Son travail à la Capitale la tenait pour le moins occupée, et, malgré sa paie généreuse, Amaryllis était du genre dépensière dans ses hobbies. Mais la rousse savait aussi saisir des opportunités lorsqu’elles se présentaient, et, clairement, la demande d’instructeurs martiaux n’était clairement pas en manque. Une en particulier avait retenu son attention, une qui lui était venue de par le petit réseau qu’elle commençait à se constituer. Liory Alkh’eir, gérant de la compagnie Murmevent, le genre de personne qui avait bien trop de cristaux pour son propre bien, et donc également quelqu’un capable de payer cher pour un enseignement de qualité. Une chose qu’Amaryllis pouvait lui apporter.

Même si elle ne faisait plus partie de la Compagnie Tylwaen, elle profitait allègrement de l’aura d’excellence des membres de sa famille dans le commandement et la maîtrise des armes pour se faire une place dans ce monde. Elle n’hésita donc pas à répondre à cette offre, tant pour profiter du revenu supplémentaire accordé par une telle offre, que pour un peu fuir ses jours de repos qui viraient dans une certaine débauche. Il fallait dire que les habitudes qu’elle prenait étaient inquiétantes et que le doux sentiment que lui procurait ces maudites cornes devenait de plus en plus incontournable…

Et puis qui sait, peut-être qu’elle trouverait un avantage à tirer de ce Liory? Il semblait posséder une certaine influence, et le domaine commercial dans lequel il exerçait était pour le moins utile. Et Amaryllis pouvait peut-être faire en sorte de faire encore plus fleurir son commerce. Mais elle n’en était pas là.

Elle était partie de son domicile pendant la matinée, était passée par les écuries afin de récupérer Keita. Heureusement, l’heure annoncée n’avait pas été si matinale, car la guerrière était partie avec un certain mal de tête suivant ses activités de la veille. Rien de particulièrement gênant, mais elle ne pouvait pas affirmer être au sommet de sa forme, même si elle n’en aurait pas forcément besoin pour apprendre le tir à l’arc.

Habillée d’une tenue sombre et souple, assez différente de ses habits stricts qu’elle revêtait lors de son travail de consultante, elle chevauchait donc au petit trot dans les rues de la capitale, se dirigeant à l’extrême bordure de celle-ci, par delà les murs d’enceinte, jusqu’à l’adresse indiquée par son contact. Normalement, tous les détails devraient déjà être réglés, et elle devrait être attendue. En approchant de la bâtisse, elle remarqua assez rapidement la taille des flèches fichées dans le sol. L’objet n’était clairement pas classique, et le noble était semble-t-il déjà en train de s’entraîner. Pas vraiment quelque chose de positif tant cela pouvait vite faire prendre de mauvaises habitudes et de mauvaises postures sans tuteur.

Mettant pied à terre, profitant de l’air un peu plus pur de l’endroit, elle s’approcha de l’entrée du terrain en tenant sa monture par sa bride.

« Monsieur Alkh’eir? Je suis Amaryllis Tylwaen, je viens pour vous assister dans votre apprentissage. » déclara-t-elle alors d’une voix assez forte pour être entendue, alors que son regard oscillait entre le concerné, et son arme qui n’était clairement pas n’importe laquelle. N’était-ce pas peut-être un peu prétentieux de vouloir apprendre le tir à l’arc avec un tel monstre? Même si les premiers tirs de la rousse avaient été effectués avec un petit arc de chasse alors qu’elle n’était pas encore assez forte pour bander un arc de guerre comme celui qu’elle avait sur le dos, l’apprentissage était toujours plus simple avec des arcs légers. Après tout, la posture restait la même, et était le plus important à respecter. Pour le moment, vu l’éparpillement des flèches, cela ne semblait pas encore être trop cela pour lui.

Elle prit le temps d’attacher tranquillement son cheval à un poteau proche, avec assez d’herbe fraîche autour pour le laisser un peu profiter du moment. Bien évidemment, assez loin du pas de tir, avant de s’avancer vers l’homme aux cheveux de neige, un fin sourire sur les lèvres. Il n’avait pas la carrure d’un guerrier, et semblait avoir tout d’un noble, mais l’ancienne mercenaire respectait parfaitement sa volonté d’apprendre à manier les armes.

« Avant que nous ne commencions, avez-vous déjà des bases en tir à l’arc? Je vois que ce n’est pas n’importe quel genre d’arc que vous essayez de maîtriser. » demanda-t-elle alors, même si de son côté elle s’était toujours limitée à des arcs à taille humaine, le changement ne devrait pas être plus difficile que son passage de l’arc de chasse à l’arc de guerre. Peut-être faudrait-il mieux qu’elle prête son arc au noble pendant un moment, lors du début de son apprentissage, avant de lui remettre son arme impressionnante entre les mains.

L'accueil qu’elle reçut fut à la hauteur de la réputation de l’individu. Ses mots, même si empreints de flatterie, ne semblaient pas vains, et elle remarqua qu’il semblait déjà bien avoir cerné le genre de personne qu’elle était censée être. Non mais que cela ne la dérange vraiment, tant elle avait tout à gagner à être considérée comme une guerrière émérite. Néanmoins, ses compétences n’étaient pas que du paraître.

Elle s’amusa d’ailleurs légèrement à entendre de telles expressions venant de quelqu’un qui se disait uniquement formé au commerce. Même si ce n’était pas si étonnant vu le domaine d’activité de la compagnie Murmevent.

« En effet, ne vous attendez donc pas à une promenade de santé, le tir à l’arc peut être bien plus physique que l’on peut le penser. Mais il n’est jamais trop tard pour apprendre. » rétorqua-t-elle avec un petit sourire. Elle ne comptait pas être une instructrice tyrannique et militaire - ces méthodes étaient bonnes pour les troufions indisciplinés. Lui avait la volonté d’apprendre et, de plus, fournissait les cristaux. Mais comme elle le lui avait dit, ce n’est pas pour autant qu’il s’échappera de cette séance sans aucune courbature - bien au contraire.

La rousse s’empara de la pièce, la laissant un peu tourner devant elle pour bien la contempler, en inspecter la manufacture et tester l’équilibre de l’objet. Silencieusement, elle laissa afficher une petite moue satisfaite, avant de se munir d’un trait, et de l’encocher alors que, dans le même mouvement, la corde se tendait en même temps que sa fine musculature. Dans une posture scolaire, on pouvait presque deviner la tension répartie dans chaque fibre de son corps comme si l’espace d’un instant elle ne faisait plus qu’un avec cette arme. Plusieurs secondes passèrent alors qu’elle restait immobile, même si elle vérifiait l’équilibre et la qualité de l’arme alors qu’elle était en tension. Jusqu’à, enfin, laisser le trait filer, siffler au vent et se planter dans la cible, à quelques centimètres de là où elle avait visé. Une performance plutôt correcte avec un arc auquel elle n’était pas habituée, elle doutait de pouvoir réitérer l’exploit une seconde fois, d’ailleurs. Mais elle n’était pas là pour s’entraîner elle-même.

« C’est une très belle pièce. Bien équilibré, avec assez de puissance pour de tels projectiles. Mais je ne sais pas si elle est vraiment adaptée pour débuter. Ce serait un peu comme commencer par les plus fortes des liqueurs en voulant découvrir l’alcool. » déclara alors Amaryllis, dans une comparaison qui n’était pas si anodine que cela pour elle, mais c’était la première qui lui était passée par l’esprit. Ce qui n’était pas vraiment une coïncidence. Néanmoins, elle n’était pas là pour critiquer les choix du noble et une telle arme serait certainement bien plus adaptée au gros gibier qu’il comptait chasser avec. Cela ne l’empêcherait toutefois pas de travailler ses bases avec une arme plus abordable. Ce qui tombait assez bien, puisqu’elle avait ramené son arc.

« Le plus important dans l’art du tir à l’arc, c’est la posture de tir. Elle ne changera pas entre les arcs, mais sera bien plus facile à tenir avec mon arc que le votre. Cela permettra de moins vous fatiguer. » déclara-t-elle alors, surtout parce-que le tir en mouvement était infiniment plus compliqué et était un cauchemar à travailler. Et elle pensait cela en connaissance de cause. Tout en disant ces quelques mots, elle reposa l’arc du noble sur son support avant de se munir du sien, et de le tendre vers l’argenté.

Pour le moment, Amaryllis garda son carquois à l’écart, tant avant de s’entraîner à tirer les premiers traits, il allait devoir raffiner sa posture de tir. Il ne se perfectionnerait qu’avec de l’entraînement et de la persévérance, et, pour cela, même si ce n’était pas amusant de ne pas tirer, il allait falloir passer par cette étape.

« Vous êtes droitier, c’est bien cela? Prenez la poignée de la main gauche, puis alignez vos épaules et vos pieds avec la cible que vous visez, le dos bien droit. » commença-t-elle alors à expliquer, puisqu’il semblait être plutôt motivé à se lancer dans les travaux pratiques directement. Amaryllis, pendant ce temps, détaillait un peu plus le noble d’un œil attentif, examinant la moindre faute qu’elle pouvait y voir. Plutôt que d’y passer avec des mots vagues n’aidant pas, elle s’était approchée, et n’avait pas hésité à se faire légèrement plus tactile pour y ajuster les imperfections qu’elle pouvait y voir. Un alignement un peu approximatif, un dos très légèrement courbé, elle ajustait elle-même pour bien l’aider à reproduire ce qu’elle avait montré avant.

« Ensuite, tendez le bras vers la cible, tout en tournant la tête vers celle-ci. Attrapez la corde au niveau de la petite marque sur celle-ci, puis gardez exactement cette position en ramenant vos doigts jusqu’à la commissure de vos lèvres, regard toujours vers la cible. Ne relâchez pas la corde à vide. » continua-t-elle alors à expliquer, continuant le même petit manège, notamment après la mise en tension de la corde, observant de différents angles, corrigeant les erreurs les plus grossières.

« L’important dans l’archerie, c’est de pouvoir garder tous ces repères, et de pouvoir les reproduire d’instinct, et cela nécessite beaucoup d’entraînement et de pratique dans le tir. L’archer le plus effrayant est celui qui a pratiqué un tir mille fois. Pas celui qui a pratiqué mille tirs une fois. » expliqua-t-elle alors tout en le laissant garder la tension de l’arme pendant ce temps. Un exercice simple, mais qui allait aussi faire travailler les bons muscles dans son corps.

« Raccompagnez ensuite doucement la corde au repos... Et l’on va recommencer. Maintenez bien la même posture, laissez la corde tendue cinq secondes puis raccompagnez-la au repos. » demanda-t-elle alors, prête à continuer à corriger chaque écart que pourrait causer un tel mouvement. Là encore, en débutant, vouloir faire trop vite était une très mauvaise idée. Beaucoup s’imaginaient décocher des traits à la vitesse de l’éclair, mais c’était le meilleur moyen de tirer n’importe où quand la discipline n’était pas bien imprimée dans tous les muscles de son corps. La précision en priorité, la rapidité et la flexibilité plus tard. Bien plus tard.

« Et si vous avez besoin d’une pause, n’hésitez pas. C’est bien plus intensif que l’on peut le croire au premier abord. » précisa-t-elle ensuite, afin de bien rappeler que ce n’était pas censé être une torture mais bien une leçon et que l’élève - et client - avait parfaitement le droit de prendre des pauses. Et si son enthousiasme l’emportait sur le reste, Amaryllis pouvait très bien elle aussi décréter une pause. Dès qu’elle verrait qu’il aurait du mal à s’améliorer et que sa posture commencera à régresser, cela voudrait dire qu’il était trop fatigué pour continuer directement. Ou bien peut-être aurait-il cette étincelle qui le fera réussir à tenir une posture correcte très rapidement? Elle était curieuse de voir ça.

Amaryllis n’avait pas vraiment l’habitude d’enseigner. La plupart des leçons de la compagnie étaient effectuées par son père, et la rousse avait été assez rarement impliquée en tant qu’instructrice durant ces moments. Néanmoins, elle maîtrisait assez bien son art et avait suivi bien assez de leçons pour prendre ce rôle à son tour. La grande différence ici était qu’elle ne devait pas enseigner à des petits soldats à discipliner mais bien à une personne d’importance. Il fallait donc qu’elle adoucisse un petit peu ses méthodes en restant assez rigoureuse pour lui donner des bases plus que solides.

Au moins, elle ne pouvait pas nier qu’il semblait motivé. La rousse arrivait à déceler certaines petites difficultés physiques, ce qui n’était pas si étonnant. Néanmoins, il ne s’en plaignit pas, et continua à travailler sa posture pendant une bonne heure. Amaryllis était peut-être un peu trop perfectionniste, mais elle jugeait que c’était nécessaire, tant prendre des mauvaises habitudes au début de son apprentissage pouvait être vraiment préjudiciable par la suite.

« Mes mains sont habituées à tirer à l’arc et à tenir une lame depuis que j’ai quatre ans, c’est ce vers quoi ma famille est destinée depuis de nombreuses générations. Même si cet arc est plus récent, il a déjà traversé des heures et des heures d’entraînement et plusieurs batailles. » répondit-elle d’un ton paisible. Lui n’avait certainement jamais été destiné à ce genre d’activités, mais cela ne l’empêchait pas de changer de domaine comme Amaryllis se reconvertissait vers un domaine plus administratif.

« Et c’est ici l’idée, tous les novices imitent la posture de leur instructeur en apprenant, jusqu’à ce que l’arme ne finisse par plus devenir une extension de son propre corps qu’un simple outil que l’on utilise. » ajouta-t-elle ensuite toujours sur le même ton. Il fallait dire que cela pouvait être perturbant pour l’argenté, puisque la rousse ne se gênait pas pour réajuster la position du noble, reprendre un peu de distance comme pour l’examiner…

Avec le temps qui passait, elle avait de moins en moins à intervenir même si elle pouvait sentir une certaine fatigue s’accumuler pour le noble. Pourtant, il semblait déterminé à poursuivre l’entraînement. Elle lui répondit avec un fin sourire.

« Croyez bien que ce moment est très loin d’être ennuyant, bien au contraire, même. Après avoir déjà eu à faire le piquet pendant des heures par le passé, je suppose que je suis immunisée à l’ennui, de tout de façon. » ironisa-t-elle légèrement, n’étant pas mécontente de ne plus avoir à subir ce genre de moments un peu ingrats. Heureusement, ils étaient en général assez rares, même si la protection personnelle de noble était parfois assez ennuyeuse. Certains étaient bavards donc cela aidait, mais d’autres demandaient une présence la moins envahissante possible. L’argenté lui semblait plus être du style bavard et courtois, un style qui lui plaisait bien.

« Néanmoins, à moins que vous n’insistiez pour continuer, une petite pause serait certainement utile. Un petit quart d’heure, le temps de laisser vos muscles se reposer, puis vous pourrez décocher quelques traits. » expliqua-t-elle alors, sachant parfaitement que ce genre d’exercices qu’elle lui avait fait subir n’avaient rien d’amusant, bien au contraire. Mais ils étaient un mal nécessaire.

« La suite devrait être bien plus… Ludique. » déclara-t-elle ensuite, tant décocher des traits était bien plus plaisant que de simplement tendre la corde d’un arc en boucle. Il fallait dire que les bases du tir à l’arc étaient bien plus agréables à apprendre que l’escrime. La position était fixe, il n’y avait ni jeu de jambes ni gardes différentes à apprendre, ni des dizaines de mouvements à travailler. Elle ne pouvait pas en dire autant sur le tir en mouvement mais c’était un aspect qui ne venait que bien plus tard dans l’apprentissage du tir à l’arc. Il n’était même pas vraiment nécessaire de l’apprendre, à vrai dire.

« Si ce n’est pas trop indiscret, quel genre d’activités souhaitez-vous pratiquer avec une telle arme? Vu sa taille, elle semble être conçue pour chasser du gros gibier. Il y en a un en particulier que vous viseriez à abattre? » demanda-t-elle alors, s’étant un tout petit peu plus éloignée, s’adossant contre un petit muret tout en gardant son regard dirigé vers l’argenté, son regard améthyste bien plus concentré vers le sien que vers la posture de son corps désormais. Simple curiosité, puisqu’elle doutait pouvoir lui donner de véritables conseils de chasse de grosses créatures. Si sa spécialité de combat était bien plus contre d’autres humains, tirer droit restait le principal. Peu importait le gibier que l’on chassait.

L’argenté ne semblait pas des plus hâtifs pour prendre une petite pause. Pourtant, les recrues en général étaient plus que ravies de pouvoir prendre les dites pauses. Il fallait dire que ce n’était pas particulièrement le même rythme ni les même méthodes qu’elle employait. Même si elle était débutante dans l’enseignement cela lui était déjà arrivé, avec des personnes n’étant pas autant de marque que Liory Alkh’eir.

La rousse sourit à son petit compliment, tant parce-qu’il était plaisant que devant l’ironie de celui-ci. Il fallait dire que cet échange était assez inédit. D’habitude, agréable n’était pas vraiment le terme qu’utilisaient ses élèves d’un jour, bien au contraire. Mais ici ses habitudes nobles prenaient le pas sur la guerrière et la rendait très certainement bien plus agréable. Même si avec ce genre de personnes, l’on pouvait toujours se demander si les flatteries étaient parfaitement honnêtes ou non, tant qu’il n’exprimait pas ouvertement son mécontentement elle n’avait pas à s’en faire. Certains étaient, après tout, plutôt capricieux.

« Ma foi, je ne vais pas me plaindre que vous suiviez mes directives, c’est le rêve de beaucoup d’instructrices. » répondit-elle après qu’il n’ait tiqué sur le terme de ludique alors qu’elle s’éloignait légèrement du champ de tir. Elle ne connaissait pas les lieux, après tout, et ne comptait pas s’inviter ici ou là, mais laisser plutôt Liory la guider.

« Quant au côté ludique je parlais de celui de décocher des traits qui sera certainement bien plus agréable que de tendre une corde en boucle pendant une heure. Mais n’hésitez pas à rendre la pause plus ludique selon vos critères. Vous êtes celui qui travaillez, cette pause est avant tout la vôtre. » déclara-t-elle ensuite avec un petit sourire en coin, le regard sur le côté vers le noble afin d’en apprendre un peu plus sur lui selon sa réaction. Elle ne connaissait pas vraiment ses méthodes de divertissement, mais comme beaucoup il avait sûrement un autre loisir que de gérer sa compagnie. Et puisque le tir à l’arc semblait être assez nouveau, il devait bien y en avoir au moins un autre.

Amaryllis laissa toutefois échapper une moue étonnée en entendant parler de son projet. Un dragon n’était clairement pas du petit gibier. Là encore, elle constatait que le noble était du genre à se lancer dans les projets les plus dingues et complexes directement. Tout comme vouloir commencer avec des arcs d’une taille déraisonnable, les bêtes qu’il visait l’étaient tout autant. Déraisonnables.

Néanmoins, elle n’avait pas été payée pour placer des jugements de valeur et cela ne faisait nul doute qu’un tel projet saurait le maintenir occupé pendant un long moment. Néanmoins, c’était un état d’esprit qu’elle appréciait, de vouloir se mesurer aux bêtes les plus dangereuses du monde, c’était certainement courageux. La chasse et les bêtes n’intéressaient pas tellement Amaryllis mais c’était un peu comme se mesurer au plus grand combattant humain du Royaume en duel singulier. Elle pouvait parfaitement en comprendre l’intérêt. Surtout qu’il ne partait pas sans atout, à voir ce qu’il venait de faire à la pointe d’une des flèches. Décidément, l’argenté regorgeait de surprises.

« Ironique? Pas tant que cela. Nombreux sont les nobles appréciant la chasse à courre. Tout le monde possède des loisirs à côté de toutes leurs responsabilités. Sinon, comment se changer les idées? Après tout, être ambitieux dans ses projets n’est pas un défaut, au contraire. » répondit-elle, rentrant elle aussi parfaitement dans cette description tant par l’ambition que par ses loisirs annexes très différents de son rôle et de ses responsabilités. Même si elle n’allait pas avouer ces loisirs annexes en présence de l’argenté - à moins qu’il ne souhaite bien entendu les partager.

Sa question la fit d’ailleurs légèrement grincer des dents. Certains la prenaient pour une hybride, tout simplement, sans savoir que de telles cornes noires reflétant ainsi la lumière du soleil ne venaient pas d’un animal connu. Après tout, peut-être qu’Amaryllis l’ignorait elle-même, mais les premières études avaient bien montré que son “don” n’avait rien d’animal ni de végétal.

« Tous les meilleurs guerriers gardent leurs plus grands secrets. Sinon, ils se retrouveraient vite vaincus. » éluda-t-elle alors la question, préférant botter en touche cette fois-ci. Elle ne s’interdisait pas l’idée de lui présenter les effets de celles-ci, et même si elle n’était pas venue pour cela, l’idée la fit légèrement frissonner. Serait-ce vraiment si mal d’en absorber un petit peu, là, maintenant? Rien que d’y penser réveillait en elle cette sombre envie de s’intoxiquer une fois de plus. Peut-être vaudrait-il mieux changer de sujet rapidement… Mais il ne se contenterait peut-être pas d’une telle réponse.

« Sachez juste que vos capacités rendraient sûrement envieux bien des guerriers. Moi la première. » ajouta-t-elle alors pour reporter la conversation sur lui et ses capacités, lui laissant un petit indice sur le fait que ses cornes n’étaient pas bien utiles en combat. En tant qu’armes improvisées, leur utilisation était désastreuse car un tel coup exposait sa tête, et n’était même pas si surprenante que cela puisque l’on pouvait clairement voir les cornes. Qui n’étaient même pas si solides, en plus.

« Mais j’y vois une symétrie ironique, une drôle d’opposition, entre un noble voulant se rapprocher du monde guerrier, et une combattante qui évolue vers des tâches plus administratives. » déclara-t-elle ensuite, même si l’opposition ne voulait pas ici dire qu’ils ne pourraient pas s’entendre, bien au contraire. Après tout, Braedon, même si beaucoup moins doux et plus direct dans ses propos, avait à l’époque cette même dualité de mondain intéressé par les armes.

Elle joignit ses mains dans son dos tout en marchant, détournant un instant son regard pour parcourir une nouvelle fois les alentours de ses pupilles améthystes. L’endroit était calme, paisible, proche de la Capitale et pourtant semblant tout à fait différent. Loin des intrigues et des complots. C’était un petit peu le bol d’air rafraîchissant qu’elle était venu chercher, et elle n’était pas déçue.

« Je laisse le programme entre vos mains pour cette petite pause, avant que je ne décide de continuer les leçons de tir. » déclara-t-elle simplement, en ayant un peu retrouvé son sourire après que ces quelques idées noires n’aient traversé son esprit. Si elle ne souhaitait pas succomber à ses péchés de suite, elle ne pouvait pas nier qu’elle était tentée.

La comparaison avec une simple chasse était peut-être un peu maladroite. Effectivement, la chasse à courre n’était pas vraiment le genre d’activité la plus honnête. Elle-même détestait ce genre d’escapades lorsqu’elle devait y participer, principalement parce-qu’elle devait défendre des nobles pas dégourdis et pas capables de tenir leur arme correctement, qu’ils n’avaient même pas besoin d’utiliser. Il était certain que la cible de Liory était bien plus prestigieuse, et visiblement associée à des intentions de rendre le Royaume plus sûr. Si les Dragons étaient une menace, ils se tenaient en général loin des frontières du Royaume, fort heureusement. En tout cas, si le Royaume n’était pas prêt, une personne au moins le serait.

La rousse tiqua tout de même à son évocation des plaisirs charnels, même si l’expression pouvait être interprétée différemment elle était tout de même très connotée. Elle pouvait commencer à un peu mieux cerner le personnage suite à ces sous-entendus et ce petit jeu qui s’était mis en place une fois la première leçon passée.

« Je suis bien d’accord avec vous, si une chasse à lieu, c’est bien au chasseur de montrer ses propres talents et non pas de laisser le labeur à ses bêtes. Surtout si la bête ne fait pas le poids. Même si à choisir je préfère largement une joute honorable avec une autre personne que d’aller abattre une bête. Tant qu’elles restent dans leur territoire sans déranger personne. » répondit-elle alors dans un semi-mensonge, tant l’honneur n’importait plus vraiment pour elle. C’était une notion qu’elle avait eu à cœur par le passé mais qui n’avait plus vraiment de sens pour elle désormais. L’honneur ne servait plus à rien en étant mort, même si elle essayait de garder l’illusion d’être toujours une honorable combattante, ce n’était plus vrai.

« Un combat amical entre deux épéistes n’est pas moins agréable qu’une danse pour d’autres. Ce n’est pas un milieu si désagréable que ça, même si se limiter à ce genre d'interactions serait plutôt triste. » rétorqua-t-elle simplement, laissant aussi planer un autre second sens tout en défendant un minimum son art. Il pouvait sembler assez obscur pour bien des nobles, parfois réservés à des brutes, mais les Tylwaen continuaient depuis des générations à cultiver une approche bien plus distinguée de l’escrime.

Elle n’hésita pas à regarder son pouvoir en action, finissant par créer une dague finement ouvragée d’or et d’argent. Une belle pièce, bien que complètement inefficace en combat. L’or était un métal complètement superflu, uniquement prisé pour sa couleur inédite et luxueuse, mais comme Liory le signalait lui-même, pour gérer le papier, l’outil serait prestigieux. Laissant l’objet tourner un instant dans la paume de sa main afin de tester rapidement l’équilibrage, elle reporta ensuite son regard à nouveau vers l’argenté.

« Merci beaucoup, je n’en espérais pas tant. Votre don vous permet de réaliser de bien belles pièces, même si elles ne sont pas forcément adaptées au combat, il n’y a pas que cela qui importe. » le remercia-t-elle alors, tandis qu’elle profitait toujours du cadre en avançant à ses côtés, alors qu’il ouvrit la porte et la laissa entrer elle sourit en voyant deux verres de vins clair qui les attendaient. Le cadre était parfaitement entretenu et digne d’un homme de son rang, cela ne faisait aucun doute.

« Je note que vos projets ne se limitent pas uniquement à un entraînement martial. » déclara-t-elle d’un ton joueur alors qu’elle s’avançait vers la table de réception où trônaient d’ores et déjà les deux verres.

« Les bains seront bien plus agréables une fois l’entraînement du jour terminé, histoire de se détendre après tout le stress musculaire accumulé. Il est peut-être encore un peu tôt pour passer à ce genre d’activités, non? Un petit rafraichissement est le bienvenu, mais n’en abusons pas, il s’agirait de pouvoir toujours tirer droit. » lui indiqua-t-elle tout en s’installant à l’une des places qui étaient préparées pour l’occasion, gardant un minimum de sérieux même si aucune de ces options n’étaient vraiment désagréables. A ce rythme là, elle risquait bien de s’attarder un petit peu plus que prévu chez l’argenté. Sa présence était après tout, agréable, et les installations de l’endroit semblaient l’être tout autant. Elle ne doutait pas du fait que le verre qu’il lui proposait n’était pas des plus médiocres, mais la bouteille dont le précieux liquide provenait échappait encore à son regard pour l’instant.

Saisissant délicatement le verre, elle en huma brièvement les arômes afin de confirmer ses suppositions.

« Comme prévu d’un tel hôte, le rafraichissement a l’air à la hauteur de l’endroit. D’où provient-il exactement? Je suis moi-même friande de ce genre de gâteries. » demanda-t-elle alors tout en examinant ses traits de ses perles améthystes, attendant qu’il soit installé avant de laisser leurs verres s’entrechoquer dans un petit son cristallin.

« A votre maîtrise prochaine de l’art du tir. » trinqua-t-elle alors alors de laisser un filet doré du breuvage se faufiler entre ses lèvres fines. Prenant le temps de savourer le goût tout en reposant délicatement sa coupe, elle laissa le vin exprimer tous ses arômes. S’adossant à nouveau dans son assise, les jambes croisées et avec une posture assez ouverte, elle gardait ses yeux pétillants rivés vers l’argenté, son sourire ne quittant pas ses lèvres.

« Je ne m’attendais pas vraiment à recevoir le traitement d’une invitée de marque, ce n’est pas réellement dans mes habitudes. » déclara-t-elle alors, même si elle ne s’en plaignait clairement pas. Le souci reposait plus dans le doux réconfort de l’alcool et dans le confort d’une telle demeure qui réveillait en elle cette possibilité d’oublier à nouveau ses anciens tracas. Et Amaryllis avait cette intuition que Liory n’utilisait pas ses mots de façon vaine et que certains sous-entendus dissimulaient bien des propositions...

La réception que lui offrait ici Liory était loin de lui être inconnue, elle en avait même eu beaucoup même si rarement du bon côté de la table. Mais elle savait aussi se tenir, même si aux yeux de l’argenté, les entraînements militaires n’étaient peut-être pas ce qu’il croyait. Toujours était-il qu’elle n’allait pas se priver pour savourer ce vin tout comme elle comptait bien savourer ces petites pauses. En tout cas, elle ne regrettait en rien ce petit arrangement.

« Donc si je veux avoir la chance de goûter une nouvelle fois à ce cru, cela ne me laisse qu’une seule solution... » déclara-t-elle avec une légère ironie, un fin sourire aux lèvres. Bien entendu que le vin ne serait pas la seule raison qui la ferait revenir ici. Tant les cristaux que la sympathie du noble, ainsi que le cadre de la demeure fort plaisant, formaient déjà des arguments plus que convaincants pour la rousse. Ce n’était même pas dit que cela serait les seuls.

« Croyez bien que tous les élèves ne sont pas aussi enthousiastes à l’idée d’apprendre ou de pratiquer des exercices. Certains ne se voient simplement pas être archers ou épéistes même si c’est des compétences toujours utiles pour des gardes ou des mercenaires. Vous êtes néanmoins la première personne de marque à bénéficier de mon enseignement. » précisa-t-elle alors, n’ayant pas vraiment peur de montrer le caractère inédit de la situation qui était bien plus flatteur qu’inquiétant. Après tout, elle avait cette intuition qu’il voulait bel et bien obtenir un enseignement militaire standard ou alors un d’aventurier. Mais pas des compétences de parade inutiles, et bien des choses utiles. Même si dans tous les cas la base restait la même, elle orienterait la suite vers d’autres horizons.

« Et puis, nous pouvons discuter de tout. Même si le martial et la stratégie restent ma spécialité, je trouve que tous les sujets sont dignes d’intérêt, même si mes connaissances ne sont pas à la pointe de ceux-ci. Même parler affaires n’est pas hors de question, après tout la Garde a bien besoin d’être équipée. » lança-t-elle simplement, indiquant simplement que le sujet était possible sans pour inciter à s’y attarder. Après, l’argenté semblait déjà bénéficier d’un apport en cristaux plus que suffisant. Certes, Amaryllis ne représentait pas la Garde du royaume, mais elle y travaillait indirectement et son avis pourrait bien peser dans la balance de quelques contrats. Des combines qu’elle n’exposerait pas à moins que l’argenté s’y montre intéressé. Dans tous les cas, pas besoin de prendre des risques inconsidérés pour quelques cristaux en plus ou en moins.

« Je devrais pouvoir vous rendre visite une fois par semaine, mais vous serez libre de pratiquer le tir entre temps tant que vous vous rappelez bien de mes conseils. Les affaires du Royaume sont tout de même chronophages. » répondit-elle alors, même si sa présence serait toujours requise pour corriger certains torts de la pratique de l’arc en solitaire de temps en temps, s'entraîner régulièrement à décocher des traits permettait tant d’entretenir sa musculature et la mémoire musculaire liée à la précision de ses tirs.

« Comme vous vous en doutez, cela dépend de ce que vous entendez par tirer correctement. Par où est-ce-que vous placez la barre. Tout le monde n'apprend pas au même rythme non plus. C’est une question bien plus difficile qu’elle n’en a l’air. Mais pour tirer correctement dans une cible à une vingtaine de mètres, une vingtaine d’heures de pratique devraient faire l’affaire. » répondit-elle alors, terminant cette dernière phrase par une légère gorgée de vin, prenant le temps, avant de reprendre.

« Néanmoins, à longue distance, il faut s’habituer à la chute de la flèche avec la distance, ainsi que l’influence du vent, ou encore à bien connaître le temps de trajet de ses tirs pour pouvoir toucher une cible en mouvement. Il y a toujours à apprendre et à s’améliorer, mais pour le moment, la priorité est simplement de tirer droit sans ces facteurs de difficultés. Avec la répétition des mouvements, et en pouvant faire rapidement et efficacement le même tir, c’est là où on peut commencer à l’adapter pour faire face à tous les scénarios. » continua-t-elle alors à expliquer, afin de lui faire part de ce qu’elle pouvait avoir prévu pour lui pour la suite de l’enseignement. Même si ce n’était clairement pas des notions qu’ils auraient l’opportunité de travailler aujourd’hui.

« Disons que le gros du travail est avant tout que ce soit les muscles, et non le cerveau, qui se rappelle des gestes à effectuer. Ces premières leçons doivent devenir instinctives, avec le temps. » conclut-elle sur un ton un peu plus léger. Le début consistait principalement en l’acquisition de cette mémoire musculaire, et la réflexion se devait bien plus de se concentrer sur ces paramètres avancés, même si eux aussi, avec le temps, pouvaient être ignorés par l’expérience.

Amaryllis ne tarda pas non plus à son tour à terminer le verre, ayant peut-être un peu pris le temps de le savourer que d’habitude. Si les grands crus ne lui étaient pas inconnus, se saouler avec serait bien trop onéreux. Elle visait en général quelques petites catégories en-dessous tout en restant dans des gammes un minimum luxueuses, en général. Même si cela ne l’empêchait pas parfois de déguster des crus exceptionnels.

Liory faisait toujours un hôte et un élève de marque, et même si elle maintenait avec lui un ton très soutenu - question de professionnalisme - elle appréciait leurs discussions. Et aussi où lesdites discussions les menaient.

« Je suppose qu’être obligé d’effectuer des exercices fatigants ne plaît pas à certains, et qu’ils jugent que la pratique de terrain est bien plus utile. Sauf que dans un combat à mort l’on ne dispose rarement de beaucoup d’essais pour s’améliorer... Je ne saurais pas vraiment expliquer leur comportement. » déclara-t-elle, haussant légèrement les épaules. C’était un mystère auquel elle ne pourrait pas vraiment répondre. Enfin, ce n’était pas le cas de tous les élèves, et certains étaient largement assez volontaires pour ignorer cela. Liory en était après tout la preuve.

« Et ne vous inquiétez pas, je ne pense pas que j’aurais pu tomber sur un meilleur élève pour ce premier cours particulier. Même si j’abordais cela avec un peu d’appréhension au départ, je ne me fais plus aucun souci. » précisa-t-elle alors avec un fin sourire aux lèvres en le regardant. Peu importait si ce n’était pas un génie du tir, les élèves désireux d’apprendre et prêts à écouter les conseils de leurs professeurs étaient clairement les plus agréables. Et Liory n’avait pas du tout l’air d’être ce genre de nobles pédants qui se croyaient supérieurs au commun des mortels.

Quant à sa compagnie, elle travaillait déjà en collaboration avec la Garde dans une certaine mesure. Ce qui n’était pas étonnant, même si la chose n’était pas des plus organisées, de ce qu’elle avait pu comprendre. Pas d’équipement standard, pas d’uniformes, chaque garde faisait selon ses compétences et ses préférences en général, ce qui n’aidait pas à établir de contrats durables. Néanmoins il y avait toujours d’autres équipements qui pouvaient être utiles. Amaryllis n’était de tout de façon pas inquiète vis-à-vis du prix de l’expertise de Murmevent : Ce n’était pas vraiment ses économies qu’elle plaçait sur la ligne ici.

« Je pourrais vous tenir informés des nouveaux besoins de la Garde pour d’éventuelles productions plus en masse, même si de telles demandes passeront certainement par l’intermédiaire du Ministère des Armes. Dois-je aussi comprendre que je pourrais faire appel à vous pour la confection d’éventuelles pièces uniques, pour peu que le prix y soit? » demanda-t-elle alors puisque c’était peut-être ce qu’il entendait par ici. Il fallait dire qu’une production pour la Garde contrairement à une production personnelle n’était pas le même genre de projet. Et elle ne doutait pas de la qualité des artisans de la compagnie vu l’arc qu’il comptait utiliser.

« Tirer à plus de cent mètres, donc, mais l’on cherche aussi à toucher une cible de la taille d’un dragon. Et pas un petit cercle de paille. Je dirai qu’un mois de pratique assidu devrait largement suffir. Et même si sur un champ de tir la tâche devient facile, n’oubliez pas que les éléments comme les cibles ne sont pas toujours aussi cléments. » estima-t-elle alors, non sans glisser un petit avertissement à la fin. La chasse tout comme le combat réel n’avaient au final rien à voir avec décocher des traits sur un champ de tir et il y avait de nombreuses façons de compliquer la vie d’un archer. Même si les bêtes n’étaient pas toujours aussi malines, leurs simples prouesses physiques étaient parfois suffisantes pour faire échouer de grands tireurs.

« Ne vous inquiétez pas sur le rythme d’apprentissage, pousser son corps au bout de ses capacités est peut-être un bon moyen de gagner du muscle, mais ce n’est pas le muscle ici que l’on cherche à créer, mais bien la précision, et la mémoire musculaire. Pousser son corps au bout de ses capacités n’est pas toujours si bénéfique que cela pour ce genre d’objectifs. La musculature viendra d’elle-même si la pratique est régulière. » expliqua-t-elle alors, avant de se lever doucement. Après tout l’argenté avait l’air de vouloir continuer ses progrès au plus tôt, et elle n’allait pas se plaindre de la volonté dont il faisait preuve. Même si les cornes de la rousse semblaient vraiment le fasciner, elle était aussi de moins en moins contre lui en parler, surtout si cela impliquait une petite consommation de celles-ci.

« On pourra en reparler une fois l’entraînement terminé, puisqu’elles ont l’air de tant vous fasciner. Histoire de pouvoir se détendre après les efforts de la journée. » glissa-t-elle dans une dernière remarque ambiguë, et une sorte de petite promesse dissimulée. Ou une sorte de récompense une fois les bases apprises et les premiers progrès réalisés. Même si l’argenté semblait parti pour se tuer à la tâche de son apprentissage.

Retrouvant le chemin du champ de tir et de l’air pur de la demeure du noble, elle s’avança à nouveau vers les armes et leurs munitions, les replaçant dans la main du noble afin de continuer la leçon. Comme elle l’avait annoncé, ce serait simplement un tir simple, vers une cible proche. Le temps des tirs à longue distance n’étaient, comme elle l’avait dit précédemment, pas encore arrivé.

« Le tir n’est pas très différent ce qu’on a travaillé jusqu’ici, il suffit de placer l’encoche de la flèche sur la corde entre les deux petites marques, poser le bout sur le petit support au-dessus de la main tenant l’arme, puis effectuer le geste que l’on a travaillé avant. Ne décochez pas le tir de suite, maintenez un peu la position, l’idée étant de rester le plus immobile possible. Essayez d’avoir bien conscience de la position de chaque partie de votre corps, afin d’essayer de voir ce qui cloche si le tir ne part pas exactement au centre. » expliqua-t-elle alors, non pas qu’il toucherait le centre de la cible immédiatement, à moins que la chance ne lui sourisse de temps en temps. C’était aussi pour cela qu’un instructeur était primordial, c’était que même avec une posture incorrecte l’on pouvait avoir la chance de toucher le centre de la cible… Sauf que l’idée était justement que cette prouesse ne soit plus une question de chance, mais une évidence.

Il fallait croire que même en parlant un peu plus professionnellement Liory ne se retint pas d’une petite remarque détournée. Et d’un rire qui fut partagé par une Amaryllis roulant des yeux à cette mention. Une étape essentielle de la confection d’une nouvelle armure, il était bien vrai, mais le ton comme ce petit rire ne laissaient là encore que peu de place au doute.

Néanmoins la priorité pour l’instant restait l’entraînement, puisque c’était après tout ce pour quoi elle avait été embauchée, alors, une fois ses conseils donnés, elle le laissa brièvement se débrouiller, et décocher ses premiers traits. Pas bien fameux, mais elle ne pouvait pas l’en blâmer. Les siens n’avaient guère été mieux à l’époque où elle avait appris.

L’observant, elle avait remarqué effectivement quelques petites erreurs ici ou là, des choses typiques qui partiraient sans souci avec de la pratique. Et peut-être un peu de fatigue aussi. Il fallait dire que vu l’état du champ de tir lorsqu’elle était arrivée, le noble n’avait pas chômé dans ses tentatives.

« Je pourrais presque croire que vous avez fait ça uniquement pour à nouveau sentir mes mains vous guider. » rétorqua-t-elle avec ironie en s’approchant du noble, se plaçant dans son dos alors qu’il était prêt à aligner un nouveau trait. Ce n’était pas le plus facile en tant qu’observateur extérieur de voir les moindres détails dans une posture, alors il allait bien falloir qu’elle s’approche un petit plus.

Elle glissa ses mains sur les hanches de l’argenté, les réalignant légèrement avec la cible. Bougea légèrement son bras gauche, un petit peu ses épaules également. Chaque partie de son corps se retrouva alors aligné avec la cible. Elle était proche, proche au point qu’il pouvait sentir son souffle dans sa nuque et ses formes dans son dos.

« Le plus important au moment du tir est simplement d’ouvrir les doigts tenant la corde, sans bouger. Rien d’autre ne doit changer une fois le trait parti. Se relâcher, uniquement lorsque la flèche touche sa cible. » déclara-t-elle alors à mi-voix, puisqu’elle était toujours juste derrière lui, afin de lui faire garder la posture la plus parfaite possible. Même malgré cela, ce n’était pas dit que le tir soit parfait, mais alors qu’il relâchait la corde, le trait eut le mérite de se planter beaucoup plus près du centre de la cible qu’avant.

« Enfin, ne vous inquiétez pas si les premiers tirs sont catastrophiques. Si le centre de la cible est l’objectif final, il n’est pas forcément la priorité au début de l’apprentissage. Même si ça peut paraître un peu étrange... » le rassura-t-elle alors, s’éloignant d’un petit pas en arrière, le laissant se réadapter aux petits changements qu’elle avait pu effectuer dans sa posture. Il fallait dire qu’elle ne serait pas toujours présente, pressée contre son dos pour corriger sa posture. Peut-être bien à son grand regret.

« Enfin, si cela peut vous aider, je peux décocher quelques traits devant vous, en prenant le temps de répéter les étapes de bases, pour vous donner un meilleur aperçu de la séquence de tir. » proposa-t-elle alors, même si elle l’avait déjà fait rapidement au début avec l’arc de l’argenté, maintenant qu’il avait un peu plus de recul sur la discipline, peut-être y trouverait-il de nouvelles connaissances. S’il n’était pas trop distrait par ses courbes.

Bien évidemment qu’il n’allait pas s’en plaindre, l’inverse aurait surpris Amaryllis. Même si à vrai dire elle était particulièrement douce avec le noble, l’expérience d’un cours particulier l’ayant un peu forcée à redéfinir ses méthodes d’enseignement. D’habitude ses mains étaient bien plus strictes et sèches dans leurs mouvements. Elle ne pouvait pas nier qu’elle en avait elle-même un peu profité.

« Viendra un moment où ce sera plus gênant pour tirer qu’autre chose d’avoir quelqu’un collé à soi. Plus gênant, mais pas forcément moins agréable. » répondit-elle alors à sa remarque qui était déjà un peu taquine, n’étant pas en reste non plus de son côté avec les remarques et les sous-entendus. Enfin, surtout que le tir à l’arc n’était vraiment pas l’activité idéale pour ce genre de choses.

Reprenant son arc en main, quelques traits dans l’autre, elle entreprit alors de lui offrir cette petite démonstration académique, dont il essaya de ne pas trop profiter d’ailleurs. Plutôt que de décocher des traits plus rapidement comme elle avait l’habitude de faire, elle prit le temps d’enchaîner les diverses étapes de la posture plus distinctement et lentement, tout en la tenant quelques secondes. A cette distance, avec l’arc qu’elle avait toujours utilisé ces dernières années, c’était un peu un jeu d’enfant et le premier trait se planta en plein centre.

Elle répéta l’opération deux fois de plus, avec un poil moins de réussite même si tous les traits étaient proches du centre, ils étaient toujours bien groupés, et le principe n’était de tout de façon pas de se vanter de ses compétences mais bien de montrer la façon de faire les choses. Même si ses traits auraient été pitoyables, tant qu’il en tirait les bonnes informations, c’était le principal.

« Mais puisque toute bonne chose à une fin, le temps est à nouveau revenu de poser le regard sur la cible. » déclara-t-elle alors tout en tendant à nouveau son arc au noble, avant de prendre le temps d’aller récupérer les quelques traits histoire de retrouver un stock de flèches. Après tout, il s’agissait encore qu’il puisse mettre en pratique ce qu’il venait d’observer. Mais vu la fatigue de l’argenté, elle ne pensait pas spécialement prolonger l’entraînement bien plus longtemps. Encore quelques traits, vérifier que les bases étaient bien là, et puis la leçon pourrait alors arriver à sa fin.

« Et la leçon pourra ensuite arriver à sa fin, n’oubliez pas de ne pas trop forcer non plus lors de vos entraînements futurs. Il est intéressant de rechercher ses limites, mais vouloir les dépasser sans les connaître ou sans y être préparé n’amène en général rien de bon. » ajouta-t-elle alors encore avec une petite dose de sérieux, avant de doucement prendre un petit moment tranquille pour observer le calme des alentours, s’étirant légèrement. Ce genre de résidence secondaire ne lui ferait pas de mal, à l’occasion. Elle n’avait pas encore particulièrement les moyens d’en faire l’acquisition mais cela ne saurait trop tarder. Pour le moment, elle préférait la proximité au Palais et aux autres grandes instances de la Capitale, et des autres lieux de fête.

Néanmoins, repasser se ressourcer dans ce petit écrin de verdure et de calme n’était clairement pas une mauvaise idée pour Amaryllis. Puisque demain elle retournerait certainement compléter quelques dossiers avec sa fidèle plume. Peut-être qu’une scribouilleuse lui simplifierait d’ailleurs bien la vie.

Mais il valait mieux ne pas penser à ce genre de choses pour le moment, mais plutôt se concentrer sur la façon de tirer du noble. Après tout, elle était payée pour cela, et pas pour penser à d’autres choses. Même si laisser la discussion dévier était toujours un plaisir avec Liory. Elle aurait tout le temps de faire cela une fois cette petite session terminée.

Si Amaryllis souhaitait préparer son départ et récupérer son arme, il fallait aussi rapidement que l’argenté s’habitue à son nouvel arc. L’occasion pour elle de constater la confection de la pièce et son efficacité au combat. Et en effet, un arc si particulier nécessitait aussi une installation toute particulière, tant la cible finit rapidement par en pâtir. Surtout à courte portée.

La rousse n’était pas trop inquiète sur le fait que Liory trouvera facilement l’expertise nécessaire pour construire un champ de tir parfaitement adapté à son arme. Et de tout de façon, elle était guerrière, pas maçon, alors elle comptait laisser cette tâche aux associés du noble. De son côté, elle était restée avec de l’équipement classique pour l’instant et ne voyait pas particulièrement de raisons d’en changer vu ses activités dernièrement, qui n’avaient plus rien de martial.

« Il est vrai que le tir à l’arc est souvent considéré comme peu fatiguant par beaucoup de personnes. Principalement des personnes n’ayant jamais réellement tiré à l’arc. Sûrement parce-que l’apprentissage est assez différent de celui de l’escrime, par exemple. » déclara-t-elle, histoire de conclure la session d’entraînement sur un ton un peu léger. Pas de conseils en plus à donner, elle l’avait déjà assommé de bien assez d’informations ainsi et n’avait clairement pas besoin de continuer. D’autres viendront peut-être lors de son prochain passage. Même si ce n’était pas vraiment elle qui était particulièrement fatiguée.

« Une petite visite de l’endroit me tente bien, par contre. » déclara-t-elle ensuite, un petit sourire sur les lèvres. Elle n’allait pas refuser cela puisqu’elle avait, après tout, vu très peu de choses de cette demeure à part peut-être le salon de réception. Y avait-il d’autres pièces vouées à cet effet ou bien le reste était-il majoritairement un lieu de vie pour l’argenté?

« Quelles sont les préconisations du maître de maison pour l’agréable? Vous aviez parlé des bains et après un entraînement c’est toujours un moment particulièrement agréable. A moins que vous n’aviez une autre idée? » déclara-t-elle alors, même si elle n’avait pas encore visité la pièce, c’était en général une activité pour le moins normale après un effort. Même si ce n’était pas dit que tout se passe de façon très normale là bas. Après tout, elle n’avait pas non plus oublié sa promesse précédente.

« Ou bien pour virer sur une ambiance un peu plus agréable je peux toujours vous tenir au courant de ce petit secret comme convenu. Après tout, elles peuvent aussi aider à se relaxer, d’une certaine façon. » commença-t-elle à révéler en désignant ses cornes, même si elle n’allait pas en révéler chaque petit aspect dès le début. Une consommation unique n’était pas particulièrement dangereuse, et donc elle pouvait lui en faire découvrir les effets aujourd’hui. Mais elle l’en tiendrait informé une potentielle prochaine fois.

Enfin, le noble semblait particulièrement disposé à passer vers un échange plus agréable. Amaryllis n’était clairement pas contre, et, même si cette consommation annexe était loin d’être obligatoire, cela pourrait tout de même l’intéresser. Mais à voir déjà comment il réagissait à cette première nouvelle. C’était ce qu’elle se demandait alors que ses pupilles violettes trouvaient le regard azuré du noble.