Les murailles du Grand ports se rapprochaient rapidement, et ce simple fait suffisait à ternir le sourire d'Arthorias. Cela voulait dire un retour à la civilisation et à son travail ennuyeux, perché en haut de l'île citadelle.
Lancé comme un carreau dans les airs, il fendait les cieux de façon presque irraisonnable, frôlant la surface de l'eau alors que son objet de pouvoir donnait son maximum pour le propulser en avant.
Le capitaine du navire l'avait regardé comme un fou en le voyant sauter du navire en marche, et avait commencé à paniquer quand la gravité avait appelé le garde qui c'était laissé tombé en arrière vers les eaux du large.
Ce que le blond avait le plus apprécié, c'était sans doute la tête du bonhomme quand il l'avait vu repasser dans l'autre sens, son heaume tourné vers lui avec un signe de main.
Ce heaume pendait désormais à sa ceinture, balloté par les bourrasques alors que l'officier profitait tête nue du grand air.
Ce sentiment de liberté... Il ne s'y ferait sans doute jamais...
Et alors que la forteresse du régiment du Sud se rapprochait, Arthorias dut incliner sa trajectoire peu désireux de rencontrer la quille d'un navire passant par là. Remontant en flèche, il rasa une foule de soldat qui sursautèrent et coururent en tout sens en voyant l'homme volant leur passer si près
Sa ressource l'emmena au dessus du bastion du sud, ou les fortifications imposantes dominaient le reste de la ville.
Un premier tour d'horizon et la zone pour se poser fut trouvée, une large tour ronde sans doute destinée à une arme de siège, qui fort heureusement n'était pas présente.
Peut être pourrait-il profiter de ce moment pour enfin rendre visite à Solveig. Il lui avait promis.
Laissant la gravité l'emporté, il freina sa chute au dernier moment, se retournant en vol pour présenter ses bottes ferrées qui claquèrent doucement sur les dalles de pierre, le capitaine retrouvant le plancher des gloots non sans un certains regret.
Ses cheveux rendus courts par la nécessité, s'agitaient avec le vent alors que des bruits de pas se faisaient entendre en tout sens.
Quel était le mot pour se présenter quand on arrivait ainsi ? "Bonjour, je suis le capitaine de la garde royale, votre tour était une très bonne zone d'atterrissage ?"
Au lieu de quoi, il se contenta de laisser pendre sa médaille d'appartenance à son cou, gardant les mains loin de ses armes jumelles, mais avec tout de même un large sourire.
-Et bien quoi ? Les valkyries ne tombent pas du ciel chez vous ?
Pourtant ce jour là, sur les coups de midi, avant que la relève ne vienne elle entendit au loin un son qui ne lui parlait pas, qu’elle n’avait jamais entendu et il l’a tira de son état léthargique. Elle s’étira à contre cœur puis se frotta les yeux avant de bailler, si sa céphalée s’était calmée ce n’était pas le cas de son manque de sommeil dont les bras tentaient de la garder prisonnière. Elle eut bien du mal à se défaire d’eux et quand elle ouvrit enfin les yeux un rayon de soleil lui brûla la rétine. « Merde » grogna-t-elle en s’efforçant de faire fit de la luminosité. Le bruit se rapprochait inexorablement, ses oreilles captaient maintenant la direction par laquelle il approchait. Levant le nez, la Valkyrie huma l’air mais un le vent ne comptait pas l’aider et éloignait d’elle les odeurs de cette chose qui approchait. A tâtons elle chercha son arc qu’elle retrouva à une longueur de bras. Le contact du bois frais sous ses doigts la détendit, ne lui manquait plus que ses yeux et tout irait pour le mieux. Semblable à deux fentes minuscules, ils scrutaient difficilement l’horizon. Une bonne dizaine de seconde furent nécessaire avant qu’elle ne mette enfin le doigt sur ce qui l’avait durement tiré d’un repos absolument pas mérité. Une forme, noire, dont elle ne saisissait pas bien les contours en raison de sa vue encore brouillée mais qui avançait inexorablement dans sa direction. La mi-chiraki encocha une flèche, banda son arc et…
- Arthorias ?
L’instant suivant, malgré la distance qui les séparaient elle constata qu’il s’agissait bien du garde. Qu’est-ce que le capitaine de la garde royale pouvait bien vouloir au bastion du sud ? Puis tandis qu’elle cherchait des réponses à ses questions, elle rangea son arme et se poussa afin de lui laisser le champs libre pour son atterrissage.
- Pas plus qu’elles ne poussent dans les champs de choux, Capitaine. Dit-elle en le regardant intriguée, les poings sur les hanches. Enfin, elle fit un pas dans sa direction et lui claqua une grande tape sur l’épaule. - La prochaine fois que vous arrivez par la voie des airs, faites parvenir un message, j’ai manqué de vous tirer comme un pigeon et malheureusement je vise souvent juste ! Puis elle éclata de son rire franc et bruyant, enfin, elle passa sous le nez du blond en lui faisais signe de la suivre. - Venez. Qu’est-ce qui vous amène ici ? Vous venez voir Yuduar ?
Elle les amena jusqu’à un escalier qui descendait à pic en direction de la cour principale. Malgré l’étroitesse ils croisèrent un duo de garde qui saluèrent Solveig avec un grand sourire.
- Tu prends tes pauses avant qu’on arrive maintenant ? Railla le jeune homme.
- Je t’ai entendu arriver, et on a un invité surprise eheh. Dit-elle en désignant Arthorias.
Le soldat l’observa un instant avant de se fendre d’un salut militaire, ce qui eut le don de faire naître un sourire amusé sur le visage de la valkyrie.
- Ah et j’ai laissé mon arc là haut, si tu peux le redescendre ce soir.
- Si il n’y a que ça pour te satisfaire… Soupira-t-il d’un air résolu et faussement épuisé.
- Tout est parfait très cher. Se moqua-t-elle en poursuivant sa descente, offrant son attention à son compagnon. - Vous connaissez la région ?
Une journée qui commençait étrangement.
La voix le fit réagir, bien plus qu'il ne l'aurait d'abord pensé. Un sourire se dessinant sur son visage alors que ses yeux bicolores reconnaissaient la demi-chiraki qu'il avait vu au palais. Celle qui l'avait probablement sauvé d'une ennuyante réception à déclamer des mondanités à des gens auxquels il ne s'intéressait pas.
-Solveig ! Si vous m'aviez manqué, j'aurai sans doute été déçu de vos talents !
La tape sur l'épaule claqua contre l'acier, lui remémorant le caractère direct et bien trempé de la demoiselle. Et cela tombait bien, l'officier n'ayant guère envie de se voir offrir des platitudes inutiles. Pas quand il revenait d'une telle assignation.
Suivant la garde dans les entrailles de la tour, il l'observa échanger avec ses collègues, ces derniers ne réalisant qui il était qu'au dernier moment.
Le blond leur rendit leurs saluts et une fois arrivé au pied de la tour respira une bonne bouffée d'air frai.
-Je ne viens voir aucuns gradés du régiment, en fait je reviens d'une assignation dans les archipels, et je me suis rappelé que j'avais fait une promesse à quelqu'un il y a de cela quelques lunes.
Me permettra tu de la tenir ?
Le pieds des remparts arrivaient, et c'est avec une certaine joie qu'Arthorias fit un "non" de la tête. Heureux de cette demande spontanée.
-Absolument pas, je suis majoritairement confiné à la capitale, même si j'avoue avoir mené une enquête pour retrouver la princesse il y a de cela.... longtemps...
Le souvenir de la course poursuite avec la capitaine des Myrmidons lui revint en mémoire. Cela avait été un échec. Mais un de ceux dont il se souvenait avec une pointe de nostalgie. Ces jours où les choses semblaient bien moins compliquées.
-D'ailleurs... Il serait stupide de t'imposer un vouvoiement dans ces conditions, oublions les grades, ces derniers temps, ils deviennent une seconde peau aussi collante qu'encombrante.
Je tache de redécouvrir la liberté, essayons de ne pas me faire retomber les responsabilités de ma charge tout de suite sur les épaules.
Ce fut d'ailleurs pour cela qu'il conduisit Solveig hors de la caserne, désirant mettre un peu de distance entre la garde et lui, ne serait-ce que pour une soirée.
Le blond aimait profondément son travail. Mais depuis peu, s'en éloigner quelque peu lui permettait de retrouver un semblant d'équilibre.
-Si le temps te le permet, et si l'envie ne te fais pas défaut, pourrait tu me montrer ce qu'il y a à voir ici ? Les endroits spéciaux ou que tu préfère, je serais ravi de voir la ville autrement qu'au travers de longs rapports mornes et fatiguant
- Effectivement tu tiens ta promesse, je n’attendais pas le capitaine de la garde royale de si tôt. Et encore moins… Elle éclata de rire. - Vraiment, envoie un mot la prochaine fois. Si lui se permettait de la tutoyer, aucune raison qu’elle n’en fasse pas de même.
Tout en continuant à marcher elle se mit à réfléchir à ce qui pourrait être intéressant de faire visiter à un touriste. C’était une question épineuse pour elle qui avait grandit ici et connaissait ce paysage depuis toujours. Parfois, surtout lors de la saison chaude, nombre de noble de la Capitale s’aventuraient au Grand Port. Et elle les voyait s’extasier sur des choses plus incongrues les unes que les autres. Un magasin de coquillage, les mouettes criardes au petit matin ou encore l’odeur salé qui montait dans l’air dès que la houle s’agitaient un peu. Il n’y avait que les étrangers pour remarquer des détails aussi communs et insignifiants.
- Vous ne sortez jamais de la Capitale ?! S’exclama-t-elle, incrédule.
Il était certes capitaine mais tout de même, la royale n’avait-elle donc aucune mission si ce n’est celle de protéger la couronne ? Un instant de réflexion lui permis de recouvrer un semblant de logique. La garde royale était, en toute logique, assigné à la royauté et aux dernières nouvelles la couronne ne se baladait pas au confins d’Aryon. « Mais tout de même ! » pensa-t-elle. Elle se laissa guider par la conversation uniquement, et leurs pas les menèrent bientôt hors de la caserne. Au même moment une cloche retentit, sonnant les douze coup de midi. Une chance, songea la soldate, aujourd’hui sa garde n’était que du matin. Si elle avait prévu de siester tout l’après midi, elle révisa ses plans.
- Ça me tente ! Elle planta ses poings sur ses hanches en cherchant toujours un endroit ou emmener le blond. Puis soudain l’illumination, ni une ni deux, elle attrapa le coude d’Arthorias et l’entraîna dans son sillage. Comme à l’accoutumé sa démarche était sautillante, presque guillerette. Il se perdirent une ou deux fois, parce que quoi qu’elle tenta de faire, Solveig avait toujours un sens de l’orientation déplorable. Puis elle s’arrêta aussi vite que ce qu’elle avait démarré et libéra son camarade.
Devant eux s’étendait un grand port -justement – ainsi qu’une myriade de bateau ; des flûtes, des galions et même quelques galères. Certains étaient à quai depuis des lustres, en témoignait l’amoncellement d’algues et de petits crustacés sur la coque. D’autres étaient en train de manœuvrer afin d’arrimer. Plus loin, loin des navires encombrants ; les bateaux de pêches. Plus petits et trapus ils n’étaient visiblement pas conçu pour les longs voyages, toutefois ils étaient robustes et la mer ne les épargnait pas. Un simple coup d’œil suffisait à s’en rendre compte. Il y avait également toutes sortes d’oiseaux pêcheurs, posés sur les pontons qui attendaient sagement de pouvoir ramasser la part de butin que les humains ne mangerait pas. Solveig n’aimait pas s’approcher de cette partie là du port. Elle empestait la poiscaille et l’odeur lui restait dans le nez pendant des jours. Mais elle pourrait faire exception.
- Après toi ! Dit-elle en invitant le soldat à passer devant. - Je t’aurais bien volontiers proposé un tour de bateau, mais j’ai le mal de mer et je ne tiens pas particulièrement à rendre mon petit déjeuner ! Cela dit je suis sûre que nombre seront disposé à laisser le capitaine de la royale visiter leur navire ! Puis elle s’avança sur l’un des pontons. - Sinon nous pouvons poursuivre par ici !
Sortir de la capitale ? Cela lui arrivait parfois... Mais à son grand regret, pas si souvent. Le travail lui prenait une bonne partie de son temps. Même si depuis quelques lunes, il parvenait à déléguer suffisamment de travail pour se ménager des excursions dans le genre. Cela dit... les pirates des archipels se souviendraient de cette escapade.
-Rarement, mais il m'arrive de faire des exceptions lorsque le temps l'exige. La preuve ! Et ce n'est pas plus mal, à force de voir les même visages, on finit par devenir fou !
Si le trait était forcé... Il était tout de même vrai que changer d'air lui apportait une perspective bien différente. L'air du Grand Port et le caractère plus détendu de ses soldats.
Enfin... surtout de Solveig qui ne perdait pas de temps pour prendre ses aises.
D'ailleurs, elle n'attendit pas longtemps pour emmener l'officier à toute vitesse hors de la caserne. Les murs imposants de la forteresse s'éloignant à chaque rue empruntée, même si de temps en temps le chemin prenait des airs de déjà vu.
La cadence forcée de la Valkyrie était bien rapide, et fort heureusement, Arthorias était du genre sportif. Et finalement, la visite s'arrêta net au niveau du port.
De grands voiliers y étaient amarrés, leurs immenses voiles repliées pour laisser voir une forêt de mât géant.
Des cloches sonnaient en tout sens alors qu'une foule de marin se prssaient, que ce soit pour charger des navires, ou les nettoyer.
-Me faire visiter ? Il y a deux choses que tu dois savoir ma chère Solveig. La première est que je ne souhaite pas être reconnu !
La seconde...
Il laissa un petit blanc. Regardant l'océan qui s'étendait à perte de vue par delà les coques des navires avant d'avouer à demi-mots.
-La seconde, c'est que je déteste naviguer...
Un comble peut être, mais l'officier détestait la mer, de par son odeur ou sa population. Trouvant que Lucy lui avait donné deux jambes pour marcher plutôt que nager.
Même si son dernier objet en date lui avait fait découvrir la joie du vol.
-Poursuivons donc par ici !
Dit il en emboitant le pas de la demi-chiraki, curieux de savoir ce qu'elle allait lui réserver pour la suite. Au vu de l'heure.... Peut être connaitrait-elle un endroit sympathique, loin des odeurs du port.
-Vous supportez cette senteur de poisson tout les jours ?
- Non, parfois le vent souffle vers l’est et emmène les odeurs. Sans compter qu’en dehors de moi, mes camarades ont tous un odorat tout ce qu’il y a de plus normal, alors ils ne sentent pas les odeurs du genre. Quant à moi, elle haussa les épaules, ça n’est pas pire que les égouts de la capitale ou le relent des latrines et des écuries en pleine période chaude. Vos nez ne sont pas aussi sensible que le mien du coup vous ne vous rendez pas compte, mais je peux t’assurer que le poisson est loin, très loin, d’être l’odeur la plus désagréable ! Un petit rire lui échappa et elle vira, sans prévenir à l’angle d’une rue. Immédiatement les bruits des mouettes, des bateaux de pécheurs et du port perdirent de leur éclat jusqu’à n’être rien d’autre qu’un vague brouhaha indiscernable du reste des sons.
Il ne fallut pas longtemps à Solveig pour les remettre sur le droit chemin - elle était certes doté d’un sens de l’orientation déplorable mais elle venait suffisamment souvent en centre ville pour ne pas se perdre à chaque fois. Une fois sur deux présentement. Tout comme les quais qu’ils venaient de quitter, les artères principales étaient bondés de monde et le temps frais n’y changeait absolument rien. Ci et là, les étales s’étendaient à perte de vue. Évidemment nombreuses étaient rempli de poisson, de crustacés et tout autres fruits de mer dont les habitants du Grand Port raffolaient, mais il y avait également des vendeurs de bijoux, de fleurs et d’épices beaucoup plus communes. En temps normal, en raison du bruit et du trop plein de fragrance, Solveig faisait en sorte d’éviter cet endroit bien qu’elle en aima beaucoup l’ambiance. Cependant pour le capitaine elle fit une exception, après tout, leur marché n’était-il pas plus intéressant qu’un autre ? Elle songea rapidement au marché au coraux de la Ville Aquatique ; il rivalisait largement avec ce marché. A vrai dire celui du Grand Port faisait presque pâle figure, sauf qu’elle n’était pas disposé à se rendre là-bas aujourd’hui, ses dernières aventures lui avaient fait passer l’envie d’y retourner. A moins qu’Arthorias ne tienne particulièrement à y aller, ils resteraient ici.
Ils déambulèrent ainsi un moment, Solveig laissant tout le loisir à son touriste de compagnon de s’approcher des différents stands voire même de goûter à certains met régionaux, comme le soufflet au mantabu. Un vrai délice dont elle raffolait. Si les odeurs de poiscailles fraîches n’aguichait pas ses sens, celle du marché qui mêlait soupe, daube et tourte en tout genre eurent tôt fait d’avoir raison de son estomac qui se mit à grogner bruyamment. Ni une ni deux, et sans lui demander son avis elle attrapa la main d’Arthorias et l’entraîna à sa suite dans une taverne.
Depuis son arrivée au Grand Port c’était probablement celle qu’elle avait fréquenté le plus souvent, en témoigna le tavernier et ses deux serveurs qui lui firent un signe de main suivit d’un « Pas d’bagarre aujourd’hui p’tiote ».
- C’est pas mon genre !
- Dit-elle après s’être battu avec un ivrogne il y a de cela deux jours. Souffla Leiftan, son gant de tir.
- C’était mérité, dit-elle en haussant les épaules.
Tranquillement, elle invita son supérieur et ami à une table au fond de la pièce, proche d’une fenêtre qui donnait sur une rue adjacente. Sans douceur elle se laissa tomber sur la chaise avant de lever la main pour demander à ce que l’un des serveurs vienne prendre leur commande.
- Je vais te prendre un pichet de vin et un pichon braisé.
La jeune femme à la chevelure d’un blond cendré qui contrastait franchement avec son teint halé sourit à la garde et prit des notes, elle se tourna ensuite vers le blond et fit de même.
- Tu n’est pas avec les autres gardes aujourd’hui ? Demanda la demoiselle.
- Non, j’accompagne un ami. Je te présente Arthorias. Les autres viendront peut-être ce soir, mais n’y compte pas trop nous ne sommes pas nombreux à avoir de permission ce soir et demain. Désolé Annie.
La serveuse offrit une petite moue déçu avant de hausser les épaules.
- Merci quand même, je reviens avec le vin dans une minute ! Et elle disparu derrière un groupe de personne qui venait prendre place un peu plus loin. Solveig reposa alors les yeux sur le capitaine.
- Je meuuuurs de faim ! Je t’emmènerais dans les hauteurs plus tard, tu verras, j’ai l’endroit parfait ! Puis elle se recula sur sa chaise afin de laisser à Annie le loisir de poser les boissons sur la table.
Après une courte pause au port, la demi-shiraki opta pour un endroit plus calme. Du moins, ne présentant pas les odeurs assez écœurantes propres aux ports. Certains aimaient cette odeur de marée, le bruit des flots frappant doucement les coques des navires, et cette ambiance propres aux villes portuaires.
Arthorias n'aimait guère cela, trouvant plus de charmes dans les majestueuses montagnes de Forteresse que dans cette étendue infinie et inconnue. Qui pouvait vraiment savoir ce que cachaient ces eaux troubles ?
Les légendes étaient fournies en créatures de légendes, et en monstre en tout genre. En un sens, l'officier viendrait presque à ressentir un peu d'admiration pour ces marins qui embarquaient au dessus d'un océan d'inconnus, sans vraiment s'en soucier. Mais c'était sans compter sur tout ce qu'ils étaient à côté.
Finalement ils laissèrent le port pour s'enfoncer un peu plus dans la ville, rapidement, les étals colorés d'un marchés se dessinèrent au coin d'une rue. Quelques échoppes laissèrent la place à une multitude d'autre, plus grandes, plus riches encore.
Une multitudes de poissons s'affichaient fièrement, alors que des soieries et des épices de tout le continent se disputaient la place.
A bien y regarder, tout ce que pourrais chercher un habitant du royaume était là : des armes, des objets magiques, des potions... Le paradis pour un aventurier comme pour un commerçant.
Les étalages passèrent vite aux spécialités locales, les marchands hurlant au plus fort pour présenter leurs produit à une foule qui ne savait plus ou donner de la tête.
Et dans cette folie organisée, le blond sentit une main l'entrainer par delà la foule, dans une taverne ou il dut se baisser au dernier moment pour éviter une chambranle de porte trop basse pour lui.
Se révéla un espace plus cloisonné mais plus chaleureux, ou l'odeur de la bière vint chatouiller les narines de l'officier qui observa avec amusement l'habituée prendre sa table sous les paroles des propriétaires.
-Une grande habituée des lieux à ce que je vois... Pourquoi ne suis-je qu'à moitié étonné ?
Un fin sourire s'installa sur les traits du garde alors qu'il commandait la même chose de Solveig, faisant confiance à son amie pour prendre un plat mangeable.
Si elle avait le palais aussi fin que le nez, le doute ne serait pas permis.
Le pichet arriva sur la table avec un sourire de la serveuse, et il ne perdit pas de temps avant de servir deux verres plus que généreux.
-Et si j'ai bien compris tu te bas souvent en dehors du service ? C'est pas bien.
Sa voix trahissait tout l'amusement qui ne s'affichait pas sur ses traits, et après avoir trinqué, Arthorias s'autorisa une gorgée de vin. Ce dernier étant bien moins âpre que ça à quoi il c'était attendu
-Alors, le port, une taverne, puis les hauteurs... Le programme monte crescendo vers des choses de plus en plus intéressantes, je me demande ou nous finirons à la fin !
D'un geste du poignet, il fit tourner l'alcool dans son verre, observant la demoiselle de ses yeux vairons avant de reprendre en rigolant
-La boisson est une spécialité des valkyries, ou juste de la garde locale ?
- Une affaire de garde. Trancha-t-elle. - De toutes les gardes. Son sourire n’en devint que plus grand, plus rieur. A la limite du provocateur. Parce qu’elle le savait et lui ne devait pas être suffisamment sot pour l’ignorer ; la majorité des gardes à défaut d’être des alcooliques étaient des bons vivant. Les croiser à la taverne ou dans d’autres lieux de plaisir n’était pas chose anodine et si il était vrai que l’alcool était on ne peut plus présent dans les activités favorites des garnisons du Grand Port, les autres n’étaient pas en reste. Que cela soit la Forteresse, le Village Perché -surtout le village perché – ou encore l’illustre et élitiste garde royale. Ils n’étaient, après tout, que des Hommes.
Rapidement, plus qu’elle n’aurait pu l’espérer, Annie revint avec leurs deux assiettes de Pichon braisé garnit de légumes, d’algues et autres joyeuseté. L’assiette de la chiraki était au moins deux fois plus grosse que celle de son camarade car quoi qu’elle puisse en dire, les employés et le tenancier connaissaient ses besoins alimentaires. A défaut d’avoir à reprendre une commande dans les vingts prochaines minutes ils avaient prit l’habitude de la nourrir plus que la normale dès le début.
- Ils sont de ce matin ! Leur annonça-t-elle en déposant les mets.
- Ils ont l’air délicieux ! Merci ! Et sans demander son reste elle planta sa fourchette dans la chaire tendre alors qu’Annie tournait les talons non sans afficher un sourire amusé. - J’ne m’bat pas… Reprit Solveig tout en mâchonnant sa bouchée, l’avalant tout rond par la suite.- Je me défend. La dernière fois un vieux loup de mer m’en a voulu d’avoir gagné à un jeu de dés. Je dois dire que même moi je ne sais pas comment j’ai fais ! En tout cas j’ai gagné et il n’était pas content. Ensuite le classique... Elle haussa les épaules puis enfourna une fourchette de garniture qu’elle mâcha avidement. - Il a voulu prouver que je trichais et s’est mit à me tripoter. Alors j’ai répliqué ! Et ainsi de suite. En plus je n’avais même pas triché ! Aussi surprenant que cela pouvait paraître, et même si Solveig aimait les jeux, elle ne trichait pas car c’est là que résidait tout l’intérêt d’un jeu. Dans la chance, dans le hasard, dans la stratégie. Au delà de ça, elle était également gauche et mauvaise menteuse. Aucune chance qu’elle ne puisse tricher sans se vendre d’une quelconque façon. - Tu ne te bas jamais toi ? Lui demanda-t-elle tout en prenant une rasade de vin.
Laissant tout le loisir à Arthorias de répondre, elle termina aussi bien son verre que son assiette et se resservit. Non pas en nourriture mais en alcool, se détendre ne pourrait que lui faire du bien ! Au passage, elle en fit de même avec le verre de son ami. Lui aussi avait besoin de se détendre, elle le sentait.
Avec des gestes répétés plus de milles fois, Arthorias commença à enlever les gantelets qui recouvraient ses mains, faisant sauter les attaches qui retenaient la protection qu'il déposa avec précaution sur la table.
Il doutait de toute façon avoir besoin de ces dernier, à moins que le Pichon ne s'avère être un poisson mort-vivant. Mais un premier coup de couteau pour en détacher la peau confirma sa mort.
Même s'il n'était pas vraiment noble, le blond mangeait habituellement comme bien des gens à la cours. Loin d'être précieux, il avait néanmoins dut apprendre au vu de sa charge. Se couvrir de honte à chaque diner officiel n'aurait que rendu les choses plus compliqués.
L'histoire du jeu de dés capta son regard, ses mains continuant à découper le poisson avec expertise. La bataille dans l'assiette se retrouva rapidement gagnée, l'animal cuisiné se retrouvant rapidement proprement présenté dans l'assiette, la peau et les arrête rangée dans un coin de cette dernière, les morceaux de choix dans un coin, les plus communs dans un autre.
L'accompagnement avait même été soigneusement préparé, de telle sorte à ce que ni l'un ni l'autre ne vienne détruire le mélange de produits terrestres et marins.
-Se battre ? Rarement je l'avoue
Machinalement sa main se porta à son menton. Quand c'était il battu la dernière fois ? Cela remontait à bien des années. Ou peut être une seule. Il revoyait encore Tancred face à lui et son épée d'entrainement.
Le combat avait eu tout d'amical, ainsi ce n'était pas réellement un combat de taverne comme son amie le sous entendait.
-Une fois je me rappelle cela dit... C'était quand je venais de commencer dans la Garde Royale, une patrouille nous avais conduit dans une taverne sous terraine.
L'endroit n'était pas vraiment mal famé, mais un mariage trop arrosé avait rendus quelques clients saoul. Et en nous voyant, un d'eux à voulu impressionner la galerie.
Et alors que nous repartions, il a tenté de me mettre un coup.
Avec un sourire empreint de nostalgie, il tapota le masque facial de son casque, et détaillant la visière en T, se mettant à rire presque tout seul.
-Si je te dit que mon seul "combat" dans toute cette histoire à été de lutter avec les sœurs du temple de Lucy pour qu'elles acceptent un ivrogne avec une main brisée tu me crois ?
La réalité était pourtant là. Alcoolisé comme il l'était, l'homme avait tenté un crochet de toute sa force, en plein dans un casque en acier qui lui avait cassé net les phalanges.
Les gardes avaient eut du mal à contenir leurs rires en le voyant se tordre de douleur. Mais avaient tout de même essayé d'arranger la situation après que ses amis ne se soient excusés lamentablement.
Une première bouchée gagna le palais de l'officier qui prit le temps de savourer le met qui n'avait rien de délicat. Mais c'était plutôt bon, Arthorias voulait bien avouer cela.
Rapidement, le plats fut à moitié mangé alors que l'assiette de Solveig était déjà vide.
La boisson était avalée à petite gorgée, mais à peine son verre fut il vidé qu'une nouvelle dose lui fut resservie aussi tôt. Avec beaucoup d'entousiathme.
-Les nobles en viennent rarement aux mains, ils sont plus à menacer de tout le pouvoir qu'ils n'ont pas. Le jour ou un garde royal devra maltraiter un noble récalcitrant...
Je crois simplement que ce sera avec pertes et fracas, tu n'as pas idée du nombre de soldats qui rêvent de leur en mettre une.
Un rire discret s'éleva de sa gorge, l'officier étant encore un peu récalcitrant à se laisser aller.
Une gorgée brûlante de plus l'aida dans ce sens, lui faisant avouer un petit secret.
-Le nombre de Garde Royaux qui ne peuvent pas encadrer la noblesse... Tu serais surprise
- Oh j’connais certains nobles au sang chaud ! Poursuivit-elle, la langue pâteuse. - Moi j’les trouve pas si terrible c’nobles ! Y z’ont pas vécu dans l’même monde qu’nous c’pour ça ! Elle haussa les épaules en se souvenant des quelques personnalités qu’elles avaient pu croiser. Jusqu’ici aucune ne lui avait semblé foncièrement mauvaise, au contraire. Elle avait la sensation de les voir doté d’une carapace, comme si à tout moment une pluie de flèche pouvait s’abattre sur eux. Et si leurs flèches n’étaient pas faites de bois et de fer, elles étaient faites de mots et de rumeurs. Deux choses qui étaient parfois bien plus redoutable que le plus sophistiqués des projectiles. La cour était un milieu vil, mensonger ou tout n’était qu’hypocrisie, comment pouvaient-ils être autrement, ses nobles, lorsqu’ils vivaient dans un tel univers ? Sans le cautionner, elle le comprenait partiellement. Dans un soupire las, étirant ses bras jusqu’à en faire craquer ses épaules, elle se laissa choir sur le dossier de sa chaise avant de venir tapoter son ventre.
- Aller, il va être temps d’se dépêcher, manquerait plus qu’on arrive en r’tard, j’espère que t’es prêt à marcher heheheh ! Dit d’un air goguenard, terminant son verre d’une traite. Elle se retourna ensuite pour récupérer ses affaires et surtout sortir une petite bourse de cristaux dont elle déversa le contenu sur la table, triant les différentes couleur pour faire le compte. Quand elle eut terminé, elle offrit à Annie un petit pourboire puis invita son ami à la suivre à l’extérieur.
Dehors le ciel était encore bleu, un vent frais repoussant les nuages cotonneux. A l’ouest le soleil commençait sa course descendante vers la ligne d’horizon. Même s’ils leur restaient quelques heures, peut-être des minutes, ils devraient arriver en temps et en heure. Titubant légèrement, un air parfaitement satisfait étirant ses traits, Solveig alla se reposer contre l’épaule puissante de son compagnon.
- Alors t’vois là bas… Elle pointa du doigts un petit sentier dissimulé derrière de la verdure, à la sortie de la ville. - On va passer par là, c’t’un petit peu pentu mais rien qui ne fasse peur à un garde hein ! Eheh, puis quand on s’ra en haut… Tu verras bien. Elle haussa les épaules et se mit en route, non sans manquer de renverser une mamie qui venait subitement de se jeter devant ses pieds. S’excusant poliment avec un air idiot, elle effectua une pirouette et poursuivit sa route d’un pas pressé.
Comme elle l’avait promis le chemin serpentait dans cette jungle de pin, de roche et de sable. La pente était bien présente, mais ne lui posait pas problème. Restait à espérer qu’Arthorias et son armure n’eurent pas trop de difficultés. Heureusement la saison chaude était encore loin, de même que le soleil de plomb qui l’accompagnait car l’ombre à cet endroit n’était qu’un songe. L’ascension leur prit environ une heure, alternant course et marche aux endroit les plus escarpés. Enfin, il arrivèrent.
Sous leurs yeux, la mer s’étendait à perte de vue, loin au-delà de cet horizon intouchable. Au dessus de celui ci trônait l’astre de feu, tout d’orange et de violet vêtue, projetant ses rayons rose orangé dans le ciel qui prenait une dimension fantastique. Solveig aimait ce lieu, à cet instant précis. Il lui donnait la sensation d’entrer dans un nouvel univers, comme si aux portes de la nuit, il lui était donné d’apercevoir pendant un bref instant, un monde qui lui était inconnu. Un sourire aux lèvres, elle se hissa par delà un petit mur de pierre, dernier obstacle à sa venu sur le bord de la falaise. Devant eux se tenait un petit plateau rocheux, ou une étendu herbeuse tentait tant bien que mal de survivre. Il y avait également un arbre au tronc large et ancien dont les branches semblaient vouloir se jeter en contre bas. Le végétal en lui même penchait vers le vide, comme s’il voulait embrasser la falaise mais depuis toujours il n’avait jamais pu. Même les tempêtes qu’ils avaient essuyés ne l’avait pas fait ciller. Plantant ses poings sur ses hanches la valkyrie afficha une moue satisfaite. Ce bout de falaise recelait de bien des souvenirs ; Valentino, Fauve, ses chagrins, ses colères, des heures d’entraînement à suer sans et eaux. Un petit sourire lui vint lorsqu’elle repensa à Niraen, cet homme oiseau qui lui avait apprit les rudiments du vol.
- C’est sympa hein ! Demanda-t-elle d’une voix que l’exercice avait rendu moins pâteuse. Se faisant elle s’avança dans la petite pleine puis commença à grimper sur l’arbre penché, prenant place sur une branche qui surplombait le vide. - Personne au Grand Port n’a une telle vue sur les couchers de soleil ! Se vanta la jeune femme tout en songeant qu’à l’occasion, elle devrait y emmener aussi bien Calixte que Samaël.
A peine l'assiette terminée et la choppe vidée, Arthorias fut trainé dehors, ce dernier ressentant lentement l'emprise de l'alcool sur son organisme progresser, jusqu'à ce que de léger picotement au bout des doigts ne vinrent lui confirmer ce qu'il craignait : Il était un peu trop tard pour revenir en arrière.
Son esprit allégé, il la suivit le long de la voie caillouteuse qui montait jusqu'à la falaise. Supportant sans peine le poids de l'armure qu'il portait, habitué depuis le temps à la considérer comme un vêtement pratique plutôt qu'une encombrante protection.
Il n'était nullement temps d'en demander plus, car la chirakii, malgré son état avançait à toute vitesse, portée par une musculature fine mais puissante, lui donnant un rythme à même d'épuiser un garde ordinaire. Heureusement, le blond n'en était pas un, et parvint à la suivre dans cette folle ascension, ou les pierres se firent traitre et manquèrent par trois fois de l'expédier en bas en roulant.
Il n'hésita d'ailleurs pas à activer son objet de pouvoir pour combler la distance qui le séparait de la demoiselle, faisant surtout attention à ne pas percuter un des nombreux pas qui se dressaient sur la route. Cela dit, quelques uns d'entre eux perdirent des branches au passage du soldat.
Et au bout d'une heure d'une impitoyable ascension, la pente livra sa récompense sous la forme d'un paysage à couper le souffle, formé par l'océan et les falaises qui s'étendaient sur une bonne partie de la côte.
Le couché de soleil manqua presque de tirer une petite larme à l'officier, l'alcool le rendant soudainement nostalgique d'une époque ou tout était plus simple.
Son casque solidement vissé sur sa tête finit d'ailleurs par rejoindre son sac, ses cheveux rendus court par son peigne magique lui permettant de sentir le souffle de l'inconnu pleinement.
-Effectivement...
L'arbre solitaire bruissait doucement, ses branches prises dans une chorégraphie qu'il devait répéter chaque soirs en solitaire, et quand Arthorias vit Solveig y monter comme si de rien n'était, il fit de même, son appréhension du vide depuis quelques temps annihilée par l'habitude
L'arbre grinça quand les deux gardes furent sur les branches, penchant doucement sans pour autant rompre.
-Je doute que les gens veulent escalader une paroi aussi pentue sans une bonne raison. Même si dans mon cas, c'en est une excellente.
Debout sur la branche, il écarta doucement les bras pour garder l'équilibre appréciant cette vue vertigineuse et cette sensation de liberté qu'il avait. Comme un oiseau d'acier perché sur un promontoire, il voyait distinctement les vagues s'écraser contre les falaises, une écumes argenté en ressortant à chaque impact.
-J'en déduis que tu viens ici souvent ?
Dit il en s'installant au côtés de la jeune femme, les jambes battant dans le vide. Bien des gens auraient hurlés de peur là haut. Mais l'officier préférait le vertige des airs plutôt que la peur des abysses de la grande mer.
Sortant une petite flasque, le blond la tendit à son amie avec un sourir
-Du vin aux épices des archipels ? J'en ai ramené en souvenir
Lui même en arracha une petite gorgée avant de fixer le soleil qui déclinait lentement, s'abaissant lentement à l'horizon sans pour autant diminuer la chaleur qu'il apportait.
Un courent d'air passa sous les soldats, faisant s'envoler les cheveux de Solveig alors que l'homme se contentait de profiter de ce courant.
-Si je te connaissais pas aussi bien, je pourrais presque penser que c'est un rencard
Dit il en rigolant pour lui même, son sourire s'élargissant devant l'absurdité de la situation
- Tout l’temps. Dit-elle en s’emparant de la flasque qu’il lui tendait. Même sans mettre le nez au dessus du goulot elle pouvait sentir les relents de cannelle et de gingembre ainsi qu’un léger trait de cardamone. Intriguée par un tel mélange elle ne se fit pas prier pour prendre une gorgée. Épicée, la boisson l’était, c’était indéniable et au début Solveig ne put s’empêcher de grimacer un peu mais ce fut la douceur de la cannelle qui prit place sur ses papilles. Elle s’apprêtait à en subtiliser une seconde lorsque les paroles d’Arthorias la firent avaler de travers. Ni une ni deux elle recracha plus ou moins le contenu de sa bouche au visage du soldat, déviant in-extremis mais sans prendre compte du vent. Ensuite ses narines se virent enflammées par l’alcool qui y traçait son chemin, brûlant et odorant et pour finir elle toussa à s’en décrocher les poumons. Oscillant entre suffocation et rire. - Un rencard ? Demanda-t-elle enfin, entre deux quintes de toux.
Levant les yeux, elle s’aperçut qu’il n’avait pas totalement tord. Le ciel s’auréolait de longues traînées violacées où un somptueux dégradé de jaune et de orange venait s’étendre. Plus bas, le flot constant des vagues venait heurter les pieds de la falaise, les léchant dans une symphonie rythmée. Le vent faisait vriller leurs cheveux en des danses de torsades indomptable. Ils étaient seuls et saoul. Arthorias était un bel homme, un garde qui plus est et il était fiable. Le parfait gendre, songea Solveig avec un sourire. Mais ils n’étaient pas là pour cela, et ses pensées étaient occupés par quelqu’un d’autre. Une fidélité idiote puisqu’ils ne s’étaient rien promis, ils n’étaient que des amis avec quelques options en plus. Pourtant la chiraki rechignait à fréquenter d’autres personnes. Aussi, elle avait préféré se contenter d’attendre que cette lubie lui passe. Si cela arrivait un jour.
- Tu sauras où emmener la prochaine personne que tu voudras mettre dans son lit ! Railla-t-elle en rangeant ses bras derrière sa tête, appréciant la vue qui s’offrait à elle. - Cela dit je te déconseille de les faire monter dans l’arbre ! Un rire lui échappa enfin et elle se redressa, vacillant un instant sur sa branche sans pour autant perdre son équilibre. - Moi je me contente bien de ce que j’ai déjà… Dit-elle dans un sourire mi amusé, mi nostalgique de cette présence qui n’était pas à ses côtés. Son esprit s’évada vers lui, avant de se rappeler à l’ordre au prix d’un effort certain. - J’me demandais, il y a eu pas mal de rumeurs sur Mme Hekmatyar à une époque. Tu es toujours avec ? Un ami m’a parlé d’elle dans une lettre. Il paraît qu’elle a un sacré caractère ! Puis elle s’en remit à son tronc d’arbre, agitant ses jambes d’avant en arrière.
La réaction eut presque l'effet escompté, et l'alcool fit un chemin averse, ressortant en un nuage de gouttelettes promptement expulsée qui auraient pu rater l'officier, s'il n'y avait un vent marin pour tout ramener sur son visage.
Dans un mélange d'alcool et de salive, le sel marin qui c'était déposés sur son visage fut sauvagement chassé, ce qui malgré tout déclencha le rire d'Arthorias.
-Au moins pour le mélange de salive du rencard, c'est réglé aussi
Quasi plié en deux au dessus du vide, il lui fallut quelques secondes pour retrouver son calme... Et essuyer son visage d'un revers de la main.
Chassant autant le mélange que la mauvaise plaisanterie qu'il avait lui même faite.
-Oh non, je n'oserais pas te voler tes perchoirs favoris, et puis... je suis plus de la vieille école, le balcon du bastion fait très bien, sans risquer de perdre définitivement celle que je veux
Dahlia n'aurait sans doute que peu apprécié d'être perchée en haut du vide, même si sa récente promotion au Blizzard devait l'avoir habituée aux hauteurs du monde.
Mais le sujet était encore un peu sensible, et tout comme la salive de Solveig il la chassa d'un geste de la main.
-J'imagine, le sud doit être rempli de prétendant en tout genre pour quelqu'un comme toi.
Et si cela sous entendait beaucoup de choses, il n'eut pas le temps d'aller plus loin. Car elle posa une question qui manqua presque de lui faire perdre le sourire.
Même si fort heureusement, le temps avait depuis quelques temps commencé à éponger les mauvais souvenirs
-Rebecca ? Non... Plus depuis les évènements des montagnes. J'imagine que tu as entendu parler de la cité enfouie...
Je l'ai perdu le jour ou nous somme ressortit de là. Plus vraiment la même... Une longue histoire... Mais oui un sacré caractère
Je suis surpris de savoir qu'un de tes amis en ai entendu parler, c'est un garde de la capitale ?
Ceux mutés récemment ne courraient pas vraiment les rues mais peut être était-ce une connaissance commune ?
Solveig avait entendu parler de la cité enfouie, et au-delà de ça elle y avait été présente. Pas comme elle l’aurait voulu, pas comme soldat mais comme aide de camp. Elle n’avait pas vu ce qui se terrait sous terre, seulement un aperçu lorsqu’il avait fallut récupérer les corps les plus proche ou aider les derniers blessés à sortir. Toutefois elle avait pu noter bien des choses, comme la noirceur oppressante de l’endroit, les odeurs et les sons inconnus qui avaient titillés sa curiosité avec force. Elle n’avait pas mit les pieds dans les entrailles de la cité pourtant elle était presque certaine de comprendre comment une personne pouvait s’y trouver changé ; cela ne faisait que renforcer son attrait.
- Je crois qu’il l’a rencontré… Dit-elle songeuse, essayant de se souvenir du contenu de la lettre. Tout en gigotant elle changea de position, ses jambes trouvèrent leur prise sur la branche tandis que le haut de son corps qui se mit à se balancer au dessus du vide, la tête en bas. Tout en contemplant le reflux des vagues sur la côte de la falaise elle poursuivit. - Il avait parlé d’une falaise justement et de l’idée de jeter quelqu’un en bas si on s’approchait trop de son époux. Ou c’était moi qui lui avait suggéré l’idée. Je sais plus ! Elle gloussa avant de laisser pendre ses bras. - C’est un garde du sud. Il était à la capitale avant, il y retourne de temps à autre en mission. Il a beaucoup d’ami là-bas. Mais il faisait partie de la régulière… Je crois. Tout en réfléchissant, elle constata qu’elle n’avait jamais demandé à Calixte de quel corps armé il venait. - Calixte Alkh’eir. Je ne sais pas si tu le connais ! Laissant le soin à Arthorias de fouiller ses pensées, elle se concentra sur la houle ainsi que sur une mouette quelques mètres plus loin qui se laissait planer sur un courant rémanent, flottant comme par magie au dessus des airs. - Dis, tu as n’as rien contre les plongeons ? Demanda-t-elle alors qu’un demi sourire venait balayer son visage.
Reparler de Rebecca aussi soudainement n'avait strictement rien de plaisant. La demoiselle n'était en soit pas partie sur une longue pente de malheur. Simplement sur un éclatement aussi bref qu'inattendu.
Et comme Solveig lui offrait l'opportunité, il changea rapidement de sujet pour parler dudit garde.
Son nom résonna quelques temps dans son esprit, l'officier connaissant définitivement ce nom. Mieux que cela, il était persuadé d'avoir déjà travailler avec lui.
Et soudainement son visage revint avec la soudaineté d'un coup de tonnerre. Le faisant presque sursauter sur sa branche.
-Mais oui, Calixte !
Comment oublier cette affaire de trafic de potion pour l'hôpital... C'était suite à cette même affaire qu'il avait récupéré de précieuses sources d'information sur ce qui se tramait la dedans. Même si mademoiselle Weiss n'avait rien à cacher.
De cela le capitaine n'en avait jamais douté.
-Un garde des plus compétent si ma mémoire est bonne, il nous à sorti une sacré épine du pied à l'époque
Cela ne devait pas faire si longtemps, mais au rythme ou avançait les choses, Arthorias avait perdu la notion du temps, sa vie n'étant qu'une brève succession d'évènements marquants qui se chevauchaient plus vite qu'il ne l'aurait pensé au premier abord.
Et quand la valkyrie proposa un plongeon, il eut un petit rire.
-Tu sais que personne de normalement constitué ne survivrait d'aussi haut hein ?
A mieux regarder la demi-chiraki, il était facile de deviner qu'elle n'avait rien d'ordinaire justement... Lui non plus d'ailleurs même si l'idée de finir dans l'eau ne l'enchantait guère.
-Mais je peux bien t'accompagner jusqu'à la surface si tu veux
Dit il en se levant, les deux pieds sur la branche, les yeux rivé sur le vide qui l'appelait.
Si finir dans l'eau n'était pas pour lui plaire, la sensation grisante de la chute ça....
Toujours pendue la tête en bas, elle abandonna la douceur du son du ressac pour le rire détendu d’Arthorias. A l’instar de ce dernier elle émit un petit rire. Il se trompait. N’importe qui aurait pu sauter d’ici. Sauf peut-être un enfant. L’eau était profonde, les courants présents mais portant la plupart du temps vers la plage en contre bas. Même si la falaise était haute, à moins de faire un plat -auquel cas elle n’aurait pas donné cher de la peau de qui que ce soit – il n’y avait aucun risque de se blesser. En témoignait Valentino, dont la constitution humaine avait parfaitement bien résisté à ce plongeon. Mais qu’à cela ne tienne, elle n’allait pas l’obliger à ce mouiller. Sans compter que la saison fraîche était encore bien installée, moins alcoolisé elle aurait peut être renoncé. Sauf que ce ne fut pas le cas ; elle eut tout juste le temps de lancer : - Petit joueur. On se rejoint en bas… Que ses jambes se dérobèrent pour la laisser filer droit vers l’eau.
Solveig aimait sa vue particulière. Capable d’analyser avec précision des mouvements rapides, contrairement à de simples yeux d’humains. Ainsi dans sa chute, elle remarqua un nid de goéland dont la femelle - sans doute – s’apprêtait à couver, elle nota également le balancement de petites fleurs blanches qui poussaient sur les rebords abrupts de la falaise. Et enfin, le spectacle de l’horizon s’offrit a elle. Comme si la mer elle-même était en feu ; l’astre solaire projetait ses ultimes rayons sur sa surface frissonnante, semblable à des langues embrasées. Dans le ciel, des traînées violacées s’étiraient jusqu’à un horizon qui, lui, était hors de la vue de la chiraki. Un petit sourire étira ses traits. Entre deux eaux, tout comme elle ; mi humain mi chiraki. Elle sombra.
L’eau était froide, sombre, intrigante et silencieuse. Si Solveig n’aimait pas nager mais elle aimait la paix qu’elle ressentait ici bas. Les sons étaient amoindrit, son odorat ne la tiraillait pas, sa vue était partiellement obscurcit. Comme si soudainement le monde s’était arrêté de tourner autour d’elle, et que plus rien ne comptait. Seul son propre palpitant, secoué par les décharges d’adrénaline venait troubler la paix. Suspendu dans le néant des ténèbres elle attendit que ses poumons la brûlent, la sommant de retrouver la surface. Ce qu’elle fit en deux coups de jambes énergique. Fendant l’eau elle ingurgita une goulée d’air salvatrice avant de se mettre à nager d’un bon train jusqu’à la petite plage qui bordait son perchoir. Une fois sur la terre ferme elle se laissa choir sur le sable encore tiède de l’après-midi.
- Pfiou. Ca faisait longtemps… Elle rit. - Rien d’mieux que le Grand-Port. Devant eux se dressait fièrement le ville dont les lumières n’étaient pas encore allumées, une question de minutes plutôt que d’heure. - Dommage qu’on soit pas encore à la saison chaude… Soupira-t-elle ensuite. - J’serais bien resté un peu plus. Et comme pour lui signifier que ce ne serait pas le cas, une petite brise se leva, pas forte mais suffisamment pour la faire frissonner et lui donner envie de se lever. - On y va ? A la caserne !
Regarder Solveig faire le grand saut était assez impressionnant, la hauteur était telle que percuter l'eau à une telle vitesse revenait à percuter un mur de brique.
Il vit sa silhouette devenir une tache floue alors que la gravité attirait irrésistiblement la garde vers la surface de l'eau. L'officier resta un moment là à la regarder disparaitre en un petit nuage d'écume avant de soupirer.
Enfilant son casque, il l'attacha distraitement, faisant balancer ses pieds dans le vide, observant les derniers rayons du soleil se refléter sur la surface de l'océan
-Simplement pas le même genre de joueur
Arthorias laissa le poids de son sac l'attirer en arrière, le faisant quitter progressivement le confort de son assise, avant que son centre de gravité ne finisse par l'attirer lui aussi vers le vide. Si le premier réflexe qu'il aurait pu avoir aurait été de s'agripper aux branches, il n'en fit rien. Savourant la sensation de perdre pied, l'officier laissa le vide l'appeler.
La chute fut rapide car équipé comme il l'était, son poids était conséquent.
Le vent se mit à siffler le long des plaques courbées de son armure avant que finalement, il ne se décide à activer son objet de pouvoir. Pas suffisamment pour se ralentir, simplement changer de trajectoire et profiter de sa lancée pour foncer au ras de l'eau. Sa botte effleura la surface en y laissant une petite onde alors qu'il passait au dessus de la chiraki immergée.
Étonnamment, jamais il n'avait été aussi vite et en profita pour remonter en une longue ressource qui le mit quasi au niveau de la falaise qu'ils venaient de quitter. S'entama une petite succession d'acrobatie qui ne répondaient à aucun sens de l'esthétique mais plutôt à cette sensation de liberté qu'était celle d'avoir quitté le sol.
Ce ne fut qu'une fois son amie sur le sable qu'Arthorias se laissa retomber sur le plancher des gloots, retrouvant avec une certaine déception les sensation d'une créature faite pour marcher sur ses jambes
-Mieux ? Je pense que la hauteur de chute serait bien plus importante à la Forteresse, mais il est vrai que la vue est plutôt sympa, mais je dois avouer que je trouve qu'il fait déjà bien assez chaud comme ça
Le climat était doux, et la capitale affichait rarement autant de clémence en terme de température à cette saison. Même si l'archipel se voulait encore plus agréable.
Emboutant le pas de son amie, il la devança cette fois légèrement avant d'ajouter.
-Tu vas marcher trempée tout le long ? Tu n'as pas peur d'attraper quelque chose ?
- A la Forteresse ? Je ne sais pas toi mais je ne suis pas franchement tenté par une chute sur une marre d’eau gelée… Ni de faire un plat dans la neige… Car cela la tuerait sans aucun doute. De plus si elle trouvait le temps froid ici, elle ne donnait pas cher de sa peau dans le septentrion. - Et puis finir gelée si je survis… Non je préfère mon petit bout de rocher ! Et cela malgré le fait qu’elle haïsse aussi bien la mer que le sable, sans parler des bateaux. Mais dans ce bas monde rien n’était pire que la Forteresse. « Maudit soit-elle » songea-t-elle tout en réalisant que c’était peut-être elle qui était maudite finalement…
Arthorias lui était passé devant, se laissant visiblement guidé par les indications de la garde afin de ne pas emprunter le mauvais chemin. De plus le soleil disparaissait à l’horizon un peu plus chaque minute, arriverait le moment où ils seraient dans le noir. Solveig n’était pas dérangée le moins du monde par cette perspective, sa vue lui permettait de se déplacer dans le noir sans difficulté aucune. Et si cette dernière n’avait pas été suffisamment aiguisé elle aurait pu espérer compter sur son odorat.
- Comment voudrais-tu que je fasse ? Demanda-t-elle en pouffant, laissant son corps frissonner au contact d’une brise froide. Loin d’avoir le sang chaud, la garde avait néanmoins l’habitude de ses coups de tête ; il n’était pas rare -tout le contraire même – qu’elle en subisse les conséquences. Attraper un rhume ici serait somme toute la moins pire de toutes. - Tout ira bien, nous avons de bons guérisseurs ! Par contre… Elle se mit à trottiner, dépassa le capitaine. - Je ne serais pas contre presser le pas, au moins au bastion je pourrais prendre une douche. Et elle partie d’un petit trot tranquille, faisant des allers et retour jusqu’à Arthorias de temps à autre pour s’assurer qu’elle ne le perdait pas. Pas fatiguée le moins du monde il s’avéra qu’elle commença enfin à se réchauffer.
Le trajet jusqu’au bastion fut plus court que celui qui les avait mené en haut de la falaise et pour cause, Solveig titubait moins. Une fois devant les grandes portes en bois, elle s’y adossa, croisa les bras sur sa poitrine et posa son regard dépareillé sur son supérieur.
- J’imagine que tu as une chambre d’appoint au bastion, non ? Demanda-t-elle. - Sinon, tu veux faire quelque chose ? Un nouveau frisson la parcouru, elle se résigna à lui tourner le dos pour ouvrir la porte non sans ronchonner. - Moi je vais commencer par une douche chaude et de vêtements sec ! Dit-elle en s'engouffrant dans la cour.
Le chemin du retour fut bien plus rapide, guidé par une Solveig plus que pressée de rentrer, le binôme retrouva la chemin en un temps records.
Le temps d'arriver aux portes, que la demi-chiraki n'était totalement sèche et pas totalement malade. Le vol aurait été une possibilité, mais peut être qu'il aurait mieux valut garder ça pour une autre fois. Surtout qu'avec le vent en altitude, la soldate était bonne pour passer une semaine au lit.
Et Yuduar poserait forcément des questions. Avoir un de ses éléments clé cloué au lit pour une petite soirée... Voilà qui la ficherait mal...
Le chemin jusqu'à la chambre de la demoiselle fut encore plus rapide, et dans un bastion vidé par l'horaire tardif, ils n'eurent guère à croiser d'autres personne que les courants d'air.
-Plus ou moins oui, je suppose que vous avez des chambres pour les invités, même si...
Il tira sa clé dimensionnelle de son tatouage avant de l'agiter avec un petit sourire entendu.
-Même un placard à balais me suffira !
A quoi bon demander une chambre quand vous pouviez avoir la votre avec toutes vos affaires ? Surtout quand cette dernière était parfaitement équipée...
Non mieux valait laisser la potentielle chambre à quelqu'un qui en aurait plus besoin.
L'officier déclina la proposition avec un sourire
-C'est gentil, mais je pense que t'a journée de demain ne te pardonnerai pas un nouvel écart, je vais te laisser profiter de la douche, et du repos
Merci pour la journée Sol, c'était sympa
Et, laissant la demi chiraki, à son repos, l'officier refis le chemin inverse, retrouvant le haut des remparts avec nostalgie.
Il avait un peu menti... Il ne resterai pas au bastion, car certaines nouvelles ne pouvaient attendre le lendemain. La sentinelle eut un cris de panique en le voyant sauter du haut de la tour de garde, se penchant pour voir le capitaine filer vers le portail pour la capitale.