Bien-sûr ses talents culinaires sont présentement inexistants, c'est qu'elle n'a jamais réellement eu besoin de se pratiquer, elle ne peut pas manger vu sa condition et même si elle le pouvait, Gaspard - son chef personnel - refuserait sans aucun doute que "Dame Sanward" ne fasse elle-même la cuisine alors qu'il est là pour cela... Pourtant, c'est bien sur lui qu'elle compte le plus! Il va sans dire qu'elle ne va pas se rendre au marché, acheter des poisson et ensuite seulement envoyer la lettre en espérant que ses achats seront encore frais, ce serait stupide avouons-le... Non, elle a une toute autre idée en tête : apprendre à cuisiner, ne fut-ce qu'un plat, avec son chef et ami pour ensuite le reproduire lors de la visite de Faolan! Souriant à pleine dent de son grand, beau et effrayant sourire, c'est donc avec un petit panier en osier qu'elle a prit la direction des quais pour rejoindre le marché aux poissons.
Sur le chemin, elle salue ça et là les gens qu'elle a apprit à connaître depuis quelques mois maintenant : le tailleur avec qui elle aime particulièrement parler robe et couture, le cordonnier qui lui a offert une magnifique paire d'escarpin, Billy le garde qui l'a "accueilli" lorsqu'elle a été à la caserne pour rencontrer son père, Gérolt le sympathique mais impressionnant tavernier... Tout ce petit monde qui la fait se sentir chaque jour un peu plus chez elle dans le sud du royaume, plus que toute sa vie passée à la capitale en tous les cas. C'est après plusieurs longues minutes qu'elle arrive finalement en vue des quais - un déplacement qui n'aurait dû prendre que cinq minutes tout au plus pourtant - et immédiatement ses yeux sont émerveillés! Certes, elle n'a pas de souffle, pas plus que de narines sous cette forme dans laquelle elle est hélas bloquée, et ne peut donc pas sentir les douces odeurs des produits frais mais le visuel seul peut la séduire tant le choix est grand. Elle se souvient que lors de sa rencontre avec Kell, le jeune aventurier avait particulièrement apprécié le Thogosus , elle sait également que, d'après Gaspard, sa mère avait un faible pour le Zebranop mais qu'il est plus compliqué à préparer... Dans tous les cas, elle s'avance vers un étale derrière lequel se trouve une jeune femme et la gratifie de son grand, beau et effrayant sourire.
"Bonjour!" Dit-elle. "Peut-être pourriez-vous m'aider?" Demande-t-elle à la jeune "marchande", restant planté devant elle avec toujours ce même sourire.
« Hé ma p’tite dame ! Faut vous réveiller ! HÉ ! » hurle le tavernier tout en donnant des coups de pieds à la table.
La demoiselle à la fin vingtaine ne se réveille pas. En fait, elle est réveillée, mais elle ne veut pas se lever. Elle n’est pas spécialement confortable, bien au contraire, elle trouverait un lit de roche plus confortable. En fait, c’est surtout la réalité qu’elle ne veut pas forcément confronter.
« HÉ !!!! Il est midi m’dame et vous avez assez pioncé comme ça ! J’ai été patient là ! » hurle le même tavernier.
Babel pousse un lourd et faible soupir pouvant s'apparenter à un Wrang Blanc malade et confus. Elle lève la tête difficilement tout en ouvrant ses yeux encore plus difficilement, elle ouvre la bouche et : « LA FERME VIEUX CROTTÉ ». Babel n’est hélas pas réputé pour son tact. Le cri du tavernier a sûrement percuté toutes les oreilles du royaume. Enragé, il empoigna la ceinture et le haut de la chemise de notre chère sublime alcoolique avec des grosses mains d’ouvrier et l’envoya à travers la fenêtre. Babel atterrit sur un tas de couvertures en jute, les passants dans la rue s’arrêtent de marcher et de discuter, ils regardent le «spectacle». Elle se dit à elle-même qu’elle est chanceuse comme toujours d’avoir atterri sur quelque chose de confortable. « ET NE REVIENS JAMAIS SALE VIPÈRE ! » ordonne le vieux tavernier fou de rage, avec raison. « À la semaine prochaine Léon ! » rétorque Babel en se levant du tas de jute. Aussitôt la jeune fille s'est levée, aussitôt les passants passèrent à autre chose. Tout d’un coup, un bruit familier fit en sorte d’avoir son attention. C’est le son de son estomac et il crie famine. Elle regarde autour d’elle et elle ne voit pas de restaurant ou de stand alimentaire à vue d’Homme. Elle n’a pas le choix, elle va devoir se promener.
La vie sur le port émerveille la jeune femme. Elle aime être la spectatrice d’un tableau. Observer les marchands négocier leur produit quelques fois très louche. Admirer les produits venus de très loin, sentir toutes les odeurs contradictoires de ce lieu. Tantôt ça sent bon, tantôt ça sent le font d’aquarium. Par contre, le son de son ventre la ramène dans la réalité de sa faim. Heureusement, elle peut apercevoir au loin, la zone des stands de nourriture. Déterminée comme jamais, elle se met à courir, mais s’arrête rapidement dû à son mal de crâne découlant d’une trop grosse soirée fortement arrosée. Elle se dit à elle-même qu’elle ne mélangera plus jamais de la bière, de la vodka et des palourdes dans la même chope. Oui, oui, tout cela dans la même chope.
Enfin arrivé à l’endroit où sont les étales alimentaires, l’affamé a l'embarras du choix. Tout excitée par le désir de remplir sa panse, elle cherche sa bourse. « OÙ EST MA BOURSE BORDEL » s’écrit-elle. Les deux-trois citoyens autour d’elle ont sursauté de surprise. Elle cherche partout sur elle sans succès. Elle a perdu sa bourse et elle n’a pas souvenir de la dernière fois où elle l’a vu. Le son de son estomac est de plus en plus fort et douloureux. «Ressaisis-toi ma belle Babel ! Tu as déjà vécu bien pire avec le vieux Jack et ses enfants voleurs. Ta bourse doit être à la taverne de Léon. Il est hors de question que j’y retourne… Ce vieux grincheux à sûrement tout dépensé dans les paris de course. Va à la banque, tu as plein d’argent là-bas… Mais c’est loin ! Ouin, on oublie ça. Hum, je crois que je n’aurais pas d’autre choix que de voler, heu je veux dire «emprunter» deux ou trois trucs.» Se dit-elle en murmurant dans sa barbe. Les autres villageois se tassent à 3 mètres d’elle par précaution. Il faut avouer qu’elle peut faire étrangement peur la Babel. Elle voit près d’elle un stand de poissons frais et frits sans marchand. C’est le moment ou jamais se dit-elle. La jeune femme se faufile derrière l’étale et observe ce qu’elle va «emprunter». En plein délit, une voix non familière la coupe dans son action.
"Bonjour!" Dis l’inconnue. "Peut-être pourriez-vous m'aider?" Demande-t-elle à la jeune "marchande".
Babel se retourne et sursaute. Elle voit un pantin au sourire glacial. Elle regarde autour d’elle pour savoir qui a parlé, mais elle répond tout de même. « Oui ? Que puis-je faire pour vous ? » Elle se trouve drôle de répondre à une poupée. Toutefois, Babel vient de réfléchir à ça. Qu’est-ce qu’elle fait si le propriétaire de cet étale revient ? Le pantin est peut-être le/la propriétaire !? Des gouttes de sueur froide peuvent s'apercevoir sur le visage de la jeune «emprunteuse». Par réflexe, elle essaie d’empoigner son harpon. « Hein !» Babel réalise qu’elle a égaré son harpon aussi. Par défaite, la poupée qui répond au nom de Fedora que Babel ne connaît pas encore son nom peut observer sur le visage cette dernière une augmentation fulgurante de sueur et elle devient de plus en rouge. En pleine panique, elle regarde de tous les côtés pour trouver une solution. Babel est une femme remplie de sagesse, elle décide donc de prendre ses jambes à son cou. Par contre, elle aussi très maladroite lorsqu’elle est nerveuse. Alors, elle s'enfarge dans le matériel qui se retrouve sur le sol. Elle tombe aussitôt et se cogne le menton contre le plancher. Elle a crié assez de jurons pour faire pleurer les prêtres de Lucy. Au même moment, le propriétaire de l’étale refait surface.
« QUE FAITE-VOUS DERRIÈRE DE MON COMPTOIRE !!!!! » hurle l'honnête marchand à la jeune fille encore étendue sur le sol. Le marchand crie de l’aide à la garde, mais l’homme n’a pas le temps de finir son action dont Babel le coupe. «Attendez, je peux tout vous expliquer !» Le marchand s’arrête et attend impatiemment la réponse de cette dernière. La jeune fille ne sait pas quoi répondre, elle doit trouver les mots justes pour éviter d’avoir du trouble avec l’autorité de la place. «J’attend jeune femme !» rétorque le marchand.
«Heu… C’est parce que...»
Paniquée à cette seule idée, la jeune fille fait volte face, prête à aider la pauvre commerçante mais ne voit plus personne? *Qu'est-ce que...* Se demande-t-elle avant d'entendre une quantité ahurissante de grossièretés ce qui, dans un premier temps, la fait sursauter à son tour avant de comprendre que la jeune marin est tombée. Est-ce à cause du mal-être qu'elle semblait ressentir alors qu'elle suait abondamment précédemment? Écoutant son bon coeur, la mannequin de tissu s'apprête à aller l'aider, s'assurer qu'elle ne s'est pas blessé en chutant mais de nouveau, un puissant cri la fait sursauter! Décidemment, quelle succession d'émotions pour elle qui ne voulait rien d'autre qu'acheter deux poissons! Mais... Une minute... Qu'est-ce qu'elle fait derrière son comptoir? Il faut quelques seconde à la poupée, machinalement, son regard figé passe de l'homme qui vient d'apparaître à la jeune femme qui s'est relevé, puis à l'homme en colère, ensuite de nouveau à la demoiselle paniquée, le monsieur furieux, la dame qui vie un drame... "Oh je vois!" S'exclame-t-elle bien malgré elle.
En effet, tout devient clair : la réaction de la femme, le pourquoi elle semblait paniqué, sa manière de choir alors que son interlocutrice tournait la tête, la colère du véritable propriétaire de l'étale et l'absence de justification de celle qui devait tenter de commettre un vol à l'étalage... Hésitante un instant, jouant rapidement avec ses doigts en quête d'une décision, il faut avouer qu'elle est en prise à un véritable dilemme. D'un côté, elle ne peut cautionner que l'on vole quelqu'un! Fille du capitaine de la garde, elle ne peut réellement excuser un délit et puis, ce marchand doit aussi vivre et pour cela, il doit vendre ses produits. D'un autre côté, elle sait ce que cela fait d'avoir faim... Enfin non puisqu'elle ne doit pas se sustenter mais, elle peut au moins l'imaginer! Une personne ne devrait pas souffrir d'un manque de nourriture parce qu'elle n'a pas les moyens de se payer de quoi manger! Et puis, elle est un peu trop idéaliste Fedora, du genre à croire qu'il y a du bon en tout le monde, que le monde est plus blanc que noir, que même ceux qui l'ont insulté, repoussé ou même battu sont plus bons qu'ils ne le montrent... Un pas vers le vendeur et la voici qui, comme toujours, prends la parole sans réellement réfléchir.
"Je suis désolée!" S'interpose-t-elle. "C'est plus ou moins ma faute en réalité..." Ment-elle, se promettant mentalement d'aller prier au temple pour faire pénitence de cet honteux mensonge. "Cette pauvre dame attendait devant votre étale, je suis arrivé pour faire quelques achats mais mon apparence - pour le moins particulière - a effrayé cette charmante demoiselle! Elle fut si surprise qu'elle est tombée, voyez-vous même son menton qui a heurté le sol!" Clame-t-elle en montrant de son fin doigt de poupée la trace sur le visage de la kleptomane inconnue. "Surprise, elle a reculée sur le sol pour s'éloigner de moi et s'est retrouvée derrière votre étale juste avant que vous n'arriviez. Ce n'est qu'un malheureux concours de circonstance. Je vous prie de bien vouloir pardonner ce fâcheux incident." Termine-t-elle dans une courbette imploratrice, bien heureuse que son visage soit figé car sinon, nul doute que son visage l'aurait trahit tant le fait de mentir la fait paniquer.
Le pantin au visage neutre semble vouloir prendre la défense de la citoyenne de l’archipel. Elle donne une version des faits qui n’est ni fausse ni vraie à la fois. Babel ne s’est effectivement pas retrouvée derrière l’étal parce qu’elle fuyait Fedora, mais elle a clairement très peur et il y a une raison à cette émotion. Durant son enfance, Babel avait reçu un pantin en bois pour sa fête de ses 8 ans. Ce pantin avait un visage horrible avec de grands yeux ronds rouges et une bouche avec des dents pointues. Son père avait probablement cru que c’était une bonne idée, mais clairement que non. Babel l’avait gardée pendant deux ou trois jours. Elle avait toujours l’impression que la poupée la regardait pendant son sommeil. Après trois jours d’insomnie justifiée, elle décida de brûler la poupée dans la cheminée familiale. Quelques années après cet événement, un homme ténébreux est venu dans son petit village d’archipel en expliquant sa présence par l’objectif de retrouver un pantin au visage horrible. Curieuse, elle est allée parler avec l’étranger et ce dernier expliqua à la jeune Babel qu’elle a bien fait de brûler le pantin, car c’était un dangereux objet démoniaque. Bref, Babel n’a jamais su si le pantin était vraiment dangereux, mais il n’existe plus pour le prouver. Par contre, elle est toujours restée avec la crainte que la poupée revienne pour se venger. Elle aurait bien voulu modifier sa mémoire, mais hélas, elle ne le peut pas sans avoir une crise d’amnésie ou pire, perdre définitivement la mémoire.
Babel reste figée et elle garde un étrange sourire comme on voit lorsqu’il y a un malaise profond qui touche notre âme. Le cri d’une mouette la ressaisie et notre jeune femme affirme que c’est effectivement ce qui s’est passé ! Babel observe que le marchand ne semble pas choquer de voir une poupée qui parle et elle trouve cela étrange, voire même dérangeant à un certain niveau. « Mais… Attends une minute…» se dit-elle dans sa tête. « J’ai vu des chimères, des métamorphes, des hybrides, des monstres marins, même-moi avec mon pouvoir de jouer dans les souvenirs j’ai vu des choses horribles et là j’ai peur d’une poupée !?!?! Ho que non, ce n’est pas une petite poupée parlante bien vêtue qui va contrôler mes peurs HO QUE NON HEHEHEHE » se répète-t-elle dans son esprit, mais laissant son visage parler à sa place. En effet, la jolie poupée et le marchand peuvent observer un sourire sournois sur son visage. « Vous allez bien madame ? » Bafouille légèrement le marchand visiblement malaisé. Cette phrase permet à la psychologue improvisée de sortir de sa bulle. «On dit mademoiselle et oui je me porte bien, j’ai simplement la dalle». Déclare-t-elle avant de continuer pour, cette fois-ci, parler avec la poupée. «Vu que tu m’as fait effectivement très peur, ça serait la moindre des choses de m’offrir un bon repas hein ! Ou du moins un encas copieux !» Demande Babel en se penchant devant le visage de Fedora, comme si sa peur des poupées avait disparu comme par enchantement. Sauf si on regarde la peau de Babel de très près, elle a la chair de poule et a les mains moites.
« C’est bien tout ça, mais moi j’ai un commerce à faire rouler hein ! Alors, vous prenez quelque chose ? Sinon, je vous invite gentiment à déguerpir » mentionne le marchand aux deux femmes. Babel peut oublier sa brochette de crevettes panées gratuit.
Sauf que la jeune inconnue semble soudainement perdue dans des pensées bien lointaine. Il faut l'avouer, Fedora en oublie même sa culpabilité durant un instant, elle regarde cette jeune femme immobile, le regard perdu dans le vague, se tourne vers le marchand qui lui rend son regard incrédule avant d'hausser les épaules, signe que lui-même n'est pas réellement certain de ce qui est en train de se passer. Pourtant, la jeune noble est capable de se perdre dans des conversations, de discuter durant des heures sans reprendre son souffle, de passer du coq à l'âne au gré de ses élucubrations mais se retrouver ainsi sans mot le regard fixe? Jamais cela ne lui était arrivé... C'est finalement le marchand qui la tire de ses rêveries et, avouons-le, la demoiselle de tissu ne peut retenir un léger rire devant la réaction de l'inconnue.
Rire qui s'arrête bien vite pour laisser place à un plissement des paupières. Sérieusement, elle a le culot de se servir de cette prétendue peur pour réclamer de se faire offrir un repas alors que la jeune fille ment déjà pour elle? Et pourtant, il faut bien avouer que si elle l'a couvert pour sa tentative de larcin, ce serait ridicule de ne pas lui offrir le repas après non? La seule raison pour laquelle elle la protège c'est bien parce que, comme elle vient de le dire, elle a "la dalle"... Drôle de manière de s'exprimer mais soit! Alors que le marchand exige de savoir ce qu'il en est, la poupée se tourne vers lui et sort sa petite bourse remplie de cristaux. "Je voudrais du Thogosus et du Zebranop, disons trois de chaque ainsi que trois brochettes pour m'excuser auprès de cette demoiselle." Payant ses achats, elle tend les brochettes à la jeune femme avant de les reculer rapidement, l'empêchant de les prendre. Souriant doucement de ses grandes dents, elle regarde l'inconnue droit dans les yeux. "Vous les aurez à condition de m'accompagner un peu en ville! Il ne faudrait pas qu'une autre frayeur vous pousse derrière l'étale d'un autre marchand n'est-ce pas?"
Babel reste bouche bée, elle ne s'attendait réellement pas que la poupée aurait accepté. Un sourire se dessine sur son visage. Par contre, ce n’est pas un sourire de joie, mais plutôt un sourire d’incompréhension. Elle ne comprend pas la raison de la générosité de la jolie poupée. De nature méfiante, elle ne peut s’empêcher de penser au pire. « Est-ce qu’elle veut m’engraisser pour me manger ? Est-ce qu’elle veut me piéger plus tard ? Est-ce qu’elle fait cela pour que j’y dois une faveur ? PIRE !!!! Est-ce pour des faveurs sexuelles !!!! Ho non non non non non » Frissonne-t-elle en énumérant dans son esprit des craintes sans fondement. C’est à cet instant que la demoiselle de 27 ans remarque les beaux habits de la poupée. Une petite cloche sonne dans sa tête. «UNE NOBLE !?!?» Se dit-elle intérieurement. Tout devient plus clair pour elle, mais en même temps non. « Depuis quand une noble vient en aide aux gens ? Surtout à des citoyens lambdas comme moi ? Certes, je suis connu, mais pas au point d’avoir des faveurs des nobles… » se questionne-t-elle.
Le marchand pousse un léger raclage de gorge pour réveiller Babel de ses penser. Il lui tend les poissons offerts par Fedora. Elle hésite un instant, montre son plus beau sourire et les prends sans grande hésitation finalement. Elle doit la remercier, c’est la moindre des choses et surtout pour éviter d’aller passer un séjour dans le cachot. Aussitôt, elle se penche devant le jeune pantin pour la remercier. C’est probablement la première fois de sa vie qu’elle remercie un noble. Habituellement, elle les insulte sans problème, surtout lorsqu’ils font des abus de pouvoir. Elle se sent un peu dégoûtée d'elle-même. Comment elle en est venue à ça ? Elle ne manque pas d’argent, sa petite fortune est à la banque, mais tout de même. Dû à tous ses abus d’alcool et de jeux, elle se retrouve sans-le-sou encore une fois parce qu’elle perd toujours sa bourse. Par contre, la différence avec les autres fois, une noble lui paie de la nourriture, les mêmes nobles qui ont forcé son père à s’aventurer trop loin pour des foutus poissons. De lourds souvenirs et de haine refont surface. De la vue de Fedora, on peut y voir un petit pendentif pendouiller sur le cou de Babel. Ce bijou est un doux souvenir de son paternel. Esthétiquement, ce bijou n’est pas convoité par les voleurs, mais sentimentalement si. Le pendentif est en forme de cage pour homard et à l’intérieur il y a une perle. La jeune femme remarque son bijou se bercer entre son torse et le vide. Cette vision l’a ramène à la réalité. Elle se sent plus apaisée et la colère se dissipe. Elle se souvient d’une phrase que son père lui disait souvent : « C’est facile d’être en colère, c’est facile de détester et c’est encore plus facile de tuer lorsque tu penses avoir raison de le faire. Par contre, il est difficile de pardonner et surtout de réaliser qu’on ne peut pas rendre tout le monde coupable. Et c’est toujours les choses les plus difficiles qui nous font réellement évoluer ».
Une coulisse se dessine sur le visage de Babel. Des larmes coulent sur ses joues. Elle essaie de dire quelques choses, mais sans succès. Elle a un nœud dans la gorge qui l’empêche de parler librement. « Je… Je t..e...e…. » essaie tant bien que mal de réaliser son remerciement. Le marchand n’y comprend plus rien et il se met à compter son inventaire pour éviter la situation. Babel empoigne le collier de l’une de ses mains, prend une grande respiration et crie : « JE TE PARDONNE ». Ce n'est visiblement pas la phrase qu’elle devait dire à la poupée, par contre, c’est la meilleure phrase que Babel devait dire pour éviter une crise.
Aussitôt dit, elle engloutit d’une seule bouchée le Thogosus. Témoin de cela, le marchand en perd sa perruque. Au même moment, elle tend l’autre poisson vers la poupée.
« Tiens, je ne suis pas si égoïste après tout » déclare Babel la bouche bien remplie de poisson.
Un petit sursaut, accompagné d'un pas vers l'arrière est obligatoire lorsque finalement, c'est dans une clameur sonore qu'elle dit ce qu'elle avait à dire : *Elle me pardonne?* s'interroge la jeune noble sans réellement comprendre le sens de cette exclamation on ne peut plus vocale. Que lui pardonne-t-elle exactement? Pourquoi? Et quel besoin de le crier de la sorte, faisant se tourner plusieurs autres personnes vers eux. Pas que ce soit gênant, avec son apparence la jeune demoiselle de tissu a l'habitude d'être la cible de bien des regards mais tout de même, généralement elle sait le pourquoi. "Je... Je ne suis pas sûre de comprendre..." Avoue-t-elle timidement en observant la demoiselle avec une incrédulité - malheureusement invisible sur son visage - certaine. Mais pas réellement le temps de questionner, pas de moyen d'en savoir réellement plus car la pickpocket sans nom remet une couche à ses crimes et cette fois pas contre, c'est un véritable crime! La voilà que avale le thogosus? Cru en plus? Fedora, devant ce spectacle, ouvre la bouche interdite avant de regarder les brochettes qu'elle a en main... "Mais... Mais..." Commence-t-elle sans que les mots ne sortent et en plus, la jeune femme lui tend le zebranop en affirmant ne pas être si égoïste que cela?
Passant à côté de la jeune femme elle retourne voir le vendeur, lui demandant de nouveau du thogosus mais ô malheur, ô infamie : c'était son dernier... Fedora se tourne donc vers l'inconnue, la regardant un instant et, malgré elle, explose. "C'était le poisson pour Faolan!!!" S'exclame-t-elle dans un cri légèrement strident. "Je t'avais acheté des brochettes et toi tu manges le poisson que j'avais choisi pour faire un repas à Faolan?" Demande-t-elle en fronçant les sourcils. "C'est méchant! En plus le vendeur n'en a plus! Mais je n'accepte pas! Non non et non! Tu vas m'accompagner et j'espère pour toi que l'on trouvera un autre thogosus sinon... Sinon... Je ne sais pas mais ce sera terrible!" Conclue-t-elle en croisant les bras sur sa poitrine.
En essayant de répondre à la poupée, elle vomit le poisson dévoré plus tôt. Par contre, il est difficile de savoir si c’est le poisson ou toutes les merdes qu’elle ingère depuis trop longtemps qui l’a fait vomir. Une fois le tout sorti de son estomac, si on peut encore appeler ça un estomac, elle se retourne vers Fedora.
« Tu veux quoi ? Que je vienne avec toi ? Pourquoi faire ? Tu m’as offert du poisson et après, c’est moi la «méchante» ? Et c’est qui ce Faoran ? Folan ? Écoute bien, je suis désolé pour tout cela, merci pour tout, mais moi je vais y aller hein ! On s’envoie une carte postale !? Merci-là. TAÏAUT».
Au même moment, deux gardes passent devant l’étal et saluent la jeune noble de la tête. Babel devient rouge en un millième de seconde. Elle se demande comment elle s’est encore fourrée dans une telle situation. Ça lui fait penser à la fois où elle s’est retrouvée dans un cirque à la capitale, mais ça c’est pour une autre histoire.
Heureusement, la poupée n’a rien dit pour l’instant. Par contre, Babel a moins envie de partir. Elle ne fait pas confiance aux nobles et elle sait que probablement si elle part, le pantin va faire un signe de la tête et les gardes vont la poursuivre. Alors, comment elle va s’en sortir ?
«Heu, tout compte fait, je vais te suivre, mais avant explique moi. Tu m’as offert du poisson qui n’était pas pour moi finalement ? Et tu veux que je t’accompagne pour en trouver d'autres ? Écoute… Je n’ai vraiment pas envie de trainer avec toi et surtout ne pas faire du magasinage. Par contre, je suis une pêcheuse de l’archipel durant mon temps libre, entre deux clients. Alors, je peux t’en trouver du poisson et après nous serons quittes. » Explique-t-elle à la noble poupée. Babel cherche son harpon, mais sans succès. C’est là qu’elle se souvient qu’elle l’a égaré. Avec un visage découragé et poussant un lourd soupir, elle termine en disant qu’elle doit retrouver son harpon avant toute chose.
«Laisse-moi retrouver mon harpon et par la suite je pêcherai ton poisson. On se retrouve ici dans 3-4h ? » Dit Babel avec son plus beau sourire avec son haleine de vomis.
Pourtant, pas le temps de le lui signaler que la jeune femme tourne les talons pour s'échapper, rapidement interrompue par son entreprise par l'arrivée de deux gardes en patrouilles qui saluent la demoiselle de tissu. Il faut dire que maintenant, dans la garde du sud en tout cas, la filiation de l'étrange jeune fille bloquée dans un corps de poupée et du capitaine de la garde n'est plus un secret! Visiblement, la voleuse change d'avis. Peur des gardes donc? Pourtant elle n'a pas réellement dérobé quelque chose, certes elle en avait l'intention mais une intention de délit n'est pas un délit. Elle doute sincèrement que l'on puisse arrêter quelqu'un pour ce qu'il a pensé faire mais qu'importe? Autant en profiter non? C'est peut-être mesquin d'une certaine manière - un défaut que Fedora ne pense pas avoir - mais c'est un cas d'urgence... Une imitation du geste de soupirer plus tard, la poupée désigne les deux brochettes qu'elle a toujours en main.
"Je t'ai acheté des brochettes! Je n'ai jamais parlé de te donner un thogosus entier! Tu as juste décidé de prendre la première chose que tu as eu sous la main sans te soucier de la raison de mon achat. C'était méchant et égoïste alors que je t'offrais du poisson frit de bon coeur!" Et en parlant de méchanceté : est-ce que cette femme est sérieuse? N'est-ce pas un peu trop direct de dire de cette manière qu'elle ne veut pas "trainer" avec elle? Nouvel imitation de soupire : ce serait une pêcheuse mais elle s'apprêtait à voler un marchand de poisson? Véritablement égoïste donc! Et une nouvelle proposition qui fait pousser un petit rire à Fedora... Est-elle sincère? Tendant le bras pour mettre son index dressé vers le haut devant le visage de la jeune femme, elle le secoue de droite à gauche en signe de négation.
"Et je suis supposé te croire sur parole alors que je t'ai pris sur le fait en pleine tentative de vol? Si j'accepte, j'ai le sentiment que je ne vais jamais te revoir! De plus trois quatre heures pour chercher ton harpon? Cela me semble bien gros! Tu ne veux pas traîner avec moi soit, mais je suis loin d'être stupide et tu ne te débarrasseras pas de moi temps que tu ne m'auras pas rendu un Thogosus!" Affirme-t-elle catégorique. 'Oh et n'essaie pas de me rouler... Ce ne sera sans doute pas nécessaire mais, il serait dommage que je sois obligé de signaler ta tentative de crime et ton vol de MON achat à mon père... Le capitaine de la garde..." Dit-elle avec un grand, beau et effrayant sourire innocent. En vrai, elle n'utiliserait jamais la position de son père de la sorte, loin de là même mais, il faut avouer que le comportement de la jeune femme ne lui inspire pas confiance, pas plus que ses paroles parfois blessantes et démontrant d'un certain manque de considération. Lui faire un peu peur n'est sans doute pas un mal vu la situation. Sauf qu'apparemment, la menace est trop effrayante! L'inconnue semble hésiter un instant avant, regarde à droite et à gauche et part soudainement en courant! Elle est rapide pour quelqu'un venant de vomir, il faut également avouer que Fedora ne s'y attendait guère et la voici qui tend la main vers la direction dans laquelle la jeune femme est partie alors qu'elle disparaît dans la foule, laissant la poupée abasourdie sur le quai... Et zut! Elle va devoir racheter ses poissons, inutile d'espérer revoir la jeune femme ou de l'attendre. Tant pis, elle a plus important à faire. Après un soupire - ou du moins l'imitation d'un soupire - elle reprend la route.
|
|