Il était à peine quinze heure lorsqu'il avait regagné le chemin de sa demeure. Un petit manoir dans le quartier résidentiel de la ville. Sa demeure n'était pas petite, mais n'avait rien d'opulente en comparaisons avec les grands domaines de certaines riches familles. Il n'avait pas eue la prétention de la faire agrandir. A vrai dire, il se fichait pas mal de la taille de sa maison. Il n'en faisait pas grand cas. Et pour quelqu'un qui avait fait le choix de ne pas embaucher de domestique, c'était probablement bien suffisant. Sans compter sur le fait qu'il y vivait seul depuis que sa précédente compagne lui avait faussé compagnie.
Peu importe. Il poussa la porte d'entrée de son épaule droite tout en actionnant la poignée de sa mains. son bras gauche, en écharpe, trahissait une blessure encore non guérie. Le voyage vers sa future forge s'était révélé sans encombre. Mais le retour avait été un peu plus semée d'embuches. Il avait eu le malheur de tomber sur des brigands qui avaient réussis à le blesser d'une flèche dans l'épaule gauche. Il se remettait doucement de la blessure. Ce qui ne l'empêchait pas de travailler puisqu'il n'œuvrait plus lui même à la forge. Ou en tout cas, en de rares occasions.
Ce jour là, il avait rendez vous. Entrant dans le vaste hall d'entrée au centre duquel trônait un large escalier de marbre, il bifurqua à droite, en direction de la cuisine, faisant chauffer de l'eau dans le but de se faire une infusion. Il attendait la visite de deux aventurières. Sofia Nox, qu'il connaissait déjà puisqu'il avait eu l'occasion de forger pour elle. Il la voyait de temps à autres pour un entretien. Quand à la seconde personne, il ne la connaissait pas. Peu lui importait. Elles avaient toutes deux accepté de se lancer à la recherche de deux lames que Nivan avait eu l'occasion de forger sur demande d'un noble joaillier autrefois connu sous le nom de Ruphus McPhergus. Nivan ne l'avait vu que deux fois. Il avait appris il y a peu, que son bateau avait fait naufrage, et qu'il y aurait trouvé la mort. Les lames, elles, demeuraient perdues. Il espérait pouvoir les récupérer. Au risque de paraître matérialiste.
Un peu paumée dans mon coin, à siroter ma bière, je regardai l'ensemble des présents. Comme toujours, il y avait un peu de mouvement à coté du tableau d'affichage, les groupes se formaient plus ou moins aléatoirement, selon les affinités, selon les quêtes que chacun choisissaient. D'aussi loin que je pouvais m'en souvenir, il ne me semblait pas avoir de partenaire "fixe". Je partais un peu au pif, je prenais des quêtes qui m'intéressaient et qui me permettaient de voir du paysage. Car en plus de l'argent, j'aimais voyager. Autant mêler l'utile à l'agréable. Un aventurier vint s'installer à ma table. Un "copain" de classe, pouvait-on dire. Le genre de camarade qu'on ne côtoyait qu'ici, sans aller plus loin dans le privé.
"Ah, Soso ! Tu tombes bien toi." Fit-il.
"J'essaie toujours de mettre les mains en avant en général, oui."
... ... Je le regardai. Il me regarda. Silence. Blanc.
"Y'a une fille avec qui tu devrais partir. Quand j'l'ai vu.. paf ! Il frappa doucement la paume de sa main avec son poing. J'me suis dit : Elle, elle va bien s'entendre avec Sofia."
Je le regardai, d'un air intéressé, l'invitant à poursuivre.
"Ah, et pourquoi ?"
"Un glaçon aux cheveux blancs avec... Un humour douteux. Voir quasi inexistant."
"Putain, t'es sympa toi." Répondis-je, ironiquement.
"Ouais, mais l'truc..."
Le truc... ? Rah, il me faisait languir, le cochon ! Je buvais à ma bière, pour faire genre d'être totalement désintéressée. Mais en réalité, non. J'aimais bien quand ce type venait me voir, il me filait souvent des bons tuyaux.
"J'ai entendu qu'elle est aussi forgeronne." Déclara-t-il, enfin.
Oh ? Alors là, oui. Pour le coup, ça m'intéressait. Du pouce, il me désigna ladite aventurière qui traînait, elle aussi, non loin du tableau d'affichage. Je terminai ma boisson et me levai pour aller la rejoindre. Je suivis son regard pour voir la demande qu'elle était en train de lire. Je haussai les sourcils lorsque je vis qu'il s'agissait d'une demande de Nivan. Quel hasard ! C'était le forgeron qui avait conçu Atropos, mon katana. Et c'était sûrement ce qui devait attirer cette femme, qui semblait elle aussi être forgeronne. C'était décidé, j'allais partir avec elle.
"Ah... Nivan. Il tient surement la meilleure forge du Royaume. C'est chez lui que j'vais pour faire entretenir mon matériel."
Doucement, je récupérai le parchemin pour le lire de plus près. L'objectif était, visiblement, d'aller récupérer des dagues qu'il avait forgé. Quelqu'un les avait perdues et seraient, à priori, non loin d'une épave d'un navire. Une sortie en pleine mer, donc ? Ca allait être une première pour moi, une bonne occasion à saisir. Sans attendre, je proposai à cette femme de faire équipe et d'obtenir un rendez-vous avec Nivan. C'était plutôt rare les fois où j'étais aussi enthousiaste pour partir en mission. Pas mal de nouveautés, une nouvelle partenaire -probablement éphémère- et, surtout, un moyen de rendre service à un type que j'appréciais pas mal. Sans oublier les cristaux qui allaient avec, évidemment.
J'obtins rapidement ce fameux rendez-vous avec le forgeron. Les dagues semblaient être importantes pour lui, ils voulait monter une expédition pour aller les récupérer. Accompagnée de l'aventurière, je pris le chemin vers la demeure du noble. Comparée aux autres, elle n'était pas très grande. Et, honnêtement, je préférais ça. A quoi ça pouvait bien servir de vivre dans un machin tellement grand qu'il fallait une carte pour se repérer ? Et quel intérêt de vivre dans une maison où la moitié des pièces ne servaient probablement quasi-jamais ?
"Sofia. Me présentai-je, simplement. On va essayer de régler ça rapidement."
Je la regardai, sérieuse et confiante, avant de l'inviter à entrer la première. Nous étions attendues, j'espérais simplement ne pas avoir à attendre pendant des plombes avant de pouvoir partir. Ce fut d'ailleurs le noble lui-même qui vint nous ouvrir, le bras en écharpe. Je ne fis pas plus attention que ça à ce détail, je me contentai de le saluer et d'entrer en refermant derrière moi.
Une mission finie par attirer mon attention. Un forgeron souhaitant récupérer ses créations perdues suite au décès de leur propriétaire. Je compatis beaucoup à cette situation et j'ai envie de prendre cette mission. Mais le même problème revient : faire cette mission seule ne sera pas possible. Je dois me trouver au moins un autre compagnon de voyage. Enfin, cela jusqu'à ce qu'une voix féminine à côté de moi me parle de Nivan, la personne ayant déposée la mission que je regarde. La personne se trouve de mon côté aveugle, je ne l'ai donc pas vu arrivée.
Je me tourne alors vers cette personne alors qu'elle prend le parchemin de cette mission. C'est une femme plus âgée de moi, mais ne dépassant pas la trentaine. Une aventurière plus expérimentée donc... Je m'apprête donc à lui laisser cette mission à elle et son équipe quand elle me propose de faire équipe et de prendre rendez-vous avec le commanditaire.
« Avec moi ? »
Elle répond par l'affirmative, ce qui me surprend un peu, mais je finis par accepter. Elle m'indique qu'elle s'occupe de prendre rendez-vous avec Nivan. Alors qu'elle part s'occuper de réserver la mission, je l'observe un peu plus. Ses cheveux sont aussi blancs que les miens, mais coupés courts. Elle porte un bandeau sur ses yeux, mais ne semblent pas aveugle. Elle semble assez entreprenante et pleine de vie, ou en tout cas bien plus que moi. Nos gabarits sont similaires, même si elle est plus âgée et plus musclée.
On obtient notre rendez-vous rapidement et on se dirige ensemble vers la demeure du noble. Je m'occupe peu de l'apparence extérieure de la demeure, tout semble entretenu et en bon état, signe que le propriétaire est suffisamment fortuné pour entretenir les lieux, et donc de nous payer. J'ai plus envie d'en apprendre sur lui et ses qualités de forgeron, mais cela m'étonnerait que l'on aborde le sujet.
La femme qui m'accompagne finit par se présenter avant de m'inviter à entrer. J'attends d'être avec notre commanditaire pour me présenter.
« Sia Zmeï. »
Rien de plus, si le noble nous a accepté pour sa demande, c'est que j'estime que les informations nous concernant lui suffise. Quant à ma partenaire d'aventure, nous aurons certainement plus le temps faire connaissance plus tard.
C'est en partageant une tasse de thé rapide autour de la table de la cuisine qu'il évoqua les détails de se demande avec les deux jeunes femmes. "Bienvenue à vous deux. Merci d'avoir accepté de prendre part à cette quête". Indiqua t'il de sa voix grave, et sans timbre. Comme à son habitude, il ne transpirait pas la sympathie. Il n'avait jamais été très expressif. Ceux qui le connaissent de s'en offusque plus. "De toute évidence, je ne pouvait pas m'en charger moi même". Reprit-il d'un air entendu. Sans que l'on ne sache s'il faisait référence à son bras blessé, ou tout simplement à ses affaires. Ou encore au fait que son niveau de bretteur ne le lui permettait pas non plus. "Comme dit dans la note, je recherche deux dagues siamoises ayant appartenu à Monsieur McPhergus". Résuma t-il brièvement sans trop entrer dans les détails. "Vous ne pourrez pas vous tromper, elles sont unique".
Ni lui, ni elles n'avaient de temps à perdre. "Je ne sais pas si elles ont été laissées à Grand port avant qu'il ne prenne la mer, ou s'il les avait avec lui lorsque son navire a coulé". Reprit-il histoire de compléter un peu les informations dont les jeunes femmes auraient besoin. "D'ailleurs, peut-être s'est il seulement échoué. Les informations dont je dispose ne sont pas claire sur le sujet". Portant sa tasse à ses lèvres, il observa sans aucune gène les deux aventurière. Sans conclure quoi que ce soit. Il ne les jugeait pas. Observer était un simple reflex chez lui. C'est ce que font les gens qui n'ont pas l'habitude de prendre la parole. Mais en l’occurrence, c'était à lui de s'exprimer. "Vous devriez commencer vos recherche prêt de la côte. Les marins parlent beaucoup de ce qu'il se passe en mer." Reprit-il simplement, cherchant dans sa mémoire tous les éléments susceptible de les aider. "Mais prenez garde, on dit que des pirates sévissent dans la région des Archipels. Peut-être on ils déjà pillé le navire". Acheva t-il avant de terminer sa tasse d'un trait. Il se leva. Posant sa large main sur la table lui faisant face. Laissant le soin aux deux jeunes femmes de poser les dernières questions, ou d'estimer en savoir assez pour prendre la route.
"Comme dit dans la note, je recherche deux dagues siamoises ayant appartenu à Monsieur McPhergus. Vous ne pourrez pas vous tromper, elles sont unique" Précisa-t-il.
De toute façon, je pourrais facilement reconnaître une arme forgée par Nivan, tant celles-ci étaient d'une qualité incroyable. Atropos en était témoin. J'apportai la tasse de thé à mes lèvres, pour siroter lentement. C'était trop chaud son truc là ! Rien ne valait les bières, de toute façon. Aucun risque de se cramer la gueule en voulant boire.
"Je ne sais pas si elles ont été laissées à Grand port avant qu'il ne prenne la mer, ou s'il les avait avec lui lorsque son navire a coulé" reprit-il.
Bon, si on avait juste à aller à Grand Port pour les retrouver, ça serait pas mal. Mais forcément, on allait devoir chercher ailleurs sinon ça serait trop facile. S'il avait les dagues sur lui et si le navire avait, en effet, coulé, ça risquait de pas mal compliquer les choses.
"D'ailleurs, peut-être s'est il seulement échoué. Les informations dont je dispose ne sont pas claire sur le sujet"
Un navire échoué était une mine d'or pour les pilleurs, bandits et autres pirates. Et ouais, je préférais carrément cette option. Trouver un navire échoué plutôt qu'au fond de l'eau, c'était plus simple. Mais si, en plus, on pouvait casser la gueule à quelques hommes au passage, c'était tout bénéf'. On allait d'abord devoir enquêter un minimum pour savoir où ce navire pouvait se trouver.
"Vous devriez commencer vos recherche prêt de la côte. Les marins parlent beaucoup de ce qu'il se passe en mer" Conseilla Nivan.
Je hochai la tête une fois. Il pouvait être certain que j'allais suivre ce conseil. Le plus inquiétant, c'était de savoir comment on pourrait arriver jusqu'à ce navire... Vu qu'on en avait pas nous-même. Bah, j'aimais bien improviser; parfois. On allait forcément trouver une solution, un pêcheur qui voudrait bien nous guider, un navire en partance pour l'Archipels...
"Mais prenez garde, on dit que des pirates sévissent dans la région des Archipels. Peut-être on ils déjà pillé le navire"
Un large sourire se dessina sur mes lèvres, excitée à l'idée d'affronter un groupe de pirates. Nivan termina son thé d'une traite, je fis de même, prête à partir. Je regardai Sia un instant, qui restait silencieuse. J'en conclus qu'elle avait, elle aussi, toutes les informations dont elle avait besoin.
"On s'en occupe." Déclarai-je simplement.
Je me dirigeai vers la sortie et saluai le forgeron.
"Merci pour le thé."
Une fois à l'extérieur, je ne perdis pas de temps et proposai à Sia de nous rendre vers le Port pour démarrer nos recherches. Un navire, échoué ou coulé quelque part, un type qui répondait au nom de McPhergus, des dagues jumelles uniques...Quelqu'un aurait forcément des informations. Un registre avec le nom des navires qui quittaient le port, avec leur destination peut-être. Pour commencer, direction le marché de la Capitale, où de nombreux marchands étaient toujours prêt à prendre la route vers le port. Plutôt classique comme façon de faire, mais on pouvait souvent négocier des places dans une voiture pour se rendre sur les lieux plus rapidement.
Nous nous dirigeons vers la sortie. Sofia prend rapidement les devants. Pouvoir me reposer sur une aventurière plus expérimentée m'aide beaucoup. Je hoche simplement la tête à ses propositions. Nous allons donc nous rendre au Port pour commencer. Nous allons donc devoir prévoir plusieurs jours de voyage. Elle propose aussi de rejoindre le marché de la Capitale pour trouver des marchands à accompagner. Une bonne idée à laquelle je n'aurai pas pensée.
Je la laisse ouvrir la marche et la suit silencieusement. Après un peu de marche, nous arrivons au marché. L'ambiance est à son comble, comme d'habitude. J'observe un peu les lieux. Une marchande vend des légumes dans un coin en criant pour attirer les passants, un autre vend sont poisson dont il vente la fraicheur, ou encore un boucher mettant en avant la belle couleur de sa viande. Au milieu de tout cela, les passants se bousculent un peu pour aller et venir aux différents stands les intéressant. Une mère de famille cherchant les ingrédients pour le repas du soir, un marchand cherchant un nouveau fournisseur de produits frais ou même un aventurier faisant ses provisions avant de partir en mission. En plus des bruits, les odeurs se mélangent aussi. Je sens la bonne odeur d'un poulet rôtissant à côté de l'étal du boucher, l'odeur des fruits frais, ou encore l'odeur du poisson frais.
Finalement, je me dis que nous devrions aussi faire quelques provisions. J'interpelle Sofia pour qu'on se répartisse les tâches. Elle part donc nous trouver un marchand se rendant au Grand Port et qui accepterait deux aventurières. De mon côté, je pars acheter nourriture et équipements utiles. Je commence par me rendre dans une boutique au choix d'objets assez variés. L'endroit n'est pas des plus accueillant, la boutique est assez sombre avec plusieurs étagères vides et poussiéreuses. Les murs en pierre grise donne une impression de froid ambiant. Le parquet en bois sombre est gondolé à plusieurs endroits. Des pièces d'équipement sont entassées dans un coin de la boutique. Différentes conserves sont disposées sur les étagères les plus solides. Il y a également plusieurs livres abimés rangés sur une petite bibliothèque poussiéreuse. En revanche, plusieurs objets du quotidien sont mis en avant et disposés dans la partie la plus accueillante de la boutique. Des savons et des linges sont mis en avant pour les mères de famille aux côtés de sucreries pour les enfants. Des livres imagés sont aussi présents et entrouverts pour attiser la curiosité. Sur les étagères les plus neuves, on retrouve quelques bijoux peu chers ainsi que des broderies plutôt soignées.
Je me promène entre les rayonnages, cherchant ce qu'il me faut. Je récupère plusieurs objets pouvant servir à entretenir des armes. J'ai vu que Sofia porte des épées. Je suppose qu'elle a le nécessaire, mais notre voyage s'annonce long et l'eau de la mer peut rapidement abimer une bonne lame. Je récupère aussi de quoi réparer et entretenir du cuir. J'hésite un instant à prendre de quoi camper, mais préfère ne pas me charger pour le moment. Nous pourrons toujours nous réapprovisionner au Grand Port. Je vais payer pour ensuite retourner au marché.
Je me fais la liste mentale de ce dont nous avons besoin. Je me rends donc aux stands dont j'ai l'habitude. Quand le boucher me voit arriver, il m'accueille avec une poignée de mains enthousiaste. Je lui prends de la viande séchée pour notre voyage jusqu'à Grand Port. Je continue ensuite avec quelques fruits secs, des biscuits et des herbes séchées. Enfin je termine par la vendeuse de fruits et légumes. Son étalage est impressionnant et je prends le temps de le détailler. Les fruits frais du jour sont regroupés et mis en avant. On y retrouve quelques pommes encore vertes et les premières fraises de la saison. Les légumes sont plus nombreux avec des couleurs plus variées au vu de la saison. Les pommes de terre sont les plus présentes en ce début de saison douce.
J'arrête de rêvasser et me décide. Sofia doit m'attendre et je ne veux pas la faire patienter plus longtemps. Je commence par prendre quelques pommes que nous pourrons manger même en marchant. J'hésite ensuite sur les légumes. J'ai surtout peur de ne pas avoir l'occasion de les cuisiner. Je suis en train de réfléchir en tenant un légume ressemblant à une grosse courgette quand une voix féminine venant de derrière moi me fait sursauter.
Je n'étais pas une grande cuisinière et je ne voulais clairement pas m'encombrer avec des casseroles et autres conneries conneries. Inutile de vouloir faire la fine bouche, une fois en mission. De la viande séchée ferait très bien l'affaire, avec quelques légumes en bocaux facile à conserver et c'était largement suffisant. J'en pris largement assez, de toute façon tout pouvez rentrer facilement dans mon sac sans fond. Et comme je prenais une grosse quantité, j'eus droit à une petite réduction. Fin prête, il ne me restait plus qu'à trouver un moyen de nous rendre au grand port rapidement. Les allers et venus étaient fréquentes, surtout quand il s'agissait du Grand Port.
Il ne fut pas compliqué de trouver une caravane de marchand voulant se rendre vers le sud. Mon argument pour négocier une place dans le convoie était simple : Notre protection contre un voyage. Ca rassurait toujours les marchands, d'avoir des bras armés avec eux. Prête à partir, je partis rejoindre Sia qui semblait faire elle aussi des provisions, chez un maraîcher qui vendait les légumes qu'il venait de récolter. Elle tenait dans ses mains une belle et grosse courgette. Pas le meilleur légume à emporter, il allait rapidement pourrir, comme il n'était pas conservé en marinade, dans un bocal.
"T'as tout c'qu'il te faut ?"
Je regardai sa courgette, amusée.
"A moins qu'tu comptes t'en servir pour autre chose, il faudra vite la cuisiner, ta courgette."
Pas certaine qu'elle allait comprendre, vu son jeune âge. Elle devait être comme Lyle, une pucelle encore pure et innocente. Je lui annonçai que j'avais trouvé un moyen de transport qui n'attendait que nous pour partir. Sans davantage de discussion, je conduisis Sia jusqu'à la caravane pour entrer dedans. Bonne nouvelle : Nous n'étions pas les seules pressées, le marchand devrait livrer sa marchandise au plus vite car un navire attendait d'être chargé pour se rendre vers l'Archipel. Ce qui ne tomba pas dans l'oreille d'une sourde. Pourquoi ne pas faire d'une pierre deux coups et en profiter, si besoin, de prendre ce navire ? Être débrouillarde, c'était rigolo deux minutes mais ça commencer à me faire chier. Une fois cette mission terminée, j'irais fissa m'acheter un passe pour accéder aux portails de téléportations. J'allais gagner vraiment beaucoup de temps, de quoi pouvoir retourner auprès de ma belle plus rapidement.
Le voyage jusqu'au port se fit sans accroche et, surtout, dans le calme. Ca faisait un bien fou, d'avoir enfin un compagnon de route silencieux. Arrivées au port, je descendis de la caravane . L'odeur de poisson me retourna aussitôt l'estomac, même en voulant paraître impassible, il fut difficile de camoufler cette gêne. Le bateau qui devait partir vers l'Archipel n'était pas prêt de partir, le temps de se faire charger, nous avions encore un peu de temps pour démarrer notre enquête. Je proposai à Sia de m'accompagner vers l'accueil du Port, qui devait surement tenir un registre et savoir où le navire aurait pu s'échouer. Le nom de McPhergus ne fut en effet pas inconnu au type en face de moi. Il faisait en effet partie des occupants du navire qui avait disparue.
Impossible pour lui de me dire où exactement, mais il faisait route vers l'Archipel. Apparemment il ne serait jamais arrivé à bon port et aurait coulé quelque part entre le Grand Port et sa destination. Au moins, on savait déjà à peu prêt où chercher. Il y avait de nombreuses îles dans cette région, le navire pourrait se trouver n'importe où. Je regardai Sia, pour savoir si elle encore des choses à faire ici. Le navire marchand avait un départ prévu pour dans deux heures encore.
« Presque. »
Je finis par demander des petits bocaux de plats cuisiner. La vendeuse va me chercher ce qu'il me faut et je la paye. Je mets le tout dans mon sac qui commence à peser son poids. Quand j'aurais économisé un peu d'argent, il faudra que j'envisage de m'acheter un sac sans fond, une thermos magique ou encore une gourde fontaine. Ce genre d'objets magiques sont bien pratiques pour partir à l'aventure. Je suis Sofia qui a trouvé des marchands qui acceptent de nous mener au port en échange de protection.
Le voyage est long. Horriblement long. En plus le voyage en caravane n'est pas des plus agréables. J'ai les fesses douloureuses quand on arrive enfin au port. Il faudra aussi que je me fournisse un pass de téléportation pour éviter ce genre de choses à l'avenir. Au moins la voyage, c'était déroulé sans problème et Sofia n'était pas une personne désagréable. Nous n'avons presque pas parlé durant le voyage, mais au moins j'avais déjà pu l'observer. L'odeur de la mer changeait beaucoup de celle de la Capitale. Ici on sentait le grand air, l'odeur du sel et des poissons. Bien différent des odeurs d'égouts et de crottins de la ville. Toutefois, être dans la forge commençait déjà à me manquer. Sofia semblait aussi vouloir terminer cette mission rapidement.
Ma compagne me propose ensuite de l'accompagner à l'accueil du port. On arrive à trouver assez facilement le nom de notre cible qui faisait partie de l'équipage du bateau disparu. Tout ceci semble indiquer que nous allons devoir prendre la mer, pas moyen d'y échapper. Le bateau en question se dirigeait vers l'Archipel, ce qui est vraiment vague... Au moins, on avait un voyage en bateau de déjà prévu et on avait plus qu'à embarquer et attendre le départ. Je propose donc à Sofia d'embarquer et d'attendre le départ tranquillement. Nous avions encore chacune des provisions suffisantes.
Une fois à bord on nous demande de nous mettre dans un coin pour ne pas déranger l'équipage qui prépare le départ. Je vais m'installer sur le pont dans un coin au soleil et sort mes lames ainsi que mon matériel pour les entretenir. Je commence par aiguiser la première lame quand Sofia me rejoint. Je sens son regard qui m'observe et lève le regard vers elle.
« Tu veux aussi que je m'occupe de tes lames ? J'ai pris une pâte protectrice pour éviter que le sel n'abime le métal. »
Je continue mon travail d'aiguisage en attendant sa réponse. Quand ma lame semble bien aiguiser, je sors un morceau de cuir et un petit flacon contenant de la pâte similaire à de la vaseline. Je l'applique sur le tranchant et vient ensuite frotter la lame contre le cuir. Quand je ne vois plus de paquet de pâte, je teste le tranchant qui semble bien aiguisé. En dernier test je prends un de mes cheveux que je tranche doucement dans la longueur. Impeccable.
Au port, Sia se montra toujours aussi silencieuse, elle se contenta de me suivre, de m'observer, de m'écouter. Sur le coup, j'avais l'impression qu'elle était comme... une disciple, une élève. Et je l'appréciais assez, pour le moment, pour daigner perdre mon temps pour lui enseigner ce que je savais, après ces 12 années de débrouillardises. Je ne voulais pas paraître prétentieuse, loin de là. Mais elle était encore jeune. J'avais beaucoup de choses à apprendre, mais j'avais déjà de quoi enseigner aussi. Et, quelque part, peut-être que j'avais envie de prendre Sia sous mon aile. Peut-être, quelque part, je voulais profiter de cette mission pour lui apprendre ce que je savais. Des choses qu'elle pourrait utiliser plus tard et ne pas mourir bêtement.
Elle proposa de monter à bord du navire. Comme nous étions déjà prête, je ne voyais aucune raison d'attendre davantage dans ce Port puant. Le Capitaine nous demanda de ne pas déranger l'équipage. A croire que des marins allaient pouvoir se montrer distrait par la présence de deux femmes sur le pont ? Si ce n'était que ça, il pourrait s'entourer de plein de Lyle, tous puceaux et ignares des choses de l'amour et du plaisir de la chaire. Amusée, je rejoignis Sia, à l'écart de tout ces mâles, pour la regarder entretenir son matériel.
« Tu veux aussi que je m'occupe de tes lames ? J'ai pris une pâte protectrice pour éviter que le sel n'abime le métal. » Demanda-t-elle.
Je m'installai à coté d'elle, assise sur mes genoux, fesses sur les talons. j'avais presque oublié ce détail : Elle était forgeronne. Donc l'entretien, elle devait s'y connaître un peu mieux que moi. J'avais aussi pris du matériel pour entretenir mes armes. Mais je n'allais pas refuser l'aide d'une professionnelle. Il fallait remettre l'Eglise au milieu du village, comme on disait. Lentement, je dégainai Atropos, mon Katana. Je fis de même pour Clotho et Lachésis, les katana jumeaux de mes ombres.
"Avec plaisir, oui. Je te remercie."
Je n'aimais pas spécialement voir quelqu'un d'autre toucher à mon arme. De toute façon, j'étais juste à coté pour surveiller. Peut-être qu'elle allait remarquer, elle aussi, qu'Atropos était un katana particulièrement grand, pas conçu pour quelqu'un de petite comme moi. Mais tout était parfait : L'alliage, l'équilibre, la souplesse du métal. Je gardai un œil sur la mer, pas franchement à l'aise sur un navire. Mon estomac se noua de temps à autre. J'avais hâte de descendre. Nous ferons escale au prochain port, de ce que j'avais compris. C'était ici qu'on allait descendre pour entamer nos recherches.
"On en aura pour un petit moment, jusqu'au prochain arrêt. Mais le navire qu'on cherche sera dans ses eaux là. Sur place, les locaux pourront probablement nous aider plus précisément. Si un navire a coulé proche des îles, ils le seront. On trouvera bien un pêcheur pour nous guider proche de l'épave..."
Mon regard se perdit sur l'équipage qui astiquait le pont, qui hisser des voiles, qui faisait des trucs de marins, quoi. J'étais pas vraiment une experte maritime. Du moment qu'aucun d'eux ne venaient ici pour essayer je ne savais quoi avec nous, tout allait bien se passer. Sinon, il se pourrait très bien qu'un "accident" ferait qu'un ou deux marins passeraient par dessus bord. s'il y avait bien une chose dont j'avais horreur, c'était les gros lourds plein de sous-entendus qui voyaient les femmes comme de simple bout de chair bonne qu'à vider ce qu'ils avaient entre les jambes. Et les marins, à force de trainer en mer, ils avaient cette fâcheuse réputation.
Je m'étire un peu pour dérouiller un peu mes muscles. J'observe l'équipage qui s'active un peu partout sur le pont. Le capitaine à la barre beugle ses ordres et les matelots s'exécutent. Tout ce beau monde est concentré sur sa tâche. Tous, sauf deux matelots, plus jeunes que les autres. Ils discutent dans un coin en lançant des regards en direction de Sofia et moi. Ce regard, je le connais pour l'avoir vu plusieurs fois affichés par des hommes à l'esprit lubrique. Je leur lance un regard noir et ils se retournent en pouffant. Je siffle entre mes dents d'agacement et me retourne vers la mer en lançant un regard à Sofia. Cette dernière ne semble pas en grande forme, peut être le mal de la mer. Étrangement, je ne me rappelle pas avoir pris le bateau, mais je ne ressens pas de mal être particulier. Seulement mon équilibre un peu chamboulé par les vagues. Toutefois, je suis compatissante et vient lui tendre ma gourde d'eau.
« Ça va aller ? »
Elle a l'air tenace, mais on ne sait jamais. J'ai bien envie de l'aider, mais je ne sais pas ce qu'il faut faire contre le mal de mer. Je lui tapoterai bien le dos, mais j'ai peur d'être irrespectueuse. Alors que je me dis que je devrais juste la laisser tranquille et respirer, les deux matelots de plus tôt sont de retour et nous accoste.
« On n'a pas l'pied marin, hein ? Encore t'ses donzelles d'la Cap'tale... »
Je viens faire claquer ma langue d'énervement en me retournant vers les deux hommes. Je ne peux retenir mon amertume face à des hommes pensants tout connaître.
« Et ces messieurs accepteraient de conseiller deux "donzelles" de la Capitale plutôt que de s'occuper de leurs tâches ? »
"Ça va aller ?" Demanda-t-elle.
Devine ?! Mon teint, déjà très pâle, vira à un blanc aussi blanc qu'un drap tout propre de nonne. Bordel... La terre ferme, vite. Toute molle, après avoir allégée mon ventre, je me laissai glisser mollement contre le plancher humide du navire.
"On n'a pas l'pied marin, hein ? Encore t'ses donzelles d'la Cap'tale..."
Je redressai doucement la tête pour apercevoir quatre pieds, tout proche de nous. C'était les deux marins qui voulaient, à priori, profiter d'un état de faiblesse pour venir nous narguer. Sacs à merde de pigeons momifiés bouffés par des vers ! Si ça ne tenait qu'à moi, ils auraient déjà pris chacun deux gifles dans la gueule.
"Et ces messieurs accepteraient de conseiller deux "donzelles" de la Capitale plutôt que de s'occuper de leurs tâches ?"Répondit sèchement Sia.
Ah, par certaine que les provoquer pourrait nous aider.
"V'nez avec nous dans la cale on va vous montrer" Lança l'un d'eux, avant de lâcher un rire bien gras.
Mon estomac se noua de plus bel après le passage du navire sur une vague.
"D'jà celle-là qu'à l'habitude d'être à genoux." Renchérie le second.
Il s'accroupit doucement vers moi pour me regarder, un sourire à la con collé sur la tronche.
"Je te donne exactement trois secondes pour m'effacer ce foutu sourire de ta gueule de con, sinon je te fais gicler les yeux des orbites et je t'empaffe le crâne." Lançai-je, froide.
Et je ne rigolai pas. Je me redressai lentement, mon ombre frétillait, très en pétard suite à ces remarques déplacées. Je m'approchai doucement avant de plaquer ma main sur le paquet du marin qui voulait visiblement jouer les hommes. Je pressai le tout comme deux petites clémentines, sentant déjà un gonflement.
"A moins qu'tu préfères savoir qui, de toi ou de moi, va crier le plus fort dans la cale ? Tu veux qu'on aille vérifier ? J'suis certaine de pouvoir te faire couiner comme un p'ti caneton qui cherche sa maman."
Le visage du marin changea peu à peu, devant mon sourire carnassier. Celui qui semblait si sûr de lui jusqu'à présent perdit ses moyens. Son ami posa une main sur son épaule pour le faire reculer.
"Laisse, elles sont cinglées c'deux là. On a du boulot sur l'pont et l'capitaine va nous foutre aux galères si on glande."
Je lâchai les bijoux des familles du marin, qui allait pouvoir dormir sur sa béquille ce soir. Agacée, je ramassai la gourde de Sia pour la lui rendre, après avoir pris quelques gorgées qui me firent le plus grand bien. J'inspirai longuement, fermai les yeux, puis soufflai. Un petit exercice de respiration qui pouvait m'aider à calmer mon mal de mer. Je demandai à Sia de me suivre pour aller nous placer au centre du niveau, au niveau du mât. Le centre était toujours la partie la plus stable, ce qui pourrait atténuer un peu mes maux de ventre.
Après cela, elle me rend ma gourde et suggère de changer de place. Si cela peut l'aider à se sentir mieux, je ne vais pas refuser. On se dirige donc vers le mat et on s'y installe. Je laisse ma compagne d'aventures se mettre à l'aise et vint m'installer silencieusement à ses côtés. Je me dis que lancer la conversation pourrait être sympathique, puis me ravise me disant que Sofia préfère certainement se concentrer sur son état que sur une discussion sans intérêt. Je m'occupe donc les mains comme je peux. Je sors un petit calepin et crayon de mon sac et commence à y griffonner des idées ou croquis d'armes et d'armures que j'aimerais me confectionner. Mes deux lames font partie de mes meilleures réalisations, mais j'aimerais pouvoir faire quelque chose de mieux. Je réfléchis depuis quelque temps à me faire un prototype d'armure, quelque chose convenant à mon style de combat et que je pourrais tester.
Le reste du voyage se fait donc en silence, nous n'arrivons au prochain port que plusieurs heures après notre départ. La journée touche déjà à sa fin et nous n'avons pas encore eu le temps de commencer d'enquêter. Sofia semble mieux sur terre que sur mer. Après un moment de repos, elle retrouve ses repères et son équilibre et nous commençons nos recherches. Tout d'abord un logement, au vu de l'heure, nous n'aurons pas beaucoup de temps devant nous. Nous réservons un repas et des chambres dans une taverne pas très chère. Une nuit dans un vrai lit ne fera de mal à aucune de nous deux et nous ne savons pas encore si nous allions pouvoir en profiter durant les prochains jours.
Une fois notre logement sécurisé pour le soir, nous partons chacune d'un côté pour chercher des informations sur McPhergus et le bateau s'étant échoué. De mon côté, je reçois plusieurs informations contradictoires. Certains disent que seuls quelques restes de bateau ont été aperçu, d'autres qu'une épave serait plus au nord ou encore qu'un navire fantôme a été aperçu durant une nuit où la lune était noire. Bref, je n'ai rien de concret. Finalement, je trouve un vieux pêcheur rentrant de sa rude journée et qui accepte de discuter avec moi. Je lui demande donc si une épave ou les restes d'un navire ont été aperçu dans la période de temps suivant la tempête ayant frappé le bateau que l'on recherche. Après un moment de réflexion, il semble avoir une idée.
« Il y a effectivement des restes qui ont été aperçu en mer dans cette période, mais comme souvent après une telle tempête. Mais si c'est une épave que vous cherchez, vous devriez aller plus au nord. Il y a une petite île rocheuse à environ 2h en bateau. Elle est pleine de grottes qui se remplissent et vident en fonction de la marée. Il y un courant là-bas qui fait que pas mal de restes d'épaves s'y accumulent. »
Enfin une piste plus concrète ! Le vieux se gratte un peu la tête et semble un peu inquiet.
« Mais soyez prudente jeune fille, c'est pas un coin pour une mignonne comme vous. C'est un vrai repaire à canailles cette île. Il y a souvent des brigands qui s'y rassemblent pour chercher dans les restes d'épaves. »
Je note son avertissement et le remercie en lui offrant quelques petits cristaux. Rien de fameux, mais j'apprécie qu'il ait accepté de me renseigner. La nuit est déjà presque complètement tombée quand je retourne à notre auberge. L'activité bat son plein. Plusieurs marins sont venus manger et boire après leur dure journée. Je n'aperçois pas ma camarade et décide de m'installer à une table pour l'attendre. Nous avions prévu de nous retrouver pour rassembler nos informations et prévoir notre journée du lendemain. Je finis par commander la bière la plus légère disponible et patiente.
Sia décida qu'il valait mieux se séparer pour effectuer nos recherches. Je haussai les épaules, indifférente. Soit, si elle voulait aller dans son coin, le soir, dans un endroit infesté de marin... Grand bien pouvais lui faire. De mon coté, j'optai pour un endroit purement stratégique, le genre d'endroit où tout le monde parlait, où tout le monde savait tout. Purement stratégique oui, oui oui : La taverne. J'ouvris les portes puis allai m'installer au comptoir. Le tavernier me tendit une ardoise avec tout ce qu'il proposait pour hydrater. Mais je fus rapidement attirée par une belle blonde au miel. C'était le nom de la bière, évidemment. Belle blonde au Miel.
"Une Belle blonde au Miel pour la mignonne ! On est parti"
Lança le tavernier, joyeusement. Il fit mousser un demi, avec une maîtrise parfaite. La couleur d'or de cette bière me fit saliver. Ces bulles, délicates et légères, ne demandaient qu'à finir dans mon ventre.
"Un p'ti bout d'femme comme ça, j'en aurais souv'nir si j'l'avais déjà vu ici."
"Merci, je vais rougir."
"Qu'est-ce qui vous a ram'né ici ?"
Il fit glisser la bière jusqu'à moi. je la récupérai pour en boire la moitié. Une merveille, cette bière au miel. Une vraie merveille.
"Elle est bonne, ta bière. J'cherche un certain McPhergus, on m'a dit qu'il trainait ici."
Le tavernier se mit à réfléchir un instant, frottant son verre avec son tablier. Ca ressemblait à un genre de réflexe typique des tavernes, de frotter un verre quand on parlait avec eux.
"Ca m'dit rien, ma p'tite dame." répondit-il enfin.
Tout ce suspens pour ça ?
"Moi ! Moi j'le connais, celui la !" Me hurla un ivrogne dans l'oreille.
Je tournai la tête vers lui, pour le fixer. Je demandai au tavernier de servir ce type. J'avais bien compris qu'il n'allait pas pouvoir parler la gorge sèche. Une fois servi, il avala plusieurs gorgées, s'essuya la bouche de sa manche et s'approcha.
"L'équipage d'un navire s'était arrêté ici, y'a peu. Et c'type là, il est passé ici. J'vous l'dit ! j'suis tout l'temps là !"
Mhmh. Je hochai la tête. Je n'en doutais pas une seule seconde, bizarrement.
"Mais ils ont coulés. Y'a des pirates, ils attendent les tempêtes, pour attaquer les navires. Ils connaissent la mer comme le fond d'leur slip ! Ils se sont fait attaquer, dépouiller et couler. Et même, ma mignonne... J'puis te dire qui a attaqué !"
Je haussai un sourcil, intriguée et intéressée. Bordel, ce mec puait de la gueule mais il savait comment capter mon attention. J'en avais des frissons, rien qu'au fait de penser qu'on allait surement pouvoir casser la gueule à des pirates.
"La flotte de Barba Papa écume les mers des Archipels pour attaquer les navires marchands. "
"Les Barba Papa, vous dites ?"
"Oh oui ! Les plus dang'reux d'ces eaux. Les deux frères et soeurs, Barba Belle et Barba Beau, les plus sournois ! Si quelqu'un a coulé l'navire que tu cherches, c't'eux. Paraît qu'un bateau a coulé au nord, à quelques heures d'ici."
Bon, j'avais tout ce qu'il me fallait. L'ivrogne m'occupa le reste de la soirée, à me raconter des histoires sur les Barba Papa. Une bonne ambiance, de la musique, de la compagnie et de la bière, j'avais cette désagréable sensation que quelque chose venait de m'échapper. Mais quoi ? Bah, inutile de se prendre la tête avec ça. Autant profiter et picoler jusqu'à plus soif !
Une fois dehors je m'étire un peu. Ces bières étaient très bonnes, mais je ne suis pas une grande buveuse. Même s'il s'agissait des moins fortes de la carte, je sens l'alcool embrumer légèrement mon esprit. Il fait que je trouve ma partenaire avant tout. Je me mets donc en route pour écumer les différentes tavernes du coin. Et il y en a beaucoup de tavernes. Je prends mon courage et entre dans la première. Je parcoure les tables du regard à la recherche d'une chevelure blanche. Rien. Je ressors et passe à la suivante. Je continue ainsi jusqu'à la cinquième taverne. Là un homme essaye de m'accoster quand je ressors.
« Il ne faut pas partir si vite, on peut t'faire une place à not' table ma jolie. »
C'était la journée des gros lourds ? Je pousse un autre soupir avant de me dégager sans un mot. Une fois dehors, je me dirige directement vers la prochaine auberge. Il ne faut que quelques instants pour que l'homme qui m'a accosté me rattrape avec ses affaires sous le bras. Je lui lance un regard froid, mais il semble ne pas y prêter attention.
« Si tu veux, j'peux t'montrer un coin sympa ! On y s'ra bien tous les deux... »
Il glisse un regard vers mon décolleté qui me fait lever le regard au ciel. J'accélère le pas, mais il continue de me suivre en trottinant. J'entre dans la taverne suivante et cherche à nouveau Sofia. Toujours rien. Je me masse les tempes en réfléchissant. Le gros lourd choisi ce moment pour revenir à la charge.
« Si c'est une bonne taverne qu'tu cherches, j'connais l'endroit parfait ! »
Je ne suis plus à ça près. Je hoche de la tête et réponds d'une voix froide et sèche :
« Montre-moi. »
L'homme semble alors pétiller de joie. Il prend ma main et me traine dehors. Un frisson de dégoût me traverse à ce contact. Je dégage ma main et le suit simplement.
« Une femme forte... J'vois... J'les aime bien comme ça aussi... »
Le marin repart en commençant à me raconter sa vie que je n'écoute pas. Je le suis en silence. Nous rebroussons chemin et arrivons devant une bâtisse en face du port où nous sommes arrivées plus tôt dans la journée. L'homme passe devant et se dirige directement au comptoir pour commander. De mon côté je balaie la salle du regard jusqu'à trouver la chevelure blanche que je recherche. Elle est en compagnie d'un homme qui semble lui raconter de bonnes histoires, tous deux accoudés au comptoir. Je rejoins ma partenaire sans attendre et m'installe à côté d'elle.
« Sofia. »
L'aventurière met un moment à tourner son attention vers moi et se rendre compte de ma présence. Visiblement, elle a déjà bien profité de sa soirée et de la bière. Avant que je puisse lui dire quelque chose, une bière apparait devant moi et la voix du marin de plus tôt s'adresse à moi.
« Ah tu cherchais ton amie ! Je n'suis pas cont' un peu plus de compagnie... Bois, c'est moi qu' régale ! »
Je m'apprête à décliner le verre quand je remarque le regard de Sofia qui semble me déconseiller de refuser un verre si gentiment offert. Bon, alors on dirait que je vais boire.
« Merci, c'est gentil... »
Je prends le verre et commence à boire la blonde qui est visiblement bien plus forte que mes deux bières de plus tôt.
« Sofia. »
Mh ? L’espace d’un instant, j’aurais juré entendre mon prénom. Bon, je devais être certaine. Et pour ça, il fallait se retourner. Mais si je me retournais, j’allais perdre de vu ma bière. Merde, quel dilemme… Ah, je savais ! Je pris ma bière dans ma main pour, ensuite, me tourner. Mince ! C’était Sia ! Mais oui, la petite voix dans ma vête qui me disait que j’avais paumé quelqu’un, c’était elle ! Elle était accompagnée, en plus. La coquine, elle ne perdait donc pas de temps. Un mince sourire satisfait apparut sur mes lèvres.
« Ah tu cherchais ton amie ! Je n'suis pas cont' un peu plus de compagnie... Bois, c'est moi qu' régale ! »
Et en plus il savait comment parler aux femmes ! Impossible de rater une occasion pareille. Mon regard en disait long, Sia devait accepter cette boisson. Ca m’en fera une de plus pour moi, comme ça.
« Merci, c'est gentil... », fit-elle
Au vu de sa tête, elle n’avait visiblement pas l’habitude de picoler. J’allais devoir le ménager. Pour ce soir au moins, je n’avais pas envie de m’encombrer d’une pucelle à la gueule de moi, demain. J’invitai Sia à s’installer avec moi au comptoir, histoire de partager nos différentes découvertes au sujet de McPhergus. Oh, un accordéon ! Un type avec un accordéon qui jouait dans son coin ! J’agitai ma main en l’air, l’appelai en gueulant dans toute la taverne pour lui demander de « ramener son cul ici ». Je lui offris un verre, en échange d’une musique. Et cette mélodie, je la connaissais assez bien. Je retirai mes cuissardes, pour me retrouver simplement avec mes bas, je grimpai sur le comptoir, choppe à la main.
‘’Salut cap'taine fais briller tes galons,
Et reste bien au chaud quand on gèle sur le pont.
Nous c'est notre peine qui nous coule sur le front.
Alors tiens bien les rênes tu connais la chanson !
Du rhum, des femmes et d'la bière sacrebleu !
Un accordéon pour valser tant qu'on veut.
Du rhum des femmes c'est ça qui rend heureux.
Que Fenrir nous emporte on n'a rien trouvé mieux.
Oh oh oh oh on n'a rien trouvé mieux.
Ça fait une paye qu'on n'a pas touché terre.
Et même une paye qu'on s'fait des gonzesses imaginaire.
Tant pis pour celle qui s'pointera la première.
J'lui démontre la passerelle, la cale, la dunette arrière.’’
Je me mis à danser sur le comptoir, en tournait doucement sur moi-même. Ouais, j’imaginais bien que pas mal devaient reluquer sous ma robe pour mater mes dessus, mais tant pis. C’était des marins, après tout et aucun d’eux ne semblaient vouloir risquer l’irréparable.
‘’Du rhum, des femmes et d'la bière sacrebleu !
Un accordéon pour valser tant qu'on veut.
Du rhum des femmes c'est ça qui rend heureux.
Que Fenrir nous emporte on n'a rien trouvé mieux.
Oh oh oh oh on n'a rien trouvé mieux.
Ça fait une paye qu'on n'a pas touché terre.
Et même une paye qu'on s'fait des gonzesses imaginaire.
Tant pis pour celle qui s'pointera la première.
J'lui démontre la passerelle, la cale, la dunette arrière.’’
Beaucoup se mirent à chanter avec moi, les paroles résonnaient en chœur dans toute la taverne. Ah, voilà une ambiance que j’appréciai davantage ! Entraînée par le rythme et la musique, je bondis du comptoir pour aller attraper le bras d’un type, au hasard, pour tourner, mon code entremêlé au sien.
‘’ Tout est gravé quelque part sur ma peau.
Tellement que j'en ai les bras comme des affiches litho.
Blessure de guerre, cul d'bouteille, coup de couteau.
Tant qu'y aura des comptoirs on aura des héros.’’
Je lâchai l’homme, pour aller en cherche un autre, tournant et dansant avec tous ceux qui se trouvaient sur mon passage.
‘’ Du rhum, des femmes et d'la bière sacrebleu !
Un accordéon pour valser tant qu'on veut.
Du rhum des femmes c'est ça qui rend heureux.
Que Fenrir nous emporte on n'a rien trouvé mieux.
Oh oh oh oh on n'a rien trouvé mieux.
Ça fait une paye qu'on n'a pas touché terre.
Et même une paye qu'on s'fait des gonzesses imaginaire.
Tant pis pour celle qui s'pointera la première.
J'lui démontre la passerelle, la cale, la dunette arrière.
Quand t'as le coeur qui dérape, t'as les tripes qui fermentent.
J'essaie de penser au claque aux filles qui s'impatientent.
Pas au bateau qui craque entre deux déferlantes.
Du rhum, des femmes et d'la bière sacrebleu !
Un accordéon pour valser tant qu'on veut.
Du rhum des femmes c'est ça qui rend heureux.
Que Fenrir nous emporte on n'a rien trouvé mieux.
Oh oh oh oh on n'a rien trouvé mieux.
Ça fait une paye qu'on n'a pas touché terre.
Et même une paye qu'on s'fait des gonzesses imaginaire.
Tant pis pour celle qui s'pointera la première.
J'lui démontre la passerelle, la cale, la dunette arrière.
Yaaay !!’’Hurlai-je, toute contente.
L’alcool avait déjà bien embrumé mon esprit, je cherchai Sia du regard, puis m’approchai d’elle en voyant que son ami semblait vouloir la coller d’un peu trop prêt. Je devais quand même veiller sur elle, du coup je m’installer entre les deux, glissai un mot dans l’oreille de l’homme. Un simple avertissement, lui signaler qu’il ne devait pas trop s’approcher de Sia si elle n’était pas d’accord. Sinon, « couic ! ». Amusée, mais gardant une mine sérieuse, je mimais les ciseaux avec mes doigts. Merde, j’avais foutue où, mes bottes… ?
D'ailleurs, ma compagne commence à chanter et à se déshabiller pour monter sur le comptoir. Il semblerait qu'elle sache s'amuser et faire la fête, plutôt le contraire de moi pour le coup... Je ne suis pas vraiment dans mon élément ici, et je bois simplement ma bière en observant les lieux et écoutant chansons et histoires de pirates. En parlant de bière, cette dernière semble déjà me monter à la tête. Je ne suis définitivement pas faite pour boire... Ou mon corps n'y est tout simplement pas habitué.
Je sens le comptoir faire de légères vagues et j'ai l'impression que le tabouret haut où je suis installée n'est plus très stable. J'essaye de me concentrer sur un détail du bois du comptoir pour ne pas commencer à avoir le mal de mer. Il serait bête qu'après une journée en mer je ne sois malade qu'à cause de l'alcool. Et je dois rester en forme pour demain. Je détaille donc cette planche de bois. Je fixe une de ses imperfections en observant les formes que forment les lignes du bois. Une mer ? Oui, une mer déchainée. Voilà ce que j'y vois. Je peux même y voir un petit bateau qui tente d'affronter cette mer déchainée. Ce petit bateau, c'est une miette de pain qui se déplace avec les vibrations de la musique et des danses de Sofia et des autres marins. D'ailleurs, un raz de marée de bière vient emporter le petit bateau qui se retrouve maintenant par terre.
Je regarde le fond de ma chope pour voir qu'il me reste encore un bon tiers avant de la finir. Je sens mes joues et mon nez rosir et devenir légèrement chauds. J'ai même l'impression que mes oreilles le sont un peu. J'attache mes cheveux en queue de cheval pour essayer de me rafraichir un peu. D'ailleurs le marin puant n'a pas arrêté de me raconter des histoires, mais j'ai arrêté de l'écouter. Je me retourne et voit Sofia entrainer plusieurs marins dans une sorte de valse très joyeuse. Elle semble savoir danser, ce que je ne sais pas faire du tout... Je suis là, entre deux marins à boire péniblement une bière bien trop forte pour moi.
J'observe la scène qui tangue un peu. Ma tête est un peu lourde, mais je reste lucide. Certains marins sont montés sur des tables pour danser ensemble. J'en vois deux qui imitent Sofia en tournant, bras dessus bras dessous sur leur table. Des chopes s'entrechoquent à plusieurs reprises tout en étant accompagné du chant peu harmonieux des marins. D'ailleurs, je remarque même un duo dont les choppes se croisent pour atterrir dans le visage de leur partenaire de boisson. Ne semblant pas sentir la douleur, les marins continuent en buvant, puis croisent leurs bras en chantant. Quand la chanson se termina, j'observe cette mer de bras et chopes qui se lèvent en hurlant ensemble. J'applaudis timidement l'assemblée tout en reportant mon attention sur ce duo de marins qui maintenant semblent partis dans un concours de baffes.
Sofia me rejoint alors et vient se mettre entre moi et le marin qui m'a accompagné ici. Celui-ci semble s'être approché de moi sans que j'y fasse attention et ma nouvelle amie semble le prévenir de faire attention. Je rigole doucement en repensant au marin d'aujourd'hui qui se souviendra définitivement qu'il ne faut pas importuner une femme non consentante. Sofia vient se coller un peu à moi, visiblement elle tient plus l'alcool que moi, mais cela la rend plus expressive. Elle semble chercher quelque chose. Elle me parle, mais avec le bruit, je ne comprends pas tout. Un mot ressort, « bottes ». Oh ! Je crois l'avoir vu les enlever avant de partir dans sa danse endiablée. Je me retourne et retrouve les bottes en question sur le comptoir plus loin. Je les lui montre du doigt et elle semble heureuse de les retrouver. Elle s'absente pour aller retrouver ses fameuses bottes.
Le marin qui me collait semble vouloir profiter de l'absence de ma mentor. Oui, je viens de décider qu'elle sera maintenant ma mentor, que ça soit en aventure, en beuverie, pour faire la fête ou pour faire affaire avec des marins et autres hommes un peu lourds. L'alcool a dû m'aider à arriver à cette conclusion, mais Sofia devient donc une mentor pour moi. Qu'est-ce qu'il me veut ce marin ? Un nouveau verre ? De l'eau oui, mais pas d'alcool par pitié ! Trop tard, une nouvelle choppe arrive devant moi. Je ne me sens pas vraiment d'en boire une autre. Je dois me lever demain et je ne tiens pas à être malade toute la nuit.
« Un grand verre d'eau plutôt... »
Le tavernier hausse un sourcil puis les épaules. Il m'apporte un grand verre qu'il remplit d'eau. Je m'empare du verre et le bois presque cul sec. Le marin à côté de moi fait une remarque sexuelle sur ma façon de boire, mais Sofia revient à mes côtés à ce moment-là. Je lui désigne alors la choppe et lui dit qu'il s'agit "d'un cadeau d'un marin très sympathique" en désignant l'homme à côté de moi. Je redemande un verre d'eau et laisse le marin aux mains expertes de ma partenaire.
« Un grand verre d'eau plutôt... » Demanda-t-elle.
Parfait, la bière était donc pour moi. J'en bus la moitié, remuant mes jambes au rythme de la musique qui ne s'était pas arrêtée. Il se faisait tard, déjà. Il serait plus sage de ne plus trop tarder ici. Nous avions toutes les informations nécessaires et ne prochaine direction se trouvait au nord, bien plus au nord. Ce qui voulait donc dire... Encore un voyage en bateau. Je soupirai lourdement, agacée rien qu'à l'idée de devoir remettre un pied sur un navire. Mais je préférais voir ce qu'il y avait plutôt au bout du voyage : Des pirates à qui nous allions pouvoir casser la gueule. Je commençai à avoir des fourmis dans les bras et les jambes moi, à force de pas me battre.
"Bah, p'quoi tu souffles ? Elle est pas à ton goût la bière ?"
"Si, Bob. Très bonne ! J'pense juste à mon voyage de d'main, sur un baton..."
"Tu voyages sur des bâtons, toi ?"
Quoi !? Mais qu'est-ce qu'il me racontait, ce con ? Bah, aucune importance. De toute façon, j'avais finis ma bière et Sia semblait se faire chier comme un rat crevé au fond d'un caniveau un jour de pluie. Mais un rat moche hein. Parce qu'en vrai les rats c'était trop mignon. Un rat pestiféré et vieux, voilà. Pas un rat tout mignon. J'aimerais les rats. Bref, fallait se barrer, retrouver notre auberge et nous préparer pour la journée de demain. Mais, au moment de me relever, je sentis une main se poser sur mon avant-bras. Je tournai la tête et lançai un regard beaucoup moins jovial au marin qui voulait m'empêcher de partir.
"Ah non, vous z'allez pas partir d'jà ! Allez, grimpe sur les genoux de tonton Bob et j't'offre une autre bière."
Je plissai les yeux, ma main se ferma. J'étais à deux doigts de lui en coller une en plein sur le pif.
"Tu m'prends pour une catin, là ? J'vais t'enfoncer une bouteille dans l'cul tu vas voir s'que ça fait d'couiner." prévins-je, en colère.
"Oh là, d'accord, d'accord ! J'ai bien compris. Fit-il en levant les mains en l'air. J'me suis mal exprimé. Tu pourras picoler jusqu'à plus soif, hé ?"
Le salaud, il venait de viser mon point faible. De l'alcool, autant que je voulais, juste si je venait m'asseoir sur ses genoux ... ? Rah... Le sournois ! Je plissai davantage les yeux, je regardai Sia un instant. Hé merde ! Je m'installai donc sur les genoux de Bob et demandai au tavernier de me servir une première bière.
"D'acc', Bob ! Marché conclu. MAIS. Si je sens tes mains -ou autre chose- là où ça devrait pas, j'te pète la gueule jusqu'à se faire tomber ta dernière dent. Et Sia va surveiller."
"Marché conclu !" Lança-t-il, tout content.
Ma bière arriva, je fis signe à Sia de se rasseoir. Elle pouvait pas comprendre de toute façon, de ce que c'était de pouvoir picoler à l'œil. Le genre d'occasion que je pouvais pas rater. Mais gare à Bob s'il ne respectait pas la part de son marché. Pas de mains baladeuses ! D'ailleurs, il prit la sage décision d'en poser une sur le comptoir, pour que je puisse la voir. L'autre tenait une chope de bière. Je trinquai avec lui, retrouvant mon humeur festive. Et puis, ça allait permettre à Sia de se familiariser un peu mieux avec cette ambiance. Elle avait l'air drôlement coincée cette fille. Il fallait quelqu'un pour lui retirer le manche à balai qui s'était logé dans son cul. Elle n'allait jamais pouvoir profiter de la vie sinon.
Je me réinstalle et demande à nouveau un verre d'eau. Je m'ennuie à mourir ici alors que ma partenaire semble profiter joyeusement de sa bière en étant sur les genoux du marin. Je lance des regards de temps à autre pour vérifier que Bob n'ait pas des mains trop baladeuses. Il semble tenir parole pour le moment. J'écoute alors la musique d'une oreille. Pas vraiment mon genre, mais cela correspond bien à l'ambiance.
C'est alors que le tavernier vient poser un nouveau verre devant moi. Ce n'est pas de l'eau, ni de l'alcool. Cela ressemble plutôt à un jus de fruits. Je lance un regard plein de questions au tavernier. Il me pointe du doigt une personne plus loin en me disant que c'est offert par cette personne. Je plisse le regard pour essayer de fixer ma vision un peu floue sur la personne en question. Après quelques secondes, je vois qu'il s'agit d'un jeune marin plus loin accoudé au comptoir et regardant dans ma direction. Un grand rouquin plutôt pas mal, il semble avoir la vingtaine, plutôt bien fichu et le teint hâlé par le temps passé en mer. Je hausse des épaules et accepte le verre. À l'odeur, il ne semble pas y avoir d'alcool. Je prends une première gorgée, c'est très sucré et frais. J'apprécie plutôt bien cette boisson. Je me retourne à nouveau vers le rouquin et lui fait signe que j'aime la boisson en la pointant puis en lui faisant un pouce en l'air. Cela semble le faire sourire et il quitte le comptoir pour rejoindre d'autres marins.
Alors que je profite de ma boisson, je sens le regard de Sofia sur moi. Elle semble un peu surprise ou plutôt... intriguée ? Je n'arrive pas à bien comprendre, mais elle me fixe avec un léger sourire presque sournois. Je hausse un peu les épaules et continue de siroter ma boisson à la paille tout en balançant un peu mes jambes. Une fois mon verre finit, je m'étire un peu. Je me relève et fait signe à ma compagne pour avoir son attention quelques secondes.
« Toilettes. Je reviens. »
Je lance un regard froid à Bob, lui signifiant qu'il a intérêt à se tenir à carreaux durant mon absence. Je me dirige vers le fond de l'auberge où une petite pancarte indique les toilettes. L'endroit n'est pas spécialement accueillant, mais plutôt propre. Le sol de pierres froides et sombres est accompagnées de murs en briques. Il ne semble pas y avoir de différence entre la zone des femmes ou celle des hommes, plusieurs cabines s'alignent les unes à côté des autres sans distinction particulières. En face, deux lavabos semblant avoir vu beaucoup de choses se passer ici, sont surplombés de miroirs de basse facture et un peu sales. Je pousse la porte en bois d'une des cabines et le referme à clé derrière moi. Je m'installe pour me mettre à l'aise et profite de ce moment de calme et silence. Je lève le visage vers le plafond et le détaille pendant que je me soulage. Il est de bois et j'entends des bruits de pas juste au-dessus. Il doit s'agir du plancher séparant avec l'étage des chambres. J'observe ensuite la porte close devant moi. Mon regard se perd dans les vagues que forme le bois qui la compose. Je reste ainsi un long moment à observer cette planche de bois dans un moment d'absence.
Je finis par revenir à moi et termine mon affaire pour sortir de ma cabine. Je viens me laver les mains au lavabo en face de ma cabine. La faïence est craquelée à plusieurs endroits, mais ne semble pas abimée. Un peu de peinture est partie à plusieurs endroits. Je ne suis pas sûre de vouloir savoir ce que cet endroit a déjà vu. Je me passe un peu d'eau sur le visage et viens me regarder dans le miroir. J'observe mon visage un peu plus pâle que d'habitude et la fatigue qui s'y lit.
C'est alors que je vois une silhouette derrière mon reflet. Je sursaute et me retourne, prête à frapper l'inconnu qui sursaute aussi. Il semble sortir aussi d'une cabine et ne pas me vouloir de mal. Il lève les mains en signe d'apaisement, et je plisse les yeux pour détailler son visage. Après quelques secondes, je me rends compte que j'ai déjà vu ce visage. Le rouquin !
« Merci pour le verre de tout à l'heure. »
Je fais un petit signe de la main pour le saluer et sors des toilettes pour retrouver Sofia qui semble être descendue des genoux de Bob.
« Toilettes. Je reviens. » Fit Sia.
Ce qui me sortit de mes pensées. Je hochai simplement la tête, la vision trouble. Je voyais double, voir triple. Ma tête tournait, mais je n'avais pas de nausées. La bière était sûrement le seul alcool que j'arrivais à contenir dans mon ventre. Je sentis les mains de Bob se poser sur ma taille, pour me relever et me déposer au sol.
"T'es dev'nue bien silencieuse, toi. Si t'es là avec ta copine, c'pour une mission, c'est ça ?"
Je hochai la tête, en finissant mon énième bière. Je n'avais plus le compte...
Tu dev'rais rentrer alors, t'as l'air complèt'ment saoule. On a passé une bonne soirée ici grâce à vous deux."
Je le regardais, je voyais un sourire sincère sur ses lèvres. Aucun sous-entendu, dans ce sourire. C'était juste des mecs qui voulaient s'amuser et qui nous respectait. Clairement le genre de taverne où je voulais revenir, avec Eve. Et Bob avait raison, j'avais suffisamment profité de ma soirée également. Je lui souris en retour.
"Merci Bob. On va rentrer, oui." Répondis-je, sage.
Sia revint à ce moment. Je lui demandais de nous ramener à l'auberge. Quelques garçons nous saluèrent quand nous quittâmes l'endroit et nous rentrâmes tranquillement à l'auberge. Je tenais à peine debout, j'avais souvenir de Sia qui m'aidait à me déshabiller et m'enfiler ma chemise de nuit. Puis plus rien, je m'effondrai sur le lit, vint le noir complet.
La nuit fut bonne. Une première en fait. D'aussi loin que je pouvais m'en souvenir, je passais rarement de bonnes nuits si je ne partageais pas ma couche avec ma compagne. L'alcool m'avait aidé, peut-être. Je fus réveillée assez tôt le matin, le soleil était déjà debout mais depuis une heure seulement, pas plus. Ma gorge sèche m'empêchait de dormir davantage. Sia, était déjà debout. Je me levai silencieusement pour me diriger vers la salle d'eau. Boire et faire ma toilette. Je me sentais relativement bien, pas de vertige ni de douleurs aux cheveux. Propre, rafraîchi, je laissai ma place à Sia.
Une fois toutes deux prêtes à partir, direction le port pour remonter sur le même navire que la veille. Il se dirigeait vers le Nord, vers la Ville Aquatique. Le trajet se fit sans encombre, la mer était calme aujourd'hui. Après plusieurs heures de navigations, je me dirigeai vers la proue. C'était ici que le navire de McPhergus avait coulé, selon nos informations. Je demandais au Capitaine d'accoster dès qu'il le pourrait. La réponse que j'eus ne fut pas celle que j'attendais : Aucun port ou ponton. Il allait se rapprocher au maximum d'une des îles et nous allions devoir plonger. Bon, si c'était la seule solution. Il n'allait pas nous céder une barque gratuitement, non plus.
« Tu peux te déshabiller ? »
Pas de réponse et j'ai l'impression que ma camarade dort déjà debout. Je pousse un soupir et viens alors la déshabiller. Je cherche ensuite dans ses affaires sa robe de chambre pour la lui enfiler. Une fois fait, je l'aide à se coucher et la borde. Quelle idée de boire autant à la veille d'une mission ? Au moins je peux noter que Sofia aime faire la fête, cela me fait une personne à avoir en tête si j'ai besoin de savoir comment fêter quelque chose. Une fois Sofia bien endormie, je me prépare aussi à aller dormir et m'endors rapidement.
Je dors d'un sommeil lourd et sans rêve jusqu'au lendemain. Je me réveille tôt, mais un peu plus tard qu'à mon habitude. Je suis du genre à me lever avant l'aube pour profiter des premiers rayons de soleil et ainsi remplir mon corps d'énergie lumineuse. Toutefois, la petite fête de la veille et le fait de me coucher plus tard qu'à mon habitude m'a un peu dérégler. Je reste dans mon lit et prend mon carnet pour y griffonner en attendant que Sofia se réveille. Si elle met trop de temps à se réveiller, je le ferais, mais après ce qu'elle a bu hier il vaut mieux qu'elle dorme. Heureusement, elle finit par se réveiller d'elle-même et après un vague salut, elle file à la salle de bain. Je continue de griffonner dans mon carnet sans un mot et attend qu'elle ressorte. Quand c'est enfin mon tour, je vais me laver et me préparer pour la journée qui nous attend.
Nous voici prêtes à embarquer. Nous montons à bord du même bateau que la veille qui partira vers le Nord pour son commerce avec la Ville Aquatique. Notre direction, c'est parfait. Le capitaine accepte gentiment de faire un léger détour pour s'approcher d'une des îles que l'on vise, mais rien de plus. Le reste, nous allons devoir nous débrouiller. Nous allons même devoir y aller à la nage, hors de question de nous laisser une barque. Nous avons au moins une centaine de mètres à nager pour atteindre le rivage. Je fais un peu la moue, il va falloir improviser pour éviter que certaines affaires ne prennent trop l'eau. Je réorganise un peu mes affaires dans mon sac pour protéger certaines choses de l'eau, comme mon carnet. Je l'enroule dans un morceau de cuir et dans du tissu et vient le placer le plus à l'avant du sac. J'accroche aussi ma lame à mon sac et range mes chaussures dedans. Je noue mes vêtements pour qu'ils me gênent le moins possible et termine mon style en mettant mon sac en position ventrale.
Les marins ont la gentillesse de nous faire descendre une échelle en cordage pour que nous puissions plonger dans l'eau à la hauteur que l'on souhaite. Je ne suis pas une grande nageuse, mais ça devrait faire l'affaire, la mer est plutôt calme aujourd'hui. Je descends la première jusqu'à être à hauteur de l'eau. Sans attendre je viens laisser mon corps flotter en étant sur le dos, le visage face au ciel. Je gonfle mes poumons autant que possible pour flotter et essayer que mon sac soit le moins mouillé. Je nage ainsi sur le dos de façon tranquille jusqu'au rivage. Je n'ai pas spécialement de problème à y arriver, mais une fois sur la plage de l'île, je sens mes muscles me tirailler et je suis essoufflée. Je n'ai clairement pas l'habitude de nager autant en pleine mer, habillée et avec de l'équipement... Peut-être une chose à ajouter à mes entrainements ?
Sofia finit par me rejoindre et nous sommes maintenant toutes les deux trempées jusqu'aux os. Nous regardons le navire partir et me viens alors la question de comment nous ferons pour le retour... J'espère que ma camarade y a plus réfléchi que moi. En attendant, nous ne pouvons pas continuer en étant ainsi trempées, malgré le beau temps, nous risquons de tomber malade et je ne parle même pas de l'usure sur nos armes. Je marche un peu pour m'éloigner de l'eau et trouver un coin au soleil et sans sable. J'observe les alentours, mis à part nous ça semble actuellement plutôt désert. On peut donc se sécher en toute tranquillité !
« On devrait se sécher et faire sécher notre équipement maintenant pendant qu'on le peut encore. »
Sans attendre, je défais mon sac et en sors le contenu. Je sépare ce qui est humide de ce qui a pu rester au sec. J'étends les affaires humides au sol pour les faire sécher au soleil et me déshabille ensuite pour faire de même avec mes vêtements. Je profite ensuite de cette attente pour entreprendre de sécher et entretenir ma lame en espérant que le sel de la mer ne l'abîme pas trop.