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    Un monde plein de mystères,
    plein de magie et surtout plein d'aventures...

    Il est peuplé de créatures fantastiques. Certaines d'une beauté incomparable, d'autres aussi hideuses qu'inimaginables, beaucoup sont extrêmement dangereuses alors que quelques unes sont tout simplement adorables. La magie est omniprésente sur ces terres : des animaux pouvant contrôler la météo, des fleurs qui se téléportent, des humains contrôlant les éléments, des objets magiques permettant de flotter dans les airs...

    Dans ce monde, il y a le royaume d'Aryon. Situé à l’extrémité sud du continent, c'est un royaume prospère, coupé du monde. Il est peuplé d'hommes et de femmes possédant tous un gros potentiel magique, chacun vivant leurs propres aventures pour le meilleur comme pour le pire.

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    Pions contre fou.
    Le royaume d'Aryon  » Le royaume d'Aryon » La capitale
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    InvitéInvité
    Anonymous
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    Pions contre fou.
    Mer 21 Avr 2021 - 17:25 #
    La nuit avait été rude. Le vieil homme n’avait pas fermé l’œil de la nuit ; son regard avait contemplé, à travers l’ouverture sur le toit, un ciel sombre et étoilé au côté de ses deux boules de poil, tantôt bercé par le ronronnement rassurant des félidés, tantôt saisi d’un silence pesant. Des heures durant, il s’était repassé en boulce dans son esprit son entrevue avec le capitaine Al Rakija ainsi que son escapade nocturne jusqu’à la rencontre du frère Svenn. Une journée bien étrange pour un Commandant ; salvatrice d’un côté, maléfique d’un autre. Un semblant de fissure dans quotidien routinier à traiter des dossiers sans âme, mais possiblement une mise en danger de la Garde tout entier s’il lui arrivait quelque chose.

    « Au moins, Al Rakija a accepté de me seconder sans trop faire de vagues. Pas vrai, ma belle ? »

    Marquisette ne répondait pas. Elle était complètement avachie à côté d’Arban. Pour elle, lorsque son être humain de compagnie faisait acte de présence, plus rien n’avait vraiment d’importance. L’avantage, c’est qu’Arban ne prenait pas trop de place dans sa vie – comparé à son petit rejeton de Mistigri – et ils avaient trouvé un semblant d’équilibre. Elle aurait peut-être souhaité qu’Arban soit un mâle de son espèce ; Arban était très bien comme il était.

    Et puis ses pensées se focalisèrent de nouveau sur l’affaire du moment, l’ennemi public numéro un qui était allé jusqu’à inquiéter la Commission tout entière, à kidnapper Son Altesse Royale en plein jour. Pour sûr, il avait mijoté un plan dans les méandres de son esprit, à se tourner et à se retourner dans sa couche. Sa petite mansarde lui offrait certes un confort sommaire, mais lui offrait le don de penser en toute liberté.

    « … Ça peut marcher. »

    Telle fut la conclusion qu’il tira alors qu’il se redressa.

    « Tout allait bien se passer, s’efforca-t-il de dire. »

    Routinier, méthodique, il préparait sa collation du matin, Mistigri entre les pâtes qui, de miaulements jaunâtre, réclamait sa pitance tout en se frottant contre son propriétaire. Le vieil Höls lâcha un long soupir avant de s’atteler à la tâche, un sourire fatigué face à cette petite boule de poil qui lui faisait oublier sa fatigue et ses tracas. Il lui frotta l’échine après l’avoir servi, un sourire triste.

    « Au moins, toi, tu ne risques pas de faire défection pour des motifs bizarres. Marquisette t’a à l’œil… »

    Café et pomme englouties, il s’éclipsa de sa cachette. Il avait rejoint la caserne par une méthode peu conventionnelle, arpentant des ruelles peu fréquentées et encore sombres avant que le soleil ne se lève véritablement. Très peu d’individus pouvaient témoigner de ses aller et venues à des heures pareilles ; pour la plupart, il s’agissait d’un vieil homme pressé, rien de plus.

    Ses appartements officiels – bien plus dignes d’un Commandant, ceux-là – lui permettaient de se mettre en forme. La douche était de mise et ses vêtements de fonction, eux, étaient d’un noir impeccable ; pas le moindre poil de chat ne s’y faufilait. Restait son éternelle pilosité faciale indomptée et ses cheveux presque en bataille qui lui donnaient un air indécent selon les journées. Il faisait déjà son apparition dans les couloirs de la caserne, marchant droit, le regard sans dévier, suscitant l’admiration de certains et la crainte pour les autres. Certains s’arrêtaient même pour se tenir au garde-à-vous ; il les ignorait et passait son chemin. Sa ronde lui permettait simplement de s’assurer qu’il n’y avait rien de malheureux à constater ; la plupart de ces imbéciles se fliquaient déjà eux-mêmes suffisamment pour qu’Arban se retrouve constamment derrière chacun à effectuer quelque contrôle routinier.

    Il salua sa secrétaire de l’une de ses effroyables moues réprobatrices.

    « Bonjour. Préparez-moi les dossiers des régiments cent-trente-quatre, cent-quatre-vingt-dix-huit et deux-cent-six. »

    Il ne lui accorda pas le moindre regard après qu’il eut presque vomi les trois nombres, et disparu aussi vite que sa sombre silhouette macabre avait atterri dans le champ de vision de la vieille dame toute bouleversée. Son humeur avait changé du tout au tout et elle était massacrante. Pas même l’odeur du thé qu’il préparait sans perdre une seule seconde semblait le détendre. Il y avait visiblement du pain sur la planche, au moins en matière d’administration.

    ---

    Quelques instants plus tard, il était en compagnie de cinq gardes dans son bureau. Tous se tenaient droits devant le tableau noir où Arban avait prit soin de détailler un plan d’action. Certains, le regard perplexe, déglutissaient sans trop comprendre la situation. D’autres feignaient un air solennel, comme s’ils étaient coincés d’un long balai dans le fondement.

    « C’est spécifiquement de vous cinq dont j’ai besoin pour cette mission et j’ai besoin de faire d’une pierre deux coups. Son Altesse Royale est diablement furieuse ; elle n’arrive pas à retrouver sa boucle d’oreille dorée qu’elle dit avoir perdu dans le Jardin Botanique. Je veux que vous me retourniez cet endroit et que vous me retrouviez cet artéfact. Pour l’autre mission, je veux que vous me confectionnez un… Bouquet.
    — Un bouquet ? de répondre les gardes en chœur.
    – C’est pour ma secrétaire. Je ne sais pas comment lui faire supporter mon humeur maussade autrement qu’en la réconfortant et… Je n’ai pas trop le temps.
    – Mais et ça serait pas mieux d’aller chez un botaniste ? »

    Arban fusilla le curieux du regard.

    « Vous discutez mes ordres, maintenant ? »

    Le garde déglutit.

    « Hors de ma vue, conclut le vieux Höls. »

    Surpris, les cinq gardes répondirent par un salut militaire auquel Höls trouverait une infinité de choses à redire, et ils quittèrent la pièce à la file indienne, sans grande discipline.

    « Bon débarras… Dit-il à haute voix. »

    ---

    « Vous discutez mes ordres, maintenant ? Ho ho comment tu t’es fait calmeeeer !
    – Ta gueule. »

    Le Soleil à son zénith surplombait les cinq gaillards déjà attelés à la tâche. Certains y mettaient du cœur à l’ouvrage. D’autres, un peu moins motivés et sceptiques, ne pouvaient s’empêcher de remettre en question ce qu’il se produisait.

    « C’est pas logique. Normalement le Commandant y convoque pas des soldats comme ça, surtout pour des missions aussi… Nulles.
    – Tu préfères faire des quarts sans solde ? Ferme ta gueule et vois plus loin que le bout de ton nez : y a sans doute une prime ou une promotion à la clef.
    — Une promotion, j’espère. J’en ai marre des rondes à cheval, ça m’fatigue moi je rêve d’un bon bain dans une booooonne aubeeeerge…
    – Ah… J’ai les pastèques ! »


    Sans grand entrain, les soldats défrichaient le terrain, coupaient sans vergogne certaines roses, se grattant l’arrière du crâne, incertain.

    La journée promettait d’être très longue…
    Klarion BrandoSouverain de la flore
    Klarion Brando
    Informations
    Re: Pions contre fou.
    Mer 21 Avr 2021 - 20:06 #
    « Kla..rion ! »

    « Aide…! Sauve…! »  

    « Métal, nous… tue ! »

    Klarion s’était précipité hors de sa cachette pour suivre les appels à l’aide des plantes en perdition, menacées par une menace dont il ignorait tout. Le jeune homme était retourné aux jardins botaniques pour dévaliser les petits papiers de l’ex-directeur Author, en congé anticipé à durée indéterminée depuis que l’éco-terroriste avait attenté à sa vie. Klarion espérait pouvoir trouver les noms et adresses de ses plus proches collaborateurs pour également leur faire payer leur négligence. Author s’était amusé à placer ça et là des gens qui lui étaient proches à des postes clés au sein et autour des jardins pour s’assurer une position durable et importante en tant que directeur. Il avait poussé Klarion au départ lorsque ce dernier y travaillait, ému pour les plantes et désireux d’y stopper la corruption permanente. Malheureusement pour le garçon, il fut contraint de partir et était revenu se venger de son ex directeur avant qu’une garde zélé ne lui mette des bâtons dans les roues. Author avait été mis sur le banc de touche, mais était toujours en vie. Klarion voulait toujours faire tomber son château de cartes mais un événement imprévu venait d’occulter totalement son objectif.

    Quelque part, non loin de lui, quelqu’un était en train de souiller des plantes. Plusieurs cris retentissaient, Klarion les entendait grâce à sa magie, des cris d’agonie et de désespoir pour que qui que ce soit vienne leur porter assistance. Fort heureusement, le phytomancien pouvait communiquer avec les plantes et entendait leur souffrance. Le plus curieux était surtout que ça n’était pas une attaque localisée, plusieurs plantes autour de Klarion appelaient à l’aide. Il n’y avait pas qu’un seul vandale portant atteinte à la quiétude florale mais plusieurs individus. Toucher et cueillir les plantes des jardins botaniques était pourtant formellement interdit. De plus, malgré la température agréable et la météo estivale, Klarion n’avait pas croisé le moindre visiteur depuis son entrée dans les jardins. Avait-il été suivi ? Ou était-ce un piège ? Si c’était le cas alors le soi-disant stratège devait revoir sa composition, pensait le criminel. Ses sbires s’étaient éparpillés ça et là et constituaient des cibles faciles.

    Coupant à travers les arbres et la pelouse, Klarion se faufila entre les buissons pour faire face au premier meurtrier. Sans surprise, c’était un garde. C’était un balourd avec de gros bras au crâne rasé, intégralement vêtu d’une rutilante armure, casque compris. Tapis dans les buissons, Klarion le voyait brandir son glaive et l’abattre brutalement sur un bosquet de camélias pourpre, des pétales explosant de partout à chaque coup asséné. La reine Allys avait-elle été si traumatisée qu’elle avait ordonné le saccage gratuit et discret d’une partie des jardins ? Non, elle avait été hermétique au discours de Klarion mais elle n’était pas une femme si cruelle ou rancunière. Author non plus, le bougre ne commandait pas à la Garde. Ceci devait être l’œuvre de quelqu’un d’autre.

    « Non… mort, mort ! Métal… nous tue ! » Articula un camélia avant que l’épée ne le découpe.

    « De l’aide ! Se… cours ! »

    Klarion n’en pouvait plus d’entendre toutes ces plantes hurler de douleur, il fallait qu’il agisse vite pour porter assistance aux autres. Sortant des fourrés, il se précipita dans le dos du garde sans même prendre le soin de dégainer une arme. Il attrapa le casque du garde entre ses doigts et laissa sa magie faire le reste. Une fine branche verte et brune poussa devant le heaume du guerrier, de petits bourgeons noirs en forme de visage émergeant du rameau. Pris de surprise, gesticula pour se dépêtrer de l’étreinte de Klarion mais il était trop tard. Ce dernier s’éloigna de quelques pas tandis que le garde donna un coup de glaive en arrière, dans le vide. Le gaillard lâcha subitement son arme avant d’attraper sa figure en émettant des petits cris stridents, des hoquets à mi-chemin entre la stupeur et la surprise.

    - Je ne sais pas pour qui tu travailles, idiot. Mais il vient de commettre une terrible erreur. Quant à toi, tu n’aurais pas dû t’éloigner, et réviser ton herbarium. Le lurgubus hurlant risque de causer ta perte si personne ne te trouve

    La plante qu’avait fait pousser Klarion était bien dangereuse et provoquait des hallucinations auditives à quiconque en ingérait les spores. Le garde allait entendre des cris stridents provenant de nulle part. Il allait rester prisonnier du psychotrope de la branche jusqu’à ce qu’elle disparaisse. Le jeune homme n’était pas inquiet, quand ceci serait le cas le pauvre serait inconscient depuis bien longtemps, baignant dans sa bile à cause des cris du lurgubus. Le pauvre tenta néanmoins de ramasser son glaive en titubant maladroitement. Klarion fut prompt et se baissa pour ramasser l’arme avant de la lancer dans un bassin à nénuphars non loin d’eux. Les nénuphars remuèrent légèrement quand l’épée traversa l’onde, les remous se calmant peu à peu alors que le garde tombait au sol, face contre terre, son armure provoquant un certain fracas. Klarion entendait toujours les cris d’autres plantes autour de lui, il fallait qu’il parte les sauver de leurs ravisseurs.

    - Vous allez regretter de m’avoir énervé, et de m’avoir pris pour un imbécile.

    Klarion repartir vers les buissons, s’enfonçant dans la végétation en direction d’autres hurlements lointains. La Garde pouvait continuer de lui lancer des idiots à sa poursuite, il savait ce qu’il avait à faire.

    - On ne chasse pas le dragon sur son territoire.

    La nature gagne toujours, Klarion comptait encore le prouver. Qui que ce soit son grand ennemi du jour.
    InvitéInvité
    Anonymous
    Informations
    Re: Pions contre fou.
    Mer 21 Avr 2021 - 23:30 #
    « Des boucles d’oreille… J’t’en foutrai moi des boucles d’oreilles… »

    Dicule, dont le prénom était Terry – Terry Dicule de son état complet – chassait sans vergogne la brouissaile verdâtre qui l’importunait au plus haut point dans sa progression. Tout ce qu’il voulait, c’était ce stupide truc qui brille pour contenter Son Altesse et rester dans les bonnes grâces du Commandant. On l’avait hélé plus tôt sur son entrevue, la convocation surprise de Höls ayant suscité quelque remous au milieu des trouffions. On n’obtenait pas un entretien privé avec le Commandant tous les jours, surtout quand on était au plus bas de la hiérarchie et, pis encore, quand la magie sommeillait, mais alors bien profond.

    Il sentit subitement une ombre surgir de derrière, mais son centre nerveux retardé, doublé d’une constitution digne de celle d’une statue rigide, ne lui avait ni permis de comprendre la situation, ni de prendre quelque décision propice à sa survie. Il avait le regard figé sur ces incompréhensibles bourgeons beige au sourire fendu, à l’odeur particulièrement âcre, ineffable, à l’effet instantané : Terry Dicule hurlait de tout son diaphragme, passant du loubard sans scrupule au gros bébé sous l’empire du psychotrope, esclave d’hallucinations désagréables.

    « Dicule ! Qu’est-ce que ?! … »

    Un autre garde, Hutte de son nom – Sacha de son prénom – se hâta en direction de son collègue qui le gratifia d’une subite gerbe colorée, vomissant son petit déjeuner dont la plupart des aliments, encore peu digérés, restaient identifiables bien que décomposés. Il oublia la silhouette qu’il pensait avoir aperçu du coin de l’œil.

    « Putain, mon nouveau plastron ! »

    Un cri d’outre-tombe vint lui arracher les tympans, qu’il répliqua à l’identique, comme si un mort-vivant se jetait sur lui. À son tour, il dégueula sans autre forme de procès sur Terry Dicule, qui tomba à la renverse.

    « Vous allez regretter de m’avoir énervé, et de m’avoir pris pour un imbécile […] on ne chasse pas le dragon sur son territoire. »

    Dicule tomba lourdement à terre. Sacha Hutte, quant à lui, fit face à un grand dragon, digne d’une créature des terres sauvages du nord, dont le regard – deux grands ovales dorés – semblaient le frapper de stupeur.

    « AH ! UN DRAGON ! AAAAH ! »

    Son cri distinct retentit dans le Jardin Botanique. Celles et ceux aux alentours, alertés par les cris, s’éloignaient prudemment, tandis que d’autres avaient approché par curiosité. Erreur : le psychotrope embaumait les alentours, et bientôt les cris se firent multiples, retentissant.

    « Évacuez le Jardin Botanique ! eut l’intelligence de héler un des gardes qui avait pris soin de s’éloigner du grabuge. »

    Visiblement, personne ne semblait avoir aperçu le commanditaire de ce qui était qualifiable d’un acte terroriste.

    Les échos de la voix solennelle d’Arban semblaient déjà loin, évanouis en des promesses sans lendemain, abandonnant deux malheureux gardes à leur sort, inertes, gisant dans leur gerbe.
    Klarion BrandoSouverain de la flore
    Klarion Brando
    Informations
    Re: Pions contre fou.
    Jeu 22 Avr 2021 - 14:13 #
    - Vous partez déjà ? Vous parlez d’un plan… !

    Klarion avait entendu un autre garde non identifié beugler à la retraite alors que le phytomancien faisait tomber un second affreux. Si un de leurs camarades incitait déjà à se replier alors seulement deux hommes était à terre, cela voulait dire que le message était clair : leur escouade était bien trop petite et pas assez préparée. À moins que cela ne soit encore un piège pour tenter de l’acculer et lui tendre une sournoise embuscade ? Toujours dans les fourrés, Klarion se dirigeait à tâtons dans la direction où le garde continuait de hurler en invitant ses camarades à quitter les lieux. Par la même occasion, il incitait à l’évacuation totale des jardins, impliquant donc la prise en charge des civils potentiels se trouvant dans le périmètre. Klarion aurait donc plus de temps pour sortir également si les soldats cessaient de malmener la végétation pour se concentrer sur la recherche et l’aide des autres personnes présentes.

    Klarion déboula de l’autre côté de l’étang aux nénuphars, pas si loin de l’endroit où il avait laissé le premier garde inconscient. Devant lui, le garde hurleur, assis sur un banc de bois, avait retiré son casque pour nouer un bout de tissu grossièrement déchiré autour de sa figure pour protéger son nez tant bien que mal. Sans doute ne voulait-il pas inspirer de spores et cherchait à se confectionner une protection de fortune. Néanmoins Klarion pu avoir un petit aperçu de son visage lorsqu’il eut retiré sa pièce d’armure de tête. Avec sa tignasse blonde cendrée, cet homme n’avait pas l’air intelligent. Une cicatrice barrait sa joue gauche, sans doute donnée par un coup de lame non esquivé lors d’un duel malencontreux. Enfin, son nez aquilin vint tendre le foulard lorsqu’il le noua autour de son crâne. Klarion n’avait fait pousser que deux petits rameaux depuis tout à l’heure, il se sentait toujours en bonne forme. Il pouvait bien faire tomber un troisième loubard dans son genre. Cependant, il ne pourrait pas utiliser la technique de la branche de lurgubus sur celui-ci à cause de son foulard. Le jeune homme devait trouver autre chose…

    « Avons… peur ! Homme de métal… tué autres… ! »

    « Aide-nous ! Lui doit… partir ! »

    Les cris provenaient d’un parterre de jacinthes multicolores à quelques mètres de Klarion. Les pauvres devaient avoir vu le précédent garde martyriser le buisson de camélias jusqu’à ce qu’il n’en reste presque rien. Entendre ces pleurs répétés, tout autour de lui, fendait le cœur de Klarion. D’ordinaire, il entendait les plantes chanter, des douces mélopées tantôt enjouées ou mélancoliques que le garçon se permettait parfois d’harmoniser pour qu’elles puissent toutes composer à l’unisson, ensemble. Il avait l’habitude de réunir les plantes pour qu’elles ne ressentent jamais la solitude, mais toutes ces vagues de désespoir ne faisaient que monter sa rage. Il ne supportait pas le sacrilège que commettaient ces hommes. Et il savait que personne ne le croirait s’il se mettait à dévoiler ces tactiques perfides de la Garde. Il se devait de confronter l’instigateur de toute cette manigance. Le peu de gardes mobilisés donnait l’impression à Klarion que, plus qu’un piège, c’était tout bonnement une insulte pour le tourner en ridicule.

    Le phytomancien espérait pouvoir le rencontrer. Mais il devait, dans un premier temps, se débarrasser de ce type qui profitait de quelques minutes d’accalmie, à l’écart de ses camarades, avant de reprendre sa manœuvre. Klarion devait le faire tomber rapidement et sans le faire hurler comme les autres afin de ne pas trop attirer l’attention. Il rabattit sa capuche sur sa tête avant de sortir des fourrés en trottinant à toute allure en faisant mine d’être essoufflé. Il s’élança sur le pavé du chemin avant de s’effondrer à genoux face au garde, toujours assis, qui de surprise attrapa la garde son épée. À terre, Klarion continuait de fixer le sol tandis que le blondin, sa main toujours agrippée à la garde de son épée, prenait un air circonspect mais concerné.

    - Tout va bien ? Fit-il d’un ton peu assuré.

    - Je… Aidez-moi ! Haleta Klarion. J’ai inspiré des spores… J’ai peur !

    Le garde eut un mouvement de recul, surpris, mais lâcha le pommeau de son glaive. Il restait néanmoins assis sur le banc. Le type attrapa un morceau de tissu brun posé à côté de lui avant d’en déchirer un morceau pour le tendre à Klarion dont il n’avait, pour l’instant, toujours pas vu le visage.

    - Tenez, mettez ça autour de votre nez. Y a un terroriste dans le secteur, faut vite que vous sortiez d’ici.

    - Ah… ah bon ? Repris Klarion, sur le même ton affolé. J’en ai vu trois pourtant !

    - Que… quoi ?

    - Vous êtes le troisième.

    Klarion releva brusquement la tête vers le garde avant de fondre sur le casque posé sur le banc. Le garde eut un mouvement de recul tandis que, se redressant, Klarion abattit le morion sur le visage de son interlocuteur. Le pauvre avait tenté d’attraper à nouveau son arme, mais il fut trop lent dans une bien mauvaise posture, assis sur son banc, pour réagir rapidement. Il tomba de côté pour s’étaler de tout son long sur la banquette, son armure faisant un tantinet de bruit en heurtant le bois. Ironiquement, Klarion remarqua une entaille saigner sur sa joue droite. Voilà qui risquait de laisser une marque, de quoi aller de paire avec sa seconde cicatrice sur son autre joue… Le garçon reposa soigneusement le casque aux côtés de son possesseur avant de se remettre sur pieds. Une idée vint subitement lui traverser l’esprit…

    Posant ses deux mains sur le banc, Klarion fit pousser de grosses racines pour enserrer le garde, suffisamment pour l’entraver, mais pas pour le tuer. Il mit plusieurs minutes à reprendre son souffle après la pousse achevée, le faisant boire une gorgée d’eau d’une petite flasque dissimulée dans son manteau pour se ressaisir.

    - Quand les moutons manquent à l’appel, le berger vient les chercher. Fit-il avant de disparaître à nouveau entre les buissons, attentif à ce qui l'entourait.
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    Re: Pions contre fou.
    Jeu 22 Avr 2021 - 22:11 #
    Ainsi, dans un mouvement vif et ample, le fou balaya le pion adverse, comme fauché, arraché à son destin, pris entre le marteau du Commandant et l’enclume du Jardin Botanique, victime d’une manigance politique qui échappait à plus d’un. C’était au tour du soldat Cépacaré — son prénom, à lui, était Cicéron – de se retrouver hors d’état de nuire ou, plutôt, de mettre la main sur cette boucle d’oreille factice. Il s’était fait avoir comme un bleu, tombant dans une cacophonie brunâtre, comme arraché par cette silhouette purgatrice, sombre, qui semblait maître de l’échiquier végétal qu’Arban observait discrètement depuis quelque hauteur insoupçonnée. Des racines sombres et déchiquetées s’animaient autour de Cicéron Cépacaré – qui était bien rondelet – pour achever une constriction parfaite.

    Le vieil homme fronça les sourcils. Visiblement, la réaction de l’individu qu’il devinait être Klarion eut été pour le moins surprenante ; mais il était aisé de deviner que ce n’était pas après les pions que le jeune homme en avait. Il lui fallait prendre la tour qui attendait, tapie dans un recoin, prête à frapper de plein fouet. D’un regard certain, il observait son fou aller et venir, se déplacer en des ondes jaunâtres, tantôt bruyantes, tantôt faibles, quoique révélatrices de la position de la cible.

    Les deux gardes restants, qui avaient eux aussi entendu le grabuge, s’étaient rendus à l’endroit où le pauvre Cicéron, inerte, avait été immobilisé sur le banc. Les coups de lame pour l’en sortir n’eurent aucun effet. Cicéron allait rester là pendant un moment.

    « Laisse tomber, Fils ! héla l’un des gardes. Faut se concentrer sur cet enfant de catin ! C’est sûrement la même ordure qui a kidnappé la Reine !
    – T’as raison Voyage ! En plus, le Commandant Höls nous récompensera ! »

    Le vieux Höls fronça les sourcils.

    « Imbéciles… se dit-il à lui-même. Me voilà forcé d’agir. »

    Sur ces paroles, il sortit de sa cachette, se laissant couler à son tour derrière un buisson, revêtu de sa dégaine de roturier, presque à l’improvise, un foulard appliqué sur le nez au vu des recommandations sommaires qu’il avait entendue de la part des trouffions ; bénéfique fût-elle.

    Confiant, il progressa parmi la végétation grisâtre. Celle-ci, bien que terne, mettait en valeur les éléments les plus dignes d’intérêt ; deux d’entre eux étant Edmond Fils, secondé de Fred Voyage, les deux gardes restants affairés à la recherche du criminel, débroussaillant sans sommation du végétal çà et là, propageant de grands bruits jaunâtres.

    « Klarion Brando, la garde aura ta peau ! tonitrua presque Fils, comme pour se ragaillardir.
    — Ouais ! d’encourager Voyage. »

    Là, de son côté, Höls, dissimulé en retrait, contempla devant lui. Parmi le chiendent, elle trônait, belle, interdite, d’un rouge fatal et saisissant, cette rose solitaire, splendide, aux épines grises et acérées.  Arban s’en approcha. Cette couleur pure, qui rappelait ô combien ces vipères qui naguère aurait voulu le soumettre à un charme destructeur, avait toute son attention. Son regard glacial ne voyait rien d’autre que les pétales repliés de cette fleur défendue. Il l’entourait de ses mains, sans la toucher, perplexe. Comme s’il eut voulu exercer quelque contrôle psychologique, quelque emprise sur elle. Il se surprit à demander, sans être véritablement sûr de l’identité véritable de son interlocuteur :

    « Est-ce que tu le vois…? »
    Klarion BrandoSouverain de la flore
    Klarion Brando
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    Re: Pions contre fou.
    Ven 23 Avr 2021 - 2:08 #
    Klarion aurait pu faire face aux deux gardes secourant leur camarade pour le mettre en lieu sûr. Klarion aurait pu lui-même se mettre en lieu sûr et fuir les jardins botaniques pour retourner se terrer dans une de ses nombreuses planques. Klarion aurait pu tuer les gardes qu’il avait semé derrière lui, ou provoquer encore plus de panique en déchaînant spores et toxines sur les civils les plus proches. Oui, Klarion aurait pu faire toutes ces choses. Mais le jeune homme se tenait pourtant là, observant de loin un homme qui lui tournait le dos. Il était grand, le dépassant, à vue de nez, d’au moins une tête. Il était plutôt carré de stature, habillé comme un vulgaire roturier du quartier marchand, dans des tons plutôt sombres et relativement sobre, sans aucun ornement ni garniture. Il avait les cheveux grisonnants, coiffés en bataille tout comme Klarion avait ébouriffé les siens. Le criminel ne pouvait voir son visage, mais il ne bougeait pas malgré les cris lointains des gardes désireux de sortir des jardins le plus vite possible.

    Klarion ne s’était pas éclipsé non plus pour une simple et bonne raison : cet homme se tenait face à une rose. La rose en question n’était pas une rose ordinaire, elle était on ne pouvait plus spéciale. Le souverain de la flore était, d’ailleurs, plutôt surpris que cette rose soit toujours plantée ici. Après tout, c’était cette même rose qu’il avait fait pousser pour leurrer la reine loin de son escorte et lui tomber dessus toutes griffes dehors lors de son enlèvement retentissant. Tous les autres gardes s’en étaient donné à cœur joie pour saccager les buissons fleuris des jardins, tuant tous les végétaux qu’ils pouvaient voir. Pourtant cet homme restait là, le regard rivé sur la rose fatale. Qui était-il ? Pourquoi ne bougeait-il pas d’un pouce malgré les appels des soldats à évacuer les lieux ?

    « Klarion ! » Fit la rose d’une voix fluette. Elle le connaissait, après tout c’était lui qui lui avait donné naissance. « Cet homme… des yeux de foudre… ! »

    La plante ne semblait pas être à son aise, le regard de cet homme avait l’air de l’apeurer. Il avait le regard à la fois perçant et pénétrant, une information supplémentaire pour Klarion. Un regard pouvait passer bon nombre de messages et transmettre moult sentiments. Mais un individu possédant un regard comme le sien devait être suffisamment déterminé et animé d’une certaine volonté. Si la rose transmettait ces impressions à son créateur, elle voulait sûrement pouvoir lui dire que l’inconnu avait une âme de fer. Le jeune homme s’attendait à ce qu’il ne porte atteinte à la fleur, mais il n’en fit rien. Il restait là, debout, un silence s’installant ainsi qu’une légère brise chatouillant leurs nuques. Les appels des gardes se faisaient de plus en plus lointains, ils devaient être déjà partis. Qui que fut cet homme, ils n’avaient pas l’air de s’être préoccupés de son sort. Savaient-ils au moins qu’il était là ?

    - Vous n’avez pas entendu ? Alpagua Klarion d’une voix narquoise. Un monstre se cache dans les jardins.

    L’homme restait statique, un coup de vent plus sourd fit flotter leurs tignasses avant de les laisser retomber brutalement sur leurs fronts. Klarion s’avança, marchant doucement pour s’asseoir sur un banc, à quelques mètres derrière l’inconnu. La rose était si jolie, si écarlate. Sa voix s’était quelque peu calmée alors que le garçon s’approchait pour s’asseoir. Au-dessus de sa tête, une grande glycine pourpre lui donnait un peu d’ombre plus que bienvenue avec le cagnard qui frappait la Capitale depuis le début d'après-midi. Klarion but à nouveau une gorgée d’eau claire avant de poser la flasque à côté de lui, au cas où le gaillard veuille partager une rasade, on ne savait jamais.

    - D’aucun dirait que c’est moi, le monstre. Mais je n’ai rien souillé aujourd’hui.

    Il soupira bruyamment. Klarion ne savait pas vraiment pourquoi il adressait la parole à ce type. Il avait l’impression de converser avec une statue, un monolithe de marbre avec qui il sentait qu’il pouvait momentanément s’ouvrir avant que le temps ne reprenne son cours. Le temps avait l’air comme suspendu en cet instant précis, Klarion se sentait à la fois las et puissant, une intense mélancolie mêlée d’orgueil. Peut-être que ce type comprenait, peut-être qu’il s’en fichait. Klarion se mit à sourire, cette fois rien de narquois, un sourire presque triste.

    - Je veux vraiment que tout le monde puisse vivre avec les plantes. Pourtant, ils les détruisent… Dites moi pourquoi.
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    Re: Pions contre fou.
    Ven 23 Avr 2021 - 16:21 #
    Un intense frison vint comme frapper le vieil homme de stupeur. Les moult signaux qu’il avait perçus s’étaient pour la plupart excités en des ondes incompréhensibles ; elles ne trahissaient aucune présence connue, pis encore, elles semblaient comme « mentir » au Commandant, comme si elles émettaient quelque bruit incompréhensible. Ou peut-être un signal d’intérêt pour l’intéressé. Il le comprit très tôt alors qu’il faisait face à cet être confondu avec les plus beaux ornements qu’on pouvait offrir à une conquête : il était pris au piège dans la gueule du loup. La voix des deux êtres salvateurs s’était déjà tue en échos sourds et hasardeux au loin. Derrière lui, des bruits de pas parmi le bruissement du vent chatouillant la verdure se distinguaient. Le visage masqué par un foulard presque miteux, il ne bougea pas d’un cil. Son regard était étrangement captivé par ce carmin interdit, par cette plante qu’il comprenait être l’objet qui avait permis à Klarion de passer à l’acte à la vue de tous, fort d’une escapade diurne rondement menée, leurrant les plus avertis des soldats. Y eût-il autre chose ou non, là n’était plus la question. Le vieil homme comprenait.

    Son pouls s’accéléra un moment, puis redescendit alors qu’il entendait Klarion s’approcher jusqu’à s’asseoir derrière un banc. Il utilisait les mêmes stratagèmes qu’il avait pu lire ou entendre de la part des témoins : alpaguer les inconnus pour les prendre en pitié. Mais ce qui fut le plus surprenant, c’est qu’il se dévoila sans aucune forme de procès, prétextant qu’on le qualifiait de monstre ; monstre qui, pourtant, n’avait pas attenté à la vie de ses soldats, bien que deux d’entre eux pouvaient être dans un état discutable.

    Arban demeurait immobile, son regard perçant comme absorbé par la rose rouge, pareil à un taureau fixant son objectif avec énervement. Il essayait de voir, de comprendre, d’embrasser la silhouette pétalée. Il sentait que, quelque part, le fou qui se tenait derrière lui avait quelque chose à voir avec elle, bien plus que ce que le commun des mortels pouvait imaginer. Mais pour lui aussi, naturellement, c’était hors d’atteinte.

    Le jeune inconnu, penaud, avait fini par s’asseoir, comme pour reprendre des forces suite à ce bref affrontement où il était venu à bout d’un trio désorganisé. À croire qu’il émergeait d’une folie destructrice qui l’avait quitté aussi vite qu’elle l’avait investi. Il alpagua même le vieux Höls d’une interrogation pour le moins intéressante, surprenante au vu de la situation présente.

    Cet individu se révélait passionnant, au-delà de ce que les rapports avaient pu décrire.

    « Pardon, vous me parliez…? répondit Höls en tournant la tête vers le jeune homme. J’étais décidément obnubilé par cette merveille de la nature… Elle est tellement splendide… »

    L’air de rien, il alla s’asseoir aux côtés de Klarion, saisissant la flasque, buvant une timide gorgée puis, avant de la refermer, l’enveloppa subtilement d’un pan de sa manche, comme pour y administrer quelque substance inconnue. Il la lui tendit à nouveau tout en répondant à sa question, le plus sincèrement du monde.

    « Le monde est une entité complexe que le genre humain peine véritablement à estimer. Il y aurait beaucoup à dire à ce sujet, en passant par Lucy jusqu’aux faits historiques marquants qui expliquent certaines choses, mais l’heure n’est certainement pas à la discussion. Il faut que nous trouvions un moyen de sortir discrètement avant que la Garde revienne en nombre et nous tombe dessus. J’ai fait l’erreur d’être accaparé par cette rose et je compte ne pas subir les fâcheuses conséquences de ma capacité à m’émerveiller. Vous connaîtriez un chemin par lequel nous pourrions sortir sans être vus ? »

    Tout en détaillant son presque monologue, il avait repensé à des moments de son isolement, ce qui lui avait permis de faire montre d’une sincérité absolue malgré le personnage superficiel dans lequel il s’était glissé. Et puis, après tout, peut-être que ce gamin, qu’il suspectait être Klarion Brando, jouait également la comédie. Mais la promesse à la Commission était claire : aucun retour en arrière n’était possible.
    Klarion BrandoSouverain de la flore
    Klarion Brando
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    Re: Pions contre fou.
    Ven 23 Avr 2021 - 20:40 #
    - Il y a un escalier qui donne sur les quais, derrière la roseraie. C’est la sortie la plus proche d’ici et la moins… difficile d’accès. Marchons.

    Intéressant, tout ceci devenait de plus en plus intéressant. L’homme n’avait pas pris peur. Il ne s’était pas non plus montré agressif en voyant Klarion arriver et lui adresser la parole. Il s’était assis à côté de lui, comme s’il le connaissait depuis toujours, ému par une volonté inconnue. La rose avait raison, il avait le regard d’un aigle prêt à fondre sur sa proie. Il avait des cernes prononcées et des rides entre ses sourcils et autour de son nez pointu. Cet homme avait l’air fatigué, lassé, mais également triste. Il était âgé mais Klarion ne le trouvait pas si vieux, il ne devait pas encore avoir passé la soixantaine, ou alors paraissait bien plus jeune qu’il ne l’était véritablement. Sa barbe était aussi grisonnante et chaotique que sa chevelure, une pilosité faciale drue et hérissée, le faisant ressembler à un vieux loup, vénérable mais toujours autant féroce. Le voilà qu’il s’était levé pour marcher aux côtés de Klarion comme si de rien était.

    La situation était pour le moins étrange, à la fois dérangeante mais tout aussi plaisante. Klarion ne pouvait expliquer pourquoi, mais il se sentait à l’aise avec cette personne, qui que fut cet homme. L’éco-terroriste aurait pu être son fils, il donnait bien le change d’ailleurs avec sa figure anguleuse et sa tignasse noire, plutôt proches de celles du grand poivre et sel. Le jeune n’ayant jamais connu son père, il y avait quelque chose d’assez agréable dans leur échange et la situation. Une catharsis fugace qui risquait de s’envoler aussi vite qu’elle était arrivée, comme un bourgeon qui finit par se faner une fois l’hiver venu. Qui était cet homme de toute façon ? La rose le captivait comme le chant d’une sirène voulant emporter un marin. Avait-il la moindre idée de ce qu’elle représentait ? Était-il un ennemi ? Un ami ? Ou aucun des deux ?

    - Les gardes ; ils détruisaient les buissons autour de l’étang aux nymphéas. Le monde est complexe, mais les institutions sont comme des mécanismes d’horloge : régies par un fonctionnement strict. Ils agissaient sous les ordres de quelqu’un, ou sont des renégats. Dans les deux cas, je ne suis pas le monstre aujourd’hui.

    Un nouveau silence s’installait alors qu’ils marchaient entre les gerbes roses, blanches, jaunes et rouges de la roseraie. Le parfum des fleurs était si doux et sucré qu’il semblait caresser jusqu’à la peau de leur joues, en plus de leur chatouiller les narines. La roseraie était un endroit magnifique avec une des promenades les plus agréables de tous les jardins botaniques, très appréciée par les couples ou les littéraires en manque de rêveries. Mais ça n’était pas la partie des jardins que Klarion préférait, d’ordinaire bien trop peuplée et bruyante. La brise, toujours levée, faisait glisser quelques pétales hors de leurs corolles, tapissant le chemin de petites écailles végétales multicolores, un tapis sylvestre digne d’un conte de fée.

    - Elles sont merveilleuses, parfaites. Elles peuvent donner la vie comme la reprendre. Mais elles sont sans défense. Personne à part moi ne s’en rend compte. J’ai essayé de le partager, mais personne ne m’a écouté, alors j’ai voulu qu’on m’entende. J’ai frappé fort, on m’a entendu. J’ai fait tomber des corrompus qui leur portaient atteinte, c’est moi que l’on a blâmé. Mais aujourd’hui c’est à elles qu’ils le font payer

    Ils sortaient de la roseraie pour traverser un petit pont de bois laqué au-dessus d’un autre étang rempli de poissons dorés aux moustaches ondulant au fil de leur nage. Sur leur droite se tenait un petit îlot artificiel, au milieu de la marre, sur lequel trônait un superbe saule pleureur aux feuilles céladon. Tout le monde trouvait cet arbre triste, mais pour Klarion il était le plus beau de tout le parc. Il passait son temps à chanter paisiblement, une mélopée que personne à part le jeune homme ne pouvait entendre mais qu’il avait tellement envie de partager. Malheureusement, cela demeurait impossible. Aux côtés de Klarion, l’inconnu continuait de marcher silencieusement, mais s’adaptait néanmoins à sa marche.

    - Tout ce que j’ai fait, c’est partager un amour différent. Et regardez ce qu’ils ont fait de moi

    Une fois le pont traversé, ils marchèrent encore quelques mètres avant d’arriver face à un petit portail rouillé, dissimulé entre deux massifs buissons de perles. Klarion s’avança, faisant attention de ne pas toucher aux branches des fourrés pour ne pas les déranger, toujours suivi par le grand homme grisonnant. Le phytomancien posa la main sur le fer brun à la peinture écaillée avant de l’ouvrir pour descendre rapidement avant de se retrouver sur les quais pavés de la Rivière Luisante. Klarion s’empressa ensuite de s’en retourner vers son interlocuteur, plantant son regard dans le sien.

    - Qui êtes-vous ?
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    Re: Pions contre fou.
    Sam 24 Avr 2021 - 18:36 #
    Les prunelles de Klarion, dirigées vers le colosse barbu, pareilles à deux billes noirâtres certies de cercles d’argent, scintillèrent telles deux étoiles noires, inquisitrices et interdites. Le jeune garçon, qui ressemblait à s’y méprendre au Commandant avec deux décénnies de moins, s’était subitement retourné, assaillant le vieil homme d’une question existentielle, aux réponses souvent différentes selon les situations, selon l’air du temps aussi. Il resta à son tour interdit, comme s’il avait été démasqué alors qu’il était bel et bien affublé de ce tissu sale qu’il finit par ôter.

    « Appelez-moi Ahlan. Et vous devez être le fameux garçon qui fait tant parler de lui en mal. Je ne sais pas si je devrais prendre peur et fuir… Ce que vous m’avez dit tout à l’heure était assez perturbant, je dois dire. »

    Technique presque puérile, voire audacieuse, pour détourner la discussion et n’offrir qu’une réponse partielle ; un nom des plus communs, point trop difficile à prononcer, voilà ce qui sierait au garçon.

    Le vieil homme regarda un instant autour de lui. La sortie, discrète, pareille à une porte dérobée, avait donné sur un quai des plus discrets. Seuls quelques rats avaient fait acte de présence, fuyant en désordre à l’apparition des deux individus. L’air de rien, Höls s’avança davantage au bord des quais, comme s’il s’exposait, dos à Klarion, prêt à se faire pousser dans une eau pour le moins inhospitalière, dont le courant avançait tel un gigantesque remous suivant son cours, indolore à la civilisation et aux tracas quotidiens des petites gens. Il éleva la voix pour se faire entendre, toujours à l’attention de Klarion.

    « Vous êtes effectivement différent de ce qu’on dit et il n’y a rien de surprenant. J’en ai cotoyé, des gens de la pègre ; comme des pantouflards nantis, en fait. Et ce qu’ils avaient de commun est qu’ils étaient, pour ainsi dire, tous différents, fidèles à la voie qu’ils avaient choisie et méritaient qu’on s’attarde un peu plus en profondeur sur eux. L’opinion publique, c’est un semblant d’arsenic pour le peuple, n’est-ce pas… »

    Il regarda par-dessus son épaule, la silhouette de Klarion dans son viseur. Il lui accorda un sourire plus détendu. Arban, tout comme la pâle facette d’Ahlan, n’avait pas peur. Puis, il finit par tourner les talons, la stature imposante, trahissant presque son accointance pour les affaires militaires, faisant face à l’ami des plantes.

    « Ce fardeau qui est vôtre doit être difficile à porter. Et je ne parle pas des étiquettes dont on vous affuble ; les rumeurs vont bon train à votre sujet dans les bas-fonds si vous êtes bien celui qu’on dépeint : l’implacable kidnappeur de Son Altesse, Klarion Brando. Et je gage que vous mourrez d’envie de savoir d’où je sais autant de choses. Vous pourriez peut-être le savoir… J’ai rendez-vous avec des gens peu fréquentables pour une partie de cartes. D’ordinaire, je ne m’accorde aucune compagnie malencontreuse, mais si vous êtes à mes côtés, je garantie votre sécurité et… Des sensations de tous les côtés. Votre choix. »

    Il sourit presque en coin, se prenant dans la peau du malfrat postiche dont il se faisait et défaisait à l’envie. Confiant, c’était son regard, luisant d’une étincelle mystique, divine, qui le foudroyait presque à son tour.

    Es-tu vraiment le dragon que tu prétends, Klarion Brando… pensa-t-il, au point qu’un être surnaturel aurait pu décrypter ces pensées sans heurt.
    Klarion BrandoSouverain de la flore
    Klarion Brando
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    Re: Pions contre fou.
    Sam 24 Avr 2021 - 20:18 #
    - Je me débrouille à la bataille, même si je préfère les jeux de plateau. Mais ça a l’air plus amusant que de devoir sauter dans la rivière pour distancer la Garde. Je vous suis.

    Il faisait plus frais sur les quais, le vent s’engouffrait sous les ponts et soufflait plus bruyamment, plus fort qu’entre les arbres des jardins. Quelques barques étaient accrochées sur un petit débarcadère où, tout au bout, un vieillard au dos recourbé pêchait le sandre ou le goujon avec une canne de fortune. Les passants se faisaient rares sur ce quai, la plupart des promeneurs préférant les marches agréables parmi les plantes des jardins plutôt que le courant d’air humide de l’entre-deux ponts. Le vieil homme ne les avait pour ainsi dire même pas remarqué. Klarion rabattit sa capuche sur son crâne pour éviter d’être reconnu et les deux se remirent en marche, cette fois sur un rythme plus détendu maintenant qu’ils avaient commencé à briser la glace.

    Cet Ahlan était sorti de nulle part et, malgré sa mine rude et sévère, il s’avérait plus chaleureux et compréhensif qu’il ne le laissait paraître. Il avait été, en tous cas, plus affable et attentif que n’importe quel inconnu ayant eu l’occasion de croiser sa route. Klarion repensait au prêtre Aord. Ce dernier avait été si prompt à juger ses motivations et ambitions pour, au final, lui sous-entendre qu’il restait un monstre et qu’il avait tort. Le criminel ne pouvait que se courroucer d’avoir été traité de la sorte. La reine avait été prompte à faire la même chose, il voulait juste parler à une personne qu’on lui aurait d’ordinaire défendu d’approcher. Klarion se souvenait encore aujourd’hui de la peur dans ses yeux lorsqu’elle le regardait, comme un animal terrifié par un prédateur. Il ne lui avait pourtant fait aucun mal, il ne l’avait pas blessé ni torturé, elle était ressortie indemne de leur discussion. Mais au bout du compte, il était toujours le monstre de l’histoire. Il ignorait qui était Ahlan, et d’où il venait. Mais il se présentait, pour l’instant, comme une des très rares personnes à ne pas le considérer comme tel.

    - J’ai grandi dans la rue après le décès de mes grands-parents, j’ai eu mon lot de personnes peu fréquentables. Avec les autres enfants, on inventait nos propres jeux avec ce qu’on trouvait. Et parfois avec ce qu’on ne trouvait pas, avec juste notre imagination.

    Si Ahlan connaissait des gens de fréquentation discutable, ça voulait dire qu’il devait n’en avait jamais entendu parler et ne l’avait jamais vu non plus. Peut-être venait-il d’une autre cité ? Klarion était curieux et voulait en apprendre plus sur son nouvel « ami », qui étaient ces gens chez qui il le conduisait ? C’était peut-être un piège. Mais Klarion voulait tabler, cette fois-ci, sur l’hypothèse la plus optimiste. Il avait envie de croire en Ahlan et en ce début de lien si spécial qui commençait à se tisser. Le phytomancien avait besoin d’étoiles en qui s’accrocher. Il en avait si peu et voulait que cela soit sincère. Quand il éprouvait cela, le pauvre revenait plusieurs années en arrière, quand il n’était qu’un garçon naïf à tendre la main vers autrui, avec son amour des plantes, avant de se faire embobiner ou cracher dessus. Aujourd’hui, il avait les griffes nécessaires pour répliquer. Mais une partie de lui ne pouvait s’empêcher de vouloir y croire.

    - Parfois je me demande ce qui aurait pu se passer si on avait pris mes mains tendues, si la Reine avait été attentive et compréhensive… Le royaume serait aussi beau que la rose que vous avez vu, c’est tout ce que je souhaite. J’aurais été le héros au lieu d’être le monstre.

    Ils remontaient le canal en battant le pavé, passant sous un pont déboulant sur un grand boulevard menant vers la rue du Cœur. D’ici, ils pouvaient voir plusieurs péniches naviguant sur le fleuve, des bateaux de plaisance et de tourisme profitant du beau temps pour une visite de la ville. Sur l’une d’elles, on pouvait entendre des éclats de voix, des rires et de la musique, une fête devait sans doute avoir lieu. Des fanions bariolés et des lanternes de papier brillaient de mille éclats colorés aux quatre coins du petit bateau. La musique n’y était ni élégante ni trop criarde, la compagnie ne devait sans doute pas y être noble ou trop populaire, Klarion aurait pu s’y plaire s’il ne détestait pas autant le bruit et les grandes foules. Ahlan regardait le navire, comme lui, ses souliers claquant contre le pavé. Klarion reprit, en tournant la tête vers son interlocuteur :

    - D’où venez vous ? Demanda-t-il sur un ton plus posé. Et qui sont ces gens chez qui vous m’invitez ?

    Le vent se calmait un peu, il faisait moins froid sur leur quai. Klarion était quelque peu inquiet, non pas à cause de leur rendez-vous mystérieux, mais plutôt de peur que ce petit bout d’affection ne s’étiole. Il n’était pas à l’abri d’une volte-face d’Ahlan, le pauvre Klarion le supporterait difficilement…
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    Re: Pions contre fou.
    Dim 25 Avr 2021 - 12:57 #
    Approbation du jeune garçon.

    Arban ne se fit pas prier et ouvrit la marche, les mains ballantes, se mouvant ni trop lentement, ni trop rapidement. Klarion et lui étaient pareils à deux acolytes en cavale – lui risquait un peu aussi, à être reconnu en tant que Commandant, surtout aux côtés d’un écoterroriste – mais parfois la meilleure cachette se situait en plein jour ; ainsi il se retrouva à bifurquer pour quitter les quais, afin de commencer à arpenter les rues, quitte à croiser quelques civils et subséquemment quelques regards en biais. Il se déplaçait avec une confiance remarquable, comme s’il connaissait bien certaines rues, à défaut de ne pas perdre le Nord.

    « Vous devriez enlever votre capuche. C’est le meilleur moyen d’attirer votre attention. »

    Sur ces mots, il agrippa Klarion comme pour le subtiliser derrière un muret. Sans doute à la grande surprise du jeune homme, quelques secondes plus tard, on vit passer deux gardes ; ceux-ci avaient battu le pavé d’une certaine manière, laissant des traînées grisâtres et symptomatiques d’une marche militaire se répandre en échos chatoyants. Ni une, ni deux, Arban poussa de nouveau Klarion hors de l’angle, le secondant de près.

    « Au risque de me répéter, jeune homme, l’heure n’est pas à la philosophie. En revanche je peux vous faire une seconde promesse d’en parler en votre compagnie. Le fait est que l’occasion présente est trop belle pour être laissée. À gauche. Marchez. »

    Il se sépara un instant de Klarion, l’envoyant dans une rue qui bifurquait presque, courbée. Arban, lui, marchait devant lui, croisant cette fois-ci un lieutenant qui le reconnut comme à des kilomètres.

    « Mon Commandant ! salua-t-il au Garde-à-vous.
    – Lieutenant, d’appeler sèchement Arban sans même accorder un regard à son subalterne pour écourter l’entrevue. »

    Il continua sa marche, retrouvant Klarion à la jonction et reprenant son monologue.

    « Pour ma part, j’ai grandi au Grand Port. Je suis plutôt un gars du littoral, mais les affaires juteuses ont davantage cours dans la Capitale qui souffre moins le tourisme que les côtes. Nous allons à la rencontre d’un gars des plus mal famés, Don Marcel le sans-vergogne. Par ailleurs, curiosité amusante, son prénom, c’est Eddy. Eddy Don Marcel. »

    Il avait prononcé le patronyme de l’intéressé de plus sérieusement du monde.

    « Eddy Don Marcel tient une chambre de jeu clandestine. J’ai été mandaté par une veuve pour récupérer une sorte de pendentif ; une sorte de vieille relique de famille. Vous savez, ces petits trucs qui brillent, aussi chers que les œufs de Solroger. »

    Il invita Klarion à tourner subitement sur les talons. Deux autres gardes arrivaient droit devant et les éviter aussi subtilement qu’avant se révélait impossible.

    « Eddy Don Marcel se révèle aussi être un tricheur sans vergogne ; d’où son surnom. Je veux lui faire cracher un maximum d’argent et sortir sans trop d’encombres. Vous serez sans doute parfait pour épater la galerie à défaut de l’intimider, mais je vous l’annonce sans ambages… »

    Il bifurqua à droite, dans une ruelle plus sombre cette fois, bien moins achalandée, avant de regagner une grande avenue, plus bondée cette fois, où la progression se révélait difficile.

    « Il va falloir me faire confiance jusqu’au bout. »

    Dans cette marrée humaine, il avait été difficile, sinon impossible, de discuter de quoi que ce soit. Les deux comparses, prit dans le brouhaha ambiant, n’avaient d’autre choix que d’avancer, de se laisser porter. Un bonimenteur perché sur sa chaise en hauteur annonçait les nouvelles du jour.

    « Scandaaale au Jardin Botanique ! L’écoterroriste aurait encore frappé ! Aucun mort à déplorer mais deux Gardes dans un état critique ! Mais que fait la sécurité ?! »

    Une dernière fois, Arban bifurqua, agrippant la manche du jeune homme, s’enfonçant dans une ruelle étroite, sombre et brune qui ne sentait pas très bon.

    Il indiqua d’une paume engageante une porte sombre en bois, dont le propriétaire avait visiblement lésiné tans sur son apparence que sur son enseigne. On aurait dit un pub pour de basses gens peu recommandables.

    « C’est ici. Je vous récapitule le tout : on suggère à Eddy Don Marcel une partie de poker à deux contre deux. Vous suivez la moindre de mes instructions. Si tu n’as pas de fonds, tu empreintes le maximum avant le début de la partie. Nous allons la remporter si vous suivez aveuglément mes instructions. Ils risquent de piquer une certaine colère après leur défaite, le conflit n’est donc pas exclu, mais là encore, vous aurez certainement de quoi calmer le jeu. Je n’ai pas envie de me retrouver à éclater le crâne du Sans-Vergogne après l’avoir saigné ; je préfère qu’il me voie comme un futur camarade de jeu plutôt qu’un dépouilleur… Enfin. La décision vous revient, jeune homme. Ou vous me suivez et vous vous en remettez à moi, ou… Nous risquons de déambuler dans la capitale un bon moment à regarder par-dessus nos épaules si les chiens de Garde nous épient. »

    Il interrogea Klarion du regard.

    « Les Chiens de Garde… Celle-là, elle n’était pas voulue… »
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    Re: Pions contre fou.
    Dim 25 Avr 2021 - 15:26 #
    - Je ne suis pas très sociable mais je ne suis pas un tueur sadique. J’ai compris qu’on allait juste jouer aux cartes. En plus, ça serait complètement stupide de me mettre Don Marcel à dos, j’ai difficilement envie d’avoir un parrain de pègre aux trousses en plus de la Garde. Et je suppose qu’il n’aurait pas non plus envie de m’avoir comme ennemi

    Les échos des crieurs de rue se faisaient toujours entendre depuis leur ruelle, leur voix tonnant si fort qu’elles auraient pu réveiller un mort. Les nouvelles allaient-elles si vite au point que l’on crie à nouveau le nom de Klarion si promptement après son passage ? Qui avait été le petit mouchard à l’avoir repéré au jardin, si ce n’était les gardes qu’il avait confronté ? Klarion s’en fichait éperdument, l’issue serait toujours la même. La Garde continuerait de le traquer, de jurer de le coincer et de le punir sévèrement. Et quand bien même il pouvait clamer n’avoir rien fait de répréhensible dans cette affaire, il ne serait pas cru. Il préférait ne plus y penser et profiter de cette aventure impromptue qu’Ahlan lui proposait ce jour. Elle semblait bien plus palpitante. Et, pour une fois, il n’était plus le grand antagoniste à confronter. Le jeune homme appréciait ce revirement de perspective, d’être de l’autre côté du spectre, pour une fois.

    Ahlan s'apprêtait à frapper à la porte mais Klarion l’arrêta subitement en lui attrapant le poignet. Le vieux loup tourna la tête vers lui d’un air interrogateur, intimant le phytomancien de se presser d’éclaircir :

    - Don Marcel ne doit pas me connaître personnellement, ni même avoir eu vent de quoi que ce soit. Mais j’ai déjà travaillé pour un gang à son service quand j’étais enfant. Pour avoir un toit, santé et couvert, j’ai été utilisé pour faire pousser des plantes à narcotiques. C’était il y a longtemps, le gang a été débusqué par la Garde et j’ai pu m’enfuir sans être inquiété, même si j’étais sans doute trop jeune pour être pénalement responsable… Mais voilà, vous le savez, ça peut vous servir on sait jamais.

    Ahlan l’avait écouté d’un air attentif, lui répondant d’un signe de tête en guise d'acquiescement. Klarion lui lâcha le poignet, le laissant donner quelques coups sur la porte de bois en suivant un rythme spécial, sans doute un code secret signifiant qu’il était digne d’entrer. Il avait décidément des manies curieuses, Klarion était étonnamment captivé. Rarement un humain avait réussi à l’intéresser de la sorte. Il viendrait, d’après ses dires, du Grand Port. Cela expliquait ses accointances discutables dans le monde souterrain, et le fait que Klarion n’ait pas entendu parler de lui auparavant. Il avait entendu certaines histoires sur les malfrats du Grand Port, profitant amplement de la frivolité de la Garde locale pour mener leurs affaires. Klarion avait même entendu parler d’un tueur crocodile ayant sévi là-bas avant de s’enfuir sur l’Archipel où il avait été arrêté par un aventurier et un agent inconnu. Tout un folklore exotique se dessinait dans son esprit quand la porte s’ouvrit brusquement.

    Un homme fin et osseux au nez crochu se révéla à eux, les inspectant de pied en cape avec deux billes noires en guise d’yeux. Le videur s’avéra, à juste titre, relativement étonné en voyant Klarion. Ce n’était pas tous les jours qu’il devait ouvrir sa porte pour l’ennemi public numéro un. Ahlan s’annonça en précisant qu’il amenait un invité de marque avec lui sur un ton légèrement ironique en désignant le garçon. La tringle à rideaux leur servant d’accueil daigna les faire rentrer dans un petit vestibule sombre, assez bas de plafond, meublé sobrement. Des loubards étaient là, posés sur des chaises, à fumer la pipe et à scruter les visiteurs d’un air inquisiteur. Ces types devaient sûrement être là au cas où des fauteurs de trouble voulaient faire les malins. L’arrivée de Klarion eut pour effet de les faire se redresser, prêts à en découdre. Malheureusement, le phytomancien ne comptait pas leur donner ce plaisir.

    L’homme fil de fer traversa le hall pour ouvrir un petit rideau de velours révélant une nouvelle porte, invitant les deux compagnons à le suivre. Dès l’instant où il ouvrit la porte, une voix rauque mais très nasillarde se fit entendre, raisonnant dans une large pièce baignant dans un nuage de fumée et une forte odeur de tabac. Assis sur un grand fauteuil confortable se tenait un homme trapu, à long nez, vêtu d’un pourpoint noir damassé d’or et d’une écharpe de fourrure noire. Un haut de forme perché sur sa tête, il toisa les nouveaux venus d’un œil écrasant un monocle déformant sa pupille. Dans sa bouche, le type mordait un gros cigare et expirait parfois des bouffées blanches venant masquer sa figure inquiétante. Il avait l’air satisfait, ricanant parfois en triturant des pièces dorées sorties d’une bourse posée face à lui, sur de multiples documents salis par la cendre de son cigare. Don Marcel était redoutable, et il avait l’air de transpirer la malhonnêteté.

    - Ah vous voilà, pas trop tôt, j’ai failli attendre ! Fit-il en alpaguant Ahlan, avant de montrer des chaises face à lui, envoyant valser ses documents par terre d’un simple geste.

    Il tourna la tête pour poser son regard sur Klarion avant de se remettre à ricaner. Derrière lui, une servante, hybride oiseau, s’avança pour lui servir un verre d’alcool rempli de glaçons.

    - Ben voyons… pour une surprise,  une plante carnivore ! Asseyez-vous tous les deux. Je veux m’amuser, et j’aime pas perdre mon temps.

    Les ricanements de ce pingouin mafieux insupportaient Klarion, mais il n’avait pas le choix que de supporter ces sons désagréables. Pour Ahlan, il acceptait de prendre son mal en patience…
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    Re: Pions contre fou.
    Dim 25 Avr 2021 - 17:10 #
    Le vieux allait frapper, d’une séquence distincte, propre à quelques habités qui souhaitaient faire des affaires coupés des tumultes de la capitale, échappant aux us et coutumes, sous les radars indiscrets quel qu’ils fussent. Il fut interrompu à sa plus grande surprise par son jeune hôte, qui lui fit un avœu pour le moins inattendu ; une information d’intérêt, qu’il ne s’attendait pas à obtenir et qu’il ne se souvenait pas avoir lue dans un rapport voire entendue de la part d’un de ses collègues. Alors comme ça, le jeune Klarion avait eu une enfance tumultueuse, dans l’ombre du Sans-Vergone de surcroit.

    « En effet, ça va grandement me servir, répondit-il promptement avant de toquer. »

    Après un accueil des plus imparfaits, le maître des plantes et le Commandant sous couverture entrèrent droit dans la gueule du loup, aussitôt guidés vers ce lieu d’intérêt qu’Arban avait côtoyé quelques fois récemment, plusieurs fois des décennies auparavant. L’arrivée dans le semblant d’antichambre qui servait de pub d’infortune eut presque l’effet escompté ; des hommes assez peu recommandables en tant que gendre s’étaient levés à la vue de Klarion.

    « Décidément, vous faites plus sensation que je le pensais, plaisanta presque Arban, sur un ton pince sans rire. »

    Ahlan leva une main, dardant un regard autoritaire sur les gros bras, leur intimant qu’il aurait été plus judicieux de se rasseoir que de déclencher un passage à tabac dont ils finiraient sûrement égosillé par leur propre vomi si l’en en croyait les capacités de Klarion. Sans compter que cet endroit, pareil à une cave confinée, ne jouait clairement pas à leur avantage s’ils devaient se protéger de spores vomitifs. Voire pire.

    Arban et Klarion furent ensuite éconduits dans une salle un peu plus isolée, plus étroite, sévèrement éclairée, dont les effluves de corps suintant se mélangeaient à l’odeur de tabac, d’alcool et de renfermé.

    En bref, ça puait.

    Eddy Don Marcel, dans son plus beau pourpoint, accueilli les deux hôtes en grande pompes. Il était secondé par un homme au poil noir et aux cheveux tout aussi en bataille que les deux invités. Sans doute un agent plus alerte que les deux porcinets de l’autre côté, doué de talents davantage intellectuels que physiques.

    On servit aux convives de l’alcool fort, très fort même.

    « Tu ne perdras pas ton temps, Don. Le p’tit empreinte au maximum. J’emprunte la moitié et j’abonde de mes fonds propres.
    – La branlée de la dernière fois ne t’a pas suffi, Ahlan ? »

    Le pingouin avait accentué le "h" du prénom, comme pour l’interpeler d’un air condescendant, vomissant des ondes rougeâtres empreintes de mépris.

    « Rirah bien qui rirah le derhnier, Don. »

    Sur cette réponse où Arban, pris subitement d’une doublure par-dessus sa doublure, s’extasiait faussement d’un humour qui défiait les lois de la nature. Le maître des lieux, emmitouflé dans ses oripeaux, se tordit d’un rire gras et sonore.

    « Tu me fais rire, AHHHlan ! Mais tu vas perdre ! »

    Les quatre joueurs prirent place. On proposa également des cigares aux challengers avec un allume-feu tendu par une femme en tenue défiant tout entendement ; son expression faciale faussement joyeuse faisait comprendre qu’elle n’étais pas des plus joyeuses d’être ici. Peut-être qu’elle aussi était piégée, un peu comme Klarion et son histoire de hachich dans sa jeunesse bouleversée, peut-être.

    On installa sommairement la table, après qu’on eut réparti leurs jetons aux joueurs.

    « Prends le temps de sentir le jeu et sentir mes actions, déclara Arban à Klarion. Je te fais confiance ensuite pour deviner mes actions sous le radar et me suivre dans mes décisions.
    – Tu manques pas d’audace ! fit remarquer Don Marcel de sa voix rauque, s’étouffant d’un second rire précédant une toux grasse. »

    Le premier tour débutait. Les cartes étaient distribuées sans qu’il n’y eût quoi que ce soit de suspicieux ou de spectaculaire. Arban le savait déjà cependant ; Marcel était un tricheur grossier qui en prenait plus d’un à son jeu toxique. Restait à savoir quand il trichait et le prendre à son propre jeu.

    Il jeta un regard discret à Klarion, qui se trouvait sur sa droite autour de la table ronde.

    Quel artifice avait inventé le Don, pensa-t-il ?
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    Re: Pions contre fou.
    Dim 25 Avr 2021 - 19:14 #
    Je n’ai aucune idée de ce que je suis en train de faire…

    Klarion n’avait qu’une connaissance partielle des règles du poker. Il n’avait fait qu’assister à des parties sans jamais vraiment les suivre avec attention, et il avait encore moins eu l’occasion de prendre place autour d’une table de jeu. Les seuls jeux de cartes qu’il avait eu l’occasion de pratiquer plus activement avaient été ceux auxquels il s’était adonné étant petit. La bataille, la crapette simplette, la guilde des menteurs, le tas de gloobies, mais son préféré restait le duel de monstres avec ses cartes à collectionner aux dessins animés par magie. Mais le temps des jeux d’enfants était révolu depuis bien longtemps, et le souverain floral se trouvait désormais dans un repaire d’affreux pour qui tuer ne faisait pas peur. Klarion regarda ses cartes, il avait une paire de dix, un as de pique, un trois de trèfle et la dame de cœur.

    - Hé bah alors, le rosier ! Héla le Don d’un ton arrogant et moqueur. On boit pas ?

    Klarion leva simplement les yeux vers le parrain qui, mordant toujours hargneusement son cigare, le fixait en hoquetant des rires et de la fumée. Le jeune homme n’avait effectivement touché au cognac ambré qu’on lui avait versé, certains glaçons commençant même à fondre. Don Marcel n’aimait visiblement pas boire ses alcools sans les agrémenter de monceaux de cubes glacés pour qu’ils soient constamment bien frais. Le phytomancien avait déjà refusé le cigare que la femme-oiseau à moitié nue lui avait proposé, refuser de boire pouvait être vue comme un affront chez certains mafieux. Ne voulant pas froisser Ahlan, Klarion attrapa son verre en buvant une gorgée de liqueur, ne quittant pas le chef criminel des yeux en lui adressant un regard noir. L’éco-terroriste reposa son verre sur la table, passant un doigt sur ses lèvres pour les essuyer élégamment.

    - Je déguste, pingouin.

    - HA ! Rugit l’intéressé avant de ricaner derechef. On a du répondant, je vois, on a des épines !

    - Du répondant, des épines, et ça.

    Klarion abattit ses cartes pour révéler sa paire de dix avant d’en piocher deux nouvelles. Les dames de pique et de trèfle. Il n’était pas vraiment fort au jeu du poker, mais il avait suffisamment de connaissances pour savoir qu’un brelan de dames pouvait être un coup suffisamment fort pour renverser le cour du tour et déstabiliser ses adversaires. Jetant un coup d’œil à Ahlan, Klarion lui fit signe discrètement pour lui signifier qu’il avait une bonne main, en espérant qu’aucun des autres joueurs n’aient de carré ou de quinte. S’en retournant rapidement vers ses cartes pour ne pas que leur supercherie soit découverte, jetant deux pièces au milieu de la table en guise de relance.

    - Pas mal, grinça Don Marcel, mais moi j’en ai deux !

    Le mafieux nasillard jeta deux paires au milieu pour couvrir les cartes de Klarion. Ce dernier fit mine d’être bon perdant en esquissant un sourire pour déguiser la vaste indifférence qu’il ressentait. Ses yeux passèrent sur la servante, silencieuse dans un coin de la pièce. Elle avait le corps quasi recouvert de plumes aux différentes nuances de bleu et de vert à la manière d’un passereau. Au bout de ses doigts, on pouvait remarquer de petites griffes ainsi qu’une bouche jaunie au milieu de son visage timide. Elle n’avait vraisemblablement aucune envie d’être emprisonnée de la sorte, un oiseau en cage qui ne voulait que s’envoler vers les nuages. Klarion la soupçonnait cependant d’être utilisée par Don Marcel comme outil de triche, à chaque fois qu’elle passait autour de la table pour resservir à boire ou passer un cendrier. C’était la raison pour laquelle Klarion dissimulait toujours ses cartes lors de son passage. Le pingouin remarqua Klarion et décida de l’embêter à nouveau :

    - Hé bah alors on zieute la donzelle ? Elle est pas à vendre celle-là malheureusement. Hin hin… Rien qu’à moi !

    - Quelle chance… Répondit simplement Klarion, pinçant les lèvres.

    - Vivienne ! Encore des glaçons, fissa !

    Vivienne s’empressa d’accourir. Klarion vit son regard éploré. Malheureusement, il ne pouvait rien y faire, il fallait faire bonne figure. Pour Ahlan.

    Pour Ahlan…
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    Re: Pions contre fou.
    Lun 26 Avr 2021 - 19:01 #
    Tantôt prévisible, tantôt subversif. Tel était la force du notoire Eddy Don Marcel, qui pouvait dans d’extrêmes occasions basculer en une faiblesse, en une brèche béante dans laquelle Arban s’engouffrerait et s’en donnerait à cœur joie. Au plus profond de lui-même, il était pareil au loup rongeant l’os d’une vieille carcasse ; pareil au prédateur qui, non content de se faire chasser hors du bois par la faim, attendait le moment propice pour frapper. Il s’était retrouvé malgré lui si proche de deux proies – le Don et Klarion – à jauger du moment propice pour en chasser une sans alerter l’autre.

    « L’antifragile est celui à qui les erreurs profitent, qui brille en situation de crise. Accepte les pertes, les petits moments douloureux qui font douter les fragiles, et frappe violemment au moment où tout le monde croit à sa chance. Et ça, mon jeune ami, même le commandant Delancy ne semble pas l’avoir intégré dans sa totalité. C’est juste un vieux remède de grand-père que je te transmets là et qui m’a hissé non sans hasard au rang où je suis. Après, tu fais comme tu veux. »

    Les paroles de feu Joeystar résonnaient en Arban, alors qu’il semblait passif, dévoilant ses cartes d’un air défaitiste, accordant néanmoins un regard neutre et confiant à Klarion, imperméable aux rires du Pingouin.

    « La terreur des nénuphars aurait mieux fait de rester dans son jardin d’enfant. Le monde des cartes c’est tout autre chose, les amis. Vous êtes sûrs de vouloir continuer ?
    – Affirmatif, répondit Arban sans aucune forme de procès, préemptant quelque réponse plausible de la part de Klarion s’il ne se sentait plus à son aise.
    – Eh bien on augmente les mises de départ ! Ah ! Tu vas voir de quel bois je me chauffe, Ahlan ! »

    Encore, il avait expiré sèchement au son du h.

    Arban, sous l’empire du cigare qu’il crapotait à moitié et au whisky qu’il sirotait le plus sobrement du monde, se laissait guider par son instinct, essayant d’avoir des gestes prédictifs tant par Klarion que par son adversaire. Il fallait laisser l’ennemi se délecter de petites victoires, le laisser remporter les batailles sans importance, et attendre le moment propice pour frapper.

    Les tours de carte avaient de quoi démoraliser l’équipe des invités. Les montagnes de pions du côté d’Arban et de Klarion perdaient en hauteur. Mais le commandant, sous sa couverture de faux malfrat adepte des jeux de cartes, ne semblait pas décontenancé.

    « Je vais finir par m’ennuyer, fit remarquer le Don. Je n’aurait même pas à parier cette espèce de breloque que tu chéris tant !
    – J’ai un bien de plus grande valeur en ma possession que je suis prêt à perdre, admit Arban sans détour.
    – Ah ? Et lequel est-ce ?
    – Tu n’en sauras pas plus tant que tu ne mettras pas cette “breloque” en joue, le Manchot.
    – Le Pingouin ! corrigea le Don. Le Pinguoin ! Même si je t’apprécie à ta juste valeur, tout manque de respect envers ma personne est proscrit !
    – Montre-la moi, répliqua sèchement Arban. »

    À ces mots, le Don, amusé, serré dans ses habits bien brodés tant il semblait jubiler dans sa tenue trop étroite, leva sa… son aile plumée et pour le moins élégante.

    « Vivienne ! Ressers donc un bon rafraîchissement à notre Ahlan ! Notre invité semble assez bien tenir le glaçon ! »

    Il se confondit en une autre quinte de toux sonore, le bec proéminent.

    Les tours passaient. Les réserves d’Arban et de Klarion s’amenuisaient alors que les mises augmentaient.

    « Tu ne comptes vraiment pas abandonner ! Ne me dis pas que ton ami des plantes ne sait pas honorer une dette !
    – Je te le répète, le gorfous. Montre-moi le médaillon.
    – PINGOUIN ! PINGOUIN ! »

    Il semblait gigoter tel un oiseau obèse, alors qu’il mit en évidence l’artéfact luisant qu’il déposa sur la table.

    « Tu as intérêt à suivre !
    – J’y compte bien, de répondre Arban. Je mets en jeu Klarion. Si tu gagnes ce tour, il te servira le restant de ses jours. Ou tu te couches, ou te suis. Avec la donzelle, par exemple. Tu dis qu’elle n’est pas à vendre, mais pour un kapitaliste plumé comme toi, jusqu’où irais-tu ? »

    Il lança un regard glacial, imperméable à Klarion, l’air de dire “j’ai la situation en main”. Après quoi il poussa le reste de ses jetons en avant.

    « All-in. conclut le vieil homme. »
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    Re: Pions contre fou.
    Lun 26 Avr 2021 - 19:47 #
    Ahlan avait l’air de savoir ce qu’il faisait, ou alors c’était un excellent bluffeur. Cette dernière perspective n’enchantait guère Klarion, lui qui voulait faire confiance à sa nouvelle connaissance. Mais l’heure n’était pas à ce genre de pensée. Don Marcel s’agitait à chaque carte révélée sur la table et se mettait à piailler de plus belle dès qu’il voyait les coups des deux invités. Ça avait l’air, de son point de vue, suffisamment amusant pour qu’il ricane constamment après les tours des deux compères, braillant sur la pauvre femme-oiseau pour qu’elle fasse un tour de table régulier et remplisse leurs verres de glaçons. Ils avaient de moins en moins de jetons, si bien que Klarion se questionnait sur leur véritable objectif. Devait-il faire semblant de perdre ? Ahlan voulait-il simuler une défaite ? Pourtant, jamais il n’obtiendrait ce médaillon si la partie résultait sur un échec. Tout cela aurait été bien plus facile s’il avait pu faire humer à Don Marcel un peu de son parfum entêtant. Le collier aurait été entre leurs mains depuis bien longtemps.

    Voilà qu’Ahlan venait de miser le jeune homme lui-même comme un vulgaire morceau de viande. Klarion pinça les lèvres si fort qu’elles en devinrent rouges, le faisant froncer les sourcils si fort qu’on en voyait presque ses veines gonfler sur son front. Cela faisait partie de son plan, une mascarade, mais Klarion détestait s’imaginer comme un de ces misérables jetons de jeu qu’ils ne faisaient que perdre depuis le début de la partie. Le pire, c’est que le pingouin ne faisait que les toiser constamment en faisant bouger sa servante dans la pièce comme un monstre de foire qu’il exhibait à leurs yeux juste pour se vanter. S’ils perdaient la partie, Klarion devrait prendre la place de Vivienne et être le nouveau jouet d’Eddy Don Marcel. Jamais… Jamais il n’accepterait un destin pareil.

    - Encore ! Encore ! Cria le Don en agitant son verre vide au-dessus de sa tête, manquant de faire tomber son haut-de-forme.

    Vivienne se dépêcha d’attraper une carafe de rhum et accourut vers son maître pour en verser le contenu. Dès qu’elle eut finit, il reposa le verre face à lui, à demi vidé, ses glaçons avalés avec la boisson. L’esclave emplumée commença ensuite à faire le tour de la table pour remplir les verres des convives. Curieux, Klarion posa sa main sur le sien mais révéla subrepticement ses cartes à la vue de Vivienne. Il voulait voir si elle communiquait bien les tirages à son patron. Il avait toujours le brelan de dames et attendait le signal d’Ahlan pour le poser. Confuse, Vivienne passa ensuite vers le vieux loup gris avant de s’en retourner derrière son maître. Elle n’avait jeté aucun regard à Don Marcel, même lui ne l’avait pas regardé. Trichait-il réellement ou Klarion se faisait des idées ?

    Il doit tricher… Depuis le début il nous bat à chaque tour…

    - Et les glaçons, ils vont pas se remplir tout seuls ?!

    Vivienne sursauta et s’empressa d’attraper un bac d’argent rempli à ras-bord de cubes de glace ainsi qu’une petite pincette et accourut vers le parrain. S’ils devaient se croiser du regard, ça serait à ce moment. C’était la seule fenêtre possible. Pourtant, rien n'y faisait. Vivienne se posta dans l’angle mort du pingouin et, avec l’aide de sa pincette, commença à attraper les cubes gelés. Un… deux… et trois… Klarion ne la quittait pas des yeux. Vivienne leva le regard vers lui et se figea, sa pince fermement agrippée dans sa paume. C’était au tour du Don, qui piochait et battait ses cartes pour les arranger, il prenait tout son temps pour ennuyer ses invités.

    Pourquoi me regarde-t-elle ?
    Et si…


    Vivienne baissa les yeux en direction du verre du pingouin, puis vers les cartes, avant de les reposer sur Klarion, toujours aussi troublée. Klarion fronçait toujours les sourcils et la scrutait de plus en plus comme pour en décortiquer les moindres mouvements, si bien qu’elle commençait à rougir de honte. Elle releva sa paume pour la poser sur sa poitrine, celle qui tenait la pincette.

    Et si…

    Un éclair traversa l’esprit de Klarion, lui faisait écarquiller les yeux et lever les sourcils.

    Les glaçons !

    Trois glaçons baignaient dans le verre du Don. Trois, comme ses trois dames. Comme le brelan qu’elle avait vu.

    - J’en veux moi aussi. Fit-il simplement à Vivienne, attrapant son verre.

    Don Marcel leva le nez hors de ses cartes en direction de Klarion, un petit silence de quelques secondes s’installa, rapidement brisé par la voix nasillarde du mafieux :

    - Qu’est-ce que tu attends ?! Va le servir, idiote ! Profites donc d’ordonner tant que tu le peux encore, plante verte !

    Don Marcel ricana tandis que Vivienne avançait à tâtons en direction de Klarion. Elle commençait à remplir la liqueur du phytomancien avec d’autres cubes quand elle étouffa un petit soupir. Entre les doigts de Klarion, sur la paroi extérieure du verre, poussait un tout petit bourgeon d’œillet blanc. La fleur était suffisamment petite pour passer entre l’index et le majeur du jeune homme. Vivienne tourna la tête vers Klarion, à la fois étonnée et stupéfaite. La fleur n’avait pas été choisie au hasard, elle adressait un message de liberté et de compassion. Il ne voulait pas finir comme elle, il se l’interdisait. Le maître des plantes plongea son regard dans celui de la femme-oiseau, adoptant un air plus doux et sincère. Il hocha doucement la tête, en espérant qu’elle comprenait.

    Vivienne s’en retourna vers son patron, décontenancée. Mais, alors qu’elle allait se poster derrière lui, la servante retourna glisser de nouveaux glaçons dans le verre du pingouin. Les trois cubes passèrent à cinq, puis bientôt à dix, faussant complètement la potentielle vision que l’odieux trapu aurait pu avoir du coup de Klarion.

    Si le garçon avait vu juste, et si Vivienne l’avait suivi, alors il venait d’empêcher Don Marcel de tricher davantage…

    - Bien. C’est mon tour. Fit Klarion, un sourire narquois.

    Puis il abattit ses cartes. Il avait certes trois dames, il en avait une quatrième dans la poche désormais.
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    Re: Pions contre fou.
    Mar 27 Avr 2021 - 21:08 #
    Les ondes dansaient harmonieusement, se reflétant en d’échos tantôt dorés, tantôt pourpres, puis rougeâtres. Les glaçons cognaient contre le verre, les cartes se couchaient sur la fourrure verdâtre de la table, pareilles à des feuilles mortes d’automne, et le gros Don soufflait un épais volute de fumée, non moins grâcieuse que ses sonorités ondulantes qui improvisaient, dans l’esprit du militaire, une valse autour de ce semblant de spectacle. Le Don, égosillé, jouissant d’un pouvoir sans pareil sur un oiseau de malheur, un criminel en cavale et un Commandant en mal de sensations. Le vieil homme faisait aussi danser un regard glacial parmi les convives, nettement captivé par la réaction de Klarion qu’il testait à sa manière. Le garçon n’avait d’autre choix que de faire confiance à Arban – du moins en apparence. Peut-être qu’il se rongeait amèrement le frein. La colère se lisait aisément sur son visage ; il avait été presque forcé de perdre des jetons, possiblement sous l’empire d’une dette qu’il devrait contracter tôt ou tard au magouilleur. Et Arban qui l’observait, aux prémisses de ses derniers retranchements. Lorsqu’il n’était plus question de tirer parti du terrain et de la flore, qu’allait inventer l’écoterroriste ?

    Une lueur semblait toner dans le regard du cinquantenaire. Klarion avait deviné le jeu grossier du grand patron, même Arban n’y avait vu que du feu dans de la glace ; faire usage du nombre de glaçons pour révéler la position de Klarion se révélait simple, à croire que le Commandant avait surestimé les capacités du Pingouin. Il devait y avoir autre chose. Il prit une lampée dans son verre, où seuls deux glaçons figuraient, révélateurs de sa paire de deux, un rien salvatrice sur le tour à venir. Bientôt, on vit une dizaine de cubes dégringoler dans le bourbon du Don. Il décida de se coucher, alors que son acolyte relançait.

    Ils avaient flairé la manœuvre. Ahlan se coucha à son tour, laissant Klarion maître de ses choix, prit au duel avec le sbire d’Eddy. Ce dernier attrapa sa servante par la tignasse, l’alpaguant de son haleine fétide.

    « Regarde ce que tu as fait ! Dépêche-toi d’aller changer mon saint breuvage et ne t’avise plus de me refaire le coup, ou je te coupe le bec sur la table, espèce de trainée ! »

    L’oiseau avait cru batifoler, et voilà qu’il se faisait remettre en cage. Il s’éloigna un instant, l’air désolé, et revint avec un autre verre, trois glaçons proéminents dans le liquide orange. Le vieux vida son verre d’une traite.

    « Tu m’en remets aussi ? adressa Arban à la servante. »

    Alors qu’elle s’approchait pour reprendre son verre, il glissa subrepticement une carte dans la paume plumée de l’hôtesse qui masqua une expression de surprise. Ce n’était pas d’un carré dont Klarion avait besoin. C’était de le roi d’Ahlan, la pièce manquante pour aboutir à la combinaison ultime, cette quinte flush royale qui devait abattre une fois pour toute les hommes à son propre jeu. Si Klarion remportait la manche, non seulement il aurait la relique, mais aussi la quatrième femme. Il préférait être prisonnier de la Garde que prisonnier du Don, pensa Arban.

    Dans cette extrême situation, nul besoin du Joker, de cette bonne vieille figure de Delancy qui avait toujours réponse à tout, qui ne connaissait que des solutions et jamais des problèmes. Le bon Roi arrivait, implacable, fatal, pour compléter l’As, sa Reine, le Valet Al Rakija qui avait accepté d’endosser la responsabilité de commandant, et ce bon vieux numéro 10 de Klarion.

    Il en avait vraiment, vraiment après les femmes, pensait-il de nouveau. Et pour l’heure, il avait suffisamment fait confiance à Ahlan pour que tout repose entre ses mains désormais. Le roi de pique, noir, n’attendait que le moment opportun, précédent l’As ultime, secondé de sa suite sanglante, pour percer le jeu adverse.
    Klarion BrandoSouverain de la flore
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    Re: Pions contre fou.
    Mer 28 Avr 2021 - 0:45 #
    - Un autre cigare, Vivienne ! Plus vite que ça ! Et fous pas des plumes dans mon verre sinon tu vas recevoir une nouvelle danse ! Brailla Don Marcel en jetant son mégot écrasé en direction de l’hybride passereau.

    Klarion était écœuré de voir ô combien Vivienne était mal traitée. Don Marcel la considérait comme une moins que rien, à se demander s’il la voyait même comme un être doté de raison. Ce gros type avait beau se parer de vêtements luxueux et soigneusement coupés, boire des liqueurs hors de prix et fumer de gros cigares, il demeurait aussi abject et misérable qu’un cafard. Il représentait tout ce que Klarion haïssait chez les humains, une avidité on ne pouvait plus morbide, une soif pernicieuse presque lubrique et un mépris total pour la vie. En voyant un affreux comme Marcel, Klarion n’avait qu’une envie : se réfugier parmi ses plantes. Jamais elles ne deviendraient aussi détestables, jamais elles ne nieraient qui il était. Elles étaient ses alliées indéfectibles. Et même lui qui éprouvait beaucoup d’aversion pour les autres humains, il avait de la peine pour Vivienne. Il se reconnaissait en elle, pauvre femme exploitée à qu’on ne faisait que réprimander, insulter ou pire. Elle avait voulu aider le phytomancien et avait été sanctionnée et menacée, elle risquait ne plus tenter le diable. Klarion devait se débrouiller seul, pensait-il.

    Il avait posé son brelan, faisant son petit effet face au pingouin grâce à l’aide de Vivienne. Mais le tour de table était presque fini et il devrait jouer à nouveau. En main, il avait toujours son as de pique, un dix et cinq de trèfle, un huit de carreau et avait besoin de piocher une nouvelle carte. L’étau se resserrait et Klarion n’aimait pas ça. Sa petite manœuvre pour empêcher Don Marcel de tricher n’avait fonctionné qu’un tour, la servante à plumes aurait sans doute trop peur pour courroucer à nouveau son maître. Il n’avait pas l’air d’avoir la promesse légère et mettrait sans doute sa menace à exécution si elle faisait un nouveau faux pas contre lui. Elle servit Arban tandis que Don Marcel joua, abattant ses cartes et doublant sa mise de jetons en riant de manière sardonique.

    Qu’est-ce que je dois faire… C’est pas vrai !

    Sur la table s’étalaient un valet et une dame de trèfle, un deux de cœur suivi d’un trois de carreau et, enfin, un simple sept. La main de Klarion ne lui laissait pas l’opportunité de placer quoi que ce soit et était dans la panade. Il ne pouvait pas se coucher, la partie aurait été perdue, il fallait qu’il trouve un moyen de plumer ce mafieux au long nez. Il était hors de question qu’il finisse à son service ! Il s’imaginait déjà finir par empoisonner Don Marcel pour s’enfuir. Ce piaf rabougri faisait suffisamment le malin face à l’ennemi public numéro un d’Aryon, sans une once de prudence, le ton plein d’arrogance. Klarion voulait lui rabattre son caquet et ravaler sa vile salive.

    Vivienne s’avançait vers Klarion, une carafe de whisky entre les mains. Le jeune homme n’avait toujours pas fini son verre, mais il ne voulait pas laisser passer l’occasion au cas où elle venait à avoir une nouvelle idée, plus discrète, en tête.

    - Oui ? S’enquit-il en posant son verre à proximité du bord de la table.

    Ne lui accordant pas un seul regard, elle ouvrit la carafe et déposa le bouchon de cristal sur le velours vert. Commençant à verser un mince filet ambré entre les glaçons, elle fit un mouvement bref pour éclabousser le coin de table, un peu de whiskey s’étalant sur le sol. Le geste était on ne pouvait plus volontaire, le souverain floral l’avait bien remarqué, si bien que les deux jetèrent ensemble un coup d’œil vers Don Marcel pour voir s’il avait vu la « maladresse » de son esclave. Ce dernier, affalé dans son luxueux fauteuil, empilait ses jetons comme un enfant construirait une tour avec ses cubes de bois. Profitant de l’inattention du mafieux, Klarion lui tendit un mouchoir de tissu qu’elle attrapa gracieusement de ses deux mains, les fines plumes lui chatouillait les phalanges comme le duvet d’un chaton. Sentant ses paumes contre sa main froide, Klarion remarqua autre chose quand Vivienne attrapa son mouchoir, quelque chose de plus ferme.

    Serait-ce… ?

    Vivienne lui adressa un signe de tête et passa le mouchoir sur la table avant de repartir discrètement dans un coin de la pièce, laissant le garçon refermer sa paume sur la carte secrète. Le roi de pique, où avait-elle réussi à attraper cette carte ? Ahlan avait-il compris qu’elle était de leur côté ? Comment avait-elle pu se retrouver avec ça entre les mains ? Peu importe, Klarion n’avait pas le temps de réfléchir à de telles machinations. Il avait de quoi renvoyer le pingouin par-dessus la troisième corde et n’allait pas se priver d’utiliser son nouvel atout, jubilant d’avance à l’idée de lui faire ravaler son sourire mesquin. Il l’imaginait même en train de s’étouffer avec ses glaçons, le nez pris par la fumée de son propre tabac. Une fin pathétique, mais digne d’un minable dans son genre.

    - Hé bah alors la fougère, tu joues ou pas ?

    - Je joue. Et je gagne, pingouin.

    Et d’un geste sans appel, Klarion abattit son dix, son as et son fraichement acquis roi de pique. Avec le valet et la dame déjà sur le tapis, il avait réussi à former un coup de maître : la belle quinte royale. Il esquissa un fin rictus, les yeux rivés vers Don Marcel. C’était à son tour de jouer les narquois, et il n’allait pas s’en priver. Ahlan avait raison, cet individu était tout sauf fréquentable, mais cette sortie en valait la peine juste pour humilier ce bouffon…

    - Désolé Ahlan, mais tu n’es pas encore débarrassé de moi ! Plaisanta-t-il en faisant référence à son pari impliquant Klarion. Je pense que tu m’as aux basques pour encore longtemps
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    Re: Pions contre fou.
    Mer 28 Avr 2021 - 18:07 #
    « Quel dommage… répondit Arban, faussement déçu. »

    Le vieil homme accorda un sourire en coin à l’écocriminel, tandis que son regard perçant se dirigeait vers Eddy Don Marcel et son acolyte. Leur visage était frappé de stupeur. Le pinguoin observait tour à tour les cartes de Klarion et la serveuse, interdit.

    « Mais c’est IMPOSSIBLE ! avait-il tonitrué. »

    Pareil à un signal, il semblait avoir alerté les deux grosses paires de bras de l’autre côté. Arban avait pu apercevoir quelques ondes dorées voltiger à travers les murs. Ils arrivaient, mais à quelle fin ? Ahlan se leva promptement, frappant la table de ses grosses palmes.

    « Tu as joué et tu as perdu, le pingouin. Je sais que s’offrir les services de Klarion avait ce quelque chose d’alléchant, mais tu dois assumer tous les risques. Tu nous dois le pendentif et la fille ; sois gentil, je ne réclame pas les cristaux qui nous sont dûs. »

    Il lança un regard à Klarion, comme pour lui intimer de se taire à ce sujet. Les comparses avaient touché le gros lot, mais ce que Klarion ne savait pas vraiment – du moins, il pouvait s’en douter – c’est que c’était le Don qui avait le dernier mot. Toujours. Alors il était bon ton de ne pas le contrarier. Une moue hideuse le défigurait alors que ses gardes du corps firent irruption dans la pièce.

    « Réfléchis-y à deux fois, le Don ! gronda Ahlan d’une voix caverneuse, la mine furieuse. Tu ne veux pas nous contrarier et mettre fin à notre relation de la sorte ! »

    Sa propre voix avait vibré en echos rouge sang. Arban, interdit, une main en retrait prêt à dégainer, mesurait sa propre colère. Elle n’était pas à son sommet, mais elle devait suffir à dissuader les malfrats à passer à l’acte. Lui-même, au fond, ne donnait pas cher de sa peau, notamment en compagnie de Klarion ; il avait pu témoigner de son aisance déconcertante à se débarrasser de trois gardes avec une efficacité pour le moins chirurgicale. Cet empereur de la faune pourrait faire un carnage dans un endroit pareil.

    Une grand silence précédent une tension palpable point dans la pièce. Arban ne quittait pas le Don du regard. Il saurait réagir si quelqu’un se mouvait ; les ondes parleraient, après tout. Ils restèrent comme ça pendant au moins dix bonnes secondes. Puis dix nouvelles. Et encore dix, bien plus pesantes, celles-là.

    « C’est bien ce que je pensais, ajouta-t-il. »

    Il se dirigea vers le pendentif qu’il ramassa, non sans grâce. D’un signe de tête, il intima Klarion et la dame oiseau de le suivre, se dirigeant d’un pas décidé vers l’extérieur, la mine toujours mauvaise, comme pour réfréner toute volonté de l’arrêter.

    « J’en n’ai pas fini, Ahlan ! Jamais ! gueulait le piguoin trappu alors que le vieil homme claquait la porte de l’enseigne. »

    La rue était toujours aussi peu achalandée, mais le temps, lui, avait suivi son cours. La température était plus douce, la lumière plus timide, le crépuscule naissant. La dame-oiseau s’empressa de saisir la main de Klarion, courbant l’échine, son regard implorant.

    « Je suis votre obligé, seigneur Klarion et… Et à vous aussi ! »

    Elle alla pour saisir la grosse main cornue d’Ahlan, mais ce dernier se retira d’un geste réprobateur.

    « Ça va un peu trop vite entre nous. Commence-nous déjà par nous dire comment tu t’appelles, et ce que tu sais faire d’utile. Je parie que tu n’as nulle part où aller, alors il vaut mieux qu’on te mette en sécurité pour ne pas trop t’avoir sur les bras. Je te vois déjà mal fricoter avec le jeune, alors dis-nous tout ce qu’on doit savoir… »

    Il fut interrompu à la vue de deux silhouettes familières, à l’angle de la rue. Ni une, ni deux, son ample silhouette vint entourer, de ses grands bras, ses deux acolytes pour les inviter à faire profil bas et commencer à marcher.

    « Profites-en pendant que je nous guide vers un endroit plus discret. Alors, l’oiseau de malheur, t’es qui ? »
    Klarion BrandoSouverain de la flore
    Klarion Brando
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    Re: Pions contre fou.
    Mer 28 Avr 2021 - 18:57 #
    Marchant d’un pas décidé et vif, Ahlan entraîna ses deux compagnons de route vers une ruelle adjacente après avoir passé ses mains au-dessus de leurs épaules. Klarion n’en revenait toujours pas. Malgré leur victoire, le pingouin s’était montré incroyablement tendu et mauvais joueur. Avec un profil comme le sien, il fallait se douter qu’il aurait eu la défaite mauvaise. Toutefois, victime infortunée d’un caprice carabiné, Ahlan avait réussi à tempérer le parrain au haut-de-forme en un tour de main avec son ton de fer et un calme des plus olympien. Il avait dû la rouler sa bosse et devait l’avoir son lot d’histoires avec les criminels. Était-ce monnaie courante de faire la leçon aux mafieux du Grand Port, comme un parent la ferait à son enfant grognon ? Klarion n’eut pas le temps d’y songer et s’était retrouvé dehors en plus de temps qu’il n’en fallait pour battre des cils. À présent, Ahlan poussa Vivienne légèrement en avant dans la ruelle tandis que le jeune homme se postait entre les deux, adossé contre un mur de briques noires.

    À l’instant même où Vivienne s’immobilisa, la demoiselle fit disparaître son plumage céruléen. Une cascade de cheveux d’or tomba dans son dos, sa peau se révélait laiteuse et sa carrure frêle, tandis que les traits de son visage de porcelaine se dessinaient sous les yeux des deux hommes. Elle se tourna doucement vers eux, ses yeux illuminés par une curieuse étincelle, un grand sourire faisant roussir ses pommettes sous trois perles de larmes entamant leur descente. Elle avait beau être couverte par une grande cape pour ne pas attraper froid avec sa tenue légère, on pouvait constater de petits frémissements sous le tissu. La belle tressaillait d’excitation, son bonheur palpable sans même avoir besoin qu’elle ne le dise.

    - Merci ! Merci mille fois, à tous les deux !

    Pour une fois qu’on me remercie…

    L’ancienne esclave enchaîna ensuite, prenant le temps de s’éclaircir la voix et d’essuyer ses larmes de joie :

    - Je m’appelle réellement Vivienne, monsieur. Fit-elle à Ahlan en le regardant timidement. J’ai été vendue à Don Marcel par un proxénète. Je devais rester transformée le plus longtemps possible sans jamais reprendre ma forme humaine, sinon j’étais frappée… Vous avez bien vu comment il me traitait, et m’utilisait.

    - Elle ne peut pas rester en ville, s’exclama Klarion en parlant à son ami. Le pingouin est rancunier, il voudra remettre la main dessus. Ou la changer en oiseau empaillé.

    - Je n’ai pas d’argent, nulle part où aller ! Enchaîna-t-elle très vite, alarmée. Je ne sais même pas ce que je devrais faire et…

    - Changez de nom pour commencer. Et évitez de vous transformer. Cet imbécile ne doit même pas savoir à quoi vous ressemblez réellement. En ce qui me concerne je n’ai pas de gros pécule à vous donner.

    Il jeta un coup d’œil à Ahlan qui avait dû comprendre qu’il allait devoir mettre la main à la bourse pour aider la demoiselle.

    - Quoi qu’il en soit, il faut fuir la ville le plus loin possible. Partez au temple de Lucy pour devenir nonne, au Village Perché ou à la Forteresse pour trouver un travail en taverne ou dans un commerce de quartier. N’importe quoi pourvu que vous fassiez profil bas le temps que tout se tasse. Au moins, vous aurez une deuxième chance. Ce n’est pas donné à tout le monde

    Le ton de Klarion était suffisamment las pour que ses deux interlocuteurs comprennent qu’il parlait de sa propre « seconde chance ». Il avait été trop loin dans ses actes et pensait que jamais personne ne lui en proposerait une. Si bien que, en un sens, il finissait par envier Vivienne d’avoir droit à la sienne. Pouvoir tout recommencer, faire table rase, et réécrire sur une page vierge était une chance inouïe que seules les personnes au fond du gouffre, comme la femme oiseau, pouvait appréhender. Elle lui jeta un regard compatissant alors que le phytomancien esquissait un semblant de sourire amer. Triste ironie pour lui qui avait œuvré dans le sauvetage de cette pauvre hère ; il n’avait plus tendu la main à un autre humain depuis si longtemps. Et la voilà qui pouvait redécouvrir le monde, l’oiseau fuyant sa cage pour filer vers les cieux…

    Klarion s’en tourna vers Arban pour se changer l’esprit, il restait la seule personne qui lui procurait un tant soit peu de réconfort suite à cette étrange aventure. Ils avaient fait tout ça pour récupérer un médaillon que le jeune homme avait à peine regardé. Il se souvenait d’un bijou à chaîne doré, le genre de pendentif dans lequel on pouvait ouvrir pour y glisser une iconographie intime ou un petit objet sentimental. Pourquoi Ahlan en avait-il après ce collier ? Représentait-il quelque chose à ses yeux ? Klarion voulait des réponses, et en apprendre plus sur le vieux loup que quelques bribes de l’histoire qu’il lui avait confiées. Secouant sa tignasse d’obsidienne, il se redressa et quitta le mur sur lequel il s’appuyait pour se rapprocher de son compère.

    - Et maintenant, que fait-on ? Je peux nous guider vers une de mes planques, histoire de se reposer, et réfléchir. J’avoue être aussi curieux sur ce que vous avez récupéré. C’est quoi ce collier ? Il y a quelque chose à l’intérieur ?

    Le jeune Brando croisait les bras mais ne semblait pas si inquisiteur. Il était curieux, mais de manière innocente, comme un petit à qui on offrirait un cadeau. Ils n’étaient certes pas partie dans l’optique de libérer une servante, et de ce fait Klarion voulait connaître toute la raison de leur quête, et ce que la suite leur réservait…
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