Le reflet de Diane dans le miroir lui répondit d’un simple sourire. Devant elle des poudres, des pinceaux, des épingles s’étendaient à perte de vue. Un peu plus loin, sur son lit, se trouvait un monticule de robe. Bleues, rouges, dorées, certaines étaient dans des tons plus discret ou des matières moins nobles mais il était presque impossible de ne pas deviner que cette garde robe appartenait à une danseuse. La présence d’un trop grand nombre de paillettes aurait vendu la mèche, même a un aveugle. Ainsi, plus tôt dans la journée la jeune femme avait entreprit de trouver une tenue moins tape à l’œil mais qui ne soit pas l’un de ses ternes vêtements de domestique. La tâche avait été bien plus ardue que ce à quoi elle s’était attendu et elle avait finit par vider l’entièreté de son armoire pour enfin tomber sur une perle rare.
- Depuis quand tu as tant de chiffon ?
- Je ne compte pas sortir les froufrous et les paillettes quand je vais au marché. Rétorqua-t-elle tout en se battant avec son pinceau et son fard à joue.
Le danseur lui lança un regard acéré, haussant les sourcils en marmonnant un « tout de même... » qui ne fit même pas lever les yeux de Diane dans sa direction. A la place elle les posa sur sa fenêtre ou un gros chat roux était en train de la regarder fixement. Abandonnant sa séance de maquillage elle alla lui ouvrir et le matou ne se fit pas prier pour entrer. Il atterrit lourdement sur le sol dans un « GLONG » bruyant, émit un miaulement désinvolte et fila sur le lit recouvert de robes.
- Tu es sur que Ash ne va pas te tuer ? S’enquit Dimitri en fermant la porte.
- Ce qu’il ne sait pas ne devrait pas le déranger. Une lueur espiègle dansa dans ses yeux puis elle glissa ses doigts dans le pelage de l’animal qui se mit à ronronner. - J’ai toujours aimé les chats. Celui là traîne sur les toits depuis quelques temps déjà.
- C’est bien princesse, maintenant tu vas enfiler une robe, faire quelque chose de ta tignasse et filer à ta soirée. Non pas que ton amour des chats m’intéresse mais je te vois déjà débarquer en trombe dans ma chambre dans vingt minutes parce que tu es en retard et que tu as besoin d’aide. Or j’ai d’autres chats à fouetter, MOI.
Il l’aida ensuite à enfiler une robe en lin rouge cardinal qui ne faisait que parfaire l’assortiment avec sa peau cuivré et ses cheveux brun. Ce n’était pas pour rien que c’était l’une de ses couleurs favorites, elle lui seyait parfaitement. Ensuite, le jeune homme entreprit de démêler et tresser ses cheveux avec soin. Dimitri était issu d’une grande famille et si il avait trois petits frères il avait également quatre grandes sœurs, aussi les épingles, les brosses et les rubans à nattes n’était plus un secret pour lui depuis bien longtemps. Diane et lui se connaissait depuis un petit moment maintenant, ils avaient tout deux appartenus au Chat Noir avant sa fermeture et s’étaient retrouvés à l’Insomnie par la suite. De là ils ne s’étaient jamais plus quitté. Pourtant Dimitri ne connaissait pas les facettes de son amie, si ce n’était celle de Sakuna. Il ignorait par exemple, que ce soir, elle rejoignait des amis qui la connaissait sous le prénom de Kala et qui la pensait simple domestique.
- Voilà ! Dit-il en terminant de nouer son corset, rabattant le tissu de sa manche sur son épaule dénudée.
- Tu es un monstre d’efficacité !
- Évidemment. Maintenant met ça, il lui tendit une cape d’un gris anthracite, et file avant que les clients te voient sans ton masque. Nul doute qu’ils feraient de ta vie un enfer.
Diane était convaincue que ses paroles étaient vraies, aussi elle ne chercha pas à tergiverser plus longtemps. Elle enfila ses petites bottines en daim, attrapa le petit sac fourre-tout qu’elle emmenait presque partout et qui était usé jusqu’à la corde puis déposa une petite tape amicale sur la tête du gros chat qui la regardait s’agiter l’œil vitreux. Enfin elle s'engagea dans les escaliers et utilisa la porte arrière du cabaret pour filer à l’anglaise. Devant les portes les premiers clients se massaient déjà et elle n’avait absolument aucune envie de les croiser. Ce soir, elle allait profiter de ses amis comme elle aurait du le faire depuis toujours. La danseuse était remisée au placard pour laisser place à la jeune femme qui, elle, comptait bien profiter d’une soirée loin du cabaret mais aussi loin de la sphère guindée du palais.
« Le Gloot Frétillant » était une petite taverne au sud de la petite couronne de la capitale, loin d’être un établissement chic ce n’était pas non plus l’un des taudis que l’on pouvait trouver facilement aux abords de la ville. L’endroit réunissait plusieurs classes sociales allant de quelques nobles, à des commerçants en passant par quelques gardes qui venaient se détendre après une dure journée. Le Gloot était aussi réputé pour abriter parmi les ambiantes les plus festives et pour offrir un vin d’une qualité presque irréprochable. Diane, pour sa part, ne fréquentait quasiment que l’Insomnie. L’endroit lui paru donc un peu délabré mais elle s’en accommodait très bien. Lorsqu’elle poussa la porte d’entrée, et qu’un carillon émit un petit tintement, il lui suffit de lever le nez pour trouver la table où étaient attablés tout ses amis. Dans le fond, près d’une petite scène. A gauche en entrant se trouvait un tavernier, jovial, qui lui sourit tout en la gratifiant d’un hochement de tête polie. Elle lui répondit de la même façon et fila s’installer.
Accueillit par les rires et quelques applaudissement elle prit vite part aux festivités, gouttant allégrement ce vin qui avait une si bonne réputation. Il était loin d’égaler les grands crus que Ash ramenait du Grand Port mais pour le prix c’était tout à fait acceptable. Si acceptable qu’elle reprit rapidement un second verre. Quand enfin, après une petite trentaine de minutes, l’orchestre se mit à jouer, elle fut l’une des premières à entrer sur la piste de danse. D’habitude Diane se refusait à danser, elle craignait trop que quelqu’un puisse reconnaître la légèreté et la technique qui était propre à Sakuna. Pourtant ce soir elle avait bien décidé de profiter, et elle se fichait bien de qui pouvait la regarder. Les danses étaient bien plus festives que techniques, aussi d’aucun penserait qu’il s’agissait là simplement d’une jeune femme au pied aérien et gracieux. Promptement la table où elle était se vida, celles d’à côté également et tous se rejoignirent afin d’entamer une danse collective. L’effervescence était palpable, les cris, les chants s’élevaient, les partenaires s’échangeaient sans discontinuer, passant du bras d’un ami à celui d’un inconnu et tout le monde semblait se réjouir.
Diane exaltait, elle s’amusait comme une enfant et s’enhardissait à mesure que les pas s’accumulaient, se laissant parfois aller à quelques uns plus savant qui pouvaient attirer l’œil des badauds alentours. Enfin, de nouvelles notes s’élevèrent et elle attrapa les mains de Rita qui passait à proximité.
- Mon dieu ! N’est-ce pas la dernière danse à la mode ?
Pas le temps pour la pauvre Rita de répondre qu’elle fut entraînée de force dans le sillage de la danseuse, qui au passage se saisit du bras d’un jeune homme qui se trouvait là. « Sacré gaillard » pensa-t-elle en glissant son bras sous le sien.
- Bonjour cher ami, il nous manque un partenaire ! Joignez-vous à nous ! Et elle releva les yeux vers un torse. Un torse ? Elle fronça les sourcils et leva la tête, encore. « Diantre, ou cache-t-il son visage ? » se demanda-t-elle avant d’enfin tomber, sur ce qu’elle cherchait. - Sacré bonhomme ! Bon sinon, vous dansez ? Humm… Je sens que vous allez dire non ! Aller venez ! Je vous offrirais un verre pour me faire pardonner. Et elle le tira sans ménagement -si tant est qu’il ne lui opposa aucune résistance- en direction de la piste de danse
'' Mais ouais, bien sur ! On va où du coup ?! ''
Le Gloot Frétillant. C'est là qu'ils s'étaient donnés rendez-vous. Un nom bien singulier pour une taverne qui ne l'était pas du tout. Des comme ça, on en retrouve plusieurs dans les abords de la capitale, des genres neutres, pas assez classe pour attirer le gratin de la capitale et ses alentours, mais pas assez délabrée pour que les gardes aient l'impression d'y travailler en tentant, vainement, d'y faire respecter un semblant de loi, transformant une ambiance qui s'était voulue détendue et bonne enfant en un simple rappel au travail qu'ils ont à effectuer tous les jours. Non pas que le métier est désagréable, mais la garde en a déjà assez sur les bras pour faire des heures supplémentaires, qui ne seront dans tous les cas aucunement rémunérées, et encore moins remerciées. De toutes façons, il s'agissait d'un bon choix. A l'Insomnie, l'ambiance est presque trop pesante, sérieuse et impériale pour que les gardes s'y sentent à l'aise, et dans les bas fonds, ce sont les autres qui ne sont pas mis à l'aise par la présence de bourrus alcoolisés et bruyants qui se prennent pour les grands décisionnaires de la loi d'Aryon.
Cependant, avant de rejoindre ses anciens collègues, il faudra qu'il repasse chez lui se changer. Ancien collègues ? Oui, c'est des gardes postés dans la partie Sud de la capitale qu'il a croisés pendant sa ronde qui l'avait invité. Des personnes adorables -quoiqu'un peu portés sur la boisson- avait qui il avait la chance de servir, et même de vivre, les gardes étant à plus de quatre-vingt-dix pour cent logés en chambrées dans la caserne, ce qui forcément crée des liens relativement uniques entre les servants de la cité.
Ainsi finit sa ronde, et par extension son service. Le chemin qu'il prenait pour rentrer chez lui était calme, des enfants couraient dans les rues, criant ''Piou !'' à son passage. Il a cette réputation de paradoxalement aimer les gosses, alors qu'ils ont tout l'inverse du caractère que Hryfin apprécie. Sans doutes de côté innocent et sympathique qu'il apprécie, raisons pour lesquelles il se retrouve souvent à jouer avec eux, parfois les amuser avec ses transformations physiques singulières. Il se contenta de quelques mots et de partager quelques éclats de rire avec eux, sans pour autant s'arrêter. Tout le monde savait comment cela finirait autrement, il ne verrait pas le temps passer et resterait des heures à faire des courses poursuites dans la rue. Pas ce soir. Ce soir, il avait des gens à retrouver. Et un bout de chemin à faire, la couronne Sud, c'est pas la porte à côté de chez lui.
Rentré, il se défit de tout son attirail de garde. Savoir avec quel vêtements il allait sortir était tout un rituel pour Hryfin, et des plus faciles s'il en est, car malgré les quelques tenues qu'il a, il se rabat souvent sur la même chose. A part occasions exceptionnelles, il restait toujours très simple, une chemise blanche légère avec un veston par dessus pour le haut, Hryfin n'étant pas le type de personne à craindre les intempéries et les températures. Un pantalon noir tout ce qui a de plus classique, son style vestimentaire est proche du néant. La seule chose qui peut à la limite le démarquer est au plus bas de son corps ; aux pieds, souvent de lourdes chaussures noires. C'est donc la tenue avec laquelle il sortirait ce soir, après s'être rapidement débarbouillé et apprêté, ce qui pour lui signifie avoir des cheveux un peu moins en bataille que d'habitude.
L'atmosphère de nuit dans la capitale est des plus hétéroclites, surtout dans cette partie, un peu au Sud. En traversant les ponts et les rues, on voyait de tout. Des gens qui travaillent encore inlassablement, alors que les faibles lumières des domiciles s'allument car d'autres rentrent chez eux. Ces gardes qui, contrairement à lui, doivent effectuer ce soir une ronde de nuit, avec tout le froid et la monotonie que cela apporte, pendant que d'autres comme lui partent pour une nuit de repos qui s'annonce des moins lucratives. Il fouilla dans sa petite sacoche, qu'il emportait toujours quand il sortait de chez lui en civil, disons. Il avait ce qu'il fallait en cristaux, et quelques petits trucs qui traînaient de ça de là, comme un carnet ou un bout de tissu. Encore quelques pas, et il arriverait à destination. Il pouvait d'ici entendre les bruits de taverne, véritables nuisances sonores pour certains, un bruit bien agréable pour lui.
Il poussa la porte du Gloot Frétillant, faisant tinter une petite clochette qu'il manqua de se prendre. Comme pour chez lui, la plupart des endroits à Aryon ne sont pas adaptés à sa taille. A son entrée, personne n'arrêta sa vie, mais tous l'avait remarqué. Comme toujours. Vivement qu'il aille s'asseoir, dissiper un peu cette différence. Et ça tombe bien, une table était plutôt agitée et bruyante, plus que les autres, bien que la salle était animée, moultes tables étaient occupées de personnes de tous horizons, la majeure partie des bons vivants. Légèrement excentrée, proche de la scène, les personnes installées à cette table faisaient de grands signes à Hryfin. Il commença à s'y diriger, saluant de la tête le tenancier juste à sa gauche. Ses pas lourds résonnaient dans le sol, et il finit par s'attabler. A peine assit qu'on lui tendit un verre.
'' A la garde ; aux permissions ; aux bons vins ! ''
''Pas cher''. Il avait oublié d'ajouter ''pas cher''. Après, pour l'avoir descendu d'une traite, oui, c'était aussi du bon vin. Les gens entraient, la taverne commençait lentement à se remplir. On s'approchait de l'arrivée de l'orchestre et de la musique, on en était qu'au prélude, les gens qui s'humidifient assez le gosier pour trouver l'amusement, et parfois le courage de se rendre à la piste de danse une fois que la musique remplirait la taverne. Alors qu'il en était déjà à son quatrième verre, on lui tapa vaillamment sur l'épaule. ''Pas mal, non ?''. Une femme venait de rentrer dans la taverne. Oui, belle serait un mot pour la décrire. Un teint hâlé, petite de taille, une attitude qui paraissait altière, presque hautaine, mais étonnement sans paraître suffisante. Et surtout, gracieuse et magnifiquement apprêtée. Tel le dernier des mufles, Hryfin se tourna vers ses amis, hausse les épaules dans une petite moue, ce qui déclencha rires et levers de verres. Des verres, il lui en faudrait au jeune garde, pour ne serais-ce que commencer à se sentir bien, tout ceci étant toujours dû à sa stature. Il l'avait néanmoins surveillée du coin de l’œil.
Et là, le drame, en tout cas pour lui : l'orchestre se mit à jouer. Les gens se mirent à se lever, chanter, et surtout, danser. Il n'a jamais aimé danser, la danse le lui rendait bien, un énorme pataud. Comme la majorité des autres personnes de sa table, ce qui expliquait sa position excentrée, même si certains d'entre eux s'étaient tout de même levés pour se joindre à cette danse collective. Lui était toujours assit, sirotant le vin, qui descendait bien vite, appréhendant le moment où ce serait à lui de régler et régaler les autres. Autant s'y mettre maintenant, tant que certains d'entre eux sont occupés à se déhancher.
Sa première erreur était d'avoir voulu recommander du vin. La deuxième, de s'être levé pour ça. La troisième, de marcher un peu moins droit que de convenance, et d'être donc passé trop près d'un groupe de personnes un peu trop extatiques. L'ultime erreur, de s'être laissé entraîner par manque d'équilibre. De sa hauteur, il pouvait toiser la personne qui venait de le chopper. Oh, la femme qui était rentrée précédemment. Oui, bonjour. Un partenaire manquant ? Ah, quel dommage ! Se joindre à eux ? Sans. Façons. Mais ce n'est pas comme s'il avait eu le choix, vu comment il s'était fait tirer sur la piste de danse. Sacré bonhomme, sacré bout de femme surtout pour le prendre ainsi par le bras ! Elle dût sentir qu'elle n'avait plus à tirer si fort pour convaincre le garde, puisqu'il commença à l'accompagner de lui même.
'' Allez, dansons, pour une fois ! Penses pas que j'oublierais pour le verre ! ''
La contrepartie était vraiment la chose qui l'avait attiré jusque là. Même après les verres qu'il s'est déjà enfilés, il a encore de quoi encaisser. Alors. Passons à la partie danser. Vraiment ridicule comme scène. Un mec qui sait pas danser, ça peut passer, ça peut être discret. Un grand bonhomme de deux mètres, qui se déplace avec la grâce d'un crapaureau, ça passe pas inaperçu. Ajouter à ce mélange les ravages de l'alcool, vous avez juste un lourd qui gesticule, bousculant certains, marchant sur d'autres, alors qu'il lui semblait entendre de loin, venant de sa table d'origine, des encouragements à base de ''HRYFIN, HRYFIN, HRYFIN !'' se mêler aux autres bruits de la taverne, les sons rebondissants sourdement sur les murs. Encouragé car il est un peu le gage bonne ambiance de la tablée. Et car ils l'ont vu se faire traîner par une jolie dame. Mais ça lui était égal, d'être maladroit. Un sourire lui barrait le visage, il s'amusait malgré tout.
Un ralentissement de la musique. Un arrêt. Les musiciens faisaient une légère pause, allaient changer le registre. Un relâchement qui lui permit de s'extirper de la piste et de rejoindre sa table, avec les autres. Vite. Boire. Il se servit un verre qu'il s'enfila rapidement, ne prenant même pas le temps de s'asseoir. L'assemblée s'amusait énormément, certains parodiant les mouvements aléatoires de Hryfin sur la piste. Autour de lui, certains le regardait mal ; les victimes de ses écrasements de pieds et coups de coude. Debout à côté du garde qui lui avait auparavant indiqué l'entrée de la danseuse, ce dernier lui mit un coup de coude dans les côtes.
'' Bah alors Hryfin ? On s'est fait r'caler par la ptite belle ? Après, vu tes mouvements, même le plus brave des dragons aurait fuit ! ''
Des rires encore une fois, même celui de Hryfin. Après, il venait de s'attaquer à son honneur, mine de rien. Sourire au lèvres, regard malicieux, le grand garde devait rabattre le caquet de ces jeunes provocateurs et ces anciens taquins. Un dernier verre, celui du courage, et il tourna le dos à sa compagnie. Il chercha du regard sa partenaire de danse. Là ! Assise, à une table avec des amis, impatiente de la reprise de la musique. Elle était dos à lui pour l'instant. Il s'approcha tranquillement, autant que sa démarche sinueuse et son physique imposant lui permettait. Il se positionna à sa droite, dut beaucoup tendre les jambes et s'arquer difficilement pour pouvoir poser ses coudes sur la table, juste à côté de cette mystérieuse femme. Ainsi positionné, il tourna de quelques degrés la tête vers elle, de façon à la voir du coin de l’œil, afin de ne pas passer pour le taré qui te regarde droit dans les yeux à une distance d'environ vingt centimètres de son visage. Pas que l'espace était réduit. C'est lui qu'est trop large.
'' Bon. J'ai dansé, si on peut dire. Tu me devais pas quelque chose ? Un verre, par exemple ? ''
Yeux à moitié clos, sourire aux lèvres, il attendait une réponse ou une réaction. Autour de la tablée, ses amis parlaient en messes basses, quelques petits rires, rien de méchant ou moqueur, selon lui en tout cas. Il commençait déjà à avoir les idées un peu moins claires, le moment où tout peut basculer, quand l'issue de la soirée ne se résume qu'à un tout petit verre qui pourrait tout changer. Et ce petit verre, ce ne sera pas à lui de le payer, ce soir. Il œilla rapidement vers ses collègues, qui lui sourirent et levèrent leurs choppes en signe d'encouragement.
- Tu as survécu ? Demanda la petite blonde, le visage posé entre ses mains en coupe. Même si elle ne disait rien de plus son regard se suffisait à lui même.
- Mieux que toi, visiblement. Railla Diane en attrapant le verre qu’elle avait abandonné auparavant, il ne restait plus qu’une gorgée qu’elle ne laissa pas éventer plus longtemps. Fermant les yeux, elle se délecta du breuvage puis reposa le verre et croisa les jambes.
Autour de la table les discussions allaient bon train, certains revoyaient leur emploi du temps du lendemain tandis que d’autres s’échangeaient les derniers ragots en vogue au sein du palais, et ils étaient nombreux. Cela allait des sorties suspectes du capitaine fantasque en petite tenue, aux fréquentations douteuses de la première ministre en passant par les amourettes aussi nombreuses qu’improbables du capitaine de la garde royale. Il était d’ailleurs fréquent que certaines domestiques tente de faire du gringue au grand Arthorias dans l’espoir d’attirer son attention. Se faire remarquer par un homme de sa stature serait l’équivalent d’une grosse cerise sur un énorme gâteau pour les petites gens comme eux, Diane aurait bien été en mesure d’en faire de même. Cependant les raisons auraient été toutes différentes -avoir sous sa coupe un capitaine de la garde, qu’elle soit civile ou royale était toujours un atout lorsque l’on était issu de la cabale- et si elle n’exécrait pas aussi farouchement les soldats dans leur intégralité.
- Euh… Kala… ? Rita lui décocha un désagréable coup de coude dans les côtes, les yeux grands ronds comme des billes. Les conversations s’étaient déjà tues et les yeux de ses camarades faisait des allers et retours incessant sur sa droite.
- Quoi ? Finit-elle par demander avant qu’une voix ne la fasse sursauter, tant et si bien qu’elle manqua de tomber de sa chaise. D’un mouvement vif elle se tourna en direction de la personne qui, malgré une stature toujours aussi imposante avait réussit à se glisser à ses côtés en toute discrétion. Ou peut-être était-elle un peu trop aviné ? Toujours est-il que de l’effarement son air devint enjoué. Telle une enfant elle tapa dans ses mains. - OH ! Vous ici ! Je croyais vous avoir égaré ! Pas que vous soyez difficile à retrouver mais il faut croire que malgré votre euh… Elle se pencha afin d’observer sa largeur -digne d’un bœuf- dans toute son entièreté. - Comment diantre un homme peut-il être aussi grand ? Vos parents doivent-être des géants, non ? Où est-ce votre pouvoir ? Un pouvoir un peu ridicule cela dit, être grand… Quoi que je dois admettre que pour vous saisir des bocaux en hauteur vous devez être un atout…
- Moi c’est un autre atout que je vois chez lui… Rita avait passé la tête par dessus l’épaule de la brune et lorgnait le visage de l’invité surprise.
- Lequel ?
- Je ne sais pas. Tout est proportionnel chez lui ?
- Oh… Fit Diane d’un air concentré. - Je ne suis pas sûre que ce dont tu parles soit véritablement un atout en toute circonstance. Dans les vestiaires sans doute, dans l’intimité… Elle grimaça.
- Maintenant que tu le dis…
- Enfin, revenons en a nos bouctons ! Elle se leva, se faufilant entre le brun et la chaise puis attrapa sa main pour le guider à sa suite. La musique n’avait -par chance- pas encore reprit, aussi les allées de la taverne jusqu’au bar étaient-elles relativement dégagées et il n’était pas totalement impossible de dialoguer. - Désolé de vous trimballer ainsi mais Rita est bavarde, elle aurait tôt fait de vous mettre à nu. Vous et votre vie privée. Ce qui ne serait pas totalement déplaisant mais je gage que cela pourrait vous déranger. Elle lui lança un regard en coin tout en souriant, taquine. En quelques enjambées ils parvinrent au comptoir.
- Commandez ce que vous voulez, vous avez dansé après tout. D’ailleurs, avez vous songé à prendre des cours ? La taille n’est pas prétexte à la maladresse vous savez ! Mais bon, j’imagine que vous n’êtes pas là pour ça. Elle lui tendit la main qui l’avait relâché quelques instant plus tôt. - Quitte à partager un verre, autant faire les choses presque bien, on m’appelle Kala ! Quel est donc le nom du grand crapaudeau qui m’a fait office de partenaire de danse ? Ses yeux allèrent chercher -non sans lever la tête – ceux de son vis à vis, tout aussi rieurs que le reste de son minois.
- Je prendrais un verre de vin. Annonça-t-elle au tavernier lorsqu’il s’arrêta à leur hauteur.
Par contre, cette fille avait eu, pendant quelques temps, un air effrayé avant de recouvrer un visage plus sympathique. Cet ascenseur émotionnel qu'elle venait de faire vivre au garde lui fit lâcher une petite moue. Et comme d'habitude, le sujet premier revenait de nouveau à sa taille. Non mais sérieusement. Non, ses parents n'étaient pas si grand, pas autant que les siens étaient...Bon, il trouvera un caractère physique évident sur elle plus tard -car beaux, c'est trop facile. Ils avaient une taille normale. Tout comme sa sœur et son frère. C'est le seul colosse de la famille Danvil, à ce qu'il sache. Sauf si un de ses oncles ou tante cache un enfant de deux mètres dix. Par contre, c'est bien la première fois qu'on se demande si cela peut-être son pouvoir ! Alors qu'elle vient de le dire elle même, avoir un pouvoir qui fait qu'on est juste grand, il aurait pas gagné à la loterie. Par contre, pas compris pour les bocaux ? Ils ont quoi à voir là dedans ?
C'est son amie, dont il avait aucune idée du nom, qui prit la parole en première. Ce serait mentir que dire qu'il avait suivit la conversation de manière assidue, car il passa quelques secondes à analyser le mot ''pro-por-tion-nel'' afin d'en comprendre le sens. Enfin, surtout dans le contexte. Il est grand, oui, mais proportions de quoi ? Oh. OH. Alors, oui, c'est grâce au côté ''vestiaires'' qu'il comprit de quoi elles parlaient. De, genre, sous la ceinture. Il ricana, à la fois presque gêné et flatté, enfin, si il avait bien saisi les propos de l'accompagnante. Justement, cette atmosphère machiste à la caserne ne l'a jamais impacté. Comparé à d'autres, il a jamais été taquiné sur, hm, CA. Il pensait que c'était car ils avaient peur de se faire balayer par le grand. Il s'agissait peut-être du fait que, comparé à d'autres, il n'ait pas à se plaindre de ce côté là ? Il prit un petit sourire, et pointa du doigt la copine de sa nouvelle connaissance.
'' Alors, justement, en parlant de ça, c'est vrai que c'eeeeeeeeeessst hémékesstufé ? ''
Il a même pas pu finir de se vanter -si tout est que c'est un motif digne d'être flatté, qu'il commençait à se faire entraîner. Alors, déjà, fallait pas que ça commence à devenir une habitude, il va finir par juste devenir un caillou et arrêter de suivre les gens, quitte à ce qu'ils se disloquent l'épaule en tentant de le délocaliser. Elle a parlé de bouctons ou il a rêvé ? Elle veut lui montrer des bouctons ? La discussion commençait à tourner autour d'un sujet qu'il n'aborde avec des inconnues normalement qu'après encore quelques verres. C'est codé, elle parlait de ses bouctons ? Dans tous les cas, il apprit surtout que l'autre femme s'appelait Rita, et qu'elle voulait le mettre tout nu, ou un truc du genre. Non pas que la taverne était trop bruyante, même si les tablées continuaient à produire des bruits de verres, rires et parfois, insultes, quand on se moque pas de ce qui aurait pu arriver à certaines personnes. Un regard perdu vers la table de ses collègues, qui avaient juste l'air dégoûtés que Hryfin, lui, passe un moment encore meilleur que le leur. Ça se discute. Par contre, il sentait bien que la danseuse voulait le taquiner, l'embêter. Bon, essayons de rentrer dans ce jeu, même s'il n'est pas le plus subtil ou fin.
'' Ouais, bah la Rita, elle est bien directe en tout cas. ''
Yes. Très smooth, Hryfin. Ça, ça a du faire mouche, quelle ferveur d'esprit, une éloquence hors du commun. Il a même pas encore l'excuse d'être assez alcoolisé pour sortir des choses aussi intellectuellement limitées. Ils se posèrent donc au comptoir, pas loin de l'entrée donc. Bon plan, à tout moment gênant, n'importe lequel des deux pourra fuir aussi rapidement que possible. Après, visiblement, elle avait l'air plutôt ouverte au garde royal, déjà, honorable, elle paye son verre. Une femme de parole au moins, un bon point qui lui plaît.
'' Houla, des cours de danse ? Jpenses que c'est pas dans les compétences de n'importe qui, même pas des tie-votres ! ''
Comparé à sa famille, le châtain est resté authentique. Un naturel simple, ou il pourrait tutoyer tout le monde. Une épreuve parfois difficile en fonction, il aimerait ne pas suivre ces protocoles, respecter ces étiquettes. Au moins à l'extérieur. Mais il respecte l'autre, il avait commencé à la tutoyer, mais face à son instance à le vouvoyer, il se ferait éventuellement violence jusqu'à craquer encore une fois. Dans tous les cas, jamais il ne craquerait pour des cours de danse ; c'est ni dans ses cordes, ni dans ses plans. Lorsqu'elle lui tendit la main, il leva un sourcil. Original. Mais d'une grande simplicité. Il s'est demandé pendant quelques secondes ; si c'était quelqu'un, une ''lady'', c'est pas censé être le baise-main le salut officiel ? Allez, on s'embête pas. Il lui serra quand même la main précautionneusement, elle à un côté grâcieuse et fragile, il ne voudrait pas lui briser les phalanges. Et elle se présenta enfin sous le prénom de Kala. Au moins, c'est facile à retenir. Sans doutes à écrire aussi.
'' Hryfin, Hryfin Danvil. Merci pour le verre en tout cas ! ''
C'est à ce moment là que le tavernier passa à leur niveau. Il décida de délibérément ignorer le regard de Kala, il sentait très bien que ses prestations, si ce nom est encore approprié, de danseur n'avaient pas été très appréciées. Alors qu'elle commanda un verre de vin, lui en avait déjà consommé pas mal. Pas qu'il soit à saturation, mais trop d'un seul breuvage, c'est d'un ennui, d'une monotonie. Mais il allait quand même continuer tranquillement, la nuit commence seulement.
'' Une bière. Grande. ''
Le tavernier leur fit comprendre, d'un signe de tête, qu'il avait bien prit en compte la commande et parti pour les servir tantôt. Assit sur son tabouret, il détourna quelques temps le regard de son ancienne partenaire de danse pour parcourir la salle des yeux, principalement deux tables, son ancienne table et celle de Kala. Sur celle de Kala, quelques personnes riaient, dont la fameuse Rita. Un groupe plutôt homogène, des gens qui viennent juste prendre un peu de bon temps dans une ambiance détendue. Par contre, sa table. La jungle. Une ménagerie, ça gueule, ça boit, ça rit fort. Aucun jugement cependant ; il en fait partie aussi habituellement. C'est le moindre mal, c'est la manière la plus gentillette pour que les gardes, parfois sous tension et surchargés, relâchent la pression. . Après, oui, il a juste des piliers de bar qui font partie des meubles et sont purement là pour la bouffe et l'alcool, et plus souvent que souhaitable. Certains avaient vu que Hryfin les observait, et lui lançaient des pouces en l'air et lui faisant des mouvements ; ''retourne toi, idiot !''. Il n'émit qu'un soupir en remarquant que certains manquaient à la table ; car ils tentaient de faire ''ami-ami'' avec d'autres gens autour, dérangeant plus qu'autre chose. Le timing fît que le tavernier posa les boissons au moment ou il se retourna vers Kala. Il prit sa choppe, et regarda la dame dans les yeux, et tendit sa bière pour trinquer.
'' A mes talents de danseur ! ''
D'une traite, il s'enfila environ la moitié de la choppe avant de la reposer sur le bar.
'' Enfin, plutôt aux tie-votres. C'était exemplaire ! Ça se voit que c'est pas la première fois. ''
Il rit en pensant à la différence abyssale de niveau qu'il y avait entre eux deux. Après c'est pas difficile d'être meilleur que le pire. Il dévisageait sa voisine en souriant, puis se mit à finir sa bière d'une autre traite. Il poussa légèrement sa choppe, une fois l'attention du tavernier captée, il tapa à côté de sa choppe, signe universel pour ''Une autre !''.
'' Oui, oui, t'en fait pas, celle là est pour moi. ''
Bien qu'à son humble avis, cela n'aurait pas gêné Kala de régler, elle avait limite l'air plus fortunée que lui, rien qu'à voir à son accoutrement, qu'il était en train de regarder de bas en haut, elle savait s'apprêter et surtout, pouvait s'apprêter. Mais il n'en dira mot. En parlant de mot, il venait de tutoyer là, non ? Eh, flemme de se reprendre. Si ça l'offusque, ça l'offusque, il aura qu'à se lever et faire le lourd avec ses collègues. Qui n'auront bientôt plus les moyens de traîner de tables en tables, puisque l'annonce vient d'être faite que la musique reprendrait bientôt. Sa tête bougea toute seule et rapidement, son regard bleu implorant se planta dans le regard chafouin de Kala.
'' Oh non, s'il te plaît, non. ''
Et ça venait du cœur. Il avait tout donné pour sa minable performance, il supporterait pas de torturer une nouvelle fois cette assemblée de ses pas tremblants et assurés, et à vrai dire, il appréciait le côté intimiste et personnel du tabouret de bar, plutôt qu'assit à une tablée. En vrai, tout dépend. Seul, il ne resterait pas ici. Mais bien accompagné, sans soucis. Il pressentait qu'il ne l'emporterait sans doutes pas face à la fougue de la femme.
Une fois leur commande prise en compte, le tavernier les gratifias d’un signe de tête et disparu quelque part à la périphérie de son regard qui lui même venait se poser sur la salle. Ce qu’elle vit n’avait rien d’un tableau extraordinaire, la taverne regorgeait de vie -presque trop- mais dans l’ensemble les clients étaient supportables. Sauf peut-être une table plus criarde que les autres, mais était-ce vraiment peu commun dans ce genre d’endroit ? En tout cas si ils souhaitaient communiquer avec son compagnon discrètement c’était raté, sans chercher à le remarquer elle avait pourtant parfaitement perçu les indiscrétions de ses camarades. Au contraire de Rita, qui s’était tout à fait désintéressée de ce qui pouvait bien leur arriver. Toutefois, elle était prête à parier que comme toute bonne domestique, elle faisait preuve de discrétion afin d’observer à son aise et ne manquerait pas de réclamer les informations qu’il lui manquait dès que Hryfin tournerait le dos. Peut-être même que si ils retournaient à la table elle les lui demanderait directement. Ce qui pourrait s’avérer très drôle, songea Diane tout en imaginant la petite blonde jeter tout son dévolu sur le mastodonte que représentait son camarade.
- A vos talents de buveur… Répondit Diane après avoir trinqué, arquant à son tour un sourcil en voyant la moitié de la bière disparaître comme par magie. Elle eut tout juste le temps de prendre une longue gorgée de vin que le reste avait disparu. A ce moment là elle se félicita d’avoir trinqué à ses talents d’arsouille et non à ceux de danse. Vraisemblablement il était bien meilleur dans l’un que dans l’autre. Voyant qu’il reposait sa choppe et recommandait même, elle commença par le fusiller du regard prête à l’insulter entre autre de goujat. Ce n’était pas question de finance, sans être riche Diane vivait confortablement, mais par principe. Quand il s’avéra qu’il ne le fut pas autant que prévu, elle se détendit.
- Parfait ! Un sourire satisfait éclaira ses traits. Et il ne fit que s’agrandir lorsque le héraut annonça la reprise de la musique. Immédiatement elle avait tourné les yeux en direction de Hryfin. Allait-elle remettre une couche à sa torture ou au contraire se montrer généreuse et le laisser en paix ? Elle même ne savait pas vraiment. Du moins jusqu’à ce qu’il l’implore, à cet instant précis la réponse se fit évidence.
- Oh si. Le tavernier ne reviendra pas avant un moment de toute façon ! Étrangement, le retour de la musique avait fait fuir masse de courageux hommes qui s’agglutinaient au comptoir. Profitant de la masse corporelle de son compagnon elle se glissa dans son dos et attendit que la foule eut finit de s’amonceler. - Vous allez voir je vais vous apprendre quelques pas, la prochaine fois qu’une femme vous invitera à danser vous n’aurez pas l’air d’un crapaud sur une boite d’allumette ! Rassurez vous, vous pourrez retourner boire ensuite. On pourra même faire un concours de boisson si vous y tenez. Annonça-t-elle fièrement d’un air guilleret. Nul doute que si elle avait été plus sobre, elle n’aurait jamais proposée d’idiotie pareille. Enfin pour l’heure il y avait plus important, comme apprendre au géant quelques pas simple. S’extirpant de la foule, elle l’invita à le suivre dans la zone ou étaient tout les danseurs.
- Prenez mon bras. Elle prit sa main et la passa à son bras. - Maintenant vous faites deux pas dans ce sens, deux dans l’autre. Puis vous tournez dans le sens des aiguilles d’une montre et vous recommencez encore. C’est une danse simple ! Et populaire ! A force de répétition elle obligea Hryfin à danser au rythme de la musique. De nouveau elle s’amusa malgré la simplicité enfantine de l’enchaînement. Enfin, lorsque la musique ce tut elle relâcha sa victime. A ce rythme le prendre en otage allait devenir une habitude.
- Tiens. Je crois que ce cher tavernier est enfin venu à bout de la vague de couard ! Dit-elle en pouffant tandis que ledit gérant déposait de nouveau une bière et -oh déesse merci – un verre de vin. - Aller venez, votre supplique à été entendue, il est temps de faire part belle et de laissez place à votre… Talent. Elle retint de justesse un rire moqueur et invita d’un air théâtral Hryfin à passer devant. Non pas par politesse ou pour observer son fessier qui somme toute paraissait parfaitement musclé mais parce qu’il était bien plus aisé de se balader dans le sillage d’un gorille que devant.
Quand enfin ils regagnèrent leur petit bout de comptoir, qui part miracle demeurait libre, Diane prit son verre et se tourna vers la salle.
- Que diriez-vous d’un jeu. Un sourire en coin elle poursuivit. - Boire pour boire est moins satisfaisant, alors que diriez-vous du jeu des vérités ? Il est simple, j’affirme quelque chose à votre sujet. Si j’ai raison vous buvez ! Par exemple… Elle lorgna un moment avant faire tinter son ongle contre son verre. - Vous n’êtes pas noble. Qui a dit qu’elle allait jouer à la loyale ?
Petit bourrique, oui. Elle l'avait encore entraîné, toute heureuse, pour danser, alors que justement, plus de courageux s'arrachaient le comptoir qu'autre chose. Des restants pour danser, seuls les plus motivés et braves étaient encore là. Pour le coup, il était ni l'un, ni l'autre, et faisait donc partie d'une toute autre catégorie : les obligés. On pourrait même le mettre au singulier, il était le seul golgoth traîné par le bras par une personne un tiers plus petite que lui, et qui devait bien faire un tiers de son poids également. L'argument était des plus douteux et fallacieux, à part actuellement vu sa condition d'otage de la danse, jamais il n'a dansé et jamais il ne dansera avec une autre femme. Sa simple carrure et deux pas de danse suffisent à faire fuir toute inconsciente ayant eu l'idée de le bouger un peu, ce qui classe tout de suite Kala dans la case des gens à qui il en manque justement une. Le concours de boisson ? Plusieurs gardes s'y sont déjà cassé les dents. Pas mal d'aventuriers, aussi.
Kala avait indéniablement un certain talent pour la danse, même après quelques verres, car Hryfin en ayant encore plus à son compteur, il aurait dût être encore pire que précédemment. Mais guidé par la danseuse, lui même se sentait plus gracieux et léger, presque impressionné qu'il arrive à aligner deux pas, même mieux, à s'améliorer avec les minutes. Il n'avait qu'à moitié conscience de la simplicité enfantine du mouvement qu'elle lui faisait répéter, qu'importe, il profitait du rythme de la musique, de la présence de Kala et de ce simple moment, qu'il n'aurait jamais eu avec un ou une autre garde, on ne peut leur retirer leur côté bourru. Ils sont bourrus car ils sont gardes, ou gardes parce qu'ils sont bourrus ? Dans son cas, les deux. Autour d'eux, les danseurs se donnaient aussi, certains les regardait, enfin, non, pas lui, mais sa compagne. Et du coup, tout le monde se mettait à faire les même pas, tentant de manière convaincante de respecter le même tempo, étrange copie située entre respect de la musique et imitation de Kala. Même certains de ses comparses étaient en train de s'y essayer, à sa plus grande surprise, mais sa concentration restait entière, son regard naviguant de haut en bas, tantôt planté dans les yeux de sa partenaire, tantôt vers le bas, être sur de ne pas lui écraser un pied, ou ne pas rentrer dans quelqu'un. Aucunement besoin, en vrai, tant elle gérait tout. Faisant confiance qu'à lui même, il ne pouvait cependant s'en empêcher.
La déception était presque palpable quand, au final, le volume de la musique partait decrescendo, jusqu'à la halte totale. Moment ou Hryfin était finalement enfin libre de ses mouvements. Tout le monde rejoignait sa table. Elle fit rapidement comprendre à Hryfin qu'ils pouvaient enfin rejoindre leur petit bout de comptoir, qu'ils avaient campés juste avant l'interlude musicale. En globalité, les gens étaient plus calmes, apaisés. Certains étaient déjà partis. C'est clair que la danse, ça fatigue quiconque n'en a pas l'habitude, ou dont le cardio a été ruiné par des années passées derrière son pupitre à se pencher sur ses comptes. Ou les vieilles blessures, dues à des expéditions qui ne se sont toujours pas forcément bien passées. Devant, il servait de pare buffle pour la personne derrière lui. Assis, leurs boissons étaient prêtes. Si son talent n'était que de boire, sa vie serait quand même bien triste. Il sourit.
'' C'est plus une questions de, euh, physique et de corps que de talent. ''
Zzz, plus terre à terre, tu meurs. Rien d'autre de cinglant ou d'un quelconque intérêt dans tous les cas. Imaginez tel est votre pouvoir ? Désinhibition totale, impossible de souffrir des effets de l'alcool. Pourquoi en boire alors ? Au moins les trois quarts des gens ne boivent pas ce genre de liquide pour le goût, mais pour l'euphorie que cela provoque. Il allait se mettre à siroter sa boisson, quand les paroles de Kala l'interrompirent indirectement. Ah oui, le fameux jeux. Donc, il faut dire ce que l'on penses d'une ou sur une personne, et si on a raison, la personne boit ? Ça lui va. Il avait acquiescé d'un signe de tête, jusqu'à ce qu'elle lui dise qu'il n'était pas noble. Il resta quelques secondes, tête baissée, les doigts de sa main gauche pianotant contre le comptoir, alors que se main droite serrait sa boisson. Oui, Hryfin, alors, t'es noble ? On parle techniquement hein, sur papier. Officiellement. Pas ton pauvre ressenti. Il commença par un soupir, puis un ricanement, enfin un rire franc. Il leva son verre, puis le reposa aussitôt. Il observa de nouveau Kala. Puis lui même. Ouais, il avait clairement pas l'air d'un noble. Elle est tombée dans un sacré panneau.
'' Raté, fils aîné de la famille Danvil. Enfin, garçon. Y'a ma grande sœur. '' Visiblement, elle ne devait pas connaître sa famille. Il s'était bien présenté en tant que ''Danvil'', pourtant. Il fît un clin d’œil à Kala. '' Après, n'est pas nobles depuis bien beaucoup de temps. Et je me considère pas noble. Donc, si tu veux bien, abandonne le vouvoiement avec moi. Ca me met un d'ces malaises... ''
Il n'était pas fan du vouvoiement, lui qui avait le tutoiement si facile. Bon, dans tous les cas, ça allait être son tour. Du coup, le but du jeu était double. Apprendre à connaître la personne, c'est louable, c'est bien. Par contre, le faire en voulant la rendre alcoolisé, c'est rigolo, c'est mal. Une dualité qui fait bien sourire le jeune homme. Imitant Kala, il se tourna de façon a être face à la salle. Poser des questions sur n'importe qui ne sera pas utile. Sur la tablée de la petite femme, peut-être ? Lui dire quelque chose comme ''cette petite blonde là bas est célibataire'' ? Pas plus intéressé que ça.
'' Bon, bon, qu'est ce que je vais bien pouvoir te trouver... ''
Très peu de temps après, deux personnes qui étaient à la table de Hryfin s'approchaient de lui. Deux gardes, du coup. Bien alcoolisés, marchant plus très droit. Encore une gêne pour lui, ca n'attendait rien de bon. Il pivota que très légèrement sur son siège, pour pouvoir faire face aux deux approchants. Ils riaient, parlaient fort. Tout comme les autres, encore attablés. Tic et tac se postèrent devant lui, silencieux de prime abord. Puis ils observaient Kala, à côté le lui. Quelques rires. Hryfin croisa les bras, haussa un sourcil.
'' Euh, du coup, Ryf, nous qu'est on y va, qué qu'on prend tôt lservice d'demain. Donc, euh, passe n'agréable...Soirée, nuit, hein ! ''
Ils pouffèrent, et vu leurs tentatives infructueuses de ne pas repartir seuls ce soir -il y a plus de nobles dérangés par eux que de citoyens respectables quand même là dedans-, ils voulaient, au choix, maladroitement l'encourager où lui ruiner son pseudo plan. Sauf qui lui en a cure, de tout ça. Quand il les accompagne, justement, il est avec les anciens qui restent attablés à se moquer de tous ces jeunots qui cherchent les problèmes, une compagnie d'un soir ou des histoires. Il se contenta d'ignorer tout ça, et d'un geste de la main, comme pour balayer leurs paroles, il leur montra la porte.
'' Rentrez les gars. 'serez pas en état demain. ''
Avant de partir, ils firent un maladroit salut de garde, que Hryfin prit en compte d'un simple signe de tête, puis les deux les dépassèrent. En vrai, ils lui avait donné une très bonne idée. Du coup, ça abandonnait vachement le côté social et découverte de l'autre, mais il était sur d'une chose ; elle, allait boire. Avant tout, il la regarda, et sourit, un sourire presque mauvais, signifiant ''Allez, ton tour, là, tu bois, jvais pas rater comme toi''. Il se remit en position, puis tendis son verre vers la table ou ses comparses étaient assis, buvant, mangeant, riant, si bien que parfois, le tavernier venait les rappeler à l'ordre. Ils n'étaient pas bien plus bruyant que certains ou que l'ambiance générale de l'endroit, mais ils ne faisaient pas vraiment attention à ce qu'ils disaient ou leur comportement à table.
'' T'vois la table, là bas ? T'as vu des animaux se comporter mieux que ça. ''
Oui, c'était son affirmation. Elle avait bien essayé de l'arnaquer avec la noblesse, lui aussi n'allait pas se faire prier pour lancer des coups bas. C'était aussi un tacle entièrement gratuit envers les autres, mais malgré tout, envers lui même, il se comporterait principalement comme ça également, une sorte de rétrospective comme quoi il adore cette ambiance, mais que bon un peu de décence, de savoir vivre et, soyons fou, de fierté, ferait pas de mal quand même, surtout que plus il regarde autour de lui, plus il a l'impression que les gens autour de lui font partie d'un certain gratin d'Aryon. Ou en tout cas, pas des branques de gardes ou les pauvre travailleurs du coin.
- Le vouvoiement est une habitude. Dit-elle simplement. En temps que domestique c’était une obligation, encore plus lorsqu’il s’agissait du palais. Les plus grands pontes du royaume y évoluaient et si elle ne les croisaient pas tout les jours, en leur présence sa tenue devait être irréprochable. C’était aussi grâce à cela qu’elle arrivait à s’attirer leurs faveurs lorsque nécessaire. Avec le temps elle avait eut tout le loisir de constater que dans la majorité des cas, conforter un puissant dans son rôle lui valait presque immédiatement une once de sympathie. L’égo, cette chose si fragile et manipulable. Celui d’un homme, d’un noble, d’une femme, il suffisait de s’y attaquer pour rendre une personne malléable. Toutefois, de temps à autre, l’un d’entre eux ne suivait pas le schéma habituel et ceux là l’amusait particulièrement. Peut-être aurait-elle pu s’amuser avec celui de Hryfin, l’idée lui traversa l’esprit mais elle chassa bien vite ses idées. Le temps de faire son travail reviendrait bien assez vite, pour ce soir elle entendait bien profiter simplement de ce que le destin mettrait sur sa route et pour l’heure il s’agissait d’un géant rustre mais noble et d’un verre de vin. - Cela dit tu peux faire comme tu veux. Et il ne perdit pas un instant.
Entre temps deux hommes vinrent se planter devant leur table. Ses yeux mordorés passèrent d’eux à Hryfin avant d’enfin se souvenir que son partenaire de danse n’était pas venu seul. Menton dans la paume de la main, elle les regarda avec amusement. Avait-elle l’air aussi saoul ? Elle ne sut répondre et prit une longue gorgée afin de palier à son dernier échec. Il ne mirent pas longtemps à s’éloigner, titubant et marmonnant des choses incompréhensibles. Elle nota cependant, dans un coin de son esprit, cette histoire de service. Lorsqu’il lui en laisserait le temps, elle lui en demanderait plus. Par pure curiosité, mais également parce qu’elle ne crachait jamais sur l’opportunité de se faire de contact ci et là. Ils lui étaient toujours fort utile.
- Hum… Fit-elle l’air concentré, le liquide rouge tournant à un rythme régulier dans son verre à vin. Avait-elle vu des animaux se comporter mieux que ça ? C’était une épineuse question, parce que des cas comme celui de la table là-bas elle en avait déjà vu et plus d’une fois. Sauf qu’elle ne pouvait décemment pas le lui dire. Quoi qu’avec un ou deux verres en plus elle aurait parfaitement pu. Heureusement même si elle était largement pompette, nul doute qu’elle n’en était pas au point de balancer trop de vérité à tord et à travers. Pas encore. - Huuuum… Poursuivit-elle comme si cela constituait une réponse. - Vrai qu’ils n’ont pas l’air au fait des règles simple du savoir vivre. Dit-elle. Ce fut sans doute le commentaire de trop puisque l’un des hommes de la tablée se retourna dans leur direction.
- Ah… Soupira-t-elle. - J’ai peut-être parlé un peu fort. Pas le moins du monde inquiétée elle offrit un simple sourire à l’homme qui se renfrogna de plus belle. - C’est un de tes amis ? « Sacrée gueule cassée ! » pensa-t-elle sans pour autant l’ajouter, quoi que cela n’aurait été qu’une pure vérité. - Du coup, tu as raison, mon chat se comporte mieux. Et a vrai dire il était le seul animal qu’elle ait le loisir de fréquenter depuis bien longtemps. Ainsi, elle termina son verre de vin. Juste à temps pour voir Gueule Cassée pivoter habilement sur ses talons –a défaut d’avoir un visage engageant il semblait agile- pour se diriger vers leur table, une choppe de bière toujours bien accrochée dans sa main.
- Tu t’fous de la gueule de qui Ryf ? Et ta donzelle là ? Grogna-t-il à leur attention.
Diane pour sa part lorgna le fond de son verre avant d’afficher une mine désolée en se rendant compte de l’absence totale de liquide.
- J’aurais du prendre une bouteille… Soupira-t-elle.
Gueule Cassée ne dû que moyennement apprécier que la danseuse privilégie son verre à lui puisqu’il claqua, à grand renfort de muscle, sa main sur la table. Elle sursauta.
- Vous posez des questions dont vous connaissez la réponse, l’ami. Maugréa-t-elle tout en cherchant du regard un serveur. Définitivement l’alcool lui donnait des ailes, dont il aurait mieux valu qu’elles n’existèrent pas. - Tes ami sont tous ainsi ? Adressa-t-elle a Hryfin, sur un ton de confidence parfaitement audible se penchant pour le lui dire à l'oreille.
Le temps qu'elle prit pour juger la tablée était outrageusement non proportionnel à celui qu'il pensait que ça prendrait. Après tout, il n'a aucune idée des animaux que Kala a déjà vus, ou bien qu'elle possède. Des tous les animaux, tous les monstres, toutes les gracieuses bêtes qui peuplent Aryon, l'Homme est quand même le pire. Si on ne prend en compte tout ce qui existe au delà de cette frontière Nord, cela va de soi. Une hésitation bien trop longue pour un résultat qui était attendu depuis que la question avait été posée ; oui, ils ont peut-être la chance de posséder un savoir vivre inné, pour la plupart. Après, ne nous mentons pas, il est actuellement avec un bon groupe de soiffards, beaucoup étaient déjà rentrés, auprès de leur femme, leur famille, ou juste leur couche, éclatés d'une journée éreintante.
Aucune idée de si Kala avait parlé trop fort, ou si, de base, Hryfin était un peu surveillé par ses anciens collègues. Mais oui, un d'eux s'était retourné. Il étaient encore quatre, à table. Ils réagissent plutôt mal à la provocation, mais le garde royal n'était pas en état d'interrompre sa voisine, ni même de l'avertir. Non, les choses allaient tranquillement couler jusqu'à un point que même Ryf ne voit pas, commençant à être un peu embrumé par les choppes et verres qu'il continuait à siroter tranquillement, les grand culs secs ne passeraient peut-être plus de manière fluide. C'est en toute logique qu'après avoir entendu la dernière provocation, un des gardes, le même qui s'était retourné, tient, se dirigea vers eux. S'adressant directement à Hryfin, avec une intonation à faire pâlir le plus grand des comédiens d'Aryon. De la gueule de qui il se foutait ? La leur, quelle question. C'est comme ça qu'ils communiquaient, c'était pas nouveau. Il devait l'avoir sacrément mauvaise, de se faire lâcher pour une petite pimbêche, pour venir les confronter de manière aussi radicale, plutôt que de se réjouir de les insulter de loin également. Les trois autres comparses attablés se jetaient des regards interrogateurs, ne savaient pas vraiment comme réagir.
La dernière chose qu'il entendit avant que le garde claque sa main sur le comptoir, c'est Kala se plaindre de pas avoir prit de bouteille. Eh, message reçu. Elle fait quand même bien trop la maligne, pour une personne qui a sursauté à une simple tape virile sur le bois, et encore plus pour continuer à le narguer, et lui demander, bien ostensiblement, si tous ses amis sont comme ça. Vient qu'elle l'entraîne là dedans encore plus, hein ? Pas de soucis. Un sourire bref passa sur les lèvres de Hryfin, qui regarda Kala. Oui, il allait faire le gentil. Oui, il allait faire le chevalier blanc. Non, ce n'est pas que pour ses beaux yeux, elle pourrait être le plus gros cageot d'Aryon, un vieillard, un enfant, eh, même un de ses collègues, qu'il défendrait quand même toujours la personne agressée. Pardon ? Elle a cherché ? Oui, sans doutes. Dans le flou de sa vision et de son esprit, là pour lui, c'est pas elle là personne violente. Il s'adressa à Kala.
'' Prends la ste bouteille. Spour moi. ''
Bien entendu, il voulait dire ''c'est ma tournée pour le coup, fait toi plaisir, désolé du désagrément''. Mais ''spour moi'', ce n'est pas mal non plus. Il se leva lentement et impassiblement, faisant volte face à l'opportun. Le pauvre, il le connaît bien. Trent, c'est un garde qui a de la bouteille, dans les deux sens du terme. Un mec d'expérience, mais bagarreur et un peu trop imbu de lui même et de son statut de garde. Son faciès fait preuve du dévouement qu'il avait au travail. Non, c'est faux. La plupart de ces dents en moins, ces cicatrices, proviennent justement de combats de taverne et autres choses plus ou moins légales, dans lesquelles Hryfin n'a jamais trempé, au grand désarroi de Trent, car, citons, ''Tu pourrais te, et me, rendre riche, Ryf ! Comment t'es foutu 'tin !''.
'' Allez, circule, Trent. Tveux pas en arriver là 'vec moi. ''
'' Mais, la, eh, Ryf, mais tu 'prends pour qui ? T'changé dpuis qu't'es à la royale, comme si qu'tu vaux mieux qu'nous ? T'nous laisse pour draguer dla pépée ?''
Oh, la belle perche que le garde royal est obligé de saisir. Ce n'est pas pour ça, qu'il les laisse. Eh, il serait resté avec eux, s'il n'avait pas été alpagué par cette femme, promettant une soirée plus sympathique et originale que manger, boire et rire. Il se redressa plus, se voulant imposant. Il croisa les bras, et planta son regard dans celui du dénommé Trent.
'' Eben, oui, en effet, maint'nant jvaux plus que v- ''
L'occasion de finir sa phrase ne lui a jamais été donnée, puisque d'un coup, vif, il se bouffa en plein fouet, juste à droite de son menton, la choppe que Trent tenait de base avidement. De ce fait, la surprise et le coup étant tous deux redoutables, l'hippogriffe se retrouva à moitié affalé sur le comptoir, une douleur lancinante dans le bas de son visage. Il s'est possiblement mordu l'intérieur des joues. Trent en profita pour tenter de le saisir, lui mettant deux coups de genoux dans ce qui devait être son flanc, la différence de taille réduite par l'affalement de Ryf, il tapait en réalité juste au dessus de son bassin, un peu en dessous des côtes. Assez. Il profita d'un mouvement aléatoire de son adversaire pour se redresser, encaissant un dernier coup au torse pour pouvoir, de ses longs bras, attraper son adversaire impromptu par le col de sa main gauche et le soulever légèrement, le mettant presque à son niveau. Trent se débattait en envoyant des coups de pieds à l'aveugle, certains atteignant le colosse. Une droite, et il faisait déjà un peu moins le fier.
Il n'y avait pas prêté attention, mais un des autres garde s'était également levé, et se mit entre Hryfin et sa cible, peu de temps après qu'il eu le temps de mettre un deuxième coup dans le visage de Trent, encore conscient, mais qui semble avoir extrêmement envie de retoucher le plancher des loutres. Il réussit à les séparer, le garde étant de nouveau sur ses pieds, mais se maintenant tout de même au comptoir. Le prochain challenger poussa Ryf, lui criant dessus. La taverne n'était pas silencieuse, enfin, partiellement. Les nobles, choqués, étaient là à ne rien dire. La plèbe moyenne, bien contente de voir une animation autre que de la danse, qui leur éviterait de se ridiculiser sur la piste, criaient et encourageaient. Le barman devait sans doutes essayer de calmer tout le monde, ou s'approcher d'eux. Dommage, car le grand n'avait strictement rien entendu à ce que son ancien camarade lui avait dit, et le poussa donc juste de nouveau en retour.
'' Toi aussi t'veux tenter ?! ''
Surpassant toujours ses adversaires, Hryfin plaça ses deux pognes sur les épaules du nouvel arrivant à la bagarre, et le plaqua vers le mur le plus proche, mais il ne se laissait pas faire, ripostant tant bien que mal. Il avait l'impression d'avoir un goût de sang dans la bouche, alors que son menton le faisait quelque peu souffrir. De plus, sans savoir qui, des gens le retenait par les habits, derrière lui, alors que les deux hommes étaient en train de lutter, de manière impressionnante au vu de la stature de Hryfin, et même celle du jeune garde qu'il affrontait, mais assez pathétique, car alcoolisés, les mouvements qu'ils effectuaient étaient du niveau de ses talents de danseur. D'aucun se demanderait si se lancer en bagarre de taverne ne ternirait pas sa profession ? Aux quatre coins de la capitale, les gardes se détruisent dans ces établissements, et en viennent souvent aux mains. La plupart du temps, tant qu'il y a pas mort d'homme, que ça ne se passe pas en service, ça passe sous le manteau. De plus, entre eux, plusieurs gardes considèrent ça comme une sorte de club de combat, en tout cas, de ceux que Hryfin a fréquentés, de gardes, ils pouvaient se meuler le soir pour rigoler le lendemain en patrouille. Et Arthorias n'est pas un mauvais bougre...Si ?
Au delà de leurs airs et manières de rustauds, Diane avait un passif avec les gardes qui faisait d’eux des êtres tout à fait détestable tous autant qu’ils étaient. La danseuse, lorsqu’elle était enfant n’avait eut qu’une famille, son père adoptif. C’est lui qui lui avait tout apprit. De ses premiers pas de danse, à ses premières lectures en passant par les bonnes manières, l’algèbre ou encore la géographie. Toute son érudition elle ne la devait qu’à un seul homme, Sacor. Et il lui avait été arraché à l’aube de ses vieux jours par nul autre que la garde. La royale, la civile, elle n’avait que faire de qui était le véritable responsable ; ils étaient tous coupable. Un jour viendrait ou elle pourrait prendre sa revanche, et ainsi honorer la mémoire de son père. Une ombre passa, fugace, dans son regard. Par chance les deux hommes étaient occupés à se toiser comme deux lions et aucun d’eux ne remarqua son changement d’attitude. Ainsi, en un tour de main la sérénité reprit sa place sur son visage. Pile au moment ou le tavernier posait la bouteille et ou Hryfin venait s’étaler à côté d’elle. Grâce à un prodigieux mais surtout inespéré réflexe elle réussit à sauver son précieux liquide.
- Faut-il faire comme les enfants et vous dire d’aller jouer ailleurs ? Pesta-t-elle à l’attention du garde en se servant un verre. La seconde suivante elle dû sauter de sa chaise parce que le second garde, visiblement fort mécontent, se jetait à corps perdu dans la bagarre. Bouteille et verre à la main, Diane sirotait tout en les regardants. « A ce rythme là, ils vont nous faire virer ces idiots... » gémit-elle alors que ses grand yeux dorés aller et venaient de ci, de là, suivants comme de bons spectateurs. Subitement l’idée de le planter là l’effleura, après tout elle avait sa bouteille que pouvait-elle vouloir de plus ? Malheureusement si Diane était égoïste elle ne l’était pas à ce point. Dans un long soupir las elle avala l’entièreté de son verre, réprimant un petit hoquet au passage puis reposa le tout sur le comptoir.
La foule s’était amassée autour des deux challengers, tant et si bien que même pour elle, il fut compliqué d’entrer dans la zone de combat. Un homme tenta de la retenir par le bras, secouant nerveusement la tête. D’un geste peu précis mais qui se voulait parfaitement clair, elle se dégagea. Il ne chercha pas à l’empêcher d’avancer, de toute façon sa détermination - son taux d’alcoolémie – se lisait sur les traits de son visage.
- Il ne veut rien tenter. Dit Diane en les regardant tout les deux, les poings sur les hanches. - Je crois même qu’il essaie de te calmer. Ajouta-t-elle. Le second garde, celui qu’elle ne connaissait pas, lui lança un regard intrigué tout en continuant de lutter.
- D'vriez pas rester là, m'demoiselle. Lui adressa-t-il.
- Si vous voulez mon avis, vous aurez plus à perdre que moi en restant. Railla-t-elle en regardant son mufle de compagnon de beuverie. - D’ailleurs, je pense qu’il est temps pour cet idiot de prendre un peu l’air. Et, alors qu’elle allait tendre la main pour attraper l’avant bras de Hryfin, elle fut devancé par le tavernier. Une moue coléreuse déformait ses traits, une veine battait le rythme de son palpitant sur ses tempes et il avait viré à un rouge si cramoisie que Diane se demanda s’il n’était pas en train de s’étouffer.
- Oh qu’oui et plus vite que ça ! Vociféra-t-il, si fort qu’elle se ratatina un peu sur elle-même.
- Mon cher monsieur, allons, c’est ce… Ce… Lui là… Annonça-t-elle nonchalamment en pointant Trent du doigt. – Qui a cherché la bagarre en premier ! Pendant un instant elle cru qu’il allait lui sauter au visage mais il n’en fit rien.
- M’en fou. Sortez ! Et plus vite que ça !
- Mais je… Eh je n’ai rien fait moi ! Dit-elle alors qu’il les poussaient dehors tout les deux. - Oh par la sainte ! Cessez de pousser ! Gémit-elle en tapant les mains qui tentaient de l’entraver. - Je peux marcher toute seule. Ah quels goujats ! Et elle continua de pester ainsi jusqu’à ce qu’ils se retrouvent sur les marches de l’entrée, dans le vent frais de la nuit. D’une nature prévenante, elle n’avait surtout pas oublié d’attraper la bouteille de vin au passage. Contrairement à sa cape qu’elle avait manifestement oublié à sa table. Elle allait la réclamer à corps et a cri lorsque la porte se rouvrit et qu’on la lui envoya au visage. - Quelle indignité ! N’avez vous donc aucun savoir vivre ?
- Pas pour les troubles paix !
La porte lui claqua au nez. Il fallut un monstre de contrôle à la danseuse pour ne pas hurler, frapper comme une enfant faisant un caprice. A la place elle fixa d’un air outré la barrière de bois comme si cela allait la faire céder. Quand elle l’eut suffisamment regardé à son goût, elle se retourna vers Hryfin. Debout sur les marches -trois de plus que lui- elle lui arrivait à peu près à hauteur d’yeux. Pendant quelques instants elle observa son visage avant de tendre soudainement la main en direction de son menton qu’elle souleva doucement.
- Montrez voir ? Eh bien. Vous n’êtes pas bien malin. Décréta Diane d’un coup d’œil inquisiteur.
Si on lui avait dit qu'il finirait par être d'accord sur un truc avec son adversaire, il aurait été le premier surpris. Elle avait anormalement essayé de s'immiscer dans ses affaires, alors que sa bouteille attendait patiemment sur le comptoir. Essayer de le calmer ? C'était peu le connaître. Et ce n'est surtout pas les invectives de la jeune femme qui allaient le prévenir de mettre une raclée à l'impudent qui lui faisait face. Enfin, jusqu'à ce qu'il commence à se faire pousser, basculer par une personne derrière lui, aucun moyen pour lui de comprendre précisément ce qu'il beuglait. Beugler reste cependant le bon mot ; le volume de sa voix était excessivement élevé. Séparé contre son gré de son opposant, il ne fut pas difficile de déplacer un Hryfin titubant, doublement sonné par l'alcool ingurgité et le coup qu'il a prit.
Un coup d'oeil rapide à sa droite lui fit comprendre qu'il n'était pas seul à se faire éjecter, alors qu'il aurait espéré voir un Trent ou une autre quelconque personne se faire sortir, ce serait visiblement Kala qui l'accompagnerait dehors. Pauvre compagnon d'infortune qu'elle fait ! Les chances pour qu'il vienne de ruiner la soirée de la danseuse était grandes, nous pouvons donc saluer la dévotion dont elle a fait preuve, en essayant de rejeter la faute -à raison, direz vous- sur un Trent qui a encore du mal à se remettre des pains colossaux qu'il s'est mangé.
Les voilà donc, là dehors, sous l'emprise du froid. Par Lucy, qu'ils étaient mieux à l'intérieur ! Mais aucuns regrets à avoir. A peine sortis que Kala était déjà en train de se plaindre, et de rouspéter à la porte, après s'être fait envoyé son vêtement en plein visage. Circonspect, il réussit à se rappeler que lui également, avait oublié des affaires là dedans. Son livret, et surtout ses cristaux. Misère. Au moins, en se faisant éjecter comme ça, sans avoir prit le temps de régler ; eh, au moins, la soirée s'était annoncée fructueuse ! Sauf s'il ne récupère pas sa besace...
De son instant de réflexion, il ne remarqua pas que Kala s'était approchée de lui. Plus bas qu'elle sur les marches du petit escalier de pierre, elle était plus ou moins à sa hauteur, ce qui lui décrocha un sourire à la fois triste et surtout douloureux. Son sang battait dans son menton et la partie inférieure de sa mâchoire ; un sale coup de choppe qui va laisser des marques. Dans son malheur, on peut noter que si cela avait été du verre ou directement une bouteille, les dégâts auraient été bien plus majeurs. Avec automatisme, sa tête fit un mouvement de recul quand la danseuse approcha sa main de son visage, il apprécie pas forcément le contact, surtout au dessus des épaules. Alors qu'elle souleva légèrement son menton, il laissa transparaître un fuyant rictus de douleur.
'' Ju pas payé pour êt' malin. Ju payé pour... '' Il haussa les épaules. '' Tourner dans l'palais quoi. ''
C'était en effet la majorité de son travail, il pouvait très bien avoir d'autres affectations -ce qu'il faisait, du coup-, mais si on devait résumer la garde royale, du moins, ce que les gens en pensent, surtout les fidèles de la garde civile, ils ne sont que des planqués qui se la coulent douce dans le palais, là ou de toutes façons il ne se passera jamais rien, grâce à la bulle anti-magie qui déjoue sans doutes bien plus d'attentats qu'eux. Il soupira, se mit dos à Kala pour pouvoir mieux se laisser tomber sur les marches, dans l'optique de s'asseoir, en tout cas à la base, le petit ''Aïe'' qu'il prononça une fois son séant posé, la lourdeur de sa façon de s'asseoir lui ayant bien tapé le coccyx. Il grommela.
'' Tfaçon lui aussi jlaurais détruit... ''
Reprenant soudainement conscience du fait qu'il n'était pas seul, là, dehors, et qu'il était hautement responsable du fait d'avoir également envoyé Kala se peler dehors, il tourna la tête vers elle. Elle était à sa droite, pour l’instant encore debout.
'' Oh. Ouais. Scuze moi, jtai détruit la soirée hein ? Jpenses 'pourraient 'tlaisser rerentrer seule. Ya ptet tes amis qui t'attendent encore d'dans. ''
L'avantage de sa blessure, c'était qu'on pouvait mettre sa mauvaise allocution sur son dos, plutôt que sur celui des litres d'alcool qu'il a consommés. Il se doutait bien de la suite du scénario ; il resterait là, encore quelques minutes, voire heures, le temps de recentrer ses esprits et de finir par décaler et déambuler jusque chez lui. D'ici peu de temps, sa charmante accompagnatrice lui fausserait compagnie, non sans lui mettre un taquet derrière la tête. Ce serait de bonne guerre, et aucune rancœur ne serait gardée.
Il ne faisait plus attention aux gens qui sortaient, jusqu'à recevoir des trucs sur les genoux, sa veste et sa besace. Il releva la tête, et regarda derrière lui. C'était les gardes, ceux qui étaient pas partis, et ceux contre qui il ne s'était pas battu, d'ailleurs. Ils souriaient, alors que l'un d'eux supportait Trent, qui n'avait pas encore les idées rassemblées après les deux directs qu'il s'est pris en plein nez. Visiblement, une droite du garde royale était encore au dessus, en terme de destruction, qu'une choppe en plein faciès.
'' T'inquiètes, Ryf. Il s'en sortira. Comme d'hab. Remet toi aussi, et on se voit une prochaine d'accord ? ''
Sur ce, ils partirent en lui saluant d'un geste de la main, signe qu'il imita. A sa droite, à quelques mètres, le deuxième garde qu'il avait affronté -si on peut appeler ça un affrontement, au final-, avait alpagué Kala, et était en train de lui parler. Aucune idée de ce qu'ils se racontaient et depuis combien de temps, bien qu'il crût entendre son prénom, un moment. Il décida de les ignorer, les laisser à leurs affaires, replantant son regard droit devant lui.
Jusqu'à ce qu'on lui tape sur l'épaule. Oh, ils ont vraiment tous décidé de le déranger aujourd'hui ? C'était celui qui parlait à la danseuse. Hryfin le regarda droit dans les yeux, ce qui était partagé par le jeune garde. Sans rien dire, dans un sourire, il lui tendit la main, que Hryfin serra sans hésiter, souriant également. Il fit un salut de garde, auquel il rétorqua, le mimant parfaitement, et l'observa s'éloigner au trot pour rattraper les autres. A peine sur qu'elle soit encore là, il balança quand même à l'attention de la jeune femme.
'' Alors ? Qu'ess qu'y t'a dit ? Faut j'aille l'rattraper ? ''
Il rit, franchement, mais en vrai, il irait sans doutes à ses trousses s'il avait insulté ou calomnié la jeune femme. Il restait là, à parfois passer la main sur son menton, se frotter les yeux ou s'étirer. Il avait depuis vérifié sa bourse -ouf, on lui avait visiblement pas prit plus d'argent que de raison-, qu'on l'ait pas arnaqué, puis remit sa besace en bandoulière. Quand à sa veste, n'étant lui même pas particulièrement frileux, il l'avait simplement lancée sur son épaule droite. Cette nuit était profonde, il y avait peu de lumière, là, dehors. Alors que derrière lui, dans la taverne, ça s'agitait toujours. Ça riait, hurlait, et de la musique, plus légère, plus tranquille, jouait en arrière plan.
- Tu es disposé à détruire, si je ne m’abuse… Se moqua ouvertement Diane avant de tourner la tête vers la fenêtre qui se trouvait à hauteur de regard. - Mes amis, dit-elle distraitement. - Me rejoindront peut-être. Un air songeur s’installa sur ses traits tandis qu’elle se demandait si Rita avait eue quelconque réaction suite à la scène qui venait de se dérouler. Il fallait dire que l’amitié était une chose conceptuelle pour la danseuse, sans que cela lui soit inconnu, son seul et véritable ami n’était autre que Klarion. Klarion qui, en grandissant et à force d’être rejeté par les siens, avait finit par offrir toute sa loyauté à celles qui ne lui avait jamais fait défaut. Ainsi le jeune garçon amoureux des plantes s’était transformé en assassin terroriste pour ces dernières. Bien qu’il compta toujours beaucoup à ses yeux, elle ne fut pas certaine qu’il soit le meilleur exemple possible. Encore moins lorsqu’elle se rappelait que lors de sa dernière visite – qu’elle avait d’abord cru anodine – il l’avait emmené assassiné l’un des grands pontes de la capitale. A cette simple pensée une sueur froide dévala le long de sa colonne pour aller se mourir sur sa chute de rein. Heureusement que le pouvoir de Hryfin je consistait pas à lire les pensées - du moins elle l'espéra. D’ailleurs, avant qu’elle ne puisse se complaire plus longtemps dans celles-ci, la porte de l’auberge s’ouvrit sur le reste de la troupe du soldat.
Observant les échanges, Diane ne remarqua pas la main qui vint doucement se poser sur son épaule. Seul un effort incommensurable ainsi qu’une aptitude à la dissimulation de ses émotions lui permirent d’étouffer le cri de panique qui manqua d’échapper à sa gorge.
- Tout va bien ? Demanda-t-il poliment devant l’air un peu pâlichon de la brune.
- Je… Euh… Oui ! Bafouilla-t-elle en retour. Elle se racla la gorge pour se redonner contenance. Puis d’un geste délicat elle dégagea son épaule de sa main avant de se retourner pour lui faire face.
- Ce sont des idiots. Déclara enfin le jeune soldat, sous le regard interloqué de Diane qui fit bientôt place à un air chafouin.
- Je n’avais pas besoin de vous pour le remarquer.
- Non, je veux dire… Hryfin et Trent, ils ne sont pas méchant !
- Ils sont donc seulement idiots. Une bonne chose. Poursuivit-elle, au bord de l’hilarité, lorsque le garde se mit à rougir en cherchant ses mots. - Je sais. Finit-elle par dire, abrégeant les souffrances du jeune homme. - En tout cas pour votre ami là-bas. Elle désigna son partenaire de danse du doigt. - Votre Trent était mécontent à cause d’une blague et…
- J’ai entendu…
- Voilà qui va m’économiser de la salive. Un peu de vin ? Proposa-t-elle en prenant une gorgée dans la bouteille.
- Euh je, non ? Le garde toussota avant de se redresser, semblant vouloir reprendre le dessus dans cette conversation où Diane était en train d’inverser la tendance. - Vous pourriez le raccompagner, plus tard ?
- Qui ?
- Hryfin.
- Hryfin ?
- Oui.
- Le grand gaillard qui haut comme un pont et large comme un bœuf ?
- Oui.
- Vous croyez qu’il besoin d’un chaperon ? Ne put-elle s’empêcher de rétorquer, hilare alors qu’elle tournait ses yeux d’or vers le grand bonhomme. Toujours assit comme un mome grincheux sur ses escaliers. Ne manquait plus qu’il ramène ses genoux contre sa poitrine et elle lui donnerait vingt ans de moins. - Oui, non. D’accord. Je vois ou vous voulez en venir. Elle poussa un long soupire résolu. - Très bien, très bien.
- Merci.
D’un pas tranquille, quoi qu’un peu trop guilleret pour la danseuse, ils revinrent aux côtés de Hryfin. Les deux hommes se serrèrent la main puis l’un s’en alla tandis que l’autre demeura à ses côtés.
- Non, dit-elle d’un ton calme en regardant le plus jeune des deux s’éloigner au petit trot. - Celui là est un bon gars. Et comme pour donner du corps à ce qu’elle disait, elle avala une nouvelle gorgée de vin.
Finalement le silence s’installa entre eux et Diane ne fit rien pour l’en empêcher. Elle n’était pas si mal ici, emmitouflé dans sa cape et avec une bouteille de vin à siroter. Evidemment elle aurait été bien plus à l’aise dans sa chambre mais elle n’était pas certaine que le garde soit disposé à reprendre la route tout de suite. Elle le laissa donc réfléchir à sa guise, il avait l’air heureux sur son bout d’escalier. Pour sa part elle songea à mille et une chose idiote, comme son programme du lendemain ou même la nouvelle tenue que la couturière était en train de préparer pour son nouveau spectacle. Ce ne fut que lorsqu’un vent froid balaya l’allée qu’elle décida que le temps était venu. Un peu trop alcoolisée, elle vint dans le dos du brun lui envoyer une petite tape derrière la tête avec un air goguenard. - Bon ! C’pas tout mais on va pas y passer la nuit ! Tu viens ?
Alors qu’elle s’apprêtait à s’en aller la porte de l’auberge s’ouvrit et cette fois ce ne fut pas une marée de garde qui en sortie mais une tempête de cheveux blonds.
- Calme toi ! Disait la voix rauque et calme d’Erald.
- Oh ces gardes, mais ces gardes ! Répondait-elle.
Manquant de heurté Hryfin elle l’évita de justesse avec une petite pirouette maladroite. Sur le point de s’excuser elle ravala ses mots juste avant qu’ils ne lui échappent et son visage vira au rouge pivoine.
- Vous ! Cracha-t-elle en pointant un doigt accusateur sur la large poitrine du soldat. S’en suivit une flopée de nom d’oiseau et de reproches.
- J'm’attendais à ce qu’elle essaie de lui arracher la tête.
- Elle avait pris une choppe pour lui fracasser dessus.
- Je me disais aussi.
- Elle a également songé à l’étrangler avec son écharpe. Le coursier lui montra l’étoffe qu’il avait réussit à subtilisé à sa compagne.
- C’est une véritable teigne quand elle s’y met.
- Tu ne crois pas si bien dire.
- Tu devrais aller la chercher.
- Je pense aussi. Toujours aussi calme, Elrad s’approcha de Rita qui tenait maintenant Hryfin par le col comme si elle maîtrisait parfaitement la situation. Doucement, il l’attrapa, la hissa sur son épaule sans que jamais elle ne se taise et tourna les talons. - Ça ira pour toi ? Demanda-t-elle en passant, soucieux. D’un simple hochement de tête Diane le lui confirma. Ainsi ses deux amis quittèrent les lieux.
- Rita est impulsive. Dit-elle l’air amusé. - Tu viens, on m’a demandé d'te raccompagner. Elle s’abstint de lui envoyer la pique qui lui brûlait les lèvres et se contentant de lui tendre la main, l’invitant à la suivre.
Sans réaction envers le bruit qui provenait de la taverne, il y en aurait beaucoup d'autres, cette nuit, jusqu'à la fermeture, si ça ferme ? Oui, ça ferme forcément à un moment. Non ? Vraiment, aucune connaissance de ce genre d'établissements, il finit toujours par partir assez tôt, plus rarement, se faire sortir comme cela vient d'être le cas. Les gardes ont pas tous bonnes réputations ; s'ils sont connus pour être de bons clients, ils payent autant qu'ils sont gênants. Sauf que ce bruit, il s'est dirigé directement vers lui. Oh, la petite blonde mignonne de tout à l'heure. Rebonsoir, madame ! Vous ? Lui ? Oui.
'' Moi ! ''
La suite était...Inattendue, en tout cas du côté de Hryfin. Il se faisait verbalement enchaîné, il aimerait en placer une, mais il n'a jamais eut droit à une telle flopée d'insultes, d'accusations, et un débit de parole aussi rapide depuis qu'il a quitté le domicile familial, les seules capables de lui parler comme ça étant sa sœur et sa mère. Il était aussi estomaqué qu'outré, ses neurones peinant à se connecter pour lui dire ''Tu te fais démarrer là quand même mon grand, faudrait ptet que tu réagisses non ? C'est une femme, parle au moins si tu veux pas lui en coller une !''.
Neurones qui s'étaient reconnectés quand il commençait à être secoué et choppé par le colback. Sur le point de se lever, sourcils froncés, ce qui aurait pu mener à une petite femme maintenue au dessus du sol par la seule force de son bras tenant le col du grand garde, cette scène ne put avoir lieu puisque l'homme qui accompagnait tantôt les deux femmes intervint, attrapant la blonde tel un sac à patates, puis parti sans demander son reste. Il murmura.
'' J'pourrais leur casser les jambes... ''
Interloqué par ce changement de comportement, elle avait l'air si mielleuse, taquine et tranquille à l'intérieur, jamais il aurait pensé qu'elle se transformerait en furie. Kala, maintenant à côté de lui, lui fit part du côté impulsif de son amie, et du fait qu'elle devait le raccompagner. Alors, lui est impulsif. Elle est une...Tornade. En vrai, impossible pour lui de juger, il est pareil dans le fond, on se voit pas de l'extérieur, difficile de se juger. Il prit la main de Kala, prenant bien soin de pas l'écraser, ni même de s'en servir vraiment, s'il tirait vraiment, le front de la danseuse ferait une rencontre sympathique quoi qu'inopinée avec le sol. Une fois debout, il leva un sourcil interrogateur.
'' Jvois pas qui et p'quoi on t'aurais dmandé de mraccompagner. Mais. '' Il haussa les épaules. '' Ok. Allonzy. ''
Le trajet jusque chez le garde s'était révélé assez calme ; si on prend le référencement Hryfin du calme. Autour de chez lui, y a beaucoup de gamins des rues qui traînent, des petits délinquants voleurs d'étals notoires car orphelins, ceux qui piquent car leur famille est pauvre, ou juste des gosses normaux d'une dizaine d'années qui font des âneries avec leurs amis. Même en pleine nuit, ils étaient actifs. Lors du passage de Hryfin dans sa rue, beaucoup courraient vers lui, et autour de lui. ''Y A LE PIOUPIOU !'', ''OHOH HYFIN !'' étaient monnaie courante, et cette nuit n'avait pas fait exception.
Le rire sonore du garde, qui discutait avec les enfants alors que Kala marchait à ses côtés, m'air presque perplexe, enfin, de ce qu'il observait du coin de l'oeil. ''VAZY FAIT LE TRUC LA !''. Sur leur chemin, les portes s’entrebâillaient, des têtes apparaissent aux fenêtres, des lumières s'allument. Ouais, s'amuser avec les gosses, ça fait du bruit, encore plus quand Hryfin fait ''son truc''. Il change sa tête en tête d'aigle, se pavane un peu en glatissant à qui veut l'entendre, puis reprend une tête humaine, profitant de sa voix bizarre de Donald Duck sous hélium pour faire rigoler les marmots de plus belle.
Par contre, fallait pas traîner. Les gens sortaient de chez eux, encore embrumés de leur début de nuit, et procédaient à leur rituel habituel quand Ryf vient faire le barouf comme ça ; ils se plaignent et lui jettent des trucs. Il fit signe aux enfants de se disperser, puis attrapa la main de son escorte.
'' Allez, on y va ! ''
Il se mit à trotter à travers les rues, du plus vite qu'il peut sans avoir à secouer et traîner la femme comme un vieux linge. Un coup que ce pont serait passé, ils ne seraient pas loin de chez lui. Oui, son sens de l'orientation n'a jamais été bon, des années à la capitale, ça forge la mémoire, de gré ou de force. C'est avec aucun halètement qu'il s'arrêta devant sa porte. Fouillant dans sa poche, il sortit une petite clé qui s'inséra parfaitement dans la serrure, et en deux tours, il pouvait rentrer chez lui, ce qu'il fit.
C'est qu'une fois à l'intérieur qu'il se rendit compte qu'il tenait encore la danseuse, car en se retournant, il était presque surpris de la voir, baissa les yeux et vit qu'il tenait encore sa main. Il la lâcha dans un petit ''Oh'', et s'affala sur son canapé.
'' Bon, sbon, tu m'as raccompagné ! Merci ? Eh, t'es la bienvenue d'rester ! Si elle est vide... '' Il pointa du doigt la bouteille qu'elle tenait encore fermement. '' Y en a d'aut' là dedans. Sers toi, ça m'fait plaisir. ''
Il pointa du doigt un meuble dans la partie cuisine. Comme d'habitude, il y avait ce qu'il fallait. L'argent n'étant pas un problème, la garde royale paye pas mal et soyons honnêtes, l'argent des Danvil lui profite encore. Et aussi, comme toujours, son domicile est relativement propre, en tout cas, bien rangé. Le même ragoût -dans le sens ingrédients, pas temporel, il s'amuse pas à laisser de la bouffe crever chez lui- toujours dans sa cocotte, sur un feu pour le moment éteint. Laissant la femme décider et se mouvoir selon son bon vouloir, il se sépara de sa sacoche, la posant à côté de lui, et commença à se tripoter le menton, aucune idée d'à quel point c'est moche ce qu'il a. Il faudrait se lever et aller à la salle d'eau. Mais flemme. Il était bien assis pour le moment.
- J’imagine que ton ami avait peur qu'tu te perdes. Il paraît que t’as un mauvais sens d’l’orientation… Ou alors tu lui sembles si saoul qu’il a plus confiance en moi pour assurer ta sécurité qu’en toi. C’qui serait un comble ! Et elle éclata d’un rire sans discrétion aucune. Il fallait dire que l’image d’une Diane guerrière était parfaitement risible. Pas plus tard qu’hier elle avait manqué de se couper un doigt en beurrant une tartine, puis elle s’était embroncher le pied dans le tapis mal fagoté d’une des loges. Sans être maladroite et en excellant dans certains domaines, le combat n’en faisait aucunement partie !
Leur trajet se passa dans un semblant de calme. Diane, dont les rues de la capitale n’avaient quasiment aucun secret, se laissa volontiers guider par le grand gaillard, offrant aux rares passant un aimable sourire. Finalement, au bout de quelques enjambées, ils entrèrent dans un territoire qui fourmillait de vie malgré l’heure tardive. Si la danseuse s’en étonna elle n’en pipa mot car un spectacle encore plus surprenant vint s’instiller dans son esprit. Hryfin dont la tête n’était plus que celle d’un volatile, se mit à se pavaner sous son regard incrédule. Perdu entre perplexité, hilarité et un tas d’autres émotions différentes elle n’osa ni bouger, ni parler, observant la scène pour ce qu’elle était. Tout se passa très vite, presque trop puisqu’en un tour de main l’oiseau avait disparu pour laisser place aux traits familiers du garde puis, alors qu’autour d’eux une haie de lumière s’éveillait au cœur de la nuit, il lui saisit de nouveau la main et l’entraîna à sa suite sans ménagement. Bien que têtue elle ne résista pas, elle ne l’aurait pas pu de toutes façons.
Le brun avait trottiné, Diane avait courut et c’est non sans le souffle court qu’elle s’arrêta devant une petite porte. Ne semblant pas remarquer sa présence, il l’invita de gré comme de force à l’intérieur avant d’enfin lui adresser un regard surprit. Comme si elle n’aurait pas du se trouver là. Haussant un sourcil, elle l’observa en silence, attendant une explication. Qui ne vint que lorsqu’il fut affalé comme un vieux chiffon sur son canapé, l’envie de lui flanquer un coup de pied la traversa mais elle s’abstint. En vérité, c’est le meuble du fond qui l'en dissuada, celui où, d’après Hryfin, reposait son stock d'alcool. Immédiatement un air guilleret étira ses traits et elle abandonna ses plans de violence pour se faufiler sans gêne jusqu’au placard. Là-bas elle fouina jusqu’à trouver une bouteille qui lui sembla acceptable. La posant sur la table, elle la pointa du doigt.
- Il faudra la déboucher. Puis s’en retourna dans les placards où elle sortie deux verres, terminant sa bouteille actuelle dans l’un d’eux. Enfin elle se laissa tomber sans douceur aux côtés Hryfin, soupirant lascivement. Elle resta silencieuse un instant, ses yeux allant et venant des genoux du garde à aux siens comme si elle réfléchissait à un plan d’une complexité effarante. Sans crier gare, elle tendit ses jambes fines et les déposa nonchalamment sur les siennes, adoptant une position plus confortable. - Quoi ? Demanda-t-elle d’un air désinvolte. - Tu m’as dis que j’étais la bienvenue non ? Il lui fallut faire des pieds et des mains pour ne pas lui rire au nez. A la place, elle enchaîna non sans un petit sourire. - Alors comme ça tu te transforme en pigeon géant ? Voyant le regard assassin venir, qui déclencherait à coup-sûr son hilarité elle détourna les yeux pour observer la pièce et plongea ses lèvres dans verres tout en espérant qu’elle n’avalerait pas de travers ou pire, ne lui recracherait rien au visage. - Je n'imaginais pas qu'les nobles aimaient les toutes petites... Maison... Dit-elle finalement quand elle fut certaine d'avoir bien avalé sa gorgée.
Par contre, il s'attendait pas à ce qu'un petit bout de femme comme ça soit aussi portée sur la boisson que lui, en général même pour ce que ça importe, car elle a l'air d'avoir bien plus de standing que le plébéien moyen. L'un n'annule pas l'autre, cependant, le nombre de nobles qui se pochetronnent régulièrement, dîners d'affaire ou non, est afférant, et il parle en connaissance de cause, les banquets et autre péripéties de leurs petites vies tranquilles doivent être bien trop lourds à supporter pour eux, pauvre biquets. Non, il osera pas parler de ''simple plaisir'', pas pour ces gens là. Bref, tout ça pour souligner le sourire radieux que Kala avait sur le visage en se dirigeant vers le placard aux boissons.
Poser la bouteille comme ça et lui demander de la déboucher ? Ok, super, sinon tu as deux mains aussi, tu peux te débrouiller avec tes petites mimines, non ? Allez, il était l'hôte, ce serait sans doutes à lui de se plier aux coutumes d'un bon accueil, cher aux Danvil en vrai. Par contre, pas partageuse, au final, hein, elle aurait pu le partager, son fond de bouteille. Attendez une minute...C'est pas lui qui l'a payée, cette bouteille ? Ah oui, c'est vrai, il l'a pas payée, il a pas eut le temps, ahahah. Le tavernier qui préférait son calme relatif plutôt que les son tintant des cristaux sur son bar, quel plaisir, merci bien hein.
Donc, en bonne personne, ainsi qu'en gentleman, il voulut se lever afin de répondre aux exigences de son invitée, mais voilà qu'après l'impertinence, arrive le culot, puisqu'elle étendit, sans pression aucune, ses potites jambes sur celle d'un Hryfin plus qu'interloqué. Oui, la bienvenue ne veut pas dire open bar non plus, mademoiselle, il va falloir à voir à se calmer. Il l'observa de nouveau, de bas en haut, d'une toute autre perspective donc, mais toujours aussi perplexe. Ce petit air désinvolte n'était pas pour lui enlever du charme, au contraire.
'' Bienvenue, oui. Après ptet pas autant hein ! ''
Phrase qu'il prononça en pouffant un peu, quand même, en posant lui même ses bras sur les jambes de la brune. En vrai, il en avait pas grand chose à faire, qu'elle se mette à l'aise. Son ricanement de tantôt se transforma en un rire franc quand elle lui dit qu'il se transformait en pigeon géant. Il le prenait pas mal non plus, en vrai, il en fallait beaucoup pour le vexer, surtout un coup que le premier contact avec lui avait été établi, et qu'il a été plus que positif. L'alcool aide aussi, ne mentons pas.
'' Ouais, ouais. Pigeon géant, pioupiou ou zozio. Spareil. Après, on peut rester sur hippogriffe, ce serait mieux yep ! T'es capable de quoi, toi, pour juger ? ''
Bon, espérons que cette phrase ne soit pas mal perçue, l'intonation était plus sympathique qu'autre chose ; en réalité, il avait aucune idée de si ça se faisait, ces trucs comme ça, demander aux autres quel est l'étendue de leur pouvoir ou ce qu'ils font ; ça se fait, entre garde, car il faut savoir avec qui on bosse, et qui fait quoi quand ça tourne à la débandade. Par contre, il ne put que soupirer face à la remarque sur la modestie de sa demeure. Oui, bon, hein, il fait ce qu'il peut avec ce qu'il a, ce qu'il gagne et ce qu'il reçoit.
'' Noble, noble. S't'un bien grand mot, hein. C'est qu'un nom, dans mon cas. Et puis, on demande pas aux nobles de déboucher des bouteilles ! Je l'aurais bien fait, mais... '' Il déplaça ses mains sur les jambes de la danseuse. '' Disons que jsuis un peu coincé. Du coup, c'est pas très noble hein, mais faut bien trouver de quoi boire, du coup... ''
Malgré le désavantage d'avoir les jambes de Kala sur lui, il s'étendit tout de même pour maladroitement attraper, du moins tenter, le verre encore à moitié plein de son invitée. Chose qu'il réussit, après s'être débattu avec elle, mais avec plus ou moins de succès, puisqu'une fois le verre en sa possession -hourra-, il en avait déjà renversé plus d'une bonne moitié, tâchant les deux empotés alcoolisés assis sur le canapé. Aucune idée d'à quel point la brune avait été touchée -tâchée?-, mais lui, c'était sur son haut qu'il avait une jolie auréole violette. Se démontant que moyennement, il finit d'abord le contenu du verre avant de s'excuser.
'' Ouais. Bon. Désolé. J'ai compris. Jvais ouvrir l'autre. ''
Était-ce vraiment intelligent, bien pensé, d'en ouvrir une autre vu l'état dans lequel les deux commençaient à être ? La petite promenade de santé l'avait réveillé, mais pas assez visiblement. Choppant les fines gambettes de Kala, afin de pouvoir se lever, la jeune femme visiblement énervée ou choquée par ce qu'il ne pourrait définir, il se leva, se dirigea vers un tiroir d’où il sortit un tire-bouchon, et revint ouvrir la bouteille.
Seulement maintenant prit-il connaissance de la souillure sur son habit. Dans un ''Ah merde'' aussi subtil que discret, il laissa son premier agir son premier réflexe primaire ; passer sa main dessus, comme si son pouvoir était de faire disparaître les tâches. Maudissant intérieurement que sa capacité ne soit que de se transformer en hippogriffe, il partit vers les escaliers en enlevant son haut sur le chemin, découvrant son torse, ainsi que les quelques cicatrices qu'il a, résultant de rixes diverses et d'entraînements foireux. Avant de monter, il se tourna une dernière fois vers Kala.
'' Sers toi, du coup. Jvais m'changer. ''
Et il monta les escaliers prudemment, la dernière chose dont il ait besoin ici étant de se retrouver avec une jambe cassée ou un crâne fracturé, il se voit pas expliquer son absence à ses supérieurs par un ''en fait, drôle d'histoire, j'étais saoul, et jsuis tombé de quelques marches''. Une fois en haut, il ouvrit la porte de gauche ; perdu, c'était le cagibi débarras pièce à fouillis. Maintenant, porte de droite, sa chambre, donc, la ou il rangeait la plupart de ses vêtements de tous les jours, dans une petite commode. Elle avait peut-être été aspergée aussi ? Il a pas fait gaffe, vraiment sympa et attentionné le type. Flemme de bouger, il se contenta de hausser la voix.
'' Eh, t'as bsoin d'un truc tant qu'j'y suis ? Jsais pas, j'ai ptet...Quelque chose... ? ''
Il était complètement cryptique dans sa demande, ses explications. Pourtant, ça lui semblait grave clair, dans sa tête. Un peu de contexte aurait bien aidé, quand même. Déjà, c'est bien une idée de bourré, de vouloir se changer pour une misérable tâche de vin, c'est pas ce qui démonte la plupart des gaillards comme lui. Mais il aimait être propre sur lui, pour ça qu'il continuait désespéramment à chercher un vêtement, prenant son temps en attendant une réponse de la danseuse qui se faisait attendre.
Si Diane savait apprécier le bon vin, il en était de même pour une multitude d’autres choses. Les hommes en faisaient partie. De part son statut et son travail elle était amené à fréquenter toutes sortes de personnes. Des danseurs aux corps aussi fins que des arbalètes, des hommes plus âgés et dont les années avaient parfois ravagés l’enveloppe, enfin il y avait ceux qui s’appréciaient, se savouraient sous la pulpe des doigts ou du regard. Hryfin était de ces derniers. Tout garde qu’il était -royal qui plus est – il n’en restait pas moins doté d’un corps digne des statues ornementales du palais. Haut et tout en largeur, il lui sembla bien plus imposant que jamais en cet instant. Bouche bée, elle le regarda disparaître au sommet des escaliers, ne répondant même pas à sa sollicitation.
- Oui… Marmonna-t-elle lorsque le brouillard de son esprit se fut enfin dissipée. Rageusement elle secoua la tête avant de froncer légèrement les sourcils, créant une petite ride entre eux. Sa main vint rapidement trouver sa bouteille, puis l’autre son verre et elle se resservit tout en songeant à la dernière fois qu’elle avait été déstabilisé ainsi. Cela remonté à loin, fort loin. Une époque où elle était encore une novice dans les arts du plaisir et où il ne lui avait pas encore été donné d’appréhender toutes sortes de corps. Aujourd’hui il était rare d’être agréablement surprise, tout avait perdu son charme à force d’être vu et revu. Il n’y avait plus de place que pour le dépit, lorsque le client n’était pas à son goût. Mais Diane était une fine comédienne, et jamais personne ne se rendait compte de ces instants de désespoirs.
Hryfin, et cela était tout à son honneur, loin d’avoir un corps bien différent de ceux de son espèce avait le mérite de posséder une carrure parfaitement inattendue. La deviner sous des vêtements et la caresser du regard étaient deux choses diamétralement différentes. Un petit sourire naquit aux coins de ses lèvres alors qu’elle y portait son verre ; qu’elle reposa sans en prendre une gorgée. La voix de son hôte venait de retentir.
Avait-elle besoin de quelque chose ? C’était une question saugrenue. Baissant les yeux sur ses vêtements, force était de constater qu’ils n’étaient pas tâchés au point d’avoir besoin de se changer. Elle n’avait pas froid, ni mal aux pieds. Tout allait pour le mieux, si ce n’était, peut-être, l’alcool qui évoluait dans son sang. Malgré cela elle ne s’empêcha pas d’abandonner son verre derrière elle pour prendre la direction des escaliers. Parfois, la danseuse écoutait cette voix, cette petite conscience qui lui soufflait de faire ce qui lui chantait. C’est exactement ce qu’elle fit en gravissant les marches les unes après les autres.
- Peut-être bien. Dit-elle finalement, appuyée docilement contre la chambranle de la porte, observant d’un air amusé Hryfin. - Noble n’est qu’un nom, mais n’y a-t-il pas qu’un noble pour avoir autant de vêtement de bonne facture ? Elle désigna d’un coup de nez la commode qu’elle avait aperçu un peu plus tôt. - Et je peux maintenant attester que l’on demande à un noble d’ouvrir une bouteille ! Continua-t-elle avec un air moqueur, faisant par la même occasion un pas dans la chambre du garde. - Alors comme ça, c’est l’hippogriffe et non le pigeon… Soudainement sa mine sembla abattue, presque peinée. - L’un est plus amusant que l’autre… Elle haussa les épaules. - Tu peux prendre une forme complète ? Ses pas la menèrent peu à peu plus proche du garde, jusqu’à ce qu’elle se mette à faire les cent pas autour de lui tout en le questionnant sur son pouvoir. - Ou partielle ? Les deux peut-être… A plumes et à poil. Quel animal encombrant… Elle pouffa et se campa enfin sur ses pieds, juste devant lui. - Quant à moi… Je ne me transforme pas ! Mais ça pourrait être amusant… A vrai dire ma capacité réside dans autre chose, qu’on ne voit pas, qu’on ne décèle pas, que je ne révèle pas… Ses yeux d’or se mirent à courir sur le visage anguleux de Hryfin avec un air de défi. En douceur, sa dextre se leva pour l’effleurer, remontant de sa poitrine jusqu’à sa mâchoire qu’elle guida doucement jusqu’à elle. Son sourire ne s’en fit que plus grand et plus amusé. - Laisse moi te montrer… Souffla-t-elle. S’il décidait de fermer les yeux, sans doute la prendrait-il pour une allumeuse. Il n’aurait pas complètement tord d’ailleurs. Mais si il choisissait de poser son regard sur elle, il ne pourrait aucunement louper le masque de magie scintillante qui entourait son visage lorsqu’elle lui déroba un baiser.
Elle annonçait peut être vouloir quelque chose. Alors, y a oui ou non, pour ce genre de proposition, le ''peut-être'' ne passe que moyennement. ''Non, je ne suis que peut-être tâchée''. Il fronça les sourcils. Bizarre, quand même, cette fille. Potentiellement avait-il invité chez lui une criminelle en puissance ? Bahaha, non, elle en avait vraiment rien. Assurément énigmatique et provocatrice, un peu impertinente, mais pas mauvaise.
Une fois son statut de noble bien renvoyé dans son visage, c'est au tour d'une autre facette du garde royal d'être attaqué, son pouvoir. Hey, un hippogriffe, c'est quand même totalement, genre, mieux qu'un pigeon, non ? Elle voulait juste se foutre de lui, oui, de toute évidence ! Mais le plus génant n'était pas les remarques piquantes de la danseuse, c'était l’atmosphère presque étrange qui prenait place dans cette chambre. Lui, le garde de deux mètres révolus, le fier et presque hautain Hryfin qui était presque comme en infériorité ici.
La manière que la petite avait de tourner autour de lui rappelait une sorte de parade, pas de ce genre là, voyons, certes il peut être à moitié oiseau, mais c'est pas pour autant qu'il se mettrait à se dandiner et à chanter. Non, ça faisait plus penser à une prédatrice, qui tourne autour de sa proie, prête à bondir à tout moment. Bondir pour ? Cette sorte d'attente, ou il était là, debout, à moitié habillé, à se faire basher sur son pouvoir, semblait interminable pour un garde qui a déjà la réputation de parfois avoir du mal à connecter deux neurones, donc imaginez avec un coup dans le nez.
Il voulut réagir, quand elle ricana et se posta devant lui. Mais alors même qu'il ouvrait la bouche pour dire une chose aussi intelligente que ''Ouais et puis même que toi c'est quoi que tu peux faire ?'', bouche en cœur, tête boudante, sourcils froncés, elle prit l'initiative avant lui. Et quelle initiative, elle allait montrer sa capacité. Cool, envoie ; ça allait potentiellement être un truc dingue. Aucune idée de ce que ça avait à voir avec le fait de de parcourir son torse de sa main, puis de lui baisser la tête et...
Oh.
La brusque réalisation de ce qui se passait le frappa comme une moloch enragée, alors que leurs lèvres se rencontrèrent, ayant remarqué comme un voile, un filtre magique autour du visage de la femme. Il s'est pas attardé là dessus, pour dire vrai. Son esprit était déjà embrumé par ce baiser ; eh, laissez le tranquille, il n'a été que garde-garde-garde-garde, récemment, ça occupait tout son temps et ses pensées. Une soirée, il se mit à penser à autre chose.
Succube. Tel devait être son pouvoir, sans doutes, il en arrivait à une telle conclusion car cela ne semblait pas avoir eu d'autre effet que de donner envie à Hryfin, une fois le baiser rompu, de le prolonger, ce qu'il ne se fit pas prier au final, repartant immédiatement à l'assaut des lèvres de Kala. C'est lui qui rompit le deuxième, passant ses bras autour de la belle, la rapprochant ainsi encore plus prêt de lui. Il avait un petit sourire, presque narquois et hautain ; la fierté de plaire à la dame ?
Enfin, plaire, c'est un grand mot. On dit souvent que ''Allez, le pire qu'elle peut te dire, c'est non''. Alors que le pire, actuellement, serait que le grand ait mal lu le feeling de la pièce, et que ses prochains geste soient très mal vus ; très mal perçus par la danseuse, qui lui mettrait sans doutes un coup bien précis dans l'endroit le plus douloureux connu de l'homme, avant de l'insulter et de partir en courant. Dans tous les cas, il était trop tard pour considérer qu'elle voulait vraiment juste simplement lui montrer son pouvoir, car alors qu'il répondait à la jeune femme, sa main droite commença à glisser le long du dos de Kala, s'arrêtant à la cambrure de son dos, alors que l'opposée suivit les formes du flanc de son invitée, se stoppant elle sur ses hanches.
'' Pas vraiment sur qu't'aurais préféré le pigeon. Et oui, totale aussi ! '' Il ricana. '' Pas plus encombrant qu'actuellement, en tout cas. ''
L'hippogriffe leva un sourcil. Après tout, rien n'avait vraiment changé, depuis l'étrange lueur magique qui avait émanée du faciès de Kala. Il haussa un sourcil, la curiosité l'avait presque aussi piqué que la charmante compagnie qu'il avait sur le moment. Se recroquevillant de manière presque grotesque dû à sa taille, il enfouit son visage dans la nuque, y déposant un baiser, et lui chuchotant sans vraiment aucune raison à l'oreille.
'' Et du coup. A part charmer. C'est vraiment ça, ton pouvoir ? Embrasser les gens ? ''
Tout content de sa bêtise, il rigola, ce qui n'était pas des plus agréables pour elle, de ce qu'on peut deviner, vu qu'elle étais presque enlacée et très proche de lui, elle pouvait sentir les mouvements du torse de Hryfin au gré de la résonance de son rire.
Si elle rit à ses mots, elle n’en frissonna pas moins lorsqu’il embrassa sa nuque. Ne pipant mot d’abord, il ne fallut qu’une poignée de secondes pour qu’un sourire sabre son visage. Si seulement son pouvoir résidait simplement dans le fait d’embrasser divinement, tout serait plus simple. Bien plus simple. Reculant légèrement, elle l’observa non sans un air amusé.
- Tu es encombrant. Crois moi. Et sans se moquer elle était on ne peut plus sincère. Un homme de sa stature dans sa chambre du cabaret se serait bien vite sentit à l’étroit. Heureusement cela ne devait et ne se produirait jamais. Elle se contenta donc de ne rien ajouter, rebondissant immédiatement sur un autre sujet.
- Tu es aussi aveugle et naïf qu’un pimplume de six semaines… N’est-ce pas ? Murmura-t-elle sans vraiment s’adresser à lui. Elle contempla un moment son visage en silence, laissant sa dextre caresser l’un des angles de sa mâchoire.
Diane ne ressentait pas la nécessité de parler, ils n’en avaient pas besoin. Elle supposa que les gestes, les regards et les souffles en disaient suffisamment long. Pour sa part en tout cas.
- J’ai bien d’autres talents. Ses iris d’or se levèrent pour aller rencontrer leurs jumelles, provocatrices, avides… Ce soir, elle avait envie de s’exprimer d’une façon qui lui était propre. Elle n’avait pas envie de se plier aux désirs d’un illustre inconnu. Diane voulait sentir la chaleur caresser sa peau, la lécher et la dévorer. Elle voulait enfouir ses sentiments dans une étreinte qui ne les briseraient pas, dans le creux des bras de Hryfin. S’échapper un instant de ce monde qui ne tournait pas rond, qui allait bien trop vite pour elle. Ce soir, elle avait décidé non pas de s’offrir mais de partager.
Agile, sûr d’eux, ses doigts tracèrent un chemin familier jusqu’à la nuque du brun qu’elle pressa ensuite jusqu’à écraser ses lèvres contre les siennes. En ce royaume, elle était maîtresse.
Elle le démontra plus d’une fois cette nuit là, de même qu’il lui prouva que ses muscles n’étaient pas fait que pour combattre. De la douceur perçait dans ses gestes, autant que de force dans ceux de la danseuse. Dans un méli mélo de corps, une danse toute différente sur un tempo qui allait crescendo. Un concerto de souffle et de son, de chaleur et d’envie, de désir et d’abandon. Le corps de Diane s’enflamma dans les ténèbres de la petite chambre, sous l’eau brûlante de la salle de bain ou encore dans la fraîcheur du couloir qui y menait. Sa concupiscence ne s’arrêta pas en si bon chemin et elle prit grand soin de laisser des marques de son passage sur le corps de son amant, de ses dents, de ses doigts, de ses lèvres. Comme une signature de sa présence, un souvenir qu’elle lui offrait comme témoignage de l’existence de cette nuit. Car dès demain, lorsque le jour serait levé, que le soleil percerait à travers les lambris et l’éveillerait, elle s’en irait sans jamais plus se retourner. Sans doute que leurs chemins se recroiseraient, et alors ils ne seraient plus que Kala la domestique et Hryfin le garde royal, mais pour l’heure elle profita seulement de l’exquis et sécurisant sommeil que lui offrirent les bras puissants. Elle se lova tout contre lui, se fondant contre la peau de sa poitrine, bercée par un palpitant encore agitée. Oui, demain, elle aurait tout le temps de penser. Ses lèvres effleurèrent une dernière fois la peau salée avant qu’elle ne sombre, non pas dans la luxure cette fois mais dans un sommeil serein et sans rêve.
Le garde royal était resté dans son mutisme depuis maintenant quelques minutes, écoutant ce qu'elle avait encore à dire, même si tout cela semblait dérisoire ; ce serait les gestes, les regards, tout le langage corporel qui rentrerait en compte dans les prochains échanges, ce qui sont des choses auxquelles l'hippogriffe arrive beaucoup plus à s'identifier, il n'est pas doué avec les mots ; doubles sens, jeux de mots, plus que quatre syllabes, c'est pas un grand érudit. Et avec un coup dans le nez, c'est empiré. Les mouvements, par contre, ça lui parlait. On peut dire ce qu'on veut, notre corps nous contredira toujours, c'est reptilien, les tics, réflexes et autres roulements d'yeux étaient autant d'indices pouvant trahir le fond de votre pensée.
Il serait donc hautain et malhonnête d'assumer que Hryfin ne s'attendait pas à la suite des événements, juste en plongeant son regard dans les yeux dorés de son invitée. Eh, invitée. Drôle de manière de penser à elle en tant que telle, dorénavant. Petit mouvement de recul de la part du garde royal alors que la main droite de la femme s'étendit vers son visage ; à défaut de s'en plaindre, une partie de son menton et sa mâchoire étaient encore douloureux, souvenir hanté d'un garde à la bagarre facile. Laissant tout de même Kala parcourir son corps, aucun résistance quand elle abaissa la tête du grand afin de dérober un autre baiser, plus appuyé, plus significatif.
C'est à partir de là que le garde royal...Non, juste Hryfin, pu s'abandonner avec elle. Plus de pression du travail, plus de musique et personnes agitées entassées sur des tables ; il n'y a plus de garde qui tienne. Une autre danse, une rythmique à en agiter un métronome, un ton en deux temps entre grâce et vigueur, respectés par les deux membres du duo. Ne retentissaient plus chez lui que l’écho de leurs sons, la consonance de leurs soupirs, à l'extérieur, la rue pourrait être aussi animée qu'un marché d'hiver au Grand port qu'elle serait parfaitement ignorée. Aucune protestation ne venait du grand quand elle marquait son corps ; ne faisant de même, ne voulant abîmer ou profaner son corps, il se contenterait de marquer son esprit au moins pour cette nuit, qui se finit plus paisiblement. Lui même essoufflé, tempes battantes, il appréciait le contact de la femme, l'intensité du moment passé, la sentir toute lovée et protégée contre lui flattait son ego, et eut comme point d'honneur de laisser Kala s'endormir tranquillement, avant de lui même sombrer dans un sommeil tranquille.
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'' Eurh. Ma tête. ''
Il s'était parlé tout seul, à voix basse. Il avait beaucoup trop bu, la veille. Bien que l'alcool atteigne que difficilement ses capacités motrices et à s'exprimer, remercions sa jeunesse, toujours l'impression qu'on jouait du tambour dans sa boite crânienne au réveil. Toujours collée à lui, la danseuse arrache un soupir et un sourire au garde. La possibilité que ce ne soit qu'une histoire d'un soir ; aidée par l'alcool, et que le souhait de la femme était de partir au plus vite en catimini était plus que grande. Il se donna toutes les peines du monde pour réussir à se défaire du lit sans la déranger, paisible qu'elle paraissait. Assit sur le bord du lit, il passa ses mains sur son visage, se massant légèrement le front, les tempes, la nuque ensuite.
Se levant et enfilant un bas rapidement, il entreprit de descendre les escaliers d'une discrétion relative quand on prend en compte son physique ainsi que l'indécente tendance qu'ont ces escaliers à grincer quand il ne le faut pas. Ce ne fut heureusement pas le cas cette fois. Un coup bref coup d’œil à l'horloge révéla qu'il était encore bien tôt, c'était superflu en tout cas, le soleil perçait à peine par les fenêtres. Se rendant dans la salle de bain, il se mit un coup d'eau sur le visage, puis s'observa dans le miroir.
'' Ah. Quand même. Le salaud. ''
Une mauvaise tendance à se parler tout seul, ça ne date pas d'hier. Il faisait en l’occurrence référence à son menton, pas gonflé, pas brisé, vu qu'il bouge sa mâchoire dans tous les sens sans pour autant souffrir plus que ça. C'était toujours pas sympa à voir, cependant, violacé et bien marqué. En se redressant et en prenant un peu de recul, les stigmates de la nuit dernière étaient également visibles sur son corps. Eh. Bien heureux celui qui ne vit plus en communauté au sein de la caserne, hein ? Ça aurait fait jaser au sein du régiment.
A cette heure, il se préparerait pour y retourner, justement, à la caserne. Plutôt le bâtiment de la garde royal. Prendre son poste, son assignation, ou quoi que son lieutenant ait décidé qu'il aurait à faire. Quel manque de sérieux il lui trouverait, à partir en taverne, se détruire autant qu'il détruit ses anciens petits camarades, puis finir sur une nuit des plus agitée. L'idée de pouvoir se passer d’entraînement matinal en considérant les événements comme suffisant lui arrachèrent un sourire.
En sortant de la salle d'eau, il se rendit vers l'âtre. La magie pouvait très bien suffire, et faire office de chauffage efficace, mais il était vieux jeux, et trouvait que ces pierres n'avait en rien le charme d'un feu de bois. Lié à son passif à la forge ? Possible. Un rapport particulier avec la chaleur naturelle et les flammes. Alors qu'il alimentait le foyer et allait finalement créer l'étincelle allumant le feu, il entendit ces fameux escaliers grincer non loin. Oui, sa maison n'étant pas hantée, sauf de mauvais souvenirs et certains regrets peut-être, et ne grinçant pas seuls, ça ne pouvait que signifier qu'elle était également en train de descendre. Il avait fermé à clé, l'autre pièce de l'étage ? Aucune idée. Elle ne trouverait rien de probant en fouillant, dans tous les cas.
'' Hey. Bien dormi ? ''
Bien qu'un sourire rayait son visage, il restait penché devant le foyer naissant, ne voulant absolument pas brusquer la danseuse, attendant avec impatience son prochain mouvement, quelles paroles sortiraient de sa bouche. Ryf n'était pas un mec chiant, ni un lourd -quoique. Il sait pertinemment qu'ils ne se sont engagés à rien, qu'à tout moment, ils pourraient s'échanger un rapide au revoir et la voir passer la porte, ce qui le ferait enchaîner sur une préparation rapide avant de se rendre au travail. Il y aurait un côté vexant, bien sur, ne le nions pas, mais compréhensif.
En tout logique, il ne lui proposera pas un café, un truc à manger ou quoi que ce soit, bien qu'il avait déjà tout ce qu'il fallait chez lui pour un petit-déjeuner parant à toutes envies et occasions ; lui même en prends généralement un solide avant de partir, sait-on jamais qu'il n'ait pas l'occasion de déjeuner là ou il devra aller.
Le soleil brillait faiblement à travers les persiennes lorsque la danseuse s’obligea à ouvrir les yeux. Elle n’avait aucune envie de quitter son cocon de chaleur mais elle n’avait pas le choix. Le palais n’attendrait pas qu’elle veuille bien récupérer de sa sauterie de l’autre soir. D’ailleurs tout était un peu flou. Elle se souvenait d’avoir beaucoup bu, d’avoir danser. Le visage de Hryfin passa, fugace, dans son esprit et elle ne pu s’empêcher de rire.
« Sacré bonhomme celui là ». Dans une autre vie, si elle avait été une autre personne, elle était persuadé qu’ils auraient pu être amis car quoi qu’elle puisse en dire, elle avait apprécié sa compagnie. Cependant elle se félicita de s’être enfuit dès les premières lueurs du matin. Du moins, elle le fit avant qu’une voix rauque ne lui parvienne faiblement, au-delà de sa barrière de draps, plus loin dans la maison. A cet instant précis l’entièreté de son corps devint statue de sel et les images de la veille défilèrent comme dans un kaléidoscope. L’escarmouche avec l’autre garde, le cadet qui la priait de raccompagner le colosse, leur trajet dans les rues de la Capitale, le pouvoir de Hryfin, le verre de vin, la tâche, sa propre capacité, ses lèvres, la douceur de ses larges mains malgré des muscles tendus à l’extrême, la luxure, dans laquelle ils s’étaient plongés avec une allégresse flambante... Diane se sentit rougir et soudainement elle eut chaud. Affreusement chaud. Tellement qu’elle dû lutter pour ne pas sortir en trombe des draps, récupérer sa robe et fuir en toute hâte. N’avait-elle pas dit qu’elle s’enfuirait dès le lendemain avant même qu’il n’ouvre les yeux ? Elle avait échouée, lamentablement.
- Que faire ? gémit-elle. Faire la morte irait pendant cinq minutes, elle pourrait toujours prétexter n’être pas du matin mais il n’empêchait qu’elle devrait tôt ou tard quitter sa cachette de couverture. - Foutu pour foutu... Elle grogna en s’extirpant à grand peine du lit douillet. Sa robe gisait toujours sur le sol là où ils l’avaient abandonné. Le visage du soldat, enfouit dans son cou et dévalant sa peau avec ses lèvres avides lui revint. Elle dû s’armer de courage pour le chasser. Sans difficultés aucune elle enfila son caftan rouge cardinal.
La vitre lui renvoya son reflet, flou et presque translucide mais suffisamment visible pour qu’elle constate que ses cheveux étaient en désordre. Il ne fut pas aisé de les dompter et malgré ses efforts ils gardaient un volume incongru ainsi que des boucles brisées, elle vint donc les nouer en un chignon dont nombre de mèches folles s’échappaient. Elle ne pourrait faire mieux. Puis elle dévala les escaliers. D’ordinaire elle ne faisait pas grincer les escaliers, son pas était léger et aérien, elle se faisait un plaisir d’être la discrétion même alors qu’elle n’était qu’un apparat fort difficile à cacher. Mais ce matin là, elle tenait à ce que son hôte l’entende arriver. Elle ne tenait pas à le prendre par surprise.
Ses manigances eurent l’effet escomptés puisque son pied nu n’eut pas le temps de toucher le sol que déjà la voix sympathique du garde l’accueillit. Pendant quelques instants elle l’observa sans rien dire. Les contusions de la veille ne s’étaient vraisemblablement pas améliorés ; le bleu commençait à sortir, ce qui était une bonne chose en soit mais qui lui donnait un air de… Eh bien de soldat.
- Bonjour. Tu as une sale tête. Elle marqua un temps d’arrêt, hésitante puis fit un pas dans sa direction. - Mais oui, j’ai bien dormis. « Un peu trop d’ailleurs » Râla-t-elle. - Et toi ? Le petit sourire qu’il affichait lui laissa deviner la réponse. Se détournant de lui, elle se dirigea vers la cuisine. Là où leurs verres de la veille les attendaient encore. - Je ne resterais pas longtemps. Dit-elle d’une voix maîtrisée. - Je dois retourner travailler. Ses yeux parcoururent un moment les étagères visibles sans qu’elle ne tombe sur ce qu’elle voulait. - Les nobles ne boivent-ils que de l’eau et du vin ? Diane avait envie de thé. Un thé fort qui lui permettrait de rester éveillée jusqu’au soir où elle devrait danser pour les clients de Ash. - Je pourrais avoir un thé ? Non pas que je ne sache pas le faire mais « bienvenue mais pas autant ! ». Railla-t-elle en imitant grossièrement la réaction que Hryfin avait eu la veille. Enfin, semblable à un chat elle fila se lover sur le canapé, rapprochant ses genoux de sa poitrine et posant ses yeux dorés si particulier sur son compagnon. - Il te fait mal ? Elle pointa du doigt le bas de son visage. - Ton menton.
La sollicitude de Kala faisait plaisir à entendre, bien que ridicule dans le fond ; pour le garde royal, on ne dort bien que chez soi. Il a toujours eut du mal à trouver le sommeil chez les autres, il y avait toujours ce petit quelque chose qui allait pas ; cette eau qui goutte, cette rue trop animée, cette couverture qui gratte. Là où on peut tout diriger est l'endroit parfait pour se ressourcer. Après tout, son annonce n'était peut-être que signe de politesse, bien qu'elle serait tout à fait capable de dire 'Non, tu ronfles et prends trop de place, pire nuit de ma vie, la rue aurait été mieux, 2/10 je recommande pas', ce qui en soit n'est pas erroné. Aucun besoin de répondre cependant, le sourire et le regard du grand parlaient pour lui.
Depuis la cuisine, il apprit qu'elle ne comptait pas rester, qu'elle a du travail, elle aussi. Cela fait sens, il ne comptait pas la retenir ou la garder ; attention, il n'aurait rien contre, ce serait mentir que dire qu'il ne voudrait pas passer la journée avec elle. Lui aussi doit se rendre à la caserne de toutes façons, étant lève tôt de nature, il avait cependant tout le temps du monde pour se préparer. De mémoire, son service ne commencerait qu'en fin de matinée. Ses supérieurs ont étrangement tendance à le ménager, en ce moment. Après tout, dans la capitale, à part ses collègues et son travail, il n'a pas grand chose, il fréquente donc les uns et se jette à corps perdu dans l'autre, si bien qu'en haut, ils doivent penser qu'il pourrait craquer à tout moment. Loin d'être le cas. Il a les épaules, aussi bien physiques et mentales, pour encaisser tout ça. Bon, en décompressant de temps à autres.
Il fut amusé par la réflexion de la petite, et ricana en l'observant fouiller sa cuisine. Ah, si elle savait les habitudes alimentaires des nobles ! Cela pouvait très bien être le cas, après tout, les détails les plus infimes de la soirée d'hier ne revenaient que par petits bouts, mais il ne lui semble pas avoir eu l'occasion de saisir ce qu'elle faisait pour obtenir ses cristaux et vivre dans cette capitale ou tout est si facile d'accès, à prix parfois coûtant. Elle était gracieuse, agile, une dégaine presque féline dans ses mouvements. Par contre, du thé...Aucune idée de si il a ça. C'en est loin d'être un consommateur régulier, eh, même un consommateur tout court. Alors qu'il se rendait à la cuisine sous l'écho de son imitation -plus que ratée, au passage-, il commença à fouiller également dans ses placards. Dos à Kala, il lui répondit tout de même.
'' J'ai peut-être pas de thé...Ah, et oui, normal. Moi aussi jdois bosser, un peu plus tard. Jte retiens pas non plus, hein. '' Encore un peu dans le coaltar, il faisait tomber diverses boites et bouteilles par maladresse, en jurant. '' Et saches qu'un bon noble ne boit même pas d'eau. Ça carbure qu'à la vinasse, ces machins. A sdemander comment ils tiennent debout ! ''
Son faux trait d'esprit l'amusa tout seul, son ricanement retentissant contre les fines parois de ses placards. Ouais, non, rien qui s'assimile à du thé ici. Quand il se disait avoir tout de prévu pour accueillir les gens, il parlait de gens comme lui, la plupart du temps, aussi raffinés qu'une caillasse sédimentaire. Pour lui, boire du thé, c'est fancy, ça se boit le petit doigt en l'air en discutant des derniers potins. Par défaut, il se saisit d'un fond de café qu'il lui reste, et referma religieusement toutes les portes, laissant le bordel à l'intérieur -ça fera l'objet d'un nettoyage plus tard.
'' Ah, et. C'est la pire imitation de moi-même qu'on ait jamais faites. Bravo. Et j'ai que du café, malheureusement. Jbois pas de thé, de base. Faudra faire avec. Ou sans, pour le coup. ''
Sans attendre la réponse de la belle, qu'elle soit favorable ou non, il lança la préparation de la boisson. Si elle n'en voulait pas, il n'aurait aucun soucis à en boire pour deux, c'est un liquide qu'il affectionne particulièrement. En même temps que le café, il avait sortit une petit boite en fer blanc, qui contenait des gâteaux plutôt sucrés, mais étonnamment légers, qui se conservent plus que bien. Ce n'est pas car il répond pas aux lettres de sa famille qu'il ne profite pas de tout ce qu'ils peuvent lui envoyer, et ces petits gâteaux, pas forcément donnés, étaient comme une spécialité, au Grand port. Il pourrait s'en enfiler plusieurs, à la suite, sans réfléchir, mais de un, c'était pas bon pour son régime sportif de garde, et de deux, il n'en reçoit pas assez souvent pour se permettre de tout écouler. Il en grignotait un, adossé au placard, pendant que le tout se préparait. Depuis le canapé, où Kala se faisait presque toute petite, elle le pointa du doigt. Mal ? Ah, son menton.
'' Non. Rien que supporte pas, en tout cas. Jrisque moins de supporter les commentaires de mes supérieurs et collègues, par contre. '' Râla-t-il, plus à l'encontre de l'éventualité ou il se ferait taquiner là dessus. Manquerait plus que certains gardes soient déjà partis cafter, tient, et on aurait le combo de la punition. '' Et ça aidera pas avec les dames, ça c'est certain ! ''
Bon, c'était presque maladroit, surtout qu'il venait littéralement de passer la nuit avec elle, déjà parler d'autres dames, c'était ce qu'on appelle un move à QI négatif. Pas le temps de regretter ses paroles ; encore faudrait-il qu'il s'en rende compte- que c'était du coup enfin prêt. Versant le café dans deux tasses, il en prit ensuite une par main, tout en tenant aussi tant bien que mal la petite boite en fer blanc, fermée. Déposant -allez, lâchant mais de manière adroite- la boite sur la petite table, il se dirigea vers la femme pour lui laisser son café juste devant elle, avant de faire le tour à nouveau et s'asseoir, ouvrir la petite boite, reprendre un gâteau en sirotant sa boisson. Encore chaude, c'est parfait.
'' Sers toi, bien entendu. Sympa de t’inquiéter, en tout cas. ''
Plein de candeur, il sourit dans le vide, toujours affairé à prendre son petit-déjeuner. A vrai dire, il est direct en prenant en compte ce qu'il pense. Simple, il aimerait à croire que c'est vraiment de l’inquiétude, ou en tout cas, un véritable intérêt qu'elle porte au coup qu'il a prit d'une manière à la fois complètement débile mais aussi profondément prévisible. Priant que ça ne fasse toujours pas de vague et ne tâche pas son dossier, il s’aperçut que même après ce genre de nuit, avec une femme comme ça, sa situation ne lui sortait pas de la tête. Du moins, elle est revenue au galop, après s'être totalement envolée pendant les quelques heures erratiques passées en sa compagnie, et une nuit tranquille bien qu'habituelle.
'' Du coup. Jpenses tu m'as même pas dit. Mais c'est quel genre de travail, que tu fais ? Genre... '' Aucune idée de comment tourner sa phrase avec l'idée qu'il se fait d'elle. '' ...Quelque chose d'artistique ? ''
Allez, ce sera le meilleur des choix, il a déjà fait l'effort de pas dire un truc du genre 'qui tire avantage de ton physique', preuve qu'il lui fallait quand même du temps pour choisir ses mots, détournant un peu de sa franchise directe habituelle, performance possible que sobre, bien entendu. De nouveau, ses yeux turquoise se portèrent sur son invitée. Le même accoutrement que dans lequel il l'avait rencontrée, quoiqu'un peu froissé, rien d'étonnant. Des iris dorés...Particuliers. Mais l'originalité fait le charme. Non, le seul truc un peu plus différent, c'est l'approximation de sa coupe de cheveux. Dans la hâte, elle avait fait ce qu'elle avait pu, ça se voyait. Ryf, lui, ne s'en était pas embarrassé. Cela coïncidait sans doutes avec sa 'sale tête'. Son visage avait l'air reposé et relaxé, par contre. C'est plaisant à voir.
'' Par contre, faudra sans doutes te préparer hein. Ta robe semble pas très bien mise. Et tes cheveux. Par Lucy, faudrait faire quelque chose. ''
On change pas une équipe qui gagne