Dans un dernier coup d'épée, qui n'avait été au final que le point final d'un combat éreintant, supporté par les deux gardes depuis déjà bien trop longtemps. La gemme explosa, en faisant disparaitre le mâne.
Et si le contrecoup de l'aura négative de la créature fut une nouvelle épreuve à supporter, qui laissa le chevalier exsangue.
Il fallut quelques minutes pour qu'il parvienne à se remettre debout, épuisé par ce combat soudain, son épaule le lançant bien plus qu'il ne voulait bien l'admettre.
Et dans un réflexe bien plus humain que chevaleresque, l'officier se laissa tomber au sol, arrachant par la même son casque éraflé pour mieux respirer. On ne combattait pas ses peurs de manière littérale tout les jours.
Ses longs cheveux retombèrent en cascade sur le plastron orné de la garde royale. Formant une cascade d'or, tranchant sur les lieux lugubres qui entouraient les deux soldats.
Après quelques grandes inspiration, Arthorias put enfin se concentrer sur les mauvaises nouvelles.
-Un corps tu dis... Hmmm... Je mentirais si je disais que ce n'était pas une chose courante...
Mais s'il à réussit à former un mâne... Les choses pourraient être un peu plus grave que prévu
Non pas qu'il se moquait des morts dans la capitale, mais ce travail revenait en général à la garde régulière. Et l'officier se voyait quelque peu démunis face à cette enquête dont il n'avait aucunement les compétences pour s'en occuper.
Au final de quoi, il haussa douloureusement les épaules
-Le mieux que nous puissions faire, c'est de remonter à la surface et signaler ce que tu as vu. Dans notre état, on ne sera guère utile, et pour le moment, la source du problème est éliminée
Peinant à se relever, l'adrénaline qui l'avait jusqu'alors portée s'estompant en le faisant grimacer de douleur.
-Au risque d'abimer le peu d'indice qu'on à, mieux vaudrait laisser cela à d'autres gardes. Ils seront plus à même de trouver un sens à tout cela.
Même s'il était vrai que le réservoir était particulièrement peu connu des locaux. Le réseau des égouts était un repère naturel pour la majorité de la pègre... mais un criminel avec un tant soit peu de jugeote aurait fait disparaitre le corps, plutôt que de le laisser au fond de l'eau, l'arme du crime encore plantée dans ce dernier.
-Garde le poignard, ce sera une bonne base pour enquêter, d'ici là...
Je ne dirais pas non à un peu d'aide.
La remontée sembla bien plus longue que la descente, et si l'aura du spectre avait été un poids dérangeant, son absence rendait les lieux d'autant plus étrange.
Des bruits de rongeur se faisant de nouveaux entendre alors que la vie souterraine reprenait peu à peu son territoire.
Quand à l'armure de l'officier, elle avait gagnée le droit à son animation, un nouveau golem qui prendrait vie ce soir.
Et du temps, il lui en faudrait pour oublier tout ceci. Les mânes étaient vraiment des créatures abjectes et elle n’était pas particulièrement pressée d’en croiser un autre. Néanmoins, la jeune femme avait pu apprendre diverses leçons au cours de cette mésaventure.
Tout d’abord, l’étude des bestiaires lui semblait nécessaire, surtout si elle aspirait combattre des monstres sur le terrain avec ses camarades.
Ensuite il y avait la question de l’armure, qu’elle avait tendance à porter trop rarement. En voyant dans quel état Arthorias avait fini, elle commençait à considérer de la prendre plus souvent sur elle si la mission comportait effectivement un risque. C’est-à-dire, pas des histoires de bagarre dans des tavernes.
Et finalement, il y avait cette question sur ses vieux démons.
Parfois, l’ennemi le plus redoutable est tapi au fond de soi-même tandis qu’il fête nos défaites. Il fallait qu’elle parvienne à se détacher de tout cela et à vaincre les remords qui peuvent ressurgir à tout moment.
Il était temps de rentrer, et ni elle, ni son camarade n’avait particulièrement envie de s’attarder plus longtemps dans les entrailles sombres et oppressantes de la ville.
Arthorias se redressait déjà, elle remarqua qu’il était plutôt pâle et s’inquiéta un peu de son état. Il était vrai qu’il avait pris beaucoup de coups plutôt violents. C’était pour ainsi dire lui qui avait mené tout le combat, elle n’avait été là que pour la logistique, mais au moins leur travail d’équipe avait eu réponse de l’infâme créature.
Elle était plutôt du même avis que lui sur le fait qu’il faille laisser la scène de crime dans cet état, bien qu’ils aient déjà dérange un certain nombre d’éléments… Il faudrait une équipe spécialisée pour repêcher le corps et effectuer un certain nombre d’observation dessus, et elle était médecin, pas croque-mort.
Pour lui, ça avait l’air plutôt banal, il avait dû en voir d’autres. Pour elle, c’était plutôt une première de voir un cadavre aussi abîmé. Elle avait vu des blessures et balafres très impressionnantes sans sourciller dans son travail de soignante, mais là, c’était tout autre chose…
Voyant que le chevalier d’argent éprouvait une certaine douleur à se remettre debout, elle se remit vivement sur pieds et s’approcha pour lui proposer son aide. Aussi fier fut-il, elle considéra qu’il était aussi capable d’accepter l’aide d’autrui dans l’état dans lequel il se trouvait.
Ah ! Le poignard ! Devant l’état de son camarade elle l’avait presque oublié et alla le récupérer. La pierre était proprement fendue, et n’irradiait plus aucune lueur malsaine. Le charme était manifestement levé, elle ne décela plus la moindre trace de malveillance dans cette arme, redevenue une jolie lame, tout à fait ordinaire.
Prenant bien garde à ne pas perdre de morceau de la gemme brisée, Ayah revint auprès du capitaine de la garde royale et lui offrit son aide pour remonter à la surface. Elle prit l’un de ses bras par-dessus ses épaules et l’assista comme elle put, bien qu’il ne soit pas non plus estropié cela pouvait contribuer à rendre l’ascension un peu moins éreintante.
Ils revinrent à la caserne et ne croisèrent pas grand monde sur le chemin vers la caserne, mais le peu de gens qui les virent leur lancèrent des regards plutôt surpris.
Quel spectacle ils devaient leur donner ! Ils étaient tout deux plutôt livides, avec une mine d’enterrement marquée par la douleur ou l’abattement, l’armure d’Arthorias était très abîmée et Ayah était encore trempée.
Ce furent les gardes qui les accueillirent à la caserne qui semblèrent les plus surpris. La soignante et Arthorias subirent tous les deux un assaut d’interrogations, auquel Ayah mis rapidement fin avec une fermeté qui lui était plutôt inhabituelle. Elle demanda que quelqu’un s’occupe de trouver une place à l’infirmerie pour l’officier et le laissa aux bons soins de ses collègues.
Laissant le chevalier d’argent s’éloigner, elle regagna seule une salle de repos et se laissa tomber là, sur une chaise, le regard un peu dans le vide. Elle posa le poignard sur la table face à elle.
Elle y fut bientôt rejointe par l’un de ses supérieurs, qui s’enquit de la situation. Elle tenta de rapporter la mésaventure aussi fidèlement que possible, mais, devant sa fatigue manifeste, l’officier l’envoya bien vite dans ses quartiers pour se reposer avant de pouvoir apporter les réponses.
Un mâne, un capitaine, les démons du passé… Voilà qui lui occuperait l’esprit un certain temps !
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