Primus se contente de lui répondre par un regard assassin. Mais elle n’a pas totalement tort. Pour la énième fois il se demande si c’est vraiment une bonne idée de se lancer dans cette expédition. Il allait finir par donner raison à feu sa mère, quand elle lui disait dans sa jeunesse que sa passion pour les plantes l’empêchait de se concentrer sur l’important… sa survie par exemple.
Mais non quand il a entendu parler de cette île flottante et de la mission d’exploration qui se préparait pour aller l’explorer il n’a plus pensé qu’à une chose : quelles plantes allait-il pouvoir trouver là-bas ?
Arriver à créer un parfum à partir des plantes de cette île mystérieuse est un défi dont le coté inédit lui confère un caractère extraordinaire ! De fait, il était impossible pour le veuf de résister à cet appel vers l’inconnu.
Il donne ses dernières instructions à son intendante qui le regarde toujours de façon dubitative comme si elle s’attendait à ce qu’il change d’avis au dernier moment, puis il descend de la calèche en emportant avec lui son équipement et claque la porte plus fort que nécessaire afin de bien faire montre de son mécontentement à cette dernière.
Le brouillard n’est pas encore levé mais l’esplanade d’embarquement grouille de monde. Apparemment le Roi est en train de terminer son discours. Le discours typique pour motiver les troupes, probablement très pompeux et très surfait, et contenant certainement moins d’informations pertinentes sur ce qui les attendait qu’un guide consacré au dressage au combat de gloutovors.
Ignorant les dédaigneusement les derniers mots du monarque il fouille dans ses poches afin de retrouver le parchemin qu’on lui a confié au palais. Pour l’occasion il n’a pu se vêtir avec son extravagance habituelle… Aujourd’hui c’est cuissardes de cuir, hauts de chausses serrés, chemise et gilet sombre. En revanche il n’a pas trouvé plus adapté pour le voyage que son vieux manteau aux broderies dorées et au col violet. Le voile de deuil a également été laissé de côté. Ses yeux sont maquillés mais avec moins de flamboyance qu’à l’accoutumée. Ses cheveux aux pointes rosées sont attachés pas une simple tresse latérale. Toute tentative plus sophistiquée risquerait de ne pas tenir face aux bourrasques qu’il rencontrera surement durant l’ascension. Son visage est découvert en public pour la première fois depuis la mort de… Primus secoue la tête afin d’éloigner ces pensées déprimantes. Ce n’est ni le lieu ni le moment !
Il a enfin retrouvé le parchemin, qui l’affecte à l’escouade numéro cinq. Bien entendu dès qu’il a montré un intérêt pour l’expédition on lui a attribué une escouade. Il n’est plus au gouvernement, certes, mais il n’est pas question de le laisser gambader seul dans un territoire potentiellement hostile. Tant que ça lui évite de voir son intendante s’incruster pour s’assurer de sa sécurité, il est plutôt satisfait. On lui a donc attribué deux gardes royaux, ainsi qu’un frère de Lucy. Il ne comprend pas bien ce que le religieux vient faire la dedans… Il n’est probablement plus assez important pour que des gardes royaux soient affectés à sa seule protection.
Lorsqu’il atteint enfin le ballon de l’escouade numéro cinq, les autres membres sont déjà là. Primus comprend tout de suite a quel point il n’est plus une personne importante… Si on peut encore juger les gens sur leur apparence, le grand barbu au visage abimé, c’est le frère de Lucy, ce qui laisse comme gardes royaux les deux jeunes pré-pubères qui semblent tout juste sortit des jupons de leur mère. Heureusement que Monzcarro ne l’a pas accompagné jusque-là sinon elle aurait surement refusé de le laissé partir avec des gardes qui semblaient aussi inexpérimentés.
Il les salue d’un bref signe de tête et pour une fois ne s’embarrasse pas de fioritures :
« Bonjour, je suis Primus Milan. Puisque nous sommes tous là, nous y allons ? »
Enfin, à quelques jours de l'avènement de cette aventure, j'ai enfin réussi à convaincre Leina. Des quêtes, nous en avions bien réalisé, mais des expéditions comme celles-ci, c'était une première. À vrai dire, les évènements récents et les rencontres ont pour ainsi dit joué un rôle déterminant dans ma décision. Toutes mes découvertes à la grandes bibliothèques n'avaient qu'élargit les horizons qui s'offraient à moi. Mais là, c'était l'aventure qui se présentait sur le pas de notre porte. Ce choix n'était malgré tout pas mû par l'excitation, j'avais bien conscience des risques, et avait entendu dans les couloirs de la guilde, que les éclaireurs n'étaient jamais revenus. Ma, ou plutôt notre préparation ne sera pas négligée. J'ai même, chose que je ne fais jamais, posté une annonce à la guilde pour former un groupe.
Nous avons d'ailleurs rencontré l'un des deux membres additionnels le jour même de notre départ. Enfin, nous, Leina est restée en retrait comme à son habitude. Pour ma part, j'ai pu échanger quelques mots avec le dénommé Ramar, terminant les présentations, à l'exception du citoyen absent.
« Enchanté Ramar, tu peux m'appeler Kell et voici Leina. Nous vous attendions, donc nous pouvons y aller, je ne voudrais pas manquer les explications, j'ai entendu que le roi sera présent »
C'est bien sûr avec le sérieux que j'ai l'habitude de présenter aux inconnus que je lui adresse ces paroles.
Après avoir chargé nos sac sur nos épaules, notre trio se mit en route. Je pouvais sentir, avec habitude que le silence de Lei, n'est qu'une façade. Lui jetant un coup d'œil sur le trajet, je l'entends me maudire silencieusement. Nous arrivons enfin au lieu de rendez-vous, le brouillard sinistre de la côte, pourtant habituel à cette période, annonçant la couleur. Et l'annonce, royale débuta seulement quelques instants après que les derniers retardataires arrivent. C'était la première fois que je pouvais observer la prestance royale, du moins assez âgé pour m'en souvenir. Je suis bien évidement absorbé par chaque parole énoncée. Vraisemblablement du théâtre en fin de compte, mais un acteur avec une couronne. Enfin quelques rappels de prudence, mais bon, je pense que tout ceux présent ont bien conscience de la situation. Les têtes brûlées resterons aussi enflammées par les excitation, et ceux qui gardent la tête froide avancerons à pas de loup. Pour ce qui est des derniers, l'une d'elle ne manque pas de me faire une dernière réflexion marquant la fin du discours.
« Oh ne t'en fais pas pour moi, j'ai d'ailleurs quelques surprises en réserve que j'ai pu obtenir à la dernière minute »
Lui répondis-je alors en terminant sur un petit éclat de rire.
Il était temps de rejoindre nos deux compagnons dont l'un s'était éclipsé une minute plus tôt. Lei sonna le départ, alors que tout ce beau monde se mettait en mouvement vers son embarcation. Bien curieuse par ailleurs qui aurait cru qu'une simple poche d'air chaud seraient capable d'emmener si haut des voyageurs. Voilà de quoi débuter cette aventure par un trajet fort intéressant !
Event 3 -
Escouade 7
Inaros
Inaros n’avait écouté le discours royal qu’à moitié. Il avait profité de ce long monologue pour observer les alentours et scruter les gens qui étaient présents. Il y en avait pour tous les goûts : aventuriers, gardes, citoyens téméraires et peut-être même nobles en quête de sensations fortes. Il ne détonnait pas spécialement dans le paysage. Il était vêtu de sa tenue habituelle, c’est-à-dire sa combinaison légère et collée au corps ainsi que ses nombreux bandages qui camoufflaient ses attributs féminins. Il ne comptait pas spécialement dissimuler son visage, c’était plus par habitude qu’il avait aussi remonté l’un des bandages pour recouvrir le bas de son faciès. Un petit coup de peigne magique lui avait permis de modifier complètement sa coiffure, ils étaient désormais courts sur sa nuque mais toujours blonds comme les blés. Sa besace contenait tout le matériel nécessaire à cette nouvelle aventure. La sculptrice et le mercenaire en avaient longuement discuté, à la fois par écrit et au pays des rêves. Un tel événement était bien trop rare pour qu’ils passent tous les deux à côté. Ils avaient également en tête de découvrir davantage de secrets qui pourraient servir à l’Ordre des Célantia, qu’Inaros dirigeait officieusement sous le pseudonyme de Sirius. Il savait qu’il ne serait pas le seul membre de l’Ordre à participer à cette opération, et il avait pu compter sur les informations de la Couturière Royale pour lui décrire avec précision qui était Luz Weiss, l’une des membres qui avait envoyé une missive.
Posté contre un mur, il suivit le mouvement de la foule lorsque tout le monde se dirigea vers les nombreux ballons qui n’attendaient plus qu’eux. Le système semblait ingénieux, à n’en point douter. Ce n’était pas tous les jours qu’on pouvait se permettre d’emmener dans les airs autant de personnes. Inaros avait choisi de fouiller et d’examiner les ruines anciennes et mystérieuses qui avaient été repérées par les précédentes équipes d’exploration. Il n’aurait pas la possibilité d’y aller seul : l’entreprise était trop périlleuse.
En passant devant le groupe qui avait pour mission d’explorer le désert, Inaros remarqua une petite tête blonde qu’il connaissait bien. C’était Chloé. Il connaissait l’attrait et la passion de la fillette pour l’exploration, mais il trouvait tout de même inadmissible qu’elle soit autorisée à se rendre dans un lieu dont on ne connaissait rien. Gardant en mémoire les figures des adultes qui l’entouraient, il se promit de leur faire la peau s’il arrivait quoi que ce soit à la blondinette.
Devant le quai d’embarquement, il balaya du regard une énième fois l’attroupement. Certains se rassemblaient déjà pour former des petits groupes. Où pourrait-il bien se placer ? C’est en entendant une jeune femme crier qu’elle avait du gâteau qu’il trouva son salut. En effet, il aurait pu reconnaître entre mille la chevelure flamboyante dont lui avait parlé avec attention Olenna Belmont. Avec aisance, il se déplaça jusqu’à la petite bande de trois déjà formée et les interpella.
- Du gâteau ? J’prendrais bien une part s’il en reste. C’pas bon d’partir avec l’estomac vide. Puis, il ajouta avec nonchalance. Après tout, que penser d’un chasseur qui traque une proie qu’il n’a jamais vue… Surtout s’il a l’estomac vide ?
Une phrase destinée à faire comprendre à la rousse qu’elle serait en compagnie d’un autre célonaute. Du moins, si elle réussissait à se souvenir qu’il venait d’employer l’un des moyens de reconnaissance entre deux chasseurs de trésors.
Attendant de pouvoir embarquer, il leva la tête vers l’imposante masse, juste au-dessus de leurs têtes. C’était donc ça, l’île volante ? Qui sait ce qu’elle pouvait bien leur réserver...
Etre la fille du Parleur de l'Amarante, c'est tout aussi efficace que d'être maître-espion, pour se tenir au courant de toutes les informations sur Aryon, à mon grand désarroi. Et à ma grande chance. J'ai pu suivre toutes les avancées des informations et des rumeurs au sujet de l'île volante qui s'approchait du continent. Et mon père, ce grand protecteur, aurait-il voulu m'empêcher d'y aller, il n'aurait jamais réussi. Il me connait trop bien, ce salaud. Avant même que je ne dise quoi que ce soit, il avait dépêché deux Moissonneurs, un Collectionneur et un Forge-Savoir, pour faire équipe avec moi, quand ils ont annoncé que le Royaume cherchait des volontaires pour aller la visiter, comme ça avait été le cas pour la Cité Enfouie.
En tant qu'éternelle curieuse, assoiffée d'aventures et de découvertes, et qui plus est, en train que maître-espion, certes officiellement pas en activité en ce moment, je ne pouvais pas rater ça, de toutes façons. Mon paquetage était déjà prêt, mes familiers, déjà informés de ce qui les attendait, quand il m'a annoncé ça, presque avec dépit. J'ai hoché la tête en silence, mais à l'intérieur, j'exultais. Je commence à étouffer, à ses côtés, même si ma mission auprès de lui est primordiale, au moins que je me sois éloignée de tous ceux que j'aime pour la réaliser. Je ne pouvais pas manquer ça.
Et malgré tout, je me suis mise en route très tard pour le Grand-Port. J'ai choisi mon alias avec soin, parmi les possibilités que m'offrait la Cabale, j'ai vérifié mon matériel plusieurs fois. Je me suis même introduit chez Vrenn, une nuit où je savais qu'il n'était pas là, certainement dépêché par Höls ou Feuille, j'ai repéré où est-ce qu'il gardait mon cristal de communication et mon collier jumeau. Et puis j'ai renoncé, refermant la porte derrière moi. Je dois être parmi les premiers qui visitent le désert volant, mais je ne peux pas tout remettre en jeu, malgré tout.
Jusqu'à ce que j'arrive sur place.
J'ai pris l'apparence d'une aventurière qui a la même carrure que la mienne, je porte mon armure et mon équipement sur moi. Dhim et Ykhar sont cachés dans leur bulle de rangement, dans mon sac sans fond, pour éviter qu'ils ne réagissent à l'évidence présence de tous ceux qui seront là et qu'ils connaissent. Ma "tribu", comme j'aime l'appeler, pour le premier. Alraqs, tout simplement, pour le deuxième. Delkhar me suit à distance, il sait qu'il ne devra me rejoindre qu'une fois en haut. L'avantage du vol et de la discrétion que je lui ai enseigné ces derniers mois.
Mais malgré tout, quand j'arrive, parmi les derniers, à la toute fin du discours de Grimvor, mon regard ne peut s'empêcher de se poser sur tous ceux que je connais. De plus ou moins loin. Mais surtout de près. Luz et Vrenn se sont rapidement mis ensemble, en équipe. Je me tiens bien éloignée d'eux, un pincement sur le coeur. J'aimerais tellement me précipiter dans leur bras, tout leur expliquer. Mais si la première comprendrait, sans soucis, je sais que Vrenn continue à me chercher. Je ne tiens plus exactement le compte des bracelets qu'il a rompu pour me retrouver, dans notre petit jeu du chat et de la souris, mais il serait capable d'abandonner la mission pour me passer les menottes et m'amener auprès de Höls. Comme les choses ont changé, depuis l'année dernière...
Ils sont avec Java, dont je connais plusieurs talents. A eux trois, nul doute qu'ils s'en sortiront. J'avise aussi Arthorias, et Rebecca, dans des escouades séparées, évidemment. Encore une fois, les choses ont bien changé, en un an. Carciphona est avec Lin, Nivix et Jack. Ça devrait aller, surtout qu'ils ne partent pas dans les Ruines. Carci et sa compagne sont redoutables, elles protègeront Jack. Mais je ne peux pas me rapprocher de mon ancien colocataire, ni de son ex-femme qui a été mon amante pendant un temps. Je cherche mon escouade, et les avise un peu plus loin. Ils me cherchent, mon père n'a pas dû leur communiquer quelle serait mon apparence. Je m'apprête à m'avancer vers eux quand mon regard se pose sur la Première Ministre.
Elle n'est clairement pas là pour participer, et ses lèvres sont accrochées à un visage bien trop familier. Je suis contente que leur relation ait pu évoluer dans ce sens. Je détourne le regard quand elle passe près de moi, mais je reste accrochée à Jin, en continuant d'avancer vers mes deux Moissonneurs. Mon coeur manque un battement, quand je le vois saluer Xylia. Et Calixte.
Mon père était tellement fier, quand il m'a annoncé ce que leur fameuse Vesper avait fait pour s'occuper du cas de Calixte. J'aurais pu le tuer sur place. Il m'a fallu toute la volonté du monde, et le souvenir du sourire de Ruth, pour me retenir. J'en veux terriblement à mon frère de coeur, d'avoir accepté. Je m'en veux terriblement, de l'avoir mis dans cette situation. Et Xylia. Notre jeune espionne, encore dans la fleur de l'âge. Ces trois-là, c'est pas comme Luz et Vrenn, à qui je fais entièrement confiance pour s'en sortir vivants. Ces trois-là, je veux les protéger, coûte que coûte.
Mes pas se dévient d'eux-mêmes. Je ne sais même pas pourquoi je fais ça, pourquoi je mets en danger toute mon entreprise de ces derniers mois. Le Médaillon d'Ovide me donne une apparence pendant six heures, une s'est déjà écoulée depuis le moment où je l'ai activé. L'exploration durera évidemment plus de cinq heures. Mais c'est plus fort que moi. Je ne peux pas les lâcher, comme ça. Pas après tous ces mois sans les voir, sans leur parler. Sans les protéger. Mon coeur rugit, je sais que ma place est auprès d'eux. Mon cerveau grogne, je sais que je me fous dans la merde.
Mais c'est trop tard, je suis à leurs côtés, et les mots quittent ma bouche avant même que j'ai le temps de m'arrêter, de faire marche arrière.
« Salut. Je cherche une escouade, je peux partir avec vous ? »
C'est trop tard, maintenant. On avisera plus tard. J'assume mon choix, tant pis. Et mon coeur est satisfait, depuis la première fois depuis de long mois. Un énorme soulagement, une légèreté dans l'âme. Tout ce qu'il faut pour partir affronter l'inconnu, après tout. Les explications viendront plus tard. En leur temps. Pour l'heure, je dois m'assurer que ma tribu revienne en vie, et entière. Je ne me le pardonnerai jamais, sinon.
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