- Bridget ! Prête pour ta mission ?
- Je ne sais pas ce qu’il lui prend au commandant mais mettre la garde et la commission ensemble….
- Arrête ce n’est pas n’importe qui, c’est la Garde Valpierre !
- L’instructrice ?
- Ouaip, mon père m’a dit que c’était elle qui va s’occuper de cette enquête avec toi.
- Comment tu fais pour savoir tout en avance ?
- Je sais tout, voilà. Tu n’as toujours pas compris ?
- Si, si...
La Major Lagertha était la fille d’un haut-placé de la Commission. Son rêve était d’ailleurs d’intégrer les hautes sphères de cette organisation mais pour acquérir de l’expérience, elle fait ses faits d’armes à la Garde Régulière. Il faut dire que les débuts avec elle étaient compliqués. Mais on s’y fait à son enthousiasme sans faille. Ses calculs étaient rarement mauvais et elle gérait avec moi le bataillon de l'Île Rocheuse d’une main ferme. Je crois que notre budget et le planning des rotations n’ont jamais été aussi efficace, je ne pourrai jamais lui retirer ça.
- En plus quand j’ai lu l’ordre de mission. Tu vas faire un peu d’infiltration enfin tu vas devoir te promener sans ton armure. Tu le sens bien ?
- Swan, tu sais que je sais vivre sans armure !
- Tu ne la quittes jamais ici au bastion alors je me demandais.
- Je respecte juste le protocole et ça donne une certaine prestance.
- Si tu veux de la prestance, va à la Royale.
- Non sans façon.
Je balaye sa question d’un geste de la main. Je finissais de ranger la table où j’avais déposé le rapport du Capitaine Hekmatyar ainsi que quelques notes sur les Roubins. Nous étions seules Swan et moi dans le quartier des officiers. On prenait toujours le temps le matin de se retrouver ici pour faire le tour des opérations en cours et l’affection de certaines unités.
- Tu vas te la couler douce encore pendant que je me tape le sale boulot.
- Tu veux traverser la forêt et dormir à la belle étoile ?
- Non je te laisse ça finalement. Je préfère m’occuper de la paperasse.
- Tu vois, on est d’accord.
Je finis par me lever pour retrouver mes quartiers. Je prépare mes affaires et doit trouver une tenue qui ressemble à une tenue d’aventurier. Je ne savais pas trop quoi mettre mais après quelques minutes. Je quittais mon armure en métal pour enfiler une en cuir. Je garde néanmoins mes canons de bras, mon gantelet en acier où est caché un bouclier rétractable sans oublier mes épées. Finalement la seule différence notable était l’abandon de ma cuirasse métallique et mes couleurs de garde. Les gens penseront que je suis une aventurière mercenaire qui fonce dans le tas si il souhaite. Fort heureusement, la partie de forêt que nous allons ratisser n’est pas une zone où les villageois me connaissent. Je pense que même en civil dans les villages proches de Forteresse, on me reconnaîtrait à des lieues.
Je finis par sortir de ma chambre, le major toujours là, dans la salle commune.
- Ça te va bien !
- C’est juste un vieux corset en cuir tu sais...
- Tu devrais mettre ça plus souvent ! Tu fais moins peur comme ça.
- Je fais peur d’habitude ?
- Bah avec tout ton attirail, on savait qu’on ne pouvait pas te chercher des noises.
- C’est pourtant une armure assez légère. Je n’étais pas une boîte de conserve.
- Non mais dans l’idée générale, je suis sûre que tu respires mieux maintenant !
- Effectivement, c’est moins lourd mais on s’habitue au fil du temps.
- Allez file, tu vas faire attendre l’instructrice !
- Tu as raison. On se tient informer si nécessaire.
- Mais oui, promis. Rien n’arrivera à la ville pendant ton absence.
- Très drôle.
Je finis par quitter nos quartiers, me dirige vers l'écurie. Je récupère Hamlet. Je lui fais enlever son équipement et installe la selle avec ses sacoches. Mes deux familiers arrivent aussitôt. Lucy ma catosorus qui sera ma future monture mais qui était encore trop jeune pour porter un humain mais je l’entraîne en lui faisant portant le matériel. Il y avait aussi Loki, mon Kitsune roux, il était le protecteur de Lucy. Tous les deux faisaient un bon duo et j’étais rassurée de les avoir à mes côtés.
Maintenant que la petite troupe était prête, nous partons rejoindre notre point de rendez-vous. On devait s’attendre à la sortie Sud-Est des murailles de la Capitale. On avait ensuite deux heures de route avant d’attendre les premiers points de conflit. Le rapport indiquait que cette menace s’étendait dans cette zone là. Il fallait qu’on détermine les hameaux les plus touchés. Trouver ceux qui souhaitent quitter cette affluence malsaine puis trouver le point névralgique. Je ne suis pas sûre qu’on réussisse à faire tomber toute l’organisation mais nous devons obtenir le maximum d’informations pour un possible assaut avec mes hommes.
Je fais tout de même un léger détour à la maison familiale. Ma mère m’attendait et m’avait même préparé quelques provisions fraîches. Je la remercie et prends le bon chemin. Lucy et Loki étaient devant, ouvrant la marche comme toujours. Il faudra que je leur dise de se montrer plus indisciplinés par la suite. Il avance aux pas et on pourrait croire qu’ils ont l’habitude de marcher de cette façon, en escadron.
La muraille devient de plus en plus grande. L’entrée était gardée par des gardes dont certains de mon bastion. Ils se mettent aussitôt au garde à vous malgré que je ne sois pas en uniforme. Cela me fit sourire et détourne ma route pour retrouver la silhouette d’une femme que j’ai pu apercevoir de loin dans la Caserne Centrale. Je n’ai jamais eu cette instructrice mais mes nouvelles recrues m’ont déjà raconté les exploits de cette femme. Je ne connaissais pas la véracité des propos mais on m’a dit de faire attention à la couleur de ses yeux. Avec ça, on savait si nous avions fait la pire bêtise de notre vie ou non. Certains ont dû se prendre de nombreuses remarques dues à leur inexpérience. Je pose enfin pieds à terre, mes familiers dans mon dos. D’une démarche assurée, je m’approche d’elle, tendant dans la main dans sa direction.
- Madame Valpierre, ravie de vous rencontrer.
Je ne savais pas comment l’aborder. Garde Valpierre ? Madame ? Instructrice ? Je parlais rarement avec les gens de la Commission et tant mieux. Mais elle était peut-être l’exception de tous ses cols blancs cachés dans leur bureau.
- Lieutenant Alnilnam du Myrmidon. Je suis également accompagnée de Lucy, Loki et Hamlet !
Je montrais un à un mes familiers, heureuse de les présenter. Je finis par me taire quelques instants avant d’entamer la discussion sur notre plan d’attaque pour cette mission.
- Assignation:
- Suite à la récolte des impôts récemment effectuée aux alentours de la Capitale, il a été découvert qu'une organisation qui se fait nommer "Les Roubins" applique une justice qui leur est propre en s'opposant ouvertement aux décisions de la Royauté. Vue de chez eux ils volent les riches pour redistribuer aux pauvres, n'hésitant pas à se servir de la force pour arriver à leurs fins. Les villageois semblent diviser à leur sujet et si certains les soutiennent, d'autres craignent que cette initiative de rébellion finisse par se retourner contre eux. Il vas falloir la jouer fine pour ne pas diviser encore plus le peuple à ce sujet et passer pour des bourreaux. Mais il est de notre devoir de mater ces idéalistes activistes pour la sécurité de tous.
+ Objectif : Pister, provoquer et mettre la main sur les Roubins et si possible sur leur lieu de rassemblement, afin de procéder aux arrestations en bonne et due forme. Priorité sur la diplomatie, ne faire une intervention armée qu'en cas de force majeure.
+ Informations supplémentaires : Suite de l'Assignation "Escorte: Inspecteur des Impôts" , plus d'infos dans ce RP. Contacter le Capitaine @Arthorias Hekmatyar ou @Jaina Stonebridge pour de plus amples informations.
Yeux levés au ciel et iris couleur d'agacement, Undril soupira.
- Le soucis avec vous mon petit, c'est qu'il y a toujours un problème.
Le "petit" en question, déjà raide comme un piquet, réussit à se redresser encore plus, indigné, mais elle ne le laissa pas poursuivre.
- Et puis on en a déjà parlé. Ce qui compte, c'est d'être efficace et pas trop dissipés. Que je sois avachie ou non, vous n'avez jamais eu à me reprocher quoi que ce soit à ce niveau non? Alors cessez de me faire des réflexions là dessus dès que vous êtes dans un mauvais jour.
Ses yeux commençaient à passer à une teinte plus rougeoyante, et l'intéressé, sachant très bien ce que cela signifiait, se recula un peu sur son siège, calmé. Si lui était jeune et arrivé ici grâce à la noblesse, ce n'était pas le cas de la garde qui avait l'expérience du terrain, alors elle ne laisserait surement pas un petit nobliau lui dicter sa façon de faire!
Devant les réactions du reste de la table, il n'insista pas et la discussion reprit là où elle avait été interrompue : l'affaire des Roubins. Un résumé du précédent rapport, et de longues discussions s'en suivirent, avant qu'il ne soit décidé, au vu du cas et des gens disponible, d'y envoyer Undril, habituée à la récolte d'informations, et la lieutenant Alnilnam, très capable.
Pour une fois, l'ex espionne n'avait même pas cherché d'elle-même à être intégrée à l'affaire! Pourtant ça lui aurait bien ressemblé. Elle continuait à faire des activités de garde ici et là, généralement via de simples patrouilles, mais pas que, elle aimait aussi prendre part à quelques missions plus corsées, quand elle y trouvait un intérêt via la Cabale ou que cela correspondait bien à ses capacités et lui permettait de varier un peu, et c'est vrai que celle-ci correspondait plutôt bien. Autant dire qu'une fois l'idée lancée, elle n'avait pas franchement été contre, au contraire.
Cette longue réunion passée, après avoir vu tous les détails et d'autres dossiers, il était temps de se préparer pour le jour J, entre lecture approfondie du dossier et autres préparations diverses.
Pour l'occasion, elle avait décidé d'opter pour la simplicité. Ne pas se prendre la tête. D'autant que ce n'était pas exactement une mission d'espionnage, mais une mission avec une garde on peut plus classique, donc sensée ignorer tout des espions. Elle ne pouvait sortir le grand jeu, mais le but étant de récolter juste assez d'info avant de procéder aux arrestations, ce n'était pas forcément aussi gênant que ça. Pour sûr, ce n'était pas l'idéal, mais ça rendait la mission un peu atypique et un peu plus pimentée, et ça, Undril n'allait pas s'en plaindre!
Une robe aux accents un peu guerriers et permettant de se battre sans gêne laissant planer le doute sur son statut, aventurière, marchande, simple voyageuse, une épée à la ceinture, une dague de lancer dissimulée, un bouclier qu'elle attacherait sur Ébène, sa monture, et deux trois autres lames au cas où - on était jamais trop prévoyant - rejoignirent ainsi ses bagages, qu'elle essaya malgré tout de garder les plus légers possibles, car c'est son cheval qui allait devoir porter tout ça en plus de son propre poids. Certes, il était robuste et elle était elle-même loin d'être lourde malgré sa musculature, mais tout de même, il n'était plus tout jeune, autant le ménager! D'ailleurs il faudrait qu'elle pense à lui trouver un remplaçant, mais elle avait passé l'âge de prendre un cheval au hasard dans les écuries des gardes sans jamais savoir sur quel caractère elle allait tomber. Et puis ils étaient d'avantage destinés aux gardes en service, alors elle, dans la Commission, n'était pas vraiment prioritaire. Ce n'était pas comme si elle n'avait pas les moyens de s'en payer un! Mais là n'était pas la question pour le moment.
Une rapide relecture du dossier, quelques notes codées dans un carnet qu'elle prendrait avec elle, une rapide vérification que les dossiers, de la Cabale comme ceux de la Commission qu'elle avait chez elle, étaient à l'abri, puis elle fit le tour de ce qu'elle avait emmené, caressa Valky et s'assura qu'elle saurait se débrouiller en son absence, puis elle rejoint Ébène, déjà prêt devant la maison. Plus qu'à tout fermer et à y aller!
Le rendez vous était à la porte sud-est de la capitale. Undril s'y rend tranquillement et arrive en avance, décidant de descendre de cheval histoire de ne pas le fatiguer inutilement. Certes, il n'aura pas beaucoup à marcher avant leur arrivée dans le premier village, mais ce n'était pas une raison.
Les gardes à cet endroit ne lui sont pas tous familiers, mais l'un se crispe d'un coup et se redresse en la reconnaissant, et ses yeux se mirent aussitôt à briller d'une lueur vert pomme amusée. Ah, voici un ancien élève! Ce n'était jamais bien difficile de les repérer, même sans les chercher. Elle n'avait pourtant pas été si terrible que ça en instructrice, si? Certains autres professeurs l'avaient même décrite comme laxiste! Mais tout était une question de point de vue, sûrement. Quand tout allait bien, elle était en effet plus détendue et proche de ses élèves que nombre de ses collègues. Par contre quand c'était l'heure d'être sérieux ou de remettre un futur garde en place, elle n'y allait pas de main morte non plus! Et visiblement certains s'en souvenaient très bien. Ah, avec un peu de chance, c'est que ça avait payé!
Voyant la fameuse Bridget Alnilnam approcher, Undril se tourna vers elle sans se départir de son sourire, son regard prenant une teinte beige curieuse alors qu'elle rencontrait pour la première fois la lieutenant. Oh, elle l'avait sûrement déjà croisée de loin, et son nom était déjà revenu dans les rapports de la Commission, elle connaissait plein de noms à la garde de toute façon, même si entre son boulot ici et à la Cabale elle avait un peu de mal à tout retenir, surtout avec les nouveaux, mais si elle avait plutôt entendu des retours positifs, cela ne valait pas une rencontre en personne. Faisant un pas ou deux dans sa direction, Undril serra avec enthousiasme la main proposée avant de se pencher sur le côté pour observer les familiers qu'on lui présenta.
- Ravie de vous rencontrer aussi ma petite. Hé bien, c'est une jolie troupe que vous avez là!
Un cheval et deux familiers, c'était bien assez pour attirer l’œil! Mais cela ne devrait pas poser de soucis, au contraire, si le ton venait à monter, il pourrait contrebalancer la présence d'autres animaux voir aider un peu à monter la pression en leur faveur. Undril se redressa, des taches de jaune vif pétillant dans son regard.
- Si vous êtes prêtes, allons-y! On bavardera en route.
Se retournant pour saluer les gardes présents, elle gratifia même son ancien élève d'un "Et pas de bêtise hein?", n'obtenant pour toute réponse qu'un bafouillement incompréhensible. Elle se remit ensuite en selle avant de prendre la direction du premier village, accompagnée de sa collègue. Car oui, Bridget était une collègue d'une certaine façon, même si Undril était de la Commission et elle encore dans la Garde Régulière. Ses yeux avaient à nouveau changé, prenant une couleur trahissant qu'elle était redevenue plus sérieuse, en espérant que sa collègue ne serait pas trop prise au dépourvu par les changements de couleur divers et parfois très fréquents de ses iris.
- J'ai cru comprendre que vous n'aviez pas trop l'habitude de ce type de mission. Vous avez décidé de jouer la carte de l'aventurière je vois. Vous avez aussi une idée de nom et d'histoire d'emprunt ou vous allez rester sur Bridget Alnilnam?
Autant rentrer directement dans le vif du sujet! De toute façon la circulation était assez fluide pour ne pas trop craindre les oreilles indiscrètes, et si elles devaient s'habituer à des attitudes particulières, voir à s'appeler autrement que par leur prénom initial, elles avaient tout intérêt à le décider et s'y habituer rapidement! Bridget n'étant pas espionne, Undril n'était pas sûr qu'elle irait jusque là, mais qui sait après tout. En tout cas, il était important qu'elles mettent leurs informations en commun, même si elle ne doutait pas du sérieux de la lieutenant, et qu'elles se mettent d'accord sur leur façon de faire et l'histoire à raconter pour obtenir les informations qu'elles voulaient. Elle aurait aimé rencontrer Bridget avant pour ce faire, mais n'en avait pas eu le temps, en espérant que deux heures suffiraient pour rattraper tout cela!
Les premières paroles, les premiers échanges étaient un moment clé pour la suite de l’opération. Elle attrapa ma main pour la serrer avec enthousiasme et me gratifia d’un “ ma petite “. Le ton était donné et je compris qu’elle ne se prendrait pas la tête pendant toute la filature. En moins d’une minute, j’ai pu constater le changement de couleur de ses yeux. Comme j’ai pu l'entendre, ses yeux étaient le reflet de ses émotions. Un bien drôle de pouvoir, si on peut appeler cela pouvoir. Soit elle doit avoir un self-control hors du commun ou tout simplement, elle se montrait comme elle était. Je n’aurai jamais tenu longtemps avec cette magie qui mettrait à nue mon âme à des inconnus. J’avais mes secrets, mes peurs et j’avais toujours un peu de mal à me lier facilement avec les gens. Je n’étais pas une sauvage, loin de là mais je n’étais pas la plus amusante à traîner à la taverne. Je buvais d’ailleurs peu.
On finit par quitter les portes et commençons à parler de notre stratégie future. Toute ma petite troupe était derrière nous. Lucy était la plus ravie de tous, elle allait partir de nouveau en mission, se faire de l’expérience et ne plus être enfermée au Bastion. Loki était calme comme à son habitude tandis que Hamlet jouait son rôle de monture mais je n’avais pas pensé aux restes des préparatifs. Oui, j’ai quitté mon armure et je devais me faire passer pour une aventurière mais si on nous pose une question ? Je prends quelques instants pour trouver une solution. Plusieurs scénarios tournent dans ma tête mais je ne sais pas lequel serait le mieux. Undril avait peut-être des suggestions ?
C’est à cet instant que j'ai compris que je n’étais plus le lieutenant qui donnait des ordres. Ce n’était pas une opération militaire habituelle. Il fallait de la discrétion et savoir mentir pour obtenir ce que l’on souhaite. Tout ce qui ne me correspondait pas à mon plus grand désespoir. D’ailleurs sans mon armure, je me sentais à nue. L’uniforme avait le pouvoir de dissuader un peu mais j’avais une tenue en lin avec une cuirasse en cuir. J’avais même relâché mes cheveux pour changer de ma queue de cheval serrée pour ne pas gêner avec mes protections à la tête.
- Oui, c’est vrai. Ce n’est pas le genre de missions que j’ai l’habitude de faire. Je fais généralement des patrouilles ou interventions musclées. Nous sommes généralement la cavalerie qui arrive après la collecte d’informations.
Je regardais mes mains tenant les rênes. Je me sentais terriblement bête et mon assurance s’est un peu envolée avec toute cette histoire.
- Je n’ai pas vraiment réfléchi mais oui, trouvons une histoire tangible. Ce serait la meilleure façon de circuler librement dans les différents villages. Mon visage est très peu connu ici, je pense que c’est pour ça que j’ai été choisi parmi les officiers. J’ai essentiellement travaillé à Forteresse et des missions conjointes avec les Belluaires.
Il était rare que je prenne la direction de Grand-Port ou le Sud en général.
- Je prendrais donc le nom de Diana Prince, un nom simple sans particule. Je suis basée sur la Capitale comme aventurière au sein de la Guilde. Le nombre d’aventuriers inscrits dans cette succursale est tellement grand qu’il est presque impossible de tracer la véracité de mes propos pour un citoyen lambda.
Et cette affirmation était aussi valable pour la Garde. Le nombre de fois que j’ai pu parcourir les archives de la Guilde pour trouver l’adresse d’un aventurier qui s’était détourné du droit chemin. De nombreuses sociétés de mercenaires récupéraient les jeunes recrues à la sortie. Ses jeunes se voient alors alloués des missions pensant servir la Guilde alors que pas du tout. Il était difficile de faire quelque chose pour ça car couper la tête du serpent et trois autres poussent !
- Après je pensais que je pouvais être votre guide. Une aventurière payée pour vous guider vers le temple pour x raisons. L’autre scénario possible serait que nous cherchions des informations sur un matériau ou plantes ou une connaissance dans les environs d’où les nombreuses questions qu’on pose.
Je ne savais pas trop quoi en penser. Le mieux était de garder une relation client/employé. Plus facile de justifier le manque d’informations sur l’une ou l’autre mais aussi le manque de proximité. Se refaire toute une vie était compliqué et c’était courant que des aventuriers accompagnent des personnes à travers le Royaume pour rejoindre telle ou telle destination.
- Mais je pourrai tout autant garder mon nom. Mon père était un Saphir, il est mort il y a peu mais beaucoup de gens l'apprécient. Son nom pourrait nous aider mais ça serait jouer sur notre chance.
La probabilité que quelqu’un sache que je fasse partie de la Garde en plus d’être officier ? Je n’ai jamais cru aux probabilités. Je préférais contrôler les risques mais dans la vie, il faut tenter.
- Je ne sais pas quoi faire finalement et peut-être que votre expérience pourrait nous aider sur ce coup-là ?
Affichant une mine plus enjouée, je me tourne vers elle. Cherchant un peu de réconfort auprès d’un mentor.
- Je m’en remets à vous.
Surtout que nous avions un bon rythme et notre destination arrivera peut-être avant.
Si les iris d'Undril étaient une source de perturbation, elle ne le montra pas trop et ne fit pas de commentaire dessus. Si quelque chose la perturbait de son côté, elle ne saurait le cacher, mais les inconnus ne savaient pas lire les couleurs de ses yeux, alors au fond, cela ne changeait pas grand chose. Quand aux gens la connaissant bien, ils auraient sûrement remarqué grâce à tel ou tel autre détail. Les gens sont après tout très expressifs, entre le regard, les expressions du visage et le reste du langage corporel. Certaines personnes étaient très sincères sans savoir mentir, et sans avoir de pouvoir trahissant leur émotions pour autant, alors après tout, ce n'était certes pas le meilleur pouvoir du monde, mais Undril avait apprit à s'y faire!
Écoutant les réponses de Bridget à ses questions, Undril pencha un peu la tête sur le côté, ses iris brillant de plusieurs nuances, dont certaines que la lieutenant avait déjà pu voir. Quant à savoir si elle savait déjà à quelle émotion associer quelle couleur, c'était une tout autre histoire!
Comme l'intéressée le lui confirmait, elle n'était pas habituée de se genre de mission. C'est ce qu'elle avait cru comprendre. Elle semblait même plutôt gênée par leur but d'aujourd'hui. Pouvait-on en conclure que la Commission avait n'importe quoi avec ce choix de gardes à envoyer sur cette mission. Hé bien pas tant que ça. Être avec quelqu'un qui n'a pas l'habitude de ce genre de chose avait ses avantages, et surtout, si Bridget était sur place, cela pourrait permettre de procéder directement à certaines interpellations urgentes, ou bien elle pourrait d'autant plus facilement revenir plus tard avec sa propre unité en ayant déjà vu de ses propres yeux les personnes à arrêter et sachant où les trouver.
Mais il fallait aussi reconnaître que la Commission n'avait pas été particulièrement enthousiasmée par cette assignation, songeant sûrement qu'en envoyant rapidement des gens, cela pourrait être réglé rapidement. Undril n'en mettrait pas sa main à couper, mais vu qu'un peu tout le monde semblait occuper, ça se tentait, et puis c'était toujours mieux que de tourner le dos au problème en attendant qu'il soit trop gros pour le régler!
Préférant laisser Bridget dérouler ses pensées doucement, à son rythme, elle ne lui coupa pas la parole, la laissant parler tout du long, parfois en observant les environs ou les familiers sans jamais cesser de l'écouter, avant de se tourner à nouveau vers elle devant sa demande franche d'aide.
- Hé bien, deux heures pour discuter de tout ça, c'est assez court, donc l'idéal serait de changer seulement l'essentiel.
C'était un peu difficile de trouver comment présenter tout cela sans trahir à quel point ce genre de mission était naturelle et comme une seconde nature pour elle, qui avait été espionne et même maître espion pendant tant d'années. Mais d'un autre côté, le but était de réussir, pas de se foirer, alors elle pouvait faire passer ça pour un savoir tout droit sorti de l'âge ou d'un bouquin, après tout l'essentiel n'était pas là!
- Je m'excuse de ne pas avoir pu venir vous trouver avant pour en discuter. Les emplois du temps de la Commission sont souvent chargés. On va devoir improviser, mais je suis sûr que ça ira très bien! On aura l'air plus sincère au naturel qu'en répétant une quelconque histoire prémâchée. Voyons voir...
Undril fit mine de réfléchir quelques instants, et la teinte bleuté de ses yeux trahissait que ce n'était pas feint, quoique Bridget ne la connaissait pas depuis assez longtemps pour savoir ça. Elle reprit rapidement :
- Mon nom ne devrait pas être très connu dans le coin. Si le vôtre non plus, alors autant les garder, c'est moins risqué que de s'appeler par des prénoms qu'on ne reconnaîtra pas.
Mais on va éviter d'annoncer être garde. Vous seriez toute indiquée en aventurière, digne successeuse de votre père, qui aurait eu vent de soucis dans le coin. La Guilde des Aventuriers envoie parfois des gens vérifier si une quête est bien légale et qui les emploie, tout comme après qu'elle ai été effectuée pour vérifier si tout s'est bien passé. Cela aurait été l'idéal pour venir fouiner, et faire croire qu'une quête a été demandée même si c'est faux pourrait semer la discorde. Mais s'ils sont solidaires, cela pourrait au contraire nous desservir. Autant aviser ce point une fois sur place. Vous avez peut-être une autre idée qui collerait avec votre caractère?
De mon côté, je me vois bien marchande vous ayant croisé sur la route, et qui sait ayant négocié votre protection! Venue dans le coin pour voir s'il n'y a pas là de nouvelles opportunités, cela me donnera une excellente raison de m'interroger sur leur situation actuelle, quitte à jouer les commères.
Ses yeux s'étaient fait souriants, des rides supplémentaires apparaissant au coin tandis que ses iris pétillaient de vert. Ses lèvres tirées en un léger sourire, elle jeta un regard en coin au lieutenant suite à son long exposé, certes pas dit d'une traite mais peut-être un peu assommant, attendant sa réaction.
Pour être parfaitement honnête, peut-être que son nom ne serait pas si inconnu que ça sur place. Après tout, Roka avait de la famille éloignée là bas si ses souvenirs étaient bons, mais soit c'était trop éloigné pour que son nom de famille, Valpierre, soit familier à quiconque, soit les gens reconnaîtraient son nom mais sans savoir pour autant qu'elle était garde - elle avait fait attention aux informations que Roka avait communiqué sur elle à son entourage - ce qui pouvait donner une impression de proximité aidant à leur infiltration. Elle verrait bien! En tout cas, le métier de paysan de son feu mari devrait lui être bien utile ici via les connaissances qu'elle pouvait en tirer. Elle aurait pu tenter de jouer une autre carte, mais au moins si Bridget s'étonnait de ses connaissances en la matière, il ne serait pas trop difficile de dire d'où elles venaient sans risquer à ce qu'elle s'approche de terrains qu'elle ferait mieux de ne pas approcher. Malgré tout, à la simple pensée de Roka, un éclat violet mêlé à une autre couleur difficile à identifier passa sur ses iris sans qu'elle en ai forcément conscience ou grand chose à faire.
J’écoute les conseils avisés de mon aîné. Prenant plus le temps de l’observer et voir ses yeux qui changent au fur à mesure de sa prise de parole. Est-ce que je devrais m’inquiéter si un jour, je les vois rouge ? On dit toujours rouge de colère, peut-être que c’est pareil pour elle. Non, je ne devrais pas me soucier de cet aspect là et continuer à suivre son langage corporel ainsi que le timbre de sa voix. Chacun avait ses particularités et voir ses yeux changés n’étaient pas une chose courante mais je vais m’adapter. Je vais prendre note mentalement de mes conclusions et on verra par la suite.
Donc changer l’essentiel. C'est-à-dire mon poste et voilà tout ? C’est plus facile effectivement de changer ce point que de fabriquer cette histoire. Il me sera plus facile de réagir face à mon prénom que celui que j’avais choisi comme nom de code. Puis cette histoire d’aventurière mandatée par les examinateurs de la guilde n’est pas invraisemblable. Ce genre de requête avait aussi comme accompagnateur des gardes mais c’était plutôt rare. Mon âge permettait de faire croire que je n’étais pas une jeune novice et venir ici en tant que contrôleuse me correspondait plutôt bien.
- Une aventurière en quête de réponse ? ça me va plutôt bien, on va dire que ça ressemble étrangement à un boulot de garde. Je dirai que le conseiller Callahan m’a demandé de faire un petit tour ici. C’est une connaissance et un ancien examinateur, je vous conseille de le croiser un jour, c’est une personne agréable.
Enfin dans la mesure où il ne s’amuse pas à regarder mes fesses ou prendre ses jambes à son cou. Nous avions effectué quelques missions ensemble et il trouve toujours le moyen de se mettre dans de beaux draps. Plusieurs fois, j’ai pensé qu’il était dans quelque chose de louche mais à chaque fois, c’était un concours de mauvaises circonstances.
- Mais oui, une marchande que j’ai croisé la route. Oui, ça peut le faire. Vous êtes quelqu’un d’avenant. Je pense qu’il sera facile pour vous que les gens vous parlent. Je sais que mon visage n'est pas aussi accueillant que certains mais j'essaierai de faire mon possible en plus de vous protéger ! Tel est mon devoir.
Je m’amusais à faire un signe que les aventuriers faisaient souvent avant de partir dans une mission dangereuse. Mon père me l’avait appris et je voyais souvent ses compagnons de voyage le faire également. Une manière de prêter serment, je n’ai jamais compris cette confrérie qu'étaient les aventuriers. C’étaient des gens qui avaient un code d’honneur mais pas de règles, tout le contraire de la Garde…
- Alors notre plan d’attaque ? Arrivées dans le village, trouver la taverne du coin, se désaltérer et parler avec les locaux ?
C’est dans ce genre de lieux qu’on trouvait le maximum d’informations. Tout le monde s’arrête au comptoir pour boire un coup, se reposer.
- Puis le but, c’est de délier les langues c’est ça ? Car parler de ça de but en blanc, je pense que c’est facilement repérable !
Car taper sur la table et demander à la serveuse “ Alors Mademoiselle, alors on ne paye pas ses impôts ici ? “ Je pense que c’est grillé.
- Déjà, on peut se mettre d’accord sur notre rencontre. On peut dire qu’on s’est croisé proche de la Guilde et vous avez essayé de débaucher le premier aventurier qui partait dans votre direction ? Cela me semble plutôt logique.
Au moins, là-dessus, on ne se trompait pas trop ! Je finis d’ailleurs par sortir une carte et un petit calepin.
- Le premier village s’appelle Peyrabout d’après mes notes si nous continuons dans cette direction. Une centaine d’âmes avec un petit bourg avec une dizaine de maisons proches dont une taverne et un cordonnier, le reste sont éparpillés avec leur ferme. Ce n’étaient pas les plus récalcitrants d’après le rapport du Capitaine Hekmatyar.
C’était notre premier point de chute, le second par contre….
- Je pense que pour un début d’enquête, ça sera bien. On essaye de rejoindre l’autre village pour ce soir pour y dormir. Lavauzelle est plus grand et ils ont une auberge respectable. Par contre, la garde Royale suppose qu’un petit détachement de brigands sont dans les environs. La topographie du coin permet de nombreuses planques, il faudrait faire attention.
C'est-à-dire ne pas faire de bourdes.
- Je pense que Peyrabout sera notre échauffement. Je peux vous laisser faire pour le premier interrogatoire ou du moins, lancer la discussion ?
Elle avait l’air habituée donc autant qu’elle me montre comment faire car la fumée d’une chaumière commençait à se voir au loin.
Par contre, l'avantage était qu'on la croyait plus facilement, surtout que presque personne ne savait qu'elle pouvait moduler au moins un peu ses iris pour cacher ses vraies émotions. Et cela avait de rares bons côtés jouissifs, comme celui d'être stoïque tout en montrant nettement son agacement par la couleur de ses yeux, et ce sans qu'on puisse lui faire la moindre réflexion. Ça, elle en avait usé et abusé plus jeune, pendant sa formation, et continuait d'en profiter quand l'occasion se présentait, notamment en conseil de la commission, histoire de faire passer son avis à qui la regardait sans avoir à prendre la parole et en s'en tenant à cette image stupide de membre de la commission rigide et impassible qui tenait tant à certains. Les voir s'énerver de ne pouvoir l'engueuler de son attitude tout en s'indignant de ce qu'ils lisaient dans son regard était tout bonnement délicieux...
Mais là n'était pas le sujet! Revenant à leurs discussions de préparation, Undril hocha doucement la tête aux paroles de Bridget, avant d'esquisser un sourire à la mention du conseiller. Bien sûr qu'elle avait entendu parler de lui, a minima, même si sa nomination restait récente.
Ne voyant rien qui vaille la peine d'être dit, ce qui risquerait de couper la lieutenant dans son élan, Undril se tut, la laissant développer sa pensée avec curiosité. Si elle avait d'elle-même de bons réflexes et du bon sens pour leur mission du jour, ça ne pouvait qu'être tout bénef! Ses yeux et ses hochements de tête approbateurs de temps en temps suffisaient pour le moment. Elle ne put retenir le vert de l'amusement revenir animer son regard en même temps qu'un sourire alors que Bridget parlait de la protéger. Oh, bien sûr, elle ne se débrouillait pas mal elle-même. Le but ici n'était de toute façon pas de savoir laquelle d'elles-deux était la meilleur, mais que dans leur histoire, il était bien plus logique que la marchande soit sous la protection de l'aventurière que l'inverse, en ce qui concernait les dangers de la route en tout cas.
- Tout juste! Les voyageurs ne doivent pas être très courants, ça sera une bonne façon de commencer à glaner des informations et à voir l'ambiance générale. On est même pas obligées de raconter notre vie imaginaire, juste parler du voyage, échanger des banalités, ça peut suffire à ouvrir des portes. Et qui sait, s'ils sont du genre à se vanter de connaître un tel qui trempe là dedans, ça ne pourra que nous aider.
Oui, dis comme ça, ça pouvait paraître idiot, mais la carrière d'Undril en tant qu'espionne avait littéralement commencé ainsi : en entendant des bribes de conversation que toute personne prudente n'aurait pas tenu en public, dans un lieu aussi bondé et plein d'oreilles indiscrètes qu'une taverne, et même parfois des gens qui fanfaronnaient carrément en croyant l'endroit rempli uniquement de locaux ou autres voyageurs inoffensifs. Autant dire que si les larrons d'aujourd'hui étaient du même acabit, se serait vite plié! Bon, elle en doutait un peu vu le rapport qu'elle avait lu, mais qui sait! Et s'ils n'étaient pas fanfarons, alors ils seraient peut-être prompts à râler sur la garde qui avait emprisonné certains membres de leur famille, et ça aussi, ça pouvait les mettre sur des pistes intéressantes.
- Vu la tête de mes affaires, je peux sans trop de soucis passer pour une marchande ayant les moyens de se payer une escorte, en effet! Confirma Undril.
Bon, l'histoire de leur rencontre, c'était bon.
- Dans le doute, autant établir une règle pour éviter tout impair : évitons de donner des informations sur l'autre, uniquement sur notre propre couverture, ok? Ça évitera les incohérences si on se retrouve dans des discussions séparées, ou de se couper l'herbe sous le pied. Il faudra aussi faire attention à être cohérent dans les différents villages.
Et parlant de ça, Bridget prouva rapidement son sérieux en sortant un carnet mentionnant le nom et plusieurs détails des villages à visiter, ce qui tira un sourire approbateur à l'ancienne espionne. En voilà une personne bien préparée! Nul besoin de lui dire qu'elle avait tout intérêt à faire attention à où elle laissait traîner ce carnet. Le sien était de toute façon codé, mais leur position respective ne lui permettait pas de voir ce qu'il en était de celui de Bridget.
- Pas de soucis ma p'tite, j'ouvrirais la danse! Cela vous laissera le temps de peaufiner votre histoire au besoin. N'oubliez pas que ne pas répondre à une question ne vous rendra pas forcément louche. La Guilde aussi protège ses infos parfois.
Avec un père Saphir, elle ne lui apprenait sûrement rien, mais qui sait! Les menteurs se sentaient parfois obligés d'avoir réponse à tout et de tout expliquer, comme si la moindre zone d'ombre suffirait à les rendre louche, mais l'inverse était tout aussi vrai. Mais plus que le fait d'étoffer sa couverture ou non, l'essentiel était la cohérence : si on se faisait passer pour bavard et affable, se serait étrange de se réfugier dans le mutisme ou de prendre du temps à répondre à la moindre question.
- La présence des brigands m'inquiète un peu plus. On est sans doute pas dans leur liste de cible prioritaire, mais autant être prudentes et ne pas s'éloigner de la route pour leur moment. Si on ne trouve aucune information digne d'intérêt dans les villes, il sera toujours temps d'explorer les environs à notre façon.
D'après les rapports, ils étaient plutôt du genre à s'en prendre aux gros convois et aux signes de richesse bien plus visibles que ceux arborés par Undril et Bridget, même si Undril était sûrement la mieux lotie du lot, et c'était fait exprès. Mais elle ne prévoyait pas de passer pour trop riche non plus pour éviter tout soucis, le but n'étant pas d'attirer une attaque sur elles. Le voyage à deux n'avait pas pour but de servir d'appât mais de récolter des informations, et ça faisait une grosse différence! Au vu de ses antécédents d'embuscade, Undril préférait vraiment éviter d'avoir à revivre un évènement du genre, et ses yeux en brillèrent un instant de détresse au souvenir désagréable, qu'elle se hâta de chasser. Elle avait des choses plus importantes sur lesquelles se concentrer.
- D’accord, je prends note de ce point.
Ne dire que ce qui nous concerne et pas sur l’autre. Ce n’était pas du tout une mauvaise idée et très simple à appliquer. Elle continue de me rappeler quelques règles élémentaires. Ce n’était pas anodin de les rappeler, un mal nécessaire dirons-nous. On continue d’avancer tout doucement, les formes du village de plus en plus visible. L’excitation de la mission se fait ressentir, resserrant les brides avec mes mains. Cette adrénaline était un phénomène courant avant le combat. Peur, appréhension, excitation, tout ce qui fait l’âme d’une mission pour les gardes. Aujourd’hui, je n’affronterai pas les gens avec mon épée mais avec des mots. Un nouveau style de combat dont j’espère l’ancienne instructrice plus compétente.
Il est vrai que la présence de brigands étaient possible et je ne sais pas si je voyais de la peur chez ma collègue mais ses yeux changèrent à cet instant. Je me trompais peut-être et note cette nouvelle nuance. Nous continuons à parler des derniers détails, sur ses affaires en tant que marchande et aussi sur les points du rapport de la Garde Royale. Cette inspectrice des impôts, Madame Shawn, était redoutable et n’a vraiment laissé aucun bons souvenirs à chacun, est-ce que ça sera le cas pour les habitants ?
Le chemin devient alors plus régulier, mieux entretenu. Nous étions à moins d’un kilomètre de celui-ci et nous voyons quelques enfants joués un peu plus loin, près d’un colombier. D’ailleurs, nous passons un petit pont au-dessus du rû et on s’arrête devant la tour faite de bois.
- Oh regarde Pierrot, un catosorus et un… renard ?
- Mais non, c’est un Kit’sune. Fait attention, ça mange les enfants.
- C’est vrai !
Et le petit garçon part beaucoup plus loin, se cachant derrière la structure. Pleurnichant dans son coin.
- Un Kit’sune bien dressé et aussi gentil qu’un gloot.
- Oui mais les Gloots sont tout petits. On peut taper dedans avec un coup de pied.
Le petit montrait un peu sa petite bouille blonde alors que je suppose être le grand frère, montre tout son courage pour nous affronter. En temps normal, il n'aurait pas tenu un propos pareil avec mon uniforme, lui rappelant qu’on ne frappe pas les animaux.
- On dit que les gloots peuvent dévorer les enfant qui disent des bêtises pendant leur sommeil.
Puis le voilà qui commencent à changer de couleur lui aussi, fière de ma bêtise.
- Je rigole… c’est faux. Loki, Lucy, allez dire bonjour au petit là-bas.
Mes deux familiers tendent leurs oreilles et jouent le jeu. Les voilà tous les deux en quête du plus jeune. La catosorus part devant, elle était la plus sociale et donne une énorme léchouille au petit. Quand à Pierrot, c’était Loki qui s’était positionné devant lui, attendant sa sentence.
- Tu peux le caresser.
Je donne un message télépathique au Kitsune qui ne montre pas les dents sinon ça allait finir en catastrophe. Le courant semble bien passer, laissant à Undril d’intervenir à son tour.
- Alors vous venez faire quoi ici ?
Dit le plus petit qui avait finit par grimper sur le dos de Lucy.
- Nous sommes de passage tout simplement. On cherche un endroit pour se reposer, nous avons beaucoup chevauché.
- Ma mère fait la meilleure tarte à la myrtille !
- Lucian, ne dit pas ça tout fort. On aura plus.
- Mais elle sera contente maman d’avoir des clients à la taverne.
- Mais notre goûter…
- On peut prendre autre chose alors Lucian, où se trouve cette taverne ?
- Si je reste sur le dos du gros chat, je veux bien vous y conduire. Maman va pas croire sur quoi j’arrive.
- Elle va surtout prendre peur.
- Mais non, elle est toute gentille. Regarde quand on gratte là, elle ronronne.
Effectivement, il avait trouvé le point faible de mon familier puis pour des caresses, elle ferait n’importe quoi.
- On vous suit alors !
On prend alors la direction de la taverne…
- Carte village Peyrabout:
Franchement, par rapport à ses anciennes missions du temps où elle était maître espion, Undril avait vraiment l'impression de prendre cette affaire à la légère. Mais elle ne se voyait vraiment pas donner le maximum de ses capacités dans un cadre d'infiltration mais en présence d'une garde régulière. Officiellement, les espions n'existaient pas, et il fallait qu'il en reste ainsi, pour le bien de tout le monde!
Mais les deux ont lu le rapport avec attention, comme le prouve leur discussion sur les derniers détails. En principe le premier village devrait servir d'échauffement tranquille, mais autant rester sur ses gardes!
Elles ne tardent d'ailleurs pas à arriver en vue des premières maisons, et de ses premiers occupants sous la forme de deux enfants. Le souvenir de Cystan est inévitable, et les yeux d'Undril brillent un instant d'un violet de tristesse intense avant de passer au turquoise terne alors qu'elles approchent, faiblesse heureusement probablement passée inaperçu vu que sa collègue avait la tête tournée ailleurs. Les enfants sont source de souvenirs douloureux pour la garde, mais aussi une source d'information précieuse. Ils peuvent être méfiants, méchants, mais sont aussi curieux, et les plus à même de révéler des informations qu'ils ignoraient confidentielles. Il serait idiot de négliger une telle opportunité, surtout alors qu'elles sont encore à distance.
Mais la lieutenant, avec ses familiers, est plus prompte à engager la discussion. Cela va bien à l'ancienne espionne, qui malgré le temps écoulé a encore un peu de mal avec le souvenir de son fils décédé. Mais elle cache soigneusement toute trace de violet dans son regard, malgré l'effort que cela demande, et se force rapidement à penser à autre chose. Après tout, ces enfants ne sont pas les siens, même s'ils ne doivent avoir que quelques années d'écart avec lui au moment de sa mort...
Une bref pensée à la Cabale, qui lui permettra peut-être un jour d'y remédier, ainsi qu'à la mort de Roka, qui sait, puis Undril se force à revenir au présent. Avec tout ça, elle n'a pas encore ouvert la bouche. Elle se contente donc d'un salut de tête et d'un sourire qui se veut avenant, tandis que celui resté à pied s'approche, un peu intimidé.
- Il est pas bizarre votre cheval?
Flattant l'encolure d'Ébène, Undril répond avec un léger rire.
- Pas du tout! C'est un cheval robuste, voilà tout. Vous n'en avez pas par chez vous? Ils sont parfois utilisés dans le travail aux champs ou pour tout ce qui nécessite de traîner des charges lourdes.
Visiblement non, il n'y en a pas ici vu le regard que lui renvoi les deux enfants. La discussion porte donc tout naturellement là dessus jusqu'à la taverne. Autant ne pas presser les choses, même un enfant pourrait réaliser que deux étrangers arrivant en parlant directement de brigands et en posant trop de questions, ça peut être bizarre. Mais la garde ne peut retenir une remarque sur les dangers de jouer seul loin des routes, prenant des airs un peu plus sévère pour enjoindre les deux enfants à la prudence, et c'est d'eux même qu'ils lâchent alors qu'ils arrivent à proximité des maisons :
- Pas de soucis! Les gens d'ici ils se font pas attaquer, c'est seulement pour la dame des impôts et les gardes qui viennent nous embêter.
- Mais chut! Faut pas le dire!
- Ben quoi? Tout le monde le sait dans les villages voisins! Puis d'abord c'est pas méchant, c'est normal! C'est eux qui viennent nous embêter! Même que tonton dit qu'on devrait les soutenir!
- Moi, maman m'a dit que c'était dangereux...
Wow, ok, comme souvent, il avait suffit d'un petit détail pour recevoir une masse d'informations! Sûrement que l'inquiétude sincère d'Undril sous sa sévérité apparente avait aidé. Ne pouvant laisser passer l'occasion, elle se pencha sur sa selle, curieuse.
- Vous croyez qu'ils attaquent les voyageurs aussi?
Elle faisait passer un peu d'inquiétude non feinte dans son regard. Elle avait évité les missions sérieuses depuis en partie à cause de ça, et fait très attention au niveau de la Cabale, pour ne pas se retrouver à nouveau prise dans une situation telle que celle qui l'avait forcée à devenir instructrice par la suite. Elle ne perdrait pas forcément son sang froid, mais elle n'aurait pas forcément la chance d'en sortir en vie comme la dernière fois. Et même si elle préférait ne pas trop y penser, elle savait aussi que s'en servir pour donner de la sincérité à son anxiété ne pouvait qu'être bénéfique.
- Je crois pas... Hein?
- Non non, y sont gentils avec les gens gentils avec nous! Assura l'autre petit.
Tout ça n'était pas très franc, et s'ils ne le faisaient pas maintenant, cela ne voulait pas dire qu'ils n'étaient pas susceptibles de s'y mettre. Peut-être aussi que les deux enfants avaient réalisé qu'ils n'étaient pas forcément sensés parler de ça. Ils n'auraient jamais osé dire cela à des gardes en armure dans tous les cas, et en ça, venir incognito prouvait déjà son efficacité.
Le sujet fut néanmoins vite ramené à la cuisine à leur arrivée à proximité de la taverne. Sur le chemin, personne ne semblait les avoir entendu. Undril ne surpris que quelques regards curieux de loin, mais aucune attitude hostile, quoique la présence d'armes sur sa monture semblait intriguer. Tant mieux! Elle suivit donc rapidement le mouvement, d'autant qu'il est vrai que l'odeur alléchante qui provenait du lieu ouvrait l'appétit.
Contre toute attente, la porte de la taverne était assez grande pour que Lucian puisse entrer toujours sur le dos de Lucy, Pierrot à ses côtés, leur permettant ainsi d'apprécier à sa juste valeur la réaction des parents.
- Hé, regardez, j'ai dompté une bête sauvage! Fanfaronna le cavalier de la catosor.
- Et on a ramené des clients! Des voyageuses! Mais faut pas leur donner la tarte hein. Elles veulent autre chose, pas vrai? Précisa le second.
Sa monture laissée dehors, Undril se faufila à l'intérieur avec un sourire devant les pitreries des enfants et la réaction abasourdie de la mère tandis qu'elle se présentait.
- Ne vous inquiétez pas, je ne suis pas bien difficile, surtout après avoir prit la route! Bridget, je t'offre quelque chose? C'est pour te remercier de m'accompagner!
Après tout, qu'elle l'ai engagée ou que la soit disant aventurière l'ai juste croisé au hasard de la route, se serait logique de proposer une telle chose, et Undril n'avait aucune intention de jouer les vieilles acariâtres, ce n'était pas l'idéal pour obtenir des réponses et ça pourrait rappeler Shawn aux locaux. Mauvaise idée, donc. Tournant la tête vers sa voisine, elle attendit sa réponse avant de s'installer et de commander. Bon, la taverne n'était pas bondée à cette heure, mais ce n'était pas grave.
Alors ses enfants avaient l’habitude de côtoyer ses brigands, du moins c’était quelque chose qui était courant dans les environs. Chacun avait sa propre perception de la chose. Pour les enfants, ils étaient comme des héros alors que pour leur soi-disant mère, ils devaient les éviter ou du moins faire attention à eux. Ce que je pouvais retenir de ses paroles innocentes, c’est que cette troupe avait le bénéfice de passer pour des gens honnêtes. Un enfant quel qu’il soit savait reconnaître un homme méchant. C’était un instinct humain et il faut qu’on fasse attention à chacune des personnes ici. Ça va être donc les adultes qui vont nous aider, les groupes et les diverses messes-basses qu’on pourra apercevoir ou écouter. C’était un long travail d’observation qui nous attendait mais nous arrivons rapidement à la taverne.
Le plus jeune prenait un malin plaisir à chevaucher Lucy, fier de sa prise mais sa mère ouvrit grand les yeux quand la petite tribu arriva à sa cuisine. Je ne sais pas si Undril était à l’aise avec les enfants, je ne connaissais pas cet aspect de sa vie tout comme je n'ai rien dit de la mienne. Nous n’avions pas le temps de parler de ce genre de choses et surtout, ça ne concernait pas la mission. Mais j’ai tout de même perçu qu’elle me laissait beaucoup faire avec eux ou je me faisais peut-être une idée.
Undril prends alors un air avenant et se présente devant la femme qui semblait au bout du rouleau avec ses deux petites terreurs. D’ailleurs l’ancienne instructrice prend les devants et rentre dans la mise en scène. Je mis quelques secondes à me demander si je devais la tutoyer ou non mais je me suis dis qu’il était rare qu’un aventurier prenne autant de précautions avec son prochain.
- il est encore tôt pour prendre un bon repas chaud mais une pâtisserie ou un pain gourmand fera très bien l’affaire.
- J’ai ce qu’il vous faut alors ma mignonne.
- Maman ! Moi aussi je veux un pain gourmand !
- Moi aussi, celui aux lardons !
- Les enfants, si je continue à vous donner toutes ses choses, je ne ferai jamais de bénéfices !
- Mais maman, ce n’est pas grave, ça sera ça en moins à donner à la méchante dame.
- Lucian, qu’est-ce que tu dis !
- Mais oui Maman, Jimmy dit qu’il ne faut rien donner à cette dame. Elle ne mérite pas de voler notre travail
- Lucian, arrête de parler de ça. Ce n’est pas le moment, nous avons des clients.
- Vous aussi, vous êtes une gentille dame ?
Il pointe Undril d’un doigt accusateur.
- Je ne sais pas de quoi tu parles mais ce n’est pas bien de pointer du doigt les gens comme ça. Lucy pourrait te le manger.
Joueuse, mon familier s’avance un peu et ouvre la gueule. Instinctivement, il replie sa main et la cache sous ses aisselles.
- Tu vois, je te l’ai déjà dit. Ce n’est pas bien de faire ce genre de choses.
- Mais Lucian a raison Maman, ils sont méchants les gardes ! Je croyais qu’ils étaient là pour nous protéger.
- Ils le sont. En tout cas, ceux que je connaisse.
- Je suis désolée de vous déranger avec ça mais depuis que ce Jimmy est venu faire son discours de propagande tous les enfants veulent devenir un héros comme lui…
- Ne vous en faites pas, les enfants adorent les histoires.
- Asseyez-vous, je vous amène tout ça.
On part toutes les deux à une table confortable. On choisit celle où nous pouvons voir les arrivants si nécessaire. Je ne me faisais pas trop de soucis car notre couverture était solide. Les enfants n’ont jamais pensé que nous étions gardes, c’était le principal. D’ailleurs, c’était le plus petit qui s’amusait à revenir avec nos plats dans la main. Il les faisait tenir en équilibre sur ses mains et les déposait devant nous. Je vois même une petite part de tarte aux myrtilles.
- Maman m’a demandé de dire… de m’excuser car j’ai dis des choses qu’il fallait pô. Alors, je vous donne une petite part de mon goûter mais si vous en voulez pas, je peux reprendre.
- Lucian…
Sa mère était encore au comptoir mais elle pouvait bien nous entendre.
- Mangez tout !
Le voilà que le petit garçon file à une vitesse extraordinaire dans la cour. Nous laissant Undril et moi tranquille.
- Je crois qu’on va devoir honorer ce gâteau. On partage ?
J’attrape un bout avec la cuillère et déguste le mets. Il avait raison, sa mère mérite des applaudissements mais ça nous n’arrange pas notre affaire. On ne va pas pouvoir discuter de nos premières impressions car il y avait des oreilles indiscrètes. Je décide alors d’engager la discussion sur notre parcours.
- On va à Lavauzelle après ? il y a une bonne auberge à ce qui paraît.
- Lavauzelle ! C’est chez Tata ça ! Tata Alix mais c’est pas amusant là-bas.
- Lucian mais tu vas finir par tenir ta langue un peu.
- Mais mamaaaaaaaaan. On ne voit jamais personne puis elles sont gentilles, il ne faut qu’elle aille là-bas. Sauf si elles peuvent amener quelque chose pour Tata Alix.
La mère de famille finit par sortir de son comptoir, nerveuse.
- Ne l’écoutez pas mais oui effectivement si vous pouvez prendre une autre route, c’est favorable…
- Mais Tata, il faut l’aider !
- Elles ne peuvent rien faire Lucian. D’ailleurs vous allez vers où ?
- Au Grand-Port. Nous faisons route commune, j’ai proposé mes services.
- Bah prenez le chemin à l’Est. Vous allez certainement perdre trois heures mais arrêtez vous plutôt à Miradoux.
- Merci de nous avoir prévenu alors. C’est bien gentil.
Je laisse alors Undrill le soin de la rassurer mais nous savons que toutes les deux que notre prochaine destination sera Lavauzelle…
- Carte village Peyrabout:
Pour autant, elle ne ratait pas une miette de ce qui se passait. Elle prit une mine outrée volontairement exagérée devant le doigt accusateur du petit, mais avant d'avoir pu le corriger ou s'offusquer, la lieutenant se chargea de le recadrer, heureusement sans les trahir. Aucune des deux ne rata la mention du fameux Jimmy, mais elles eurent la présence d'esprit de ne pas trop se montrer curieuses quant à ce fameux Jimmy. Cela aurait pu paraître un peu trop louche. Pourtant, Undril aurait adoré savoir s'il était dans ce village. Vu la formulation, s'il était venu, ça pouvait être dans la taverne depuis chez lui comme dans le village depuis un village voisin. Undril aurait plutôt tendance à pencher pour la deuxième option.
Elle échangea un regard entendu avec Bridget, hors de vue de leurs hôtes, avant de se lécher les babines sans gêne devant le plateau qu'on leur apportait.
- Avec plaisir! J'ai pas perdu l'appétit avec l'âge moi!
C'était faux, et ses yeux en étaient témoins pour qui savait les lire. Undril oscillait les périodes où elle avait peu faim et celles où elle comblait le manque de sommeil en mangeant comme deux. C'était variable, et pas juste en fonction de ses activités de la journée! Mais là, elle était dans un bon jour, et c'était pas plus mal vu l'endroit où elles se trouvaient. Couverture ou pas, ce gâteau était très bon, et Undril le fit savoir. De toute façon, il y avait trop d'oreilles indiscrètes pour faire autrement, alors autant jouer le jeu.
Puis vient la question de leur prochaine destination. Bridget commence la discussion et Undril pencha la tête sur le côté, jouant celle qui n'a pas bien compris.
- Si on peut rendre service, n'hésitez pas! Vous voulez qu'on lui porte quelque chose car vous êtes trop occupés pour y aller? Ne vous inquiétez pas, si c'est si ennuyeux que ça, on ne s'attardera pas. On est pas vraiment là pour le tourisme. Sauf si on compte les auberges, à la limite...
La touche d'humour ne suffit pas à masquer l'inquiétude de la mère des petits.
- Non, vraiment, c'est... Ils ont des soucis en ce moment. Une maladie contagieuse, vous voyez? Mais Alix est grande, elle saura s'en tirer! On passera la voir plus tard.
- Hein? Mais maman...
La mère les intima au silence en leur demandant de débarrasser, en voyant que ses enfants ne comprenaient pas le sous entendu implicite de cacher le réel soucis. Undril fit mine d'abdiquer avec un "Oh, je vois" surpris. Elle proposa rapidement à Bridget de se remettre en route suite à ça, ayant terminé leur commande. La tavernière semblait inquiète et les accompagna dehors pour leur indiquer le chemin à prendre, avant de rentrer, embarquant ses enfants avec elle, probablement pour leur éviter de révéler quoi que ce soit par accident. Dommage, ils semblaient savoir nombre de choses, mais la mère était moins causante, alors autant ne pas insister.
L'ancienne instructrice récupéra sa monture, puis observa les alentours avant de prendre le chemin pour Lavauzelle, s'assurant ainsi que personne ne les vit prendre un autre chemin que celui qu'on leur avait conseillé. Une fois un peu éloignées du village, à l'abri des oreilles indiscrètes, elle se tourna vers sa collègue.
- Tu en penses quoi? M'es avis que le fameux Jimmy doit se trouver là bas. Cette fameuse Alix pourra peut-être nous aider, mais on devra faire attention. Les petits disaient qu'ils n'attaquaient que les gardes et autres représentants officiels, mais je n'aime pas vraiment l'expression que faisait la mère pendant qu'elle essayait de nous cacher la vérité.
Elle était passée au tutoiement sans réfléchir. Simple, direct, efficace. Elle n'était pas du genre à s'embarrasser de politesse superflue dans ce genre de situation. D'autant que ça devenait sérieux. Elle regardait d'ailleurs autour d'elle en parlant, attentive aux potentiels signes d'une embuscade. Il faut dire que l'endroit s'y prêtait, c'était plutôt boisé pour l'instant, mais elle avait l’œil, elle espérait pouvoir voir les signes avant qu'il ne soit trop tard. Ou mieux, pouvoir faire le chemin sans encombre, mais au vu de ce qui s'était dit, si le chemin se passait tranquillement, il n'en serait peut-être pas de même une fois arrivées à destination, alors autant s'y préparer. Mais malgré le danger, il serait idiot de contourner l’œil du cyclone alors que l'objet de leur venue semblait s'y trouver. Qui sait, ça serait peut-être moins pire que prévu!
Les propos de la mère étaient inquiétants et cette situation ne me dit rien qui vaille. Malgré l’aide qu’on propose d’amener quelque chose à sa soeur, celle-ci refuse poliment. Je pourrai comprendre qu’elle ne souhaite pas y aller soi-même avec ses enfants mais peut-être que notre petite “ escouade “ n’était pas de taille contre le fameux Jimmy de Lavauzelle. Bien entendu, on ne prend pas la peine d’écouter son conseil et dès que nous étions hors de vue de tous, on choisit la route qui mène à ce village. De toute façon, Miradoux n’était pas au programme.
- Vous avez raison, cette mère semblait vraiment inquiète.
Malgré la familiarité de Undril, il m’était encore difficile de me laisser aller de la sorte. Il n’avait rien de choquant qu’une aventurière vouvoie sa cliente. J’imagine encore Swan, me dire de me détendre un peu et de retirer ce foutu balai. Malheureusement, on ne change pas quelqu’un d’un simple claquement de doigts.
- Il est certain qu’on va à Lavauzelle, Lucy et Loki peuvent partir en éclaireur.
Mais nous étions encore loin mais les deux familiers prennent la tête du convoi à une centaine de mètres devant nous. Ils étaient visibles de par notre position, ils s’avanceront plus quand nous serons proches du village. La première heure de marche était d’ailleurs tranquille, aucune trace de malveillance mais au fur et à mesure qu’on avançait, on pouvait remarquer des traces sur les arbres.
- Un code ?
C’était une manière de dire où se cachaient les différents repères dans la forêt. J’avais déjà ce genre de marque dans les souterrains de la Capitale.
- Pour l’instant, c’est juste une simple marque mais ce symbole est récurrent sur une lieue.
C’était un cercle avec une sorte d’étoile à six branches mais alors qu’on était à moins d’une heure du village, d’autres symboles apparaissent. Je m’approche de ceux-ci et défait mon gant.
- On dirait que c’est assez récent. Le bois est à vif.
Il y avait encore une fois le symbole avec l’étoile dans un cercle mais aussi cette sorte de v à l’envers.
- Je n’ai jamais vu ça.
Dis-je perplexe mais on ne s’arrête pas pour autant et cinq cents plus tard, de nouveau les mêmes signes. Nous étions proche de quelque chose mais quoi ? On pouvait voir les feux d’une cheminée et je demande à Lucy de se faire discrète et d’avancer dans les hautes herbes. La chance veut qu’elle n’a pas atteint sa taille adulte.
- Elle nous dira si l’entrée du village est gardée.
Quelques minutes plus tard, elle revient depuis l’Est. Elle me dit qu’il y a deux personnes devant les portes du village mais pas armés. Je répète les mots à Undril avant de décider d’un plan d’action.
- Continuons-nous en mode touriste ? Ou tentons-nous une infiltration plus tard dans la soirée ?
Je laisse le choix à la femme alors que je vérifie rapidement mes armes. Je descends de selle et range toute chose qui pourrait me faire penser à une garde. On est jamais trop prudente...
- Carte village Lavauzelle:
- Comment vous communiquez avec vos animaux? Je sais que certains sont capables de télépathie avec eux, ce serait fort pratique!
C'était pratique en général, bien sûr, mais ça le serait sûrement aussi dans leur situation actuelle. Undril ne manquait pas d'idées en la matière. Dommage qu'elle-même n'ai pas de familiers. Il faudrait sûrement qu'elle y remédie un jour ou l'autre. Après tout, elle n'était plus en train de courir d'un bout à l'autre du royaume, à changer d'identité comme de chemise, alors la présence d'animaux à ses côtés poserait moins de problème.
La présence de signes sur les arbres a vite fait de les interpeller. Undril ressort son carnet pour prendre diverses notes, jusqu'à descendre d'Ébène pour aller voir l'inscription de plusieurs caractères de plus près, la notant aussi, songeuse.
- J'espère que cela ne nous concerne pas, sinon cela pourrait compromettre notre mission. Mais c'est étrange d'avoir laissé ces symboles ainsi visibles depuis la route. D'autant que ça ne me dit rien non plus.
Et pourtant, elle en avait vu passer, des symboles secrets trahissant l'activité de tel ou tel réseau criminel! Mais ça, rien. Était-ce le fait des bandits qu'ils cherchaient ou s'agissait-il d'indications que se laissaient les gens du coin entre eux? Les deux étaient possibles, et Undril n'aimait pas ne pas savoir. Elle rangea son carnet et s'approcha de son cheval, posant une main apaisante sur son flanc avant de s'accorder quelques secondes de réflexion.
- Nos deux éclaireurs n'ont rien remarqué? Si personne ne nous observe et qu'on est pas repérées, je préférerais commencer par un tour des environs. On a encore du temps avant la nuit tombée, et je préférerais savoir où fuir et où ils sont susceptibles de tendre des embuscades avant que les choses ne tournent mal.
Et c'est ce qu'elles commencèrent après s'être assurées être hors de vue. La catosor et le kitsune n'avaient repéré personne, aussi Bridget et Undril s'enfoncèrent dans la forêt et laissèrent leurs montures dans un endroit qui n'était pas fréquenté d'après l'odorat des deux familiers. Cela n'empêcha pas Undril d'observer les traces au sol, puis elle fit signe à Bridget et elles partirent ensemble commencer à contourner le village, utilisant à profit les arbres des environs, d'avantage pour repérer les lieux que chercher à prendre quiconque la main dans le sac. Elles étaient trop loin pour voir le village afin d'en rester invisible, mais quand elles remarquèrent un attroupement un peu à l'écart du village, elles s'arrêtèrent, prudentes.
- Tu crois qu'un de tes familiers pourrait s'approcher pour entendre ce qu'ils disent sans se faire voir? Chuchota Undril.
L'endroit était un peu trop dégagé pour un humain, mais peut-être pas pour eux, surtout avec leur ouïe. Undril regrettait de n'avoir prit aucun équipement type jumelle, ça lui aurait été utile! L'attroupement ressemblait plus à des villageois qu'à des bandits, mais l'ambiance ne semblait pas sereine pour autant. Lorsque des éclats de voix commencèrent et que le groupe commença à bouger après un "pouet pouet" sonore ayant l'air de provenir du village, Undril fit signe à Bridget de faire demi-tour.
Elles ne prirent pas plus de risques et rejoignirent leur monture. Elles avaient à peine fait la moitié du tour du village mais c'était toujours ça. En attendant, Undril préférait ne pas trop insister sur leur chance. Personne ne semblait avoir trouvé leurs montures, alors la garde échangea avec Bridget sur leurs récentes trouvailles, demandant si ses familiers avaient apprit quelque chose d'utile en retournant prudemment sur la route. Là, Undril fronça les sourcils en observant les traces sur la piste.
- Dis moi, tu dirais que quelqu'un est passé après nous ou pas?
Elle avait suggéré à Bridget de cesser le repérage et de reprendre leur rôle de touristes pour aller dans le village, mais si quelqu'un était arrivé de là où elles venaient pour aller à Lavauzelle, ça pourrait être risqué. Pour autant, Undril n'était pas sûr d'elle, aussi elle préférait avoir un deuxième avis avant de se décider sur quoi faire ensuite.
- Magie de familier, parchemin de télépathie. J’ai même le partage de sens avec Lucy, je peux voir à travers ses yeux. Mes familiers sont des alliés à part entière avec moi !
Je pourrai les considérer comme mes hommes, des Myrmidons. Ils étaient sous ma protection et il faut que j’envisage de leur acheter des armures à ces deux-là d’ailleurs. Je vois déjà tous les deux avec leurs carapaces, le blason du bataillon sur les épaules. A voir quand je passerai faire un petit tour à Forteresse, mon forgeron peut me faire ça, j’en suis certaine ! Mais là n’était la question, nous avons cette enquête à finir et on continue d’avancer dans cette forêt quand les premiers signes de vie humaine se font sentir. Ses marques puis ensuite cette fumée. Nos collègues à quatre pattes font leur inspection, m’indiquant les positions des entrées ainsi que le nombre d’hommes présents devant. Deux, c’était gérable mais qu’elles étaient leurs intentions ? Lucy n’avait pas la possibilité de me dire, c’était ce qui lui manquait, le raisonnement humain mais elle fait déjà un bon travail. Je la félicite télépathiquement avant de me concentrer avec Undril. Il nous fallait un plan et je tire alors une carte des environs. Très sommaire certes mais on pouvait voir la partie Sud-Est de la forêt à partir de la Capitale. Nous avons pris la route principale en direction de Grand-Port. Il y avait une multitude de villages dans le coin, plus ou moins gros. La carte ainsi étalée au sol, je présente le coin.
- Oui Lucy peut le faire mais il faudra me protéger car je ne serai plus maîtresse de mes moyens.
C’était le désavantage du partage de sens. Notre corps se retrouve inanimé et il fallait une personne pour protéger notre “ enveloppe “. Je fais totalement confiance à cette femme, je suis entre de bonnes mains et continue alors de pointer du doigt divers points sur la carte.
- Alors comme vous voyez, le rû arrive depuis le nord du village de Lavauzelle. Ça fait une bonne barrière naturelle pour le déplacement. Il peut être asséché ou l’eau est sous-jacente, ça dépend des moments.
A cette période d’année, avec les dernières pluies, l’eau sera bien présente.
- Donc sur ce principe, les brigands sont bloqués entre le chemin et le rû côté Nord. C’est pourquoi qu’il faut faire plus attention du côté Sud. La forêt est assez dense, faisons notre tour d’inspection.
Toutes les deux sur nos montures, on part faire notre repérage. Lucy et Loki avaient fait l’autre tour mais rien d’intéressant. C’était le groupe devant nous qui était le plus inquiétant. Mais les traces au sol juste devant nous venaient d’apparaître.
- Quelqu’un nous a suivi ? Attendez, je vais vérifier.
Je demande à Lucy de partir devant et expliquant à Undril que je vais prendre possession des yeux du catosaur. Assise contre le tronc d’arbre, je prends un souffle et active la magie. Je prends quelques secondes à m’habituer à ce point de vue avant de prendre cap vers les traces. J’avais demandé à Lucy de suivre les traces et nous voilà dans les hautes herbes. Les traces deviennent de plus en plus importantes et nous passons le chemin principal pour s’enfoncer dans la forêt. Un bruit faire bouger les oreilles du félin qui tourne la tête vivement vers la gauche. Des voix… Automatiquement, elle s’allonge au sol et avance ventre à terre pour être à porter.
- Faut prévenir Jimmy ! Des inconnues arrivent.
- Mais ce sont de simples marchands.
- Elle a une arme !
- Et alors, certainement son garde du corps. Sérieux, tu as vu sa tronche à la blondasse. Une grosse épée et tu as peur ?
- Et si c’étaient des gardes ?
- L’autre vieille, on dirait une de ses nouvelles riches qui viennent se pavaner. Puis vu qu’elle a - peur, elle prend le premier mercenaire.
- Ouais enfin, je ne le sens pas.
- Arrête de réfléchir, les gens de Peyrabout font en sorte de faire dévier les gens. Puis si c’était une garde, on aurait reçu un message.
- Elle te rappelle rien sa tronche à toi ?
- Pas une Belluaire donc non.
- Tu as raison, je m’inquiète surement pour rien
- Faut pas mettre la pression à Jimmy, on a notre prochain coup. Tu as fini les marques pour la bande du Sud ?
- Ouaip, c’est fait. Les voyageurs vont croire à quelque chose de mystique, une langue ancienne.
- Toi et tes idées…
- Bah quoi, le chef a validé alors je suis trop content !
- Justement, trop mystique. Tu ne pouvais pas faire des signes plus courant, ça se voit à cinq lieues à la ronde tes conneries.
- Laisse béton, plus personne vient après le passage de l’inspecteur des impôts !
- Faut pas que ça finisse en massacre là. Cette fois-ci, on attaquera un convoi royal. Tu sais celui qui ramène des trucs pour leur fête bidon, on en profiter pour l’attaquer. Plein de cristaux à se faire.
- On ne va pas voler les grains des silos royaux ?
- Petit joueur, on doit voir grand mais bon, ça sera à la fin de cette lune. Là, on doit fêter ça au village.
- Ouais, nous avons récupéré des armes dans la garnison.
- Ces Tsy’lys… facile à berner.
- A mourir de rire. Bon je vois faire un dernier truc, on se retrouve ce soir ?
- Bah surtout si il y a cette blonde là… tu crois que je pourrai lui plaire ?
- Arrête de rêver toi.
Il n’avait plus rien à entendre et Lucy retourne directement à notre position. Je raconte ce que j’ai entendu et vu. Cette enquête devenait compliqué et il va falloir prévoir un assaut si ça continue mais il fallait qu’on trouve d’autres indices et identifier clairement ce Jimmy.
- Allons à cette petite soirée, peut-être on aura d’autres informations mais restons prudentes.
C’était le maître mot de cette enquête et d’un commun accord, on se dirige vers l’entrée avec les villageois. On se montrait détendu mais les trois hommes et la femme nous regarde de la tête aux pieds. L’un d’eux, le plus âgé, fait un pas vers nous avant que nous arrivions aux portes de la ville.
- Bonjour Mesdames, bienvenue à Lavauzelle. Êtes vous là pour affaires ?
Je laisse le soin à Undril de répondre alors que la femme se place derrière les hommes. Elle avait l’air fatiguée.
- J’ai toujours entendu que la taverne de votre village faisait la meilleure tourte de la région. Je me dois de goûter.
Un léger sourire s’affiche sur mon visage, essayant de détendre l’atmosphère.
- Si c’est manger et prendre du repos, vous serez bien accueillies ici ! Venez à l’auberge puis ce soir, nous avons une soirée dansante.
- Je peux être votre cavalier si vous le souhaitez.
- Tais-toi, Santo, ne leur saute pas dessus tout de suite. Attends un peu !
Ce fameux Santo nous fait un clin d'œil appuyé avant que le plus âgé reprenne la parole.
- Alix, tu peux les accompagner à la Taverne. On a encore des trucs à faire.
- Au plaisir de vous revoir ce soir. Venez me déranger quand vous voulez !
Les trois hommes finissent par partir, nous laissant avec la fameuse Alix, la soeur de notre précédente aubergiste.
- On vous suit alors !
- Carte de la région :
Il faut donc aviser en fonction de la situation. Et justement, une occasion se présente d'utiliser ça à leur avantage! La lieutenant fait mine de se poser contre un tronc, comme pour se reposer. Ainsi, même si on les observe, ça ne risque pas d'attirer l'attention, surtout qu'elles sont retournées sur le chemin. Undril patiente à ses côtés, se comportant comme si elle faisait une banale pause et regardait le paysage car elle le trouvait beau, une bonne façon de pouvoir guetter le moindre signe de danger. Son regard trahissait sa concentration et même un peu de stress, mais elle n'en avait cure, tant que les gens ne savaient pas ce que ça signifiait ce genre de chose ne leur servait à rien. Il lui faudrait d'avantage se méfier du pouvoir des gens, mais il était plus commun de tomber sur des pouvoirs assez inutiles voir ridicules que sur quoi que ce soit de réellement dangereux ou embêtant. Mais il ne fallait pas oublier non plus que chacun avait un joker invisible et inconnu!
Bridget ne tarda pas à revenir à elle, et la garde du cacher une grimace en écoutant son compte rendu. Tout ceci ne lui inspirait rien qui vaille! Ça avait l'air bien trop gros pour être géré à deux en une mission, ça s'est sûr, mais c'était attendu. Non, ce qui l'inquiétait, c'est qu'ils semblaient être répartis en plusieurs groupes, et préparer un gros coup en plus de ça. Cela pourrait gêner la capture de tout ce beau monde en même temps, mais d'un autre côté, si le dit convoi royal était prévenu, ça pourrait aussi constituer le moment idéal pour les prendre à leur propre piège! Mais pour ça, encore fallait-il glaner un peu plus d'informations, histoire de s'assurer que tous les responsables seraient là... Et vérifier l'avis de la population là dessus, car s'ils arrêtaient les brigands actuels pour que de nouveaux prennent leur place, ils n'en avaient pas finis! Certes, ça serait néfaste aux gens d'ici pour leurs cultures, mais parfois, les gens ne savant pas s'arrêter une fois partis dans la mauvaise direction.
Malgré les armes de Bridget et les siennes qui font heureusement plus décoratives, mais n'en restent pas moins dangereuses, elles sont plutôt bien accueillies à l'entrée. D'un commun accord, elles sont choisi la prudence, elles vont donc continuer tranquillement leur passage pour essayer de glaner des informations. Au besoin, Undril a déjà sa petite idée pour les forcer à rester plus longtemps au besoin.
Pour autant, les gens à l'entrée les scannent clairement du regard, mais l'ancienne espionne fait comme si de rien était. Après tout, même sans brigands dans le coin, il n'est pas rare que des villageois se montrent un peu méfiants de visiteurs! Elle aborde un sourire avenant en répondant :
- Un peu mon p'tit que je viens pour affaires! Le prenez pas mal, mais je ferais surtout affaires avec la taverne par chez vous, j'en ai entendu du bien! Mais si vous êtes curieux de ce que je vend, venez en discuter, ce sera avec grand plaisir!
Elle préférait rester évasive. Ne pas sous entendre qu'ils n'avaient pas l'argent ici, sait-on jamais, des fois qu'ils soient susceptibles! Et ne pas sous entendre qu'elle aurait trop de choses de valeur sur elle aussi, surtout. Bon, elle avait quand même un look un peu bling bling, mais pas trop non plus, juste assez pour inciter naturellement les gens à comprendre qu'elle était la riche voyageuse - le "marchande" était optionnel - et Bridget sa garde du corps.
- Oh, une fête? Ça me tente bien! Je pense que j'ai assez vu la route pour aujourd'hui de toute façon. Qu'en dis-tu, Bridget?
Le dénommé Santo semble plus intéressé par le fait que Bridget reste à la dite fête qu'Undril, mais c'est compréhensible. Une lueur d'amusement passe d'ailleurs dans son regard à l'idée de voir la lieutenant se faire draguer. Sûrement qu'il n'y manquera pas, et elle a hâte de voir ça, ça promet d'être amusant! C'est pas parce qu'elles sont là pour le boulot qu'elles ne peuvent pas s'amuser, au contraire, c'est même recommandé pour leur infiltration. C'est l'avantage de ce genre de boulot!
Bien vite, elles se retrouvent seules avec l'aubergiste, la fameuse Alix, qui les guide avec un sourire fatiguée. L'ancienne espionne lui emboîte le pas avec entrain, le cliché de la vieille femme avenante et un peu trop bavarde, en profitant pour demander :
- Vous avez l'air épuisée ma chère! C'est les préparatifs de cette fête qui vous pèsent autant? Les deux hommes de tout à l'heure ont pourtant l'air de braves garçons, ils pourraient vous aider quand même!
Nouveau sourire fatigué en guise de réponse. Undril n'arrive pas à déterminer s'il est sincère ou non. Le sourire, pas la fatigue.
- Oh, mais ils m'aident, ne vous en faites pas! Je m'occupe de la cuisine, eux de m'amener les matières premières. D'autres s'occupent de la décoration... On est tous occupés, donc je ne peux pas vraiment demander d'aider. Mais c'est vrai que cuisiner pour tout ce monde n'est pas une mince affaire...
Elle étouffe un bâillement, et Undril lui tapote familièrement le dos.
- Je vois ça, ça n'a pas l'air simple! Vous fêtez quoi d'ailleurs? Je ne crois pas qu'aujourd'hui soit un jour particulier, ou alors je suis déjà complètement décalée! Ça arrive, parfois, en voyage.
Alix semble un peu surprise par cette proximité mais elle se reprend rapidement, toujours avec ce même sourire dont la garde, malgré son expérience, n'arrive pas à déterminer la sincérité.
- Oh non, c'est une fête locale.
- Et votre sœur qui voulait nous faire faire un gros détour quitte à nous faire rater ça! Je suis bien contente de ne pas l'avoir écoutée! Elle devait vouloir vous donner du travail en moins j'imagine. C'est vrai que vous avez mauvaise mine ma p'tite. Vous devriez vous reposer après tout ça.
Joviale, Undril prend petit à petit une tête conspirationniste en se penchant vers Alix.
- Vous faites pas de trucs bizarres pendant votre fête rassurez moi? Je sais que certains ont des coutumes barbares impliquant des animaux vivants. Quelle horreur!
- Rien de tout ça, mais c'est une fête assez personnelle, vous comprenez... Et ma sœur a du vous dire qu'il y a des brigands dans les environs.
- Oh oui, ça! Ce n'est rien, j'ai une garde du corps exprès pour ça! Hein Bridget? Et il paraît que ceux du coin ne s'en prennent pas aux honnêtes gens!
La vieille femme parlait fort, sans gêne, sans la moindre considération pour les gens qu'ils pouvaient croiser sur le chemin allant à la taverne, causant une gêne de plus en plus forte chez leur guide qui se hâta de changer de sujet en les faisant entrer.
- Vous voulez dîner ou juste prendre un encas? Je vous conseil de garder de la place pour ce soir, j'ai prévu assez de nourriture pour deux invités surprise.
Undril paru songeuse et lui demanda ce qu'elle avait avant de se tourner vers Bridget.
- J'imagine qu'il vaut mieux commencer léger dans ce cas! Que veux-tu prendre? La tourte me fait de l’œil, mais c'est pas la seule! Et si prenait chacune quelque chose de différent et qu'on partageait?
En apparence, elles n'avaient pas obtenu beaucoup d'informations depuis leur arrivée dans le village. Pourtant, il n'en était rien! Par rapport aux avertissements du précédent hameau, Undril trouvait les gens d'ici bien accueillant. Ils semblait très confiants, ce qui était plutôt bon signe. Certes, Bridget avait la preuve qu'ils étaient sur leurs gardes, mais pas assez! Ils ne les voyaient pas comme des menaces, alors si elles y allaient doucement, elles pourraient sûrement obtenir plus de renseignement par la suite, surtout au fur et à mesure que la soirée avancerait! Pour le moment, c'était l'heure de faire connaissance et de faire profil bas... Enfin, à sa manière!
- Un petit encas ne fera pas de mal. Je crois que j’avais avoir besoin de toutes mes forces pour cette petite fête.
La perspective de me faire tenir la jambe par ce soi-disant Santa m’horripile. En tenue de garde, pas besoin de faux-semblant, pas besoin de se laisser draguer pour avoir des faveurs. Non, là, tout était différent et je sens que je vais devoir plier à cette exigence pour avoir des informations. La prochaine fois, j’envisage d’avoir une chevelure grisonnante pour éviter tous ses aléas. Arrivant par la porte Nord, on traverse un petit guet avant d’arriver à la caserne. La forme des habitations étaient amusantes. Un toit en chaume avec des maisons rondes, la salle des fêtes et celle du patriarche était plus grande mais beaucoup avait sensiblement la même taille. Une petite écurie se trouvait pile devant la taverne pour récupérer les montures des voyageurs et un adolescent nous attendait avec joie.
- Bien le bonjour Mesdames. Je peux m’occuper de vos bêtes ?
Alix nous fait un bref signe de tête, nous confirmant qu’on ne craignait rien. De toute façon, je serai bien au courant du moins faits et gestes de mes familiers avec notre partage de pensée.
- Fait bien attention à celle-ci, elle demande beaucoup de caresses mais ne cède pas sinon tu vas devoir dormir avec elle.
La concernée redresse immédiatement les oreilles, comprenant de qui on parlait. De nature joueuse, elle s’approche du garçon et affiche un sourire à sa façon.
- Nous resterons ici cette nuit, peux-tu mettre les selles tout près de leur enclos. Nous ne souhaitons pas te déranger très tôt demain matin à notre départ. Hamlet a l’air d’être un peu tête de mule mais il n’est pas méchant.
Il se contente de lever le museau au ciel, montrant qu’il n’était pas du tout d’accord avec ce qu’il se disait. La véritable raison de ma demande c’est qu’au moindre souci, je veux qu’on puisse partir très rapidement. Laisser nos montures harnachées étaient un indice à notre attitude, autant jouer le jeu jusqu’au bout.
- Je ferai un petit passage avant la fête. Je te laisse t’occuper d’eux !
J’attrape mes quelques sacoches et les posent sur mon épaule alors que je cherche un cristal à glisser dans la main du palefrenier.
- A toute à l’heure, jeune homme.
Celui-ci à l’air d’être heureux d’avoir du boulot et je ne me fais pas trop de soucis sur ce point. Ils peuvent très bien se défendre, Loki et Hamlet gèront la situation.
- Suivez moi Mesdames.
On finit de suivre la jeune sœur et après le début d’interrogatoire de Undril, on comprend mieux la situation. C’était la fête qu’on entendait parler tout à l’heure. Nous allons pouvoir croiser les fameux hommes de ce Jimmy. Quoi qu’il en soit, ils ne présentent aucun signe de confinement dans ce village. Du moins, Alix ne semble pas si malheureuse mais nous n’étions pas assez proche pour connaître la véracité de ses propos.
On rentre dans la taverne au charme rustique. Le toit de chaume conservait bien la chaleur, quelques puits de lumière innondaient la salle commune. La douce odeur de la cuisine arrivait à nos narines. Il y avait quelques tables, un grand comptoir mais aussi deux grandes tablées. De quoi accueillir une partie du village si nécessaire.
- La fête se déroulera où ce soir ?
- Oh, la soirée dansante à la salle qu’on a vu en arrivant. Ici, ça sera surtout pour le ravitaillement. Je tiens encore à mon établissement pour ne pas accepter une fête avec eux.
J’imaginais que nourrir une bande de brigands n’était pas une mince affaire et autant qu’il casse autre chose que son gagne pain.
- Mais ils ne sont pas méchants. La preuve, ils ont voulu préparer cette petite fête pour le travail bien accompli.
- Ah oui lequel ?
Alix reste silencieuse quelques instants.
- Je ne sais pas trop… je ne suis pas dans leurs affaires. Demandez à Santo, il vous expliquera mieux que moi.
Je sens le regard d’Undril sur moi et je compris que je vais devoir me sacrifiier pour la bonne cause.
- Je demanderai à Santo alors, je crois que c’est une vraie pipelette. Ça me rappelle quand je travaille avec des escouades d’aventuriers. L’aventure nous rapproche et ça fait toujours de belles histoires à raconter.
- Vous êtes de la Guilde ?
- Bien sûr, j’escorte Madame mais j’avoue que c’est plus une partie de plaisir où je suis bien nourrie ! On traverse des villages charmants.
- Si vous venez de Peyrabout, c’est sûr qu’ils sont chaleureux surtout avec ma soeur qui s’inquiète pour moi. Si vous repassez par là-bas au retour, dites-lui que je vais bien. Les grandes sœurs sont tellement maternelles de nos jours.
- Pourquoi ne pas aller vous-même ?
- Oh… bien.. Du travail et ça serait dommage de prendre des vacances alors qu’une guilde marchande a planté ses tentes non loin. Mon chiffre d'affaires se porte très bien actuellement.
- Ce sont donc des marchands ?
- Oui, on peut dire ça.. Mais je ne suis pas dans leur affaire, je me contente de leur servir… des verres !
Je ne préfère pas m’éterniser et finit par rejoindre une table avec Undril. On pouvait ressentir un peu de peur dans ses propos. Peut-être ils empêchent la fuite des villageois pour prévenir les autres. Lavauzelle était le QG de ses malfrats, les seuls qui les ont accueillis ou du moins pas réussi à les repousser assez loin. Le petit encas arrive et on partage notre repas à toutes les deux. Refusant la bière pour ma part, je me contente de réfléchir à voix haute avec mon aîné.
- Cette enquête se complexifie… Tout se jouera ce soir, il faut essayer d’avoir des noms et d’identifier ce Jimmy.
On arrivera certainement pas à avoir plus d'informations mais si on arrive à établir la hiérarchie de leur organisation, on pourra les attraper plus facilement lors de notre assaut final avec les collègues. Le repas se passe presque tranquillement quand je vois une silhouette à l’entrée. Méfiante, ma main sur le dessus de mon épée, je reconnais aussitôt la personne.
- Re bonjour gentes dames !
- Santo, tu n’avais pas de boulot ?
- Non, j’ai réussi à m’échapper. Je voulais parler avec les étrangères avant tout le monde.
- Tu ne rate jamais une occasion de te faire remarquer.
- Comment ne pas craquer devant ce joli minois.
Je lève les yeux au ciel mais j’ai l’impression que ma camarade va me laisser seule sur le coup. Il arrive près de nous, attrape sa chaise et s’assoit à l’envers dessus. Pose typique de l’homme lourdingue, je ne pouvais rien dire mise à part garder un sourire.
- Alors qu’est-ce que vous en pensez ?
- Très bon et j’ai hâte de voir cette petite fête.
- Vous verrez ça sera génial ! Le chef vient et on va pouvoir fêter notre réussite.
- Ah oui, quelle réussite.
Dis-je faussement intéressée. Pensant que j’ai vraiment l’air cruche.
- Ahaha, je t’aurai bien dit mais peut-être au bout de deux ou trois verres et une nuit dans tes bras, je te raconte tout.
- Alors, tu ne veux pas me dire dans quoi tu travailles ?
- Oh si je peux te dire, l’import-export ! Aussi simple que ça.
Alix secoue la tête mais cet idiot continua de parler.
-Des affaires avec la Couronne. C’est compliqué de vous expliquer mais nous allons bientôt conclure un nouveau contrat. - Vous fêtez votre victoire avant ? Etrange non ? Une tradition d’ici.
- Nooooon, du tout ma belle. C’est pour nous donner du courage et rassembler les troupes.
- Oooh, vos;ouvriers et courtiers ? Vous appelez ça des troupes ? ça fait grande compagnie, ça a l’air cool.
- Mais tu peux venir avec nous, on a besoin de femmes comme toi. Puis… comme ça…
Il s’approche un peu trop près de moi.
- On … se … verra plus !
- Désolée mais je suis déjà en contrat avec les guildes, ça serait bête de m’arrêter si près du Saphir.
Il se rassoit, nonchalant sur sa chaise.
- J’avais oublié vous les aventuriers et votre histoire de saphir. Vous pensez à la gloire, jamais à l’argent.
- Je peux devenir Saphir puis ensuite être riche. Je vendrais mes services plus chers. C’est juste que je vois à long terme tout simplement.
Il passe le doigt sous mon menton. Je me retiens de lui briser le poignet.
- J’aime bien ta façon de penser, Jimmy t’adorait.
Un homme entre à la va vite dans l’auberge.
- Santo ! Tu étais là. Dépêche-toi, on nous attend. Ne compte pas sur moi pour porter tes caisses.
- J’arrive.
Il se lève et me lance une sorte de baiser volant avant de quitter en trombe l’établissement.
- je crois que je vais vomir...
Dis-je tout bas.
- Carte village Lavauzelle:
Alix n'ose pas trop en dire, mais son histoire pourrait se tenir si les deux gardes ne savaient as déjà que quelque chose se tramait. Et toute cette histoire, même si elle ne leur servait que de couverture, pouvait leur donner des indices.
Undril échangea un peu avec Bridget pendant le repas, mais assez peu, ne désirant pas passer son temps à surveiller les oreilles indiscrète, ce qui ne ferait que les rendre bizarres. Mais cela ne l'empêchait pas de réfléchir, échangeant même quelques banalités avec Bridget, des fois qu'Alix revienne sans crier gare.
Puis le fameux Santo fit irruption, et Undril quitta la nourriture des yeux pour observer la scène avec un sourire goguenard. Oui, sa collègue n'avait clairement pas envie de fricoter avec lui - et ça se comprenait, même si on omettait son statut de brigand, même elle dans son jeune âge n'aurait sûrement pas voulu d'un type pareil, pas à moins d'être vraiment désespérée - mais c'était justement ça qui devrait être drôle à regarder! Et puis, allons, ce n'est pas qu'elle n'avait pas envie de se sacrifier pour la cause, mais est-ce qu'il prendrait bien d'être dragué par quelqu'un de l'âge de sa mère? Franchement? Santo ne calculait d'ailleurs pas du tout Undril, il l'ignora même totalement quand elle réagit à son nom de métier, disant qu'ils pourraient peut-être faire affaire. Est-ce qu'il l'avait volontairement ignorée ou non, difficile à dire, ça devait bien l'arranger vu qu'elle le voyait mal faire réellement le métier qu'il décrivait, mais il était si focalisé sur sa voisine de table qu'elle ne s'étonnerait pas non plus qu'il ne l'ai réellement pas écoutée.
Quelqu'un finit par le rappeler à l'ordre, et Undril étouffa un rire devant la mine de Bridget. Elle lui tapota l'épaule avec compassion même si ses yeux avaient une lueur autant moqueuses qu'amusée.
- Hé bien ma p'tite, vous avez du succès! Je me demande si ce Santo va avoir de la concurrence ce soir. J'espère que vous êtes prête à leur en mettre plein les mirettes!
Et c'était pas juste pour la blague. Il s'agissait là d'un moyen beaucoup trop efficace de récolter des informations, il fallait jouer le jeu, au moins un peu! Même si Undril comprendrait bien que Bridget n'aille pas jusqu'à finir dans le lit de Santo, il y avait largement moyen de profiter de la situation sans ça, tant il semblait enclin à lui parler, et semblait même envisager de la recruter pour les brigands à l'entendre.
Et d'ailleurs, parlant de ça...
Une fois leur repas terminé, elles ressortirent voir leurs montures. Ces dernières semblaient très bien aller. Une autre personne en profita pour venir les voir, avec une attitude détendue mais aussi très curieuse à leur égard.
- Alors comme ça, vous voyagez pour affaires? Toutes les deux?
- D'une certaine façon, oui. Moi, je suis marchande, et j'ai embauchée cette aventurière pour m'escorter. Je pensais pas avoir grand chose à vous proposer, mais il paraît que vous faites aussi de l'import export par ici? Ça m'intéresse! Qui gère ça, que je m'entretienne avec lui?
L'homme parut aussitôt gêné.
- Qui vous a dit ça?
- Un certain Santo, il a même dit que vous vous apprêtiez à faire affaire avec la Couronne! C'est pas rien! Vous faites quoi, vous assurez le transport de produits de luxe?
- Ah, je, je saurais pas vous dire... C'est pas moi qui m'occupe de ça...
- Il a pas dit que c'était un certain Jimmy qui gérait ça? Demanda Undril en regardant sa voisine, comme si elle attendait un signe d'approbation.
L'inconnu se gratta la tête, l'air gêné, et désigna la salle des fêtes.
- Si, ouais... Il sera là ce soir, vous pourrez lui demander à ce moment là. Enfin, s'il veut bien en parler, c'est une fête après tout!
- Une fête pour se donner du courage pour le travail si j'ai bien compris? Je suis sûr qu'il sera disposé à en parler! Un bon marchand protège ses marchés juteux, mais je suis sûr que je peux lui apporter un petit plus.
Est-ce qu'elle cherchait à sous entendre qu'elle pouvait tremper dans quelque chose d'illégal? Pas tout à fait, en tout cas pas de façon trop explicite, mais c'est ce qu'on pouvait comprendre en tout cas!
Le type se contenta de hocher la tête et de les saluer en disant qu'il avait encore à faire pour préparer la fête, mais Undril était à peu près sûr de l'avoir entendu marmonner "Foutu Santo, il parle trop..." en s'éloignant. Elle se tourna vers Bridget, tout sourire, et lui fit un clin d’œil.
- Tout ça a l'air de se goupiller plutôt bien pour l'instant non?
Qu'on les écoute ou non, cette phrase faisait sens autant pour leur couverture que pour le réel but de leur présence ici! Plus qu'à espérer que ce fameux Jimmy serait bien présent et pas trop réticent à parler de tout ça. Undril craignait un peu qu'il la fuit pour ne pas qu'elle réalise qu'il ne faisait pas vraiment de l'import export, mais qui sait? Il devait aussi chercher à écouler ce qu'il volait quand ce n'était pas quelque chose qui pouvait leur être directement utile, alors autant tenter sa chance!
Prochaine étape : la salle des fêtes... Du moins si elles arrivaient à y parvenir, car Undril eu tôt fait de voir Santo approcher du coin de l’œil. Déjà libéré de ses obligations? C'était Bridget qui allait être contente! L'ancienne espionne lança un regard entendu à sa collègue, mi amusé, mi d'encouragement.
Allez ma p'tite, c'est juste un mauvais moment à passer! Puis c'est pour la bonne cause pour toi, non?
Oui tout se goupille bien avec la maladresse de Santo. Cet homme est un danger ambulant pour son groupe. Un parfait idiot qui sert notre cause. Je ne vais pas dire non à ses bavardages car ils nous sont utiles mais franchement, si il était de mon côté, je ferai en sorte qu’il en sache le moins possible. D’ailleurs, j’ai l’impression que notre petit jeu fonctionne car on vient nous accoster. Nous étions un peu l’attraction de la semaine, les nouvelles venues qui pimentent un peu tout ça. Je finis par attraper ma gourde et je me dis qu’il serait vraiment temps que je m’achète cette petite gourde-fontaine magique. C’est très pratique sur le terrain, faudrait que je fouille si je n’en ai pas déjà une d’ailleurs. Quand je retournerai au bastion.
Undril rentre directement dans le jeu. Jouant la parfaite femme d’affaires qui voit un potentiel parteneriat. Jouant sur les mots et les sous-entendus, l’homme en question ne sait pas sur quel pied danser. Peut-être qu’il plaidera en notre faveur devant le fameux Jimmy.
- Posons quelques affaires à l’auberge au cas où.
- Vous avez parlé d’auberge ! Mais venez chez moi, ne dormez pas dans un trou à rat.
Santo passe le bras sur mon épaule et je me contente de lui retirer tout doucement. Je me contente de refuser poliment en sortant le sourire le plus narquois possible.
- Je suis désolée mais nous avons déjà réservé une chambre à l’auberge et nous ne souhaitons pas abuser de votre hospitalité. Cette fête est pour votre entreprise, profitez-en, nous serons de mauvaise compagnie car nous avons eu une longue route.
- Balivernes chérie ! Tu es rayonnante et … toi aussi.
Il s’était enfin tourné vers Undril. Peut-être qu'il se dit que s' il met la “ vieille “ dans sa poche, il arrivera à m’avoir.
- Non mais j’insiste et ne compte pas dormir cette nuit, c’est la soirée de l’année.
- je dois escorter Madame à destination. Quelle aventurière je ferai si je ne suis pas en pleine forme demain matin. En échange, je propose un verre à la soirée.
- Ca me va ! La fête commence dans moins d’une heure ! Allez poser vos affaires dans votre cagibi et on se retrouve ma chérie.
- Une petite pause nous fera du bien, n’est-ce pas Undril.
Je lance un regard plein de sous-entendu à la Garde. Je ne veux pas partir tout de suite sous couverture avec ce mec. Je refuse, je veux poser mes fesses dix minutes dans un endroit calme, pouvoir ranger mes pensées et prendre quelques notes avant d’affronter mon “ rendez-vous “. Quelqu’un siffle l’homme et voilà qu’il déguerpit de nouveau. Mes épaules s’affaissent machinalement au fur et à mesure que ses pas s’éloignent.
- Allons à cette auberge pour vérifier si elle est ok.
On se retrouve dans l’établissement et on nous donne la clé de notre chambre avec deux lits simples. On grimpe à l’étage, je pose mon sac sur un lit près de la porte et ouvre la fenêtre pour voir si il y a une sortie possible de ce côté. Passant la tête pour voir l’extérieur, le toit de l’appentis était juste en dessous.
- On pourra toujours sauter par-là si nécessaire.
Je voudrais bien m’en passer mais c’était une solution envisageable. Je sors de mon sac, un petit nécessaire de toilettes. Nous avons chevauché toute la journée et j’aimerai être un plus présentable. Je ne suis pas quelqu’un de coquette mais sortir bon n’était pas quelque chose de superficiel. Je me rince le visage, faisant tomber la poussière et me voilà plus fraîche. Je tourne la tête vers l’aînée et je lève le doigt pour qu’elle évite d’ajouter une plaisanterie sur le fait que je me fasse belle pour le jeune homme.
- Pour rien au monde je m’approche de cet homme mais si on veut une entrée vers ce Jimmy, je vais devoir me le coltiner.
Alors que j’ai juste envie de lui mettre un coup de genou dans ses attributs masculins. On reste dans notre chambre une trentaine de minutes avant de finir par faire un petit détour à l’écurie. Nos bêtes se portaient bien, j’étais assurée quand j’entends le brouhaha qui s’élève au centre de la place.
- Je crois que c’est l’heure.
Je secoue un peu ma chevelure, replace une mèche blonde et nous voilà parties. On se donne les dernières consignes quand on s’approche du grand bâtiment. Santo nous accompagne directement.
- Vous voilà !
Encore une fois, il passe un bras autour de ma taille et je me retiens de lui mettre mon poing dans les dents. Je me retiens et me détache tout doucement de lui.
- On ne souhaitait pas arriver trop tard non plus.
- Ça ne fait que commencer, Jimmy avait une dernière bricole à faire. Quand il sera là, on va faire couler l’alcool à flot !
- Je me contenterai du minimum, l’alcool et moi, ce n’est pas mon truc.
- Ahahah, tu vas boire chérie, comme tout le monde.
Le voilà qui nous tire dans la salle. Il y avait déjà une vingtaine de personnes, que des hommes principalement. Ceux qu’on a vu en entrant dans le village mais aussi des jeunes hommes qui avaient moins de vingt-cinq ans à vue d'œil. Facile à endoctriner. Alix était là, peut-être que le comptoir du bar ne demandait pas son attention mais Santo nous tire vers un groupe d'amis qu'on n’avait pas encore vu. L’un d’eux sifflait alors que l’autre donnait un coup de coude dans les côtes.
- Alors les mecs, pas jaloux.
- Tu avais raison, elle est bonne.
- Hahaha, personne ne résiste à mon charme.
Je lève les yeux au ciel et essaye de ne pas m’offusquer sur le grossier langage.
- Alors, vous venez faire quoi ?
Undril ajoute qu’on vient pour faire du marchandage et que je l’accompagnais quand celui qu’on a croisé tout à l’heure finit par arriver et confirme.
- Jimmy avait l’air intéressé de vous rencontrer d’ailleurs !
- Oh, le chef va te piquer ta meuf
- Même pas en rêve, il me marchera le corps pour ça. Il peut voler ce que tu veux mais pas elle.
Tout le monde le regarde avec des grands yeux, un blanc s’installe.
- Bah quoi ? J’ai dis une connerie ?
- Laisse tomber, tu es toujours aussi idiot.
- Qu’est-ce que tu lui trouves à lui ?
- Moi ? J’essaye juste de me décrocher de lui mais il est assez tenace.
Ses amis rigolent et le voilà vexé.
- Ahaha, pauvre Santo.
- Arrêtez de rire vous. Je vais amener une affaire juteuse au chef, j’aurai tous les honneurs.
- Enfin, la patronne, c’est elle.
- Ouais ce n’est pas la belle blonde.
- Jimmy ne s’intéresse pas aux femmes qui n’a rien dans la cervelle de toute façon.
- Ca c’est sur. Je ne sais même pas comment il te garde toi. Tu es un boulet Santo.
- Effectivement, c’est un boulet.
Tout le monde se retourne et se mette limite au garde à vous. Je peux donc aisèment comprendre que nous avons affaire au fameux Jimmy. Il faut se l’avouer, il était charmant, un regard déterminé. Il avait la tête d’un voyou ou du moins la tête d’un homme qui trempe dans quelque chose de pas clair mais qu’il savait très bien ce qu’il faisait. Il finit par attraper la main de Undril pour un baise-main poli.
- Alors c’est avec vous que je dois traiter, c’est ça ?
Un léger sourire sur son visage, il tend le bras pour qu’on trouve un endroit plus calme pour parler.
- Jimmy:
- Oh allons, vous me flattez mon p'tit! Sourit Undril.
Elle doutait qu'il soit sincère, surtout que le trajet n'avait pas exactement du aider! Elle n'avait pas eu beaucoup de temps pour se débarbouiller, et encore moins pour se recoiffer. Ah, il faudrait vraiment qu'elle remette la main sur un peigne magique! L'ancien qu'elle avait s'était cassé, c'était pourtant très pratique pour changer de look rapidement. Cela faisait parti de son kit de parfaite petite espionne avant, mais elle n'en avait plus autant l'usage qu'avant alors elle n'avait jamais remédié à cette perte, mais qui sait! Pour ce genre de mission, ça pouvait toujours servir.
- Je ne suis pas sûr que la propriétaire de l'établissement apprécierait de l'entendre traité de cagibi. Ne vous inquiétez pas, on se débarbouille et on vous rejoint, mais je tiens à ce que mon garde du corps soit toujours opérationnel demain, alors soyez raisonnables! Je sais que vous, les jeunes, avez tendance à vous laisser emporter.
Pour d'autres, Bridget et Santo feraient plutôt offices de vieux, mais tout est une question de point de vue! Et aux yeux d'Undril, ils faisaient carrément office de jeunots, elle n'avait pas de raison de s'en cacher. Elle essaya quand même de cacher son hilarité devant le regard presque suppliant que lui lança sa complice alors qu'elles allaient à l'auberge et que le futur cavalier de Bridget était rattrapé par ses obligations.
Là bas, elles ont le même réflexe : observer la disposition des lieux. Undril cherche autant des portes de sortie qu'à voir ce qui pourrait être utile en cas de soucis, avant de poser ses affaires, gardant l'essentiel sur elle et ne laissant rien de compromettant sur place, avant de faire à son tour un brin de toilette. Elle doute de trouver quelqu'un de son âge à dragouiller ce soir, et doute que Bridget soit très à l'aise de la voir draguer des gens trop jeunes, mais ce n'est pas une raison! Et puis elle se sent mieux sans la poussière et la saleté du voyage collée sur son visage.
Avant qu'elles ne quittent la chambre, Undril ne peut s'empêcher de glisser quand même la remarque narquoise que Bridget a retenu tout à l'heure, et lui souhaite bonne chance avant de sortir retrouver la foule - en tout cas, pour les standards du village, ça doit sûrement être une foule pour eux - et, bien évidemment, Santo ne tarde pas à les repérer et à les entraîner à l'intérieur, ce qui convient très bien à la garde.
Elle se contente de suivre le mouvement et de glisser une ou deux remarques amusées. Elle ne peut retenir un "Désolé, elle n'est pas à vendre, elle est déjà à mon service!" en arrivant auprès des amis de Santo au vu de leurs réflexions sur sa collègue. Dans une autre situation, elle aurait pu s'énerver de leur façon de parler d'elle, mais elle avait tristement l'habitude, et puis ce n'était pas l'heure et le lieu. Que Bridget ai tapé dans l’œil de Santo, qui semblait être l'idiot du groupe, était au contraire une très bonne chose pour eux.
Undril répond naturellement à l'énième question leur demandant ce qu'elles viennent faire par ici, mimant trop l'enthousiasme pour se montrer irritée d'entendre trop souvent la même question, surtout lorsque le type de tout à l'heure vient appuyer ses propos et sous entendre que l'info a été transmise et que le fameux Jimmy a l'air intéressé. Elle a à peine le temps de manifester son contentement que Santo prouve être le boulet du groupe avec un sous entendu un peu trop frontal, qui serait sûrement passé inaperçu si les autres avaient continué à discuter comme si de rien était. Mais non, ils se sont tous arrêté de parler et ont fixé leur camarade comme des ahuris. Bande d'amateurs...
Enfin! Ça l'arrange, et elle fait mine de comprendre l'allusion alors que l'attention retourne sur Bridget, qui saisit l'occasion pour charrier la glue accrochée à elle depuis leur arrivée, ce qui le refroidit un peu. Hé bien, s'il doit bien être là grâce à certaines qualités, il ne brille en effet clairement pas par son intelligence! Mais il sait probablement se rendre utile autrement. Il a l'air bien bâti après tout.
Undril met ses mains sur ses hanches, amusée, alors que le groupe rappelle que c'est elle qui commande dans leur petit groupe de deux - ce qui est plutôt vrai même officieusement - mais elle n'a pas le temps d'y réagir que leur réaction trahit l'arrivée de quelqu'un d'important, qui ne peut qu'être le fameux Jimmy dont on leur rabâche les oreilles depuis le premier village.
Se tournant vers lui, l'ex espionne ne peut nier qu'il a une belle gueule, un peu voyou. Quel dommage qu'il doive finir dans les prisons de la garde! Il a l'air d'en avoir dans le ciboulot, et même si sa petite combine souffre de nombreuses failles, il aurait pu être une recrue intéressante pour la Cabale. Tant pis pour lui! Et encore, se ne serait pas du luxe qu'il arrive vivant en prison, il devait être du genre à résister jusqu'au bout.
En tout cas, Undril n'a rien à redire de ses manières! Il est bien renseigné, puisqu'il sait que c'est à elle qu'il doit s'adresser et pas à la pseudo aventurière qui l'accompagnes. La soit-disant marchande aborde un sourire appréciatif.
- J'aime vos manières mon p'tit!
Le trio s'éloigne du monde et du bruit pour pouvoir discuter plus tranquillement. Devant Santo, qui propose à Bridget de rester avec eux en disant que si elle n'est pas la patronne elle n'a pas à les suivre, Undril répond par-dessus son épaule :
- Désolée, je crois que vos charmes ne fonctionnent pas sur elle. Et puis je vous rappelle qu'elle doit être opérationnelle demain! Qui sait, si vous essayez une approche différente, vous pourrez peut-être retenter votre chance plus tard!
Elle glisse un clin d’œil tout autant destiné à Santo qu'à Bridget avant de lancer à sa collègue, sans se soucier d'être entendue ou non de Jimmy :
- A moins que tu n'ai un de ses amis en vue? Attention à ne pas draguer devant lui, il risque d'être vexé!
Elle doute que quiconque ici l'intéresse, surtout en sachant qu'ils trempent tous plus ou moins profondément dans des histoires louches, mais elle ne peut s'en empêcher, c'est dans le caractère qu'elle s'est construit pour l'occasion. Un rôle assez proche de son vrai caractère, pour sûr, y comprit pour ce qui est de jouer les marchandes versant dans l'illégal, mais ça Bridget ne peut pas s'en douter.
Jimmy s'arrête rapidement dès qu'ils furent dans un coin plus tranquille et se tourna vers Undril.
- Alors comme ça, vous voulez commercer avec notre petit village?
Il dit ça comme si le petit village en question était dénué d'intérêt tout en sachant que ses invitées se doutent déjà que ce n'est pas si simple. Undril, les bras croisés, penche la tête sur le côté, ses yeux ayant à nouveau changé de couleur ce qui ne semble pas le perturber plus que cela.
- Un peu mon p'tit! Je ne vais pas y aller par quatre chemins, votre histoire de contrat avec la couronne, ça m'intéresse. Vu les lapsus de votre Santo, je doute que ce soit complètement légal, à moins que vous avez un produit de luxe inconnu dans le coin, mais qui dit fête pour l'occasion dit beaucoup d'argent en jeu, et en tant que marchande, je ne peux passer outre! Corrigez moi si je me trompe, mais vous n'êtes pas du métier initialement, non? En tout cas pas plus qu'à l'échelle de la région. Et vous ne seriez pas venu me voir si vous n'aviez pas en effet besoin d'aide sur certains aspects. Alors, de quoi avez vous besoin? De revendeur? De transporteur? Dites moi, je suis sûr qu'on trouvera un moyen de s'arranger qui convienne à tout le monde!
Sous entendu, avec une part du gâteau équitable, bien sûr! Jimmy la laissa parler, gardant un léger sourire, avant de faire un signe de tête en direction de Bridget.
- Et elle, vous voulez l'engager comme garde du corps pour nos affaires aussi? Vous savez qu'ils ont des lois contre ça dans la guilde?
Undril hocha les épaules avec un petit sourire.
- Les quêtes de la guilde sont vérifiées pour être sûr que ce n'est pas illégal, oui, mais ils ne peuvent pas vérifier les missions qu'on confie aux aventuriers sans passer par eux. Vous seriez surpris du nombre d'entre eux qui font des quêtes au black! Il suffit d'une petite quête toute simple pour vérifier le sérieux et les compétences, et ensuite, on peut s'arranger. Et si votre affaire implique le transport de biens de valeur, c'est toujours utile d'avoir des professionnels pour aider à le mener à bon port! Vous pouvez bien sûr essayer de faire des économies en vous en passant, mais il y a des coins où je vous le déconseille fortement, vous perdriez plus à prendre le risque!
Le dénommé Jimmy lève les mains, comme convaincu par ses arguments.
- J'admets que je connais pas grand chose en dehors des environs, mais au moins je les connais bien! Mais dites moi, comment vous vous débrouilleriez dans l'hypothèse où vous devez transporter des marchandises illégales? Il n'est pas rare de croiser plus de gardes que de bandits sur les routes, et ils sont souvent curieux!
- Rien de plus facile mon p'tit! Des chevaux, un chariot, des biens courants pour dissimuler la vraie cargaison, comme de la nourriture par-dessus, un peu de diplomatie au besoin, et le tour est joué!
Elle devenait vachement connaisseuse en combines illégales d'un coup, son rôle de marchande, mais ce n'était pas idiot. Et ça ne ferait probablement pas tiquer Bridget non plus : après tout, en tant que garde, on en voit passer des choses, il suffit de s'inspirer de ce qu'on a pu voir pour mettre en confiance de vrais truands. Et pour l'instant, ça ne semble pas trop mal se passer : Jimmy rebondit là dessus, continuant à poser des questions sur la revente et le transport auquel Undril commence à répondre avant de finir par mettre le hola avec un clin d’œil.
- Allons, je dois garder quelques combines pour moi, sinon vous finirez pas ne plus avoir besoin de mes services! Et pour m'adapter au mieux, je dois savoir ce qu'il en est de votre côté aussi.
- Oh, ne vous inquiétez pas, je ne pourrais pas rivaliser avec votre expérience si facilement! Mais oui, nous pourrions recevoir bientôt une cargaison... Particulière, mais assez juteuse pour vous embaucher toutes les deux. Mais votre amie ne saurait être tenue responsable de l'illégalité de quelque chose si elle n'est pas au courant. N'est-ce pas? Fit-il en se tournant vers elle.
Est-ce que c'était une façon de s'assurer qu'elle tiendrait sa langue, ou une invitation à ce qu'elle s'éloigne? Va savoir, en tout cas Undril se tourna vers elle en lui laissant le soin de répondre. Elle doutait que Bridget veuille retourner seule à la fête de toute façon, mais c'était sans doute logique qu'il s'inquiète un peu de la réaction d'une aventurière à tout ça. Mais elle avait entendu les mêmes choses qu'elle, alors il n'aurait pas été logique pour le personnage d'Undril de faire ça dans son dos, surtout qu'en effet, certains aventuriers se fichaient bien de l'illégalité de ce qu'ils voyaient, tant que ça les arrangeait!
- Posons quelques affaires à l’auberge au cas où.
L’arrivée du bellâtre me sauve. Je tourne la tête dans sa direction et je suis peu surprise qu’un homme comme lui soit à la tête d’un groupuscule de vauriens. Mais sachant pertinemment les actions de l’homme, son charme ne fait pas tout. Il est vrai que dans toutes les personnes croisées à ce jour, il sortait clairement du lot mais il faut dire que j’ai entendu il y a peu la nomination de l’officier Brive pour prendre le commandement du Blizzard. Il avait un charme certain mais je m’efforce de ne jamais mélanger travail et vie personnelle.
Je remercie intérieurement Undril de m’avoir sortie des mains perverses de ce Santo en m’incorporant dans la discussion avec Jimmy. Je la trouvais cruellement à l’aise pour parler avec l’homme. Elle travaillait peut-être dans une session spéciale de la commission, seuls eux savaient ce qu’ils faisaient. Quand on était convoqué à leurs bureaux, ce n’était jamais bon signe. La discussion se poursuit quand j’entends parler de ses lois. Va-t-il vraiment trouver ce prétexte pour m’écarter alors qu’il en a bafoué des dizaines ? Je ne dis rien mais mon aînée trouve rapidement la réponse. Camoufler une mission pour une autre, car effectivement il y avait l’ordre de mission qui faisait foi. Ce que la guilde propose et ce que fait réellement l’aventurier. Il y a ce fameux code de l’honneur et aussi des règles pour le commanditaire. Comme tout, si il s’avère que la personne est malhonnête, elle ne pourra plus utiliser les services de la Guilde. C’est pourquoi les guildes de mercenaires existent. Non financés par la Couronne, chacun est libre de faire ce qu’il veut dans la limite de la légalité mais comme vous le savez, je travaille au Myrmidon, mon travail est de démanteler ce genre de choses. Mais comme le dit si bien Undril, il suffit de camoufler aux restes du monde ses agissements et tombés sur des gardes qui font les vérifications minimes. Faire des perquisitions poussées prendraient un temps monstre et ralentit tout le trafic. Les entrées de la ville sont contrôlées surtout par rapport à des matières dangereuses ou équivalent, puis des contrôles plus poussés de manière aléatoire. J’acquièsais de la tête, les dires de la vieille femme quand le bellâtre s’adresse directement à moi. Je devais me tenir à mon rôle mais dans cette situation mais dois-je respecter scrupuleusement le code de la Guilde, dois-je en jouer ? Mon père était Saphir, il m’a appris de nombreuses fois, les diverses règles. Il ne respectaient pas les gens qui bafouaient leurs lois… Mais nous avons une mission et je lève fièrement le menton.
- Comme l’indique notre code d’honneur, je ne pourrai tuer mon prochain. Ma cliente m’a engagé pour la protéger ainsi que sa marchandise. Techniquement, je remplis ma mission. Si je ne fais pas de recel, vol ou meurtre, tout ira bien. Par contre, j’ai beau avoir une épée, je ne pourrai pas affronter une escouade de la garde !
- Oui j’en doute bien. Nous avons eu quelques accrocs avec eux. Un Capitaine qui avait l’épée lourde, nous faisons plus attention maintenant. Nous ne pouvons lutter contre ses hommes qui se croient supérieurs.
Je pense qu’il parle de la descente du Capitaine Hekmatyar qui avait fait un peu de ménage avec l’inspectrice.
- Seriez-vous prête à lutter contre eux ?
Blesser mes camarades, jamais ! Cette question était difficile mais cruciale. Je réfléchis quelques instants.
- Ma mission est de protéger Undril, en tant que marchande, elle sait que les routes sont parfois dangereuses. Une présence de personnes de mon genre peut faire fuir certains larcins mais attaquer la Garde ? C’est contre mon code, je ne pourrai lever l’épée contre eux mais je ferai tout pour vous aider à vous enfuir. Est-ce un bon compromis ?
- Vous les aventuriers avec de la bonne conscience, vous êtes tout bonnement fatigués pour ça que je ne travaille pas avec eux. Les jeunes recrues dans ces villages sont des hommes de main parfaits. Ils veulent gagner leur vie, ne pas passer par ces nobles qui ne voient que leurs profits et leurs marges. La Couronne qui ne pense qu’à son bon plaisir… Nous souhaitons juste gagner notre part, comme tout un chacun.
Le discours type de ces soit-disants rebelles qui veulent changer le monde.
- Donc pour cette cargaison, peut-être que vos bons conseils seraient intéressants quand à votre amie. En vue de sa musculature, vous savez manier l’épée non ? Je crois que certains de mes hommes ont besoin de cours ? Est-ce vous pour cette affaire, l’aide de votre amie pourrait être dans notre petit contrat comme gage d’engagement ?
Je sens le regard d’Undril sur moi et baisse la tête positivement.
- Je suppose que Santo fait partie du lot non ?
- Ce serait dommage de le priver de votre présence. Peut-être que j’arriverai à faire quelque chose de lui avec vos… leçons.
Je sentis qu’il m’avait regardé de la tête aux pieds. Mon armure en cuir cachait en partie certaines parties de mon corps mais pas tout. Santo avait lui aussi égaré son regard dans ma poitrine.
- Voyez ça avec ma patronne, c’est elle qui me paye.
Elle négociera son prix et on verra le mien plus tard.
- Carte village Lavauzelle:
Heureusement, pour l'instant, tout semble rouler. La garde ignore si Bridget arrive à bien jouer le jeu et ne s'en préoccupe pas trop, d'avantage concentrée sur sa discussion, jusqu'à ce que le chef des bandits se tourne vers elle pour discuter de son implication, ayant le bon goût de lui demander directement plutôt que d'en parler avec la fausse marchande comme si elle n'était pas là.
Pour autant, si certains sont aussi promptes à mentir et avoir de nouvelles idées de coups fourrées qu'une gourde fontaine à faire couler de l'eau à l'infini, Bridget serait plus du genre droite dans ses bottes et dérogeant peu à ses principes, et même si les deux femmes savent qu'il s'agit d'une opération d'infiltration, Undril craint un peu sa réaction. Au moins, elle n'a pas son soucis de voir ses émotions s'afficher, et heureusement qu'elle aussi est peu rompue à l'art de lires les yeux de son aînée sinon elle se poserait sans doute d'autant plus de questions sur sa facilité à mentir. Il y avait bien les lunettes magiques qui parvenaient à pallier à ce soucis, mais ça ne durait hélas jamais longtemps...
La discussion ne tourne pas tout à fait comme Undril l'aurait voulu, même si elle s'emploie à ne pas le montrer, et réussi plutôt bien, gardant une façade plutôt joviale. Bien sûr que Bridget n'a pas son expérience, n'étant même pas espionne de métier, sans parler de leur différence d'âge et d'ancienneté, mais il est naturel pour elle de noter ici et là les défauts, et se dire qu'elle aurait réagit différemment. Mais inutile de lui en faire la remarque, Undril ne compte pas la recommander même si c'est loin d'être la pire qu'elle ai vu à ce petit jeu, et encore moins devant celui qu'ils sont sensés leurrer!
Inutile de parer ses vêtements grâce à une boîte de couleurs si la lame retour qui s'y cache reste visible de tous. Le tout est de continuer à jouer le jeu, et sûrement qu'une fois les discussions terminées, tout ça ira en rapport pour une prochaine intervention! Mais Undril ne serait pas contre venir à quelques reprises pour continuer sa récolte d'informations pour mieux préparer l'offensive. En espérant que sa collègue soit prête à jouer le jeu... Heureusement, même si ce n'est pas l'enthousiasme fou, ça semble jouable.
- Tu n'as pas de mission de prévue après la mienne non? Alors je suis sûr qu'on peut s'arranger! Commence-t-elle en direction de l'intéressée avant de se tourner vers Jimmy. J'ai des obligations à honorer, Undril ne pourra pas rester assez longtemps pour former vos hommes de façon décente, mais on devrait pouvoir passer à mon retour pour terminer ça. Votre petite sauterie est prévue pour quand?
Jimmy semble partant, mais à peine ont-ils commencé à aborder enfin les détails les plus sérieux et intéressants, parlant même de prix, que quelqu'un vient trouver leur chef pour ce qui semble être un soucis à la fête à cause de certains ayant un peu trop bu. Croyant entendre le nom de Santo dans le tas, Undril hausse un sourcil amusé et ne peut retenir un coup d’œil vers Bridget, à qui elle chuchote.
- Le pauvre, sa Valentine doit lui manquer!
- Désolé, ils sont parfois.. Dissipés, grogne Jimmy, visiblement un peu agacé. J'en ai pour une minute, je reviens.
Undril hoche la tête, souriant doucement et laisse le brigand partir vers la fête qui semble bien agitée si tôt. Avec tous leurs passages à la taverne, elle a bien mangé et ne brûle pas spécialement d'y retourner pour profiter de la nourriture - tiens, elle aurait peut-être du se racheter une broche nutrivif pour ce genre d'occasion, même s'il ne semble pas dans leurs projets de les empoisonner - aussi elle profite qu'il n'y ai personne aux alentours pour adresser un regard plus sérieux à sa partenaire.
- Alors? Qu'en dis-tu?
Undril avait déjà proposé de rester un peu, sans encore préciser ce qu'elle entendait par là. Quelques heures le lendemain matin? Quelques jours? Va savoir! Mais l'attaque ayant lieu dans une semaine à peine, il ne leur restait pas beaucoup de temps dans tous les cas. Les brigands fêtaient bien vite leurs coup à peine préparé, déjà trop heureux d'avoir réussi à obtenir l'information qui leur permettrait de monter un coup pareil, et ça ce n'était pas une bonne idée. Ils allaient s'en brûler les ailes, et Undril et Bridget étaient là pour s'assurer que ça arrive avant qu'il y ai trop de casses et qu'ils n'aient fini d'embrigader tous les villages alentours là dedans.
Mais dans tous les cas, elle devait s'entretenir avec sa collègue pour voir avec elle jusqu'où elle était prête à jouer le jeu. Au besoin, elle pouvait dire être pressée et ne rester que quelques heures le lendemain, promettant de revenir pour remplir sa part du contrat, qu'elle le fasse en effet, ou pas! Cela ne dépendait pas que d'elle, et elle se voyait mal revenir plus tard sans Bridget sensée former les villageois, et si de telles séances d'entraînement seraient une mine d'information, Undril doutait fortement que la lieutenant soit du genre à prendre le risque d'enseigner à ces brigands à blesser ses collègues. C'était tout à son honneur, certes, mais ce n'était pas forcément le plus optimal pour la réussite de leur mission. Enfin, au besoin c'était sûrement dispensable!