Mais pour l’heure, il y avait plus important, il fallait qu’Ayah termine de soigner la blessure de son compagnon afin de reprendre la route pour arrêter les malfrats qui venaient de prendre la fuite. La soigneuse continuait d’user de son pouvoir et visiblement, la tache lui était particulièrement éprouvante. Vlad décela un changement d’expression sur le faciès de la soigneuse bien qu’elle s’efforçait de dissimuler le contrecoup de l’utilisation de son pouvoir. Il posa tendrement la main de son bras valide sur l’avant-bras de sa compagne tout en lui dessinant un sourire compatissant.
Le prêtre Aord passa de la rage à la tristesse en un instant lorsqu’il évoqua à nouveau son livre. Visiblement, cet homme n’était pas vraiment stable émotionnellement. Sans doute, avait-il eu quelques traumatismes au cours de sa vie impliquant son bouquin. Il était dur de mesurer sa peine, mais elle semblait bien présente. Par contre, son accès de tristesse n’anima aucune empathie dans le cœur de Vlad, pas après ce qu’il venait de faire subir à sa compagne. Vlad restait très froid, et neutre vis-à-vis de cet homme.
L’aventurière rajouta une couche en retournant bien le couteau dans la plaie. Ces deux personnes semblaient particulièrement rancunières. Elle ne manqua pas de se faire un peu de pub au passage en les invitant à venir se délester de leurs cristaux à la forge Zmei dans la capitale. Comme si le pardon pouvait s’acheter avec de l’argent.
Le binôme des faux Boudin reprirent la route afin de retrouver les Bloody Lovers qui étaient toujours en possession du précieux livre du prêtre. Peu de temps après leur départ, Ayah termina de guérir son amant et se redressa difficilement. Elle était vraiment éreintée, mais semblait déterminée à poursuivre la traque des fugitifs. Elle se baissa afin de ramasser les deux paires de menottes puis en jeta une vers Vlad. Ce dernier réceptionna l’objet avant de prendre la parole :
« J’aimerai faire un rapide tour des lieux, car ça me semble étrange cette histoire de livre. Ce n’est pas juste un bouquin, mais un coffre dans lequel est contenu le bouquin. »
Après avoir faire un rapide tour des lieux, Vlad s’approcha du buisson d’où en avait surgi Martine. Il écarta les branchages afin de mieux discerner le sol et…BINGO ! Un petit coffret de bois était bien présent, à moitié dissimulé par le feuillage. Vlad se pencha et s’en saisit avant de se redresser. Il se retourna fièrement vers sa tendre moitié, agitant le coffret à hauteur de visage.
« Ce doit très certainement être le fameux livre du prêtre ! On devrait vite reprendre la route afin de les rattraper. »
Le couple se mit alors en route d’un pas vif afin de rattraper le prêtre et l’aventurière. Ils arrivèrent rapidement à leur hauteur et ne remarquèrent pas la présence des deux gardes tant ils étaient absorbés par la recherche des voleurs dans la foule. Vlad prit alors la parole à l’attention du grand gaillard :
« Hey ! Monsieur Svenn ! Ce ne serait pas ce coffret que vous recherchez ? Je l’ai retrouvé par terre bien caché dans les buissons d’où avait surgi Martine Boudin quelques instants plus tôt. » Dit-il d’un ton neutre.
Il espérait que ce soit bien le coffret contenant le livre du frère du culte de Lucy. Il n’avait pas pu en vérifier son contenu, car ce dernier était verrouillé par une serrure nécessitant un code.
Il poussait les gens qui s’étaient rassemblés sur la plage pour leurs vacances au soleil. Parfois, il leur donnait la description des deux fuyards, mais faisait à chaque fois choux blanc. Il allait devoir se faire une raison, ils avaient mis les voiles … Il fut rejoint par l’aventurière qui essaya de lui donner un coup de main, mais n’eut pas beaucoup plus de succès que lui. Ils finirent par s’asseoir sur un banc désespéré. Aord devait se faire une raison, il était perdu à tout ja … Son regard fut attiré par un homme qui lui faisait signe. Encore ces deux gardes ! Aord leur jeta un regard mauvais avant de reconnaître l’objet qu’il tenait dans les mains. Ses yeux s’illuminèrent quand il reconnu le coffret et s’empressa de s’en emparer quand le garde le lui tandis composant précipitamment la combinaison pour ouvrir la serrure. L’ouvrage était là, intact et Aord poussa un long soupir de soulagement. A son insu, son pouvoir s’activa laissant dans le sillage de son souffle, une longue trainée de brume bleutée qui resta un moment accrochée à la couverture du livre avant de se dissiper.
Il posa ses doigts sur la couverture et ses yeux devinrent subitement blancs l’espace d’une fraction de seconde. Sa magie était toujours active, quel soulagement. Il cligna des paupières et regarda les deux gardes. Ils s’étaient bien rattrapé, malgré cette histoire complètement folle.
C’est … c’est bien lui. Quel soulagement.
Il referma le coffret et le mit dans son sac, en sécurité. Cette fois, il ne le quitterait plus des yeux.
Merci pour votre aide …
Ses remerciements sonnaient creux après ce qu’i avait fait, mais ils étaient sincères malgré tout. Maintenant qu’il avait récupéré son livre, ile se demandait ce qui allait se passer. Lui et l’aventurière allaient-ils avoir des problèmes pour cette altercation. Ils avaient agressé deux gardes en fonctions, ce n’était pas rien. Maintenant que la colère était redescendue, il s’interrogeait sur ce que la loi aurait à dire sur leur comportement.
Et maintenant, comment ça se passe ? Vous allez nous arrêtez pour outrage à agent ?
Je m'apprête à quitter le prêtre et lui souhaiter bon courage pour la suite de ses recherches, quand les deux gardes de plus tôt reviennent. Vlad porte une sorte de coffret qu'il tend à Aord. Ce dernier semble être soulagé d'un seul coup. Je l'observe déverrouiller le coffret et pousser un soupir de soulagement. Le petit nuage bleuté et la réaction qu'il a en touchant le livre ne m'échappe pas vraiment, et je comprends soudain comment un simple bouquin peut tant lui tenir à cœur. Après tout c'est logique, lorsque son pouvoir dépend d'une chose précise, on apprend à la chérir. Comme j'ai appris à chérir la fleur qui défigure mon visage.
Maintenant soulagé, l'homme remercie les gardes et demande ce qui allait se passer maintenant. Il est vrai que nous n'y sommes pas allés de main morte... D'un côté, il a presque tué Ayah, et moi j'ai martyrisé les parties intimes de Vlad. Même si la situation semble plus ou moins résolu, il n'empêche que nous avons tous les deux agressés physiquement deux gardes alors qu'ils faisaient leur devoir. Certes ces dernières ont mal agi et on commit des erreurs, mais cela n'excuse pas les nôtres. On ne parle même pas des insultes et remarques désagréables que l'on a fait au couple. Je me gratte un peu la tête, un peu gênée à l'idée de finir croupir dans une cellule. Je vois d'ici là tête de Rid à l'idée de venir chercher sa petite sœur en prison. D'ailleurs, il n'est pas impossible que cet imbécile vienne frapper d'autres gardes pour savoir comment j'ai fini en cellule. Non, clairement cette vision ne me plait pas du tout... Notre sort repose maintenant entre les mains de ces deux gardes.
« Si vous voulez nous arrêter, cela parfaitement compréhensible... Rien n'excuse notre comportement envers deux gardes exerçant leur devoir. »
Je m'incline légèrement dans le but de souligner ma sincérité et montrer que je regrette réellement mes actes.
Quel ne fut pas donc son soulagement quand Vlad, inspectant les alentours, sembla faire du charme à la Providence. Il trouva en effet un petit coffret de bois richement décoré, mais manifestement verrouillé.
Cela n’appartiendrait-il pas à Aord ?
Elle soupira légèrement et acquiesça tandis qu’il lui proposait de retourner au plus vite auprès de leurs interlocuteurs pour leur faire part de leur découverte.
« J’espère que c’est son livre… Il a l’air vraiment chamboulé de l’avoir égaré. » Fit-elle doucement, se remémorant des réactions pour le moins extrêmes du supposé agent de l’Astre de l’Aube.
Elle prit sur elle pour ne pas montrer à Vlad son état de faiblesse et prit la route à ses côtés sans broncher. Par Lucy, fort heureusement Sia et Aord n’étaient pas partis trop loin et ils les retrouvèrent tous deux tristement assis sur un banc.
* Il ne fallait pas espérer les retrouver aussi facilement… * Pensa tristement Ayah en évaluant les maigres chances pour que le couple Boudin se trouve encore dans les parages.
Elle laissa Vlad les interpeller, ralentissant son propre rythme pour reprendre un peu de sa prestance discrètement. Elle observa sans intervenir leurs échanges, quelques mètres en retrait. Des passants leur jetaient de temps à autre des regards curieux… Elle essaya de les ignorer autant que possible en masquant quelque peu son nez et aucun n’eut l’audace de poser de question.
La jeune femme observa le prêtre passer par diverses expressions : la surprise, la précipitation, l’appréhension et enfin le soulagement. Elle fronça légèrement les sourcils en voyant l’état de transe étrange dans laquelle il s’était mis au contact de la couverture du livre…
Il fallait s’en douter, ce ne devait pas être un objet normal.
La curiosité la piqua à vif mais elle n’osa pas poser de question, et se contenta donc d’hausser affablement les épaules tandis que l’intéressé leur adressait enfin un peu de gratitude.
Elle sentit quelque chose dans sa voix… Du regret ? Il ne semblait pas particulièrement fier des ses accès de violence en tout cas. Mais était-ce vraiment du regret au regard de ses valeurs ou au regard des répercutions éventuelles que cela aurait ?
L’aventurière à son tour s’enquit de ce qui allait arriver ensuite, indiquant toutefois qu’elle était disposée à assumer ses propres erreurs. La guérisseuse vit Vlad se tourner vers elle, comme s’il attendait qu’elle décide ou non s’il fallait donner suite à tout cela. Il semblait considérer que la décision lui revenait après les violences qu’elle avait subies.
Ayah secoua doucement la tête et reporta son attention sur leurs deux interlocuteurs. Ce n’était pas une personne rancunière et, bien qu’elle ne souhaitât pas rester plus longtemps en en compagnie de ce prêtre pour l’heure, elle ne le détestait pas.
Elle se contenta donc de poser sur eux un regard compréhensif et prit la parole sans aucune animosité :
« J’imagine qu’aujourd’hui était une drôle de journée pour nous tous. Des erreurs peuvent être commises, et aucun d’entre-nous n’y a échappé… Aussi, nous n’engagerons pas de nouvelles procédures contre vous. »
Elle reporta son attention vers Aord et chercher quelques instants ses mots avant de réafficher une mine résolue :
« J'imagine que votre intention n’était pas de tuer, néanmoins vous devriez faire attention à vos accès de colère. Nous vous laissons partir, mais soyez bien conscients que cela ne doit pas se reproduire. » Ajouta-t-elle avec une douceur ferme.
À la suite de quoi elle inclina légèrement la tête pour prendre poliment congés d’eux, ne se sentant pas dans sa meilleure forme, et commença à s’éloigner. Elle soupira légèrement en passant l’une de ses mains par-dessus son œil droit : elle avait envie de se reposer quelques temps avant qu’ils ne puissent reprendre leur ronde dans de meilleures conditions.
Décidément…. Ce n’était pas sa meilleure journée à la plage !
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