Je ne sais pas si j’ai bien répondu ou non. Je n’osais pas tourner la tête vers mon aînée pour avoir son approbation. Je devais jouer le rôle d’une aventurière sûre d’elle. Dans notre schéma actuel, c’était ma patronne certes mais est-ce que j’avais bien répondu ? La Guilde avait ses valeurs et j’avais bon espoir que beaucoup les respectent. Je me leurre peut-être en ayant un père Saphir, ma vision était certainement fausse. Comme il y a des renégats à la Garde, qu’est-ce qu’il empêche d’avoir la même chose au sein de cette institution ? Rien, malheureusement.
- Oui, on peut s’arranger effectivement.
J’avais essayé de mettre toute l’énergie qu’il fallait mais Santo revient à la charge pour nous déranger. Je dirais que cette fois-ci, il m’a un peu sauvé la vie sur le coup car la discussion s’arrête sur ce point. On se retrouve toutes les deux et voilà que Undril demande mon avis.
- Je crois que j’ai un rendez-vous galant à assurer non ?
Je ne sais pas si il y avait des oreilles indiscrètes dans le coin mais ça sous-entendait qu’on allait rester encore la nuit ici.
- J’appellerai des amis ce soir. La cavalerie peut arriver plus tard et nous pouvons rester une journée de plus. Nos affaires nous réclamerons dans deux jours non ?
Partir à la va-vite pouvait éveiller des soupçons et il fallait qu’on attrape toute la bande.
- Je pense qu’avec un peu d’alcool, je sais que mon admirateur pourra nous dire la date exacte de l’attaque et peut-être le lieu.
C’était le dernier sacrifice que je pouvais consentir. La zone était trop large à ratisser et si je pouvais permettre à l’escouade qui va faire l’arrestation de réduire cette zone, on gagnerait un temps précieux.
- Peut-être qu’un peu de repos vous fera du bien ? Sauf si vous trouvez une charmante compagnie pour la prochaine heure.
Je lui tapote l’épaule et part en direction de Santo qui me fait des grands signes. Allez Bridget, tu vas y arriver. A peine arrivée, voilà qui passe la main autour de ma taille, les effluves de l’alcool arrivaient déjà à mon nez.
- Alors ma jolie, tu as enfin quitté ta patronne. Tu as ta soirée ?
- Je ne reste pas longtemps mais j’attends que tu me serves à boire. Enfin, j’ai cru entendre ça non ?
- Oh bien sûr ! Mais on doit aller à la taverne.
Attrapant mon bras, voilà qu’il me traîne à l’établissement où on est sortie quelques heures plus tôt.
- Je n’aurai jamais pensé que tu accepterais. Jimmy m’a dit que tu vas m’apprendre à me battre
- Je crois que ma patronne s’est arrangée comme ça oui.
- J’aurai le droit à un cours privé chérie ?
Dans ma tête, je préférais donner des leçons qu’à un seul idiot. Je ne voudrais pas que mes collègues se retrouvent avec des brigands entraînés.
- Si tu veux mais pourquoi je dois t’entraîner justement ?
- Ahaha, tu es curieuse toi mais je peux te le dire.
- Curieuse ? Non, du tout !
- On doit attaquer un convoi d’un noble qui part de Grand-Port la semaine prochaine. On connait quelqu’un de la compagnie de transport. Quand on nous a dit l’assurance qu’il prenait pour sécuriser son convoi. Ca ne peut être qu’un convoi pour le Palais. Je sais que le Palais demande des commandes spéciales.
- Sérieusement ?
J’étais un peu surprise de savoir cela. Les convois royaux étaient entourés de gardes généralement.
- Une nouvelle technique pour ne pas attirer l'œil de ce qu’on m’a dit. La recette des impôts certainement. Qui se soucierait d’un convoi de tissu ?
- Personne si tu as juste les deux aventuriers qui encadrent le convoi pour les attaques de bêtes sur la route.
- Tu as tout compris chérie ! Pour ça qu’on n’a pas besoin d’être plein. Surtout depuis la venue de l’autre inspectrice… Jimmy veut voler aux riches pour redonner aux pauvres.
- Un bon samaritain en quelque sorte.
- Toi aussi tu penses ça ? Depuis qu’il est là, nous avons attaqué quelques convois de nobles et ça nous a permis de nous équiper.
- Je vois, bon alors cette bière ?
Je vous passe le détail de l’heure qui suit. Il a essayé plusieurs fois de m’embrasser et je redoublais d’efforts pour trouver une excuse. Quand Orion était bien haut dans le ciel, je lui ai dis qu’il était l’heure d’aller me coucher. Bien entendu, il a voulu que je l’accompagne et que je le suive jusqu’à chez lui. J’ai rétorqué que je devais protéger ma patronne mais on se voit demain avant le midi pour une petite leçon rapide. Un fois devant l’auberge, je le quitte sans sommation pour grimper les marches deux par deux. Undril se trouvait déjà là et je fais mon maximum pour ne pas exploser de rage.
- L’attaque est prévue dans huit jours. Il faut qu’on demande à la garnison de Grand-Port, le registre des convois qui sont partis. Je vais transmettre un message à mes collègues.
Le message fut court mais assez explicite pour les aider à se préparer. De toute façon, on arrivera à la Capitale dans quatre jours et on fera le chemin inverse avec plus de monde.
- Je propose qu’on passe encore la journée de demain ici. Voir si les plans changent et partons le surlendemain. On devra faire une marche normale avec nos montures jusqu’au prochain village puis on accéléra le pas pour retrouver la Capitale.
Jouer encore le jeu une journée de plus. Ça ne sera pas bien méchant, je le sais même si ce gars est collant au possible.
- Je vois Santo demain midi, une petite leçon comme ça, j’accomplis une petite part de notre marché. Vous trouverez à donner pour qu’on puisse quitter le village. Je ne pense pas que mentir sur notre destination sera favorable. Il a des guetteurs partout, dites que la Capitale a besoin de vous ou que vous allez vous renseigner sur des contrats juteux.
Je finis par enlever ma veste et faire tomber quelques armes. La nuit était déjà entamée et une bonne nuit de sommeil ne sera pas de trop.
- Et vous, le reste de votre soirée, des informations supplémentaires ?
Peut-être que Jimmy est venu lui parler de nouveau ou sinon un autre gars lourdingue a voulu tenter sa chance. Ici, ils n'ont vraiment peur de rien...Elle m’annonce rien de particulier que pour l’instant on ne doit pas être suspecte à leurs yeux. On part rejoindre l’auberge et discutons des derniers points, on consigne dans des parchemins et passons une nuit un peu mouvementée. Ayant peur qu’un homme débarque, j’ai demandé à mes familiers de guetter les allers-venues des personnes. Bien heureusement rien ne passe tout comme la matinée passe rapidement. Les gens se lèvent au fur et à mesure suite à la fête de la veille. Santo me retrouve, je lui donne quelques leçons mais c’était surtout du maintien du corps et non de l’arme à proprement parler. Ca lui servira pour porter des choses lourdes et pas particulièrement les armes. On fini par un combat aux épées et lui met la dérouillée de sa vie. Pure vengeance personnelle après toute cette frustration de ne rien pouvoir faire. Undril parle avec les riverains et obtient quelques infos en tant que marchande qui souhaite s’enrichir, elle joue parfaitement son rôle. Santo vient me prendre la tête bien entendu pour un repas en tête à tête car je lui disais qu’il fallait qu’on retrouve absolument la Capitale pour une affaire urgente. Undril avait trouvé un prétexte d’une vente aux enchères et elle souhaitait absolument y assister. On devait partir le matin dès les premières lueurs du jour. Sur le coup, Undril me fait un clin d'œil et décide de m’abandonner sur place. Je vais tout bonnement la tuer, elle veut me rendre folle. Le repas se passe relativement bien mis à part les mains baladeuses que j’ai dû repousser à maintes reprises. Lui couper les mains aurait été la solution de facilité mais pour ce “ repas d’adieu “ je faisais des efforts. J’avais hâte de revenir dans quelques jours et de l'arrêter. Je voudrais lui passer personnellement les menottes ! On se quitte, en déjouant un baiser à la dernière seconde. Bien entendu, la Garde a bien rigolé dans notre chambre quand elle a entendu mon histoire.
Le départ le lendemain matin se fait en toute discrétion, on attrape nos montures et nous voilà parti pour la capitale. D’abord doucement et quand nous avions franchi l’autre village, nous avons accéléré la cadence, il fallait qu’on rentre le plus vite possible à la Caserne. Un assaut était à prévoir et plus vite on y sera, mieux ce sera…
C’est dans la nuit que nous sommes arrivées et nous avons demandé rapidement à trouver des responsables pour expliquer la situation. Il nous fallait plusieurs escouades, un coup se montait et surtout des innocents pourraient être blessés lors de l’attaque de ce convoi royal. Il fallait qu’on se renseigne, qu’on trouve lequel va être attaqué et dispersé toutes nos troupes. Il ne fallait pas laisser ça filer.
Un autre travail nous attendait et c’était une autre mission qui commençait..
- Carte village Lavauzelle: