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    Un monde plein de mystères,
    plein de magie et surtout plein d'aventures...

    Il est peuplé de créatures fantastiques. Certaines d'une beauté incomparable, d'autres aussi hideuses qu'inimaginables, beaucoup sont extrêmement dangereuses alors que quelques unes sont tout simplement adorables. La magie est omniprésente sur ces terres : des animaux pouvant contrôler la météo, des fleurs qui se téléportent, des humains contrôlant les éléments, des objets magiques permettant de flotter dans les airs...

    Dans ce monde, il y a le royaume d'Aryon. Situé à l’extrémité sud du continent, c'est un royaume prospère, coupé du monde. Il est peuplé d'hommes et de femmes possédant tous un gros potentiel magique, chacun vivant leurs propres aventures pour le meilleur comme pour le pire.

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    L'envol du canard boiteux | Calixte | Flash Back
    Le royaume d'Aryon  » Le royaume d'Aryon » La capitale
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    Diane AvalonCitoyenne
    Diane Avalon
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    L'envol du canard boiteux | Calixte | Flash Back
    Lun 4 Jan 2021 - 17:18 #
    Le soleil était déjà haut dans le ciel lorsque Diane avait enfin décidée de quitter son lit. En plus de ne pas être du matin, la jeune femme travaillait jusque tard dans la nuit. Aussi il était fréquent de ne la voir émerger qu’en milieu d’après midi. Aujourd’hui précisément, elle aurait payé cher afin de pouvoir s’accorder une heure de plus pour dormir, peut-être même deux. La nuit dernière avait été rude, et elle avait dû approcher un client sous la demande de Sacor. Le client en question s’était laissé charmer sans aucune difficulté, mais si elle avait espérée l’éreinté en deux coups de cuillère à pot ce ne fut pas le cas. L’homme n’était repartie, satisfait, qu’au levé du soleil. Mais Diane avait obtenu ce qu’il lui avait été demandé. A présent elle savait avec précision où ce trouvait sa cible. Alors même si il lui manquait bien trop de sommeil, c’est d’un pas léger qu’elle avait commencée à se préparer pour un autre rendez-vous.

    Ce n’était pas dans les habitudes de Diane de faire dans la charité. Encore moins lorsqu’il s’agissait de l’identité de Sakuna, bien plus importante et difficile à dissimuler que celle de Kala. Mais sans trop savoir si cela relevait de la sorcellerie ou bien d’une empathie un peu trop développée, elle avait finit par prendre ce qu’elle pouvait presque qualifier d’élève. C’était un jeune homme d’à peu près son âge. De prime abord elle l’aurait pensé de plus âgé mais après avoir échangé quelques banalités avec lui, elle avait la sensation de faire face à un enfant. Un enfant parfaitement disgracieux et maladroit. Il n’était pas beau non plus. Charmant tout au plus. Mais il lui était sympathique. Et lui faisait un peu de peine aussi. Tant de maladresse contenu en un seul être, cela semblait parfaitement impossible aux yeux de la danseuse. Alors, au fil des soirs, à force de le voir trébucher dans l’angle d’un tapis, renverser son verre sur ses camarades ou virer au rouge pivoine parce qu’elle lui avait effleuré la nuque du bout des doigts, elle avait finit par lui proposer un accord - dont il n'était au courant qu'une partie. Il voulait apprendre, elle aussi. Un garde, même s’il n’était qu’en sortie de classe pourrait tôt ou tard lui être utile, encore plus avec un tel nom de famille. Sacor n’avait pas lésiner sur les apprentissages ; il avait obligé la pauvre enfant à apprendre plus ou moins par cœur les - trop – nombreuses familles de noble, surtout celles s’étalant sur plusieurs générations. Si par le passé, Diane avait grommelé plus d’une fois, elle se rendait compte maintenant du point auquel cela lui était utile. En plus de tout cela, elle pourrait tester sur lui toutes les nouvelles techniques qu’elle avait apprise que cela soit en terme de danse, de manière ou encore de séduction. Même si, sur ce dernier point, elle avait décrété qu’il ne serait aucunement difficile à séduire.

    Lorsqu’elle eut finit de se préparer, Diane descendit les marches qui menait à ses appartement et rejoignit la salle de spectacle. Plongée dans la pénombre l’endroit lui parut terrifiant, comme si son âme l’avait quitté pour ne revenir que le soir venu, lorsque les cristaux de lumière s’illuminaient et que les convives s’attablaient dans les rires et les voix fortes pour festoyer allègrement. Sans doute était-ce eux, l’âme de cet endroit. Elle ne s’attarda pas plus longtemps et regagna l’entrée où elle se planta, droite en attendant.

    Même si elle n’était pas en représentation, son masque aux plumes d’or était posé sur son visage, relié par un ruban rouge carmin se perdant sous sa crinière brune. Sa tenue toute bleue et dorée attirait les regards des rares passants de la fin d’après midi. Certains la reconnurent et la saluèrent avec politesse, non sans lui adresser au passage un petit regard mi envieux, mi curieux qu’elle ignora parfaitement. Enfin, ses yeux félins se posèrent sur la silhouette qu’elle pouvait reconnaître rien qu’à sa démarche. Ses lèvres s’étirèrent, et lorsqu’il fut enfin à son niveau, elle s’inclina avec politesse comme elle l’aurait fait pour n’importe quel client.

    - Bienvenue au Chat Noir, je vous attendais. Si vous voulez bien me suivre. Et elle tourna les talons pour pénétrer la noirceur du cabaret. De nouveau ils passèrent dans la salle de spectacle vide, même les employés n’avaient pas commencés à dresser les tables du soir, puis au lieu de se diriger vers l’escalier qu’elle avait emprunté un peu plus tôt elle ouvrit une petite porte en bois sur la gauche de la scène et entraîna le soldat dans les entrailles du cabaret. Ils durent traverser les coulisses avant de longer un long couloir doté d’une multitude de porte. Chacune comportait une inscription différente. Archi, Emilia, Tom, Netily, Sakuna… Enfin ils arrivèrent au fond du corridor, les cristaux de lumière eux-même avaient du mal à éclairer jusque là. « Salle de répétition N°4 ». Diane enclencha la poignée qui émit un grincement mécontent, et entra dans la pièce après avoir allumé la lumière. - Nous n’utilisons pas souvent cette pièce, mais les autres seront bientôt occupées par les autres danseurs. Alors à moins que vous ne vouliez un public, nous seront mieux ici. A vrai dire, l’idée d’avoir un public avait franchement effleuré son esprit, mais par gentillesse elle avait épargnée ça au jeune homme. - Cela vous convient ? Pour la première fois depuis son arrivée, elle le regarda franchement, ses yeux étaient rieur, son sourire taquin. Même son masque ne pouvait le dissimuler.
    Calixte Alkh'eirDamoiseau
    Calixte Alkh'eir
    Informations
    Re: L'envol du canard boiteux | Calixte | Flash Back
    Ven 8 Jan 2021 - 17:51 #
    Le bouquet de fleurs trônant sur son bureau le narguait, lui rappelant sa maladresse coutumière comme sa propension à la crédulité. Calixte avait ainsi, la veille, acheté de quoi fleurir la quasi-totalité du dortoir numéro cinq de la Caserne principale de la Capitale. Mais le vendeur, un si gentil homme d’âge vénérable, lui avait alors paru des plus sincères dans son laïus sur le commerce local et ses difficultés actuelles, comme de l’avantage d’acheter les choses en gros. Et puis, il était vrai qu’elles étaient belles, et qu’elles sentaient bon, ses fleurs. Sans doute moins que le commerçant tenant la boutique adjacente, et peut-être à un prix beaucoup plus élevé… Tapotant du bout du doigt l’une des clochettes dorées, le garde soupira de frustration. Un jour, peut-être, cesserait-il de se faire avoir. Mais en attendant, ses maigres finances de jeune militaire en pâtissaient. Heureusement que son emploi actuel lui fournissait un toit comme de quoi se sustenter.

    Il avait été plaisant, tout de même, d’offrir une partie de sa nouvelle fortune – éphémère – fleurie à Zahria. S’il lui était difficile de gratifier de réussites les efforts de sa mentore pour le guider dans l’apprentissage – improbable – d’espion, il semblait malgré tout que leur amitié grandissante ne s’offusquait guère trop de sa maladresse. Comme de sa médiocrité. Et Calixte, reconnaissant de la patience dévouée de la jeune femme, développait toujours plus d’admiration et de tendresse envers celle-ci. Il avait été amusant, aussi, de couvrir – presque littéralement – de fleurs son camarade Vaelin. Dont la rectitude du côlon était toujours un défit à assouplir. Ce qui n’empêchait pas le jeune homme d’éprouver de la sympathie pour son collègue de promotion. Celui-ci venait d’une famille où l’art de la guerre s’était immiscé comme un membre à part entière, et satisfaire le devoir imposé de faire honneur à celui-ci n’était certainement pas aisé. Calixte, qui désespérait sa famille depuis quelques années déjà, en savait quelque chose. Malgré sa persévérance dans ses apprentissages, il semblait que la réussite l’évitait comme la peste.

    C’était d’ailleurs ainsi, de fil en aiguille à travers son parcours d’échecs et de maladresses, qu’il avait obtenu son rendez-vous à venir avec Sakuna. Ou plutôt, que d’incrédulité mêlée à la pitié, elle le lui avait proposé. Imposé. Et que le jeune homme, dont l’incompétence n’était dépassée que par la curiosité sans bornes, s’était empressé d’accepter. Il était d’ailleurs amusant de constater à quel point les gens graciés d’une certaine élégance lui accordaient leur indulgence. Ou leur mépris. Même si Sakuna était peut-être bien l’une des seuls à avoir poussé le vice à lui offrir gratuitement son compagnonnage, l’emploi du temps du soldat comprenait déjà tout un tas de créneaux dévolus aux divers cours censés le rendre plus adroit. Parce que pour toute la persévérance de Zahria, il faudrait certainement un miracle à l’apprenti espion pour atteindre les exigences de son chef officieux au terme de ses années d’études. Ou une sacrée dose de travail – à laquelle Calixte était déjà coutumier – et un large panel de professeurs aguerris. Pressé de retrouver la salle du Chat Noir et sa jeune instructrice, il finit par se lever d’un bond. Renverser sa chaise, saisir l’un des bouquets devant lui – son colocataire actuel avait eu la riche idée d’en offrir une partie à ses très nombreuses sœurs, dégageant un peu leur chambre commune – et quitter la Caserne d’un pas sautillant.

    Comme souvent, cela avait débuté par des soirées entre camarades de promotion. Officiellement depuis qu’ils avaient fini l’Académie Militaire, officieusement depuis déjà quelques lunes auparavant, les jeunes gens avaient écumé les tavernes et lieux de divertissement de la Capitale. Ceux-là étaient forts nombreux, mais à force de soirées et de bons conseils de leurs aînés, certains endroits étaient rapidement devenus incontournables pour les jeunes promotions. Chaque groupe ayant ses préférences. Calixte, plus porté sur l’étonnement et les découvertes, passait volontiers son temps libre aux adresses proposant spectacles et curiosités en tous genres. La nécessité de parfaire certaines facettes de son futur travail d’espion lui avait imposé d’autres activités moins naturelles pour lui, mais ses pas retrouvaient tout de même, très régulièrement, le chemin de certains lieux. Plus ou moins accompagné. Le Chat Noir faisait partie de ceux où il se rendait généralement en compagnie de ses camarades de promotion. Dans l’attente de leurs affectations définitives, encore couvés par leurs supérieurs du fait de leur inexpérience et de leur jeunesse, les temps de repos ne manquaient pas. Et puis, dans l’effervescence de leurs hormones ingénues, chacun trouvait un peu de rêve entre les murs du Chat Noir.

    Beaucoup, en la ravissante et grâcieuse Sakuna. Adressant un grand sourire à celle-ci postée devant l’entrée du cabaret, Calixte agita sa main libre pour attirer son attention. Puis son pied s’accrocha à l’irrégularité de l’un des pavés de la ruelle, et sa joie fut coupée par la surprise de valser dans le décor. Le couple de soixantenaires dans lequel il s’encastra le rabroua gentiment et, se fendant en excuses, le garde poursuivit sa route jusqu’à la danseuse. Cela ne faisait pas longtemps qu’elle se produisait au Chat Noir – Calixte et ses camarades fréquentaient l’endroit depuis plus de lunes qu’elle – mais l’agilité de ses pas, la souplesse de son buste, l’adresse de bras et la noblesse infinie se dégageant de ses mouvements avaient rapidement séduit le groupe de jeunes gardes. Ça, et le fait qu’en dépit de son masque doré ne la quittant jamais, elle semblait de leur âge. Bien évidemment, Calixte était loin d’être insensible à ses charmes. Mais globalement, à cet âge, il y avait peu de choses qui échappait à sa libido.

    - Bonjour Sakuna, répondit-il légèrement essoufflé de sa dernière maladresse. Merci de me recevoir, je vous suis !

    Ils pénétrèrent dans le cabaret vide d’activité à cette heure-ci, et le garde coula un regard curieux sur l’immobilité inhabituelle des lieux. Il avait soudainement l’impression d’être invité à découvrir les secrets de l’endroit, et l’idée – bien qu’absurde – ne fit que majorer son empressement. Ils dépassèrent la scène pour s’engouffrer dans la pénombre d’un long couloir, et ses yeux parcoururent avec avidité, en reconnaissant les noms, les plaques affichées sur les différentes portes qui le fendaient. Leur chemin finit par les amener dans une pièce intitulée « Salle de répétition N°4 », et alors que Sakuna s’avançait vers le cœur de celle-ci, Calixte se débâtit un moment avec le battant capricieux. Comme la jeune femme reprenait la parole, les mots remplaçant le silence par leur sonorité chaleureuse, le garde accusa un moment d’inattention où la lourdeur opiniâtre de la porte échappa à son contrôle pour se refermer dans un claquement sonore. Décapitant au passage son bouquet de fleurs. Contemplant un instant interdit les malheureuses tiges vertes lui restant entre les doigts, il finit par hausser les épaules, résigné.

    - C’était pour vous remercier de votre gentillesse, et de votre temps, expliqua-t-il à la danseuse en lui tendant tout de même le bouquet étêté. Mais heu… je vous en ramènerai un autre. J’en ai plein à la Caserne. Quarante-huit maintenant, si j’enlève ceux qu’on a mis dans la salle commune de repos. Vous en voulez pour le Chat Noir ? Amine dit qu’il va finir par y développer une allergie si on les laisse tous dans notre chambre.

    Le regard quittant la silhouette grâcieuse de la jeune femme pour observer les reliefs de la salle, le garde finit par se souvenir de la raison première de leurs retrouvailles.

    - La pièce est parfaite ! Un public ne me dérange pas. Mais généralement je heu… disons qu’il n’est pas improbable que je dérange le public, grimaça-t-il au souvenir de sa maladresse. Même certain. D’ailleurs… Etes-vous vraiment certaine de vouloir me proposer votre aide ? Moi ça me convient parfaitement, hein. Mais je ne voudrais pas qu’il vous arrive des malheurs – une chute, un coup regrettable, ou tout autre traumatisme malchanceux – par ma faute. Assurément cela risquerait de compromettre vos performances, et ce serait fâcheux. En plus de vous abimer. Et ce serait dommage, parce que vous êtes vraiment jolie. D’ailleurs, vous avez une assurance ?
    Diane AvalonCitoyenne
    Diane Avalon
    Informations
    Re: L'envol du canard boiteux | Calixte | Flash Back
    Sam 9 Jan 2021 - 16:20 #
    Diane pinça les lèvres pour retenir un rire et malgré tout ses efforts, cela se vit. Même le masque ne pouvait cacher l’air hilare qui s’était emparé de tout son visage lorsque le garde lui avait présenté le bouquet de tige verte. Il n’était pas maladroit, il était bien plus que ça. Cependant il était drôle. Atrocement drôle. Avec son air dépité, au moins autant que les fleurs qui jonchaient l’entrée. Par chance leur parfum était fort et il ne fallut pas très longtemps pour qu’il se mette à embaumer la pièce. Ce n’était sans doute pas le résultat qu’il avait espéré mais c’était mieux que rien, de plus il était préférable de sentir ce genre d’odeur que les relents de transpiration qu’il finirait tôt ou tard par dégager. Il. Parce qu’elle ne comptait pas trop se mouiller. C’était même avec un plaisir sadique qu’elle le guiderait comme on l’avait guidé pour se premiers pas.

    Tout en continuant de l’écouter elle se dirigea vers le fond de la pièce, sortie une serviette ainsi qu’un pot à eau qu’elle remplit à un robinet qui se trouvait là. Le pauvre ne savait pas dans quoi il s’engageait lorsqu’il avait accepté de devenir son élève. En plus à cette époque, où elle était encore novice dans le domaine de la danse professionnelle, elle ne les ménageait pas. Pas plus qu’aujourd’hui à vrai dire, mais peut-être aurait-elle été un peu moins taquine.

    Enfin, il sembla se désintéresser de sa personne et elle le laissa faire. Il était important pour elle qu’il se sente un peu à l’aise dans cet endroit. Cela jouerait sur les difficultés que son corps opposerait durant les instants qu’ils allaient partager. La salle n’avait d’ailleurs pas grand-chose à offrir. Un miroir courrait sur l’entièreté de la longueur du mur principal et sur tout le reste de son pourtour une rambarde en bois, usée par les centaines de mains et de pieds qui y avaient prit appuie. Il y avait également des cristaux de lumière à n’en plus finir. Impossible de ne pas y voir parfaitement. Et enfin, dans le fin fond de la pièce vide, une vieille armoire qui servait de casier, accompagnée d’une petite table où il était possible de déposer ses affaires.  Mais en dehors de cela la pièce était vide. C’était une chose qu’elle n’aimait pas au Chat Noir. En dehors des salles qui recevaient des clients, tout était dépourvu de quelconque décoration. Ce qui, à l’annonce du danger presque mortel du blond, lui sembla finalement une bonne chose.

    - Quarante huit ? L’interrogea-t-elle, estomaqué. - Pourquoi avoir commandé autant de fleur ? Vous vouliez impressionner votre petite amie ? C’est cliché. Trancha-t-elle. - Cliché et impersonnel ! Vais-je aussi devoir vous apprendre à séduire ? Elle pouffa. - Quoi que l’un ne va pas sans l’autre. Lorsque vous serez un peu différent vous ferez des ravages. Autrement qu’avec des bouquets sans tête. Ses lèvres se tordirent et elle dut se faire violence pour ne pas exploser de rire sous son nez. A la place, elle le débarrassa de ses affaires, comme elle l’aurait fait avec n’importe quel gentilhomme en sa compagnie. Puis elle les entreposa sur et sous la table. - Pas d’inquiétude. Ici nous sommes seuls, dans le pire des cas c’est vous que vous allez blesser. J’aurais peut-être dû vous faire signer une décharge… Songea-t-elle à mi mot. - Enfin c’est trop tard. Ce qui est fait et fait !

    Son ton était presque trop enjoué. Diane était certaine de s’amuser et à vrai dire elle avait même hâte de commencer. Ni une ni deux, elle se saisit de sa main et l’entraîna au centre de la pièce, là où il ne pourrait pas se fracasser le petit orteil sur le coin de l’unique table. Elle le plaça face au miroir tout en le relâchant. - Qu’est ce que vous voyez ? Demanda-t-elle tout en passant dans son dos, laissant son regard mordoré courir le long de la courbe de son dos, imaginant la courbe de ses muscles.

    Lorsqu’il eut répondu, elle se rapprocha dans son dos, un petit sourire mutin aux lèvres. Rapidement ses mains vinrent se poser sur ses épaules qu’elle tira doucement vers l’arrière, la droite glissa ensuite jusqu’à son omoplate pour finir entre elle et sa jumelle.

    - Dégagez vos épaules, projetez votre poitrine vers l’avant. Imaginez que votre aura se concentre ici, elle tapota son cœur, et que vous voulez la montrer au monde entier. Non. Pas a ce point… Vous allez ressembler à un canard boiteux. Oui, voilà. Comme ça. Elle le relâcha avec précaution, comme si, en enlevant ses mains il allait subitement briser toute la position. En quelques enjambées elle le contourna pour lui faire face. Ses doigts agile glissèrent sous son menton qu’elle redressa. - Bien. Très bien. Maintenant cessez de faire pendre vos bras comme deux entités indépendantes de votre corps. Vous êtes garde, vous êtes musclé, utilisez ces muscles ! Puis elle glissa une main sur son ventre, une dans son dos et tourna son visage vers leurs reflets dans le miroir. - Prenez une grande inspiration. Et elle suivit le mouvement de son ventre avant de le relâcher. - Je vais chercher quelque chose, regardez vous et dites moi ce que vous en pensez. Le laissant seul avec lui même, elle s’en alla vers l’armoire dans laquelle elle se mit à fouiner. Longtemps. Quand enfin elle trouva ce qu’elle cherchait, un petit cri d’exclamation lui échappa et elle revint à ses côtés.

    - Bien, voilà une position gracieuse. Mais le tout n’est pas de savoir la conserver en étant immobile. Il faut savoir la conserver en toute circonstance. Et pour ça… Un petit sourire sadique étira ses traits lorsqu’elle lui présenta un volume, qui visiblement avait connu plus d’une chute, « Créatures et Plantes dangereuses du Village perché ». Un livre de taille moyenne. Le premier d’une grande pile. - Vu et revu mais qui à fait ses preuves.  
    Calixte Alkh'eirDamoiseau
    Calixte Alkh'eir
    Informations
    Re: L'envol du canard boiteux | Calixte | Flash Back
    Ven 15 Jan 2021 - 14:30 #
    - Le vendeur était gentil ? répondit-il d’un air contrit en se défaisant de sa veste pour la laisser entre les mains de Sakuna.

    Gentil, charismatique, et il lui avait offert quelques baies de divinam. Sur le moment, ça avait paru être une excellente affaire. Avec le temps beaucoup moins, et Calixte redoutait un peu le moment où Enora le confronterait à ce sujet. Même si, techniquement, l’argent qu’il avait dépensé était le sien, et uniquement le sien. Mais dans une famille qui considérait que même sa naissance lui était due – en notoriété, avantages matériels ou cristaux – le moindre de ses – faux – pas était étudié avec attention.

    Après un instant d’hésitation, le garde retira aussi ses chaussures. Il ne savait pas trop comment la jeune fille comptait s’y prendre pour lui enseigner la grâce, mais le souvenir pénible des pieds pourtant agiles de Zahria sous le poids maladroit de ses propres extrémités pataudes le convainquit de quitter tout surplus de vêtement possiblement gênant voire blessant. Ainsi délesté, les affaires soigneusement écartées par Sakuna, il laissa celle-ci se saisir de sa main et le mener vers le centre de la pièce. Bien que ses années à l’Académie Militaire eussent permis à son naturel tactile de s’épanouir loin de l’étiquette empruntée des Alkhaia de Eliëir, le toucher chaleureux des doigts de la danseuse entre les siens lui teinta légèrement les joues. Lorsque le miroir lui rendit son regard ambré comme sa silhouette gauche, le garde cligna des yeux pour tenter de se concentrer sur la tâche présente.

    - Un garde qui a quarante-huit bouquets de fleurs dans sa chambre ? répondit-il incertain comme curieux de la suite.

    Les mains de Sakuna s’enroulèrent sans surprise au contact de ses épaules, mais il ne put réprimer un frisson fébrile. En ce moment il ne fallait pas grand-chose pour que son imagination – ses hormones – s’emballât ; un sourire un coin de Zahria, l’effleurement des doigts de Vaelin, un entraînement un peu trop en proximité, l’intimité des douches communes aux heures extrêmes de la journée. Une association d’idées qui n’allait pas l’aider à rester assidu. Ni présentable, dans cette atmosphère où il évoluait en pleins phares. Voilà qui risquait d’être fort gênant. Mentalement, alors que la danseuse le conseillait de ses mots et de ses doigts, il se remémora le livre qu’il étudiait dernièrement. Assurément le passage sur la maladie de Sam Grathe des Maladies Magiques de Jaime D. Cooper enchanterait moins sa chair que la présence de Sakuna. Et ne majorerait peut-être pas trop son air déjà peu futé.

    - Comme ceci ? demanda-t-il en bombant le torse de manière qui lui semblait peu naturelle. Ah non, rectifia-t-il aux commentaires de sa guide. Avoir des plaques… des muscles pardon, ne fait pas tout visiblement, grommela-t-il distraitement. D’ailleurs êtes-vous sûre d’avoir vu des muscles démangeai… quelque part ? Je vous inviterai volontiers à le notifier aux instructeurs de la Garde dont l’avis est plutôt mitigé sur la question.

    Il tenta de mouvoir ses extrémités dans un semblant d’harmonie avec son buste, mais l’affaire fut peu concluante.

    - Heureusement que tous les postes de la Garde n’impliquent pas de jouer constamment les gros bras. Peut-être que je devrai m’en sortir pas trop mal sur un poste administratif. Qu’en dites-vous ? Il serait sans doute plus raisonnable que la cible de ma maladresse soit un encrier plutôt que le parasite… peuple en détresse.

    Le regard accrochant les courbes grâcieuses de Sakuna avant de se relever pour observer le lointain, il tenta de caler son maintien sur celui de la jeune fille, et la chose lui parut ainsi quelque peu plus aisée. Même s’il lui manquait certains attributs par rapport à son vis-à-vis. Et tout allait plutôt pas mal sans sa tentative pour glisser du canard boiteux à la grâcieuse colombe, lorsque les mains de la danseuse encadrèrent la base de son tronc. Diffusant une chaleur un peu trop vive dans le pelvis de l’apprenti espion, et colorant à nouveau ses pommettes de rose. Suivant le mouvement imprimé par les bras de sa guide du mieux qu’il le put, Calixte se concentra tant bien que mal sur ses conseils, comme sur le Tenia Magicophage. Dont l’invasion digestive apportait des maux bien peu ragoûtants, mais tenait efficacement à distance toute réaction malavisée de son corps à leurs quelques pas de deux.

    Et peut-être les maladies magiques l’inspiraient-elles, car il lui sembla ainsi plus facile de se plier aux exigences de Sakuna. De laisser à ses membres la liberté de trouver une certaine agilité. Un maintien plus fluide. Très certainement éphémères, mais au début d’une expérience à venir.

    - Heum, nota-t-il intelligemment alors qu’elle le lâchait pour aviser une armoire poussée contre l’un des murs de la pièce.

    Un peu perdu, mais somme toute heureux de ne plus avoir la distraction de la chaleur de la danseuse contre son corps, il resta un temps fiché devant le miroir à ne savoir quoi faire. Et intrigué par ce que pouvait bien chercher Sakuna. Quelques secondes, son regard l’observa. Puis, lorsqu’il se rendit compte qu’il appréciait plus les courbes de la danseuse que le fouillis du mobilier dans lequel elle fouillait, Calixte détourna les yeux pour mieux se concentrer sur sa propre posture. Et le Tenia Magicophage. Bien que perturbé par son imagination – ses hormones – il avait réellement à cœur de se défaire au possible de sa maladresse, et ça n’était pas en baillant aux corneilles – ou toute autre créature plus sulfureuse – qu’il allait réussir. Se remémorant les conseils de la jeune fille, il réinvestit les mouvements qu’elle lui avait montrés, et se mit à évoluer devant le miroir. Avec hésitation tout d’abord, puis avec de plus en plus d’assurance.

    Concentré sur son entrainement, le garde leva un regard surpris lorsque Sakuna revint vers lui. Il ne put s’empêcher de lui adresser un large sourire de contentement au compliment plus ou moins sincère, et commenta :

    - Peut-être réussirez-vous bien à faire quelque chose de moi !

    Ses yeux se posèrent rapidement sur le lourd volume que la jeune fille avait ramené avec elle, et une pointe d’excitation amusée se réveilla en lui. Pour toute sa médiocrité, Calixte aimait la nouveauté, les défis, les jeux. Et bien qu’il ne pût que s’interroger sur le choix de l’objet, il s’enthousiasmait déjà des possibilités qu’il offrait. Lorsque sa guide lui indiqua d’ailleurs l’exercice suivant, il rit franchement.

    - J’avais presque espoir que ce bouquin comprît tous les secrets de votre grâce, mais voila qui est encore plus intriguant. Et attrayant. Essayons donc !

    Sans surprise, ce fut rapidement un échec. Lorsque l’apprenti espion arrivait enfin à déposer en équilibre le livre sur le sommet de son crâne, dès qu’il esquissait le moindre mouvement, celui-ci glissait immanquablement le long de sa chevelure. Ce qui n’était cependant pas pour déterrer le garde qui, s’il avait dû abandonner à chacun de ses fiascos n’aurait probablement jamais dépassé le seuil de sa chambre au domaine familial. La difficulté ne semblait pas non plus rebuter Sakuna qui s’empressa de le couvrir de suggestions comme, à nouveau, de la chaleur de ses mains.

    - Depuis combien de temps pustulez… dansez-vous ? demanda distraitement Calixte dont l’esprit s’était rattaché au précis de Jaime D. Cooper alors que sa tête accusait le poids de celui choisi par Sakuna. Vous donnez l’impression d’une facilité déconcertante à vos mouvements. Et sans avoir tenté de les reproduire – et si j’avais tout de même tenté de les reproduire dans la discrétion de ma chambre, c’est évidement un malheureux épisode sur lequel il vaut mieux ne pas revenir – on se doute du travail ardu en amont. Dansez-vous depuis… toujours ? Qui peut donc se targuer d’avoir été professeur de vos pas ?
    Diane AvalonCitoyenne
    Diane Avalon
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    Re: L'envol du canard boiteux | Calixte | Flash Back
    Lun 18 Jan 2021 - 0:04 #
    Si Diane réussirait à faire quelque chose de lui ? Elle ne le savait pas. Mais quand elle le regardait, avec sa gaucherie presque surnaturelle, à la limite de l’exagération elle était prise de doutes. C’était la première fois qu’elle rencontrait une personne comme le soldat, il était également son premier élève, et elle voulait croire qu’elle pouvait faire quelque chose de lui. En plus de cela, il avait la chance d’avoir un joli visage ainsi qu’une ascendance de qualité. Il ne lui manquait qu’un peu de grâce, une ou deux années de plus et son poste de preux soldat de la garde ferait son affaire. L'Avalon en était convaincue. Cependant, elle devait encore faire tenir ce maudit bouquin sur son crâne et empêcher ses épaules de revenir s’arc-bouter vers l’avant. Par chance pour lui, Diane, bien que taquine n’était pas encore tortionnaire ; même si elle ne comptait pas le ménager elle n’imposait pas encore cette rigueur qui, aujourd’hui, faisait fuir plus d’un apprenti danseur.

    - Je réussirais. Vous êtes moins désespérant que je ne le pensais. Mais il l’était sur un autre point qu’elle ne soupçonnait pas. Il était un homme, cela ne faisait aucun doute, plus âgé qu’elle de surcroît et pourtant il semblait véritablement n’avoir aucun contrôle sur son corps. Que cela soit à cause de ses longs bras tout bringuebalants, du bouquet de fleur dont il avait sommairement amputé les têtes ou de ses joues qui viraient immanquablement au rouge dès qu’elle posait ses mains sur lui. Il ne fallait pas être un génie pour surprendre quelques regards à la dérobée. Cela lui plaisait, d’être regardé ainsi, presque comme si elle était une merveille de la nature. Sans savoir à quel point elle pouvait agiter les hormones du blond, elle savait qu’elle produisait son petit effet. Alors elle en joua ; en se penchant doucement vers lui, soutenant son regard de ses propres iris d’or liquide, en laissant ses doigts effleurer la limite de son pantalon alors qu’elle guidait le mouvement de ses hanches puis de son torse.

    - Malheureusement, même avec un livre il vous faudrait de la pratique. Surtout de la pratique. Dans un léger rire, répondant à celui de son élève, elle replaça le livre sur sa tête et le tint du bout des doigts jusqu’à ce qu’il trouve son équilibre. Après quoi elle s’écarta légèrement pour lui laisser de la place, bras tendu en avant au cas où il tanguerait et qu’il faille récupérer in-extremis l’ouvrage dans sa chute.

    Il y avait quelque chose, en plus de la grâce, que ne possédait pas Calixte : La concentration. Il ne cessait jamais de papoter, toujours avide de savoir. Sa curiosité lui parut insatiable mais aussi fluctuante. Il pouvait tout aussi bien s’intéresser à elle qu’à la mouche qui allait lui passer sous le nez en virevoltant. Elle pinça les lèvres pour retenir un rire à l’image d’un Calixte complètement à l’ouest, l’air parfaitement abrutit, qui venait de naître dans son esprit et elle se concentra sur les questions qu’il lui posait tout en l’invitant à avancer dans sa direction.

    - Je danse depuis que je suis petite. Nombre de danseur on était mes professeurs. Mon père s’évertuait à me trouver les meilleurs d’entre eux. Peut-être que le nom de Mélusine Dimara vous dira quelque chose ?  Il y eut également Elros. Celui qu’ils ont surnommés l’étoilé pendant de longues années. J’ai suivis leurs enseignement la majeur partie de ma vie, et leurs styles diamétralement opposés m’ont permis d’acquérir ma propre allure. Mon père parlait de don, certains des clients du cabaret aussi. Mais je puis vous assurer d’une chose ; même avec des prédisposition, si vous ne travaillez pas vous n’obtiendrez rien. Et lire un livre ne vous servira en rien. Si l’érudition apportait quelconque grâce, toute la noblesse serait un ballet. Vous ne croyez pas ? Et elle pouffa en imaginant le roi et la reine en tutu à voilette. - Au fil du temps, à force de répéter encore et encore, les mouvements deviennent des automatismes et les automatismes deviennent naturels. Vous saviez qu’il faut en moyenne six lunes pour changer une habitude ? Elle rattrapa de justesse le livre qui glissa et le repoussa au sommet du crâne de Calixte, lui soulevant légèrement le menton du bout de son index. - Ne penchez pas trop la tête en avant. Imaginez que le monde est à vos pieds. Voilà. Puis elle reprit sa marche à reculons. - C’est long six lunes mais si vous arrivez à vous discipliner vous même, si vous pensez à redresser les épaules, à lever le menton et à cesser de regarder le sol. Comme il y a une seconde. Vous finirez par en prendre l’habitude. Peu importe le professeur que vous aurez, même le meilleur, si les efforts ne viennent pas de vous alors vous ne réussirez jamais.

    Enfin, ils arrivèrent au bout de la pièce et dans son infinie bonté, la danseuse libéra le crâne du jeune homme.

    - C’était plutôt pas mal pour un premier essaie ! Enfin il y a encore pas mal de boulot… Et ces maudits bras… Murmura-t-elle en fixant son regard dessus. - A croire que vous avez un corps fait en chewing-gum. Vous séchez les cours de sports ? Pourtant vous avez l’air tout à fait athlétique… Diane ne perdait jamais ses objectifs de vu, encore plus lorsqu’il s’agissait d’ennuyer autrui pour son plaisir personnel, ainsi elle vint poser une main sur le torse de Calixte avant de longer sa clavicule et de terminer sur son biceps qu’elle palpa. Diantre, vous n’êtes donc pas fait de guimauve. Elle lui sourit et se retira de nouveau vers l’armoire. Cette fois elle n’eut pas à chercher bien longtemps, l’objet de ses désirs était déjà à portée de main. Encore bien souvent utilisée. C’était une fine baguette en bois. Rien de plus, rien de moins. Diane la fit claquer dans la paume de sa main avec un grand sourire. - Bien. Occupons nous de ces petites épaules rebelles. Écartez les bras, s’il vous plait ! Quand ce fut chose faite elle glissa la baguette par une manche, le long de ses bras jusqu’à la seconde. La rigidité du bois obligerait le pauvre soldat à suivre sa droiture. Et elle lui reposa le livre sur la tête en le gratifiant d’un grand sourire joueur. - On reprend ? Diane lui refit face, bras tendu, prête aussi bien a esquiver le bouquin qu’à le réceptionner. Son instinct lui souffla que le pire restait à venir, et elle préféra l’écouter. Toutefois, dans un espoir un peu naïf de détendre le jeune homme, elle tenta à son tour de s’intéresser à lui. - Et vous alors, depuis combien de temps êtes vous garde ? Pourquoi ça d’ailleurs ? Si c'est pour au final vouloir finir dans les bureaux administratifs ? Vous n’auriez pas pu être engagé… Comme secrétaire ? Je ne sais pas moi. Il y a des voies bien plus simple. Non ?
    Calixte Alkh'eirDamoiseau
    Calixte Alkh'eir
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    Re: L'envol du canard boiteux | Calixte | Flash Back
    Sam 23 Jan 2021 - 16:41 #
    Ce qu’il avait lu des Maladies Magiques de Jaime D. Cooper ne suffirait jamais à lui faire tenir l’heure prévue avec Sakuna. Distraitement, Calixte se demanda s’il n’était pas envisageable qu’il la passa dans l’un des miroirs afin que ses hormones se calmassent et qu’il retrouvât une once de dignité. Puis il se rappela qu’il avait définitivement fait une croix sur la décence en entrant dans le corps des espions, et qu’il était tout de même bien déterminé à mettre à profit ce temps accordé entre les mains expertes de la danseuse. Aussi tendancieuse fût cette notion. Elle replaça de sa dextre le lourd volume en équilibre précaire sur son chef, et il se concentra sur l’horizon offert par l’immensité proposée du reflet, chassant de son esprit la sensation des doigts guidant ses hanches. D’autant plus aisément qu’elle consentit enfin à s’éloigner un peu pour le laisser évoluer seul.

    Funambule maladroit, il esquissa quelque pas doté de son étrange fardeau. Le poids du livre lui rappelait la nécessité de la droiture de son maintien, mais ses songes ne pouvaient s’empêcher de lui échapper et émousser sa posture à mesure que ses mauvaises habitudes refaisaient surface. Comme une nourrice suivant avec bienveillance l’enfant faisant ses premiers pas vacillants, Sakuna restait à proximité pour le conseiller. Et rattraper le volume qui semblait davantage apprécier de pouvoir de la gravité que son statut transitoire de couronne. Ecartant ses pensées qui s’emmêlaient autour d’un paragraphe du rhume Popompom, le garde effectua le demi-tour indiqué et tenta de faire une nouvelle traversée avec moins d’échecs tandis que la danseuse répondait à ses interrogations. Reconnaissant certains noms dans ses propos, il fit encore quelques écarts en tournant instinctivement la tête vers elle, avant de s’astreindre à plus de concentration sur ses mouvements.

    - Six lunes ? répéta-t-il, le regard au loin par-dessus la chevelure soignée de Sakuna. Voilà qui est presque encourageant.

    Ses yeux se baissèrent un instant pour vérifier l’emplacement de ses pieds, et le balancement du livre le rappela à l’ordre. Tout comme la danseuse.

    - Si vous insistez, et comme cela semble être une des clefs de l’élégance, je veux bien laisser de côté mon amour inconditionnel pour mes pieds. Même s’ils sont si gauches qu’il m’est compliqué de leur faire une confiance aveugle. Pensez-vous que j’aurais été moins maladroit si la vision m’avait été ôtée ? Ou encore plus gourd ?

    Était-ce seulement possible ? Accrochant son regard au reflet fixe d’une petite irrégularité dans le mur, Calixte suivit Sakuna à travers la pièce. L’exercice lui parut déjà un peu moins difficile, bien que loin d’être maitrisé. Le poids du volume lui donnait conscience de tout un tas de muscles insoupçonnés composant son cou et encadrant sa colonne vertébrale, lui donnant l’impression de se redécouvrir. L’entrée à l’Académie Militaire avait déjà eu un peu le même effet, mais de manière bien plus grossière. Il y avait là tout un monde en délicatesse et raffinement que la Garde n’aurait jamais pu lui offrir, même après des années en son sein.

    Ils arrivèrent à l’une des extrémités de la salle, et la danseuse le libéra de son poids. Se massant distraitement la nuque, il ne put s’empêcher de lui adresser à nouveau un grand sourire ravi – il en fallait vraiment peu pour l’encourager – au commentaire presqu’enthousiaste. Et comme l’exercice avait temporairement tut ses hormones, il porta son regard curieux et empressé à celui de la jeune fille.

    - Non, non, je ne sèche rien du tout, répondit-il dans un rire. Au grand damne des instructeurs qui se désespèrent. Mais c’est bien la première fois que je fais ce genre d’exercice. L’avantage, c’est que je vais pouvoir le refaire à la Caserne. Amine sera ravi de me voir déambuler entre les fleurs un bouquin sur la tête ! Et maintenant ? Que proposez-vous pour mes bras chewing… oh, rougit-il à nouveau alors que Sakuna reposait ses doigts contre son corps pour en palper le galbe.

    Partagé entre l’envie de lui demander de vérifier encore qu’il n’était pas de guimauve et celle de la garder au contraire bien loin de lui et de ses hormones traitresses, Calixte accusa un moment de flottement distrait qui ne fut interrompu que lorsque la danseuse s’équipa d’une fine baguette de bois. Le claquement sec de l’objet contre la paume de sa main arrondit tout à fait les yeux du garde. Et fit s’envoler toute pensée lucide à la faveur d’une imagination fertile. Et absolument pas chaste. Dans une onomatopée en gargouillement inconfortable et décontenancé, tentant désespérément de chasser toutes les images indécentes s’imposant à son esprit, il laissa Sakuna glisser la baguette par l’une de ses manches pour servir de tuteur à ses membres. Dans un songe paniqué, il songea d’un humour à pointes d’hystérie que Vaelin se ficherait grandement de sa tête lorsqu’il lui raconterait l’épisode. D’ailleurs… Peut-être pourrait-il proposer à Vaelin de reprendre le concept d’« élève/professeur » pour jouer ? Son camarade n’accepterait certainement pas, mais ce serait une douce vengeance que de le voir à son tour embarrassé.

    - Oui ? couina-t-il plus qu’il n’acquiesça alors que le lourd volume revenait trouver sa place sur le haut de son crâne.

    Le poids de plus en plus familier du livre lui fit réaliser deux choses : la première était qu’il lui était tout de même plus aisé à présent de reprendre une position adaptée sous celui-ci, ce qui était encourageant, la seconde était que la grande majorité de son flux sanguin avait migré vers des contrées plus méridionales. Ce qui, vraiment, n’allait pas arranger son affaire. Se raccrochant aux paroles de Sakuna dans l’espoir d’aviver davantage ses neurones comme ses muscles mis à contribution pour l’exercice, Calixte dut tout de même rapidement se rendre à l’évidence qu’évidemment Lucy ne semblait pas vouloir jouer en sa faveur. Et alors que la danseuse évoquait un possible travail de secrétariat, le garde décida qu’il était temps de recourir à des moyens plus drastiques pour se défaire de la chaleur envahissant son bas-ventre.

    - Excusez-moi, un besoin urgent ! cria-t-il à la jeune femme alors qu’il franchissait à grandes foulées les quelques mètres qui les séparaient de l’issue de sortie, le livre étonnamment toujours en équilibre.

    Il calcula cependant mal son échappée sauvage, plus concentré sur l’idée de trouver rapidement des sanitaires pour se débarbouiller – voire autre chose – et oublia complètement la position de la baguette limitant ses mouvements. Epouvantail malheureux, il heurta dans un bruit mat le bois de la porte, pour y rebondir avant de s’écraser au sol dans un battement d’ailes infructueux. Dos contre le parquet, tel une tortue retournée ne sachant pas comment se relever, il se tortilla un temps avant d’abandonner et de se résigner à observer le plafond. Dans sa misère, son service trois pièces semblait au moins avoir été suffisamment secoué pour retrouver une apparence plus présentable.

    - Mmmm Sakuna ?
    Diane AvalonCitoyenne
    Diane Avalon
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    Re: L'envol du canard boiteux | Calixte | Flash Back
    Lun 25 Jan 2021 - 16:05 #
    Diane avait rencontré des gens gauches, maladroits ou étourdis. Elle en avait connu d’autres, rustres et patauds comme des gros chiots mais qui, pourtant, se révélaient bien plus dégourdit qu’elle ne l’aurait parié. Puis il y avait Calixte. Qui était un mélange de ces deux types de personnes mais sans les bonnes surprises et les côtés positifs. Elle avait la sensation qu’à la naissance, la déesse, qu’il devait sans doute vénérer, cette « Lucy », à défaut de lui offrir une quelconque bénédiction lui en avait offert tout le contraire. Pour la première fois elle éprouva de la sympathie pour une entité inexistante, si elle était réelle, nul doute qu’elle avait de l’humour et rien que pour ça elle venait de s’attirer un peu de sa sympathie. Malheureusement ça n’allait pas régler le problème que représentait son aîné.

    Elle s’apprêtait à le féliciter pour le maintien qu’il avait adopté presque automatiquement quand, sans prévenir il avait décrété un besoin urgent avant de -tenter de- s’enfuir avec empressement. Elle l’avait d’abord regardé avec des yeux ronds. Le livre tenait parfaitement en équilibre, son port de tête était quasiment parfait. Son dos prouvait enfin, de part sa droiture, qu’il était doté de muscles et sa démarche était certaine. Pour la première fois Diane lui trouva un charme indéniable. La seconde suivante il heurtait la chambranle et tombait à la renverse avec perte et fracas. La danseuse n’avait osé bouger. Elle se contentait de le regarder gesticuler comme un asticot sur le parquet lustré de la salle de répétition. Elle ne su dire exactement combien de temps elle resta plantée là. Puis soudainement, la révélation. Un sourire impossible à retenir étira ses traits, s’empêcher de rire allait être des plus compliqué. D’ailleurs, elle éclata dans la seconde. Franche, cristalline, particulièrement féminine ; son allégresse emplissait toute la pièce de même que les larmes ses yeux.

    - Oh par la déesse ! Jura-t-elle tout en repartant de plus belle, ses bras se nouant autour de son ventre tant ce dernier lui faisait mal.

    Il fallut à Diane un temps considérable pour réussir à se calmer, un regard dans la direction du soldat et son rire reprenait de plus belles.  Au bout de presque cinq minutes elle se pencha au dessus du jeune homme. Malgré son masque les larmes qui cernaient encore ses yeux d’or étaient visibles, ses joues avaient prit une légère tinte rose qui s’accordait étrangement bien avec le coloris de son masque.

    - Êtes vous certain de ne pas avoir été maudit à la naissance ? Elle gloussa au passage, incapable de se retenir. - J’aime à espérer pour vous que si vous aviez été aveugle, vos autres sens auraient été plus… Développés. Peut-être aussi seriez vous moins enclin à partir en courant tête baissée sans regarder devant vous ? Je crois que je commence à comprendre vos instructeurs… Puis elle se redressa pour regarder l’encadrure de la porte qui semblait toiser sa victime d’un air goguenard. Si tant est qu’une chambranle soit capable de ce genre de chose. - Enfin, tâchons de vous relever. Les toilettes ne sont pas très loin, rassurez vous. Diane souleva sa jupe en mousseline afin d’enjamber le bras de Calixte. - Reste à savoir comment s’y prendre. Je vous avoue que vous êtes le premier de mes élèves à vous retourner comme une crêpe. Quoi que vous êtes mon premier tout court. Rude entraînement que voilà.

    D’abord elle tenta de retirer la baguette passée en travers de ses épaules, elle pourrait ainsi libérer ses mouvements et lui permettre de se relever tout seul. Malheureusement cette dernière ne lui donna pas satisfaction et alors qu’elle avait commencé à coulisser le long de la peau du blond, une écharde, qui avait dû se former durant la chute agrippa le tissu de son haut. La danseuse ne put en tirer plus sans risquer de déchirer l’entièreté du dos de son vêtement. Non pas qu’elle soit contre l’idée d’admirer le corps d’un garde mi à nu -au contraire- mais elle n’était pas sûre que le cœur du jeune homme y survivrait. Alors elle tenta de le relever à l’aide de sa force seule, tirant sur ses mains. Calixte n’était ni très grand ni très gros, mais il était un véritable poids mort dont les grands membres semblaient juste s’agiter sans être en mesure de prendre appuis d’une quelconque façon. Si elle ne l’avait pas vu à l’œuvre jusqu’ici elle aurait presque pu croire qu’il le faisait exprès.

    Debout, une jambe passée de chaque côté de ses hanches, elle s’échinait à lui venir en aide.

    - Allons Calixte, faites un effort. Nous y sommes presque ! La baguette ne devait pas être d’accord puisqu’elle émit un grincement dans son dos. - Aaaah… Râla-t-elle en fronçant les sourcils.

    Elle ne sût dire ce qu’il se passa exactement. Si ce fut à cause de la fine pellicule de transpiration qui se forma sous ses pieds, de ses mains moites, d’un faux mouvements du garde, de sa poisse qui déteignait sur elle ou encore des quatre en même temps. Dans tout les cas elle sentit l’un de ses arpions glisser.

    - Non ! Eut-elle le temps de gémir avant que sa tête n’aille directement s’écraser contre celle de son élève, lui assenant par la même occasion un lourd coup de masque. Heureusement ce dernier n’était pas fait de métal, mais il était suffisamment rigide pour que cela soit désagréable.

    Lorsque le calme revint Diane était encore un peu sonnée, elle pouvait sentir la chaleur du corps de Calixte à travers ses vêtements. Partagée entre gêne et amusement, elle se redressa légèrement, posant ses mains de part et d’autre de sa tête.

    - Il n’y avait pas besoin de me faire tomber voyons, il suffisait de demander. Et elle lui déposa un chaste baiser sur la joue. Avec ça, elle s’épargnait la nécessité d’éprouver de la confusion. Il était fort moche de rejeter la faute sur les autres, elle en convenait mais c’était diablement pratique. Un dernier sourire mutin et elle roula sur le côté avant de s’asseoir sur le sol comme si elle était en vacance sur l’une des plages ensoleillées du grand port, ses longues jambes étendues mais croisées. - Les toilettes sont au bout du couloir, sur la gauche.
    Calixte Alkh'eirDamoiseau
    Calixte Alkh'eir
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    Re: L'envol du canard boiteux | Calixte | Flash Back
    Ven 5 Fév 2021 - 13:23 #
    Partagé entre l’amusement et le dépit, Calixte se plia de nouveau aux instructions de Sakuna pour tenter de se relever. L’absence évidente d’adresse de sa part, comme de coordination efficace, laissa cependant leurs efforts vains jusqu’à ce que sa maladresse n’entrainât celle de la danseuse. La chute du corps gracile contre le sien lui coupa le souffle, et le choc de la tête masquée contre son visage lui arracha un grognement surpris. Un peu sonné, il fallut au garde quelques bons couples de secondes pour appréhender tout à fait le développement improbable de leur situation. Avant que ses pensées ne lui fussent à nouveau arrachées par la sensation des lèvres de la jeune fille contre sa joue.

    - Oh hum. Je demanderai alors plus souvent ? répondit-il distraitement alors que ses pommettes se teintaient de rose.

    Son regard suivit les mouvements toujours grâcieux de Sakuna qui déliait leurs corps pour s’assoir à ses côtés, et il accusa un nouveau temps de latence pour comprendre tout à fait les propos de celle-ci. Fronçant les sourcils, reportant son regard aux reliefs du plafond, il fit le tour des possibilités pour se relever. Comme de celles tentées avec échec jusqu’à présent.

    - Peut-être pourrai-je y aller en rampant ? réfléchit-il à haute voix. Ou en ondulant, plutôt. Mais je ne suis pas certain que ce soit très efficace. Ni de ne pas me cogner la tête sur le chemin. D’ailleurs, comment va la vôtre ? Vous ne vous êtes pas blessée en tombant ?

    Rouler sur le côté était impossible. Utiliser uniquement la force de ses abdominaux s’était déjà révélé inefficace. S’il avait été certain qu’à l’usage de son pouvoir dans le parquet il aurait pu réapparaitre debout il l’aurait employé, mais là… Haltant ses pensées, il s’attarda sur les conditions de son don.

    - Ah mais… débuta-t-il intelligemment avant de se fondre dans sa chemise.

    Pour défusionner presqu’aussitôt, entre le sol et celle-ci, faisant voler l’étoffe comme la baguette qui y était toujours accrochée. Ses mains papillonnèrent un instant avant de rattraper les deux, et alors qu’il ramenait à lui le tas de tissu ramassé contre le tuteur de bois, il tourna un sourire éclatant vers Sakuna.

    - Libre ! Je crois que vous n’auriez pas pu choisir plus difficile comme premier élève : maladroit et empoté. Enfin, je n’ai aucun doute qu’à défaut de me rendre plus débrouillard, vous arriverez bien à m’inculquer davantage de grâce.

    Avisant l’écharde prise dans le tissage de son vêtement, il reporta son attention sur celle-ci et, avec la délicatesse que Zahria lui avait apprise pour décadenasser la plus récalcitrante des serrures, la défit de celui-ci. Rendant la baguette ainsi libérée à la danseuse, il réenfila sa chemise légère par-dessus son torse nu. Il y eut un nouveau moment de flottement où Calixte regarda bêtement Sakuna, un sourire béat étirant toujours ses traits, puis leurs échanges de plus tôt lui revinrent et il bondit précipitamment sur ses jambes.

    - Les toilettes ! s’exclama-t-il avant de détaller, franchissant cette fois-ci sans encombre la porte de la pièce.

    Il trouva les sanitaires là où la jeune fille les lui avait indiqués – même s’il se trompa d’un battant et ouvrit celui d’un cagibi avant de toucher à son but – et pendant de longues secondes se trouva démuni quant à la conduite à tenir. Il n’avait définitivement pas besoin d’aller évacuer quoi que ce fût, et les malheurs précédents avaient vaincu sa libido. Finalement, il s’approcha tout de même de la vasque surmontée d’un cristal d’eau, et il profita de celui-ci pour rafraichir son visage. Ramenant vers l’arrière, de sa main humide, les quelques mèches rebelles de cheveux clairs décidées à chatouiller son front, il patienta un temps en observant son reflet dans le miroir lui faisant face. En dépit de la propreté des lieux, la faïence gardait encore trace ci et là des poudres et artifices de présentation, et l’on sentait que la pièce faisait partie intégrante, bien que discrète, du lieu de divertissement. Lorsque ses songes eurent fini de décortiquer les reliefs pragmatiques dont quelques gages d’usure couvraient assurément de fabuleuses histoires, le garde se secoua enfin et quitta l’endroit.

    Dans la salle de répétition numéro quatre, Sakuna s’était relevée et semblait aviser le contenu de l’armoire avec hésitation, comme si l’étendue des exercices – tortures – possibles la laissait pensive. Peut-être revoyait-elle seulement ses exigences à la baisse, après leur dernier fiasco. Néanmoins, Calixte qui s’était depuis longtemps fait à l’idée que seul le travail acharné le déferait quelque peu de sa bêtise, se saisit de nouveau de la baguette de bois et la tendit d’un geste certain à la jeune fille.

    - On y retourne ? A moins que je n’aie déjà trop abusé de votre temps. Avez-vous d’autres impératifs après notre session ? Ou peut-être profiterez-vous d’un moment de repos avant vos obligations de ce soir ?

    Il n’avait aucune idée d’à quoi pouvait bien ressembler la journée de l’intermittente du spectacle, assurément autrement rythmée que la sienne. Même si, avec son entrée chez les espions, ses nuits devenaient de plus en en plus chargées, et son emploi du temps diurne un peu plus bordélique.

    - Comment est-ce, de travailler aux extrémités de la journée ? Comment vous arrangez-vous du reste ? Pour les courses, les tâches ménagères, et vos loisirs éventuellement. Peut-être vous aurait-il été plus appréciable que je vous propose un horaire plus tardif pour notre cours ?

    Sans réfléchir, il ajouta :

    - Et si je souhaitais vous inviter pour un repas, ou une boisson, quel temps vous conviendrait le mieux ?
    Diane AvalonCitoyenne
    Diane Avalon
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    Re: L'envol du canard boiteux | Calixte | Flash Back
    Ven 5 Fév 2021 - 23:34 #

    « Mauvaise idée » pensa-t-elle sans le dire lorsqu’il suggéra de se déplacer en rampant. Quoi que de son point de vue, cela pouvait être drôle. Elle fut presque triste de ne pas posséder de cadre magique afin de pouvoir immortaliser l’instant. S’il n’était pas certain de l’efficacité de sa méthode, la danseuse était certaine qu’il n’arriverait même pas à franchir la porte. Vu son manque cruel de coordination sur deux jambes ; elle ne donnait pas cher de sa peau sur le dos.

    - Je vais b-… Commença-t-elle avant qu’un hoquet de surprise ne lui échappe. Diane fréquentait beaucoup de gens, peut-être même trop pour son propre bien, mais elle ne voyait pas souvent les pouvoirs qu’ils possédaient. Sa découverte lui fit une peur bleue, non pas parce que son don était horrible d’une quelconque façon, mais bien parce qu’elle cru être la cause de sa disparition. Le temps qu’il réapparaisse elle s’était agenouillée prête à lui venir en aide. Ce qui, vraisemblablement, n’était aucunement nécessaire. Elle ne pipa mot, essayant d’intégrer le pourquoi du comment, les tenants et les aboutissants de ce qui venait de se passer. C’était un pouvoir comme celui-ci qu’il lui fallait. Il lui aurait largement facilité la vie, en lui évitant notamment de descendre les trois escaliers en colimaçon qui montaient à l’étage là où se trouvait sa petite chambre de bonne.

    - Je..Euh.. Oui… Balbutia-t-elle tout en lorgnant la fine musculature qu’elle avait descellé un peu plus tôt et qui, maintenant, n’était plus un mystère. Pas le temps de reprendre ses esprits qu’il disparu séance tenante dans un grand « Les toilettes ! ». Hébétée elle était restée trente longues secondes à fixer la porte avant de daigner se relever.

    - Sacor m’avait dit que les jeunes hommes étaient fougueux mais alors celui là. Marmonna-t-elle en tournant les talons. - Pas plus mal dans un sens, ça change des vieux grabataire de d’habitude. Aaaah… Diane, fit-elle en réfléchissant à voix haute. - Si l’vieux t’entendait… Heureusement ses oreilles ne portent pas jusqu’ici. Auquel cas elle n’aurait pas eut le temps de dire ouf avant que la punition tombe. Enfin, elle retourna pour fouiller dans l’armoire.

    C’était la première fois qu’elle donnait des cours à quelqu’un ; elle voulait se montrer à la hauteur. Mais son domaine de prédilection restait la danse et même si le jeune homme avait l’air tout à fait docile elle avait peur de l’ennuyer avec ses exercices d’équilibre. Quoi qu’au sein de la garde, il devait voir bien pire. Sauf qu’ici ce n’était pas la garde, elle voulait qu’il conserve un bon souvenir du moment qu’ils auraient partager. Pourquoi ? Elle ne le savait pas. Sans doute sa naïveté de jeune fille, celle qu’elle avait perdu depuis longtemps au profit de l’excellence, du travail acharné. D’aucun la qualifiait aujourd’hui de professeure implacable. « S’ils perdent foi avec de simples exercices, comment les emmener plus loin ? » Demandait-elle. Et nul n’osait lui donner tord, n’était-elle pas l’un des pontes dans son domaine après tout ?

    Diane abandonna les recherches lorsqu’elle entendit les bruits de pas dans son dos, avisant le retour de son élève, elle pivota les mains sur les hanches pour l’accueillir. Ou du moins la baguette avec laquelle il s’était enfuit. Elle l’avait complètement oubliée. Doucement, elle la lui reprit puis la rangea tout en écoutant.

    - M’inv-M’inviter ? Je...euh… Le midi ! Dit-elle de but en blanc. Ou certains soirs ! En semaine ! « Pourquoi tu lui réponds, gourde ! » râla sa conscience troublée. Cette fois c’était à son tour de rougir, après tout elle n’était rien d’autre qu’une adolescente jetée dans un monde d’adulte. Heureusement son masque cachait une grande partie de son visage. Afin de s’assurer qu’il n’y fasse pas trop attention, elle poursuivit d’une voix un peu trop aigu. - Quittez vos chaussures. Et quitta les siennes, de petites ballerines aussi bleu que sa robe puis les envoya valser sous la table. Le temps que Calixte en fasse de même elle répondit à ses interrogations.

    - C’est agréable. De travailler la nuit. Tout est plus beau dans la pénombre, tout est plus… Magique. Du moins dans l’obscurité il est plus aisé de masquer la vérité, et mon travail est de transporter les gens alors… Et puis je ne sais pas. Effectivement, elle ne savait pas, il en avait toujours été ainsi. Puis elle frissonna ; l’ironie avait voulu qu’elle ait une peur irrationnelle du noir. Impossible pour elle de ne pas presser le pas dès que les ténèbres venaient à l’envelopper dans un cocon, même avec de la compagnie ce n’était pas évident. Elle avait l’impression que, de nul part, un monstre allait jaillir. Ou qu’il se cachait dans l’angle d’un mur, là où la lumière des cristaux ne pouvait l’atteindre. En vérité, si elle aimait tant travailler la nuit, c’était parce qu’elle se retrouvait seule au petit matin lorsque enfin, la lumière réapparaissait. Tandis que sa nuit était éclairée de musique, de présence dans son lit ou bien de danse endiablées qui ne laissaient pas de place à son imagination trop fertile. - Mes journées ressemblent à celles de n’importe qui, si ce n’est que je ne vis pas sur les mêmes heures. Lorsque vous vous levez, je me couche, lorsque vous déjeunez, je petit déjeune et enfin quand vous allez vous coucher, ma journée ne fait que commencer. Puis elle lui sourit avec une légère amertume.

    Sans lui laisser le temps de rétorquer, elle gagna le centre de la pièce et invita le garde à la suivre.

    - Maintenant que vous avez vu approximativement la position à adopter, nous allons le faire en nous déplaçant et pour ça, vous allez devoir danser ! Je trouve qu’il est plus facile d’adopter ce genre de maintiens ainsi. Vous ne croyez pas ? Et puis c’est plus amusant. Venez, je vais vous guider pour commencer. Lorsque enfin le blond lui fit face, elle lui offrit un sourire radieux. - Bien. Mettez vous en demi-pointe. Elle-même se hissa sur la pointe des pieds. - Je vais prendre la place de l’homme, si vous voulez bien et ensuite nous inverserons. Je gage que vous connaissez la valse, n’est-ce pas, Monsieur Alkh’eir ? Doucement elle glissa une main sur sa hanche puis l'autre dans la sienne. - Levez le menton, votre dos bien droit et votre main sur mon épaule… Elle pressa sa dextre sur ses reins pour l’obliger à se redresser. - Parfait. Restez sur la pointe des pieds et laissez vous guider. Nul doute qu’elle allait perdre des orteils dans l’opération.

    - Un, deux, trois, un deux, trois… Murmura-t-elle en le guidant avec une lenteur exagérée afin qu’il puisse travailler sa posture plus que ses pas. De plus elle avait conscience que les hommes avaient parfois du mal à se laisser guider par leurs homologues féminins et elle ne pouvait pas vraiment lui en vouloir. Agile elle esquiva par deux fois les pieds maladroits mais grimaça à la troisième. - Le menton, en l’air. Peu à peu et non sans lâcher quelques couinements douloureux elle accéléra la cadence ; elle s’amusait.  Puis enfin, elle stoppa leur danse libérant sa main et sa taille. Comme l’aurait voulu l’étiquette, elle s’inclina, non pas bassement mais avec frivolité. - Alors qu’en pensez vous ? Nous pouvons inversez les rôles, si vous vous sentez prêt ! Un peu trop enthousiaste, elle trépigna d’impatience.
    Calixte Alkh'eirDamoiseau
    Calixte Alkh'eir
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    Re: L'envol du canard boiteux | Calixte | Flash Back
    Lun 8 Fév 2021 - 18:40 #
    Elle était mignonne, à balbutier à son tour, et Calixte ne put empêcher son sourire de s’agrandir. Jusqu’à ce qu’il comprenne, un temps en retard, que sa question naïvement posée était en réalité possiblement pleine de sous-entendus. Son visage se figea et ses joues se teintèrent à nouveau de rouge. Et il fut très heureux de la distraction qu’elle leur offrît, obtempérant immédiatement à ses directives. Sans doute était-elle aussi perturbée que lui, car il ne restait en réalité plus grand-chose à ses pieds qu’il pût quitter. Il retira tout de même ses chaussettes, écoutant distraitement les réponses qu’elle donnait à ses questions, puis la suivit à nouveau jusqu’au centre de la pièce. Il aurait voulu lui demander si ce rythme de vie n’était pas éreintant, et peut-être un peu solitaire. Ou si, au contraire, il n’y avait pas une grande liberté à vivre différemment des autres, et un sentiment filial entre les membres du cabaret. Mais Sakuna ne lui laissa pas le temps de s’appesantir sur le sujet, enchainant directement sur l’exercice suivant.

    Qui serait donc de danser. A deux. Déjà, Calixte pouvait sentir l’allégresse et la curiosité se disputer la part belle. En dépit de sa maladresse, la valse – entre autres – faisait partie des activités qu’il appréciait grandement. Sans doute y avait-il là quelque chose de l’ordre de la madeleine de Proust ; lui rappelant mélancoliquement les rares occasions où les enfants Alkhaia de Eliëir se retrouvaient pour un temps d’innocence. Si c’était bien la sévérité de son éducation qui lui avait initialement inculqué les pas plus ou moins complexes, c’était surtout la joie de partager ces moments ludiques avec sa fratrie qui en avait ancré le rythme dans sa chair. Même lorsqu’Enora le rabrouait tandis qu’il foulait une énième fois son pied gracile, avant de leur faire échanger leurs rôles – si leurs instructeurs avaient le dos tourné – dans un soupir excédé, il y avait plus d’amusement exaspéré au fond de son regard intransigeant que de véritable agacement.

    Intrigué de ce qu’allait lui proposer Sakuna, le jeune homme se plaça face à elle et écouta avec attention ses consignes. Imitant celle-ci, il se hissa légèrement sur la pointe de ses pieds, puis la laissa ajuster leurs positions l’un par rapport à l’autre.

    - Est-il commun que les gardes sachent danser ? demanda-t-il amusé alors que sa senestre se posait sur l’épaule altière de sa partenaire et que leurs mains libres se retrouvaient. Ou est-ce mon nom qui vous donne l’audace d’en gager ?

    Ce qui aurait été à la fois sensé, et étonnant. La noblesse de sa famille, emprunte de toutes les traditions que l’on prêtait usuellement à son rang, si elle était à présent ancré depuis de nombreuses générations, était aussi principalement connue et reconnue au Grand Port. Il était remarquable que Sakuna, jeune danseuse de la Capitale, eut été capable de faire le lien. Mais peut-être avait-elle déjà croisé le chemin d’un autre Alkh’eir ? Liory, peut-être ? Etait-elle en réalité, elle aussi, d’ascendance Noble ? Ou bien tout cela ne tenait-il qu’à de simples spéculations bienheureuses.

    - Si j’avais possédé un dumctopus de bain, je vous aurai volontiers proposé de mettre un peu de musique, nota distraitement Calixte en tentant de maintenir la droiture de sa posture tout en évitant de massacrer les petons de la jeune fille. Oups, pardon. Avez-vous eu la chance d’assister aux représentations du barde Ian Tiers’N ? Ou à celles du violoniste Jo-Ann Chtraos ? Ils proposent, notamment, de très belles mélodies de valses. Mes collègues préfèrent la fougue de la jeune Christine Aguil-Era ou des Bi Djiz, plus propice à d’autres pas de danse. Je tiens à préciser que, pour le moment, même sur ces rythmes je n’ai jamais envoyé mes partenaires à l’infirmerie. Même s’il n’est pas impossible que la présence de potions de soin ait évité certains passages.

    Se redressant alors que Sakuna lui indiquait de penser à relever le menton, son regard accrocha brièvement leurs silhouettes tournoyant dans le miroir. Lui rappelant ses interrogations de plus tôt. Qu’évidemment, alors qu’ils échangeaient leur rôle pour retrouver celui attribué à leur genre respectif, il présenta bien plus abruptement :

    - Peut-être cela vous dirait-il de nous joindre pour les festivités du quartier sud-ouest de la Capitale à la lune prochaine ? On annonce de grands noms de la scène lyrique, mais aussi quelques artistes montants à l’approche plus moderne. Assurément l’occasion de se divertir ; si ce n’est par la danse, au moins par les sens !

    Enhardi par la perspective des soirées de liesse à venir, et de pouvoir proposer le bonheur de celles-ci à Sakuna, il bomba davantage le torse, ramena plus confortablement le flanc de la jeune fille contre le sien, et leur imprima une nouvelle rotation.

    - Ou si ce n’est de votre goût, ou compatible avec votre emploi du temps, peut-être le serait-ce plus de nous joindre à l’une des représentations données à la Lhant Airne Joyeuse ? C’est non loin d’ici. Il y en a presque toute la journée, et pour tous les goûts.

    Trépignant déjà d’enthousiasme, ses pas étaient devenus sautillants, ses mouvements légèrement plus fluides. Cela ne l’empêcha pas de frôler les orteils de la danseuse, sur un geste un peu trop empressé.

    - Hop là, pardon ! Qu’en dites-vous ? On vous offrira la consommation ; je suis sûr qu’Amine, Sarah et Vaelin seraient heureux de vous voir parmi nous. Ainsi que les autres membres du Chat Noir, si ce sont vos amis. Même si je ne garantis pas que nous payions pour tout le monde. Le salaire de soldat n’est pas si généreux. Bien qu’il permette de s’offrir une floppée de bouquets de fleurs.

    Une pensée effleura son esprit, et ses jambes s’emmêlèrent davantage à la notion audacieuse. Se rattrapant contre sa partenaire, il lui adressa une grimace contrite avant de s’astreindre à un peu de concentration et retrouver la fière posture qu’elle s’acharnait à lui inculquer.

    - A moins que vous ne préfériez que nous ne soyons que tous les deux ?
    Diane AvalonCitoyenne
    Diane Avalon
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    Re: L'envol du canard boiteux | Calixte | Flash Back
    Jeu 11 Fév 2021 - 17:15 #
    Diane n’aurait pas parié qu’il fut si dégourdit. Ils échangèrent de rôle sans que le balancement de leurs pas n’en soit entaché, ni même le rythme qu’ils avaient finit par adopter. C’était incongru mais tout à fait agréable. Cela était la première fois qu’elle dansait avec un autre homme que Sacor, un homme de son âge qui plus est et cela était loin de lui déplaire. Quoi qu’elle n’aurait pas été contre un camarade avec de plus petits pieds, elle craignait vraiment qu’il les lui écrase une bonne fois pour toutes. Pourtant rien ne vint, au contraire, il semblait se ragaillardir à mesure qu’il prenait ses marques.

    - Je… Commença-t-elle mais elle fut happé par la main dans son dos qui la fit tournoyer contre le soldat une fois de plus. « Au moins sa posture est quasiment parfaite ». Et de son point de vu, ce changement était assez amusant à voir. Si elle avait su que le simple fait de danser le rendrait si à l’aise, elle aurait tâché de commencer par là. Cependant si Calixte libérait une nouvelle facette de sa personnalité, la danseuse en faisait de même. A croire qu’en échangeant leur rôle au sein de leur couple de danse, ils en avaient profité pour permuter leurs personnalités.

    - Les festivités de la capitale ? Manqua-t-elle de balbutier. C’était bien la première fois qu’on l’invitait quelque part -autre que dans une chambre d’auberge-  et surtout qu’elle avait la perspective de pouvoir y aller. Sacor avait toujours exécré la laisser filer sans surveillance, même lorsqu’elle était enfant et que Klarion venait sonner chez eux pour réclamer la petite fille il n’était pas rare qu’il se voit claquer la porte au nez. Ainsi ils se rejoignaient souvent la nuit, Diane s’échappant sur un quelconque amas de lierre qui lui servait d’échelle. Or aujourd’hui, elle était livrée à elle même au Chat Noir, le vieux d’Yvier aurait d’autre chat à fouetter -et ce n’était pas qu’une image- que de se demander ce qu’une jeune fille, majeur qui plus est,  faisait de ses moments de libre.  Mais était-ce bien judicieux pour autant ? La bousculade de Calixte la sortie de ses pensées et elle dû jouer de ses jambes pour ne pas tomber à la renverse. Un sourire désolé répondit à la grimace de celui ci.

    - Tout les d-… Quoi ? S’étrangla la danseuse, écrasant le pied du soldat au passage. - Oh ! Pardon ! Je suis… Elle écrasa le second et manqua de se faire un croche patte à elle-même. - Diantre ! Gémit-elle en se rattrapant in-extremis. C’était la première fois de sa toute jeune existence qu’elle se retrouvait ainsi humiliée, même lors de ses débuts elle n’avait jamais faillit à se point. Était-elle à ce point incapable de gérer les perturbations ? Jamais cela ne l’avait dérangé lors de ses entraînements ou lorsqu’elle se produisait sur scène. Pourtant la déesse seule savait à quel point certains personnages pouvaient s’avérer déstabilisant. Sans le vouloir le jeune homme touchait des cordes sensibles chez la brune, lui rappelant que son enfance et son adolescence n’avaient absolument rien en commun avec celle des autres enfants. Du moins, Diane avait conscience de cette différence, sans pour autant en souffrir puisqu’elle n’avait jamais rien connu d’autre.

    Ses joues et tout le reste de son visage avaient virés au rouge écarlate, ses yeux évitaient soigneusement ceux de Calixte mais elle se glissa de nouveau entre ses mains avant de se remettre sur la pointe des pieds, lui laissant le soin de guider leur valse à nouveau.

    - Les lattes de cette pièce son parfois instable. Marmonna-t-elle à mis mot, si bas qu’elle ne fut pas sûre que Calixte put l’entendre. Elle se concentra silencieusement sur les pas, corrigeant vaguement sa stature de temps à autre. Enfin après de longues secondes elle poursuivit. - Peut-être que je pourrais vous accompagner à ces… Festivités... « Ce n’est pas raisonnable ». Mais Diane avait toujours été raisonnable. Aujourd’hui, elle avait envie de voir ce que les gens de son âge voyaient et le jeune homme semblait tout disposé à lui servir de guide. - Je ne pourrais pas vous suivre à la Lhant Airne, même en portant un masque plus discret je me ferais aisément remarquer. Elle lui offrit un sourire contrit. Sa notoriété n’était pas à son apogée mais déjà les gens la reconnaissait, et elle n’était pas prête à mettre en danger son identité. - Et je ne viendrais qu'à une condition : Que vous me laissiez porter un masque.

    Peu à peu leur danse avait perdu du rythme jusqu’à s’arrêter complètement ; Diane en profita pour échapper aux mains de son partenaire. Elle s’assit non loin de lui, joignant ses pieds avant de s’asseoir en tailleur papillon.

    - La souplesse vous aidera aussi être plus gracieux, moins pataud et cela fera du bien à vos muscles. Asseyez-vous. Fit-elle en tapotant la place à ses côtés. Quand ce fut fait, elle tint son dos droit puis prit quelques longues inspirations avant d’enrouler doucement son dos sur lui même. - Mon père est un érudit, reprit-elle en brisant le silence calme qui s’était imposé, - il m’a apprit le nom de la plupart des familles de noble, dont celui des  Alkhaia de Eliëir. Et je ne saurais dire si les gardes savent danser, je ne danse pas avec d’autres personnes, mais j’ai estimé qu’en tant que noble vous deviez effectivement connaître quelques pas. Vous êtes gauche mais pas sans éducation. D’ailleurs vous êtes meilleur danseur que je ne l’aurais cru.

    Elle lui offrit un simple sourire puis se rapprocha à 4 pattes du mur le plus proche, son dos vint rencontrer le sol alors que ses jambes et ses fesses montèrent se positionner contre le mur. Elle attendit que son camarade la suive puis elle tendit la jambe droite sur le côté.

    - Vous allez descendre aussi bas que possible, sans forcer, lorsque vous sentez que ça tire arrêtez et gardez la position. Mais ne forcez pas ! Le prévint-elle en tournant la tête vers lui. - Ah et concernant votre invitation, son ton baissa de quelques octaves subitement, je vous laisserais le choix de venir seul ou non. Puis elle croisa les bras sur sa poitrine et regarda de l’autre côté tandis que sa jambe prenait un angle à faire pâlir un gymnaste.

    Elle brûlait de lui demander les raisons de son invitation mais n'en fit rien, se contentant de fixer outrageusement le mur de l'autre côté de la pièce.  
    Calixte Alkh'eirDamoiseau
    Calixte Alkh'eir
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    Re: L'envol du canard boiteux | Calixte | Flash Back
    Sam 13 Fév 2021 - 17:10 #
    Quelques années plus tard

    Au plus chaud de la journée, les festivités du quartier sud-ouest de la Capitale battaient leur plein. Enclavée dans les étroites ruelles bardées de couleurs criardes pour l’occasion, une foule de badauds profitait de la clémence du temps favorisant l’allégresse locale. Au-dessus de leurs têtes, des fanions bariolés sur lesquels avaient été peintes des notes de musiques couraient en guirlandes éclatantes, de bâtisse en bâtisse, de stand en stand. L’éclat abrupte du soleil leur arrachait ci et là quelques teintes flamboyantes, pour mieux les refléter sur les façades des bâtiments environnants. Si la musique n’avait pas été aussi prégnante, d’aucun aurait pu croire qu’il s’agissait en réalité d’une fête dédiée aux couleurs. Des scènes éphémères, dont l’armature de bois solide ou de caisses fragiles rendait le pied des artistes plus ou moins certain, avaient poussé comme de multiples champignons bigarrés à la recherche d’un terrain de jeu urbain. Pour les talents tout juste populaires de la dernière pluie, il n’était pas rare que leur public nombreux en ce jour ne profitât des mélodies de deux ou trois groupes à la fois, en fonction de ce que l’espace restreint du quartier avait permis comme agencement. Les quelques places, plus larges, avaient été réservées aux grands noms du domaine lyrique. Toute la journée on pouvait entendre les racoleurs distribuant programmes, peintures de poche autographiées, places avantageuses gardées au plus près des artistes et autres bagatelles improbables contre quelques cristaux sonnants et trébuchants. Les boutiques avaient choisi de soit fermer complètement, soit – et c’était plus fréquent – ouvrir grand leurs portes à cette affluence providentielle. De même, les tavernes et restaurants avaient poussé leurs terrasses au plus loin possible dans les rues – contribuant à embouteiller celles-ci – et les places assises s’y payaient chères. Quelques malins, comme Calixte, s’étaient hissés sur les hauteurs inégalement accessibles, et la Garde, rendue un peu indolente par l’ambiance joyeuse, les en chassait avec mollesse lorsqu’ils empiétaient sur des zones interdites.

    Le coursier, cependant, avait atteint une terrasse privatisée, et ses collègues ne viendraient certainement pas ici lui chercher des noises. Depuis le temps qu’il avait pris l’habitude de profiter des festivités musicales du quartier sud-ouest, il connaissait à présent toutes les bonnes adresses, plus ou moins chiques, plus ou moins privées, plus ou moins légales, et en fonction de la compagnie prévue à ses côtés pour l’occasion, son choix s’arrêtait sur la plus adaptée. La veille, avec ses camarades de chambrée, ils s’étaient simplement promenés de stand en stand, avant de s’arrêter et de se percher sur l’un des murets bordant la branche ouest de la Luisante. De là ils avaient pu profiter toute la soirée de groupes peu connus, dont les accords leur avaient arraché autant de fredonnements jouasses que de grimaces amusées, et même se risquer à quelques pas de danse le long de l’arrête des larges briques leur servant d’assise. Mais cet après-midi, comme régulièrement depuis qu’ils se connaissaient, appartenait à Sakuna et Calixte. Il y avait quatre années peut-être, maintenant, qu’ils avaient pris l’habitude de profiter ensemble des festivités. S’ils se croisaient encore principalement sur le lieu de travail de la jeune fille, c’était là une occasion qu’ils n’avaient, jusqu’à présent, jamais manquée depuis la toute première fois. Et cette première fois, s’il fermait les yeux, le coursier pouvait presque parfaitement s’en souvenir, s’y replonger. A l’époque, ils y avaient été avec le groupe d’amis – collègues – du garde. Mais pour toute leur bonhomie, leurs caractères brutes de décoffrage, ainsi que leur insistance taquine mais pesante quand au masque de Sakuna, avaient dissuadé les deux jeunes gens de renouveler l’expérience dans de pareilles conditions. Et c’était ainsi que, à mesure des années passant, cette fête était devenue celle de leur amitié particulière.

    Il n’y avait probablement pas grand-chose que la danseuse ne connût de la vie de Calixte, en dehors de son statut d’espion. Mais celui-ci, eu égard à la volonté de son amie, n’avait jamais forcé en plein jour le large panel de mystères qu’il savait qu’elle gardait. A commencer par son visage. Jamais, au grand jamais, ne l’avait-il vue sans l’écrin de ses dorures. Il s’était habitué à la présence de celui-ci, bordant son regard doré d’un velours contrastant avec l’éclat des prunelles sagaces. L’intégrant tout à fait à la silhouette avantageuse, et élégamment parée, de la jeune fille. Plusieurs fois, afin qu’elle ne fût pas seule à visage couvert dans leurs pérégrinations à travers la Capitale pour diverses occasions, le coursier s’était prêté au jeu de lui-même se doter d’un loup. Initialement maladroit, à l’image de ce qu’il était profondément, puis grâce à l’aide d’une Sakuna amusée, plus élégant. Voire raccord au sien. Leur relation était certainement insolite, et probablement inégale, mais elle faisait partie de celles auxquelles s’était attaché l’espion. Par ailleurs, le Chat Noir était devenu l’un de ses terrains de chasse aux potins, et il n’y avait pas meilleurs indics que les membres de l’institution, maintenant habitués à sa présence comme à sa loquacité intéressée. La danseuse elle-même était souvent trésor d’informations.

    Un chapardeur s’aventura sur la rambarde à laquelle Calixte était accoudé, profitant de l’atmosphère chaleureuse et festive, et le regard du garde s’attarda sur le pelage roux de la créature. Curieux de la petite bête, et pas insensible au charme des belles – ou mignonnes – choses qu’elles fussent humaines, animales ou inertes, il lui tendit avec amusement le petit bol de cacahuètes qu’on lui avait remis avec son verre à cocktail. Pas farouche de nature et visiblement habitué aux attentions de l’homme, le chapardeur n’hésita pas d’avantage pour s’avancer jusqu’à lui et se saisir une pleine brassée des arachides présentées. Profitant du moment d’échange pour caresser doucement la tête rousse de la créature, l’espion ne put s’empêcher de se projeter sur l’acquisition de familiers.

    -  Un petit chapardeur gentillet comme toi, ça pourrait être pratique.

    Le regard que lui renvoya le rongeur était quelque peu suspicieux, voire vexé, et le sourire du garde s’agrandit.

    - Même si c’est, bien entendu, le ravissement d’une relation privilégiée avec une telle créature que toi qui serait l’objectif premier.

    Le chapardeur parut presque renifler d’avanie, s’étirant en un port altier pour gagner en prestance, et un léger rire échappa au coursier.

    - Mais oui tu es adorable, et je t’aurais aimé d’un amour éternel si le destin l’avait souhaité. Mais voilà, il faudra se contenter de ces… dix secondes ? Et seize cacahuètes ?

    Semblant satisfait, le petit animal attrapa une dernière poignée d’arachides, se frotta dans une tornade de poils roux contre les doigts de Calixte, puis s’éclipsa sans demander son reste. Le voisin du coursier lui adressa un regard dubitatif, et il ne put s’empêcher de poursuivre :

    - Ne les trouvez-vous pas charmants ? J’adore les chapardeurs.

    Riant au visage outré de son interlocuteur, l’espion se détacha de la rambarde, et commença à sillonner la terrasse, à la recherche de la silhouette familière de Sakuna. Le lieu de réception, initialement occupé par un restaurant sans prétention, avait été réservé et privatisé par l’héritier d’une riche famille dont l’objectif était visiblement de faire profiter, aux premières loges de la scène principale, la jeunesse huppée – ou sélecte – de la Capitale. Ça n’était pas Calixte qui avait obtenu le ticket d’entrée – même si son nom lui aurait probablement permis l’accès – mais bien la renommée de Sakuna. L’espion avait réceptionné par pli postal son invitation quelques semaines auparavant. Les battants de la verrière en verre donnant sur la petite terrasse avaient été ouverts, dégageant un large espace d’évolution où jeunes gens endimanchés - et masqués - partageaient les derniers potins en sirotant quelques cocktails distingués un canapé aux saveurs délicates à la main. Quelques couples, ou groupes plus enhardis, swinguaient sur la piste de danse au rythme des accords provenant du dehors. D’autres encore, accoudés à la balustrade, fredonnaient les vers adroits déclamés mélodieusement par l’artiste se produisant.

    Cela faisait un petit moment que le coursier n’avait pas vu son amie danseuse, et probablement auraient-ils beaucoup à se dire avant d’aller se déhancher au tempo allègre des festivités. Mais assurément, celles-ci seraient belles.
    Diane AvalonCitoyenne
    Diane Avalon
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    Re: L'envol du canard boiteux | Calixte | Flash Back
    Lun 15 Fév 2021 - 22:07 #
    Diane observait la foule. De là où elle se trouvait personne ne pouvait la voir, le soleil projetant ses rayons droit sur les convives lui offrait un couvert qu’elle n’entendait pas quitter de si tôt. En vérité elle n’aurait pas du fuir le cocon de sûreté de sa chambre. Mais quelque chose l’avait poussé à s’habiller, à se préparer et à venir à cette fête où elle était conviée. Elle-même avait invitée Calixte, son ami de longue date. Entre eux, ces festivités étaient devenues en une coutume qu’ils avaient respecté religieusement depuis leur première fois. Inlassablement, chaque année et peu importait depuis combien de temps ils ne s’était pas côtoyés, leurs chemins se recroisaient pour se délier de nouveau. Parce que leurs vies étaient différentes, mais ils ne s’en oubliaient pas pour autant. Bien au contraire, Diane avait toujours chéri ce lien qu’ils partageaient. A seize ans, comme à dix-neuf puis à vingt. C’est à cette époque qu’elle apprit une première leçon bien cruelle.

    Depuis toujours, depuis ce premier soir avec son nouvel ami où elle avait partagé aussi bien sa table que ses rires et quelques unes de ces danses ; la raison lui soufflait qu’elle jouait avec le feu. C’était en partie vrai, Diane ne l’ignorait pas. La cabale jouant avec la garde. Un chat jouant avec une souris. Restait à savoir qui était le chat et qui était la souris. Néanmoins pendant tout ce temps, elle avait naïvement espéré que leur rang respectif ne les rattraperaient pas. Que Calixte, tout soldat qu'il était n’aurait jamais à intervenir dans ses affaires et en soit c’est ce qu’il avait fait sans même le savoir. Lorsqu’ils se voyaient, il n’évoquait que rarement son emploi et lorsque c’était le cas Diane trouvait un prétexte pour changer de sujet. De son côté elle ne parlait jamais de la cabale, cela reviendrait à les condamner tout les deux et elle n’était prête ni à le faire tuer ni à mourir. Ainsi, ils avaient évolués comme des funambules sans que le jeune homme ne s’en rende jamais compte. Puis le fil avait rompu.

    Quatre jours, pas un de plus, pas de moins, séparait Diane de la terrible nouvelle. La plaie était encore béante dans son esprit, dans sa poitrine et elle ne cessait de meurtrir son cœur. La douleur avait ouvert un puit aussi profond qu’insondable de noirceur, de colère dont elle n’aurait pu soupçonner l’existence. Ses nuits étaient hachurée par ses représentations et le chagrin qui venait constamment la cueillir lorsqu’elle s’y attendait le moins. Hier soir par exemple, elle avait manqué de fondre en larme parce que l’un de ses pas n’avait pas été exécuté comme il l’aurait dû, de même elle avait perdue de sa grâce comme si quelqu’un avait accroché un poids à chacune de ses chevilles. Elle avait tout perdu. Pourtant, elle s’était fait violence pour rejoindre son ami. Partager sa compagnie même le temps d’un après-midi lui ferait le plus grand bien ; c’est du moins ce qu’elle avait songé avant d’arriver.

    Calixte ne fut pas difficile à repérer au milieu de la foule. Ses cheveux blond, sa peau couleur sable et ses iris mordorés, elle aurait pu le reconnaitre entre mille. Elle le regarda évoluer parmi les convives. Malgré tout les cours qu’elle avait pu lui donner, malgré les progrès qu’il avait pu faire, il en restait inchangé à ses yeux et elle aimait particulièrement cette partie de lui. Celle qui n’avait pas de chance, celle qui la faisait atrocement rire, celle à cause de laquelle il était entré dans vie. Mais aujourd’hui il y avait une chose qu’elle haïssait chez lui. Qu’aurait-elle donné pour qu’il ne fut pas ce qu’il était ? Qu’il ne fut pas un garde à la solde de la couronne, qu’il ne soit qu’un jeune homme de son âge de n’importe quel milieu mais pas de celui ci. Elle se surprit à maudire cette déesse qu’ils vénéraient tous dans les terres d’Aryon, Lucy, cette garce qui se jouait des liens et des affectes. Les faisant, les défaisant selon son bon plaisir. Une chose était certaine, elle avait vaincu Diane dans cette bataille car elle fut parfaitement incapable de franchir la distance qui la séparait de son compagnon. Elle le regarda s’éloigner à l’autre bout de la terrasse, un sentiment d’impuissance mêlé de colère la rongeant comme un feu une feuille de papier. « Est-il responsable ? » l’interrogea son esprit. Ce à quoi la réponse lui vint sous la forme d’un simple souvenir. « La garde » souffla la voix de son alliée sans visage. Une cabaleuse comme elle, ou une amie des siens, dans un cas comme dans l’autre elle lui avait offert un coupable. Et de ces coupables, Calixte faisait partie. Si les premiers temps, elle s’était laissée convaincre qu’il n’était pas de ces Hommes là, elle avait finit par se rendre à l’évidence ;  comme la cabale ne ferait pas de différence entre ses ennemis, Calixte ne le ferait pas non plus. Sacor était une perte lourde, déchirante, mais ce que Diane redoutait par dessus tout c’était le conflit qui l’opposerait un jour à son ami. Elle ne voulait pas choisir, alors elle allait tout simplement le soustraire de l’équation, l’éloigner suffisamment pour que les siens ne voit en lui qu’un petit garde dont la grande Sakuna s’était lassé. Un cadeau cruel de sa part, mais qu’elle espérait un jour pouvoir lui expliquer. Lorsque tout irait mieux, lorsque la colère qu’elle nourrissait contre le camp de Calixte et par extension contre lui se serait apaisé .  

    Le billet doré encore entre ses doigts, Diane le déchira d’un trait puis elle interpella un serveur qui passait par là. Ce dernier, en la voyant prendre une fleur de l’un des bouquets décoratifs et lui arracher la tête sans vergogne la regarda comme s’il avait la berlue. Elle déposa les morceaux de papier avec le reste de la tige puis désigna le blond.

    - Veuillez porter ça à ce jeune homme s’il vous plaît. Et remerciez votre hôte de son invitation, mais je ne me sens pas au mieux de ma forme. Elle le gratifia d’un signe de tête et fila avant même qu’il n’ait eu le temps de rétorquer.

    Quand Diane regagna enfin le Chat Noir, son visage était aussi rouge qu’humide, son maquillage avait coulé le long de son masque et elle avait plus l’apparence d’une poupée usagée que de Sakuna. Les hommes de main de D’Yvier se lancèrent un regard étonnés, lui ouvrant précipitamment la porte pour qu’elle n’ait pas à s’arrêter.

    - Si le soldat Alkh’eir tente de me rendre visite, dites lui que je me fais porter pâle. Je ne veux plus le recevoir.

    Elle disparue dans les entrailles du cabaret avec pour seule compagnie une litanie chagrine à l’esprit.  
    Calixte Alkh'eirDamoiseau
    Calixte Alkh'eir
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    Re: L'envol du canard boiteux | Calixte | Flash Back
    Mar 16 Fév 2021 - 16:26 #
    Accoudé à la rambarde, Calixte laissait ses yeux parcourir la foule qui se pressait avec allégresse le long des allées piquetées aux couleurs des festivités lyriques du quartier sud-ouest. Avec les années, celles-ci avaient gagné en notoriété, et il devenait presqu’insupportable de tenter d’en profiter aux heures les plus populaires. Les représentations avaient tant acquis en prestance, qu’il devenait difficile aux artistes sans renom de présenter leurs talents au public sans piston ou larges poignées de cristaux laissées aux organisateurs. Seules les tavernes, et les commerces qui gardaient leurs portes ouvertes pour l’occasion, permettaient encore aux voix méconnues et aux accords inexpérimentés de s’essayer à l’art de la scène. Comme bien souvent lorsqu’un évènement gagnait trop en notoriété, la noblesse avait fait main basse sur la juteuse affaire, et celle-ci sentait de plus en plus le cristal, le privilège et les intrigues. Alors que les badauds se disputaient chaque centimètre carré pour tenter de percevoir quelques mélodies par-dessus la cohue, les terrasses privées avaient éclos tout le long des axes principaux du trajet lyrique, afin d’y abriter les fortunes de la Capitale et les laisser se délecter du nectar des festivités tout en les tenant à distance de la plèbe. Et l’espion, qui depuis quelques années ne venait plus qu’à cet établissement – où initialement le nom de Sakuna, puis le sien, lui avait ouvert les portes – pour profiter de la liesse musicale, observait cette évolution avec un mélange de curiosité et de mélancolie. Espérait-il encore qu’elle vînt ?

    Les rythmes audacieux des musiciens berçaient son âme d’une résignation aux pointes d’amertume, les paroles mesurées des poètes faisaient le lit de songes romanesques, l’alégresse communicative de la foule drapait ses souvenirs d’une frustration inquisitrice. Quatre années, à nouveau sans doute, s’étaient passées depuis que Sakuna, dans la discrétion et la diligence d’un souffle, avait brisé les liens qui les retenaient. Calixte, qui ne s’était pas attendu à une rupture aussi brutale, avait un temps cherché à expliquer celle-ci. Sur de beaux plateaux ampoulés d’excuses on lui avait refusé d’approcher la jeune femme, et il avait rapidement compris qu’elle lui interdisait sa présence. Inquiet, déçu, d’une curiosité entêtée, l’espion avait continué à évoluer dans l’ombre de ses représentations, de ses déambulations, de son refuge. Les rumeurs, à l’époque, avaient fait état de la perte d’un être cher à Sakuna ; mais il n’avait jamais réussi à savoir de qui il pouvait bien s’agir, ni quels avaient bien pu être leurs liens ou celui ayant incité la danseuse à l’écarter définitivement de sa vie. Alors, cédant peu à peu à la résignation, il s’était éloigné de la scène de la jeune femme pour se concentrer sur celle, emplie de ténèbres et d’intransigeances, de l’espionnage. Ne revenant au contact des chemins de circonvolution de Sakuna qu’à la faveur de hasards fabuleux, de tendres mélancolies. Quelques nuits, il avait veillé à la frondaison des tuiles obscures des bâtisses entrelacées aux alentours du Chat Noir. Sur le perchoir de maigres terrasses abritées face au domicile de la danseuse. Gargouille vigile à la curiosité mal placée, aux sentiments insomniants. Il y avait une rédemption inexplicable à cette veille invisible, source de sérénité, de réconfort. D’interrogations. Derrière les persiennes découpant la silhouette gracile de la jeune femme, il pouvait s’imaginer toute une vie illusoire en ombre chinoise.

    Et puis, à l’occasion d’une veillée similaire terminant sa nuit autrement plus alambiquée d’espion, l’ambre de ses yeux avait tiqué sur le profil familier de Sakuna empruntant l’orée d’un chemin qu’il ne lui connaissait pas. Il lui avait fallu un temps, encore, qui se comptait en lunes, une bonne dose de curiosité, d’imprudence et de déguisements, pour découvrir avec surprise que la jeune femme s’était dégotée, en plus de son travail nocturne, une place parmi les petites mains du Palais Royal. Alarmé par le double emploi de son ancienne amie, soucieux du manque de revenus que celle-ci devait connaitre pour chercher telle dose de travail supplémentaire, Calixte s’était réattelé à l’exploration des papiers pouvant lui confirmer, ou infirmer, cette notion. Après tout, si c’était un parrainage qui manquait à la jeune femme pour vivre confortablement d’un seul de ses labeurs, peut-être aurait-il pu user de son nom. Zahria lui avait déconseillé d’aller dans de tels extrêmes concernant celle qui l’avait, aussi certainement que l’oiseau migrateur prend son envol pour des contrées plus accueillantes, écarté de sa vie. Mais il avait subsisté – et subsistait toujours – dans le cœur du coursier, une chétive once de loyauté, sur un socle robuste de tendresse, qui l’avait conforté dans son implication. Dans ses recherches. Dans l’épanouissement de sa curiosité. Il avait été étonnant de ne trouver aucune corrélation entre ces deux mondes que Sakuna partageait. Entre Sakuna et Kala, puisqu’il semblait que c’était ainsi qu’elle était nommée au Palais. Et Calixte, rapidement à cours de matière pour satisfaire ses interrogations, avait de nouveau glissé dans une position de contemplation aussi affectueusement attentive que ce que sa propre vie lui permettait. Revenant chaque année à cette terrasse, lors des festivités lyriques du quartier sud-ouest, dans l’espoir qu’un jour Sakuna daignerait l’y rejoindre.

    Chaque année, sauf une. L’espion ne s’était pas présenté à celles de l’an 1000. Il y avait eu bien plus pressant, bien plus important, alors que les festivités battaient leur plein. Il y avait eu trop de chagrin et de désespoir pour s’adonner à la liesse de celles-ci. Il y avait eu Ruth ; le meurtre de Ruth. Et la chape de plomb, lourde de colère, de culpabilité et de peine, s’abattant brutalement sur son être. Engourdissant ses sens et ses pensées, pétrifiant sa chair du bout de ses doigts jusqu’à la caverne, soudainement si esseulée, de son battant. Une souffrance effaçant les reliefs et les couleurs de la vie, happant son souffle et ses espoirs de sa poigne sévère. Il n’y avait eu aucune place pour la joie et l’innocence, pour la fête. L’évènement ne s’était rappelé à Calixte que bien plus tard, lorsque l’étau du deuil – et de son cortège d’émotions pénibles – s’était un peu érodé sous les douces découvertes de son changement d’affectation. Sous le rire aboyant de Valentino, l’attention flemmarde de Khalie, les taquineries grossières de Réno, la gentillesse évidente de Marianne et celle embarrassée de Lara, la raideur amusante du lieutenant Calyx… Sous les doigts, le sourire, la vivacité, la sincérité, la tendresse de Solveig. Traçant de la pulpe de son pouce les arrêtes de la rambarde, le coursier songea qu’il aurait aimé qu’elle l’accompagnât ce soir. Mais la Valkyrie avait été retenue ailleurs. La dernière fois qu’il l’avait vue, avait été à l’occasion de leur mission dans les montagnes. Celle qui leur avait apporté quelques difficultés imprévues.

    Un chapardeur se faufila jusqu’à lui – peut-être celui qui avait pris l’habitude de le croiser là – et l’espion lui tendit négligemment son bol de cacahuètes tout en observant du coin de l’œil la petite bedaine de la créature. Cette dernière était-elle en réalité aussi en proie aux affres de la grossesse ? Ou n’avait-elle que trop profité de la sympathie des fêtards à la bouche remplie de rires et aux mains chargées de vivres ? Rajustant le loup ornant son visage en miroir aux autres convives, Calixte jeta un regard à la coupe de cocktail – sans alcool, car Wendy n’avait pas été très certaine des limites de sa condition – avant de décider de noyer sa morosité dedans. Les festivités avaient le goût de la déception. Peut-être avait-il trop vieilli, pour en apprécier la saveur. Peut-être manquait-il la chaleur des liens qui leur donnaient plus de relief. Observant l’homme rondelet qui déclamait d’adroits vers sur les notes claires d’un luth, le coursier songea que c’était peut-être la dernière fois qu’il venait là. Parfois, il était plus sage de laisser le passé prendre la route qu’il avait choisi sans lui courir désespérément derrière.
    Diane AvalonCitoyenne
    Diane Avalon
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    Re: L'envol du canard boiteux | Calixte | Flash Back
    Jeu 18 Fév 2021 - 22:14 #



    Quatre longues années qui s’étaient écoulés en un claquement de doigts. Pourtant, il semblait à Diane que c’était hier que son père avait perdu la vie, hier qu’elle avait vu les portes de son foyer fermer et qu’elle avait mit un terme à une riche amitié. De son perchoir, derrière une haute fenêtre qui surplombait cette terrasse qu’elle connaissait trop bien maintenant, elle observait la foule tout en laissant ses amis se battre avec les lacets de sa robe. Exceptionnellement l’Insomnie avait fournit quelques artistes pour animer les jeux de la noblesse, une manière de s’attirer les grâces de grands pontes de la capitale tout en se faisait de la publicité et de l’argent. Sakuna n’en faisait que rarement partie. Elle n’aimait pas ce genre de frivolités, pour la simple et bonne raison qu’ici bas la protection de l’Insomnie était tout à fait inexistante. De même, lorsqu’elle était présente, les déguisements couvrants étaient de mise afin d’échapper à ceux qui la cherchait, elle particulièrement. Pour certain c’en était même devenu un jeu. Trouver Sakuna parmi la multitude de danseurs. Ainsi, elle avait finit par devenir une professionnelle de l’écrasement de pied. Personne ne pensait jamais qu’une artiste de sa qualité et de son niveau ne soit capable de telles erreurs, ainsi elle ne se révélait qu’à ceux qu’elle souhaitait et évitait les débordements.

    - Tourne toi.

    Elle se tourna machinalement afin de recevoir l'identité qu'elle présenterait ce soir. Il lui couvrait l’intégralité du visage et sa peau de porcelaine se craquelait de part et d’autre semblable à une mosaïque. Comme l’était son visage en temps normal, le masque était surmonté d’un loup d’or aux arabesques aussi délicates que sauvages. Au milieu du front trônait un grenat rouge. Si jusque ici, son faux faciès pouvait presque paraître discret, c’était sans compter la couronne de longues plumes d’un rouge si intense qu’elles étaient presque violettes qui s’étendaient en auréole enflammée. Les lèvres du minois de céramique étaient bigarré de peinture pourpre. Sa robe se fendait dans le dos jusqu’à la naissance de ses fesses, suivant docilement les courbes féminine de sa poitrine à l’avant. Légère, elle était faites d’organza et de satin. Lorsqu’elle bougeait, Diane avait l’impression qu’un ruisseau de pyrop liquide ondoyait le long de son corps.

    - Magnifique… Clama Dimitri, l’un de ses amis en se reculant. Lui même portait une déguisement dans le même esprit si ce n’était qu’il arborait fièrement un bleu ciel au lieu du rouge profond de Diane. Elle l’aida à revêtir son masque qui, comme le sien, dissimulait son visage puis s’engagea dans les escaliers où attendaient d’autres artistes. Tous portaient des tenues similaires mais aux couleurs totalement différentes, allant du noir au vert anis en passant par le orange pétard. Les femmes avaient vu la coupe de leurs vêtements ajustées selon leur avantages, tandis que les hommes pour leur grande peine portaient tous la même coupe. Sauf peut-être un ou deux dont l’échancrure de la chemise descendait plus bassement. Somme toute ils étaient une file de luxure prête à être croquée, nul doute qu’Ash devait se frotter les mains, lui qui aimait tant les belles choses. Elle ne savait pas si il serait présent ce soir mais si il l’était, elle savait qu’il serait satisfait. D'un geste las elle rabattit une voilette en dentelle noire devant ses yeux.

    Le signal de départ leur fut donné et les uns après les autres ils descendirent les escaliers, se dissociant en arrivant en bas pour chacun partir de leur côté, comme une vague colorée qui éclaterait au contact des rochers. Diane avait d’avance choisit son secteur, c’est donc sans hésitation qu’elle bifurqua sur la droite.

    La fête battait son plein depuis longtemps déjà, en témoignait quelques invités qui avaient tendance à tanguer, ainsi qu’aux clameurs fort bruyantes qui jaillirent de la foule à l’arrivée des membres de l’Insomnie. Par politesse principalement mais aussi parce qu’elle ne voulait pas que Ash puisse avoir des retours négatifs concernant la prestation de la « danseuse rouge », elle offrit quelques danses en couple puis une ou deux démonstrations. Enfin, lorsque l’extase de la nouveauté fut passée et que son public se fit moins attentif, elle en profita pour s’enfoncer dans la foule. C’était cela aussi, qui était intéressant dans ce genre de représentation ; la possibilité d’approcher qui lui donnait envie sans qu’elle n’eut à se justifier. Elle était là pour occuper, pour faire sourire et danser, alors personne ne lui demandait jamais de compte. Et si quelqu’un le faisait, il lui suffisait de dévoiler son visage pour ferrer complètement sa proie. Un jeu d’enfant certes mais fort amusant pour la cabaleuse.

    Lorsqu’elle l’aperçu, il était penché sur la rambarde. Il ne regardait pas dans sa direction, à vrai dire elle aurait pu aussi bien ne pas exister que cela n’aurait pas fait différence. Caché par le cortège d'invité qui s’agitait comme des fourmis autour d’elle, grouillante de vie, elle continua de le regarder. Elle cru même qu’il l’a vit pendant un instant. Mais quand bien même il poserait les yeux sur elle, il ne verrait qu’un masque inanimé, un feu ardent de plume et c’était tout. De là où elle était, elle ne voyait pas grand-chose. Alors elle s’approcha pour voir qu’il discutait avec un chapardeur. Fichues bestioles que celle là. La danseuse observa la scène sans piper mot, jusqu’à ce que le soldat pose les yeux à l’opposé , sur un musicien. Diane trouva fort drôle, la façon qu’avait la vie de se jouer d’eux. Quatre ans s’étaient écoulés, chacun avait vécu, affronté les tumultes d’une vie mouvementé et pourtant ils se retrouvaient à l’exact endroit où ils s’étaient quittés. Comme si rien n’avait changé.

    Cependant tout avait changé. La jeune femme l’avait découvert il y avait plusieurs lunes, sans trop se souvenir de l’exact moment. Calixte son ami, le gauche, le maladroit, celui dont elle se demandait comment il avait fait pour survivre jusqu’ici en conservant sa tête et ses 5 membres, était un espion. Elle s’était sentit trahit, atrocement. La nouvelle avait ravivé la cicatrice encore sensible de leur séparation. Puis elle s’était rendu à l’évidence, la décision qu’elle avait prise quatre ans plus tôt leur avait peut-être sauvé la vie. Qu’en est-il de lui ? Savait-il qui elle était ?Savait-il seulement qu’elle était mêlée à la mort de son amie, la jeune et douce Ruth ? Oh évidemment elle n’était pas à l’origine du meurtre, elle ne l’était jamais, Diane ne faisait pas partie de ceux qui se salissent les mains. Pourtant elle avait su et elle n’avait jamais tenté d’empêcher quoi que ce soit. Elle savait que la jeune fille était chère aux yeux de Calixte. Mais si elle avait tenté de mettre son veto, qui aurait été la cible ? Elle n’avait pas envie de le savoir. De toute façon Ruth était aujourd’hui un cadavre, rien ne pourrait changer cet état de fait. Cela ne l’empêchait pas de se demander si ce choix qu’elle avait fait il y a quatre ans, n’avait pas sauvé la vie de son ami. Elle aima se dire que oui, cela lui permettait d’accepter plus facilement le sentiment de culpabilité.

    Toute perdue dans ses réflexions qu’elle était, elle s’était approchée de l’espion. Imposant sa présence sans même lui demander son avis. Il était à une fête après tout ! Elle le regarda longuement en silence, puis ouvrit la bouche sans qu’aucun son n’en sorte. « Tu fais une erreur. Va t’en. » lui souffla sa conscience. La brune était parfaitement de son avis. Mais au-delà de la logique, de ses instincts et de sa conscience qui gémissait de son inaction, Calixte lui manquait. Son amitié, sa chaleur, ses maladresses, ses histoires, son rire, la légèreté de ce qu’ils partageaient, tout ça lui manquait atrocement. Alors, égoïstement, elle avait rompu cette promesse qu’elle s’était faite à elle-même il y avait quatre années. En douceur, elle prit le verre du blond et le posa sur une petite table qui se trouvait là. Toujours sans piper mot elle posa ses index sur chacun des coins de la bouche de Calixte puis y mima un sourire qui remontait jusqu’aux oreilles et enfin, sans crier gare elle se saisit de sa main et l’attira avec elle dans une danse de couple. Une danse coutumière de ce genre de festivité, comme ils l’avaient déjà partagés par le passé, où elle le guidait à un rythme bien rapide afin de suivre la musique.

    Oh ciel qu’elle était sans-coeur, petite danseuse pernicieuse qui se jouait des sentiments des gens. Lucy n’était peut-être pas si garce en fin de compte. Elle était plus humaine qu’elle ne l’aurait cru.  

    « Où est passé ton indécrottable sourire ? » voulu-t-elle lui demander. Mais était-il bien nécessaire qu’elle lui fasse entendre sa voix ? Avec un peu de chance il ne l’avait pas reconnu, et elle se demandait si ce n’était pas mieux ainsi. « La vie t’a-t’elle tant amoché en l’espace de quelques années ? Ou est-ce seulement la mort de ton amie qui te pèse encore ? Parfois je m’en veux, mais il vaut mieux une illustre inconnu que toi. Cela dit un jour ce sera ton tour, ou peut-être le mien. »  Peu à peu, la musique perdit de l’intensité et la cadence de Diane en fit de même jusqu’à ce qu’ils soient à l’arrêt complet à ce moment là, elle leva les yeux dans sa direction, contemplant son visage longuement. Une idée étrange passa dans son esprit, idiote également. Si hier l’anonymat de sa profession le protégeait, les espions aujourd’hui n’avaient plus de secret pour les siens ; et si il était temps de renouer des liens ? La cabale aurait tôt fait d’assassiner un espion inutile, comme Ruth, mais si elle pouvait tourner leur amitié à son avantage, à leurs yeux au moins… Prendraient-ils le risque d’éliminer un agent de l'ennemi qui pourrait s’avérer utile ? Une ombre passa dans les iris de la jeune femme, dissimulés derrières sa voilette.

    Sans prévenir, elle se fendit d’une révérence puis attrapa une plante d’un bouquet qui se trouvait là. Elle l’a mit entre les mains du coursier. « Tu te trouve des excuses Diane, et c’est pitoyable. » Ça oui, elle l’était, elle ne pouvait le nier. D’un geste net elle brisa la tête de la fleur, puis tournant les talons avec agilité, se fondit dans la foule. Pas une seule fois elle se retourna, pas plus qu’elle ne prit la peine de répondre aux sollicitations des convives. Elle se contentait de fendre la horde de gens, jusqu’aux coulisses. Sans doute venait-elle de faire la plus grossière erreur de sa carrière.  
    Calixte Alkh'eirDamoiseau
    Calixte Alkh'eir
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    Re: L'envol du canard boiteux | Calixte | Flash Back
    Dim 21 Fév 2021 - 0:09 #
    Une présence se coula avec agilité jusqu’à lui, attirant en premier lieu son attention vigile de garde, et l’éclat d’une parure de plumes au vermeille étincelant accrocha son regard. Avec curiosité, il observa la danseuse se diriger d’un pas félin jusqu’à la rambarde de la terrasse. Distraitement, il nota la beauté évidente de ses formes, l’aisance gracieuse de ses mouvements, l’assurance de sa posture altière. Instinctivement, il ne put s’empêcher de se demander à quoi Solveig pourrait bien ressembler dans pareille tenue avantageuse, et ses pensées s’égarèrent au souvenir des courbes voluptueuses de son amie. Qui, si elles n’avaient besoin d’artifices pour être désirables, seraient assurément délicieuses réhaussées de tels apparats au satin audacieusement ajusté. Ses songes se refocalisèrent sur la danseuse qui écartait son verre avec aplomb, et tandis que ses sourcils s’arquaient de surprise, il la laissa étirer l’ersatz d’un sourire sur son visage. Amusé par l’action taquine, dont l’allégresse des festivités pardonnait l’impudence, Calixte se laissa aller à un rire léger et n’opposa aucune résistance alors qu’il était tiré jusqu’à la piste de danse. Guidé par la professionnelle – car il y avait peu de doute concernant son adresse comme l’armada de danseurs aux tenues similaires qui évoluait avec tout autant de grâce non loin – il s’abandonna à la joie des pas rythmés par la cadence joyeuse des musiciens.

    Mais ça n’était pas comme lorsqu’il avait accompagné ses collègues, et amis, aux festivités estivales du Grand Port. Il y avait, déjà de base, une nostalgie particulière à cet évènement. Que les gestes entrainés, d’une justesse exquise, de la danseuse ne faisaient que raviver. Rappelant au coursier le souvenir de Sakuna, de l’excellence de ses danses, de la finesse de ses mouvements. Lui révoquant la fin abrupte de leur relation, de leur amitié. Ses veilles discrètes, inavouées. Comme si à juste la regarder de loin il aurait pu la convaincre de se retourner vers lui, de lui tendre à nouveau la main. De l’entrainer dans une nouvelle danse. Une danse comme celle-ci peut-être. Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas vu la danseuse se produire, mais assurément n’aurait-elle pas été moins capable que sa cavalière actuelle. Il pouvait même imaginer, dans la courbe du cou au port altier aux chevilles graciles de celle-ci, que c’était la silhouette familière de Sakuna qui transpirait. N’avait-elle pas taille et carrure similaire ? Ne logeait-elle pas identiquement au creux de ses bras ? Ils effectuèrent de nouvelles pirouettes au rythme précipité d’un tambour véloce, et l’espion chassa ces pensées vaines de son esprit. Se confondre en espoirs apitoyés ne l’avancerait nulle part, autant profiter de ce que le présent lui offrait.

    La musique s’amollit peu à peu, laissant les danseurs reprendre leur souffle, et Calixte adressa un sourire reconnaissant à sa partenaire. Nul doute qu’elle reprendrait sa route, mais il était enchanté de l’opportunité de ce moment qu’elle avait pris le temps de lui offrir. Il allait d’ailleurs la remercier de vive voix, lorsqu’elle le surprit en attrapant la fleur d’un bouquet à proximité qu’elle plaça entre ses doigts. Avant de l’étêter d’un geste net. Le sourire qui graciait les lèvres du coursier se figea, et le sang dans ses veines se glaça. Un frisson désagréable parcourut son échine alors que son corps se bandait d’une tension pénible, et son souffle se noya dans les réviviscences malheureuses de l’année passée. Une douleur, presqu’aussi aiguë qu’au premier jour, affola son cœur et ébranla ses pensées. Avant que d’autres souvenirs, plus anciens mais aussi plus cohérents, et certainement plus justes, s’imposassent à lui. Comme le corps mutilé de Ruth s’effaçait derrière le message d’adieu de Sakuna quelques années plutôt – ici même, en de telles circonstances, sur un même mode – il releva son regard interloqué sur la silhouette écarlate s’éloignant d’un pas preste. Un temps en retard, il se lança à sa poursuite, slalomant entre les corps alanguis de liesse et d’alcool. Son battant, qui avait initialement marqué une halte à ses premiers instincts, semblait à présent vouloir concurrencer le tempo endiablé des musiciens. Contre ses tempes, il pouvait sentir la pression des interrogations, du doute, de l’espoir.

    La foule, cependant, eut bientôt raison de sa chasse maladroite. En dépit du costume éclatant de la danseuse, il suffit d’un tournant dans le parcours de leur course effrénée pour qu’il la perdît tout à fait. Avaient-ils fait exprès, ces autres danseurs au chef garni de plumes, aux corps lascivement mis en avant, de se glisser entre leur collègue et son poursuivant ? De mener leurs pas lestes, au rythme des lyres, au-devant de l’espion ? Ralentissant sa progression, arrachant la silhouette de sa cible à son regard, lui faisant perdre pied dans la cacophonie ambiante. Où avait-elle pu s’évanouir, cette femme aux manières impudentes, taquines. Familières. Dont les derniers gestes avaient été de réveiller en Calixte les souvenirs d’un autre temps. D’autres temps. Serrant les poings, manquant la trémulation fébrile qui les agitait, le coursier tourna quelques secondes sur lui-même, son regard attentif sondant les alentours. Un temps, il envisagea demander directement à l’un des autres danseurs où il pouvait trouver celle de flammes. Mais compte tenu du déroulement de la course poursuite, il décida finalement de ne pas suivre cette idée. Hésitant encore, l’espoir tenace malgré l’évidente fuite réussie de la danseuse, il déambula d’un pas indécis entre les fêtards. Et puis, lorsque les secondes se furent allongées en de nombreuses minutes, la résignation s’imposa à lui.

    La résignation de ne plus attendre de ces festivités-ci, qu’il quitta bientôt pour regagner la Volière aux Dragons. Mais dans son âme, une nouvelle résolution, alimentée par ce contact imprévu, brûlait d’un feu déterminé.

    ~

    Il était tard, ou tôt. Calixte n’aurait su dire, tant il avait perdu le fil des heures défilant. Depuis qu’il avait quitté la colocation où il n’avait fait qu’un bref passage avant d’aviser l’adresse de Sakuna – celle-là même qu’il avait longuement observée, surveillée, de loin – il avait passé le reste de la soirée, et un grand bout de la nuit, assis devant la porte qu’il savait être celle de la danseuse. C’était quelque chose qu’il n’avait jamais osé faire, eu égard au désir évident de la jeune femme de couper les ponts. Mais maintenant qu’il y avait eu ce geste… Il ne savait s’il ne devait voir là que l’expression d’une simple impulsion, d’une ironie qui lui échappait un peu, ou au contraire d’une invitation. Mais maintenant qu’elle avait eu lieu, il ne comptait pas brider sa curiosité. Ni la tendresse, aussi intacte qu’au dernier jour où ils s’étaient vus, qui se réveillait, s’étirant à la manière d’un chat, au creux de son cœur.

    - T’es sûr que c’est là ? Parce qu’ça fait un bon moment qu’on poireaute, nan ?
    - Certain, soupira l’espion en chassant d’un geste un peu aléatoire la trousse de cuir s’amusant à rouler le long de ses bras. Tu n’étais pas obligée de venir.
    - Et manquer cette charmante jeune femme à l’humour tranchant ? Pour laquelle tu nous as joué les gargouilles tel un voisin voyeur, et maintenant les débutants en sado-masochisme, ha ! Comme si j’allais manquer ça !
    - C’est pour éviter de la regarder, si elle se pointe sans son masque, réexpliqua-t-il en rajustant l’écharpe dont il avait bandé ses yeux.
    - Ouais, c’est bien c’que j’dis. Pourtant j’aurai pensé que Soly chérie y était ouverte, que t’aurais pas eu à aller voir ailleurs pour tenter de telles pratiques. En plus ça doit être utile vos menottes là, pour ça.

    Grommelant, Calixte ramena ses genoux contre son torse, et posa son menton dessus. Peut-être que Sakuna était déjà rentrée, et ne ressortirait que dans de longues heures encore. Ou alors l’avait-elle aperçu du bout du couloir, et fait demi-tour sans demander son reste. Peut-être que le geste, la fleur, avait été une erreur. Peut-être qu’il n’y avait, malgré tout, rien à dire. Peut-être que, pris entre ses souvenirs, ses espoirs et ses désirs, il s’était mépris et avait projeté en cette danseuse celle qu’il connaissait. Peut-être que cette nuit ne lui apporterait que courbatures et déception. Peut-être. Mais il n’aurait au moins pas le regret d’avoir manqué cette opportunité.

    - Faut que j’te raconte c’que ça m’inspire pour mon prochain roman sur les Belluaires. Y a un truc à faire avec Lia et Lyra. Et la lieutenante déracinement d’arbres, évidemment.

    Il regretterait peut-être d’avoir emmené Apolline.
    Diane AvalonCitoyenne
    Diane Avalon
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    Re: L'envol du canard boiteux | Calixte | Flash Back
    Dim 21 Fév 2021 - 22:55 #
    Diane avait bien cru qu’il n’allait jamais la lâcher, même le ballet incessant de draperies et de corps souples qui se dressaient entre eux n’entachait pas sa détermination. Son masque lui bouchant partiellement la vue, elle avait pressé le pas jusqu’à tomber sur Dimitri qui l’avait poussé dans un renfoncement. Il avait attendu que le blond soit à sa hauteur afin de lui couper la route et le faire dévier dans une autre direction. Diane avait attendu sagement, le souffle court, espérant qu’il ne tournerait pas la tête dans sa direction. Et par chance c’est exactement ce qui se produisit. D’un air agacé le coursier avait esquivé le danseur puis avait poursuivit sa route. La brune en avait profité pour sortir de sa cachette et rebrousser chemin en direction des loges.

    Dès qu’elle referma la porte la tristesse et l’angoisse s’emparèrent d’elle, la fauchant abruptement. « Qu’est que j’ai fais… ? » Débarrassant son visage de son masque elle l’enfouie dans ses mains. Elle avait le tournis et une furieuse envie de s’en aller. Sa robe était soudainement devenue comme une cage autour de son corps et elle dû se faire violence pour ne pas la déchirer. Encore plus lorsqu’elle se rendit compte que les lacets étaient impossible à défaire sans l’aide de quelqu’un. La colère manqua de la faire pleurer mais le grincement de la porte lui permis de ne pas se laisser submerger, au contraire, la crainte prit le relais. Ash avait-il eut des retours concernant sa fuite ? Elle fit volte-face pour se retrouver nez à nez avec un Dimitri qui la fusillait du regard. Entrant à pas de loup il referma la porte puis intima à son amie de faire moins de bruit.  

    - A quoi tu joues ? Le gronda-t-il sévèrement.
    - Je ne joue pas ! Tenta de se défendre la danseuse.
    - Ce mec, celui qui a faillit te rattraper. Tu le connais ?
    - Ça ne te regarde pas.
    - Donc tu le connais. Un ex ?
    - Un ami.
    - Un ami qui te courrait ardemment après.
    - Un ami que je n’ai pas vu depuis longtemps.

    Elle s’attendit à recevoir d’autres remontrances mais rien ne vint, à la place elle sentit une main amicale lui enserrer l’épaule.

    - Si Ash demande je dirais que tu avais mal à la tête. Ou que tu étais idisposée... Peu importe en fait.
    - Merci. Dit Diane dans un souffle, enlaçant son ami avec affection.

    Rapidement ils la débarrassèrent de sa prison d’organza, nouèrent une natte dans ses cheveux et cachèrent son visage sous une longue capuche noire qui se fondait dans la noirceur des ruelles sans difficultés aucune. Dimitri guida sa compagne jusqu’à la porte arrière qu’il referma après  lui avoir indiqué dans quelle rue tourner et s’être assuré qu’elle comptait bien rentrer directement au cabaret. « Même Sacor était moins enquiquinant. » Songea-t-elle amusée. Puis elle fila, se fondit dans les ombres sous le couvert de la nuit.

    Immédiatement elle regretta de s’en être aller car dès qu’elle quitta les artères animées et éclairées, elle fut accueillit par les affres de la nuit. Depuis toujours elle avait une peur panique du noir, un terreur du néant qui ne l’avait jamais quitté depuis sa plus tendre enfance. Si à l’époque Sacor s’évertuait à lui laisser la fin de la bougie du soir, elle était maintenant obligée d’éteindre les lumières. Ash avait beau être bon il n’aurait pas toléré qu’elle use les cristaux de lumière à tout bout de champs. En vérité, Diane s’arrangeait souvent pour aller se coucher au petit matin, lorsque les premiers rayons fébrile perçait à travers le lambris. Une bien piètre méthode mais qui ne fonctionnait pas si mal dans le fond et plus important, elle convenait à son mode de vie.

    Lorsque Diane arriva enfin à l’Insomnie, par la porte dérobée à l'arrière du bâtiment et qui donnait directement sur le couloir des logements d’artiste, des perles de sueurs perlaient sur son front, son palpitant cognait contre ses côtes à tambour battant et son souffle était si erratique qu’elle eut l’impression d’avoir courut un marathon pour venir ici. Ce qui n'était pas le cas, par contre elle avait bien cru mourir de peur un demi milliard de fois. Et visiblement la vie n’en avait pas finit avec elle puisque lorsqu’elle approcha de la porte de sa chambre, qui donnait sur une vue plongeante vers l'escalier, elle entendit des voix. Ni une ni deux, comme un chat elle s’était tapis dans l’ombre pour écouter. Son cœur manqua un battement. « Comment ? » voulut-elle hurler. Comment avait-il fait pour la retrouver et surtout pour entrer ! Est-ce que quelqu’un l’avait vu ? Lui même s’était-il aperçu de sa présence ? La conversation se poursuivant elle supposa que non. D’un coup d’œil elle avisa la porte arrière ; si elle faisait vite elle pouvait s’enfuir. Mais n’avait-elle pas justement cherché à le revoir ? En cet instant elle se détesta, non pas d’avoir remué le couteau dans la plaie du pauvre coursier mais de s’être rajouté un problème qui n’était pas nécessaire dans sa vie actuelle. Contre toute attente, au lieu de s’enfuir elle s’élança à sa rencontre, attrapant son bras et le tirant sans ménagement, non sans attraper la trousse bizarre qui, lui semblait-il, avait tenté de parler. Elle tira son ancien ami dans sa chambre et ferma la porte à la volée.

    L’endroit était respectable et malgré sa petitesse il n’en était pas moins luxueux. Sur le lit un gros chat roux était paisiblement en train de dormir, il émit un faible miaulement en guise de bonjour, au milieu d’un monticule de robe et de parures à plume. Près de la fenêtre se tenait une coiffeuse doté de plusieurs cristaux de lumière et comportant une multitude de poudres, de rouges à lèvres et de paillettes. Puis légèrement sur la droite se tenait fièrement le masque d’or qu’elle portait presque toujours. Bousculant un peu l’espion elle s’empara de son déguisement et le fixa sur son visage.

    - Qu’est-ce que tu fais ici ! Maugréa-t-elle en lançant la trousse sur son lit avant de s’approcher de Calixte pour dénouer son écharpe et libérer sa vue. - Si Ash te surprend dans l’Insomnie sans autorisation ce n’est pas ton rang de garde qui te sauvera. Elle s’attarda sur son regard, si caractéristique et qu’elle avait l’impression de ne jamais avoir quitté, puis se recula en lui jetant son écharpe au visage. - Qu’est-ce que tu veux ? Elle croisa les bras sur sa poitrine et le toisa avec une fausse véhémence parfaitement imitée. En vérité, elle l'aurait volontiers serré dans bras, mais ils étaient ce qu'ils étaient alors elle s'en abstint.
    Calixte Alkh'eirDamoiseau
    Calixte Alkh'eir
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    Re: L'envol du canard boiteux | Calixte | Flash Back
    Ven 5 Mar 2021 - 10:59 #
    On le saisit sans ménagement par le bras et le temps de quelques secondes, désorienté, Calixte se dit qu’il avait été trouvé par l’un des collègues de Sakuna et qu’il allait être mis à la porte fissa. Néanmoins, le mouvement lui indiqua qu’on le faisait au contraire pénétrer dans ce qu’il avait repéré être le logement de la danseuse, et il se détendit légèrement. Les braillements étouffés d’Apolline n’avaient rien d’inquiets – cependant elle était exceptionnellement soucieuse donc ça n’était peut-être pas une référence très fiable – et le confortèrent dans l’idée de se laisser totalement guider. Bousculer. Balloter. Lorsqu’on le laissa quelque part au milieu de la pièce appartenant à Sakuna, il crut qu’on le laisserait là, debout, pour s’expliquer, mais un mouvement brusque à ses côtés le malmena encore et il effectua sous l’impact une petite vrille où, ses pieds s’emmêlant quelque peu, il perdit encore davantage ses repères. Ses doigts effleurèrent ce qui devait être la parure d’un canapé ou d’un lit et, sous le miaulement ensommeillé d’un chat, il retrouva son équilibre. La voix de la danseuse fusa à travers la pièce, ravivant quelques souvenirs à l’orée de la conscience de l’espion, et en dépit de l’agacement évident dans le timbre de la jeune femme une bouffée de nostalgie emplit les poumons de Calixte.

    L’écharpe qui lui occultait la vue fut défaite par des doigts agiles, et l’ambre de ses yeux accrocha la silhouette de Sakuna, à la fois si familière et à présent inconnue. Cédant à sa curiosité – mal –réfrénée depuis quelques années, le garde parcourut avec avidité les courbes de son amie. Il ne s’attarda pas tant sur les formes assurément sensuelles de la danseuse, que sur les mimiques de son visage, partiellement couvert, que sa veille d’une distance prudente lui avait soustraites. Le masque d’or réhaussait le regard tout aussi doré de la jeune femme, et Calixte pouvait y lire toute la vivacité caractérisant son amie d’autrefois. Il y avait aussi là le tourment de sentiments plus vilains, plus obscurs, qu’il n’arrivait guère à saisir sur ce visage à présent presqu’inconnu. Les années n’avaient pas été si nombreuses depuis que leurs chemins s’étaient séparés, mais ceux-ci leur avaient visiblement fait emprunter quelques routes pourvues d’aléas au contact desquelles leurs carapaces physiques et mentales s’étaient étoffées. Les rendant finalement presqu’étrangers.

    Et puis il y avait le poids des secrets. De celui, peut-être tout premier, qui avait éloigné Sakuna du garde, pour une raison qui restait toujours obscure à celui-ci. De la surveillance, peinée, mélancolique, inquiète, dont il avait alors couvée son amie. De son parcours d’espion. De sa double vie de danseuse et de travailleuse au Palais. De ces sentiments persistants ou fauchés par-delà les lunes et les années. Que restait-il d’eux ? De celui et celle qu’ils avaient connu ? L’écharpe lui revint dans la figure – après quelques secondes ou une éternité – coupant court à ses réflexions, et il l’attrapa par réflexe alors qu’elle dérapait de son visage. Ses lèvres s’entrouvrirent sur l’arrondit d’une excuse, réflexe à l’agacement évident de Sakuna, mais comme ses yeux s’attardaient de nouveau le long des traits du visage fermé de la jeune femme, de ses bras croisés en opposition, de sa respiration contrôlée, les mots moururent sur sa langue alors que ses propres émotions prenaient le dessus.

    Peut-être pas assez vite.

    - Moi je veux un bisou, Sakuna Matata ! s’exclama joyeusement Apolline, roulant en cercles autours du chat qui suivait d’un œil paresseux ses circonvolutions de costume en costume. Et après tu pourras me montrer les autres merveilles que tu as en plus de ce masque. Tu crois que Ash serait plus clément si on lui dit qu’on a des menottes ? Quoi qu’on n’est pas contre une petite correction…
    - Était-ce toi ? coupa Calixte de but en blanc, n’y tenant plus. Tout à l’heure. La danse, la fleur. Coupée. Était-ce toi ?

    Il sembla y avoir un temps d’hésitation, mais le coursier ne s’en formalisa pas, bien qu’il observât toujours la danseuse avec attention.

    - Tu m’as manqué. Tu me manques, finit-il par ajouter d’un ton plus calme, mais pas moins intense.

    Derrière lui, glissant toujours sous et sur les étoffes colorées, la voix chantante de la trousse de cuir produisait une mélodie tout à fait décalée – où il était question de vivre sa vie sans soucis – au sérieux de l’affaire, mais il n’y prêta pas attention.

    - Tu ne m’as jamais dit pourquoi, poursuivit-il. Et je n’attends pas d’explication ni d’excuse, maintenant ni plus tard. Je veux juste savoir si c’était toi…

    Qui avait fait le premier geste. Celui de renouer, aussi abruptement, avec une ambivalence toute humaine, les liens qui avaient été rompus. De refaire se croiser les chemins de leur vie respective, aussi étrangers qu’ils fussent à présent.
    Diane AvalonCitoyenne
    Diane Avalon
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    Re: L'envol du canard boiteux | Calixte | Flash Back
    Ven 12 Mar 2021 - 21:44 #
    Vif, les yeux de Diane avaient subitement fixés la trousse qui, non content de s’agiter sans cesse, fit de nouveau entendre sa voix criarde. Sur un coup de tête, elle manqua de la mettre à la porte mais l’évidence du comportement infernal qu’elle adopterait dans les couloirs retint son geste et elle se contenta de lui adresser un regard courroucé. Depuis quand Calixte avait-il des compagnons aussi… Elle allait ajouter « chiant » à ses pensées quand soudainement les visages de ses amis qu’elle n’avait rencontré qu’une ou deux fois, lui revinrent en mémoire. « Depuis toujours » fut son ultime réponse. Il avait un don, ou un malédiction, elle penchait pour un mélange de deux. Et elle s’incluait là dedans, non pas parce qu’elle était bruyante ou grossière mais parce qu’il y n’y avait que la malchance qui avait pu lier deux âmes dont les chemins étaient aussi éloignés, et dont ponts qu’ils tenteraient de construire ne pourraient les mener qu’à la douleur et la destruction mais cela, même Diane n’en avait pas encore pleinement conscience.

    - Des menottes anti-magie ? Tenta d’interroger la jeune femme. Parce que si c’était le cas, elle pouvait finalement trouver cette âme bien plus sympathique. Cependant Calixte semblait bien moins prompte à l’égarement qu’elle, à tel point qu’ils parlèrent en même temps. S’interrompant, elle eut tout juste le temps de saisir le sens général de sa question. Elle resta interdite. Que pouvait-elle lui dire ? « La danse, la fleur ? De quoi parles-tu ? Tu as encore abusé du rhum ! Ou tu prends d’autres drogues ? ». Il ne méritait pas ça, pas plus qu’il n’avait mérité d’endurer tout ce par quoi il avait dû passer, notamment le meurtre de Ruth. Mais Diane n’était qu’humaine, elle n’était ni une déesse de la chance, ni la maîtresse de la vie et aussi injuste soit-elle était ainsi faites. Toutefois, elle pouvait la lui adoucir un peu, quoi qu’elle ne fut pas certaine que sa révélation lui fasse réellement du bien. Pas du tout même. Mais lui mentir n’était-il pas pire ?

    Elle le regarda en silence. Il n’avait pas tant changé, pas physiquement en tout cas. Ses cheveux blonds n’était pas plus blond, sa peau était un peu plus halée peut-être mais rien qui ne fut bien grandiloquent. Malgré cela elle avait perçu le changement ; dans le tréfonds de ses prunelles, cette ombre en peine et viciée qui semblait couvrir son regard d’un voile de temps à autre. Également ses manières moins gauches plus adultes ou son innocence bien qu’encore présente -elle était prête à le parier – ne l’était plus tellement. Calixte avait mûrit de plus d’une façon, dont la plus horrible. Ainsi apprendre qu’elle lui manquait lui fit l’effet d’un coup de poing à l’estomac et elle s’abstint de justesse de grimacer.

    Si Diane était cruelle, lui était bien pis. Les mots, et elle le savait bien, étaient une torture parfois plus violente et insidieuse que celle du corps. Elle en faisait les frais présentement. Garder la face n’était pas chose aisée mais elle le fit en continuant de le toiser comme s’il n’avait rien dit. Pourtant la déesse seule savait qu’il lui manquait tout autant. Si sa fierté avait été moins vivace, ses inquiétudes moins présentes, ses remords moins lourd, peut-être… Peut-être l’aurait elle attiré entre ses bras afin de se souvenir de la chaleur de son amitié. Alors qu’elle avait commencé à tendre la main, la réalité lui revint au visage comme un fouet claquant l’air ; elle recula d’un pas.

    - Qui d’autre ? Répondit-elle enfin après que le temps se fut égrainé comme dans un sablier, son regard venant défier celui de son ancien ami. « Oui, qui d’autre, Calixte ?  C’est une logique implacable et tu le sais. Il n’y a que moi. » songea-t-elle dans un demi sourire aux airs narquois, de sa triste situation, mais que le coursier interpréterait sûrement tout différemment. Finalement elle se départie de son sourire et tourna les talons pour commencer à ranger les affaires étendues sur son lit. D’un geste désinvolte elle repoussa Apolline puis le gros matou qui, mécontent d’être réveillé commença à donner des coups de pattes à la trousse. Sûrement une façon de passer sa frustration, ou parce qu’elle ne cessait de lui tourner autour. Dans un cas comme dans l’autre il lui trouvait un intérêt soudain.

    - C’est tout ce que tu voulais ? Demanda-t-elle d’une voix qui se voulait calme et maîtrisée. Pourtant ce n’était en rien le cas, si Calixte y faisait attention il pourrait sûrement remarquer les notes chantantes d’une incertitude inquiète. Elle se saisit d’une robe qu’elle commença à lisser. - Comment tu es entré ? Personne ne t’as vu ? Pas même les danseurs hein ? Auquel cas elle ne donnait pas cher de sa peau. - Si tu dois revenir… Demande Sakuna à l’accueil, je leur dirais de te laisser passer. Et elle lui lança un regard en coin, abattant sa dernière carte, celle qui lui permettrait peut-être de renouer avec lui.
    Calixte Alkh'eirDamoiseau
    Calixte Alkh'eir
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    Re: L'envol du canard boiteux | Calixte | Flash Back
    Lun 15 Mar 2021 - 20:02 #
    Elle recula d’un pas, et Calixte sentit la déception commencer à prendre ses aises dans le lit de son interrogation. Et puis, ses lèvres s’entrouvrirent sur les quelques mots de sa délivrance, et il respira à nouveau, la tête allégée – presqu’étourdie – par la révélation en rhétorique. Une curiosité plus grande encore se mit à vrombir sous sa peau, amarrant un caléidoscope de pensées et de questionnements au quai de sa conscience enflammée, mais il l’oublia presque pour la joie béate qui s’infiltrait par chacun de ses pores, se faufilant en trainées chaleureuses jusqu’à son battant pour l’emmailloter d’un nid tressé d’espoir confortable. La lueur dans son regard d’ambre se fit plus enjouée, ses épaules se relâchèrent, et une tension qui tenait de l’impatience euphorique – presque hystérique – le fit emboiter le pas de Sakuna pour l’aider à ranger ses affaires. Ou, plutôt, commencer à plier distraitement une robe avant que la danseuse ne chassât ses mains de ses vêtements, l’incitant à ne pas trop s’imposer dans cet univers où il venait tout juste d’être réadmis. Toléré. Cherchant à défouler son énergie retrouvée sans trop d’exubération, l’espion attrapa la trousse de cuir entre deux coups de patte du chat, et la balança entre ses mains.

    - J’ai peut-être utilisé de mon pouvoir pour venir jusque-là, répondit-il d’un sourire contrit à la jeune femme. Je suis presque certain que personne ne m’a vu. Ni entendu. Ni a entendu Apolline.

    Etait-elle à ce point inquiète qu’on associât sa présence avec la sienne ? Etait-ce la raison pour laquelle elle avait rompu les ponts ? Et pourtant, elle l’invitait à se représenter, à la demander à l’accueil, à repénétrer dans son domaine au vu et au su des autres. Alors pourquoi ces notes tourmentées, sur la partition autrement lisse de sa voix claire ?

    - A dire vrai, je ne savais pas tellement à quoi m’attendre, poursuivit Calixte dans un hochement d’épaules. Sans doute à une rebuffade, car je n’osais trop espérer.
    - Joli mot pour un râteau. C’est pas un peu de l’infidélité à Soly chérie ?
    - Mais comme dit précédemment : tu m’as manqué. Alors…

    Pouvaient-ils orner leurs retrouvailles de faux-semblants ? De jolies excuses tapissant les creux de l’absence, l’érosion de leur relation par le temps ? Pouvaient-ils prétendre qu’ils pouvaient simplement effacer, avec l’aisance d’un doigt nivelant une ride, ce que les lunes et les secrets avaient creusé comme gouffre à leurs pieds ? Dans le château en décrépitude de leur relation, pouvaient-ils s’assoir et siroter un thé comme autrefois, d’une cécité délibérée pour le toit éventré et les courants d’air balayant la poussière accumulée ? Peut-être, à deux, pouvaient-ils s’armer d’une truelle et d’un seau rempli de chaux pour combler les vices de leur demeure. En avaient-ils seulement envie ? Etait-ce seulement possible ?

    - Est-ce que je peux rester un peu ?
    - Ca faisait longtemps que je n’t’avais pas vu si entreprenant. Avec ou sans les menottes du coup ?
    - Pour discuter !
    - Oui, oui. « Discuter ». Continuez donc, je vais chercher les menottes.
    - J’aimerai juste savoir... Comment est-ce que tu vas ? Est-ce que… tu danses toujours autant ? Est-ce que ça te plait d’être ici ?
    - Est-ce que tu danses ou tu « danses » ?
    - Est-ce que tu as repris des élèves ? Je sais que ta réputation n’a fait que croitre. Est-ce que cela t’apporte satisfaction ?
    - Moi j’m’y connais en satisfaction, s’tu veux Sakuna Matata ! J’te raconterai notre dernier interlude avec Shushu ; y a de quoi être satisfait rien qu’à l’oral. Et quand je dis « oral », c’est bien sûr…
    - Est-ce que tu aimes toujours autant le rouge ? En couleur et en vin ? Peut-être la fois prochaine – si tu me permets une fois prochaine – pourrais-je t’apporter une bouteille à déguster ; la cave de Luz est une merveille. Est-ce toi qui as choisi ta tenue de danseuse ; sa teinte ? Celle des festivités de plus tôt. Cela n’a-t-il pas été pénible, d’ailleurs, pour toi de rentrer aussi tard ?

    Dans les méandres de cette obscurité dont elle avait toujours été méfiante. Mais peut-être que cela, aussi, avait changé à la faveur d’un attrait pour le mystère.

    - Elle a ptet été accompagnée ! Et bien accompagnée… Tu crois qu’y a que d’la fatigue de la danse dans ses jambes ou aussi du tango hori…

    La trousse fendit l’air, et le chat qui avait observé Calixte jongler d’un œil de plus en plus intéressé, se lança à la poursuite de l’âme artificielle riant joyeusement.

    - Elle est un peu envahissante, pardon, grimaça le coursier tandis que ses yeux cherchaient la moindre accroche, le moindre indice, le long des traits maitrisés de Sakuna. Et peut-être moi aussi. Mais… est-ce que… comment… que deviens-tu ? poursuivit-il maladroitement, ne sachant pas où tracer les limites de leurs liens actuels.

    Qui était-elle, à présent, cette jeune femme qui lui faisait face ? Qu’acceptait-elle de ces liens qu’elle avait sciemment déliés par le passé, avant de les raviver de manière ambiguë ce jour ?
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