Parler sentiment est toujours difficile, sans doute plus encore lorsqu'on est une poupée, une chose, un objet, un monstre! Tout avait été si vite, trop vite peut-être? La réalisation de ses sentiments pour un jeune homme, son ami, son si précieux Faolan! Puis cette soirée incroyable durant laquelle tout semblait lui sourire : une invitation pour une soirée au palais, elle qui avait si souvent été oublié par les nobles du royaume était conviée à la réception organisée par le prince lui même! Nerveuse? Oui, elle l'était en si rendant mais pourtant, cela semblait le début d'un compte de fée! Une aubaine pour celle qui était surnommée "La fée des poupées" par un adorable enfant... Le dôme anti-magie avait exhaussé ce vœu, si cher à son cœur, qu'elle pensait impossible : annuler cette horrible transformation, la rendant humaine à nouveau! Se voyant dans un miroir alors qu'elle ajustait sa robe, elle se trouvait belle pour la première fois depuis bien longtemps : humaine enfin à nouveau! Début de ce rêve éveillé, la surprise et le plaisir fut plus grand encore lorsqu'elle se rendit compte que Faolan était présent! Tout semblait parfait pour la poupée plus heureuse que jamais, tout semblait lui sourire...
Elle se frotte le visage, là où se trouverait son nez si elle en avait un... Le rêve jamais ne dure malheureusement! Le réveil est souvent brutale malheureusement : après une danse des plus agréable, un baiser fut échangé ou du moins, fut-il plutôt donné simplement? Sans doute car aucun échange n'eut lieu, alors qu'elle voulait que son ami sache ce qu'elle ressentait, il ne réagit même pas : pas de mots, pas de geste, juste une réaction étrange comme un malaise de la situation... Non, Fedora n'était pas l'héroïne d'un magnifique livre et malheureusement, son rêve s'arrêta brutalement : fuite en pleure, reprise de l'apparence de poupée sans même le vouloir : elle errait sans but dans les rues de la capitale avant de retourner dans son ancienne demeure - lui appartenant toujours - pour hurler cette peine qu'elle ne pouvait pas pleurer. Quelques jours plus tard, elle revoyait Faolan et de mauvaise humeur en incompréhension lui avoua ses sentiments, cela uniquement pour se heurter à un refus indirecte, une excuse toute trouvée, une affirmation disant qu'il avait besoin de réfléchir à ce qui est pourtant le plus instinctif : les sentiments...
*Idiot!* Se dit-elle, trouvant sans aucun doute cela bien plus simple de dire que c'est lui l'idiot plutôt que d'accepter une vérité dont elle a pourtant pleinement conscience : c'est elle le problème! Comme si son hideuse apparence et sa nature même de femme objet - au sens propre du terme - pouvait lui permettre de connaître le bonheur! Depuis son retour au grand port, son état ne s'était pas arrangé il fallait bien l'avouer! Elle qui généralement affrontait toutes les difficultés de la vie avec un grand, beau et effrayant sourire ne semblait plus capable d'en afficher ne fut-ce qu'une esquisse. Comme si faire semblant, sourire durant la soirée avec Faolan après lui avoir affirmé qu'elle serait patiente - un mensonge éhontée pour refuser de dire à voix haute ce qu'elle savait pourtant : il n'y a aucune attente à avoir, aucun espoir possible - avait vidé son âme de ce soupçon de joie qu'il lui restait. Sourire à la vie? À quoi bon? Jamais la poupée ne pourra être heureuse, triste constatation de son état qui semble enfin lui éclater au visage comme une révélation présente depuis toujours et qu'elle refusait de voir.
Alors la voici, seule, sa robe rapiécée par endroit sur le dos, ses yeux incapables de verser la moindre larme qui regardent l'horizon, ses jambes retenues par ses chaînes qui pendent dans le vide, son coeur meurtri qu'elle ne peut même pas entendre battre et ses rêves envolés devant la dureté de la réalité... Une poupée sans espoir peut-elle seulement encore se sentir vivante? Elle ne saurait le dire mais cela a-t-il réellement de l'importance? Après tout, qui se soucie réellement du sort d'un objet que Lucy même a abandonné?
S’il avait changé sa tenue à un relai de poste, troquant ses voyants atours de soie, velours et fourrure pour la tenue plus neutre « d’Aurele Desfleurs – premier jardinier du manoir de Hvit » il savait bien qu’il ne tromperait aucun tavernier, ces gens-là étant habitué à juger leurs clients dés le premier coup d’œil… Pour les clients, et les passants dans la rue, tant qu’il n’ouvrirait pas la bouche… ça pourrait passer, du moins s’il ne cédait pas à l’habitude ridicule de faire une révérence à un marchand de saucisses…
Il s’installa à la table placée devant la fenêtre de ses « appartements » et rédigea deux courriers.
L’un qu’il ferait porter à la famille noble qui devait l’attendre, avec peut-être de l’inquiétude car il aurait dû arriver la veille et dans laquelle il disait en termes choisis qu’il avait été dans l’obligation de surseoir à son déplacement,
L’autre pour Arthas, l’enjoignant de le laisser passer le temps qu’il lui faudrait au temple pour y faire retraite… Il expliquait que quant à descendre dans le sud du royaume, il n’avait pu que céder à la tentation de continuer sa route, et comptait rester, anonymement parmi les frères pour témoigner de son dévouement à la déesse…Il imaginait sans peine la terreur de l’intendant en lisant ces mots, le dernier héritier de la famille parlant de retraite et de temple ! Mais de toutes les excuses qu’il avait pu trouver celle-là seule lui garantirait la paix, le vieil homme accepterait même sa décision, s’il venait à la prendre, de rejoindre le temple pour servir Lucy sa vie durant.
Ceci fait, il s’habilla et ferma sa porte, descendit les escaliers et s’éloigna pour voir cette mer qu’il n’avait jamais vu de ses yeux.
Traversant la ville, il se trouva face à l’immense étendue d’eau salée, vit des bateaux grands et petits, des dockers, des marchands, des promeneurs… Les yeux perdus dans le vague, il marchait en évitant machinalement les gens, insensible aux odeurs, aux bruits, aux voix dont quelques-unes le hélèrent espérant lui vendre qui poisson qui souvenirs…
Marchant le long d’une grande jetée moins fréquentée, il arriva à un endroit où le sable rejoignait le bois et retirant ses bottes pénétra sur la plage, se laissant malgré l’hiver caresser les pieds nus par l’eau.
Ici au moins, il ne connaîtrait personne, ne serait pas apostrophé par une voix sophistiquée à l’inflexion snob « Camille-Aurele ! Très cher », Camille-Aurele était mort, il venait de comprendre ce qu’avaient dû vivre les dizaines d’héritières qu’il avait refusées, les unes après les autres, leur reprochant de n’être que des chasseuses de prime en quête de fortune et de confort.
S’il en avait accepté une, peu importait laquelle, il n’en aimait aucune, il n’aurait jamais espéré. Et un espoir inexistant ne peut être déçu.
Retirant de sa poche une longue écharpe de soie brodée dans le coin droit d’une extrémité d’un gardénia magnifique, il la présenta au vent et la laissa s’éloigner… Qui sait, ironie du sort, peut-être le vent la porterait-elle vers l’autre, celle brodée dans le coin gauche et qu’il avait malencontreusement offert à une dame qui ne l’aimait pas… Oui, probablement, l’une comme l’autre échoueraient-elle dans la hotte d’un chiffonnier, au moins feraient-elle le bonheur d’un pauvre homme…
Blessé, amer, empli d’une douleur qu’il n’eut jamais cru possible, le jeune homme marchait de façon automatique. De la poche de son manteau de gros drap un peu défraichi, il sortit les quelques messages échangés : le portrait d’un jeune homme aux longs cheveux blonds et deux missives courtes, et les regardant une dernière fois, les confia, eux-aussi au vent…
Des larmes chaudes inondaient son visage, il n’avait plus rien d’elle, sans doute était-ce mieux… Plus rien, mais un tel trou à la place du cœur… Séchant du mieux qu’il put l’eau qui coulait de ses yeux, il buta dans une forme à ses pieds, par Lucy !
- Oh je vous prie de m’excuser ! Je suis confus ! Vous ai-je fait mal ? Vraiment je ne sais comment me faire pardonner ?!
Reculant d’un pas, il regarda la créature qu’il avait heurtée : une poupée ? Qui diable laisse une poupée de cette taille en bord de mer…
Lorsque celle-ci lui répondit, il pensa bien que l’amour contrarié rend fou…
L'homme, car il s'agit visiblement d'un homme, s'excuse rapidement avant de porter son regard plus sérieusement sur la pauvre victime de ce contact qui n'avait rien demandé mais, qui a tout de même failli terminer dans l'eau froide de l'étendue salée suite à cette "rencontre". Bien-entendu, elle lit la surprise sur son visage, rien de bien étonnant c'est une expression dont elle a l'habitude lorsqu'elle rencontre une personne pour la première fois, au moins il ne semble pas avoir peur... Du moins pour l'instant! Il faut dire que lorsqu'elle est immobile, Fedora ressemble en tout point à une poupée - effrayante certes mais une poupée tout de même - rien ne laisse présager qu'elle soit vivante, dotée d'un coeur qui bat, d'une âme, du don de la parole et du mouvement! Un objet étrange mais tout ce qu'il y a de plus ordinaire... C'est lorsqu'elle s'anime et qu'elle se met à converser que généralement, la surprise laisse place à la peur, laissant la populace sans doute se dire que c'est un monstre quelconque qui est parvenu à entrer dans la ville... Cela sera-t-il le cas encore aujourd'hui? Qu'importe? Elle n'a pas la force de se défendre ou d'expliquer ce qu'elle est! Le sait-elle seulement elle-même de toute manière? Humaine ou monstre, quelle importance? Jamais la frontière ne lui a semblé si mince...
"Ce n'est rien n'ayez crainte..." Commence-t-elle. "Vous ne risquez pas réellement de me faire mal." Continue-t-elle, avantage de son apparence, elle ne ressent pas réellement les chocs. "Au pire vous m'auriez poussé à l'eau?" Se questionne-t-elle sans être réellement certaine que cela aurait été le pire. "Vous devriez tout de même faire attention, certes le quai est calme en cette saison mais en avançant sans regarder vous risquez de vous blesser!" Affirme-t-elle sans réellement que cela ne soit un avertissement ou une inquiétude quelconque, ce n'est rien de plus qu'un fait... D'ailleurs, regardant l'homme, elle se retrouve à se poser plusieurs questions! Rien de bien pertinent sans doute, juste une curiosité de vouloir tout savoir, tout comprendre, qui la pousse à se demander certaines choses. "Que faites-vous ici d'ailleurs? Ce n'est pas réellement la saison pour se promener le long de la mer..." Demande-t-elle sans réellement relever le paradoxe de demander cela alors qu'elle-même est au même endroit! Par ailleurs, l'homme est "étrange", sa tenue sobre mais son parlé, plus soutenu, laisse croire à un statut social plus élevé que ses atours et, encore une fois, elle ne relèvera pas le paradoxe de cette question qu'elle ne formule à aucun moment oralement, elle-même noble de naissance et riche héritière pourtant vêtue d'une robe rapiécée par endroits...
Une poupée somme tout… Etrange. Il haussa les épaules, qu’est-ce qui pouvait être plus étrange chez une poupée que parler de façon intelligible et intelligente ? Pas quelques mots magiquement incorporés dans ce grand corps de chiffon, non, elle faisait des phrases sensées, répondait à des interrogations et posait des questions somme toute logiques.
Le regarde vide, il l’examinait, se pouvait-il qu’un humain, peut-être de toute petite taille soit dissimulé dans ce corps ? Un acrobate peut-être ? un baladin ? ou un ventriloque ? Il se retourna pour scruter les environs, cherchant un mauvais plaisant qui aurait fait parler le jouet pour se moquer de l’idiot qui était en passe de lui répondre ?
Mais ils étaient seuls ou du moins, il paraissait. Il aurait probablement dû être effrayé, le créateur de cette poupée ne l’avait pas avantagée, un corps basique, des membres et une tête retenus par des chaînes, une bouche dévoilant des crocs ? Quel enfant aurait envie de saisir un tel jouet pour le presser sur son cœur ? Existait-il des poupées destinées à punir les enfants en leur faisant peur, comme on racontait bien aux mêmes enfants que des monstres viendraient les quérir s’ils n’étaient pas sages, ou que la déesse Lucy s’ils refusaient de suivre la bonne voie, cesserait à tout jamais de les voir et ne pourrait donc jamais plus leur venir en aide ?
De manière totalement illogique il répondit « oui je suis seul, et vous ? personne ne vous cherche ? on vous a égarée ? ». En lui-même, il s’inquiéta soudainement pour sa santé mentale… Si son amour perdu le rendait totalement fou, il n’était pas si loin de l’archipel, encore que n’y envoyait-on pas que les gens que leur pouvoir dépasse ? Il ne savait pas trop…
Il marqua de nouveau une pause, le temps se durcissait, le vent était plus fort non ? et les vagues augmentaient en taille ? A vrai dire, il ne s’y connaissait pas plus en littoral marin qu’en poupées, ses parents voulant faire de lui un garçon « un vrai » ne lui auraient jamais permis de tels jouets, et les hommes adultes ne jouent pas à la poupée n’est-ce pas ?
Il se secoua, elle paraissait perdue, le regard figé sur la mer, si toutefois on pouvait juger de ce que fixaient ses yeux.
« Voulez-vous que je vous ramène quelque part ? le temps se gâte me semble-t-il ? On est très certainement inquiet pour vous ? » Il lui tendit une main, refusant de penser au ridicule de ce qu’il était en train de faire.
Repris par son éducation, il réalisa soudain qu’il devisait anonymement, et se présenta « je suis Cam… euh Aurele Desfleurs, enchanté, et vous ? Vous a-t-on donné un nom ? »
Il attendait qu’elle saisisse son bras tendu comme n’importe quelle jeune dame, occultant de toute ses forces le fait QU’ELLE N’ETAIT PAS N’IMPORTE QUELLE JEUNE DAME mais une créature de chiffon à tête légèrement surdimensionnée, aux yeux immenses et aux extrémités fixées au corps par des chaînes… Une vague d’inquiétude immense le submergea… Plus qu’il ne parla il gémit dans le vent « Gardenia ! Par Lucy que m’avez-vous donc fait ! Ne voyez-vous pas que je perds la raison ?! »
Il n’empêche, on ne pouvait pas laisser une poupée, belle ou pas, grande ou petite, parlante ou non, sur une jetée face à la mer par un temps de grand vent et de pluie menaçante…
Regardant à nouveau sa compagne, il accentua son geste pour qu’elle s’empare de sa main et le suive…
Pris d'un doute il demanda à nouveau «Vous marchez ? Enfin, je suis confus, la situation j'en ai peur me dépasse ? Quelque chose me dit que vous pouvez vous mouvoir de vous-même ? Me trompè-je ? Si c'est le cas je peux vous escorter, vous ne devriez pas rester ici, comme vous l'avez dit tout à l'heure vous auriez pu tomber à l'eau ? »
A demi incliné dans une révérence inachevée, il restait debout totalement indécis.
"Cherchez-vous quelque chose?" Demande-t-elle simplement alors que l'homme semble regarder partout autours de lui, lui présentant même l'arrière de son crâne alors qu'il se tourne, tentant visiblement de trouver quelque chose du regard, comme s'il avait égaré une chose extrêmement importante. Et soudain, alors que la jeune noble le fixe de ses grands yeux inexpressifs, voici qu'il entame une série de questions avec une incertitude qu'elle est incapable d'expliquer. Est-ce une peur qu'il parvient à dissimuler qui provoque cela? *Pourquoi me chercherait-on?* Se demande-t-elle. Ce n'est pas rare qu'elle parte seule dans les rues du grand port maintenant, depuis qu'elle est installée elle a apprit à connaître la ville portuaire après tout... Mais voici que l'inconnu continu son discours et enfin, la réalisation de la situation frappe Fedora : l'a-t-on égarée? Elle regarde son interlocuteur un petit instant, voici une question bien pire que toute la peur qu'elle aurait pu lire dans son regard, bien pire que toutes les insultes qui auraient pu passer la barrière de ses lèvres... Cela faisait bien longtemps qu'on ne lui avait pas aussi directement traité d'objet sans réellement le faire...
"Et qui donc m'aurait égaré dites-moi? Un inventeur fou? L'enfant de parents un peu trop extravagants qui voulait une poupée géante pour leur petit? Ne pensez-vous pas que je sois trop grande pour que mon propriétaire me perde?" Demande-t-elle, elle-même surprise par ses propres paroles! Elle ne se connaît pas réellement une attitude si agressive mais il faut avouer que vu ce qu'elle pense d'elle-même présentement - persuadée que c'est justement sa nature de poupée et cette maudite transformation qui repousse Faolan - le fait de se faire ainsi comparer à un objet lui a provoqué une certaine colère... Pourtant, le pauvre homme n'est pas responsable, sans doute n'est-il pas méchant? Personne ne pourra lui reprocher en tout cas de penser que ce qu'il voit est en effet la réalité! C'est un fait, pour son plus grand dam, la jeune noble ressemble en effet en tout point à cette poupée étrange et effrayante qu'il voit! Elle ne peut décemment pas lui reprocher de croire ce que ses yeux lui montre et pourtant, comment ne pas se courroucer d'être ainsi traité comme un jouet de mauvais goût?
Et en plus, il continu! Cette fois, Fedora fronce les sourcils! Ce monsieur Desfleurs ne sait définitivement pas comment traité une dame! Même si ses manières semblent polies, ses propos sont plus que déplacés! Fedora se saisit donc de cette main tendue, tirant dessus pour se relever et se mettre sur ses pieds car oui, elle est bel et bien capable de se tenir debout et de se mouvoir seule et cette fois, la jeune poupée en a assez! Elle est toujours gentille, toujours calme, toujours respectueuse et depuis toujours, on lui marche sur les pieds, lui inflige mille supplices, la traite comme un monstre ou un objet! Cette fois, c'est trop! Lui a-t-on donné un nom? Est-elle capable de marcher? Et il ose en plus dire qu'elle aurait pu tomber à l'eau? Non, il n'est pas pire que les autres, c'est un fait, au moins il a des manières et semble plus maladroit que réellement méchant - surtout en comparaison de certains - mais les peines de coeur provoquent parfois des réactions impulsives et, malheureusement pour lui, ce très cher Aurèle Desfleurs va subir ce qui est sans aucun doute la première véritable colère de la jeune noble.
"Non vous ne vous trompez pas! Je suis effectivement parfaitement capable de me mouvoir sans votre aide monsieur! Par ailleurs, j'ai effectivement un nom : celui que mes parents m'ont donné : Fedora Sanward, à la tête de la famille Sanward car oui, contrairement à cette idée dans laquelle vous semblez vous enfermer, je ne suis pas un objet mais bel et bien humaine!" Lui dit-elle sans interruption, c'est l'avantage d'être un poupée, elle n'a pas besoin de reprendre son souffle. "Et par ailleurs, merci de vous inquiétez d'une possible chute de ma part, cependant, je me permet d'humblement vous rappeler que je n'aurais nullement risquer de choir si une certaine personne ne m'avait pas percuté" Conclue-t-elle avant de passer à côté de lui en relevant la tête avec une certaine frustration... Plus digne de son statut de noble que jamais...
Camille est navré, il semble depuis quelques temps -plus que jamais auparavant, et les dieux savent qu’il en a commis des impairs tout au long de sa vie- plus que jamais donc, multiplier les gaffes, les quiproquos, les erreurs blessantes pour les autres autant que pour lui… Mais honnêtement, comment aurait-il pu imaginer qu’elle était humaine ? Une malédiction ? Un pouvoir ? Pourquoi dans ce cas ne pas avoir repris sa forme humaine qui lui aurait évité ce genre de désagrément ?
« Je suis navré Madame, je ne sais comment vous faire part de mon degré de confusion… » Il est tout rouge, honteux ! « Je vous supplie de me pardonner mais comment l’aurais-je su ? Je n’ai pas le pouvoir, malheureusement, de voir au-delà de ce que me montrent mes yeux… » Il soupire « et j’ai peur que mes yeux n’y voient pas trop en ce moment » il est vrai qu’ils sont aussi rouges que son visage, non pas de honte eux, mais d’avoir versé tant de larmes qu’ils offrent le spectacle navrant de deux aigues-marines au milieu d’un coulis de framboises… Une association particulièrement laide et mal à propos.
Comment effacer cette entrée en matière désastreuse ? Est-il plus insultant que de se voir objétiser ? Remarque, si en ce qui la concerne ça doit être relativement fréquent, toutes les jeunes dames qu’on considère comme de vulgaires noms à unir au meilleur parti possible sont-elles traitées différemment ? Il ne se cherche pas d’excuses, il tente de trouver comment se sortir de là et témoigner à cette jeune personne de sa sincérité et de sa gêne profonde.
"Et par ailleurs, merci de vous inquiéter d'une possible chute de ma part, cependant, je me permets d'humblement vous rappeler que je n'aurais nullement risqué de choir si une certaine personne ne m'avait pas percuté "
Bien entendu elle a raison…
« Madame, je vous présente à nouveau mes excuses… » Il soupire profondément, comme si le monde entier reposait sur ses épaules et qu’il peinait à le tenir… « Je connais votre famille de nom, uniquement de nom j’en ai peur, et n’étant pas de la région je ne sais rien de plus » Il se tait, Arthas s’il connaissait l'existence de cette jeune fille avait dû la rayer en raison de cette étrange apparence, et Camille ne connaissait de la noblesse du royaume que les familles ayant une fille à marier… Ou ses relations d’affaire directes, or les Sanward ne devaient pas s’occuper du commerce de denrées agricoles. De plus, s’étant présenté comme « Aurele » il avait plus de raisons encore d’ignorer l’éventuelle puissance de la famille Sanward.
« Je ne cherche nullement à minimiser ma faute, j’errais le nez en l’air et j’en ai peur la visibilité réduite, aussi bien physiquement que mentalement, j’ai peur d’aggraver mon cas à chaque parole prononcée… » ajouta-t-il presque désespéré. « Je vous conjure de croire que je n’ai pas pour habitude de bousculer et insulter les dames… Je suppose que c’est votre pouvoir qui vous permet de prendre cette apparence ? » il la regarda, implorant Lucy de ne pas encore gaffer…
« Vous vous moquez probablement d’éclairer un voyageur importun, mais … pourriez-vous m’éviter de commettre plus d’impairs en m’en disant un peu plus ? » Il eut un mouvement de recul, elle allait imaginer qu’il souffrait en plus de curiosité mal placée « je vous assure que ce n’est pas… comment dire… » O par les dieux ! s’il continuait comme cela non seulement il serait de plus en plus nébuleux mais il allait bafouiller en plus !
« Je ne veux ni me moquer ni vous blesser, justement c’est pour éviter de le faire que je voudrais… » en savoir plus sur vous ? mais de quel droit ? S’il l’avait rencontrée à une réception ou chez des amis de leurs familles, oui bien sûr, mais là… De quel droit demandait-il à une dame heurtée dans la rue de lui dévoiler ses secrets.
Dans un cri du cœur qui s’adressait à lui plus qu’à elle, et qu’il pensait muet, il regarda le ciel chargé et la mer agitée « O par la déesse ! je suis lamentable ! »
Pourtant, alors qu'elle aurait sans aucun doute dû se confondre en excuses pour cette réaction indigne d'une damoiselle, plus encore de son rang, c'est ce mystérieux personnage qui, le premier, fait le pas... Pourtant, il a raison : ses yeux lui montrent ce qu'elle est et, pour toute personne ne la connaissant pas, elle est effectivement un étrange objet! Ce n'est d'ailleurs pas le premier qui fait l'erreur, déjà par le passé alors qu'elle marchait avec sa mère - paix à son âme - dans les rues de la capitale, certaines personnes les arrêtaient pour savoir d'où venait cet étrange jouet... Non, le jeune homme ne s'est pas montré plus insultant que les autres! La vérité est simplement que Fedora est bien plus à fleur de peau aujourd'hui qu'elle ne l'était par le passé!
La tristesse conduit à l'impatience, l'impatience à la colère et pourtant, ce n'est nullement une excuse! Ce jeune homme ne méritait pas une telle réaction! D'ailleurs, bien que maladroit, il faut lui reconnaître des qualités! Certes, ses propos sont injurieux - même si pour son excuse, il ne pouvait effectivement pas savoir - mais au moins, plutôt que de la peur, du dégoût ou du mépris, il a montré de l'inquiétude pour la demoiselle, se proposant de la raccompagnait, s'étonnant de la voir ainsi seule, imaginant même qu'elle était perdue ou craignant qu'elle ne puisse chuter à cause du climat qui semble s'emballer... L'un dans l'autre, il a commit bien moins d'impairs que la plupart des personnes lorsqu'elle les rencontre. Et malgré cela, même sa gentillesse et son inquiétude de la voir choir lui ont valu une remarque cinglante, pire : une accusation! Définitivement, la jeune poupée n'a aucune excuse pour son comportement, agresser littéralement un homme ainsi pour son ignorance sur un sujet qu'il ne peut de toute manière pas savoir? C'est parfaitement incorrecte!
De plus, l'homme semble sincèrement vouloir en savoir plus, il pose des questions - certes totalement indiscrètes - mais la jeune demoiselle serait bien mal avisée de lui en tenir rigueur! N'est-elle pas elle-même coupable d'une curiosité maladive et d'une volonté de tout connaître sur tout et tout le monde? Faisant le geste de soupirer - bien qu'elle ne possède pas le moindre souffle - elle fait volte-face pour regarder son interlocuteur et secoue doucement la tête de droite à gauche. "Vous n'êtes guère lamentable..." Dit-elle en regardant le visage de ce jeune homme de ses grands yeux inexpressifs. "Je vous dois des excuses! Comme vous l'avez si bien fait remarqué, vous ne pouviez pas le savoir... Mon apparence est ce qu'elle est après tout." Affirme-t-elle comme résolue à ce fait, c'est après tout effectivement le cas elle ne peut s'en défaire. "C'est en effet mon pouvoir qui est la cause de cette apparence... Spéciale?" Demande-t-elle plus pour elle-même que pour avoir une quelconque réponse. Comment mieux décrire cette apparence qui est la sienne qu'en utilisant cet adjectif qui veut tout et rien dire en même temps? "Je peux me transformer en poupée... Ou plutôt, j'ai pu le faire! Malheureusement, il m'est depuis impossible de reprendre une apparence humaine." Conclue-t-elle simplement. "Mais vous-même semblez avoir vos propres problèmes... Je ne peux verser de larmes mais je peux reconnaître des yeux en ayant trop versés..."
Camille la regarda profondément stupéfait. Il faillit dire sincère et spontané « vous ne pouvez pas ! » et se retint, il achèverait de se ruiner en semblant naïf et stupide. Elle avait dit ne pas pouvoir, à n’en pas douter elle avait tout essayé pour inverser les choses, sinon elle ne se mettrait pas en position de subir encore et encore le quiproquo de tout à l’heure…
« Je suis profondément désolé… Les dieux sont parfois cruels en dispensant leur pouvoir… », il n’ajouta pas « si j’avais pu me passer du mien… » mais qu’était-ce que connaître la moquerie et la contrariété de quelques bretteurs à côté de passer sa vie sous l’apparence d’une poupée ?
« M’en voulez-vous toujours ? Il semble que je sois complétement et absolument incapable de me faire comprendre… Tout particulièrement des femmes, mais vous n’y êtes pour rien… J’ai pleuré oui, de fait, je pleure depuis des jours, mon voyage depuis la capitale a dû irriguer tout le chemin de là-bas jusqu’ici… » prononça-t-il d’un ton qui laissait bien entendre combien c’était dérisoire et qu’il en était conscient. « Je suis amoureux… enfin ou j’étais, je ne sais à quel temps il faut conjuguer cela… Quand je l’ai vue… O par la déesse ! J’ai su immédiatement qu’elle était la seule pour laquelle mon cœur accepterait de battre… » il hoqueta un peu et dû s’arrêter pour se reprendre, et reprendre par la même occasion son récit.
« Le souci est que moi seul en ai pris conscience. Elle aurait peut-être avec le temps accepté mon amitié, mais ne ressentait absolument rien d’autre pour moi qu’un intérêt curieux. Et elle ne se sentait pas prête à ressentir quoi que ce soit d’autre pour personne… » Il soupira.
« Puis-je lui en vouloir ? Assurément non, elle a vu bondir pendant une promenade nocturne dans un jardin ce qui s’est avéré être un prédateur de sentiments totalement inconnu d’elle, exalté, dément… Pour une fois que j’étais assez assuré pour déclarer ma flamme… J’ai peur d’avoir totalement anéanti mes chances en la poursuivant par des missives indésirables, lui envoyant poèmes, dessins, cadeaux au moyen d’une adorable colombe porteuse de messages… Enfin… j’ai blessé cette dame qui me fuit comme la peste et me suis blessé moi-même, si grièvement que je souhaitais en mourir… C’est pathétique n’est-ce pas ? Mais je dois vous ennuyer… Si au moins mon ridicule amour pouvait vous distraire et vous faire rire…»
Il revit la douce et blanche silhouette de son aimée au nom de fleur précieuse… Sa grâce, sa délicatesse, ses traits inoubliables hélas…
« Elle est si belle savez-vous ? Si sage, si délicate, si … » sa voix se cassa et de grosses larmes recommencèrent à inonder son visage qu’il dissimula d’un trait sous sa longue chevelure malmenée par le vent « je ne suis que stupide… Assurément tout le monde le pensera si je conte mes mésaventures, stupide et égoïste car elle… Qu’a-t-elle du penser en étant ainsi assiégée par un demi-fou qui chaque jour lui écrivait des déclarations passionnées… Alors qu’elle ne souhaitait que vivre sa vie tranquille ? J’aurais dû dès son premier « non » comprendre et accepter, mais je n’ai pu m’y résoudre, j’aurais tellement voulu qu’elle me voit tel que j’étais, non un importun outrecuidant et têtu, mais un amoureux sincère et désespéré… »
Il la regarda, quelle malédiction cette apparence, il ne pouvait pas même savoir s’il la rasait ou si elle était attentive…
« Je vous ennuie vous aussi, c’est naturel, vous ne me connaissez pas et ma mie encore moins… Et peut-être avez-vous été épargnée par ce genre de sentiments néfastes… C’est d’autant plus risible que les miens ne rêvent que de me marier et que j’ai jusqu’alors refusé tous les partis… »
Il la regarda à nouveau.
« Je repartirai bientôt, sans doute les atermoiements d’un imbécile du nord vous sont-ils indifférents, et probablement que pas plus que m’écouter vous ne souhaitez me parler de vous ? Que faisiez-vous seule à regarder la mer ? Si ce n’est indiscret ? Concentrée au point de ne pas voir ni entendre un imbécile qui a failli vous faire chuter à l’eau ? » il marqua une pause « si je vous importune, n’hésitez pas à me le faire savoir, je m’en irai sur la pointe des pieds en prenant garde de ne pas renverser une autre dame à cause de ma préoccupation. »
Il fut tenté de lui tendre la main, pour sceller le pardon qu’elle paraissait lui offrir, mais se retint… En y songeant de plus près, le mensonge qu’il avait servi à Arthas lui paraissait une bonne solution… Lucy était une amante qui ne se lasse pas de ses servants, lui offrir sa vie pourrait être la bonne alternative…
Il regarda Fedora Sanward dans les yeux, enfin, là où ses yeux étaient mais comme c’était étrange ce regard qui n’en était pas un…
« Je vous assure que je … » ça y est, il bafouillait de nouveau « QUE je n’y_n’y_n ‘y MET ! aucune_cune curiosité DEplacée ! » Il rougit violemment, se mordant les lèvres… S’il ne le dit pas son être tout entier hurlait ce qu’il avait énoncé il y a peu « O par la déesse ! je suis lamentable ! »
Et la voici qui regarde l'inconnu - elle doute que Aurèle soit son vrai nom, n'a-t-il pas après tout commencé sa présentation par un début de nom différent? - écoutant ses paroles, comprenant sans aucun doute sa situation! Il a fait l'erreur qu'elle se refuse à faire : insister! Il vaut sans doute mieux laisser le temps aux gens, en un sens cela la conforte dans l'idée que son attitude vis-à-vis de Faolan est la bonne : si jamais elle refusait de le laisser prendre son temps, si elle insistait pour avoir une réponse, elle ne serait sans doute pas prête à l'entendre! L'insistance, la dépendance, cet amour que l'on veut hurler à une personne qui ne veut pas l'entendre? Cela a de quoi faire peur et éloigner plus encore l'être aimé! Ce pauvre homme en est la preuve et elle compatit sincèrement car, il y a peu encore, elle aurait sans aucun doute fait la même erreur!
Bien-entendu il pose également la question de sa présence ici : pourquoi diantre regarder ainsi l'horizon en cette journée? L'importuner? Pas le moins du monde et ses questions ne sont pas plus personnelles que celle qu'elle a elle-même posée, conduisant à cette explication complète de sa situation! Naturellement, Fedora fait ce qu'elle fait le mieux : preuve d'empathie, de sympathie aussi! Après tout, c'est bien cela qui la définie le plus et non pas son aspect ou sa colère passagère précédente qu'elle a vite fait de regretter! Cela n'étant pas dans sa nature de hausser le ton! D'un pas, elle approche de ce jeune homme blessé par un amour à sens unique, peut-être elle-même finira-t-elle ainsi également? Elle n'a aucune nouvelle de Faolan depuis leur dernière conversation, peut-être a-t-il décidé de faire semblant de rien? D'ignorer la poupée comme si elle n'existait pas? De l'abandonner sans réellement le lui dire? Il n'est pourtant pas le moment de penser à cela! Se saisissant de la main du jeune homme, la tenant entre les siennes, elle lui offre un grand, beau et effrayant sourire qu'elle veut chaleureux même si son visage - maudit soit-il - ne permet pas de nuancer ses expressions comme elle le désire.
"Vous ne m'importunez pas et je ne pense pas que vous soyez stupide..." Dit-elle simplement comme l'évidence que cela est. "Contrairement à votre supposition, je n'ai pas réellement été épargnée. Certes, mon apparence est celle d'une poupée mais mon coeur est bien humain! Malheureusement, vous vous en doutez, les histoires de coeur étant déjà compliquées, elles le sont plus encore lorsqu'on a pareille apparence..." Car il est évident que c'est cela le plus gros problème! Si elle était humaine, Faolan n'aurait pas eu besoin de temps elle en est convaincue! "J'ai moi-même déclamée ma flamme pour un homme il y a peu. Vous vous en doutez sans doute, ma présence sur ce quai, ma concentration sur l'horizon et mon humeur - qu'encore une fois je regrette - ne sont guère annonciatrices d'une belle et heureuse histoire, bien au contraire." Souffle-t-elle de cette voix monotone qui refuse d'exploser de tristesse. "Je crains de ne pouvoir trouver les mots pour soulager votre peine, il faudrait pour cela que je sois capable de soulager la mienne ce qui, hélas, me semble impossible!" Conclue-t-elle.
Cependant, elle secoue finalement la tête! Se morfondre ne les aidera nullement, que du contraire! Après tout, ce n'est pas en s'enfonçant plus encore dans la détresse provoquée par ces sentiments non retournés qu'ils pourront s'en guérir! D'ailleurs, même le climat semble le leur rappeler, le vent est plus fort encore, faisant voleter la robe de la poupée, les vagues se déchaînent... Non, vraiment, rester sur le quai semble une bien mauvaise idée. "Avez-vous déjà visiter le grand port monsieur? Peut-être voudriez-vous m'accompagner? En même temps vous m'expliquerez pour quelle raison vous mentez sur votre identité? Ces habits sont certes ceux d'un homme du peuple mais vos paroles, vos manières et votre attitude me laisse comprendre que vous n'êtes pas celui que vous prétendez..." Clame-t-elle dans un petit rire. Menteur? Certes! Mais pas un très bon menteur cependant.
Il lui décoche un sourire superbe mais d’une telle tristesse…
« Pourquoi je mens… Je suis toujours trahi si j’ouvre la bouche, je le sais, mais allais-je vous laisser sans réponse ? Peut-être aurait-il mieux valu que je prétende être muet remarque, je ne vous aurais pas fait mal en me méprenant sur votre nature… »
Il secoue légèrement la tête, son regard est empli d’une détresse, d’une lassitude… Non, aujourd’hui plus que n’importe quand il ne souhaitait pas être Camille… Pour rien au monde il ne voudrait que la famille qu’il est venue visiter -bien sûr nantie de deux filles en âge d’être fiancées- ne le rencontre en ville et ne le reconnaisse, après tout, eux n’ont rempli que leur part du contrat en lui offrant un séjour agréable… Aussi d’un geste dont il est familier, tresse-t-il ses longs cheveux blonds et en fait-il un chignon bas qui se noiera entre le col et l’écharpe grossière qu’il porte.
«Je m’appelle Camille-Aurele Hvit, par choix maître-brodeur ou jardinier, c’est selon ; propriétaire et gestionnaire d’un domaine agricole beaucoup trop grand et riche pour mon bonheur, cela c’est pour ce qui ne tient pas à mon choix mais à ce que je subis… Et pire encore, dernier rejeton d’une noble famille qui met en moi tous ses espoirs pour faire perdurer le nom… Mon humeur ayant alerté mes proches -bien qu’ils en ignorent la raison- j’ai été « dépêché » auprès d’amis, parents de deux beautés… On ne m’a pas expressément mis en demeure de choisir l’une, ou l’autre, mais assez curieusement ils ont deux FILLES et non deux fils… J’aurais pu me distraire aussi bien avec deux garçons de mon âge… Aussi me suis-je empressé aussitôt sorti de la maison, de leur écrire que j’avais un empêchement. »
Il la regarda attentivement, était-elle choquée ? Décrypter ses émotions tenait du défi, il ne put éviter de la plaindre de tout son cœur, si -comme il semblait- elle était en plus sensible, elle devait vivre un calvaire bien souvent.
«Si vous me permettez de garder ces vêtements et de me dissimuler au mieux, je visiterais la ville avec plaisir, j’ai loué une chambre sous le nom d’Aurele Desfleurs dans les faubourgs au nord de la ville. J’ai peur d’être assez souvent « Aurele Desfleurs » en ce moment, ce jeune homme est paraît-il mon jardinier »-il sourit- « bien que je ne l’ai jamais vu autrement que sous forme d’un reflet dans un miroir, une vitre ou un étang…»
Il reprit,
« Chez moi on me croit en route pour le temple, où j’ai prétendu vouloir prier et faire retraite, il ne faudrait pas qu’on me reconnaisse faute de quoi je ruinerais non seulement ma liberté momentanée mais aussi la confiance qu’ils ont en moi»
Il chercha de nouveau son avis, elle devait être de son âge ? plus jeune ? un peu plus âgée ? en tout cas, ses paroles ne la désignaient ni comme une très jeune enfant ni comme une adulte fort mûre… Avait-elle aussi été victime de pression pour épouser un homme de son rang et de son milieu ? Lui cassait-on la tête avec la préservation du nom, la sauvegarde de la fortune et du rang, une succession nécessaire pour le domaine ? Il se retint de hurler « j’ai 20 ans Arthas ! je ne veux point prendre femme ! Pas encore ! », il fallait toutefois bien avouer que si on lui avait proposé Gardenia Whytlys, il n’aurait pas tenu ce discours et aurait même fait tout son possible pour hâter les noces… Pauvre Gardenia, bien heureusement ils avaient tenu leur rencontre secrète sans quoi Arthas l’aurait pourchassée plus encore que lui avec ses ridicules cadeaux et poèmes.
Devrait-il le changer pour la prochaine fois ? « Je ne veux épouser que celle que mon cœur agréera et reconnaîtra ? » à n’en pas douter, Arthas le ferait interner, suspectant une grave faille dans sa santé mentale s’il en venait à parler d’amour et non d’union…
Il soupira… Tout aurait été différent si son père avait vécu, il avait devant lui des années encore, il avait été préparé à sa tâche, avait épousé sa mère qu’il respectait et chérissait à défaut de l’aimer d’amour fou, du moins lorsqu'il l'avait agréée… Ils avaient fondé une famille unie et heureuse… Oui, les dieux étaient cruels, pas seulement en distribuant des dons qui ressemblaient parfois à des cauchemars éveillés… S’ils lui avaient laissé les siens, il aurait pu aider son petit frère à grandir et peut-être négocier de ne jamais s’occuper du domaine… Il regarda Fedora, avait-elle des frères et sœurs ? Plus jeunes peut-être ? n’avait-elle pas dit être elle aussi l’héritière de la famille.
Il repoussa ses pensées qui devaient obscurcir sa physionomie.
« Etes-vous fille unique Madame ? Compte-t-on sur vous pour reprendre une affaire familiale ? Qu’aimez-vous faire ? »
Bon… peut-être aurait-il en effet du prétendre être muet, elle ne savait pas combien il avait besoin de relations librement consenties et non dictées par l’étiquette et les besoins du nom…
"Mais vous pouvez vous vêtir comme vous le désirez très cher Aurèle! Sachez que j'aime beaucoup les fleurs, il sera un réel plaisir de converser avec vous et n'ayez crainte, je ne suis guère en recherche d'un quelconque époux!" Affirme-t-elle en riant doucement. Elle ne connaît la famille Hvit que de nom, il faut dire qu'elle a longtemps été tenue loin des soirées mondaines! Depuis la mort de sa mère, la haute société Aryonnaise semble prendre un malin plaisir à l'éviter! Ce n'est pas réellement une surprise, vu son apparence nul noble de ce nom ne veut être associé à son nom! Enfin, cela était vrai avant! Depuis son apparition à la soirée du prince sous une apparence totalement humaine - et même si son comportement et sa proximité avec un "simple serveur" ne lui apporte pas une sympathie totale - certains nobles semblent recommencer à s'intéresser à elle! Après tout, la société dont elle a maintenant les rênes est extrêmement lucratif et, si la jeune poupée est capable de redevenir une demoiselle présentable alors elle devient forcément intéressante! Manque de chance pour eux, elle ne désire nullement se lier à quiconque - excepté bien sûr un "simple serveur" - et surtout pas si cela signifie laisser une autre personne prendre des décisions en ce qui concerne son entreprise!
Indépendante? Forte? Elle ne l'a certes pas toujours été mais elle est heureuse de pouvoir dire qu'elle l'est devenue! Avançant sans lâcher la main de son nouveau compagnon - tactile comme elle l'est, elle n'y voit aucun mal - elle se dirige vers le coeur de la ville, lieu bien plus peuplé que ce quai sur laquelle elle s'était abandonné jusqu'alors. "Fille unique? Je ne pense pas réellement que l'on puisse dire cela même si, techniquement, je suis la seule à porter le nom des Sanward!" Commence-t-elle! Après tout, en retrouvant son père elle a également gagné demi-soeur et demi-frères mais ils sont bien insouciants des problèmes inhérents à la noblesse auxquels elle est la seule risquant d'être confrontée. "Pour ce qui est des affaires familiales, cela dépend de ce que vous entendez par cela... Personne ne cherche à forcer un mariage, de toute façon cela serait inacceptable! J'aurais préféré être déshéritée que de devoir m'unir à un homme que je n'aime pas!" Une certitude qui n'aurait jamais été un problème de toute manière, après tout, sa mère est restée célibataire toute sa vie vu la nature de son père... "Pour le reste, je suis déjà responsable de l'affaire familiale... Mon grand-père a crée son entreprise mais, cela fait quelques années maintenant qu'il nous a quitté et malheureusement, ma mère - paix à son âme - l'a rejoint... J'ai donc du reprendre le flambeau par obligation." Confirme-t-elle. Elle aimerait que ce ne soit pas le cas, que sa mère soit encore présente mais malheureusement, ce choix ne lui appartient pas.
"J'aime beaucoup de choses monsieur Desfleurs! Je m'intéresse à tout. Je suis actuellement l'apprentie d'une enchanteresse extrêmement talentueuse, mon amie Lin! Je m'intéresse notamment aux bonhommes de pierre et aux minerais ayant des propriétés magiques. J'aime la mer, le son des vagues qui viennent se perdre sur le sable! J'aime la cuisine, je ne peux pas goûter mais j'aime voir la joie des hommes qui cuisinent par passion! J'aime la pluie qui me rappel mes plus beaux souvenir..." Affirme-t-elle, comme se perdant dans un lieu parfaitement agréable connu d'elle seule. "Je crois qu'il est important d'oser dire ce que l'on aime n'êtes-vous pas d'accord?"
Il lui sourit d’une façon tellement sincère que malgré les inconvénients de son maudit pouvoir elle dut le ressentir tout au fond d’elle-même.
« Assurément vous êtes une petite personne pleine de sagesse ! La vie serait tellement plus simple si l’on pouvait être soi-même et non ce que l’on attend de vous… La magie ? Je crains d’être totalement incapable de produire la moindre magie -à l’exception du ridicule pouvoir dont je suis affublé- est-ce qu’une enchanteresse peut agir sur la magie ambiante ? Je veux dire vraiment ? Ce doit être merveilleux ? »
Il n’ajouta pas car c’était remuer le couteau dans la plaie « n’a-t-elle pu trouver comment vous rendre votre apparence ? Peut-être y travaillez-vous ? », ce pouvoir non maîtrisé le gênait tout particulièrement, non pas parce qu’il n’était pas maîtrisé, de nombreuses personnes peinaient avec leur pouvoir, certaines ignoraient même en avoir un, mais parce que celui-là tout particulièrement pourrissait la vie d’une charmante personne…
Après, aurait-elle été aussi charmante si elle avait eu l’apparence d’une jolie donzelle de… 18 ans ? 19 ? Pas loin de son âge il en était certain, et déjà à la tête de son entreprise tout comme lui. Les citoyens croyaient souvent être les seuls à devoir travailler jeunes…
Il revint sur ses paroles « les bonhommes de pierre ? Qu’est-ce-donc ? Et la cuisine ? J’aime beaucoup la cuisine aussi, mais j’ai peur de faire le désespoir de mon cuisinier, c’est un artiste qui mériterait de nourrir une vaste tablée à chaque repas et qui n’a pour convive qu’une charmante dame qui se moque totalement du contenu de son assiette, un vieil homme dont les sens doivent être émoussés et qui critique toutes les présentations des plus classiques aux plus audacieuses, et moi… qui grignote comme un demi-écureuil anémique… Sentez-vous les arômes ? pouvez-vous au moins profiter de l’aspect ? A en croire mon homme de l’art, cela compte autant que le goût ? »
« Savez-vous Fedora » -il rougit- « puis-je vous appeler Fedora ? Après tout, vous m’appelez Aurele ? Savez-vous Madame, que vous êtes une personne sensée, agréable, intelligente et qui me semble gagner à être connue… ? » Il sourit « Si vous étiez intéressée, je vous proposerais le mariage tiens ! Allons non, j’ai au moins compris une chose avec ma récente et malheureuse mésaventure, c’est qu’il ne faut pas plaisanter avec les sentiments. En tout cas, c’est un honneur autant qu'un bonheur de converser avec vous » continua-t-il espérant ne pas avoir gaffé encore une fois.
Il repassa en revue ce qu’elle avait dit aimer… La mer, le bruit des vagues… Cela il le découvrait et le lui dit, il n’avait jusqu’à présent jamais dépassé la capitale.
« Je découvre la mer… Je suis né près de la frontière tout au nord, j’ignore ce que mon père y faisait, à ma connaissance il n’a jamais été garde, ma mère, elle, l’avait suivi pour ne pas être seule à mon arrivée. Ils y sont restés peu de temps, je devais avoir deux ans au plus lorsqu’ils sont revenus dans les terres un peu au-dessus du Village Perché, dans une petite propriété qu’ils géraient. Mes sœurs y ont vu le jour et j’y ai passé de magnifiques années… Jusqu’à ce que mon oncle tombe malade, enfin mon grand-oncle, l’oncle de ma mère… » Il ferma les yeux, si seulement Adalbert avait pu conserver la santé… Ils n’auraient pas pris la route ce jour-là, n’auraient pas tenté de retrouver l’oncle et la tante, n’auraient pas succombé dans cette maudite attaque… Camille aurait pu découvrir son jeune cousin, ils auraient joué ensemble, tous les deux et les deux filles, et le petit frère qui serait né… Las, refaire le monde ne sert à rien, pas même à se sentir mieux…
Son visage expressif se teinta d’ombre et de chagrin… Il la regarda avec un pauvre sourire…
« La mer est belle, mais semble plus sauvage que n’importe quelle forêt, même que le grand fleuve qui sous des dehors placides est parfois sujet à des colères qui le font gonfler et déborder… J’avoue, le spectacle est fascinant. »
Ils marchaient, main dans la main, traversaient des rues, des places, la ville était animée mais différente de la capitale, les gens y semblaient plus « présents » moins pressés, moins avides de remplir leur journée d’une multitude d’actes parfois sans raison d’être. D’une certaine façon, ils ressemblaient plus aux paysans voisins de son domaine qu’à des citadins.
« Vous devez aimer cet endroit, il en ressort une ambiance… enfin à laquelle je ne suis pas accoutumé. A la fois actif et paisible, comme si les habitants avaient compris la différence entre presse et précipitation… Y êtes-vous née ? Voyagez-vous parfois ? J’ai peur d’être un indécrottable paysan, je ne sors de mon antre que contraint et forcé, et lorsque j’en sors je me terre généralement dans mon pied-à-terre de la capitale, choisi tout spécialement parce qu’il est entouré de jardins et que les écuries me permettent de soigner mes chevaux et de ne pas perdre la nature de vue » Il pensa à l’immense serre qui coiffait ses appartements, buvant la clarté et la chaleur du soleil, et aménagée pour que l’escalier qui y menait depuis l’extérieur couvre les trois étages du bâtiment, permettant sur un court espace d’y placer des arbres à développement moyen sans les écraser. « j’y ai même installé une serre qui fait ma fierté et que je vous montrerais avec plaisir si vous passiez un jour par la capitale, un endroit serein, loin du bruit, du monde, des obligations... Une espèce de petit paradis personnel»
Il avisa un banc et regarda sa compagne, cela se faisait-il ici de s’asseoir et de regarder passer les gens en devisant ? Les personnes la connaissant ne risquaient-elles pas de se demander ce qu’elle faisait avec ce blond aux bottes crottées ? Lui affichait sa qualité d’étranger à n’en pas douter.
« Voulez-vous me parler de vous davantage ? Je suis aussi curieux que discret, promis je ne répéterai rien que vous ne me permettiez de dire » ajouta-t-il en souriant, « mais si vous ne le voulez pas, dites-le franchement, nous nous connaissons depuis… un peu moins d’une bousculade et d’un outrage » son regard brillait et il se sentait étonnamment calme et bien.
"Ce n'est pas tant que l'on agit sur une "magie" ambiante, c'est plus complexe que cela dans un certains sens! Certains éléments renferment un pouvoir, exactement comme le corps de chacun d'entre nous, c'est cela qui permet à certains de contrôler la foudre, d'autres peuvent faire apparaître des objets de n'importe où, ou encore se changer en poupée!" Dit elle en riant doucement. "Les enchanteurs sont capables d'utiliser cette "énergie" en quelque sorte. Que ce soit pour aider les gens à mieux contrôler leur pouvoir, pour créer des objets renfermant cette énergie ou même pour créer des runes ayants divers effets! Je pense personnellement que les bonhommes de pierre sont en réalité le fruit du travail d'anciens enchanteurs personnellement!" Conclue-t-elle finalement. A-t-elle bien expliqué? Peut-être mais certainement moins bien que Lin! Après tout c'est elle la meilleure enchanteresse du royaume aux yeux de la jeune poupée et leur amitié n'a - presque - rien à voir dans ce jugement parfaitement subjectif!
Mais c'est à ce moment précis que l'homme pose LA question, la seule qu'il ne fallait surtout pas poser! Qu'est-ce que les bonhommes de pierre? La jeune poupée se tourne vers lui avec de grands yeux - aussi grand que son apparence lui permet - et sourit de son grand, beau et effrayant sourire... Il ignore ce que sont les bonhommes de pierre! Rien d'autre n'a d'importance à ce moment que cette simple vérité et les conséquences de cette interrogation sont immédiates. "Les bonhommes de pierre sont des entités sur lesquelles on ignore encore beaucoup de chose! Comme leur nom l'indique ils sont des sorte de golem constitué intégralement de roche! Cependant, on peut voir le pouvoir passer dans leur corps sous l'apparence de filament bleutés lumineux, preuve qu'une certaine force coule en eux! Nul ne sait exactement ce qu'est leur fonction, étaient-ils des ouvriers ou des gardes? Impossible de le savoir! Présentement, on ne les trouves plus que dans les ruines ou les grottes, généralement bien loin des humains et ils sont affreusement rares en plus mais extrêmement gentils! Enfin, en réalité difficile à dire, ils ne s'occupent pas réellement des humains, ils ne font que vaquer à leur occupation comme si des années après la disparition de leurs "maîtres" ils s'afféraient encore à la tâche qui était la leur. Je m'intéresse particulièrement à ces créatures, je suis certaine qu'ils ont énormément de chose à nous apprendre et que comprendre leur fonctionnement permettrait un bon de géant dans les recherches d'enchantement mais aussi sur l'histoire même du royaume! Dernièrement, j'ai découvert avec des compagnons une roche incroyable - que j'étudie encore en ce moment - qui a la capacité de corrompre ces gentils géants. C'est d'ailleurs mon sujet d'étude actuel!" Dit-elle sans même reprendre son souffle - chose encore une fois inutile lorsqu'on n'a pas de poumons - alors qu'elle saute pratiquement sur place visiblement passionnée par le sujet.
"Oh et concernant la nourriture non, je ne peux pas manger vu mon corps!" Dit-elle en haussant les épaules, jugeant utile de répondre à la question même si de toute évidence, cela est un sujet qu'elle juge moins intéressant... Elle ne répond rien concernant les compliments qui s'en suivent, non pas que cela ne lui fasse pas plaisir mais, il est affreusement difficile pour elle d'y croire et, lorsqu'il parle de mariage - même si cela n'est que manière de parler ou plaisanterie facétieuse, elle secoue doucement la tête en se contentant de regarder devant elle. Inutile de lui dire qu'elle n'est pas intéressée, elle a déjà été bien claire sur ce sujet! Son coeur n'est plus à prendre même si Faolan l'a questionné concernant sa certitude vis-à-vis de cette affirmation, elle sait parfaitement ce qu'elle ressent et il est inutile d'en parler, pas alors que converser sur les bonhommes de pierre a eut le mérite de lui remonter le moral.
S'installant avec lui sur un banc - ne se questionnant même pas de la légitimité de cette action ou de ce que quiconque en dira - elle se tourne de nouveau vers lui, penchant doucement la tête sur le côté en riant doucement. "Vous êtes un homme étrange Aurèle! Vous faites énormément de suppositions pourtant, elles ne sont pas toute fondées! Sachez que je suis née à la capitale et j'y ai vécu jusqu'à très récemment... Vous semblez croire le contraire cependant, je ne suis pas bien différente de vous! Mon apparence et ma nature étant ce qu'elles sont, j'ai longtemps vécue enfermée, refusant de croiser quiconque pourrait me faire du mal - chose qui a bien souvent été le cas - et je n'ai eu le courage de voyager qu'il y a peu de temps après avoir rencontré certaines personnes fantastiques me donnant le courage d'avancer." Affirme-t-elle repensant à ses compagnons de voyage et ses amis. "Il serait de mon plaisir de voir un jour ce petit coin de paradis qui est le votre, après tout vous avez découvert le mien! Le quai sur lequel nous étions précédemment est le partenaire de mes pensés, mes maux et ma paix d'esprit, il est donc normal que je découvre le votre non?"
Il rougit violemment, certes oui, il était d’une curiosité maladive… Il la regarda, gêné… Il s’était livré, ouvert et l’avait probablement importunée, après tout, qu’en avait-elle à faire de lui ?
« Je_je_je SUIS DEsolé… Je_je_je BRODE votre vie… Cé_cé_c’est QUE LES gens m’INT_INTéressent ! »
Il baissa la tête, voilà, ça recommençait… Quand cesserait-il de se ridiculiser dés qu’il ouvrait la bouche ! Oui, les autres l’intéressaient… Ils étaient autant de mystères mouvants et vivants… Ils pensaient, ressentaient, parlaient, allaient d’un endroit à l’autre, passaient de la peine à la joie… Tout cela était bien plus captivant que son propre reflet, figé et stupide, enfermé dans ses peurs et son présent sans à venir…
Rencontrer les autres était un plaisir, même s’il participait d’autant moins que ce bégaiement importun bien souvent se mêlait de gâcher ce plaisir et qu’il faut bien l’avouer, cette joie qu’il se faisait était souvent mêlée d’effroi…
Il fit un geste d’impuissance, montrant sa bouche et … les alentours, d’un air de dire « inapte… la machine est en panne… vous m’en voyez confus » mais lorsqu’elle évoqua la serre et une visite possible, il eut un sourire sur les lèvres comme dans les yeux…
Assurément ! Dans son environnement personnel, il deviendrait assuré et bavard… Aussi bavard qu’il était muet en ce moment. Il lui nommerait chaque fleur et chaque arbre, lui décrirait leurs vertus, les usages qu’on en faisait s’ils avaient un usage, les… enfin…
Pris d’un soudain désespoir et d’une angoisse sans commune mesure avec la situation, il posa la tête sur les genoux, se cachant dans ses bras… Bien entendu aucune femme superbe ne voudrait jamais de lui, et comme lui ne voulait pas des autres par honnêteté, pour ne pas leur laisser accroire qu’il les aimait même juste un peu… Il resterait ainsi, solitaire, toute sa vie… N’ayant comme amis que Maïa, et Arthas si les dieux prêtaient à Arthas une longue vie. Arthas qu’il décevrait et blesserait en restant garçon… Perdant ainsi le nom et la fortune dans les affres d’une succession compliquée, avec des années probablement pour trouver un héritier plausible… A moins que pour couper court aux disputes et longueurs il ne lègue tout ce qu’il avait au Temple de Lucy, avec comme demande expresse d’aider au mieux les pauvres et les déshérités, sans les juger ni leur tenir rigueur de ce qu’ils auraient pu faire ?
Comment se faisait-il qu’il pense tant à la mort en ce moment ? Un amour perdu vous fait-il envisager le pire ? Jamais il n’avait connu de désespoir d’amour, et il l’espérait plus jamais il n’en connaîtrait… Il faut dire qu’il avait tant planifié… si seulement il avait eu l’intelligence de laisser son affection devenir amitié et son amitié devenir amour… S’il ne l’avait pas ensevelie sous une couche irrespirable de « je vous aime ! aimez-moi en retour, sans vous je mourrais »… Grandiloquent, stupide, inapproprié, ridicule, égoïste, troublant, détestable, et j’en passe…
Et voici qu’il ennuyait une autre jeune femme, non pas en la noyant sous un amour ridiculement fort et instantané mais en faisant à sa place les questions et les réponses…
S’étant un peu repris, il réussit à dire sans trop buter sur les mots :
- Parlez moi de vous, de cette magie que vous étudiez, des bonhommes de pierre que je n’ai jamais vus de mes yeux ni croisés dans une lecture… Ou de tout ce que vous voudrez aborder… Je suis une urne dans laquelle vous pouvez placer vos pensées, vos rêves, vos espoirs, je ne répéterai rien…
Non, il ne répéterait pas, à qui diable pourrait-il parler d’elle… Puisqu’il n’avait personne.
Pourtant, Camille de son vrai prénom, se confond en excuses prononcées avec une certaine difficulté et, si un sourire semble apparaître sur son visage tout comme dans son regard d'une certaine manière, le voici qui dépose sa tête sur ses genoux, se protégeant de ses bras comme s'il cherchait à se cacher du monde! Pourquoi? Elle est bien incapable de le comprendre, lui qui est si bavard depuis le début de cette rencontre, le voici désespérément muet ce qui rend la compréhension de ses sentiments affreusement difficile il faut bien l'avouer! Pourtant, elle comprend ô combien ce mouvement, ce geste, cette enfermement sur lui-même qu'il provoque avec ses membres! Combien de fois a-t-elle finit dans une position similaire, seule dans sa chambre, à hurler sa douleur et sa peine pour compenser avec ces larmes qu'elle ne peut laisser couler? La solitude! Voici bien une chose qu'elle est capable de reconnaître lorsqu'elle la rencontre.
D'ailleurs, les propos de son interlocuteur font échos dans son esprit : il cherche une discussion peu importe le sujet, un peu comme elle espérait les conversations plutôt que les regards haineux ou apeurés, les mots plutôt que les coups, les sourires plutôt que les injures! Pourtant, cela fut long avant que ses prières à Lucy ne soit exhaussé, avant que Faolan, Lin, Aelith, Inaros, Jaina... Tout ces gens qu'elle aime finissent par apparaître! Avant cela, n'était-elle pas l'âme la plus seule que l'on puisse trouver? Doucement - et par pur instinct - elle fait donc ce qu'elle fait le mieux, ce qu'elle fait bien trop souvent, ce geste qui pourrait sans nul doute en repousser certains mais qui lui a fait tant de bien par le passé! Elle passe ses bras autours du jeune homme et l'attire à elle pour un câlin amical comme elle en a déjà offert : À Inaros lorsqu'ils se sont séparé devant chez elle avec la promesse de se revoir, à Lin lorsqu'elle a affirmé qu'elles étaient amies, à Aelith lorsqu'elle lui a offert ce collier qu'elle garde précieusement autour du cou, à Jaina lorsqu'elles ont passé leur nuit entre filles, la première de sa vie! À Faolan lorsque... Chaque fois qu'elle en à l'occasion en fait même si ces câlins particulier ont une signification sans doute différente...
"Tout va bien Aurèle! Vous n'êtes pas seul aujourd'hui..." Dit-elle simplement avant de se reculer en lui souriant de ses grandes dents. "Il n'y a nul besoin de vous excuser, nul besoin de vous sentir coupable de quoi que ce soit!" Affirme-t-elle. "Je suis une grande fille qui a déjà dû faire affaire avec des requins bien moins appréciables que vous!" Rit-elle doucement, repensant notamment à cet infâme Lord Godbout avec lequel elle a mit fin à son partenariat. "Selon moi, la curiosité n'est pas toujours un défaut! Si je ne voulais pas parler de moi, je l'aurais simplement dis!" Confie-t-elle sans aucune hésitation! Elle est bien assez forte - maintenant - pour frapper du poing sur la table et remettre les choses à leur place. "Mais si je réponds à vos questions, il faudra répondre aux miennes très cher! Ma propre curiosité ne saurait souffrir d'être insatisfaite..." Conclue-t-elle avec son grand, beau et effrayant sourire.
Il relève la tête et la regarde, souriant de nouveau aux anges… Par les dieux qu’il était enfantin, aussi lisible qu’un livre écrit en grandes lettres noires sur un parchemin blanchi…
« Posez toutes les questions qui vous viendront à l’esprit, j’y répondrais au mieux, même si je ne vois guère ce que je pourrais avoir à dire d’intéressant… Voyez-vous, je me sens si bien habillé ainsi, anonyme, passe-partout… Pas d’obligations, pas de preuves à faire… J’ai peur de n’être qu’un inutile oisif sans le moindre but noble dans l’existence… Mes seuls plaisirs sont broder des mérions azurés, et autres espèces d’oiseaux et de fleurs, et de jardiner… Pas seulement d’ordonner à un escadron d’ouvriers quoi planter où, quel parterre retourner, mais vraiment relever mes manches, chausser des bottes éculées, prendre une bêche ou une pelle et mettre la main à la pâte… Mon intendant me dit que c’est honteux et que personne ne doit me croiser en train d’accomplir une telle activité… »
Il la regarda, qu’en pensait-elle ? Trouvait-elle aussi que c’était déroger que faire un trou pour planter un arbre ou semer des graines pour obtenir des légumes ou des fleurs ? Elle apprenait la magie, certes, la magie, comme la broderie -pour une dame et non pour lui- étaient des occupations nobles et louables…
« Aimez-vous jardiner ? ou faire quoique ce soit qui est pour les nôtres une occupation de plébéiens ? J’ai tant de mal à comprendre en quoi faire pousser de la beauté et de la nourriture pour son prochain doit être réservé à de pauvres gens qu’on méprise ? Je n’ai nul mépris pour les villageois qui vivent sur le domaine, pourquoi en aurais-je ? Ils sont honnêtes, travailleurs, libres de leur existence… Si je devais éprouver quelque chose de fort à leur encontre ça serait plus une sorte de jalousie. Aucun n’est dans la misère, j’aurais vraiment honte pour le coup s’il y avait sur ces terres qui sont parait-il miennes des gens qui meurent de faim et mendient pour vivre ! »
Il soupira, il avait retrouvé sa voix, et son entrain… Pour une fois il parlait de choses qui lui tenaient à cœur, avec une personne autre que Maïa dont il connaissait le soutien presque inconditionnel, n’avait-elle pas coupé les ponts avec les siens parce qu’ils entendaient décider de sa vie ?
« Mais je parle, je parle, de grâce, racontez-vous ? Vous aimez la mer, la cuisine, les bonhommes de pierre, la magie … Vous avez des amis, vous êtes semble-t-il indépendante et libre, mais pas solitaire ? Quelle chance vous avez ! »
Il n’ajouta pas « mais vous avez un pouvoir qui refuse de fonctionner, et qui vous pourrit la vie, quelle sinistre ironie, alors que vous avez tout pour être heureuse… » Il sourit de nouveau, ces « bonhommes de pierre » décidément le fascinaient, avait-il quelque part une infime partie des gènes d’Adalbert, grand explorateur et découvreur de choses parfois… Certes, il aurait probablement dû laisser certaines trouvailles sur place, mais il avait voyagé, vu des contrées que lui n’avait vues que dans les livres de géographie, connu des gens auxquels il ne parlerait pas de toute sa vie…
« J’avoue que vos « bonhommes de pierre » me paraissent fabuleux, croyez-vous que je pourrais en voir un un jour ? Ont-ils une sensibilité qui les fait refuser d’être observés comme des spécimens curieux ? Interagissent-ils avec les humains ? Sont-ils liés à leur environnement ou peut-on envisager d’en déplacer un ? »
Il s’arrêta, à bout de souffle… Et les yeux brillants comme des diamants bleus lui fit signe de l’interrompre, il parlait beaucoup trop, encore une fois…
« Dites-moi, à vous de me faire part de ce qui vous vient à l’esprit, je vous répondrai avec sincérité si je le peux, et vous promets si je n’ai pas de réponse immédiate, d’en chercher une pour notre prochaine rencontre… Car nous nous reverrons n’est-ce pas ?» ajouta-t-il soudain inquiet.
Elle l'écoute, avec une attention totale, ne le lâchant pas du regard, ne clignant pas des yeux - façon de parler puisqu'elle ne peut pas le faire de toute manière - c'est qu'il est passionnant lorsque la discussion n'est guère balbutiante et hésitante. N'est-ce pas triste que son intendant traite ainsi ses rêves? Qu'aurait-elle fait si Wilfred avait agit de la sorte? Si cet homme qu'elle apprécie et respecte plus que quiconque avait regardé avec dégoût la passion de Fedora pour l'enchantement ou les bonhommes de pierre? Bien-entendu, l'avantage avec Wilfred c'est qu'il est un ancien aventurier! Certes rentré dans la famille Sanward depuis de nombreuses années maintenant, il fait partie de la famille plus que quiconque et est un majordome d'exception! Il sait comment agir avec les autres nobles et ses manières sont même plus révérencieuses que celle de la jeune fille qui est pourtant maintenant à la tête de la famille mais malgré tout, il n'est guère noble et cela doit certainement jouer? Il se moque bien de l'image que les activités de la jeune fille peuvent renvoyer, tant qu'elle est heureuse et sauve c'est bien la seule chose qui compte à ses yeux! Sans aucun doute, il faudra qu'elle le remercie correctement de tant faire pour elle, surtout alors qu'elle se rend compte de la chance qu'elle a qu'il soit ainsi.
"Je n'ai malheureusement pas réellement la main verte, je ne suis guère doué pour le jardinage et je laisse donc faire le jardinier de la famille pour entretenir les plantes! J'ai déjà voulu apprendre mais, malheureusement je n'ai aucun talent dans le domaine! Cependant, Hector - le jardinier de ma famille - est un homme attentionné avec les plantes et cela se voit, c'est appréciable de voir quelqu'un entretenir avec une telle passion les végétaux sur notre terrain! Vu votre passion, je suis certaine que votre jardin doit être magnifique!" Dit-elle sans la moindre hésitation, avec une sincérité presqu'enfantine qui la caractérise certainement. "Vous savez, je doute que les autres nobles voient d'un très bon oeil mes propres activités! Je travaille les minerais, je fais des expérimentation, j'ai même déjà exploré des souterrains en compagnie d'une garde et d'un aventurier! Nul doute que beaucoup diront que cela n'est guère digne de mon rang! Mais vous savez quoi? On s'en moque non? L'important c'est de faire ce qui vous plait, si vous vous sacrifiez pour le bonheur des autres, vous ne serez jamais heureux!" Affirme-t-elle en souriant! Est-elle vraiment bien placé pour donner des conseils? Peut-être pas, n'est-elle pas une sorte de paria dans les hautes sphères de la noblesse? Probablement mais est-elle heureuse? La plupart du temps oui, quand elle ne pense pas à ses peines de coeurs! Bien plus heureuse que si elle était une belle jeune fille noble avec des robes magnifiques plutôt que ce tissu rapiécé qu'elle a sur le dos...
"J'ai de la chance c'est vrai mais, elle ne vient pas de nul part vous savez! J'ai affronté mes démons, mes peurs, ce qui me rendait triste ou faible! J'ai fais fie des insultes, des coups, des moqueries à l'égard de mon apparence et cela m'a conduit vers des personnes exceptionnelles! Sans eux, sans mes amis, je serai sans aucun doute encore cette poupée faible et triste qui se laisse marcher sur les pieds et qui hurle la peine qu'elle ne peut pleurer seule dans sa chambre! Le bonheur et la chance, vous devez les saisir, ils ne viennent pas d'eux-même vous savez? J'ai juste suivi mes rêves et je me suis accrochée au positif de ma vie et de ma condition faisant abstraction de ses plus sombres aspects! Par exemple, j'aime la couture et je sais parfaitement coudre!" Dit-elle avec fierté. "C'est le positif que je retire de la couture, le négatif étant que j'ai appris surtout en me recousant moi-même d'avoir été déchirée par des gens qui me prenaient pour un monstre alors que je marchais dans les rues et ruelles de la capitale... Si vous vous concentrez sur le négatif, vous ne serez jamais heureux alors qu'au final, vous avez peut-être déjà en main tout ce qu'il vous faut pour l'être?" Demande-t-elle en souriant! Il a des passions, un coin de paradis juste à lui, sans doute des gens avec lesquels il pourrait partager ces passions s'il cherchait un peu... Que faudrait-il de plus?
"Les bonhommes de pierre sont rares! Vous n'en verrez jamais si vous ne voyagez pas, ils sont dans les ruines ou autre lieu d'une époque révolue! Ils n'interagissent pas réellement avec les humains! Je pense qu'ils sont possible de déplacer si vous en avez la force - on parle tout de même de golem fait de roche - mais je le déconseille fortement! Ils ont une tâche et ne vivent que pour la faire, ne serait-ce pas cruel de les en éloigner? Comme si on vous éloigner sans aucune pitié que de ce jardin que vous aimez tellement? Je suis bien placé pour dire que les objets peuvent avoir des sentiments Aurèle et, ce serait inexcusable de croire qu'un bonhomme de pierre ne peut souffrir de tristesse même si rien ne permet d'affirmer que ce soit le cas!" Affirme-t-elle, visiblement convaincue que oui, les bonhommes de pierre ont des sentiments même s'il reste difficile de le prouver actuellement, elle veut y croire!
"Nous ne nous sommes pas encore quitté et déjà vous parlez de notre prochaine rencontre?" Demande-t-elle amusé avec un petit sourire - du moins elle l'espère petit bien consciente qu'il est généralement grand, beau et effrayant! - avant de hocher la tête. "Nous nous reverrons! Vous devez encore me montrer ce lieu de paradis qui est le votre et je ne comptes pas vous laisser revenir sur cette promesse! Je comptes sur vous pour me montrer chaque plante, chaque arbre, chaque carré de végétation et m'en parler! M'abreuver de vos connaissance jusqu'à ce que vous n'ayez plus rien à m'apprendre!" Affirme-t-elle sans aucun doute! Après tout, elle veut tout savoir!
Elle touchait à un de ses fantasmes les plus enfouis… Voyager ! Savoir qu’il n’avait rien vu d’autre à vingt ans que le Village Perché, la Capitale, son domaine… et semblait-il aussi le nord dont il ne se souvenait quasiment pas ?
Oui voyager ! Oser ! Bouger… Il aurait pu prétexter vouloir herboriser, découvrir des espèces inconnues, il aurait fait le tour d’Aryon comme Adalbert en son temps… Il soupira, mais Adalbert était le cadet… Son frère ainé était resté sur place, à prendre les responsabilités qu’il lui incombait.
Ce n’était pas qu’il n’aime pas sa vie, il aimait le domaine de son grand-oncle comme il aimait se rendre dans le plus petit manoir de Hvit trop excentré pour qu’il y vive, il aimait suivre le cycle des saisons, discuter avec les paysans des cultures, du temps, des éventuelles maladies à vite éradiquer. Il aimait discuter avec les bateliers et négocier un passage à un prix correct quand une compagnie de transport dépassait les limites de l’acceptable… Il aimait par-dessus tout semer dans sa serre des graines sorties de l’oubli et du passé, et suivre leur progression, les comparer avec les variétés usuelles…
Il aimait Arthas malgré son insoutenable envie de le marier, et Maïa la Louve avec son rire franc et ses cheveux d’un noir de jais qu’elle coupait si courts qu’on l’aurait crue garçon. Il aimait les chevaux, les animaux pris en pension parce que blessés ou orphelins, les familiers de Maïa et des employés…
Oui, tout cela il l’aimait, comme il aimait son intérieur à la Capitale, l’architecture extravagante de son pied à terre, le quartier à la fois calme et enjoué des théâtres et salles de spectacle.
Tout cela il le lui dit, lui décrivant les endroits, les odeurs, les paysages, les bruits…
Oui, s’il n’avait pas été fils ainé et mariable… il aurait par-dessus tout aimé sa vie. De sa famille, il tenait une aisance certaine qui n’était pas de la fortune mais lui permettait de se passer de tous pour assouvir ses besoins et ses quelques envies. Il avait un nom ancien qui le faisait respecter des nobles comme des autres…
Mais il était l’ainé… Le seul en fait, et donc chargé d’engendrer de nombreux rejetons et de leur donner l’éducation soignée et pompeuse qu’il avait -presque- reçue. Et si au début les efforts d’Arthas pour lui trouver un parti l’avait plutôt fait rire, avec ses nombreux refus c’était devenu une telle obsession qu’il hurlait à la mort rien qu’en voyant le petit carnet sortir de la poche du pauvre homme…
Le seul domaine dont il n’avait absolument rien à faire était l’histoire de chacune des familles dotées de filles à marier du royaume ! Qu’en avait-il à faire d'apprendre de la bouche de l'ancien garde royal que tel nom remontait aux premiers rois d’Aryon, que l’ancêtre anobli le premier s’était singularisé dans la recherche magique, ou qu’il avait sauvé la vie d’un prince en se jetant devant un fauve pendant une chasse…
C’était du passé, et ça ne préjugeait en rien de la valeur des descendants actuels… Et quand bien même une jeune fille n’aurait eu dans ses parents que des saints et des parangons de vertu, quelle importance s’il ne l’aimait pas ? Et qu'est-ce qui le garantissait d'une soudaine mutation qui aurait engendrée une garce cupide et égoïste ?
Arthas ne cessait de lui répéter que ses parents ne s’étaient jamais vus avant leur mariage et qu’ils s’étaient tellement adorés qu’ils en avaient eux-mêmes été époustouflés. Certes, il avait pu le vérifier pendant son enfance, son père était fou de sa mère, et elle n’aurait pu vivre sans lui… Mais pour eux qui s’étaient aimés, combien de couples se supportaient-ils à peine, vivant le plus éloignés l’un de l’autre que l’étiquette le leur permettait ?
De cela aussi, il parla à Fedora, guettant un acquiescement.
« J’aimerais voir un de vos bonhommes, et connaître vos amis… Ils doivent être merveilleux pour avoir su vous découvrir et vous aimer. J’aimerais aussi avoir le courage de tout envoyer à vaut l’eau, m’imposant comme je suis, mais je doute d’y réussir… Les conflits me vident de toute énergie, je n’ai pas peur, c’est encore différent, je suis juste… annihilé, cela me fait disparaître, perdre mon essence même… »
Regardant la rue et les passants, il se figea… Deux jeunes filles blondes au minois joyeux devisaient avec deux femmes, une domestique semblait-il ou une préceptrice, et une imposante matrone qui ne pouvait être que leur mère… Arthas avait tant insisté, lui passant et repassant des portraits miniatures sous les yeux, les lui mettant dans les mains de force… A n’en pas douter, les jumelles étaient celles qu’il aurait dû visiter…
Se levant d’un bond, il tourna le dos au groupe, se mettant face à Fedora.
« Je ne peux m’attarder, veuillez me pardonner ! Je vous remercie pour cette si agréable conversation et la promenade en ville. Sachez que je vous reverrai avec un immense plaisir ! »
Il regarda par-dessus son épaule, elles s’incrustaient, fouillant à un étalage de marchand de souvenir, riant, plaisantant…
Fourrant une carte de visite dans la main de la jeune fille, celles réservées à la Cour, zut, elle allait le prendre pour un pédant imbécile avec tous ces titres ronflants, il prit quasiment la fuite, lui criant « à la Capitale ! Nous nous reverrons ! Ou à mon hostellerie si vous voulez, avant ? »
Prenant ses jambes à son cou il disparut, fuyant le mariage et les futures épousées…