avait l’œil était ses doigts de pierre. Mais dans cette noirceur, peut-être ne le pouvait-il pas. Enfin, pour toute réponse au compliment sur les crocs qu’il eut droit fut le retroussement des babines de Cobalt qui chercha tout simplement à lui remontrer de nouveau, mais bon, bien évidemment ce n’est pas réellement ce qu’il attendait réellement. En vérité ce dernier préféra plutôt de s’inquiéter sur la demoiselle qui semblait fuir quelque chose, mais quoi? Toujours pris sur cette idée qu’elle avait des problèmes, Jaina poussa un léger soupir avant de tirer sa capuche vers l’arrière laissant sa chevelure blanche qui la rendait bien visible dans cette noirceur, bien que des cristaux de lumière était parsemé ici et là des les rues plus passantes.
« Ne t’inquiète pas pour moi… » Dit-elle en se passant sa main de chair contre son front. « Pour faire simple, on m’a surprise, j’ai réagi instinctivement et j’ai balancé un homme au sol en le passant par-dessus mon épaule. Je n’ai pas réellement pris le temps de vérifier s’il allait bien ou me poursuivait… en même temps il n’avait qu’à ne pas me toucher sans que je ne m’en attende. » Dit-elle finalement pour se convaincre qu’elle n’était pas en tort et sans pour autant laisser passer trop d’information. « Je ne suis pas une voleuse, ni une criminelle en fuite si c’est ce qui t’effraie. Je fais même partie de la guilde des aventuriers biens que cela fasse peu de temps… » En effet son insigne était accrochée à son vêtement un peu au-dessus de sa poitrine à sa droite et bien que cela faisait peu de temps, elle n’avait pas la dégaine d’une aventurière fraîchement enroulée. Son équipement semblait plutôt couteux et même ses armes n’avaient rien à voir avec le salaire qu’ils pouvaient faire en débutant.
« Enfin, vous voulez boire quelque chose? Je vous l’offre, tant que je ne retourne pas dans cette foule... Il y a une taverne non loin d’ici… » Elle se tut en plein milieu de sa phrase se rappelant la dernière fois qu’il s’y était présenté et elle se remémora des souvenirs qui lui étaient bien trop douloureux pour réussir à y remettre les pieds. « Nous pouvons nous y rendre si vous le voulez? » Bien évidemment, sa destination ne serait pas la même qu’elle avait prévue. Cela allait prendre du temps avant qu’elle ne soit capable de parler à Gerolt ou même Nayah.
Les présentation sont faites, mais une nouvelle fois elle semble vouloir s'excuser. Comme je viens de l'exprimer, ce n'est pas grand chose, honnêtement, j'ai été plus surpris qu'autre chose. Quand je repense à mon séjour au village perché, le simple trajet fut bien plus fastidieux. Je me contente cette fois de balayer son inquiétude d'un simple geste de la main accompagné d'un mouvement de tête, lui signifiant qu'elle ne doit pas s'en faire plus que cela.
Quant à la réponse du canidé qui s'en suivit, c'est toujours d'un même sourire peu rassuré que je le regarde. Compréhensible, qu'il n'ait pas saisit la nuance dans ma tournure de phrase après tout. Mais je ne m'y attarde pas trop, revenant sur ce qui m'inquiète le plus, l'air tourmenté qui semble saisir la femme me faisant face. En guise de première réponse, j'obtins le droit d'apprécier son visage, qui était jusqu'alors dissimulé par l'obscurité ambiante accentuée par sa capuche. Les rayons nocturnes révélèrent des reflets argentés sur la chevelure de mon interlocutrice. Par ailleurs, celle-ci s'exprima de nouveau. Enfin, elle semble déterminée à me raconter sa mésaventure. Eh bien, effarée comme un petit animal elle ne le parait pas, mais bien plus qu'une chevelure cachée par ses vêtements, semble se dissimuler sous cette apparence. En effet, elle m'avoue même être aventurière, tout s'explique à présent, ou au moins, comment une femme se retrouve à faire virevolter un homme par réflexe d'auto-défense.
« Je vois, je n'étais pas effrayé, mais plutôt inquiet pour toi. Et d'ailleurs.. »
J'essaie de clore ma phrase par une démonstration, mais je peine à la réaliser.
Je viens de plonger ma main derrière mon jabot, tentant désespérément d'atteindre ma propre plaque d'aventurier, afin de la présenter à Jaina. Après de longue secondes de galère je finis par l'extirper et la tendre en direction de ma consœur aventurière.
« ... et d'ailleurs .. eh bien je suis aventurier aussi ! »
Je fais ensuite disparaître à nouveau la plaque derrière ce tissu précieux couvrant mon cou. S'en suit alors une proposition que je n'attendais pas. Son argument est aisément recevable, mais ma réponse, à vrai dire, déjà que je n'ai pas pour habitude de sortir pour fréquenter du monde, aller dans une taverne encore moins. Est-ce un signe ? Que me dirait la poupée qui m'a déjà incité à sortir plus régulièrement ? Certainement d'y aller, sans compter que la politesse me recommande d'acquiescer pour ne pas la vexer. Je m'étais servis de la courte pause dans la diction de Jaina pour réfléchir, mais cette fois elle me le demande directement.
« Je suppose que je ne peux pas refuser cette offre, alors je te.. Nous pouvons nous tutoyer entre collègues si ça ne te dérange pas »
Je suis moi même gêné par ma propre tournure, ne savant trop comment m'exprimer dans l'attente de sa réponse. Quoi qu'il en soit, je vérifie une dernière fois que je n'ai rien perdu dans l'accroc, me préparant à suivre Jaina jusqu'au lieu qu'elle a en tête.
Jaina porta finalement son regard sur l’objet que ce dernier avait cherché pendant plusieurs secondes. Tout comme elle, il était aventurier ce qui lui arracha un léger sourire et elle trouva bon de l’inviter à boire un verre en sa compagnie pour se faire pardonner de l’avoir heurté ainsi. Bien évidemment, Jaina avait toujours été habitué à vouvoyer les gens qu’elle croisait. C’était un tic de langage et pour tout dire, même pour sa sœur elle l’avait vouvoyé pendant un moment après leurs retrouvailles. Elle ne fut donc pas surprise que ce dernier propose d’user d’un langage plus familier entre collègues. « Je suppose que nous pouvons nous tutoyer. Seulement, je m’excuse s’il m’arrive de faire l’inverse par occasion. On m’a habituée à parler ainsi, alors il sera dur de perdre de vieilles habitudes. » Ajouta-t-elle en lui offrant un simple sourire. « Sinon, tu peux me suivre, nous irons près des quais. Cela devrait être moins achalandé dû aux festivités qui se trouvent au centre de la ville. »
La demoiselle n’était en rien une résidente du grand-port, mais elle semblait y trouver quelque chose d’apaisant. Enfin, elle se sentait toujours l’envie d’y revenir même si la plupart de ses missions se trouvaient dans le nord du pays pour le moment. Elle n’y avait pourtant pas de domicile et la vue de la mer semblait un peu l’effrayer, mais quelque chose la retenait ici. Elle avait donc eu le temps de parcourir les rues afin de connaître les endroits les plus passants et ceux que tout le monde semblait éviter. Après tout, aucune ville n’était complètement sûre et encore moins en pleine nuit.
« Tu es aventurier depuis longtemps? » demanda-t-elle alors que tous les deux marchaient en direction de la taverne. Celle-ci avait une vue sur la mer et possédait une terrasse qui pouvait être utilisée même à cette saison-ci. Après tout, il a toujours fait plus chaud au sud qu’au nord, mais Jaina n’avait pas réellement envie de rester à l’extérieur. Posant sa main contre la porte, elle poussa celle-ci afin d’entrer dans le bâtiment à l’éclairage tamisé. Il y faisait déjà plus chaud et bien qu’il y aille du brouhaha, il était assez facile de s’entendre sans devoir élever la voix. Choisissant un endroit tranquille, Jaina alla s’y asseoir alors que son loup se glissait entre chaise et table pour ne pas embêter qui que ce soit. Ce dernier s’assied du côté exposé de sa maîtresse et surveilla donc les environs alors qu’une serveuse s’approcha d’eux non sans oublier de jeter un regard sur l’imposant canidé. Elle fit attention à ne pas trop s’en approcher alors que pourtant, il était si adorable avec son air bien sérieux. Ses traits commençaient à se raffermir lui retirant ainsi ses traits de louveteau un peu bouffis.
« Commande ce que tu veux, Kell, c’est moi qui t’invite. Pour ma part, je vais prendre une blonde. »
C’était assez léger pour cette dernière qui ne n’avait pas pour habitude de tenir l’alcool, mais depuis quelque temps, alors qu’elle s’y apprêtait toujours plus au fil des jours, elle avait su développer une certaine résistance. Mais bon, elle n’était pas là pour oublier quoi que ce soit ce soir, mais bien pour discuter.
La décision étant prise, nous entamons donc le chemin pour un endroit plus chaleureux que cette ruelle froide, à peine éclairée. J'obtiens par la même occasion l'accord de l'aventurière aux cheveux immaculés pour la tutoyer. En effet, ses dires se confirment bel et bien, par sa façon de s'exprimer. La différence est moindre, mais lorsque l'on a passé une partie de son enfance dans une boutique, où défilent toute sorte de clients, nobles ou vagabonds, elle reste notable. Toujours un peu gêné par habitude, que l'on me porte des attentions, je me permet d'y répondre.
« Tu n'as pas à t'excuser d'être bien éduquée voyons, nous n'avons pas tous cette chance »
À la suite de ses propos, ma réponse est simple. Je ne fréquente aucune taverne, et ne connais encore moins les axes y conduisant.
« Je te suis, un peu plus de calme me sied bien »
Comme à mon habitude, j'ai un peu de mal à lancer une conversation, alors que nous nous dirigeons vers le port. Même si Fedora à réussi à me faire sortir, ainsi qu'à me mettre à l'aise alors qu'elle n'était qu'une inconnue, les bonnes, ou devrais-je dire mauvaises habitudes reviennent au galop. Jaina rompu ce silence m'interrogeant.
« Eh bien je dirais depuis deux ans, mais rien d'exceptionnel à mon actif, je me contentais jusque là de quêtes me permettant de pouvoir subvenir à mes besoins »
Nous arrivons enfin à la taverne. Je m'aperçois alors qu'il m'arrive souvent de passer devant sans même y prêter attention lorsque je me rends sur les quais. Souvent pour éviter l'agitation qui peut s'y trouver. Mais cette fois je me dirige en plein cœur de celle-ci. Etonnement, ce fut plus calme que je ne l'imaginait. À croire que les braillards se mettent dehors pour impressionner les passants. Je continu toujours de suivre la jeune femme, tel un enfant perdu en centre ville suivant sa mère de près. Les seules nuances étant bien sûr l'imposant loup à ses côtés et nos âges, que je suppose assez proches. Comme si Jaina lisait dans mes pensées, nous nous installons à une table bien tranquille, avant d'être alpagués par une serveuse. Vint alors le moment fatidique. Je priais pour qu'elle commande la même chose pour nous deux, mais il faut bien évidemment qu'elle soit polie ! J'hésite un instant à commander la même chose mais je n'avais aucune idée de ce qu'était une blonde, peut être une sorte de vin à raisins jaunes. Je ne préfère pas prendre le risque de me ridiculiser. Un souvenir finit pas ressurgir. C'était il y a quelques mois, un informateur pour une quête nous avait donné rendez-vous dans une taverne. Ses paroles me reviennent à l'esprit. "un de vos bons rhum épicé mamzelle, z'en voulez pas un ? ça se boit tout seul ...". Cela me semble alors une bonne idée de commander ce breuvage, après tout, si il se boit si bien que ça.
« Moi je vais vous prendre un rhum épicé si vous en avez »
Je guète alors une éventuelle réaction de celle m'offrant cette boisson, en quête d'un quelconque indice sur mon choix. Mais je ne peux malheureusement pas me fier qu'à cela, et devrais donc en faire les frais ou non en temps voulu.
En effet, elle avait eu une certaine éducation, mais ce n’était pas réellement du a sa chance. Du moins, rien à voir avec la chance. Elle qui avait été abandonnée presque à la naissance s’était vue recueillie par des sœurs dans l’un des sanctuaires réservés à Lucy qui se trouvait dans la capitale. Elle y avait grandi et reçu une éducation afin de devenir une initiée, mais Jaina avait préféré les armes aux belles paroles et aux bouquins et avait donc choisi de suivre l’entraînement militaire. Sœur Prudence l’avait donc inscrite à l’académie militaire où elle avait commencé à suivre la voix qu’elle avait choisie au contraire de sa sœur jumelle qui avait été recueillie par un homme exécrable et qui avait fait d’elle une hors-la-loi. Elle connaissait son secret et l’emportera avec elle jusque dans sa tombe. Enfin, ce qu’elle retint c’est que ce dernier appréciait tout autant qu’elle le calme ce qui leur donnait un point commun.
Hochant la tête, elle s’était donc mise en route pour guider leur quatuor, puisqu’il ne fallait pas oublier le lugnipus ainsi que le glooby qui suivait la demoiselle partout où qu’elle aille et avait donc questionné ce dernier concernant sa présence à la guilde. Une réponse simple, mais leur arriver à la taverne ne lui donna pas le temps de continuer cette conversation dans l’immédiat. Bien évidemment, Jaina n’avait pas laissé son lugnipus à l’entrée de cette dernière, parce qu’elle avait tout simplement besoin de sa présence à ses côtés. Prenant place dans un coin tranquille, le loup s’installa à ses côtés alors qu’une serveuse vint prendre leur commande.
Kell commençait avec une boisson plutôt forte et elle n’allait certainement pas le suivre sur cette voie. Elle connaissait son corps et savait qu’il ne lui en faudrait que très peu pour partir dans les vapes et oublier le reste de la soirée. Non, elle avait bien de commander une simple bière, mais ce contentant d’un simple hochement de tête en direction de ce dernier qui avait levé les yeux vers elle. Après tout, elle lui avait dit de prendre ce qu’il désirait.
« Très bien, je vous ramène vos boissons! »
Jaina attendit donc que cette dernière les quitte pour poser son regard dans le sien et l’observa un moment silencieusement. Il devait savoir ce qu’il faisait puis ce ne serait pas le premier à consommer une boisson de ce genre en sa présence. Après tout, elle avait réalisé que les hommes de la noblesse ou d’un certain âge aimaient particulièrement le rhum. Elle y avait goûté et avait trouvé cela bien trop fort.
« Sinon, dit-elle finalement en tentant de trouver un sujet de conversation, après tout s’il avait été habitué à Fedora, Jaina n’avait rien à voir avec sa capacité à débiter des flots incessants de paroles. Tu as des familiers? » demanda-t-elle alors qu’il s’agissait de la première chose qui lui venait en tête. Ce dernier étant seul, elle se trouvait bête d’avoir posé ce genre de question. Et elle posa le bout de ses doigts de sa main de chair contre son front prenant un air légèrement gêné. « Enfin, je suppose que non, puisque tu es seul. Je…enfin, désolé. Je suis plutôt du genre solitaire et la discussion n’est pas mon principal atout. »
La serveuse décida de se présenter à leur table déposant les breuvages respectifs devant chaque destinataire et s’en retourna alors vers d’autres tables. Jaina attrapa aussitôt sa bière à deux mains, laissant voire ses doigts de pierre de sa main droite et prit rapidement une gorgée de sa boisson commander. Peut-être qu’avec un peu de boisson, sa langue se délayera et elle aura plus de facilité à parler.
Rassuré, on ne peut dire que j'y soit. Mon regard envers l'aventurière me faisant face, m'a obtenu un hochement de tête, une approbation pour le choix peut-être. Pas moyen de m'en tenir à ce simple mouvement. De toute manière, les jeux sont faits, la serveuse vient de prendre notre commande et s'éloigne. Mon regard la quitte, après qu'elle ait disparue dans une foule plus dense, à proximité du bar de l'établissement. Jaina me fixait, moi aussi, et je ne savais trop quel sujet aborder afin de briser ce silence. Heureusement, il le fut avant qu'un inconfort ne s'installe. Les familiers ? Eh bien je n'en avais jamais eu jusqu'à présent, et l'envie d'en posséder un ne m'avait pas traversé l'esprit. Je regarde brièvement le lugnipus sous notre table, avant de revenir vers la chevelure blanche pour lui répondre. Mais avant même de pouvoir débuter, je fut interrompu. L'aventurière semblait se perdre en excuses et justifications, qui selon moi n'avaient pas lieu d'être, n'ayant pas non plus été capable de lancer la discussion.
« Non non non, ne t'excuses pas voyons nous ne nous connaissons pas encore, c'est normal ... »
Avant de pouvoir finir, je fut une nouvelle fois interrompu, mais cette fois par la serveuse déposant notre commande. Jaina s'empressa de s'en saisir, possiblement pour "effacer" ses dires. Quant à ma boisson, je ne compte pas y toucher avant d'avoir finit, une préparation psychologique s'impose...
« Pour les familiers, tu as vu juste, je n'en possède pas pour le moment. Quoique, je possède un œuf qu'une personne à qui je suis venu en aide m'a légué, mais je ne compte pas le faire éclore pour le moment »
Me voilà maintenant seul, ou plus ou moins, face à la boisson ambrée qui venait de m'être servie. Par précaution, je n'en prendrais qu'une gorgée. Jaina vient de finir la sienne, je n'ai rien à dire de plus pour l'instant, c'est donc le moment fatidique. Je m'empare du verre d'une main, puis le porte à la hauteur de mon visage, comme j'avais pu le voir faire auparavant. Une odeur plutôt douce remonta dans mes narines. Je le pris alors comme une bonne augure pour la suite et c'est confiant que je porte le verre à mes lèvres. Rien de particulier dans les premières secondes. Puis des arômes peu habituels pour mon palais se manifestèrent. Plutôt plaisant. Mais tout ne pouvait pas être aussi simple, lorsque le liquide tapissa ma gorge, je senti comme un échauffement de celle-ci. Je tente alors de réprimer une toux en contractant mon abdomen, mais cela ne pouvait pas passer inaperçu. La sensation disparue quelques secondes plus tard, laissant derrière elle un goût me rappelant un genre se sirop sucré que je pouvais consommer plus jeune.
La surprise étant passée, je considère le pire comme étant derrière moi. Maintenant je suis préparé à encaisser, du moins c'est ce que je pensais. Avant de reposer le verre j'en pris une seconde gorgée, qui eut moins d'effet que la première. Eh bien, c'est n'était pas grand chose finalement, le type du bar avait donc raison. En plus de cela j'en apprécie le goût. Je peux alors enfin revenir pleinement à notre conversation.
« Tu sais, je suis moi même quelqu'un de solitaire, je vis principalement la nuit en plus de cela, alors je n'ai guère l'habitude d'avoir de la compagnie »
Quittant des yeux mon verre, un détail qui m'avait jusqu'alors échappé me saute aux yeux. L'une des mains de l'aventurière semble pétrifiée. Un gantelet ? Peu probable vu l'épaisseur. Je m'hasarde alors sur la question, étant toujours aussi curieux. Accompagnant mes paroles, je pointe du doigt la dite main.
« C'est ton pouvoir ? »
J'accorde alors un peu d'espace dans la conversation, afin de laisser à Jaina la possibilité de me répondre. Etant tout de même peu habitué aux dialogues avec des inconnus, boire un peu plus de mon breuvage me semble une bonne idée. Cela afin de m'occuper l'esprit, pour ne pas lui laisser le temps de s'embrouiller pour je ne sais quelle raison. Et c'est ainsi que deux ou trois gorgées supplémentaires disparurent dans mon gosier en l'espace d'à peine deux minutes.
Heureusement, cet homme était plutôt compréhensif et il n’avait pas tort. Il venait à peine de se rencontrer – surtout dans de drôle de circonstance – alors il était plutôt normal de chercher un sujet de conversation. L’alcool aidait parfois et détendre l’atmosphère, alors peut-être que d’ici peu de temps Jaina aura de la facilité à s’exprimer. Même si elle avait changé d’apparence et qu’elle ne voyait plus la vie de la même façon – sortant surtout de son cocon de gêne, Jaina restait tout de même elle. Elle n’avait jamais eu de la facilité à se rapprocher des gens, elle ne savait pas ce qu’elle devait dire ou faire dans ce genre de situation et c’est pour cela qu’il était plus facile pour elle de rester seule que d’essayer tout simplement.
Les boissons maintenant présentent, Jaina s’était vite empressé de porter à ses lèvres sa boisson observant son camarade qui avait pris place devant elle. Il ne toucha pas à la sienne dès l’arrivée de cette dernière, mais plutôt, il préféra répondre à Jaina quand bien même qu’elle aurait à moitié répondu pour lui. « Et tu sais quel genre de familier qu’il va en sortir? » demanda-t-elle avec curiosité. Après tout, s’il y avait bien quelque chose qui passionnait Jaina c’était les familiers et surtout son lugnipus. Elle avait longuement hésité avant de prendre un premier familier et avait longtemps cherché pour trouver la créature qui lui conviendrait. Bien évidemment, elle aurait souhaité faire des rondes avec lui dans la capitale voir même dans le palais. Elle lui aurait fait mettre une jolie armure comme elle avait eu l’habitude de porter. Il aurait été la coqueluche de tous les passants qu’elle aurait croisés. Son rêve aurait été de pouvoir créer une escouade canine dans la garde, mais c’est quelque chose qu’elle a depuis longtemps mise de côté sachant fort bien que cela ne pourra plus jamais se réaliser. La garde n’avait pas besoin d’une personne aussi instable qu’elle.
Secoua la tête, elle se demanda pourquoi tout ce qui avait pu la rendre heureuse finissait toujours par la rendre triste. Pourquoi pensait-elle toujours à ce genre de chose, alors qu’elle pourrait tout simplement avancer, refaire sa vie chez les aventuriers, repartir de zéro. Pourquoi s’attachait-elle tant à ces choses qui la faisaient tant souffrir aujourd’hui? Oui sa carrière militaire était maintenant un échec, mais elle était jeune et quand bien même qu’elle y aurait passé huit ans de sa vie, elle avait la chance de pouvoir recommencer.
« Je comprends. Je suis plus ou moins dans le même cas que toi, mais je ne suis jamais bien seule. Cobalt est toujours là. J’ignore ce que je ferais sans lui. »
Elle observa le loup avec un tendre sourire. Après tout, il était son plus fidèle compagnon, son ami et elle considérait même comme un membre de sa famille. Après tout, mis à part sa sœur, elle n’avait personne d’autre. Le loup, ayant entendu son nom, tourna la tête en direction de Jaina pour l’observer de ses yeux ambrés.
« Oui, Cobalt ici… Pas partir, rester avec Jaina. » dit alors le lugnipus sans avoir réellement compris le sens des paroles que Jaina avait prononcé un peu plus tôt. Après tout, il gardait un esprit animal.
La curiosité est parfois bien grande lorsque l’on voit pour la première fois la main de Jaina et bien que certains décident de ne rien demander, Kell, lui sembla se demander s’il s’agissait de son pouvoir. En tournant ses yeux vers ce dernier, elle comprit qu’il pointait sa main droite dont il était possible de voir les doigts de pierre dépasser d’un gant en tissu sans doigt sombre. Elle déposa finalement sa bière pour étendre son bras devant elle, pour l’observer à son tour. Il est vrai que depuis qu’elle portait cette protection, bien que légère, elle n’y faisait plus tant attention.
« Non, il ne s’agit pas de mon pouvoir. Il m’est arrivé un accident, si on peut le dire ainsi. J’y ai perdu mon avant-bras ainsi que ma main pour que cette chose fusionne à sa place… Enfin, il faut voir le bon côté des choses maintenant, je peux frapper plus fort sans ressentir le contrecoup, et si jamais la pierre se brise, je n’ai qu’à toucher de la pierre avec pour que ça se régénère. Mais je ne dois en aucun cas enlever le gant dessus. »
Bon, elle n’allait pas lui dire qu’il s’agissait de magie très ancienne dont il était impossible de défaire et que dans son bras était emprisonné une conscience propre qui réagissait parfois aux émotions de la jeune femme et qui l’a faisait agir contre son gré.
« Non, en réalité mon pouvoir à moi est de me rendre intangible, mais cela fait un moment que je l’ai pas utilisé. » dit-elle en soupirant un bref instant alors que son œil se porta au verre de ce dernier. « Tu as une bonne descente, en fait. Par contre, je ne suis pas certaine qu’un rhum doit se boire aussi vite… »
Plissant les yeux, elle porta sa bière à ses lèvres suspicieuses. Elle se souvient très bien de ce qui s’était passé la dernière fois qu’elle avait bu avec quelqu’un et cette histoire s’était drôlement terminée.
La voilà, l'ultime question avant que je ne goûte à cette simple boisson qui me préoccupe tant. À vrai dire, je ne me rappelle pas avoir entendu l'ancien propriétaire de l'œuf en mentionner le contenu. Je me contente alors de lui répondre avec le peu d'informations que j'ai, guettant du coin de l'œil mon breuvage.
« Eh bien, en vérité je ne sais pas ... la seule information que je possède, c'est que pour un œuf, il est étonnement frais, peut-être une créature provenant du nord du royaume. Mais l'œuf n'est pas très gros ... »
Enfin, après cette attente, eh bien rien d'insurmontable il me semble. Un goût même appréciable, malgré une sensation réchauffante qui me surprit après quelques secondes en bouche. Comme quoi un homme accoudé à un bar n'a pas que de mauvais conseils. Je poursuis donc naturellement la conversation avec l'aventurière me tenant compagnie.
« Enfin seul, j'exagère peut-être un peu, j'ai une amie, aussi une aventurière, mais c'est bien l'une des seules personnes que je peux considérer comme proche ... »
Comment avais-je pu oublier Leina ? Nous partageons le même toit depuis maintenant quelques mois. Surtout que sa présence était assez perturbante pour moi au début. J'avais jusque là toujours vécu chez mes parents et pendant un peu plus d'une année seul, logé ou non. Mais il faut croire que je m'y suis habitué, à presque en oublier la présence alors que je l'ai quitté il y a à peine une heure. Le fil de la discussion se poursuit, alors que je pose une question peut-être un peu indiscrète, ou pas ... après tout nous sommes ici pour faire connaissance. Chose si peu habituelle pour mon cas, mais bon une certaine poupée m'a fait comprendre que cela ne pouvait pas me faire de mal. C'est d'ailleurs ce que je me suis mis à penser du rhum me faisant face, en engloutissant le tiers en quelques gorgées.
Cela ne m'empêche pas pour autant d'écouter l'histoire de l'aventurière. Alors qu'elle décrit sa mésaventure, je regarde mon propre bras, me disant que j'ai de la chance de n'avoir encore eu aucune blessure grave.
« Eh bien, n'hésites pas à me donner l'adresse, histoire que je ne reparte pas avec une jambe en granit. Bien que cela m'intrigue au plus haut point, je ne suis pas trop curieux de l'expérimenter moi-même »
Son pouvoir par contre lui, a comme allumé une étincelle dans mes yeux. Je n'étais pas sûr d'avoir réellement saisit sa nature, mais cela me fait penser aux fantômes des histoires pour enfant. Peut-être existent ils après tout, ou bien ce sont juste des homologues ayant la même faculté que Jaina. Malheureusement, son soupir semble être signe qu'elle ne souhaite pas réellement aborder le sujet en détails. Bien que j'ai soudainement envie de parler de plus en plus je me retiens. Mais avec soulagement, elle me donne une occasion pour délier ma langue, changeant de sujet.
« Il est vrai que cette boisson possède des saveurs qu'il faut apprécier ... Mais ça me réchauffe ... »
Dis-je alors avec une sorte de moue, regardant vers l'extérieur, avant de revenir vers l'aventurière aux cheveux albâtres.
« ... et regarde, on est loin des températures de la saison chaude, il y a même eu des flocons de neige il y a quelques jours ... c'était à peine croyable »
Il n'en fallu pas plus, pour que je réussisse à me convaincre moi-même de goûter une nouvelle fois à cet ambre liquide et chaleureux. C'est avec plus de légèreté que je manipule le verre, mais avec plus de lourdeur que je le repose sur la table, dans un petit claquement.
« Et toi ? J'espère que ta boisson te conviens ? »
Chaque seconde qui passe, allège un peu plus ma conscience. Cobalt le canidé de Jaina me semble d'ailleurs plus familier. Je lui jette alors un petit coup d'œil sous la table.
« Sinon, tu ne lui commandes rien ? Même si sa fourrure semble bien épaisse ça lui creuse peut-être l'appétit, et puis il a bien défendu sa maîtresse ... »
J'allais presque caresser la boule de poil, mais en repensant à la scène, je me rappelle que c'était après moi qu'il en avait. Pour faire passer cette image du canidé juste au dessus de moi, rien de mieux qu'une nouvelle gorgée de rhum ... n'est-ce pas ? Je me met alors à marmonner quelque-chose dans ma barbe totalement inexistante.
« D'ailleurs en parlant de fourrure ... c'est que ça tient chaud finalement ça »
Dis-je alors en desserrant mon jabot, habillant mon cou et le protégeant plus des regards que du froid. Aussi léger que le verre, mon geste l'emporta. Boh on est à l'intérieur après tout ça me sera pas très utile. Surtout qu'après quelques minutes dans l'établissement, la chaleur préservée se fait enfin ressentir... ou bien est-ce autre chose. Quoi qu'il en soit, je me retrouve avec la pièce de tissus pliée soigneusement dans la main ... Pas pour longtemps, essayant de l'attacher à ma ceinture pour récupérer la liberté de mes deux mains.
Malgré qu’il avait mentionné être solitaire, ce dernier corrigea, ces dires par la suite précisent qu’il n’était pas totalement seul et qu’il avait une amie aventurière tout comme eux. Enfin, elle comprenait ce qu’il essayait de dire. Jaina aussi avait des amis. Il y avait Devon, Red, Fedora voir même Jin, même si leur amitié ne s’était pas forgée dans les meilleures circonstances, mais malgré tout cela, Jaina ce sentait seule. Ils ne voyageaient pas avec et ne travaillaient pas non plus. Aslander, même si le hasard les mettait souvent sur le même chemin, elle n’était pas trop sûre de vouloir le considérer comme un ami. Ils avaient partagé une pastille de rêve sans le savoir et ce dernier avait profité qu’il s’agissait d’un simple rêve – où tous deux étaient maîtres de leurs mouvements – pour éduquer Jaina, si on peut le dire ainsi. Ils s’étaient promis de ne jamais se chercher en réalité et pourtant ils n’ont fait que se croiser. Elle s’est habituée à lui gardant secret leur première rencontre et n’en avait jamais réellement reparlé. Bon il y a eu quelques moments gênants, mais au moins ça ne l’est plus aujourd’hui.
« Non je comprends… on a quand même tous des proches, mais parfois notre situation nous amène à voyager seul et on s’y habitue. »
Évidemment, elle ne pouvait pas échapper à la question sur son bras puisqu’il s’agissait là d’une grande curiosité pour tous et elle avait trouvé une façon habile de l’expliquer. Un accident et une fusion d’un bras de pierre pour remplacer celui perdu. Souvent les gens ne cherchaient pas en savoir plus et elle faisait exprès de ne pas préciser que quelque chose y sommeillait et qu’elle avait été contrôlée par une entité qui leur avait montré des images étranges de l’univers. Elle aurait pu se dire que tout cela n’était qu’un rêve, si ce n’était pas de son bras et des blessures qu’elles s’étaient infligées.
« Malheureusement, je n’ai pas d’adresse pour toi. » Elle appuya son coude contre la table, appuyant le dessous de son menton contre sa paume de main alors que ses doigts se trouvaient maintenant contre sa mâchoire. « Je suis sûre que même avec toutes les cartes et les outils de navigation, on ne pourra jamais y retourner. » Jaina ne souhaitait à personne de s’y rendre surtout qu’elle ignorait ce qu’était advenu la chose qu’elle avait libérée.
L’ambiance finit par s’alléger et Kell, certainement suite à l’alcool, semblait plus bavard qu’il ne l’avait été depuis le début de leur rencontre. Il tenta de se justifier suite à la remarque de Jaina qui lui arracha un petit sourire. Elle savait où cela allait finir par le mener, elle espérait seulement qu’il sache se tenir.
« Hmm, hmmm, en effet, j’ai même pu faire un bonhomme de neige avec une amie bien spéciale. Mais bon, il fait déjà meilleur qu’au nord du royaume. Rien à voir avec les températures de la capitale aussi. »
Pour la question sur sa boisson, elle hoche tout simplement la tête avant de la porter à ses lèvres. Qu’importe ce qu’elle buvait, tout lui semblait fade de toute façon comme la nourriture qu’elle avait du mal à ingérer. Elle avait porté par réflexe sa main de chair, qui avait donc cessé de soutenir sa tête, pour la déposer sur celle de son lugnipus et le caressa doucement.
« Cobalt est un lugnipus. Il est plus à l’aise dans des environnements chauds et secs. Je dois même lui faire porter un talisman chauffant pour qu’il soit réellement confortable. Ils ont la capacité de dégager de très forte chaleur et il peut même se couvrir de flammes. S’il a soif, il me le fera savoir, mais ne t’inquiète pas pour lui. C’est un grand garçon. »
Contrairement à son compagnon, Jaina n’avait pas retiré une seule couche de ses vêtements et avait conservé sa cape même à l’intérieur cachant ainsi une partie de son corps même si le mouvement de ses bras permettait de voir derrière le morceau de tissu.
« Ta tenue est faite en quelles matières? À vue de nez comme ça, j’ai l’impression qu’elle ne permet pas à ta peau de respirer… Enfin, c’est avec ça que tu pars en mission? Ça ne me semble pas protéger grand-chose… »
Même pour elle, elle trouvait son armure bien trop légère alors qu’elle avait été habituée à des pièces métalliques, mais bon, cela n’avait jamais été une armure complète, car elle avait toujours eu besoin d’une liberté dans ses mouvements.
Je n'ai jamais été réellement seul en soit, mais c'est un ressenti que j'avais tout de même. Loin de m'en plaindre, la solitude ne m'a jamais réellement gêné. Comme Jaina vient de l'exprimer, on s'y habitue. Le fil de la conversation se poursuit, je ne sais pas quel endroit pourrait disparaître des cartes et devenir inaccessible, mais cela rend la chose plus ... inquiétante soudainement, moi qui viens de l'aborder sur le ton de la plaisanterie, tout en émettant des réserves, celles-ci ne font que se renforcer.
Alors que je bois un peu plus de nectar ambré, ma consœur me raconte avoir profité de ce temps pour faire un bonhomme de neige. Chose assez enfantine qui ne semble pas trop coller avec le profil de la femme me faisant face.
« Eh bien, un bonhomme de neige, en voilà de l'aventure ... Et la capitale, ne m'en parle pas, je suis bien heureux du climat sur la côte »
Ma langue continue alors à se délier, passant d'un sujet à l'autre, m'inquiétant même pour le lugnipus couché à l'abri sous la table. Enfin, pas trop non plus. Jaina, qui se prouve encore une fois être attachée et bien plus renseignée que moi sur ses familiers. Pour dire, je ne connaissais même pas la particularité des lugnipus jusque maintenant, une simple race de loup pensais-je. Mais la description de sa particularité m'amuse au point d'en rire.
« Mais tu sais que c'est marrant ? Ton grand garçon, je peux faire la même chose que lui. Enfin, pas vraimeeent, mais si quand même, je peux me recouvrir de flammes, c'est ça mon pouvoir à moi ! »
Bien sûr j'étais dans l'incapacité d'en faire l'exemple, l'intérieur de la taverne étant bien évidemment éclairé. Mais mon esprit un peu plus embrumé à chaque seconde, oublia de me le rappeler. Je tourne alors ma paume de main vers le ciel, mais rien ne se passe. Evidemment. Après m'être exprimé sur la chaleur s'emparant de moi assez soudainement, Jaina m'interroge sur ma tenue qui pour une rare occasion semble me gêner.
« Oh ça c'est euh ... Du cuir principalement, c'est assez ... moulant effectivement, mais ça reste assez souple. Pas de quoi me gêner dans mes mouvements, car c'est effectivement ma tenue de combat, et tu as absolument raison, ça ne protège d'absolument rien, hormis des températures et des projections de je ne sais quoi ... »
Tout en contant mes explications, je me met à tripoter par-ci par-là le vêtement, comme si j'en vérifiais moi même la composition.
« ... mais rassure toi, je suis loin d'être inconscient, je m'entraine quotidiennement pour compenser cette lacune défense par mon agilité. Et puis je n'ai pas que ça sur moi ... »
Instinctivement, je me met à dégrafer les quelques boutons qui ferment ma veste en cuir pour accompagner mes propos.
« J'ai aussi cette chemise en soie, bien plus confortable sur moi. Sans elle, au moindre coup de chaud je serais moite comme pas possible »
Dis-je alors, cette fois tenant entre mes doigts un plis de la chemise découverte après l'ouverture de ma veste.
Une fois cette démonstration faite, mon regard se dirige vers moi-même. En fait, depuis que ma tenue est plus "aérée", la sensation de chaleur s'est légèrement estompée. Je décide alors en toute logique de laisser les choses ainsi, conservant ma veste entrouverte sur la fine couche de tissu blanc.
« Tu as bien raison finalement, je respire bien mieux comme ça »
En parlant de respirer, un autre besoin vital se fait ressentir, en effet j'ai quitté mon verre il y a seulement quelques minutes, ou bien secondes, peu importe, et voilà que j'ai la sensation que mes lèvres sont asséchées. Je m'empare donc une nouvelle fois de ma boisson pour la finir, mais avec moins d'empressement que précédemment. Pour conclure, je dépose le contenant, toujours avec lourdeur sur la table. Une bonne chose de faite.
« Tu vois ? »
Dis-je alors en me penchant.
« J'écoute tes conseils et mes propres remarques, je savouuure cette fois »
Il semblerait que son compagnon de boisson du moment possédait des capacités semblables à son lugnipus. Heureusement, aucun d’eux ne comptait faire de démonstration de leur pouvoir ce qui n’était pas à plaindre. Après tout, Jaina ne désirait pas être en partie responsable si l’établissement prenait feu. En tout cas, si l’ambiance se trouvait à être timide dès le début de leur rencontre, l’alcool semblait avoir aidé à délié les langues, enfin surtout celle de son compagnon qui semblait avoir une bonne levée de coude. Enfin, cela ne voulait pas dire qu’il tenait bien l’alcool pour autant, mais ça, elle ne pourra en juger que plus tard. Pour sa part, elle allait continuer sur des consommations modérées et éviter les abus d’alcool. Elle n’avait pas envie que cette histoire se finisse mal.
« Je vois, je vois. Tant que tu ne t’enflammes pas trop sur ta chaise, tout devrait bien se passer… »
Petite plaisanterie, alors qu’elle leva sa chopine pour y boire une lampée alors qu’elle regardait tout de même ce dernier au-dessus de cette dernière. Enfin, cela lui permit de constater son habillement quelque peu particulier. Après tout, les nombreuses sangles qui se trouvaient sur sa veste ne devaient sûrement pas lui être bien utiles. À vrai dire, ça ne devait pas le protéger de grand-chose. Elle le questionna tout de même. Il s’agissait donc tout simplement de cuir et rejoint l’idée qu’elle se faisait de sa tenue. Elle ne protégeait pas les coups et même si ce dernier disait compensé avec un entraînement rigoureux pour améliorer son agilité, une créature restait tout de même bien plus rapide qu’un être humain. Un bon gros coup de patte acéré donner à grande vitesse et s’en était fini de ce dernier.
Elle ne comprit pas trop pourquoi ça en était arrivé là, mais ce dernier devait très certainement avoir chaud, car il avait détaché cette veste non seulement pour lui montrer sa chemise de soie, mais aussi parce qu’il avait besoin de s’aérer et il crut bon de lui mentionner, qu’elle avait finalement raison. Le cuir, ça garde la chaleur et c’est pour cela qu’elle avait constitué une partie de sa tenue avec cela ainsi qu’une grande cape bien chaude, mais elle était plutôt bien même s’il était à l’intérieur. Elle soupçonnait simplement que l’alcool lui montait aux joues et que les bouffés de chaleur devait l’avoir envahi. Un sourire amusé retroussa ses lèvres alors que Kell s’était penché en sa direction pour se venter un peu.
« Et bien, si tu es capable de savourer maintenant, j’imagine que tu ne diras pas non à sa petite sœur? Enfin, je parle d’un second verre, bien évidemment. Je préfère préciser… » Était-ce un peu pour se moquer de son état ou pour jouer un peu sur l’égo de ce dernier, mais Jaina se tourna en direction du bar et elle fit un simple geste à la serveuse pour qu’elle leur ramène de nouvelles consommations. Sauf que cette fois-ci, elle avait pointé son compagnon puis fait le signe de deux. Elle allait donc prendre la même chose que ce dernier. Pour le coup, elle avala le reste de sa chopine comme s’il s’agissait d’eau puis la déposa sur le bord de la table.
« T’inquiète, c’est moi qui offre toujours. »
La demoiselle se leva de sa chaise sans aucun souci. À vrai dire, elle avait appris à tester ses limites. Si elle n’avait pas l’impression que le sol bougeait sous elle, cela voulait dire que tout allait bien. Sauf qu’elle désirait aussi se mettre plus à l’aise. Détachant la sangle qui retenait sa cape en place, elle la laissa tomber contre le dossier de chaise. Une tunique blanche et dorée couvrait en partie son corps alors qu’un corset de cuir couvrait son abdomen. Des spalières de cuir se trouvaient sur ses épaules et une large ceinture où était accrochée sa lame retour, son fourreau qui cachait une épée ainsi que quelque besace couvrait ses hanches. Si à leur entrée, les regards s’étaient faits discrets sur le duo, il faut dire que certaines personnes avaient eu le regard qui louchait puisque son nouveau corps possédait quelques atouts agréables à observer. Cette dernière ne se cachait pas et n’avait jamais ressenti le besoin de le faire. Après tout lorsqu’on est habitué à possiblement perdre ses vêtements en traversant un mûr, exposé un peu de sa poitrine ne lui causait aucune gêne!
Plaçant vite fait sa cape derrière pour qu’elle ne traîne pas au sol, elle se rassit à sa place et comme il devait tous les deux attendre qu’on leur apporte des verres, Jaina s’était senti pendant un instant l’âme d’une humoriste.
« Tiens pendant qu’on patiente, j’ai une blague pour toi… Qu'est qu'un satyre dit à ses compères quand il croise des aventuriers au loin ? » Elle attend un moment et elle ne peut s’empêcher de repenser à son amie Astrid qui aurait certainement adoré ce genre de blague. « ÇA TIRE ! » finit-elle par dire, alors qu’un rire s’échappa d’entre ses lèvres. Elle sait que sa copine à la chevelure blanche se serait complètement délectée de voir que Jaina n’était pas seulement qu’une petite timide coincée… Elle avait bien changé et pas qu’en pire. Enfin, tout ce qu'elle espérait, c'est qu'elle ne doive pas expliquer la blague à ce dernier, car cela serait bien moins amusant.
Si seulement. Les conditions, comme bien souvent, empêchent l'utilisation de mon pouvoir, trop de lumière, trop de soleil ... voilà pourquoi je m'astreint à une vie plutôt nocturne. C'en est presque frustrant de ne pas pouvoir en faire la démonstration quand je le souhaite. Mais l'heure n'est pas aux plaintes, et à vrai dire, mon état d'esprit ne permet même de l'envisager après cette vaine tentative. Je ne relève alors qu'a peine la remarque de l'aventurière aux cheveux albâtre, le sourire aux lèvres, bien conscient que cela ne risque pas de se produire.
La discussion se met alors à tourner autour de ma tenue, qui au passage, manque de perdre un élément supplémentaire, qui pour l'instant n'est qu'en partie ôté. La faute à la chaleur ambiante assurément, le breuvage n'avait que réchauffé ma gorge lors des premiers passage, pas l'ensemble de mon corps pensais-je. Bien plus détendu dans ma tenue, que dans ma gestuelle, allant même jusqu'à me rapprocher de Jaina pour lui parler, chose que les autres sont plutôt habitués à faire en ma présence, gardant généralement une certaine distance. Un rien se met à m'amuser, le simple fait d'appliquer le conseil de mon interlocutrice en étant le parfait exemple.
Je constate alors, enfin constater serait le mot si c'était de mon propre grès, que Jaina commence à se détendre. Un sourire marquant à présent son visage. La précision qu'apporte cette dernière, m'est à mon avis bien plus importante qu'il n'y parait, n'ayant pas l'habitude de boire, toutes les expressions s'y rapportant me sont pratiquement inconnues. Toutefois, des notes d'humour dont je n'ai pas connaissance d'avoir la possession en temps normal, me viennent en tête.
« Eh bien je ne dirais pas non, mais profiter de sa jumelle me semble bien plus intéressant que sa petite sœur. Et bien entendu, nous parlons d'un second verre ... »
Dis-je alors assuré, du moins c'était l'impression que je souhaitais montrer, mais était-ce le cas ? Je semble rencontrer des difficultés à me jauger, mais après tout j'écarte rapidement la procédure, la chose m'important peu.
Mon regard essaye ensuite de suivre les divers mouvements de l'aventurière, qui semble coordonner une opération de ses mouvements de main. Cela jusqu'à ce que la fin de sa propre boisson soit engloutie. Elle précise ensuite qu'elle m'offre ce nouveau verre, mais en y repensant sa petite dette est déjà remboursée, m'ayant donné l'occasion de découvrir le rhum et ses arômes qui me plaisent fort bien.
« Eh bien, je vais devoir trouver un moyen de te remercier à mon tour ... tu es déjà pardonnée pour m'avoir fait décou.. boire pour ce soir »
J'ai presque failli mettre ma main devant ma bouche, me rendant compte de mon erreur.
Jaina, se leva alors à ce moment là, j'espère alors qu'elle n'a pas remarqué et je me maudit bien évidement mentalement. À son tour, elle semble se débarrasser de quelque couche superflue, me confortant dans l'idée que la température est bien supérieure dans la taverne. Cette tenue à présent plus légère semble attirer les regards de quelques attablés, ce que je peux constater, car à l'inverse, le mien semble fuir ce nouveau centre d'intérêt. Comme ma rencontre avec Fedora avait pu le prouver, la compagnie féminine, ne me laisse pas indifférent, dans le sens où un sentiment de gène peut se manifester assez rapidement. Même si l'alcool ingéré m'a ôté quelques contraintes, les plus importantes font de la résistance.
Cependant, je ne pouvais fuir éternellement l'aventurière du regard au risque qu'elle trouve cela louche. Celle-ci reprend d'ailleurs la conversation, une fois installée, me contraignant à lui faire face de nouveau. Peut-être est-ce mon esprit tourmenté par trois fois rien, ou bien que je n'ai pas saisit la blague racontée. Mais quelques secondes me sont nécessaires afin comprendre la boutade. C'est finalement une sorte de rire étouffé dans mon nez qui s'échappe, alors que la conteuse s'esclaffe également. Je me met alors à réfléchir à une blague. Un éclair de génie me traverse, bien que l'origine de la blague ne me plaît guère. Mon propre frère en était l'auteur, bien content de me narguer avec ma phobie des équidés ...
« Allez, j'en ai pas souvent mais voilà une qui me concerne en plus … Donc mon frère arrive et dit "Eh maman, tu sais ce que dit Kell quand il revient en courant après avoir vu un skur en ville ? … Au skur au skur .." »
Je laisse alors un temps à Jaina, avant d'ajouter la précision suivante l'air un peu gêné, me grattant la nuque.
« Parce qu'en fait je suis phobique des Skurs, ou tout animal s'apparentant à un cheval … »
Je repense alors au trajet qui s'annonce pour le village perché, avec cinq jours d'annoncés en charrette tirée … par des chevaux évidemment. Cette simple pensée me fait déglutir d’appréhension. Heureusement, la serveuse commandée par Jaina arrive et viens chasser cette idée, déposant cette fois, deux exemplaire de ma boisson précédemment engloutie et récupérant nos verres vides par la même occasion. Il n'en fallu pas plus pour faire apparaître à nouveau un sourire sur mon visage. Visage qui d'ailleurs, même si je ne pouvais le voir par moi-même s'était légèrement empourpré au niveau des joues, assez notable finalement de par la blancheur de ma peau.
« Merci bien »
Dis-je alors m'adressant à la serveuse, avant de me tourner vers Jaina.
« Et merci à toi surtout, moi qui sortait avec une petite appréhension, je commence à bien m'amuser en ta compagnie »
Continuais-je, le sourire toujours aux lèvres et les yeux légèrement plissés.
Alors qu’elle se levait pour défaire de sa cape, Kell avait commence à lui parler expliquant qu’il devra trouver un moyen de la remercier pour l’avoir fait boire pour ce soir bien qu’il s’était rattrapé, car ce n’est pas ce qu’il allait dire de base. Jaina ne chercha pas à lui sortir les vers du nez, car après tout elle pensait avoir comprit ce qu’il allait dire « fait décou » ressemblait pas mal à découvrir. Peut-être parlait-il tout simplement de la taverne? Enfin, elle déposa alors sa cape contre sa chaise et s’y assied.
« Pas besoin de me remercier, Kell. N’oublie pas que si nous sommes ici, c’est parce que je t’ai percuté et nous nous sommes tous les deux retrouvés au sol… C’était plutôt à moi de me faire pardonner, non? »
Même si Jaina avait appris à tenir un peu plus l’alcool, elle n’y était pas immunisée et cela commençait à se faire ressentir et ce n’était pas parce qu’elle bafouait ou tanguait dans tous les sens. Ses paroles étaient sensées et claires et son équilibre toujours bien présent. Seulement, elle se sentait bien plus légère laissant ses soucis de côtés un peu et profitant du moment présent. Ces joues avaient légèrement rougi et elle avait même senti pendant un instant l’envie de faire une blague à ce dernier alors qu’ils attendaient tous les deux les consommations qu’elle avait recommandé. Cela prit un petit moment avant que ce dernier ne comprenne le jeu de mots, mais fut heureux de l’entendre souffler du nez quand il comprit. Cela arracha un petit sourire à la demoiselle qui rigola de son côté.
Évidemment, ce dernier se lança aussi dans une tentative d’humour reprenant une blague que son frère semblait déjà avoir dit pour se moquer de lui. Jaina appréciait le jeu de mot bien placé et elle aurait rit s’il n’avait pas ajouté cette précision sur sa phobie. Son sourire s’effaça prenant un air presque choqué. « Quoi? Mais ce n’est pas gentil de faire ça! On ne se moque pas des phobies des gens! Surtout qu’on ne peut pas les expliquer la plupart du temps… » Elle pensait justement à sa peur de statue qui s’était développée depuis son retour de l’île et la peur d’être prise par surprise aussi qui la rend maintenant mal à l’aise dans les foules… « C’est d’ailleurs, l’une de mes peurs qui m’a menée jusqu’à toi d’ailleurs. » dit-elle en souriant tristement.
Replaçant l’une de ses mèches derrière son oreille, alors que la serveuse revint armé de leurs verres qu’elle posa chacun devant eux. Jaina lui remit les cristaux accompagnés d’un pourboire et posa ses deux billes d’un bleu océan sur ce dernier. Elle prit sa nouvelle consommation en main et leva alors ce dernier en direction de ce dernier. « À cette rencontre hasardeuse qui, j’espère, nous mènera vers une amitié? » Pourquoi pas après tout? Fedora lui avait bien fait comprendre que s’isoler ne l’aiderait certainement pas.
« D’ailleurs, comme tu sembles avoir apprécié ma petite blague, j’en ai d’autres en réserve alors je vais t’utiliser comme public pour que tu me dises ce que tu en penses par la suite, d’accord? Après tout, si elles sont nulles, j’ai pas trop envie de me prendre un vent la prochaine fois… »
Oui, une partie de Jaina devenait quelque peu comique lorsqu’elle buvait. Après tout, avec un peu d’abus, elle pouvait se mettre à faire des roulades dans tous les sens, faire des mouvements de combat dont elle ne maîtrisait pas du tout. Elle ne devait pas un petit clown, mais c’est comme si son côté réservé disparaissait.
« Bon, je vais toutes te les dires et tu me diras! »
Elle éclaircit vite fait sa voix en regardant son compagnon puis son lugnipus avec un petit sourire moqueur.
« T’es prêt? Qu’est-ce qu’une chauve-souris avec une perruque? » Elle laissa un petit moment observant ce dernier. « Une souris! S’exclama-t-elle avant de poursuivre. Que pense un escargot lorsqu’il rencontre une limace? – Oh, un naturiste! » Évidemment, ils ne sont pas seuls en ce lieu et Jaina entendant leur voisin de table souffler du nez avant qu’elle ne reprenne. « Aller, une petite blague en rapport avec le grand-port! Sais-tu pourquoi tous les pêcheurs du grand-port ne sont pas gros? – Parce qu’ils surveillent leur ligne! »
Qu’est-ce qu’elle aurait aimé être avec Astrid à ce moment qui se serait très certainement marré à ses blagues qu’elle savait nulle même si elle avait demandé son avis à ce dernier. Elle se permit alors de prendre une gorgée de son verre avant de reprendre. Quelques têtes s’étaient tournées en leur direction comme s’il s’attendait à ce que la jeune femme poursuive à nouveau ses étranges blagues.
« C’est l’histoire de deux patates qui traversent la route, l’une d’elles se fait écraser et l’autre s’écria - Oh purée! » Oui, c’était souvent des jeux de mots débiles tout comme la suivante. « Sinon, qu’est-ce qui n’est pas un steak? – Une Pasthèque! Tu comprends? Haha… Attend, j’en ai une… C’est l’histoire d’un flamant rose. Un jour il a pris son pied et il est tombé! » Entre chaque blague, Kell pouvait sentir le regard de la demoiselle qui cherchait une quelconque réaction vers ce dernier et même si elle se sentait ridicule, elle continua ainsi, après tout, elle en avait encore quelques-unes en réserve. « Qu’est-ce qu’une baguette avec une boussole? – Du pain perdu… Bon j’avoue celle-là n’est pas aussi bonne que les autres. Mais attend, il m’en reste deux et la dernière c’est la préférée de l’une de mes connaissances et je te la réserve pour la fin! Que dit un zéro quand il rencontre un huit? – Oh, tiens, t’a mis une ceinture? »
Et pour le bouquet final, Jaina se permit une bonne rasade de son rhum épicé qui lui fit faire la grimace un bref instant. Elle n’était pas du genre à se la jouer, mais il s’agissait d’alcool fort et c’était jouer avec le feu ce qu’elle faisait sans mauvais jeu de mots…
« Et la dernière et non la moindre, c’est un éléphant qui rentre dans une taverne. Qu’est-ce qu’il prend? – Toute la place! » dit-elle en écartant les bras. Si Valentino avait été présent, il se serait marré comme un con avec son rire si particulier.
« Voilà, c’est tout, j’ai épuisé toutes mes blagues. »
Malgré que ma décision soit prise, l'aventurière semblait insister pour se mettre en défaut. Pour ma part, j'étais de sortie suite à la rencontre d'il y a quelques jours qui m'avait un peu remuer. Sans trop d'espoir je devais essayer de m'ouvrir un peu plus aux autres, et voilà que je partage un verre avec une inconnue. Mon objectif étant rempli grâce à sa maladresse, Jaina est donc en toute logique pardonnée de mon point de vue. Lui accorder son geste était bien évidement logique, pour ne pas qu'elle culpabilise, mais à présent, pour une raison qui m'échappe, je semble m'entêter à vouloir à mon tour la remercier.
« C'est vrai, c'est à toi de le faire, mais c'est aussi à moi de décider quand je te pardonne, eeet c'est le cas. Donc à mon tour de te remercier, j'insiste ! »
La conversation poursuivit son cours, s'orientant à première vue sur les blagues. Jaina semblait satisfaite de la sienne, mais un peu déçue de mon explication, ou plutôt révoltée par le créateur de ma brimade. J'allais lui répondre quand la serveuse revint avec deux verres ambrés par le liquide y reposant. Instinctivement, je me saisit de la boisson, la levant avec attention pour ne pas en perdre une goutte.
« Tu sais j'ai appris à faire avec, je préfère en rire. Et puis comme tu dis que c'est ce qui nous as réunit, levons nos verres aux phobies »
Dis-je alors en riant sans trop savoir pourquoi.
C'est le sourire en coin que je constate que j'avais vu juste concernant la blague de l'aventurière. Je me contente de hocher la tête à sa demande, lui donnant mon approbation pour que le spectacle commence. Je réalise alors que je n'avais pas l'habitude qu'on me raconte des blagues, l'humour de Lei étant légèrement plus .. brusque. Sans parler de mon état, cette sensation de planer un peu au dessus de tout mais d'être toujours présent. Bien sûr, à chacune de ses questions, la réponse ne se présenta pas d'elle même sans l'aide de Jaina. C'est peut-être même pour cette raison que j'émit une sorte de petit rire à chacune d'elles. Au moins, lorsque je l'écoutais, essayant de me concentrer pour trouver la réponse, je n'étais pas en train de boire, laissant un peu de répit à mon corps qui n'était pas habituer à cette pratique. Mais tout ça je n'en avait pas conscience, expérimentant pour la première fois cette état. Enfin la dernière blague arriva, celle-ci fut celle qui m'acheva, certainement la plus compréhensible.
Je ne sais pas si c'est le fait de rire autant qui me donna un coup de chaud, mais alors que je me calme je sens mon front, mes joues, et la pointe de mes oreilles chauffer. De quoi me décider enfin à ôter mon veston qui ne tenait plus que sur bout de mes épaules et mes bras, ne demandant qu'à glisser. L'action terminée, je le dépose entre mon dos et le dossier de la chaise. Pour enfin poser mon regard à nouveau sur l'aventurière aux cheveux albâtres. Toujours légèrement inconforté par une certaines zone, c'est finalement grâce à un habile stratagème, consistant à suivre du regard mon verre alors que je l'élève à mes lèvres, que je réussi à me focaliser sur le regard de Jaina. Une gorgée prise je rends enfin mon verdict sur sa prestation.
« Bon certaines étaient meilleures que d'autres, surtout la dernière, mais elles reste suffisamment drôles pour m'amuser, je dirais donc que c'était plutôt réussi .. par contre n'en attend pas autant de moi, j'ai pas un humour très ... comment on dit ? Blaguesque ? Nan, bref, je suis pas fort en blagues ... On me dit généralement que je châtie bien quand j'apprécie les gens .. enfin .. question de point de vue, étant donné que je parle pas beaucoup, enfin pas à beaucoup de monde ... Mais j'arrive à dire ça en racontant ma vie ! N'hésites pas à m'arrêter si je parle trop, je sais pas ce qu'il me prend là ... »
Je termine ma phrase, me donnant de légères petites tape sur la tempe, comme pour vérifier que tout était en ordre. Mais évidement, aucun signal n'allait me prévenir que ce n'était pas tout à fait le cas.
Enfin, rien ne servait de partir dans des sombres pensées et Jaina avait plutôt choisi de sortir la carte de l’humour même si cela pouvait devenir pénible par moment. On aurait presque cru qu’elle s’était retrouvée avec un défi sur les épaules et qu’elle n’avait d’autre choix que de le faire, mais elle ne le regrettait pas. Elle avait arraché quelques sourires et rires à son partenaire de boisson et ça, ça valait tous les cristaux du monde. Elle était plus fière d’elle, même si ce dernier précisa ne pas faire de numéro à son tour. Un rire cristallin s’échappa d’entre ses lèvres alors qu’une douce lueur amusée faisait briller son regard bleuté.
« Je n’attendais pas à ce que tu prennes part à mon numéro d’humour. M’écouter jusqu’à la fin était déjà bien suffisant surtout vu la piètre qualité de mes blagues. Je suppose que dans un état moins alcoolisé ça n’aurait pas été pareil. Je ne me serais sûrement pas permis une telle chose, » dit-elle en lâchant un petit rire.
Et que dire sur sa façon de lui dire de l’arrêter s’il parlait trop? C’en était presque adorable, mais elle prit le temps de boire en trempant ses lèvres dans son rhum avant de dire quoi que ce soit. Elle se connait bien malgré tout et si elle ne prend le temps de réfléchir avant de dire quoi que ce soit alors qu’elle est dans cet état, tout ce qu’elle pense sortira.
« Personne ne parle jamais trop avec moi, Kell pas même les jeunes gens qui ont beaucoup de question et qui semble dire tout ce qui leur passe par la tête sans même te laisser de temps de répondre, dit-elle en référence à la jeune noble Fedora qu'elle avait escorté jusqu'à Grand-port. Je suis plutôt d’une bonne écoute et puis je suis pareille. Lorsque je bois, j’ai la langue qui se dénoue et j’ai l’impression que parler devient moins difficile. On m’en avait fait souvent la remarque lorsque je buvais avec mes camarades de la garde. Enfin, si nous en parlons c’est qu’on est encore correcte, je suppose. On connait nos limites et pour ma part, je ne compte pas reprendre de boisson alcoolisée après ce verre. »
En y repensant bien, il s’agissait tout de même du solstice non? Peut-être qu’il avait des choses plus importantes à faire que de passer le reste de sa soirée avec elle et son Lugnipus. Après tout, elle n’avait rien de prévu de son côté et avait bien mentionné à son loup qu’il n’y aurait qu’eux deux même si c’était le premier solstice pour Cobalt.
« Tu veux manger quelque chose? Je pourrais commander un truc, histoire qu'on se mette quelque chose sous la dent et essayer d’avoir quelque chose dans l’estomac autre que de l’alcool? Enfin, je comprendrais aussi que tu ne veuilles pas passer le reste de ta soirée avec une inconnue surtout en ce soir de changement d’année. »
Il ne me semblait pourtant pas avoir critiquer ses blagues de manière négatives, mais pourtant l'aventurière fit une auto-critique sévère. À laquelle je ne put m'empêcher de répondre avant de réfléchir à la suite de ses paroles.
« Décidément nous n'allons pas être d'accord ... »
Dis-je en riant
« Tu sous-entends donc que mon humour aussi est de piètre qualité ayant été amusé par tes blagues ? »
J'essaie ensuite de me remémorer ce qu'elle venait de dire, et bien sûr une partie était déjà passée à la trappe. Seul bribe qu'il me restait était son état alcoolisé. Le suis-je moi même ? La question ne s'était pas encore posée. Bêtement je regarde les mains posées sur la table, prêtes à se saisir du verre. Elle étaient bien là, bien nettes, j'essaye ensuite de chercher un quelconque effet sur ma personne, il est vrai que je venais de constater que je parlais d'avantage qu'en temps normal. Peut-être que la chaleur vient aussi de là ? Peu importe.
Je suivit ensuite le mouvement de Jaina, buvant une gorgée à mon tour avant de l'écouter à nouveau. Un léger frisson me parcourut et me fit secouer la tête, lorsque l'alcool tapissa une nouvelle fois ma gorge. Je ne la dérange pas à première vu. Voilà qui me soulage. Pour ce qui est de l'écoute, je considère l'être, mais plutôt dans mon intérêt en général, voulant grappiller des informations par ci par là. Mais une sensation de légèreté et ma garde baissée, ne me rendais pas enclin à cet exercice. La jeune femme décrivit ensuite exactement ce à quoi je venais de penser, venant le confirmer, et semblant plus au fait des effets de l'alcool que moi.
Je réalise alors, que mes limites je ne les connais pas, c'était la première fois que je buvais autant, en plus de cela une boisson inconnue. J'étais un peu détaché de mes préoccupations depuis un petit moment et n'avais pas pris conscience que moi aussi je pouvais finir étaler dans mon vomis à la table d'une taverne, comme il m'est arrivé d'en voir. Je pris alors un air un peu gêné avant de prendre la parole.
« Il faut croire que c'est pareil pour moi ... »
Nerveusement, je me mit à jouer avec mon verre agitant son contenu sans en renverser.
« En réalité ... c'est la première fois que je bois autant ... Je dois avouer que je n'ai pas voulu refuser ton invitation et donc voilà »
Conclus-je en écartant les bras sur les côtés après avoir posé mon verre.
« Mais ne t'en fais pas hein, je me plais très bien ici avec toi hein .. c'est juste que, je n'ai pas voulu passer pour je ne sais quoi alors qu'au final je viens de tout te dire maintenant »
En d'autres circonstances, j'aurais trouvé après-coup une partie de ma phrase gênante et me serait mit dans tout mes états comme il y a quelques jours, mais il faut croire que, l'alcool à aussi du bon ... ou pas ?
Jaina proposa ensuite de manger un morceau, je tenais mon verre à moitié plein et le regardais. Pour l'instant je vais me retenir, peut-être est-ce plus raisonnable de se freiner un peu. Cependant, rien de m'empêchais de m'emplir l'estomac ! Et voilà donc que je trouve le moyen de me rattraper à mon tour.
« Hmm oui, je mangerais bien quelque chose. Mais ne t'en fais pas, si ma compagnie ne te dérange pas, la tienne non plus .. »
Je serais resté seul sans cette rencontre certainement, alors pourquoi s'arrêter là alors que l'on commence à bien s'entendre ..
« Et puis tiens d'ailleurs, c'est moi qui paye cette fois »
J'imite ensuite le geste que l'aventurière avait fait précédemment pour interpeler une serveuse qui passait non loin. Elle s'approche alors pour prendre commande.
« Dîtes-moi, qu'avez vous à nous proposer pour combler notre faim ? »
Elle n'hésite alors pas une seconde pour nous répondre.
« Nous avons la pèche du jour flambée pour l'occasion si cela vous va, croyez moi, vous allez vous régaler ! »
Je regarde alors Jaina tout en répondant.
« Moi ça me va, et toi ? Hésite pas à commander pour le pépère aussi »
Dis-je alors ayant retrouvé le sourire.