- Récolte d’herbe -

La journée avançait à grand pas, et les nuages approchaient rapidement. Pas vraiment d’avancement dans cette quête, cependant. Et Evelyn qui aurait cru que ce serait bouclé en moins de deux heures après leur arrivé à la montagne. …La cueillette de fleur n’était pas son passe-temps préféré, mais elle n’allait pas non plus se plaindre : en réalité, pour elle, cette quête c’était seulement une occasion de passer du temps avec Sofia. Dans le monde de Sofia.

- Tiens, regarde. Un souvenir pour notre première tuerie ensemble !

- Notre première tu--, les mots restèrent coincés dans la gorge d’Evelyn, qui regardait… cette… dent? …Ouais, c’était une dent. Une foutu dent en or! Dans le creux de sa main. Un souvenir! Incroyable mais vrai, Sofia avait arraché la dent d’un brigand pour la lui offrir. Et Evelyn, elle était censée en faire quoi de cette m****?? Evelyn ne désirait aucun souvenir pour commémorer cette victoire sur des bandits!

Evelyn leva son regard ahurit sur Sofia qui continuait la route comme si rien n’était. Sofia qui avait été toute contente de lui faire ce… ce… cadeau. C’était… très gentil? Evelyn était un peu ingrate en fait? Peut-être que n’importe quel aventurier aurait apprécié le geste? Oh… Voilà. C’était ça : offrir une dent devait être une marque d’affection entre aventurier. Oh wow. Ils étaient barjot ces aventuriers! Finalement, Evelyn aimait bien son métier. Chasseuse depuis un peu plus de quatre années. Elle avait de l’expérience. Elle était douée. Pourquoi changer une formule gagnante?

- J’en suis… bouche bée. Vraiment. C’est… un souvenir particulier!, fut tout ce qu’elle trouva à dire pour ne pas offusquer sa compagne. Bon. Maintenant, y’avait qu’une seule chose logique à faire avec cette dent : s’en débarrasser. Faire cela subtilement. Trébucher, peut-être? Bonne idée. Mais il fallait ne pas pouvoir la retrouver ensuite. La lancer au loin, alors? …Ah! Penser au meilleur moyen de jeter un souvenir offert par une femme qu’on aime; que Lucy lui pardonne, Evelyn était une mauvaise compagne.

Elle tint la dent entre son pouce et son index. Elle reprit la marche, regarda à gauche, puis à droite; repéra plus loin une petite falaise. Paaaaarfait. Elle y dirigea ses pas, comme si elle avait repéré une fleur blanche. Elle avait effectivement repéré une fleur, mais malheureusement ce n’était qu’une minable fleur des roches. Elle vit le regard de Sofia dans sa direction, et s’immobilisa pour lui sourire. ...Et soudainement, elle se sentit honteuse. Ce n’était pas le cadeau du siècle, ni de l’année… disons-le, c’était juste un cadeau de mauvais goût. Mais elle pouvait bien le garder dans son sac… une heure ou deux, ou deux jours? ou le mettre au fond d’un tiroir de leur maison?

Ayant pris sa décision, mais doutant désormais du romantisme de sa compagne, Evelyn mit la dent en or dans son sac et rejoignit Sofia. – T’as trouvé quelque chose?, fit-elle comme si rien n’était, attrapant la main de sa compagne pour reprendre la route.

- Récolte d’herbe -

En réalité, Sofia pourrait lui offrir le cadeau le plus merdique qui soit, qu’Evelyn n’aurait pas le courage de le refuser. Quand sa compagne souriait ainsi, toute heureuse, on pouvait difficilement lui refuser quoi que ce soit.  Puis… son cadeau venait du cœur. C’était ça l’essentiel, pas vrai? Que le cadeau soit une dent humaine était… secondaire? Oui, voilà, le cadeau en lui-même n’était pas important, seule le geste comptait. Disons juste qu’Evelyn n’allait pas se faire un collier avec la dent… et elle espérait maintenant que cette horrible idée n’allait pas traverser l’esprit de sa compagne.

Quoi qu’il en soit, main dans la main les deux femmes rejoignirent une cabane rustique. Et il était temps : la cape à capuche d’Evelyn était complètement détrempée. À l’intérieur, pas âme qui vive. L’endroit était plus confortable qu’elle n’aurait cru; ils étaient bien logés, les aventuriers!

Evelyn retira son carquois et le déposa, avec son arc et ses autres possessions, à côté de son futur lit, contre le mur. Elle chercha ensuite le réconfort dans la chaleur du feu que venait d’allumer Sofia. Elle enleva sa cape et ses pantalons trempés, enleva son gilet mais garda le fin tissus en dessous, retira ses bottes et mit le tout à sécher devant le feu.

- Ce soir, c'moi qui cuisine, ma chérie ! Toi tu peux t'reposer comme ça.

En réponse, contente, Evelyn lui sourit. Elle se réchauffa encore un instant face au feu, puis alla s’asseoir sur ce qui allait être leur lit cette nuit. Elle appuya son dos contre le mur, allongea ses jambes devant elle, regarda Sofia préparer le repas, puis elle ferma les yeux pour profiter de ce moment de détente. Profita également du massage que lui proposa Sofia. Comment refuser? Pourquoi refuser? Evelyn soupira d’aise; Sofia avait des mains habiles de petite fée et son massage était très apprécié.

- On est au sommet, donc demain, on aura tout le temps pour aller chercher des herbes blanches. En plus on pourra profiter d'une vue incroyable. J'crois même que c'est la première fois que j'arrive au sommet de la montagne.

- Ce sera une première fois pour toutes les deux!, lui répondit-elle, souriante. - Merci pour le massage, ajouta-t-elle, reconnaissante.

Sofia préparait une soupe. …Sofia n’était pas une cuisinière très expérimentée; c’était Evelyn qui portait ce titre dans le couple. Evelyn avait eu un mari et deux enfants à satisfaire, elle avait appris à se débrouiller pour contenter leurs estomacs capricieux. Lorsque le repas fut prêt, Evelyn s’installa à la table. Elle jugea la soupe bonne, surtout considérant le peu d’ingrédient à leur disposition. - La soupe est bonne. …C’est toujours comme ça, tes expéditions?

Evelyn avait été affamée, elle ne le réalisait que maintenant. La soupe lui faisait un bien fou, à son estomac et à son esprit. L’ascension leur avait quand même prit beaucoup de temps et d’énergie; heureusement qu’elles étaient toutes les deux en bonne forme physique. Elle croisa le regard de Sofia, une énième fois. Sofia qui lui souffla :

- Je t'aime.

Et à ses mots le cœur de Westwood se gonfla d’amour, ses yeux brillèrent doucement et elle répondit de même : - Je t’aime.

À la fin du repas, elle aida sa compagne à débarrasser, puis retourna s’asseoir à la table. Elle écouta le vent souffler, repensa aux évènements de la journée, aux bandits qui étaient morts, et se perdit dans la contemplation de la nuit par une petite fenêtre mal entretenue. À la suite de quoi, après ce long moment, elle alla remettre du bois dans la cheminée, rejoignit Sofia sur le lit et s’enroula dans une couverture.

- Récolte d’herbe -

Evelyn émergea d’une nuit sans rêve, réveillée avec amour par de doux baisers. Elle s’étira de tout son long, émergeant doucement de son sommeil, et un bonjour quitta ses lèvres. Elle aimait se coucher et se réveiller aux côtés de sa compagne; les nuits étaient plus douces, les matins s’en trouvaient embellis. Elle aimait les câlins matinaux, c’était toujours une belle façon de se réveiller.

Elle paressa encore un instant dans le lit qu’elles avaient partagé et se leva à contrecœur. Elle aurait souhaité faire durer cet instant, garder Sofia contre elle encore un moment. Elle s’extirpa finalement du lit pour s’installer à la table, et profita du petit déjeuné concocté par sa compagne. Ce genre de petits moments n’étaient pas rare, et en même temps ils l’étaient; trop peu nombreux aux yeux d’Evelyn.

Evelyn se prépara ensuite, enfila des vêtements secs, mit sa cape sur ses épaules, attacha gourde, dague et carquois à sa ceinture, attacha son arc à son carquois, glissa les bretelles de son sac à dos sur ses épaules, s'assura de la présence de son collier à son cou.

Vint ensuite le temps de reprendre les recherches et les deux femmes quittèrent leur refuge. À l’extérieur, après la chaleur de la cabane, le froid surprit Evelyn. Heureusement, le soleil était présent. La chasseuse rejoignit sa compagne sur un rocher. La vue était spectaculaire. L’ascension et le froid valaient la peine. Evelyn se perdit dans la contemplation de la nature. Elle en oublia la véritable raison de leur venue en ces lieux; ce n’était pas pour profiter des paysages, ce n’était pas vraiment pour passer un moment ensemble, c’était essentiellement pour trouver des fleurs - accessoirement, oui, passer du temps ensemble.

Evelyn regarda sa compagne descendre en rappel. Elle semblait avoir trouvé son bonheur, entre un rocher et un arbre, et elle ramena le bonheur avec elle : une fleur. Et Evelyn fut effectivement dégoutée : Sofia avait trouvé une fleur blanche, ce qui était une bonne chose, mais elle venait la narguer! Evelyn plissa alors des yeux, devant cette fleur trop parfaite que sa compagne mettait sous son nez, devant le sourire clairement moqueur de Sofia. Cette fleur, Evelyn l’aurait bien jetée à terre, si elle n’avait pas été aussi rare et fragile. Elle se contenta donc de récupérer sa gourde d’eau et de dire :

- Vas-y, profite, c’est peut-être la dernière fleur blanche que tu trouveras.

Et alors Sofia lui annonça l’enjeu de leur défi. Evelyn garda un visage calme, mais intérieurement elle commençait à s’agiter : celui qui perdait serait au service de l’autre pendant une semaine, devrait répondre à ses moindres désirs… Un léger frisson parcourut Evelyn, et ce n’était pas à cause du froid. Cette femme savait comment lui parler. Evelyn avala sa salive, se racla la gorge et dit d’un ton qui se voulait détaché :

- Bien. J’ai des désirs bien simples, tu verras.

Westwood suggérait qu’elle allait gagner ce défi. Ce n’était pas présomptueux; Sofia avait une fleur, elle avait une demi-fleur. Rien n’était joué encore. La journée ne faisait que commencer. Evelyn quitta sa position sur le rocher, dit à sa compagne :

- Et j’te signale que c’est mon eau qui humidifie ta fleur. Si elle reste belle, ce s’ra un peu grâce à moi.

Suite à ses paroles, Evelyn s’éloigna de Sofia, s’en alla de son côté à la recherche d’une seconde fleur blanche. Elle inspecta les environs, regarda partout, aux endroits cachés par des arbres, entre deux rocher. Déterminée, était la chasseuse, et sa détermination fut récompensée. Là, finalement, devant ses yeux, une fleur blanche! Evelyn s’en approcha afin de la cueillir. Ce serait à son tour, de narguer sa compagne!

- Récolte d’herbe -

Sofia l’arrêta, lui vola un doux baiser, lui fit une déclaration inattendue : "Alors cette eau est à l'image de ce que tu es pour ma vie." Une main se posa délicatement sur sa joue; une caresse. La chasseuse connaissait les sentiments de sa compagne à son égard – croyait les connaitre, on ne sait jamais réellement ce qui se trouve dans le cœur d’une autre personne. Cette déclaration d’amour fit tout de même fondre le cœur d’Evelyn. Qu’est-ce qu’on pouvait rajouter à cela? Rien. Ou du moins, rien ne vint aux lèvres d’Evelyn; ses yeux, cependant, parlèrent pour elle : une myriade d’étoiles éclairait ses yeux couleur miel. Et si aucun mot ne sortit de sa bouche, néanmoins ses lèvres vinrent s’apposer aux lèvres de Sofia en un long et tendre baiser.

Elle lui sourit ensuite doucement, lui souhaita une Bonne chasse et les deux femmes se séparèrent. Evelyn s’éloigna de son côté, arpenta les environs et eut la belle surprise de découvrir une fleur blanche. Elle la cueillit avec précaution, sentant l’excitation la gagner juste à l’idée d’aller narguer sa compagne à son tour.  

Elle s’immobilisa cependant en remarquant du mouvement non loin, et tourna la tête pour apercevoir une marmotte dégustant une fleur blanche. Ses yeux s’arrondirent à la perspective que, peut-être, peut-être! la marmotte allait la guider vers d’autres fleurs blanches (au pluriel, oui). Evelyn s’empressa, avec des gestes tout de même délicats, de ranger la fleur qu’elle venait de dénicher.

…Non, la chasseuse n’alla pas avertir sa compagne. Ne fit pas un signe pour l’alerter. Ne regarda même pas autour d'elle pour savoir si Sofia était visible. C’était une compétition. Et quand il était question de défi, Evelyn était intenable, déterminée et parfois… souvent, inconsciente. Et ainsi, Evelyn suivit seule la marmotte.

- Récolte d’herbe -

Il y avait dans la montagne un tas de danger. …Mais quel danger? Les bandits? Ils étaient morts – même si on ne pouvait pas exclure le risque qu’ils aient des amis qui trainent dans le coin. Les animaux sauvages? Evelyn connaissait les animaux et pouvait certainement les gérer. Des risques de chute? Evelyn connaissait le sujet, ayant déjà expérimenté la mort par plongeon d’une falaise. Ainsi, c’est donc sans crainte que la grande chasseuse suivit seule les pas de Fred la marmotte. Être seule faisait partie du quotidien de la femme : elle chassait toujours seule; la forêt pouvait être aussi dangereuse que la montagne.

Où allait donc la mener cette petite créature? Vers le Saint Graal? Nulle part? Il fallait marcher pour le savoir! Evelyn ne pensa pas que sa disparition pourrait inquiéter Sofia.

Après une longue marche, elle s’immobilisa devant un magnifique parterre de fleurs. Jackpot. Lucy pouvait être généreuse. Elle se frotta les mains, excitée à l’idée de ramener une tonne de fleurs à Sofia. Excitée, SURTOUT, en imaginant Sofia à ses ordres pendant une semaine. …Evelyn n’aurait pas cru un jour être aussi joyeuse de voir un parterre de fleurs. D’ailleurs, en reconnaissance, la chasseuse décida qu’elle n’allait pas faire de Fred son prochain repas.

Sans plus attendre, Evelyn s’accroupit devant les premières fleurs. Juste là, une fleur blanche. Ça commençait plutôt bien! Et quelle belle journée pour cueillir des fleurs! Belle et froide, mais on finissait par ne plus penser à ce dernier détail. Elle cueillit la fleur, la mit en sécurité et continua sa petite inspection des lieux. C’était "SON coin secret". Evelyn aimait partager avec sa compagne… mais quand  il était question de défi, il n’y avait aucun partage possible. Evelyn inspira; il y avait dans l’air une bonne odeur de victoire.

- Récolte d’herbe -

Sans savoir qu’elle était la seule à chercher activement des fleurs blanches, que Sofia paressait au soleil, Evelyn continua d’inspecter le parterre de fleurs. Une travaillante, cette Evelyn! Sofia avait su trouver les mots justes pour l’encourager : un défi. Sofia savait qu’Evelyn ne pouvait pas refuser un défi, surtout quand il y avait une belle récompense à la clé. Et cette récompense-ci était très agréable! Alors oui, Sofia pouvait se la couler douce si c’était son désir, Evelyn pouvait travailler pour deux, ce n’était pas un problème. Remporter ce défi et la présence de Sofia seraient d’ailleurs les seuls paiements de la chasseuse. Cela ne lui paierait aucune bière à la taverne, mais elle avait ses propres sources de revenu.

Evelyn ne trouva aucune fleur blanche supplémentaire et le soleil commençait à décliner. …Une journée entière passée à chercher et cueillir des fleurs; y penser était presque décourageant. Des bruits de pas, derrière Evelyn qui releva la tête pour accueillir Sofia avec le sourire et réceptionna le baiser avec joie. La présence de sa compagne aurait pu la déranger, mais clairement Evelyn avait épuisé le stock de fleur blanche, il n’y en avait plus aucune dans ce parterre - du moins se disait-elle.

Sofia lui tendit un bouquet de fleur. Voilà qui était plus approprié comme cadeau, et plus agréable à recevoir qu’une dent en or! ...Parlant de cette dent, Evelyn ne savait pas encore ce qu'elle allait en faire.

- Cadeau, ma chérie. J'te cherchais partout...
- Pardon, j’voulais pas t’inquiéter! Merci!, dit-elle en acceptant le bouquet de fleurs.
- C'est dingue qu't'as trouvé un coin pareil. J'connais un tas d'aventuriers qui s'en boufferaient les doigts s'ils l'apprenaient.
- J’peux leur vendre les indications jusqu’ici, s’ils le désirent.

Evelyn regarda mieux son bouquet et constata, après hésitation, qu’il y avait effectivement deux fleurs blanches dans le cadeau de sa compagne. …Sofia était une femme très intelligente. Comment aurait-elle pu ne pas voir que dans son bouquet de fleurs de roche se trouvait également deux fleurs blanches, bien en évidence? Impossible.

- T'as du en trouver une tonne ici en tout cas, non ?
- Hm oui oui..., éluda-t-elle, alors qu'elle n'avait pas fait bonne fortune.
- Moi j'en ai trouvé une, plus loin. Bon... Il est temps de se mettre en route. C'était génial, cette sortie avec toi, mon Amour.
- Oui, lui répondit-elle doucement, échangeant un doux baiser. Puis elle ajouta : - Ton bouquet est superbe, mais tu sais que je n’accepte pas la charité? Et me dit pas que t’as pas vu les fleurs blanches parmi les fleurs de roche, j’te croirai pas. Elle prit ainsi délicatement les fleurs blanches, qu’elle redonna à Sofia; et il n'y avait pas matière à en discuter. Puis, les deux femmes reprirent la route, revenant sur leurs pas.

- Récolte d’herbe -

Maintenant qu’on y pensait, où est-ce que Sofia avait pu trouver autant de fleurs? …Sûrement pas dans le parterre de fleurs, car après de longues recherches Evelyn n’en avait trouvé qu’une. Et maintenant l’aventurière avait quatre fleurs blanches et la chasseuse seulement trois. Par Lucy! D’ailleurs, sur le chemin du retour, sans surprise pour Evelyn, Sofia fut bien heureuse d’annoncer :

- Ca veut donc dire que j'ai gagné notre défi. Ma pauvre chérie, tu vas devoir subir mes désirs, une semaine durant!

- Hmph, ouais..., maugréa-t-elle. Une journée entière à chercher des fleurs, excluant la veille, tout ça sans grand résultat. Y penser était un réel découragement. Evelyn avait célébré sa victoire trop rapidement, en apercevant le parterre de fleurs; cela lui apprendrait.

Evelyn relevait souvent des défis, aimait les jeux, savait accepter une défaite et les conséquences qui allaient avec cette défaite. Elle retrouva rapidement sa bonne humeur et ajouta :

- Et c’est pas l’imagination qui te manque, hein? Elle lui dit cela avec un léger sourire amusé. Elle avait hâte de connaître le fond de la pensée de Sofia, ses sombres désirs… même si Evelyn avait déjà quelques idées en tête; elle commençait à bien connaître sa compagne.

Sofia mit ses fleurs à l’abri, et profita de l’occasion pour lui envoyer une pique :

- J'espère que les tienne sont en sûretés aussi, ça serait... Dommage d'en abimer une deuxième.

- Dommage pour toi, tu veux dire. C’pas ma quête, dit-elle d’un air détaché. Et indifférente, Evelyn l’était un peu : le défi étant terminé, les fleurs blanches n’avaient plus d’intérêt pour elle, si ce n’était que Sofia avait encore besoin de livrer la marchandise. - Mais oui, t’inquiètes, elles sont en sécurité dans mon sac. ...Mais tu sais ce qu’on dit? Un accident est si vite arrivé. Un sac peut vite tomber d’une falaise, dit-elle taquine, suggérant qu’elle pourrait volontairement, intentionnellement, abimer davantage de fleurs.

Le chemin du retour se fit relativement rapidement, quelques heures de marche dans le calme, sans anicroche. Une balade de santé. À mesure que les deux femmes descendaient, l’air se réchauffait, ce qui était bien accueilli par la chasseuse. Finalement, les deux femmes arrivèrent en bas de la montagne; cela sonnait comme la fin de l’aventure. C’était une bonne chose, car cueillir des fleurs n’était pas un passe-temps pour Evelyn. C’était également regrettable, car elle aurait bien souhaité faire durer l’instant; elle n’avait jamais d’occasion de partir à l’aventure avec sa compagne.