Le soleil était à peine levé et l'air encore frais. A l'ombre des arbres, Kaïri se senti déjà apaisée. Elle continua d'avancer sans se soucier de la direction à prendre car elle préférait apprécier le calme de la forêt, le doux chant des quelques oiseaux déjà éveillés et la discrète mélodie du vent qui faisait danser les feuilles des arbres. De ci, de là, quelques rayons de soleil parvenaient à s'infiltrer entre la végétation, enroulant d'un halo de lumière certaines zone de la forêt et mettant ainsi en avant certaines plantes comme si elles montaient sur scène pour se donner en spectacle. Elle s'arrêtait par moment, posant la paume de sa main contre un arbre comme pour essayer de le sentir vivre, respirer.
La beauté de la nature et cette façon que la végétation avait de laisser croire que le temps s'était arrêté empli Kaïri de bien-être. Elle respirait lentement et profondémment pour s'imprénier des différents parfums de fruits et de fleurs. La jeune aventurière aperçu au loin un groupe de jeunes lapins jouant à sauter d'une pierre à l'autre. Cette vision d'innocence la fit sourire. Elle s'éloigna. Elle avait envie de chasser mais ne s'attaquait pas à de jeunes animaux. Un principe qu'elle s'était inculqué depuis toujours. De plus, elle espérait attraper du gibier plus gros pour vendre une partie de la viande qu'elle aura obtenu. Mais pour espérer attraper un tel gibier, il allait falloir s'enfoncer un peu plus dans la forêt.
Elle continua donc sa route dans la profondeur de la forêt, son arc à la main.
Partie à l’aube de la Caserne, la forêt et ses plaisirs s’ouvrent à moi. Les odeurs de la forêt font remonter mes souvenirs de ma jeunesse. Mes premières chasses avec Père, la traque de mon premier cerf… Je me promène un moment, profitant de l’ambiance tamisée et silencieuse. Malgré tout, je me déplace silencieusement ne posant que la pointe des pieds sur le sol. Quand on voit uniquement en jaune et bleu, une branche au sol se confond parfaitement à la terre… Seul moyen de limiter le risque de bruit, poser le moins de surface possible du pied au sol. Je me guide vers les animaux à l’aide de mon odorat, le vent est mon allier. Vent qui m’apporte une douce odeur de lapin, de sanglier et de cerf. Désarmée, je vais devoir réussir à attraper ma proie à mains nues ce qui inclus donc de surprendre l’animal.
Je me positionne sous le vent pour approcher ma proie sans qu’elle ne sente mon odeur. Je m’allonge au sol et observe la scène. Un groupe de lapin, des jeunes, des adultes. De quoi faire un festin. J’en ai déjà presque l’eau à la bouche. D’un coup, mes proies lèvent la truffe et renifle l’air ambiant. L’odeur me parvient en même temps. Un autre chasseur… Il ne chasse certainement pas les lapins sinon il aurait certainement fait plus attention. Une chance pour moi, les lapins prennent la poudre d’escampette dans ma direction. Vive, j’arrive à me saisir de deux lapins de bonne taille passant à ma portée. Tenu par les oreilles, j’abrège rapidement leur souffrance en brisant leur nuque, je n’aime pas faire souffrir inutilement mes proies. Maintenant que mon festin est assuré, ma curiosité de renarde reprend le dessus. Je m’élance à la recherche du chasseur dont j’ai senti l’odeur.
Sa trace olfactive est facile à suivre, elle n’est pas passée depuis assez longtemps pour que l’odeur soit effacée. J’hésite un instant à l’endroit où je croise la route marquée par l’odeur. Je renifle la trace plus en détail pour définir la direction du chasseur. A gauche la trace me semble plus fraiche, je m’y dirige donc. Je rattrape rapidement le chasseur. Chasseuse en l’occurrence. Je l’observe un peu, me déplaçant sur la pointe des pieds jaugeant la demoiselle. Chevelure noire, ni petite, ni grande, avec des formes flatteuses, une femme bien agréable à regarder. Un peu en marge de mes compagnes habituelles mais extrêmement tentante. Elle est mieux équipée que moi pour partir à la chasse, je me demande ce qu’elle vise comme proie. Après un petit instant de réflexion, je décide de la rattraper pour échanger un peu avec elle. Peut-être qu’il y aura possibilité de joindre l’utile à l’agréable. Je m’avance en décalé par rapport à elle histoire de ne pas la surprendre par derrière, ce n’est jamais une bonne entrée en matière. A quelques mètres d’elle, je la hèle à voix haute, juste ce qu’il faut pour la faire réagir mais pas assez pour faire taire la forêt.
Salut ! T’es en pleine chasse aussi ?
Je lui fais un grand sourire, mes oreilles dressées sur le haut de ma tête. J’adore rencontrer de jolies demoiselles en forêt.
- Salut ! T’es en pleine chasse aussi ?
Kaïri se retourna alors suprise d'une part de ne plus être seule et d'autre part de ne pas avoir sentit la présence de l'étrange inconnue plus tôt tant elle s'était concentrée sur sa piste. Elle prit un instant pour observer l'inconnue de la tête aux pieds en penchant légèrement la tête sur le coté. Les cheveux blanc éclatant comme la neige en plein hiver, des oreilles de renard réhaussant ses traits, cette jeune femme n'avait rien d'ordinaire. Kaïri avait déjà entendu parler de personne naissant avec ce genre de particularité mais elle n'en avait jamais rencontré auparavant. Ses voyages continuaient de la surprendre et elle en était ravie !
- Salut ! Oui, en effet, répondit Kaïri en montrant arc et flèche d'un petit geste. Toi aussi à ce que je vois, ajouta-t-elle en designant les lapins d'un regard en souriant.
Se voulant agréable et sympatique, Kaïri désigna l'ensemble de la forêt et commenta de manière enjouée :
- C'est la première fois que je chasse dans ce secteur de la forêt. Et toi ?
Rien d’extraordinaire malheureusement. Sans arc ou fronde, je ne peux pas chasser plus gros. Je me contenterai d’un bon lapin braisé ce soir.
Voir en jaune et bleu présente un inconvénient majeur tout de même, tout est en nuances presque monochromes… Pour moi, ses yeux sont légèrement jaune mais avec l’habitude de « voir » les couleurs, je dirais qu’ils sont verts en réalité. Vue de plus près, elle est vraiment mignonne comme jeune femme, son regard est très expressif. Il y a peut-être moyen de rendre cette journée de permission encore plus agréable finalement. Un peu surprise d’apprendre qu’il s’agit de sa première chasse dans le coin, je lui réponds en m’approchant encore d’elle.
J’ai pas mal chassée par ici pendant un temps avant de changer d’affectation. Je suis revenue depuis peu de temps à la Capitale.
Maintenant juste devant elle, je prends une grande inspiration. Son odeur est nettement plus agréable lorsqu’elle est pure. Une odeur de fleur et de sous-bois… Rien de tel pour plaire à une renarde.
Il y a deux ans, on trouvait principalement du petit gibier ici mais cette année, j’ai senti l’odeur de pas mal de gros animaux. Tu étais sur une piste ?
Il n’est pas encore l’heure de manger, peut-être pourrions-nous faire équipe. Mes aptitudes de renard ne pourront que faciliter la traque. Et le gibier ne m’intéresse pas plus que cela, j’ai trouvé une proie plus plaisante.
- Ho j'avais pisté un cerf. Mais je pense qu'il a dû partir loin maintenant.
Kaïria haussa des épaules, l'air de dire que ce n'était pas bien grave, elle pisterait bien un autre gibier. Elle rangea la flèche qu'elle avait dans la main dans son carquois et plaça son arc dans son dos. Tant qu'elle n'avait pas de gibier en vue, inutile de s'encombrer les mains. Elle en profita pour réajuster sa coiffure en capturant les mèches rebelles qui étaient venues sur son visage.
- Je pisterai bien autre chose... Enfin, tu pourrais peut-être m'aider vu que tu connais bien l'endroit ? Kaïri sourit. Au fait, je m'appelle Kaïri ! et toi ?
Curieuse de nature, Kaïri ne lui laissa même pas le temps de répondre qu'elle enchaîna les questions.
- Tu as parlé d'affectation ? Ca veux dire que tu travailles pour la garde ? Et concernant le gibier, quand tu dis des "gros animaux", quels genres ? Est-ce qu'il y a aussi des créatures magiques de ce coin de la forêt ? Se rendant compte de son enthousiasme trop envahissant, Kaïri porta une main à sa bouche en riant doucement. Pardon, je dois t'embêter avec toutes mes questions ! C'est juste que c'est la première fois que je rencontre une personne aussi... enfin... différente je dirais.
Sans vraiment s'en rendre compte et presque avec un air enfantin, Kaïri se mit à tourner autour de l'inconnue pour l'observer avec curiosité.
Je la laisse continuer son monologue jusqu’à ce qu’elle se rende compte de la situation. Son rire me hérisse les poils des oreilles et de la queue, j’ai envie d’entendre les bruits qu’elle pourrait émettre dans d’autres situations maintenant... Il faut que je contrôle mieux mes émotions, cela risque de me jouer des tours sinon. Je plisse les yeux à l'appellation de “différentes”. J’ai beau être à moitiée renarde, je reste humaine tout comme elle mais j’ai appris à ne plus m’en offusquer et même à en jouer. On attend souvent d’une demi-animal qu’elle soit plus “sauvage”... Et cela m’amuse de l’être. Tandis qu’elle se met à me tourner autour, je me décide à répondre à ces différentes questions.
Enchantée de t’avoir rencontrée Kaïri, j’insite particulièrement sur son prénom en passant à un ton plus mielleux, je m’appelle Aube, Aube Grassim. Effectivement, je fais partie de la Garde royale, je profite de mon jour de repos pour faire une petite chasse.
Pour l’inciter à continuer à me tourner autour, je tourne lentement sur moi-même. Cette fille me plaît, elle a son petit charme bien à elle.
J’ai senti l’odeur de sangliers, cervidés principalement. Un ours aussi. Dans ce secteur de la forêt, il n’y avait pas vraiment de créatures magiques, peut-être un ou deux Coeurl mais je n’ai pas senti leur odeur jusqu’à maintenant. [/color]
Et autant dire, qu'aucune de nous deux n’est équipée pour chasser ces bestioles. Il faudrait se préparer spécialement pour les traquer et les combattres avant de venir ici… Une autre fois peut-être. Joueuse et un brin sauvage, je bondit vers elle laissant tomber mes lapins au sol. Je passe un bras dans son dos tandis que je fauche en douceur ces appuis pour l’amener tranquillement au sol. Maintenant assise à califourchon sur elle, je plaque mes mains de chaque côté de sa tête. Mes cheveux s’étalent autour de nous faisant comme un rideau nous isolant de l’extérieur. Je braque mon regard dans le sien et murmure.
Je ne suis pas “différente”, Kaïri. Je suis une femme tout aussi normale que toi, un brin plus animale peut-être.
Pour appuyer mon discours, je mordille doucement sa nuque. Impossible à voir pour elle, ma queue balaye l’air à vive allure, signe que je m’amuse énormément. Je profite de la situation pour me rassasier de son odeur de sous-bois. Revenant plonger mon regard dans le sien, un sourire taquin au lèvre, je lance le sujet de la chasse.
Alors, que veux-tu chasser ? Sanglier, cerf, biche ?
Je me relève sans attendre la libérant ainsi de mon poids.
Son esprit ainsi vagabondant, le regard perdu dans la forêt comme si elle cherchait à apercevoir un coeurl, elle se fit surprendre par Aube. Elle ne comprit pas tout de suite ce qu'il se passa mais elle se retrouva à terre en laissant échapper un petit cri de surprise, la femme renarde à califourchon sur elle. Le souffle court, le cœur battant, Kaïri resta silencieuse, le regard fixé sur la femme renarde. Elle était comme figée, sans pouvoir faire le moindre mouvement ni prononcer la moindre parole. Très peu habituée, non ! pas du tout habituée à ce genre de comportement, Kaïri fut envahie par différentes émotions : la crainte, la surprise, la curiosité. Si proche du visage d'Aube, les paroles que celle-ci murmura la firent tressaillir. Mais ce n'en fût rien quant à l'agréable et surprenant frisson qui parcouru sa nuque et descendit le long son échine lorsque Aube mordilla sa nuque. Kaïri retint son souffle en pinçant les lèvres.
Tout sourire, sans doute à cause du regard perdu et déboussolé de Kaïri, Aube relança la conversation de la chasse en se redressant avec agilité. Mais là, tout de suite, Kaïri avait bien du mal à se concentrer sur la chasse. La réalité était qu'aucun homme, ni aucune femme d'ailleurs, n'avait posé sa main sur Kaïri. Cette soudaine proximité l'avait totalement troublée.
- Heu, et bien... Kaïri parvint seulement à balbutier ces brèves paroles.
Elle croisa le regard de la femme renarde et se redressa à son tour. La jeune aventurière récupéra un peu de ses esprits et réajusta son arc dans son dos en fixant la profondeur de la forêt.
- Hum. J'ai cru repérer des empreintes de sanglier tout à l'heure. Je... je pense que nous devrions commencer là.
Kaïri passa alors à côté d'Aube d'un pas qui se voulait plus assuré en cherchant les empreintes entre les plantes et arbustes frutiers. Elle s'enfonça un peu parmis la végétation, se concentrant autant que possible sur la chasse mais jetant de furtifs coup d'oeil derrière elle. A quelques mètres de là, elle repéra des baies au sol et les empreintes qu'elle cherchait. Elle posa un genoux à terre, effleurant la terre de ces doigts.
- J'ai trouvé de nouvelles empreintes. Elles sont là depuis un moment déjà. Il faudra sans doute marcher un bon bout avant de rattraper les sangliers.
Sa voix avait cessé de trembler et son souffle était devenu plus régulier.
Elle bafouille toujours un peu. Je me demande pourquoi elle semble autant perturbée par si peu. Ce n’est qu’un jeu… Pour l’instant du moins. Prenant la tête de notre duo, je suis en silence ma nouvelle camarade à la recherche des empreintes de sanglier. Je profite de cette proximité pour mieux observer sa silhouette, chose difficile quand on voit flou à 6 mètres… Je suis capable de distinguer un objet en mouvement très loin, bien plus qu’un humain normal mais sans aucun détails. De temps en temps, elle vérifie que je la suis toujours, à moins que cela ne trahisse autre chose. Lorsqu’elle s’agenouille pour observer les empreintes, je m’accroupie juste à côté d’elle, épaule contre épaule. J’aurai pu me mettre en face d’elle mais cela ne me permettrai pas de vérifier une hypothèse qui germe dans mon esprit.
En effet, il n’y a déjà plus l’odeur de l’animal. Il va falloir suivre les empreintes en espérant retrouver sa trace olfactive. Au pire, on croisera une piste plus fraîche en chemin.
Elle a retrouvée son sang froid maintenant. Gardons la suite du jeu pour plus tard, on jouera au repas. Pour l’instant, il va falloir que je reste concentrée sur la chasse. Après tout, je lui ai fait perdre sa proie en l’arrétant pour discuter. Je me relève et lui tend la main pour l’aider.
Mettons-nous en route, il faut trouver ce sanglier avant la nuit.
Il est encore relativement tôt mais la piste est vieille, il peut être loin. Certaines empreintes ont déjà été effacées par le passage d’autres animaux… Repérant d’autres empreintes et indices, herbes écrasées ou boue sur l’écorce d’un arbre, une direction générale se dessine doucement. J’avance tranquillement cherchant en permanence les traces de notre proie. Plus vite nous aurons attrapé l’animal, plus vite le jeu reprendra.
On s’enfonce plus loin dans la forêt pendant une demi-heure, suivant la piste laissée par le sanglier. L’odeur de l’animal commence à réapparaître signe que l’on se rapproche mais je commence à craindre qu’il ne soit hors d’atteinte pour aujourd’hui…
Kaïria s'arrêtait brièvement de temps à autre pour examiner une nouvelle empreinte, des poils accrochés à des branches ou des racines avec des marques laissées par les canines d'un sanglier. Au-delà de la chasse elle-même, se trouver ainsi dans la nature avait grandement apaisé la jeune aventurière. Les odeurs des plantes, des fruits, des fleurs. Le chant discret de quelques oiseaux timides. Une branche qui casse au loin sous la patte d'un petit rongeur apeurée. C'est cette connexion avec la nature qui la faisant se sentir libre, se sentir bien. Elle jetait, de temps à autre, des petits regards à Aube. Elle se demandait si elle aussi, de par sa nature, ressentait ce genre d'affinité à cet environnement sauvage, ou si le coté combatif du rôle de garde prenait le dessus.
La piste devenait de plus en plus précise, signe que le sanglier était passé par là. Il y avait de plus en plus de traces et d'indications dans cette zone de la forêt. Certaines dataient déjà, mais d'autres semblaient assez récentes. Bien sûr, cela ne signifiait pas forcément que le sanglier était encore dans les parages, d'autant que ces animaux étaient rapides et fuyard. Néanmoins, Kaïri prit son arc en main, puis, lentement une flèche. Elle ajusta sa posture, se courbant légèrement comme pour paraître plus petite. Le moindre bruit ferait fuir un sanglier, il valait mieux être à l'affût tout de suite.
La jeune femme chercha Aube du regard pour la questionner en silence. Avec son côté renard, ses sens étaient plus développés que ceux de Kaïri. Elle devait sans aucun doute percevoir des odeurs et des mouvements bien plus loin que la jeune aventurière. C'était là tout l'avantage d'être accompagnée d'une personne aux capacités développées pour la chasse.
Je m'arrête un instant lorsque deux jeux d’empreintes de sangliers se croisent. Peut-être une chance de gagner du temps pour trouver notre proie. Je fais signe à Kaïri de rester immobile et lui montre mon nez espérant qu’elle va comprendre ce que je veux faire. Je m’avance de quelques pas en suivant chacune des pistes et m’agenouille pour sentir la piste. Une faculté que les animaux utilisent instinctivement pour déterminer la piste la plus fraîche qu’il m’a fallu apprendre à maîtriser durant mon voyage de la maison à la capitale. Si les animaux avaient une vision du temps aussi poussée que celle des humains, ils pourraient certainement évaluer le temps passé entre les deux passages mais pas moi… Au vu de la différence d’intensité de l’odeur, un bon moment certainement.
Je m’engage sur la deuxième piste en m’écartant un peu du champ de vision de Kaïri au cas où elle ait besoin de tirer sa flèche. Nous ne sommes certainement plus très loin de notre proie. Je redouble de prudence pour faire le moins de bruit possible marchant sur la pointe des pieds.
Tout en s’avançant avec des gestes précis et maîtrisés, Kaïri scruta l'environnement avec soin. La végétation était un peu moins dense dans cette partie de la forêt ce qui permettait à Kaïri de voir plus loin mais qui rendait les deux femmes plus visible aussi. La piste qu’elles suivaient les conduisit aux abords d'une pente très raide. Très à découvert, Kaïri se déplaçait maintenant accroupie pour être la moins visible possible. Elle ne voulait pas prendre le risque de se faire repérer et se cacha derrière un massif tronc d'arbre qui penchait sur le bord de la pente. Le dos bien droit adossé à l'arbre, elle tendit l'oreille et elle identifia le bruit de légers bruissement de feuilles mortes que le déplace sur le sol. Retenant son souffle, elle pencha légèrement la tête sur le côté afin d'observer la zone en contrebas. Elle le vit alors. Un gros sanglier qui fouillait dans les buissons sans se soucier, ni d'elle, ni d'Aube. Bonne nouvelle, il ne les avait pas repérées.
Etudiant la situation et la zone, Kaïri remarqua que la pente était vraiment très draide et la distance qui les séparait du sanglier était d’au moins de six mètres de hauteur. Dans cette position, Kaïri allait pouvoir réussir l’un de ses plus beau tir à l'arc, c'était parfait.
Un sourire d’excitation et de satisfaction aux lèvres, Kaïri s'avança légèrement, prenant garde de ne pas tomber en prenant appuis sur une grosse racine qui sortait du sol. Dans le silence, elle fit le calme de sa tête et se concentra. D'un geste lent et sûr, elle prit position, arc et flèche pointés en direction du sanglier. Les muscles de ses bras se contractèrent lorsque Kaïri tira sur la corde de l'arc, préparant son tir. A ce moment précis, plus rien d’autre n’existait. Il n’y avait qu’elle, sa flèche et sa cible. En pensée, elle remercia déjà la déesse Lucy pour le sacrifice du sanglier. Puis, d’un geste gracieux, elle s’apprêta à lâcher la corde de son arc quand un oiseau décida de prendre son envol en secouant les branches bruyamment au-dessus de sa tête. Déconcentrée, Kaïri perdit l'équilibre et, déviée de sa direction, la flèche siffla dans l'air pour se planter profondément dans le sol terreux non loin du sanglier. Ce dernier, alerté par ces bruits soudain prit la fuite au triple galop sans se retourner alors que Kaïri, emportée par son poids, dévala la pente en roulant sur elle-même, heurtant pierres et ronces sur son passage.
La chute lui sembla durer trop longtemps et elle se demanda si les six mètres estimés au départ ne s'étaient pas doublés pendant qu'elle tombait. Elle s'écrasa lourdement contre une souche, le souffle coupé. Recouverte de terre et de végétation, elle resta là, allongée sur le sol, l'esprit divaguant quelque peu. Kaïri avait pris un coup sur la tête en tombant et un fin filet de sang chaud coulait à hauteur de sa tempe et le long de sa joue. Elle senti sa cuisse brûler, elle s'était bien écorchée, mais heureusement rien de grave. Toujours déboussolée, elle roula sur le dos en reprenant son souffle.
Attirée par le léger bruissement des feuilles, je regarde ma comparse se mettre en position pour tirer. Souriante, elle est encore plus belle. La situation est plutôt favorable à une session d’observation de la belle étant maintenant passive pour la mise à mort de l’animal. J’apprécie le roulement de ses muscles lorsqu’elle bande l’arc mais surtout le jeu de ses formes particulièrement attirantes. Mon envie de croquer un bout de la jeune femme revient au centuple. Je me mords la lèvre pour me faire passer l’envie de lui sauter dessus immédiatement… Peut-être que je suis plus animale que je veux bien le reconnaître finalement…
Mes oreilles se dressent immédiatement lorsqu’un oiseau s’envole juste au-dessus de nous. Mon attention se trouve immédiatement attiré par Kaïri que je vois chuter dans la pente. Trop lente dans ma réaction, je n’arrive pas à la rattraper à temps et la voit tomber puis rouler le long de la pente. Le temps d’intégrer la suite d'événements et de me relever, elle est déjà en bas allongée. Un brin paniquée, j’hésite un instant entre descendre par la pente ou contourner l’obstacle en suivant la piste du sanglier… Trop loin pour que je distingue une éventuelle blessure, je décide de descendre par le chemin le plus court.
Ma descente est nettement plus longue que la sienne mais certainement beaucoup moins douloureuse. Usant de mes pieds et de mes mains pour descendre sans prendre de risque inconsidérés, j’essaye de me remémorer mes cours de sauvetage de la Garde. Arrivée à sa hauteur, j’évalue rapidement les dégats. Je soupire d’aise, elle est consciente avec pas mal d’écorchures sur les jambes mais rien qui semble grave. Sa tête m'inquiète plus… Je m’assoie à côté d’elle et lui parle en écartant ses cheveux pour mieux voir l’étendue des dégâts.
Kaïri ? Tu te sens bien ?
Je ne sais pas sur quoi elle s’est cognée mais la plaie est loin d’être propre. Je jure contre ma propre bêtise de ne rien avoir emmener avec moi pour d’éventuels soins.
Tu te souviens de mon prénom ?
Simple essai pour juger d’un éventuel traumatisme plus grave qu’une écorchure à la tête. Je retire délicatement quelques saletés de la plaie mais cela ne me plait guère. Après avoir jauger le pour et le contre pendant quelques secondes, je me penche sur la plaie et la lèche en douceur pour la nettoyer. Je déteste faire cela, ça me donne vraiment l’impression d’être un animal… Mais en l’absence de meilleurs produits, la salive est certainement notre meilleur désinfectant. La plaie suffisamment propre à mon goût, je m’écarte de quelques pas pour cracher ma salive chargée en débris et en sang. Autant, j’adore la viande crue, autant l’idée de boire du sang humain me révulse.
Lentement, elle prit appuis sur ses coudes et se redressa autant qu’elle put. Dans un second temps, elle parvint à prendre appuis contre la souche. Ses muscles lui faisaient mal et sa jambe brûlait. Quelques égratignures ci et là, mais aucune blessure trop profonde. Elle leva les yeux et observa la pente.
- Sacrée chute, murmura-t-elle.
Déçue de ne pas avoir réussi à chasser le sanglier, elle laissa sa tête partir en arrière, contre la souche et ferma les yeux. Elle avait repris son souffle et son cœur battait à un rythme normal. Décidément, depuis son arrivée à la capitale rien n’était simple. Dans son état, continuer la traque au sanglier serait stupide et inutile. La journée était bien avancée à présent et le retour promettait d’être plus long car Kaïri marcherait certainement plus lentement. Un petit sourire de déception aux lèvres elle inclina la tête pour regarder Aube.
- Je crois que la chasse sera pour une autre fois finalement.
Portant une main à sa tête pour se masser la tempe, la jeune archère s’en voulait de s’être laissée distraire pas un oiseau ridicule. Levant à nouveau le regard vers le ciel, elle observait la lumière qui parvenait à s’infiltrer entre les feuillages. Il devait être le milieu de l’après-midi à présent et Kaïri commençait à sentir la faim monter. Elle ferma les yeux en soupirant, le retour allait être bien plus dur que ce qu’elle avait prévu à son départ au petit matin.
- Il ne faudrait pas tarder à faire demi-tour, sinon nous serons condamnées à une nuit à la belle étoile.
Oui… Tu as de la chance de ne pas t’être cassé un truc dans ta chute.
Je la fixe, toujours inquiète à cause de sa blessure à la tête. Je me mordille la lèvre en me disant que j'aurais peut-être dû pousser le vice et goûter ses lèvres lorsque j’en ai eu l’occasion. Depuis que j’ai senti son odeur, je n’ai qu’une envie… Me lover contre elle et profiter de son odeur si agréable.Chose certainement compromise pour aujourd’hui. Je ris doucement lorsqu’elle m’annonce que la chasse au sanglier sera pour une prochaine fois.
Quand tu veux, je suis toujours partante pour une chasse avec une belle femme à mes côtés !
Il faudra juste que je m’arrange avec mes collègues pour avoir une permission de quelques jours, histoire de pouvoir profiter un peu de la chasse. Une petite expédition rien qu’avec elle ! Une perspective plus que plaisante pour moi. Je l’observe se masser la tempe veillant à ce qu’elle n’aggrave pas involontairement sa blessure. Peinée, je m’en veux de n’avoir rien prévu pour soigner d’éventuelles blessures ou au moins calmer la douleur. Mes oreilles se plaquent en arrière et mon visage se décompose lorsqu’elle parle déjà de rentrer… On peut peut-être s’avancer un peu et se poser pour manger un bout, j’ai toujours mes lapins. Je soupire, passer la nuit à la belle étoile est une idée séduisante à moins qu’elle veuille venir avec moi à la Caserne. Zeldris ne devrait pas être là, il a une manoeuvre de nuit de mémoire. Reste à trouver une raison de l'inviter à venir… Je me lève et lui tend une main pour l’aider à se relever.
Allons-y alors. On pourra s'arrêter manger un morceau en chemin, j’ai deux beaux lapins à faire griller, dis-je avec un sourire de façade.
Une fois ma camarade debout, je scrute les alentours à la recherche d’un chemin plus praticable pour retourner en haut de la pente. La meilleure solution me semble finalement de remonter la piste olfactive du sanglier en suivant l’odeur la plus ancienne. On récupérera notre propre piste odorante une fois en haut et on pourra rentrer sans difficultés. Enfin en théorie.
Tu as besoin d’aide pour marcher ?
J’espère qu’elle ne s’est pas trop fait mal aux jambes, la route est longue jusqu’en ville mais cela me donnerait une excuse parfaite pour l’embarquer à la Caserne avec moi pour soigner ses blessures. Avant de prendre la route, je me permet une petite fantaisie en essuyant un peu le sang avec mon pouce. Je profite de la situation pour caresser en douceur sa joue puis un contact furtif de mes doigts sur ses lèvres.
Prenant appui sur la souche derrière elle, elle se leva doucement prêtant attention aux douleurs qu’elle ressentait pour ne pas se blesser davantage. Sa tête lui faisait toujours mal et elle avait l’impression qu’un petit personnage intérieur s’était mis à jouer du tambour contre sa tempe. Elle ferma les yeux en espérant que la douleur disparaitrait, mais il n’en fut rien. Son épaule gauche était douloureuse, son dos aussi mais il n’y avait, heureusement, pas de plaies ouvertes autres que de petites égratignures par endroit. Des bleus commençaient déjà à apparaitre sur sa peau mais seule sa jambe droite était vraiment douloureuse due à l’éraflure sur sa cuisse. Un peu de sang coulait mais ce n’était rien en comparaison avec sa blessure à la tête. Elle sentait des picotements le long de la plaie au moindre mouvement de jambe mais elle serra les dents. Il ne faudrait que quelques minutes pour qu’elle s’habitue à la douleur et qu’elle finisse par l’ignorer. Peut-être qu’Aube avait remarqué sa grimace car elle demanda à Kaïri si elle avait besoin d’aide pour marcher. Elle n’avait pas encore répondu que la femme renarde s’était rapprochée, posant sa main sur sa joue pour y déposer une caresse. Kaïri se figea, surprise et intimidée. Les doigts de la jeune femme passèrent sur ses lèvres. Comme plus tôt dans la journée, l’aventurière senti son cœur accélérer dans sa poitrine. Sa respiration était devenue plus rapide. Le contact de ses doigts sur sa peau était doux et agréable. Beaucoup de choses se bousculèrent dans la tête de Kaïri et elle ne comprenait pas vraiment ce qu’elle ressentait à ce moment précis. Pourquoi la jeune femme renarde agissait ainsi ? Pourquoi Kaïri se sentait-elle troublée ? Aube avait éveillé des sensations et sentiments que l’aventurière n’avait jamais ressenti jusqu’à présent. La sensation agréable d’une simple caresse qui se propage sous la peau et qui provoque un frisson, la sensation d’être emportée par un regard, une pulsion. Le sentiment d’être envahi par une vague de chaleur, d’envie et de peur. Il ne s’agissait pas d’amour, mais de quelque chose de plus physique. L’instant semblait s’être arrêté. Kaïri osa croiser le regard d’Aube, puis ses yeux se posèrent sur ses lèvres. Elle ne bougeait plus, mais l’instant d’après, gênée et intimidée par cette proximité nouvelle, Kaïri détourna le regard et se mordillant la lèvre. Furtivement elle jeta un œil à Aube en reculant d’un pas. Il était évident que cette dernière remarquerait son air troublé et son innocence bien que Kaïri essaya de le cacher.
Cherchant inutilement à faire croire qu’elle n’était pas déboussolée, elle prétendit avoir besoin de couvrir sa blessure à la cuisse à l’aide de feuille et de terre. Elle s’affaira alors, les mains quelques peu tremblantes sans savoir si cela était dû à cette boule qui était née dans son estomac ou à l’image qu’elle avait dans sa tête des lèvres de la femme renarde. Se concentrant pour effacer cette pensée, elle arracha grossièrement quelques larges feuilles d’un buisson qui était là et ramassa de la terre humide qu’elle étala sur sa blessure avant d’y déposer les feuilles pour simuler un bandage.
Son bandage végétal terminé, je soumet à ma coéquipière l’idée de prendre la route la moins compliqué pour elle. Je lui tend une main pour lui proposer mon aide pour marcher même si elle fait la forte. J’ai bien vu ses grimaces lorsqu’elle s’est relevée, elle s’est fait plus mal qu’elle veut bien me le dire… Je n’aime pas forcer la main aux gens mais je compte bien l’emmener dans ma chambre à la Caserne pour la soigner un minimum. Prenant la tête de notre duo, je remonte la trace olfactive du Sanglier pour trouver l’endroit où il a pu descendre facilement de la corniche d’où nous l’avons aperçu. Cent mètres plus loin, une pente moins raide semble plus praticable pour Kaïri et porte la trace de notre sanglier. Deux traces cohabitent l’une non-loin de l’autre, une ancienne et une plus récente. Notre proie est certainement repassée par ici après la chute de la chasseuse. Mon ventre décide de se manifester par un grognement fort significatif… Je pose mes mains sur mon ventre en regardant Kaïri un peu honteuse. Mes oreilles se plaque sur le côté de ma tête et ma queue pendouille lamentablement signes caractéristiques de mon sentiment.
Désolé… Je n’ai pas vraiment manger depuis ce matin… On avance un peu et on s'arrête pour manger un bout ?
Mes lapins sont de bonnes tailles, on ne mourra pas de faim avec un chacune.
-Je suis d’accord, arrêtons-nous pour reprendre des forces.
D’un signe de main, Kaïri indiqua une zone un peu dégagée à quelques mètres de là, avec un tronc solide et massif étalé sur le sol. Il avait dû tomber lors d’une tempête. C’était un endroit parfait pour faire un feu et griller de la viande. A cette pensée, l’estomac de Kaïri gargouilla de plus belle. S’aidant toujours de l’appuis d’Aube pour avancer, elle fut soulagée en arrivant à destination. Bien que ces plaies étaient superficielles, le muscle de sa cuisse en avait pris un coup et se tendait de douleur à chacun de ses pas. Elle ne se fit pas priée pour s’assoir sur le tronc qui était là. Soulagée d’être assise, il fallait néanmoins rassembler du bois et préparer un feu. Kaïri avait beau être courageuse, il fallait aussi qu’elle reconnaisse que plus elle mettait de la force sur sa jambe, plus elle mettrait du temps à récupérer. Aussi, elle proposa à Aube de se répartir les tâches.
-Si ça ne te dérange pas, je te propose de vider les lapins pendant que tu t’occupes du feu ?
Bonne idée, ménages-toi. D’accord ?
Je détache les lapins de ma ceinture et les lui tends. J’en ai déjà l’eau à la bouche rien que d’imaginer ce repas avec une telle compagnie. Abandonnant la chasseuse à sa tâche, je m’évertue à rassembler suffisamment de petit bois et de belles branches pour faire un feu correct. La tâche n’est pas forcément compliquée, celle de trouver de quoi faire un chevalet pour mettre à cuir la viande, un peu plus. Après une bonne dizaine de minutes, j’ai accumulé un bon tas de bois pour le feu. Je rassemble des pierres pour former un foyer circulaire et limiter le risque de propagation du feu. Quelques feuilles sèches pour faire office d’allume-feu supplémentaire. Je tapote le dos de mon couteau contre la pierre produisant des étincelles pouvant enflammer les feuilles. Bien sèches, les feuilles s’enflamment au bout de quelques essais. Je recouvre rapidement les feuilles avec le petit bois et laisse prendre. En attendant, j’observe Kaïri en pleine action. Plus le temps passe, plus je me demande si elle serait ouverte à une proposition plus explicite… Ces réactions me laisse penser qu’elle n’y est pas insensible mais elle fuit mon regard depuis tout à l’heure…
Mon petit bois enflammé, je rajoute quelques morceaux plus gros pour faire de la braise. N’ayant pas trouver de quoi fabriquer un chevalet de fortune, nous allons devoir nous contenter de pieu de bois planté dans le sol… Maintenant, il n’y a plus qu’à attendre. A l’aise avec personne autour, je m’installe à califourchon sur le tronc juste à côté de ma comparse.
Dis-moi Kaïri, tu viens d’où ? Je suis une grande curieuse, parles-moi un peu de toi.
J’ai envie d’en savoir un peu plus sur elle et cela me semble le bon moment. Une belle jeune femme aguerri à la chasse, on en croise pas tous les jours. Et il vaut mieux qu’on parle sinon, je risque de ne pas réussir à résister à mon envie de goûter ses lèvres.
Elle avait pratiquement terminé de tailler le premier lapin lorsqu’Aube, rapide dans sa tâche, vint s’asseoir sur le tronc non loin d’elle. Kaïri lui jeta un petit regard amical sans s’arrêter dans sa besogne. A la question qui lui fut posée, la jeune aventurière haussa des épaules.
-Mon histoire n’est pas très intéressante tu sais. C’est même plutôt banal.
Sentant le regard de la femme renarde posé sur elle, Kaïri se décida à lui répondre quand même. Elle s’arrêta un instant dans ses gestes aux souvenirs de ses parents, de ses frères et sœur et du monde duquel elle venait. Cinq ans avaient passés depuis sa fugue. En reprit la parole en même temps que le dépeçage du second lapin.
-Dans les grandes lignes, ma famille avait des projets pour moi qui ne correspondaient pas à mes aspirations. Elle soupira. Un mariage en l’occurrence. Sauf que moi, ce que je voulais c’était voyager, connaître le monde, vivre des aventures ! Mais non, pour mes parents… pour ma famille, il n’y a que les règles et les coutumes qui ont de l’importance. Sans s’en rendre compte, elle dépeçait le deuxième lapin d’une manière légèrement plus brusque que le premier. Et leur réputation auprès des autres nobles ! Alors cela oui, c’était d’une importance capitale ! Kaïri secoua la tête, contrariée. J’ai appris à chasser, en cachette, pendant quelques années dans les bois qui se trouvaient derrière le manoir de mes parents. Les yeux scintillant, elle posa son regard sur Aube. Même si ces souvenirs remontaient à plusieurs années, la cicatrice de la séparation avec sa famille était toujours ouverte. La rage qui l’avait rendue rebelle brûlait toujours en elle. Un jour, mon père est venu me parler de ce… mariage. Enfin, « parler ». « Imposer » serait un mot plus juste. Un mariage avec un homme tellement… Kaïri reporta son attention sur le lapin, égocentrique et barbant. Il va sans dire que j’ai refusé, évidemment. L’idée de me retrouver enchaînée à un homme pour lui servir de pouliche et de « domestique », privée de toute liberté… non, ce n’est pas une vie pour moi.
Kaïri avait terminé de vider les lapins. Ils étaient prêts à être cuit. Elle posa le couteau et détacha les carcasses pour les tendre à Aube.
-Mon père m’a menacée de me renier si je refusais ce mariage. Elle haussa les épaules, l’air soudainement indifférente. Alors je suis partie.
Racontes-moi, je veux savoir comment une aussi jolie jeune femme est devenue aventurière.
Je ne connais pas vraiment d’aventuriers professionnels juste des gens comme moi qui ont voyagé un temps avant de se poser sur une fonction plus sédentaire. Immobile, je sens que j’ai lancé un sujet complexe lorsqu’elle s'arrête visiblement perdue dans ses pensées. Reprenant sa tâche, elle se met à me raconter son histoire. J’hésite entre sourire et rester neutre lorsque je comprend le fond de l’histoire. Une jeune femme assoiffée d’aventure que l’on a essayé d'enchaîner à un monde dont elle ne voulais pas. Lorsque son regard se pose sur moi, j’incline la tête et fixe son regard. Elle a cette lueur, celle de l’envie d’être indépendante. Je n’ose rien dire, ne voulant l'arrêter dans son histoire. La suite de son histoire est telle que je l’imaginais suite à la première partie. Un mariage arrangé avec un homme qu’elle ne supporte pas. L’image qu’elle a d’une épouse me fait rire, elle est si proche de celle que j’avais en partant de chez moi.
Depuis le début de son histoire, ces gestes sont plus brusques mais pour autant ils restent particulièrement précis et gracieux. Je l’observe faire avec attention jusqu’à ce qu’elle ait finie et décroche notre repas.Récupérant les lapins préparés avec soin, je les embroche sur des bâtons nettoyés pour servir de broches. Écoutant toujours Kaïri, je plante les broches de biais autour du feu pour cuir la viande. Il faudra juste tourner de temps en temps le lapin pour le cuir de façon homogène. Son timbre de voix change lorsqu’elle m’explique être partie en sachant que sa famille allait la renier. Je me tourne vers elle essayant de comprendre ce changement de timbre passant d’une voix chargée d’émotions à cela.
C’est courant de faire cela parmi les nobles ? Obliger les jeunes femmes à se marier avec quelqu’un qu’elles le veuillent ou non ?
Ma famille n’était pas noble. Mes soeurs ont eu le loisir d’épouser celui qu’elles aimaient à l’âge où elles s’en sont sentie prêtes. Et moi, le faux-garçon de la famille, je suis partie laissant mes souvenirs et ma famille derrière moi. Me rasseyant à califourchon sur le tronc d’arbre, je me place au plus prêt de la chasseuse. J’ai bien envie de la prendre dans mes bras et de l'entraîner par terre dans les feuilles pour un moment d’amusement mais j’ai un peu peur de lui faire mal. Je me contente de remettre en place une de ses mèches de cheveux et de continuer sur le ton de la discussion.
Tu as prévu de retourner un jour chez tes parents pour leur montrer ce que tu es devenue ? Une femme forte et indépendante, je veux dire.
Je n’ai jamais été très douée pour ce genre de conversation… Je fais partie de ces gens qui ont l’action dans le sang. ça ferait une mauvaise noble de moi.