Tu ne vivais plus seul et tu n’étais absolument pas doué pour vivre avec les gens ! Heureusement pour toi, la personne qui était avec toi était une douce fleure froide, mais capable d’accepter certaine de tes particularités… Mais depuis que tu fus obligé de voir une de ses siennes, précisément sa façon de mettre à terre un client qui était dans le tort… Tu étais totalement perdu. Ce client était une ancienne connaissance de la fleur, une mauvaise connaissance. La fleur sortit les ronces et répondit avec du mordant à la provocation de l’homme. Elle avait parfaitement raison selon toi, mais une fois que tu étais venu la réconforter et lui rappeler qu’elle ne devait pas agir comme cela, surtout si plus tard, elle voulait ouvrir sa propre forge. Tu devais la former, même dans les moments difficiles, qu’elle apprécie ou pas… Et… En voulant frapper le métal encore chaud, tu brisas totalement la fleur qui se solidifia en un château de glace.
Depuis ce jour, un froid assez violent, c’était mit entre toi et Sia et tu n’avais pas la moindre idée de comment rattraper le coup. Tu as essayé à plus d’une reprise de revenir vers elle pour discuter et parler avec elle, mais chaque fois que tu te rapprochais, tu te souvenais juste que c’était de ta faute, et tu allais probablement juste empirer les choses. Tu fis donc la pire erreur possible… Tu te disais que tu ferais mieux demain.
Ce rituel se répéta de jour en jour. Chaque fois que tu voyais un moment pour discuter avec elle, la toundra qu’elle te lâcha te rappelait que tu étais le seul responsable de cela… Et tu faisais demi-tour. Que ça soit à la forge, au magasin, en mangeant. Les jours passèrent commença doucement et sûrement, sans jamais s’arranger.
Aujourd’hui, tu te disais que tu allais encore essayer, tu ne voulais pas t’arrêter d’essayer, mais tu te rendais bien compte d’une chose… Tu es probablement l’homme le moins courageux au monde. Tu pouvais parfaitement voir ton père encore se moquer de toi et te dire qu’il avait fait de toi un forgeron, mais jamais un homme. Tu traînas donc à l’atelier de la maison, tu t’occupais en installant des bandes de cuir sur la poignée d’une épée que tu allais probablement mettre en vente… Tu y penses, mais… Depuis l'arrivée de Sia, tu n’as pas pu emmener une seule épée à ton cimetière… Est-ce que tu passais trop de temps à t’occuper d’elle et tu détériorais tes talents à la forge ou bien tu avais juste atteint ta limite ? Tu n’avais pas la moindre idée et ça te pesait de plus en plus sur l’esprit. Entre ça et Sia… Tu ne t’étais même pas rendu compte que ton anniversaire était aujourd’hui. La seule chose qui te venait à l’esprit, c’était que tu allais probablement te rendre à ton cimetière pour méditer un coup et essayer de trouver pourquoi tu bloquais aussi bien avec ta forge qu’avec Sia.
Depuis mon anniversaire, j'ai pris le temps de dessiner et de bien réfléchir à ce que je voulais lui offrir. Et qu'est-ce qu'une apprentie et amie peut faire de mieux comme cadeau ? Forger un objet utile au quotidien pour son maître. Alors oui, j'ai pris le temps, j'ai rassemblé tous mes savoirs et mes compétences, j'ai fusionné tout ce que j'ai appris de mon père et de Lyle pour lui faire ma plus belle création, lui montrer mon évolution et surtout qu'il voit que son apprentie veut le rendre fier. Je lui en veux, mais en même temps je ne supporte plus que cette situation perdure.
Il m'évite clairement. Les moments où nous nous retrouvons seuls à la forge sont devenus rares, et à la maison, il fuit dès qu'il croise mon regard. Alors forcément, cela renforce ma colère envers lui, mais j'ai l'impression que si je ne fais pas le premier pas, nous allons continuer dans ce cercle vicieux éternellement et ne jamais en sortir. Aujourd'hui, c'est son anniversaire, et je compte bien utiliser cette occasion pour le coincer et piéger, lui sortir les vers du nez et le forcer à m'affronter. Je suis son apprentie et je suis bien partie pour rester encore plusieurs lunes à ses côtés, alors notre relation doit s'améliorer.
Je récupère la boîte et sors de ma chambre. Avec un soupir agacé je constate que mon maître s'est déjà volatilisé, évitant ainsi bien soigneusement de prendre le petit déjeuner avec moi. De quand date le dernier petit déjeuner que l'on a pris ensemble ? Presque une lune ? Je tends l'oreille et constate que le rouquin semble s'affairer dans l'atelier. Sans un mot, je rejoins la salle à manger et commence à mettre la table, déposant mon cadeau à la place que prend habituellement le forgeron. Il est peut-être déjà un peu tard pour un vrai petit déjeuner, mais je peux toujours préparer un brunch copieux.
Je récupère ensuite un tablier que j'enfile et m'installe derrière les fourneaux. Je récupère plusieurs ingrédients, rejoins le garde-manger pour récupérer des légumes et de la viande, et je m'attèle ensuite à la préparation du repas. Je découpe les ingrédients, émince des légumes, prépare bouillons et autres pâtes, et rapidement la cuisine se transforme en véritable champ de bataille culinaire. Le temps défile plus vite qu'il n'y parait et bientôt la matinée approche de sa fin. Quand je semble avoir terminé de préparer tout ce que je souhaite, je retire mon tablier, nettoie rapidement la cuisine et lave mes mains et mon visage. C'est qu'avec tout ceci, j'ai l'impression de m'être plutôt battue avec les ingrédients plutôt qu'avoir cuisiné. Je ne suis pas peu fière de mon travail, et je compte bien le faire goûter au rouquin.
En parlant de ce dernier, il est temps d'aller le chercher. Je rejoins le couloir et tend l'oreille pour le repérer. Il semble avoir quitté l'atelier, ce qui me fait froncer les sourcils. Est-ce qu'il serait sorti et je ne l'aurais pas entendu ? Je commence à appeler son nom, le cherchant à travers la maison et la boutique. S'il n'est pas là, j'irais le chercher à la forge, et s'il le faut je retournerais toute la propriété jusqu'à le tirer par une oreille et l'installer à sa place. Aujourd'hui, c'est son anniversaire, et aujourd'hui doit être un jour de congé. Alors, il est grand temps que nous nous réconcilions.
Tu sais parfaitement ce que ça fait d’être séparé d’une chose à laquelle on tient, mais tu sais aussi que c’est comme cela qu’on avance. Tu voulais voir Sia grandir et avancer. Pas la retenir ou la blesser… Pourtant, c’est ce qui se passait maintenant… Tu voulais la voir sourire, rire, s’épanouir, peu importe si tu es à ses côtés ou non. Tu voulais la rendre heureuse et fier d’elle-même. Tu te laissas tomber en avant faisant tomber ta tête sur la table de l’atelier, fermant les yeux et ne comprenant pas. Pourquoi ça faisait si mal de vouloir aider une personne qu’on aime…
Tu te relevas, devenant subitement rouge. Tu secouas la tête rapidement. Oui, tu appréciais Sia, mais ce n’était pas de l’amour, nan pas moyen ! Si c’était cela, ça serait la pire des choses pour elle… Elle devait grandir, avec sa famille, ses proches… Tu te devais de rester juste son maître… C’était pour son bien. Que ça fasse aussi mal ou non. Être amoureux d’elle… Tu n’étais pas dans un livre ou dans une fiction Lyle, tu savais bien. Elle n’avait rien à gagner à t’aimer, alors pourquoi elle t’aimerait ? Vivre avec un idiot qui l’énervait à la montagne ? Elle était maligne, elle sera faire un meilleur choix. Et elle pourra surement trouver un meilleur partit que toi. Tu devais continuer à être son maître… Aussi bien difficile que ça soit. Toi aussi, tu avais un rêve à accomplir, et comment tu pourrais accomplir ce rêve si elle était à tes côtés. Rester avec toi signifiait souffrir.
Tu te relevas doucement et passas vers le magasin pour déposer l’épée fini sur un tas d’autres épées avant de te rendre dehors. Tu comptais retourner à ta forge, mais… Nan, tu savais où tu voulais te rendre. Tu suivis le chemin vers ta forge, calmement, essayant de te couper de tout ce qui t’entourait puis sur la moitié du chemin… Tu t’arrêtas, te tournant sur le côté, juste là, cacher derrière des branches, se cachait un autre chemin. Tu restas un petit moment-là, te laissant te baigner dans la lumière du soleil qui passait entre les branches d’arbre, et de demandant si tu étais encore digne d’aller là-bas. Dans ton propre sanctuaire.
Tu restas un moment-là, avant de faire le premier pas à travers les bois, tu traversas quelques arbustes avant de suivre un chemin mal visible entre les bois. Tu remontais la montagne, esquivant des branches, passant sous un tronc puis par-dessus. Un petit parcours du combattant. Tu te souvenais parfaitement en suivant ce chemin que ton père était le premier à t’avoir montré cette merveille et depuis… Tu en avais fait ton rêve, ton objectif, ta seule et unique raison de te relever le lendemain. Tu poussas quelques branches de plus, arrivant dans une étrange alcôve.
Dans le flanc de la montagne, se trouvait un étrange endroit. Là où tout était de travers à cause de la montagne, ce creux étrange ressemblait plus à une butte de terre qui c’était incrusté dans la montagne elle-même. Au sommet de cette butte verte d’herbe, se trouvait un immense rocher d’un noir incroyable. Ce rocher, à la former étrange, non-naturel, était recouverte de légère coupure, et parfois même de morceau d’épée encore planté en elle. Tu t’avanças et puis à mi-chemin sur la butte, tu t’agenouillas, observant le rocher, te rappelant de chacune des coupures sur elle. Chacune des lames briser ici. Un autre détail était aussi difficilement remarquable…
À l’exception du petit chemin sur lequel tu te tenais, l’herbe vert brillant était recouverte de très très très nombreux morceaux de différents métaux. Des morceaux de lame, reflétant toute la lumière du soleil et créant à ce sol vert, de très nombreux reflet lumineux, comme si ce n’était qu’une mer de diamant reposant sur un sol herbeux. Restant assit, tu fermes les yeux, et te concentres sur toi-même, cherchant à méditer. Tu devais apaiser ton cœur et trouver la force de parler à Sia.
« Lyle ? »
Je referme la porte en balayant les alentours du regard, appelant le nom de mon maître en espérant entendre une réponse. Rien. Seule ma voix me fait écho ainsi que le bruit du bruissement des feuilles des arbres commençant à tomber et recouvrir le sol. Je redescends alors le chemin, réfléchissant aux endroits où il a pu aller. Chasser ? Le garde-manger est loin d'être vide et nous ne manquons pas de viande. Il n'a pas non plus pu partir à la Forteresse, pas sans me prévenir ou me laisser un mot. La source chaude ? C'est possible. Après tout, pour son anniversaire peut-être qu'il a décidé de se prendre un moment pour se détendre... Alors il ne me reste qu'à aller vérifier s'il a mis la petite pancarte que l'on utilise pour indiquer que l'endroit est occupé.
Et puis mon regard est comme attiré par un détail. Quelque chose a changé. Je ne l'ai pas remarqué en montant, se trouvant de mon côté aveugle, mais il y a un passage entre les arbustes qui a été dégagé. Je m'arrête et inspecte le sol, me rappelant des conseils d'Evelyn quant à la traque. Rapidement, je repère des empreintes de pas, reconnaissant des empreintes pouvant correspondre à Lyle. Je fronce les sourcils. Je ne connais pas ce chemin et je n'ai pas vu mon maître se diriger une seule fois sur ce chemin depuis que je suis ici. Cela fait maintenant plusieurs lunes, à peine plus de six, et jamais je ne me suis rendue de ce côté de la propriété.
Je suis alors le petit chemin, repérant les traces de pas de mon maître ainsi que les branches cassées par son passage. Clairement, il n'a pas emprunté ce sentier depuis plusieurs lunes, la végétation reprenant ses droits, l'herbe ayant commencé à pousser et cacher un tracé encore visible dans le sol. Un chemin, un lieu de passage qui semble avoir été emprunté de nombreuses fois au fil des saisons et des années. Je m'aventure difficilement entre la végétation qui a explosé pendant la saison chaude, perdant peu à peu son habillage verdâtre. Je suis le sentier qui monte légèrement dans la montagne, bataillant à plusieurs reprises avec ma chevelure s'accrochant à des branches. Je n'avais clairement pas prévu une balade en pleine forêt aujourd'hui et je ne me suis pas habillée en conséquences. En passant par-dessus un tronc, je commence sérieusement à me demander où mon maître a-t-il pu se rendre, suivant toujours les traces de ses pas ou les indices de son passage.
Finalement, le chemin se dégage, la forêt faisant place à une étrange clairière. Ou plutôt, un renfoncement de la montagne. Je reprends un peu mon souffle et frotte mes vêtements légèrement malmenés par la forêt. J'observe alors cette butte d'herbes à flanc de montagne, un lieu étrange et presque secret ainsi caché entre la roche et la forêt. Je repère alors la tête flamboyante du forgeron. Il est assis devant une étrange roche d'un noir profond. Mon regard est comme captivé par ce minéral étrange, ma curiosité naturelle me poussant à m'avancer tout en détaillant cette forme et les détails de sa surface. Ce rocher étrange, presque irréel, se découpant de façon si nette tant par sa couleur que sa forme dans le paysage alentour.
En m'avançant, c'est le bruit sous mes pas qui m'arrête. Un craquement bien étrange alors qu'il n'y a que de l'herbe ici, une impression d'être sur un étrange gravier. Je baisse alors les yeux, repérant plusieurs morceaux de métal recouvrant le sol. Je me baisse et en récupère un, mes doigts reconnaissant presque instantanément cette forme si spéciale. Un éclat d'épée. Les éléments l'ont vieilli et la rouille commence à poindre, mais il n'y a pas de doute. Je relève alors le regard sur mon maître qui n'a pas bougé d'un pouce, installé face à cette étrange roche comme en transe. Je ne sais pas depuis combien de temps il est là, mais il semble comme absorbé.
Le spectacle semble presque irréaliste. Cet homme à la chevelure de feu, son dos musclé et couvert des traces des années de travail et d'entrainement, assis face à ce minéral d'un noir profond, la verdure de l'herbe brillant aux reflets du soleil, les morceaux et poussières métalliques faisant miroiter les brins. Une petite brise vient faire passer mes cheveux devant mon visage, me coupant la vue un instant. Mes doigts viennent se saisir de mes mèches et ce même spectacle s'offre à moi, seul le mouvement des cheveux et vêtements de mon maître m'indique qu'il ne s'agit pas d'une statue. J'ai l'impression que pendant un instant mon cœur s'arrête de battre en le regardant, se serrant et me faisant oublier tous les ressentiments et la colère que je porte depuis de nombreux jours. Pendant cette fraction de seconde, j’arrête de réfléchir, absorbée par cette vue, par cet homme me faisant dos. Je ne vois plus que lui.
Me rendant compte de ce que je suis en train de penser, mon corps se raidit et je sens la chaleur s'emparer de mon visage. Je chasse ses pensées en même temps qu'une nouvelle mèche de cheveux tombant devant mon œil. Je m'avance alors vers le forgeron, ne cachant pas le bruit de mes pas. Ne voyant pas de réaction de sa part, je me baisse à sa hauteur et pose une main sur son épaule.
« Ly' ? »
Ce surnom que je n'ai pas utilisé depuis ce fameux jour, il me vient naturellement en cet instant. C'est comme si d'un coup j'étais redevenue la Sia d'avant, celle se contentant de vivre aux côtés de son maître, d'apprendre chaque jour de ce qu'il lui montre et raconte, celle qui rigole en mangeant avec lui, celle qui ne se soucie pas du lendemain ou des facettes de sa personnalité qu'il peut percevoir malgré elle. La Sia qui n'est, finalement, pas si froide.
Tu savais parfaitement chacune de ses réponses, mais en repensant à chacune de ses idées, tu essayais de comprendre pourquoi tu réagissais comme ça avec Sia, pourquoi tu étais perdu près d’elle. Tu avais toujours pensé que c’était simplement, car tu n’as jamais vécu avec une personne du genre opposé, encore moins avec les habitudes de Sia. Tu avais un peu compris que Sia avait un comportement particulier, mais son caractère ne te déplaisait pas. Ta vie, jusqu’à présent, tournait autour d’une simple leçon. Si tu ne fais que ce que tu peux faire, tu ne seras jamais plus que ce que tu es maintenant. Tu affrontais ce rocher, car tu ne pouvais pas le briser. Tu apprenais à Sia, car tu n’as jamais rien appris à quelqu’un d’autres. Tu faisais de ton mieux pour l’aider, car tu voulais la faire grandir. La voir grandir… Alors pourquoi n’étais-tu pas capable de lui parler maintenant ? Elle ne t’avait pas agressé, elle ne t’avait pas mal parlé. Tu as voulu la réconforter, mais tu lui avais fait mal… Oui, c’était probablement cela.
Tu voulais rester loin d’elle pour ne pas souffrir lorsqu’elle partira, mais tu t’étais déjà trop approché d’elle, au point où tu souffrais en voyant que tu n’étais pas assez bon… Alors que devais-tu faire ? Travailler encore plus pour te rattraper et l’aider à continuer, ou laisser la blessure se soigner d’elle-même et grandir de celle-ci pour aller plus loin ? Tu n’étais sur d’une chose, c’est que tu ne pouvais pas laisser tomber Sia, qu’elle te déteste ou non... Tu ne pigeais pas ce que tu ressentais exactement, mais elle méritait que tu fasses de ton mieux pour elle. Tu ne devais pas la voir comme un obstacle à ton rêve, mais comme une étape de ta vie…
Tu pouvais même l’entendre à côté de toi, marchant doucement et posant sa main douce sur ton épaule. Oui, elle était à tes côtés et appelait ton nom. Elle n’avait pas encore quitté tes côtés, et même si elle n’était plus là, elle resterait dans ta vie comme la personne qui t’as permis de grandir. Tu ouvris doucement les yeux maintenant que ton esprit était plus calme. Attends… Pourquoi tu sentais encore la main de Sia sur ton épaule ?
Tu tournas la tête sur le côté, oui, il y avait bien une main sur ton épaule… Tu relevas le regard pour voir Sia te fixer… Tu restas là une seconde, à la fixer, te demandant si tu ne rêvais pas, et après avoir clignée des yeux, tu fis un léger bond sur le côté de surprise, lâchant même un petit cri. « Sia ?! Qu’est-ce tu fais ici ? » Tu te relevas alors, frottant tes jambes pour retirer la terre. Tu te retournas alors vers l’énorme rocher, recouvert de légère coupure, puis tu te tournas vers elle. « Bon, j’imagine que tu finirais un jour par découvrir cet endroit. Je comptais plutôt te le montrer si jamais tu commençais à trop te fatiguer ou en avoir marre de pas avancer… C’est mon cimetière… Mon plus gros échec et mon rêve. » Tu souris alors doucement, gêner que cet endroit soit découvert. Si la forge était sacrée pour un forgeron, ton cimetière était bien plus privé, et c’était étrange que Sia le voie enfin.
Mon maître ne semble pas réagir quand je l'appelle, il est véritablement en transe, en pleine méditation et il semblerait que je ne puisse pas le tirer de cet état facilement. Et puis, il ouvre doucement les yeux, le regard encore dans le vague, il sent ma main sur son épaule en la regardant sans avoir l'air de trop comprendre. C'est quand il relève les yeux vers mon visage qu'il semble revenir à lui, sa surprise me faisant étirer un petit sourire alors qu'il se dégage de mon contact.
« Je te cherchais. »
Ma réponse est simple, le laissant revenir à lui et réaliser ce qu'il se passe. Je le regarde se relever avant de reporter mon attention sur la pierre noire qui se dresse devant nous. Tout en écoutant le forgeron parler, je m'approche du minéral et pose une main sur sa surface, laissant la pulpe de mes doigts lentement détailler chacune des éraflures à sa surface, observer sa couleur si sombre et les traces laissées par les nombreux essais. Je ne prononce pas un mot, me contentant d'écouter les mots du rouquin. Me montrer son cimetière comme une façon de m'encourager ? Le geste est touchant et je ne peux m'empêcher de légèrement m'en mordre la lèvre. Il a raison, c'est une façon de me montrer que même lui, que je ne dois pas baisser les bras trop rapidement, car même le meilleur forgeron échoue et continue quand même d'essayer de devenir meilleur. Je me sens bien puérile à ses côtés, moi qui lui en voulait depuis des jours. Et pour quoi finalement ? Il ne cesse de penser à mon bien et à vouloir le meilleur pour son apprentie. Il est froid, maladroit et pas vraiment le plus doué en communication, mais il est droit et juste. Je n'ai fait que me comporter comme une enfant avec lui et le traiter en ennemi encore et encore, le repoussant avant même de lui laisser l'occasion de me parler, finissant par arriver à cette situation où nous n'arrivons même plus à être dans la même pièce.
« Je... Merci, Lyle. »
Je me mords l'intérieur de la joue et laisse ma main retomber à mon côté. Je me retourne vers lui, mais évite son regard un instant, me sentant légèrement honteuse.
« Je pense que j'en avais besoin. »
Après tout, j'envisageais sérieusement de partir.
Je n'ose pas le lui dire, mais depuis plusieurs jours, je réfléchissais au fait de me trouver un nouveau maître. La situation ne pouvant plus durer je me suis sérieusement dit qu'il était peut-être temps que je quitte ses côtés si nous n'arrivions plus à nous parler et nous comprendre. Alors qu'il me prouve qu'il pense encore à moi et à la façon de m'encourager, me prouvant que je me trompais complètement sur son compte. Je pousse un petit soupir, me grattant légèrement la joue, honteuse d'avoir ainsi penser de lui. Je relève alors le regard sur lui, le fixant dans les yeux en essayant d'être honnête cette fois.
« Je te cherchais parce que j'ai préparé à manger. Je ne te trouvais nulle part à la forge et j'ai trouvé tes traces sur le sentier, je les ai remonté jusqu'ici... »
Je détourne à nouveau légèrement le regard, une nouvelle brise venant faire tomber une mèche de cheveux sur mon visage, la repoussant d'un geste de la main avant de reprendre.
« Tu ne semblais pas avoir encore mangé et on n'a pas eu de repas ensemble depuis un moment alors j'ai préparé un repas copieux. Après tout, c'est ton anniversaire aujourd'hui... »
Je me sens un peu gênée à l'idée d'avoir gâché ce qu'il a prévu pour profiter de sa journée d'anniversaire. J'ai été égoïste et n'ait pensé qu'à moi, je n'ai pas envisagé un instant que mon maître voulait peut-être être seul durant cette journée.
« Si tu préfères être seul pour profiter de la journée, je comprends parfaitement... Je vais retourner à la maison et réchauffer le repas, si tu as faim je vais te laisser ta part dans la cuisine. Prends tout le temps dont tu as besoin. »
Je tourne alors les talons et me dirige lentement vers le petit sentier qui m'a mené jusqu'ici. Je suis partie depuis un moment, l'idée de servir un brunch bien chaud à mon maître n'est plus qu'une idée lointaine. Tout doit être froid et je suis bien partie pour me retrouver à manger à nouveau seule en fixant le cadeau que je voulais lui offrir sans savoir quand le lui offrir.
Mais c’est ce que tu étais, un homme faisant son mieux pour être maître et n’étant vraiment pas doué à cela. Tu ne souhaitais qu’une chose, être capable d’accomplir ce que tu avais en tête. Tu la regardas alors, elle semblait plonger dans sa réflexion et toi, tu ne semblais toujours pas avoir la moindre idée de quoi lui dire. Elle t’adressa alors la parole, te disant qu’elle avait préparé à manger. Elle te cherchait depuis un moment, mais en suivant tes traces, elle retomba sur toi ici, dans ce lieu presque sacré. Tu ouvris un peu plus grand les yeux, réalisant que c’était par ta faute qu’elle était arrivée ici. « Oooh, c’est vrai que tu es une aventurière, me traquer ne doit pas être bien compliqué. »
Tu la voyais remettre encore une de ses mèches avant de continuer… Une idée te traversa l’esprit, mais tu la rangeas plus loin dans ton esprit pour ne pas déranger Sia alors qu’elle continuait de parler. Elle te fit remarquer que tu n’avais rien mangé et qu’elle avait t’avait préparé un bon repas pour ton anniversaire. Tu souris doucement, rassurer qu’elle y avait pensé. C’était si sympathique de sa part de se souvenir de… Ton …… Anniversaire ? Tu te figeas alors un moment sur place, ne bougeant plus d’un pouce et écoutant bien attentivement la demoiselle alors qu’au fond de toi, tu étais en train de crier de colère. Tu avais oublié ton propre anniversaire !
Sia finit par te dire qu’elle comprend si tu voulais passer cette journée seule et qu’elle allait retourner à la maison pour réchauffer le plat. Alors qu’elle se retourna pour partir, ton corps réagissait plus vite que tu pouvais y penser. Elle venait de te reparler, et tu ne lui avais rien dit en retour. Tu devais t’excuser, tu devais te faire pardonner pour ton comportement, tu devais être meilleur. Tu attrapas sa main pour la retenir. « Attends ! »
Tu la retenais, la fixant du regard. Tu devais lui dire quelque chose, mais quoi ? Quelle était la première chose qui te venait à l’esprit ? Tu souris légèrement, en te grattant la joue. « Merci Sia, j’avais complètement oublié que mon anniversaire était aujourd’hui. Et si tu as préparé à manger juste pour mon anniversaire, je vois par pourquoi je refuserais. Laisse-moi te guider sur le retour. » Tu relâchas sa main et passas devant elle, te dirigeant vers la maison, la guidant sur le retour. Mais à peine, tu étais passé devant elle que tu recommenças à parler, mais cette fois, sur un ton plus doux et bas. « Je… Suis désolé pour tout. J’essaye d’être un bon maître, mais j’ai jamais appris à faire cela… Que ça soit enseigner ou vivre avec quelqu’un… » Tu tournas la tête vers elle, souriant radieusement vers elle. « Merci d’être aussi patiente Sia. »
Il commence par me remercier, mais la suite de sa phrase me surprend légèrement. Il a oublié son propre anniversaire ? Je reste un moment sans trop réagir, n'étant pas sûre de tout comprendre ce qu'il est en train de se passer. C'est quand il me relâche et passe devant moi que je comprends enfin la situation. J'étire un sourire et souffle même de façon amusée, n'ajoutant rien à tout ceci. Je me rends compte que je suis celle qui a commencé à s'imaginer trop de choses. Je pensais qu'il ne voulait plus me voir, qu'il ne voulait pas ma compagnie pour une journée comme celle-ci alors qu'il a tenu à fêter mon anniversaire. J'avais encore la sensation d'être traitée comme une enfant et que je ne pouvais être une amie avec qui il accepte de passer du temps. Finalement, je me suis plutôt trompée sur son compte. Lyle est simple... fidèle à lui-même. Tellement concentré sur sa routine et son travail qu'il en oublie le reste, qu'il ne voit plus les jours défiler et perd la notion du temps.
Je le suis sans dire un mot, gardant un petit sourire amusé. À vrai dire, je n'ai pas le temps de dire grand-chose que déjà il reprend la parole. Il commence par s'excuser. Je ne peux m'empêcher de légèrement froncer les sourcils en l'écoutant. Je ne suis pas certaine de comprendre ce qu'il cherche à me dire ni ce pour quoi il s'excuse. Est-ce qu'il s'excuse de son comportement trop froid ? Du fait qu'il mette toujours cette distance entre nous ? Ou alors il cherche à se faire pardonner de sa maladresse constante dès qu'il s'agit d'échanger ? Je ne suis sûre de rien, et alors que je m'apprête à ouvrir la bouche pour lui répondre et poser mes questions, il se retourne et me sourit. Un sourire radieux, un vrai sourire, sincère, un comme il en affiche rarement. J'ai l'impression que mon cœur rate un battement et j'en oublie pendant un instant ce que je voulais lui demander. Ses paroles n'arrangent d'ailleurs pas vraiment les choses et je sens un léger rougissement prendre mes joues, baissant le regard pour m'assurer d'où je pose les pieds et répondant en bégayant légèrement.
« Euh... De... de rien. Je suppose ? Enfin... »
J'ai du mal d'organiser mes pensées, je relève alors le regard vers le forgeron qui fait un nouveau pas sans trop regarder où il met les pieds, voyant une branche arriver à la hauteur de son visage. Je m'élance dans sa direction pour l'arrêter et lui éviter un moment humiliant.
« Attent... »
À peine ai-je essayé de faire un pas vers lui que je sens que l'un de mes pieds se cogner sur une racine qui dépasse du sol, me faisant trébucher et basculer en avant. Je me rattrape comme je peux, mais j'accélère plutôt ma chute sur le petit sentier légèrement en pente. Tout va très vite et j'essaye d'amortir ma chute comme je peux, fermant l'œil pour essayer de ne pas me recevoir une banche une branche dans mon seul œil valide. Une fois ma chute terminée, j'ose un regard et constate que je me retrouve sur le forgeron qui a essayé de me rattraper. Un nouveau rougissement s'empare de mon visage, bien plus violent que le précédent. J'ouvre la bouche pour m'excuser, mais rien n'en sort, bien trop honteuse pour réussir à aligner deux mots de façon cohérente. Je me relève alors d'un coup et me recule en frottant mes vêtements. Mes cheveux se sont accrochés dans des branchages et j'ai récupéré des feuilles au passage, j'essaye donc de m'en débarrasser en secouant un peu la tête. Je ne semble pas blessée et mes vêtements n'ont visiblement rien. Une fois que je me remets de ma honte et que j'ai réussi à rapidement masquer le fait que mon cœur bat la chamade, je m'inquiète de l'état de mon maître.
« Je suis terriblement désolée ! Tu vas bien ? Tu n'as rien ? Je suis vraiment désolée Lyle... Je... Je voulais t'éviter de te prendre une branche et j'ai trébuché... Je ferais plus attention, promis ! »
Tu décidas donc, pour te faire pardonner, même si c’était ton anniversaire, de guider la demoiselle. La pauvre c’était dirigé à l’aveugle dans la forêt pour te retrouver en suivant simplement tes traces. Tu pouvais au moins avoir la gentillesse, de la guider vers la maison. De plus, si elle avait pas fait attention, elle aurait pu se blesser avec les morceaux de lame traînant dans ton cimetière, et ça n’aurait vraiment pas été bon ! Tu aurais eu même la peur de ta vie. Blesser involontairement Sia, tu ne te le serais jamais pardonné. Oui, elle pouvait se régénérer, mais tu refusais de la voir se blesser si simplement et par ta faute. Avoir un pouvoir de régénération ne voulait pas dire que se blesser ne signifiait rien… Mais tu t’inquiétais encore d’une chose qui n’arrivait pas.
Tu tournas alors la tête sur le côté, entendant Sia te parler. Elle voulait te répondre ? De rien ? Elle suppose ? Tu la fixas alors en marchant droit devant toi, te demandant de quoi elle voulait parler. Elle avait du mal à te dire quelque chose, donc ça devait être important non ? C’est là que tout se passa trop subitement et rapidement.
Sia chargea vers toi avec un regard inquiet. Probablement pour te prévenir de quelque chose. Mais au lieu de te retourner pour te protéger de ce qui pouvait te foncer dessus. Ton instinct te fit réagir différemment. Ton apprentie, voulant te protéger ou t’aider, frappa son pied dans une racine et commença à chuter vers toi. Tu te dépêchas donc te retourner totalement vers elle pour la rattraper. La fleur commença déjà sa chute vers le sol, tu devais juste l’aider à ne pas chuter. Idéalement, la rattraper et l’empêcher de chuter simplement.
Tu plies donc légèrement tes genoux pour te placer dans sa trajectoire. Elle avait cependant pris trop de vitesse déjà, en la retenant, un de tes pieds fixer au sol glissa et tu chutas avec elle. Tu étais donc sous elle… Retenir la chute était impossible, mais l’amortir est faisable. Écraser au sol, avec ton apprentie sur toi, tu commenças à la repousser pour l’aider à se relever. C’était légèrement mou, mais tu t’agrippas bien avec tes deux mains pour ne pas juste la jeter au loin. Sia se releva alors aussi vite, gêner de sa chute. Toi, tu restas assit, relevant juste ton dos du sol. Tu ne t’étais pas fait mal, mais tu pouvais bien sentir plusieurs griffures de certaines branches traînant par terre.
Tu te frottas doucement le dos alors qu’elle s’excusa rapidement, te demandant si tu allais bien. Elle était véritablement désolée de ce simple accident. Elle se justifia même en disant qu’elle voulait te protéger d’une branche que tu n’avais pas vue probablement. Tu rigolas doucement, en restant assit. « Y a pas de mal, c’est moi qui aurais du faire plus attention s'il y avait vraiment une branche dans le chemin. Tant que tu n’as rien. Et oui, je vais bien, la chute était pas si dure. Elle était même moelleuse… »
Nan, le sol était dur… Tu avais même mal au dos… Alors pourquoi le mot moelleux te venait à l’esprit ? Tu fronças les sourcils, fixant tes mains et les resserrant plusieurs fois dans le vide. Tu avais tenu quelque chose de moelleux… Mais tu avais juste retenue Sia… Tu te tournas alors vers elle, la regardant de la tête aux pieds avant que ton regard ne s'arrête sur son torse… Une bombe explosa dans ton esprit et tu réalisas ce que tu avais fait. Ton visage devint très rapidement rouge comme tes cheveux, tu te relevas, frottant tes jambes.« On… On ferait mieux de rentrer ! Tu as dit que tu avais préparé un truc, pas vrai… E-évitons que ça refroidit trop. »
Je ne dis rien de plus. Le voyage jusqu'à la maison se fait en silence et je préfère arrêter de penser au fait que j'ai ainsi reluqué Lyle. Je concentre plutôt mon attention sur cette étrange roche noire que j'ai vu. De quoi peut-il bien s'agir ? Du marbre ? Non, je n'en ai jamais vu d'aussi noir. De l'obsidienne ? Peut-être. La roche semble toutefois assez dure et résistante pour ne pas briser. Seules quelques éraflures étaient présentes à sa surface, pas de trace d'un morceau s'étant détaché. Et comment cette roche a pu arriver ici ? La roche de la montagne proche n'a absolument pas cet aspect. Serait-elle magique ? Peut-être bien. De nombreuses questions affluent dans mon esprit et l'occupe alors que nous arrivons enfin à la forge. C'est l'odeur du charbon et du métal qui viennent m'indiquer que nous sommes revenus. Quand nous approchons de la maison, j'interpelle alors le forgeron de façon aussi amicale que possible.
« Tu devrais aller te changer... et te laver un peu avant de manger. Tu t'es sali en tombant... »
Je me racle la gorge tout en retenant autant que possible mon envie de rougir.
« Je m'occupe de réchauffer le repas. Tout devrait être prêt dans une dizaine de minutes. »
Sans un mot de plus, je me dirige vers la cuisine dès que nous sommes à l'intérieur. Je me lave les mains et occupe tout de suite mon esprit avec ce que je dois réchauffer. Je ravive le feu sous mon bouillon et récupère plusieurs des plats qui étaient prêts à servir. Si seulement on avait un objet magique pour conserver la chaleur des aliments... Lyle n'aime vraiment pas les objets magiques du quotidien. Je les trouve tellement pratiques, alors je me fais violence pour faire avec, trouver d'autres moyens de faire. J'enfile un tablier qui traine pour ne pas me tacher et m'active sans voir le temps passer. Quand j'entends les pas de mon maître venir vers la salle à manger, j'affiche un petit sourire.
« Installe-toi ! J'arrive avec les plats. »
Je récupère plusieurs plats et me dirige vers la table où le forgeron s'installe. Je pose mes plats et mon regard se dirige vers la boite contenant son cadeau que j'ai laissé là. Je la récupère aussi discrètement et rapidement que possible, la cachant derrière mon dos comme une enfant prise en train de faire une bêtise.
Rentrant tranquillement, tu sentais clairement que Sia était complètement plongé dans quelque chose, tu ne saurais dire quoi, mais elle était occupée… Tu haussas des épaules et continuas. Soit comme tu pensais plutôt, elle se rappelait les évènements du jour, soit elle se rappelait de ton cimetière. Ça t’avait fait du bien de retourner dans ton cimetière un coup, ça te permettait de relativiser bien vite. Après avoir brisé tant d’épée et avoir recommencé tant de fois, abandonner n’était même plus une option. Sinon, pourquoi aurais-tu passé tant de temps à faire cela. Abandonner ne serait pas seulement une preuve de faiblesse, mais ça serait avoué que tes longues années d’entraînement furent totalement inutile.
Alors que vous arriviez vers la maison, Sia te demanda vite d’aller te laver et te changer. Tu n’étais pourtant pas si sale que ça malgré la chute… Tu sentis le dos de ta main et tu avais encore l’odeur de charbon et d’acier. Pas de problème en soi. Elle se racla la gorge et t’expliqua que ça sera prêt dans une dizaine de minutes… Puis ça te revient encore à l’esprit… C’était ton anniversaire. Oui, bien sûr. Tu venais encore seulement de te rappeler que c’était ton anniversaire aujourd’hui… Tu secouas doucement la tête et acceptas la demande de Sia. « D’accord, je vais faire cela. À tantôt. » Tu vivais avec quelqu’un maintenant, donc tu te devais au moins d’être présentable pour ton propre anniversaire… Ou plutôt, tu aimerais ne pas puer la cendre le jour de ton anniversaire.
Tu t’en vas donc partir rapidement vers ta chambre, prendre des vêtements rechange avant de partir vers les sources chaudes. Tu n'allais pas pouvoir profiter de leur chaleur vu le peu de temps qu’elle te donnait, mais tu allais pouvoir effacer ses marques noires sur ta peau et sentir un peu mieux… Peut-être que ne pas avoir l’odeur du charbon constamment allait améliorer le goût des repas. Qu’est-ce que Sia allait te faire à manger ? La connaissant, elle a du préparer un bon truc, tu te disais, mais tu n’avais pas la moindre idée de ce qu’elle pouvait te cuisiner pour un anniversaire.
Tu finis donc de te laver et revient vers ton petit chez toi, sentant au loin l’odeur de la nourriture flottant dans l’air. Tu rentras dans la cuisine, et t’installa à table, voyant Sia cacher étrangement quelque chose dans son dos… Probablement un plat qui n’aurait pas du être là ou quelque chose du genre. Tu eus alors une étrange idée te passant par l’esprit… Tu ne savais pas si c’était un espoir ou une fantaisie, mais tu as imaginé Sia sans rien d’autre qu’un tablier de cuisine. Tu secouas rapidement la tête pour effacer le rouge et demander à ton apprentie.« Donc, tu nous as préparé quoi de bon Sia ? »
« Je reviens ! Tu peux commencer à manger. »
Je garde ma boite cachée et retourne à la cuisine avec. Une fois dans la pièce, je prends le temps de la dissimuler dans un coin, mettant un torchon dessus pour essayer de la cacher plus ou moins discrètement. Pas le temps de retourner la mettre dans ma chambre pour mieux la dissimuler aux yeux de mon maître. Je me concentre plutôt sur ma cuisine où j'ai laissé du riz poêlé se réchauffer à feu très doux. Je viens le goûter pour vérifier sa température et une fois satisfaite je viens dresser deux assiettes avec. Je prépare aussi une omelette en même temps et forme une sorte de crêpe avec. Quand l'œuf commence à cuire et que ma crêpe d'œuf est à moitié cuite, je la replie doucement et vient la placer sur mon riz. Je répète l'opération avec une deuxième crêpe que je place sur la deuxième assiette. Une fois prêtes, je viens délicatement couper l'œuf et la partie mi-cuite se met à couler doucement sur le riz. Satisfaite du résultat visuel, je retire mon tablier et récupère mes assiettes et viens m'installer à table. Je donne l'une des assiettes au forgeron et garde l'autre. Je m'empare de mes couverts et regarde mon maître avec un petit sourire avant de commencer la dégustation.
« Alors bon appétit et joyeux anniversaire Lyle ! »
J'attaque mon riz avec omelette et le goûte. Je suis contente du goût et de cette recette que j'ai apprise pendant mon petit séjour secret à la forteresse. J'ai profité d'un vendeur sympathique de nourriture pour qu'il me donne une version personnalisable de sa recette. Je l'ai refaite à ma sauce avec plus de légumes et d'épices que lui, mais je suis plutôt contente de mon travail. Je goûte aussi mon bouillon qui reste simple, mais délicieux. Je ne vais pas gêner et me remplir la panse comme je le fais rarement depuis que je suis ici. Il faut dire que je n'ai pas vraiment l'occasion de me faire de gros repas comme je les faisais avec ma famille.
Je redresse un peu la tête pour regarder mon maître au lieu de la nourriture. Je récupère un peu de pain, fromage et viande en réfléchissant. Est-ce que je lui offre son cadeau maintenant ? Il a l'air d'avoir oublié son anniversaire, alors peut-être essayer de voir comment il compte passer la journée avant ? Je me mets à hésiter, ne sachant pas si mon cadeau peut lui plaire. Je me sentais pleine de courage et de détermination en me levant, mais j'ai l'impression que tout s'est envolé maintenant qu'il est temps d'agir. Je serre un peu les dents avant de me jeter à l'eau.
« Alors... Que comptes-tu faire pour ta journée d'anniversaire ? Tu fais quoi habituellement ? »
Je me racle un peu la gorge en rougissant, repensant à ma propre fête d'anniversaire qu'il m'a fait et à cette journée que j'avais passé avec lui.
« Enfin... Je suppose que tu vas garder la boutique fermée, mais je peux m'en occuper si tu as plutôt envie de profiter de ta journée tranquillement et en solitaire. Tu n'es pas obligé de m'avoir dans les pattes si tu n'en as pas envie... »
J'ai parfois l'impression d'être une gêne pour lui et qu'il vivrait bien mieux sans moi, qu'il pourrait préférer retourner à sa vie de solitaire. Je lui offre tout de même un petit sourire alors que je m'attends à ce qu'il me demande de travailler pour pouvoir profiter de sa journée.
Finalement, alors que tu avais enfin fini ton pain, la demoiselle arriva, déposant deux assiettes d’omelette au riz… Ou du riz à l’omelette… Tu sais pas exactement l’appellation, tu n’avais jamais vu un plat comme cela avant. Elle te souhaita bon appétit et joyeux anniversaire avant de sauter sur son plat. Tu fais un petit signe de la tête et te sers aussi. Le lard était un peu froid par ta faute, pas question de laisser refroidir le plat principal de Sia maintenant. À peine à la première bouchée, une seule pensée te traversait l’esprit… Tu devais demander la recette à Sia ! C’était un vrai délice. De plus, tu pouvais sentir que Sia avait mis des épices en plus qui rajoutait une touche particulière au plat que tu appréciais fortement.
- « Mhm ? »La bouche pleine, tu lâches un petit bruit alors que Sia te demandant ce que tu fais habituellement pour ton anniversaire… Tu mâches ce qui reste dans ta bouche, y réfléchissant doucement. Qu’est-ce que tu faisais habituellement pour ton anniversaire ? Un repas plus onéreux le soir… Un tour à la tombe de ton père… Rien de bien particulier honnêtement. Tu cherchais comment bien formuler ta réponse, te préparant à dire que tu ne faisais strictement rien de particulier à ton anniversaire. Vivre seul n’aidait pas vraiment à fêter ce genre d’événement… Enfin, tu te souviens bien que tu jouais un peu aux cartes avec ton père le jour de ton anniversaire et que tu l’aidais à forger pour la journée ou que vous alliez parfois à la forteresse achetée des trucs à manger…
Sia reprit avant que tu ne puisses répondre, essayant de deviner ce que tu allais faire de la journée.
Disant même qu’elle pouvait se faire petite et te laisser tranquille sur le reste de la journée. Tu réponds alors sans vraiment réfléchir à cela, un peu piquer par ce qu’elle venait de dire. « Sia, on arrive enfin à discuter à nouveau ensemble et tu penses vraiment que je voudrais passer un anniversaire seul maintenant ? Certes, c’est plus épuisant, mais passer une journée avec toi est bien plus amusant. Et c’est tout ce que je pourrais souhaiter de fêter mon anniversaire avec toi Sia. »Tu te remets un peu plus droit réfléchissant à ce que vous pourriez faire cette journée.
Tes yeux se baladèrent à travers la pièce cherchant une idée, une astuce, quelque chose à faire durant ton anniversaire. Tu n’as jamais par avant fêter ton anniversaire avec quelqu’un d’autre que ton père… Et comme tu venais de le dire à Sia, s’éloigner d’elle durant l’anniversaire casserait un peu le but de votre réconciliation. Tu repensas à l’anniversaire de Sia ce qui te fit rougir à nouveau légèrement. Boire autant était aussi une mauvaise idée… Tu croisas les bras fixant alors Sia. « J’ai absolument aucune idée de quoi faire pour le coup… Je faisais pas grand-chose à mon anniversaire avant, donc je n’ai vraiment aucune idée de quoi faire maintenant… T’as le temps pour aller à la forteresse aujourd’hui ? Je pense que le marché pourrait être ouvert et on devrait trouver de quoi faire là-bas pour la journée sauf si tu as prévu quelque chose évidemment. »
Je hoche juste de la tête et me concentre sur mon assiette sans rien dire. Je le laisse réfléchir à ce qu'il veut faire de cette journée et récupère un morceau de pain que je trempe dans mon bouillon. Je croque le pain humide et le mâche lentement jusqu'à ce que le rouquin finisse par reprendre la parole. La forteresse ? L'idée est sympa. Nous n'y sommes pas allés ensemble depuis un moment. Puis, en réfléchissant, je me fige légèrement. J'ai travaillé toute une semaine à la forteresse. Certes, j'ai surtout travaillé pour lui faire son cadeau, mais j'ai tout de même réfléchit à l'idée de le quitter et ne plus revenir ici. Qu'est-ce qui m'a poussé à revenir ? La peur de le décevoir ? Ma propre fierté ? Peut-être un peu des deux.
« La forteresse, ça serait sympa... Et cette fois, je ferais attention à ne pas te perdre. »
Je souris légèrement en repensant à la première fois où nous y sommes allés ensemble. Cette histoire commence à dater, mais je me souviens encore du froid qui c'était installé entre nous après cette journée. Depuis ce jour, notre relation a toujours été compliqué, évoluant en dents de scie. Nous nous rapprochons, commençons à nous accorder et bien nous entendre, et puis une indélicatesse de l'un de nous revient mettre un froid qu'il est de plus en plus difficile de chasser. Je ne comprends même pas pourquoi on continue d'agir ainsi, nous devrions certainement arrêter d'essayer de bien nous entendre. Pourtant... Pourtant j'ai envie que nous puissions avoir une relation amicale normale. Est-ce trop demandé ?
Je finis mon assiette et mon bouillon puis me redresse. Le reste du repas est assez silencieux et comme souvent, je termine ma part avant Lyle. Je récupère mon assiette et mes couverts et me relève pour les emmener à la cuisine pour faire la vaisselle juste après. Je me dis que tant que le forgeron est encore à table, c'est le bon moment pour lui offrir son cadeau. J'ai passé beaucoup de temps à le confectionner après tout. Je soupire et récupère alors le coffret que j'ai caché plus tôt et reviens vers la table. Je pose alors la boite devant Lyle sans plus de cérémonie.
« Joyeux anniversaire Lyle... Je t'ai préparé un cadeau. J'espère que ça te plaira. »
Je suis un peu stressée à l'idée qu'il ouvre le coffret, mais mon regard brille tout de même d'une certaine impatience. Ce cadeau, j'y ai pensé pour lui montrer que je veux être son amie et le traiter comme tel. Mais il est aussi là comme cadeau d'une apprentie à son maître, pour lui montrer son évolution et qu'il puisse avoir une certaine fierté de ce qu'il m'a appris. Le coffret est assez simple, en bois avec un loquet métallique qui le referme sans le verrouiller. Aucune fioriture particulière, il est là pour protéger uniquement ce qu'il contient.
En ouvrant la boite, il pourra trouver un tissu replié délicatement pour cacher et protéger le véritable cadeau. En le dépliant, un ensemble de trois couteaux de cuisine pourra être révélé. Chacun d'une taille différente pour des usages bien différents. Un petit couteau d'office pour l'épluchage et le travail plutôt précis, un couteau à lame longue pour travailler plutôt la viande et un couteau à lame haute pour l'éminçage. Ce cadeau, c'est à la fois pour qu'il puisse mieux profiter de son plaisir de la cuisine, mais aussi pour lui faire quelque chose de mes propres mains, lui montrer de quoi je suis devenue capable avec son entrainement. J'ai fusionné les savoirs de mon père pour adapter les lames et manches à la carrure et façon de tenir le couteau de mon maître, mais aussi ses savoirs pour créer des lames à la fois magnifiques et s'approchant de la perfection.
Je n'ai pas l'habitude de travailler sur des formats si petits, il m'a fallu de nombreux essais et échecs pour arriver à ce résultat. Mais je peux le dire fièrement, ces couteaux sont mes meilleures créations depuis que j'ai commencé à suivre l'entrainement de Lyle. Il s'agit du résultat des meilleurs enseignements des deux maîtres que j'ai eus. J'ai même pris la peine de faire les manches moi-même pour être sûre que les tenir sera parfaitement naturel pour lui et qu'il ne ressente aucune gêne en les utilisant. J'ai utilisé un bois sombre pour cela, mais je l'ai poli jusqu'à ce qu'il devienne doux et agréable au toucher tout en faisant attention qu'il ne glisse pas trop facilement entre les doigts. Mon sceau a été apposé à la base de chacun des manches. Je me gratte un peu la joue en le regardant, légèrement gênée.
« Je me suis dit qu'une apprentie doit offrir le meilleur de son travail pour faire le plus beau des cadeaux à son maître... »
Le repas alors passa rapidement. Elle te parla de la forteresse et tu lui donnas l’idée de faire une balade là-bas pour passer la journée. Tu n’avais absolument rien de prévu pour aujourd’hui, alors pourquoi pas ! Elle te lança alors juste qu’elle fera attention à ne pas te perdre. Tu souris légèrement à sa réflexion, prenant cela bonne une petite plaisanterie, mais rapidement, tu retombes pied à terre… Peut-être essayer de blaguer aussi dessus ? Mais quoi comme blague ? Te faire passer pour un enfant qui se perd ? Non… La seule chose qui te venait à l’esprit n’était même pas une blague, ce n’était qu’une sincère réponse au premier de degré sans humour. « Boh, si tu me perds, tu pourras toujours me retrouver ici. Je serais jamais vraiment loin. »
Ouuahh… 10/10 l’humour de vieux… Ouais, même si c’était ton anniversaire, le monde n’allait pas te donner soudainement le talent de parfaitement faire des bonnes blagues au bon moment pour amuser la galerie. Tu étais juste plus vieux, rien ne changeait au fond.
Tu finis ton assiette et laisses Sia ranger la table alors que tu essayais encore de réfléchir d’où venait le reste de malaise entre elle et toi. Elle s’approcha alors pour déposer une boite devant toi, en te souhaitant bon anniversaire… Ah oui ! Un cadeau ! Tu… Pour le coup, tu t’attendais à un cadeau, connaissant le caractère de Sia, mais tu étais étonné qu’elle puisse penser à te faire un cadeau alors qu’il y a moins de trois heures, il y avait encore une toundra entre vous deux.« Oh merci… Je… J’avoue que ça me perturbe un peu. C’est la première fois que je reçois un cadeau qui ne vient pas de mon père. »
Rougissant légèrement, tu ouvris la boite face à toi, te demandant ce qui pouvait t’attendre. Un marteau ? Nan, des outils ? Peut-être. Tu retiras le tissu qui te bloquait la vue, pensant même une seconde que le tissu serait ton cadeau et qu’elle t’avait offert une cape… Mais sous le tissu, replier, se trouve trois lames resplendissantes. Trois lames faites pour des travaux respectifs. Un couteau pour éplucher, un couteau à viande et enfin un couteau pour l’éminçage. Tu pris d’abord le plus petit des trois, et ton visage changea.
Tes traits devenaient soudainement plus sérieux, comme si le maître avait pris la place de Lyle pour étudier chacune des lames. Tu observais le fil tranchant, l’équilibre, la poignée. Tu jugeais chacune des parties de la lame, observant cela comme un travail accomplie, donnant à l’objet le respect d’un forgeron à un autre. Tu pourrais critiquer des choses, tu voyais les erreurs, tu voyais les fautes… Mais celles-ci étaient si minimes qu’on pourrait les ignorer. Tu passas en revue chacune des lames, observant le moindre détail, mais aussi la moindre réussite. Tu cherchais toujours la moindre faute à un travail, car celui-ci pouvait toujours être amélioré, mais… En observant les lames qui t’avaient été offert, tu ne pouvais qu’afficher un léger sourire. Tu pouvais sentir l’effort, la passion, la flamme de Sia à travers l’acier. Sia t’explique qu’une apprentie se devait d’offrir son plus beau travail à son maître pour faire le plus beau des cadeaux. De nombreux souvenirs revenaient à toi, celui de toi et ton père.
Tu déposes alors les lames dans leur boite, souriant doucement. « Je suis à la fois ravi et déçu… Ravi de te voir autant progresser… Et vraiment déçu de ne pas t’avoir vu les forger. Je ne pense pas que ça soit le plus beau cadeau que tu puisses m’offrir… Tu m’en as offert un autre pour le coup Sia. »Tu te relevas, te frottant les mains et sans la moindre hésitation, tu la pris dans tes bras pour la serrer contre toi. C’était soudain, et tu faisais cela seulement, car ton père avait eu la même réaction avec toi. Tu te reculas pour prendre ses épaules en souriant, et la fixant droit dans les yeux. « Je suis fier des efforts que tu as faits. Et le simple fait que tu as fait tant de progrès est le plus grand de tous les cadeaux. Maintenant, j’en suis certain. Si tu continues sur cette voie, tu deviendras une bien meilleure forgeronne que moi. »Tu souffrais… Tu avais horriblement, mal de dire cela au point où tu sentais ton cœur se serrer de douleur, joie, fierté, tristesse et tu avais même une larme au bord des yeux. Sia était une personne qui avait du talent et qui progressait bien plus vite que toi. En comparaison, à côté d’elle, ta force venait de ton immense entraînement… Mais tu en étais certain maintenant… Tu venais de former la personne qui allait te battre dans ta plus grande passion… Et tu ne pouvais pas rêver d’une meilleure apprentie.
Ignorant ton état, tu toussas légèrement en relâchant Sia pour te tourner vers le petit coffre.« Y a encore des progrès à faire. Mais sincèrement, juste avec cela, tu serais capable de faire une forge à la capitale et te faire un nom de toi-même. »
Finalement, il parle. Il est ravi et... déçu ? Mon cœur se serre un instant. Je savais que c'était une mauvaise idée, je n'ai pas encore le niveau et il constate juste la médiocrité de son apprentie. Je baisse légèrement la tête en l'écoutant parler, m'attendant déjà à des remontrances. Il dit être ravi de mes progrès, mais dans ma tête j'entends déjà la suite de sa phrase où il dit être déçu de voir que je n'ai pas assez progressé ou de voir que je fais encore tant d'erreurs. Pourtant, la suite que j'entends est bien différente. C'est avec un peu d'étonnement que je me redresse pour le regarder, clignant de l'œil sans trop comprendre ce qu'il vient de dire.
Un autre cadeau ? Sans savoir ce qu'il se passe, je me retrouve dans les bras de Lyle, sa chaleur venant m'envelopper alors que je suis rigide comme si je ne savais pas quoi faire. Je me sens rougir alors qu'il finit par se reculer pour me regarder, reprenant la parole. Il est fier de moi ? Je ne peux retenir un éclat d'émotion dans mon regard, me forçant à rester neutre pour ne pas fondre en larmes et l'écouter jusqu'au bout. Il pense que je peux devenir une meilleure forgeronne que lui. Ses mots me touchent au plus profond de mon cœur, et j'ai l'impression de fondre sur place pendant un instant. Il finit par se détourner et fait une dernière remarque. Je ne peux m'empêcher de sourire. Je savais qu'il aurait quelque chose à redire, il a *toujours* quelque chose à redire. Même sur son travail. Je reprends un peu contenance et entreprends de récupérer ce qu'il reste de vaisselle sur la table tout en lui répondant en essayant de ne pas trahir ce qu'il me reste d'émotions.
« Qu'importe, je ne veux pas ouvrir de forge à la capitale. Ce n'est pas mon but. »
Je me relève et part vers la cuisine sans un mot de plus, profitant que Lyle ne me voit plus pour me relâcher un peu. J'ai l'impression que toute la tension qui m'envahissait part d'un coup. Je pose la vaisselle dans l'évier et vient éclabousser mon visage avec un peu d'eau fraiche. J'ai l'impression que tout mon visage est en feu. Je ne m'attendais vraiment pas à ce qu'il me complimente ainsi, j'ai toujours l'impression d'être loin derrière lui, que la distance nous séparant est immense et que jamais je ne pourrais le rattraper. Pour la première fois, j'ai l'impression que cette distance réduis et que j'ai réussi à faire un pas vers lui.
Je ne peux m'empêcher d'être envahie par un immense sentiment de joie, un certain bonheur et surtout j'ai l'impression que des ailes me poussent dans le dos. Tout ce froid et cette distance de ces derniers jours me parait dérisoire. Pourquoi nous sommes-nous pris la tête déjà ? Je ne sais même plus pourquoi je lui en voulais et j'ai l'impression que ça n'a plus d'importance. Je ne nettoie même pas la vaisselle et vient retrouver mon maître dès que je suis plus calme. Je lui souris et m'installe à côté de lui, essayant de masquer tant bien que mal que je suis très enthousiaste à l'idée que mon cadeau lui plait. J'essaye d'avoir l'air mature alors qu'intérieurement je suis comme une enfant à qui on vient de faire un immense cadeau.
Je m'approche de lui et l'observe alors qu'il continue d'inspecter mon travail. À son expression, je devine qu'il a déjà repéré les défauts de mon ouvrage et qu'il réfléchit à la manière de me les faire corriger, les exercices à me faire faire pour que j'ajuste mon niveau pour ensuite progresser à nouveau. Je ne peux me retenir en le voyant ainsi les manipuler, et je viens placer ma main sur la sienne pour lui montrer comment tenir les couteaux.
« Je me suis renseignée auprès d'un chef cuisinier avant de te faire ces couteaux. Apparemment il faut les tenir comme ça pour ne pas risquer de se couper et pour qu'il soit plus simple de manipuler les aliments. »
Je me rends compte de cette soudaine proximité, mon cœur ratant un battement et l'impression que mon visage va brûler revenant. Je me racle la gorge pour essayer de chasser ce sentiment.
« Est-ce que la prise en main est confortable ? J'ai essayé d'utiliser les techniques de mon père pour ajuster leur maintien à tes mains et à tes mouvements... C'est assez difficile à faire juste en observant, mais je voulais te faire la surprise. »
Et jamais je n'aurais osé toucher les mains de Lyle pour les inspecter comme le fait mon père. Pour n'importe quel client, cela ne me dérangerait pas, j'ai appris à me forcer à être plus tactile pour le travail. Pour lui, c'est différent... C'est mon maître, et j'ai le sentiment qu'il veut mettre une ligne à ne pas dépasser, alors j'essaye de la respecter.
Tu relâchas ton étreinte sur Sia pour lui dire clairement qu’elle pouvait faire déjà carrière à la capitale si elle le voulait. Mais elle te lança simplement qu’elle ne veut pas ouvrir de forge à la capitale… Que ce n’était pas son but… Mais c’était quoi exactement son but ? Tu te tournas un peu vers elle, la voyant repartir vers la cuisine. Tu te rassieds frottant tes mains sur ton visage et reprenant ton calme. Tu étais un peu trop joyeux sur le moment. C’était bien de félicité ton apprentie, mais ça ne devait pas devenir une habitude… Nan, ce n'était pas grave. Justement, il fallait parfois la féliciter de son travail, chose que tu ne faisais pas souvent… Ou plutôt pas du tout.
Durant tout ton entraînement avec ton père, tu savais parfaitement pour progresser, il ne fallait pas se concentrer sur le nombre de choses que tu savais faire, mais le nombre chose que tu ne pouvais pas réaliser. C’était avec une mentalité comme ça qu’on pouvait voir toujours ce qui était à améliorer et à ne jamais tomber dans un blocage ou dans de l’excès de confiance. C’est pour cette raison que tu faisais toujours une remarque négative sur chacune des lames de Sia… Et pour une fois, tu t’étais retenu d'en faire des mauvaises.
Les trois lames dans la boite étaient de très bonne lame, et clairement les meilleurs que Sia a pu faire depuis qu’elle est arrivée ici… Tu pouvais essayer de lui dire ses fautes… Mais si elle a mis tant d’effort dedans, elle devrait les savoirs d’elle-même. Lorsqu’on met toute son âme dans un travail, on finit toujours par avoir un goût amer dans la gorge une fois le travail réalisé. On ne peut jamais satisfaire ses propres attentes et objectifs. Même si la lame est la meilleure qu’on pouvait faire, on se rend toujours compte qu’on aurait pu faire mieux… Et ce goût amer prouve alors une seule chose, qu’on a progressé.
Tu n’étais pas Sia, mais tu le devinais, elle avait mis son âme dans les trois lames et savaient parfaitement qu’elles auraient pu être meilleures… C’est pour cela que tu ne pouvais pas te permettre de la rabaisser. Elle avait déjà pris une leçon en forgeant, donc tu devais juste la rassurer que cette souffrance avait donné un résultat.
Tu ouvris la boite à nouveau, prenant une des lames et l’observant. Tu formais déjà des critiques à gauche et à droite, cherchant chaque moyen d’améliorer la lame, mais tu ne pouvais pas t’empêcher d’avoir un sourire en coin de lèvre… Imaginant déjà les magnifiques lames que Sia finirait par faire. Celle-ci finit par revenir, se posant à côté de toi sans rien dire. Elle t’observait… Elle attendait une leçon ? Tu te faisais déjà mal à ne rien lui dire, tu ne voulais pas en plus qu’elle attend sagement de se prendre des réflexions de ta part.
Finalement, elle se rapprocha pour venir prendre ta main, tu sursautes légèrement sur l’instant, mais la laisses faire alors que sa douce main délicate vient placer ta main sur le côté comme tu devrais le faire en les utilisant… Tu ne t’en étais pas rendu compte, mais… Pour une forgeronne, ses mains étaient incroyablement douces… Tu te mis à doucement rougir alors que tu essayais de te concentrer sur ce qu’elle disait.
Elle te demanda alors doucement si la prise en main était confortable, elle avait fait des efforts dessus. Elle t’avait observé et pour garder la surprise elle ne pouvait pas venir vérifier tes mains pour avoir les bonnes mesures. Tu ne répondis pas encore, observant plus attentivement les poignées des lames.
Effectivement, même si la poignée était facile à prendre en main, tu pouvais voir qu’elle n’était clairement pas fait sur-mesure selon tes standards à toi… Mais pour une fille qui devait faire de son mieux et sans pouvoir venir tester directement sur la personne… « Je vois le problème. Il est vrai que je prends aussi les mesures des mains des clients lorsque je dois faire une lame courte… Il faudra que je te donne des cours d’anatomie lorsque que tu devrais faire une lame sur-mesure et l’équilibrer par rapport à la personne, mais on fera cela plus tard. » Tu te tournas alors vers elle pour lui tendre la main. « Montre-moi comment tu fais pour prendre des mesures. Tu commences à maîtriser l’art de la forge, mais maintenant, tu vas devoir apprendre chacun des autres particularités de celle-ci. Un couturier comme un forgeron doit savoir prendre les mesures d’un corps pour savoir comment adapter son produit à celui-ci. À la différence qu’un forgeron doit savoir bien plus de choses que simplement la mesure du corps… Ou on devrait peut-être se préparer pour aller à la forteresse… » Tu réfléchissais un petit moment ne sachant pas vraiment si c’était le bon moment pour une leçon.
Je commence à doucement caresser sa paume du bout de mes doigts, laissant ma mémoire s'imprégner de la forme de ses muscles et de la taille de ses phalanges. Je ne compte pas prendre des mesures complètes, mais déjà j'enregistre ces différentes informations. J'aurais aimé pouvoir le faire plus tôt, adapter mes cadeaux et éviter de les refaire. Je viens placer une de mes paumes sur la sienne, puis lui sourit en le regardant dans les yeux.
« Même si j'ai déjà reçu ces cours avec mon père et que j'ai beaucoup travaillé cet aspect, c'est avec plaisir que je veux bien que tu me donnes ta version. Mais le cours devra attendre demain ! Aujourd'hui, c'est ton anniversaire, alors pas de forge ou de cours. Tu n'es pas mon maître, mais juste Lyle, un forgeron qui fête son anniversaire. »
Mon sourire se fait plus large en le regardant. Je me rends alors compte que je n'ai toujours pas lâché sa main. Par réflexe, j'ai envie de le lâcher, mais la garde quelques secondes de plus, reprenant la parole.
« D'ailleurs, j'ai encore quelque chose pour toi. »
Cette fois, je le relâche et me lève pour me diriger à nouveau vers la cuisine. Je m'absente un court instant pour revenir avec une assiette où est posé plusieurs petits desserts. Je reviens me mettre à côté du forgeron et pose l'assiette en face de lui.
« Chez moi, pour un anniversaire on fait un gâteau avec des bougies pour compter le nombre d'années... Mais je sais que tu n'es pas très dessert, et je suis vraiment nulle en pâtisserie. Donc j'ai préféré faire un truc facile. »
Devant lui, plusieurs petits gâteaux qui sont en réalité des sortes de pancakes que j'ai collé entre eux avec de la confiture. Je viens tourner l'assiette pour lui présenter les deux sortes que j'ai préparées.
« C'est un dessert que j'ai vu en me promenant. Ceux-là sont à la pâte de haricots sucrée... et ceux-là, j'ai essayé de faire une pâte moins sucrée et légèrement salée, mais je ne sais pas si c'est bon... »
Je viens récupérer un des gâteaux et croque dedans sans attendre, savourant le mélange de la pâte de haricots et le moelleux des pancakes. Une recette plutôt facile, mais vraiment bonne. Si elle plaît à Lyle, je pourrais en refaire.
« Et après cela on se prépare pour aller à la forteresse ? Tu as envie de faire quoi d'ailleurs ? C'est ton anniversaire, alors tu décides ! Tu me dis ce dont tu as envie, et je te suis. »
Je lui souris à nouveau avant de prendre une nouvelle bouchée de mon gâteau.
Elle te dit qu’elle avait encore quelque chose pour toi avant de partir vers la cuisine et… Revenir avec des desserts. Des sortes de pancake monté tenant avec de la confiture… Tu serras un peu les temps sur le coup. Tu n’étais pas trop fan de tout ce qui était sucré. Tu étais certain de lui avoir dit pourtant avant… Bon, tu pouvais bien te forcer un peu et manger. Elle avait fait des efforts, et tu avais passé l’âge de refuser ta nourriture. « Nulle ou pas, je vais pas refuser cela. Et puis c’est comme la forge, on grandit en ratant. »
Elle t’en présente un sucré, et un autre un peu plus salé… Tu relèves légèrement les sourcils essayant donc ce fameux pancake salée… Et contrairement à tes attentes, ce n’était pas juste légèrement bon, c’était très bon. Tu sais pas si ça pourrait être meilleur, mais tu pourrais bien te faire plus souvent des gâteaux salés… Attends, c’est comme des biscuits salés… C’est pas nouveau, alors pourquoi, c’était comme découvrir une nouvelle douceur ? Car Sia l’avait préparé ? Ou elle avait rajouté un truc en plus ?
Tu commences donc à tranquillement à dévorer ce pancake, écoutant ce qu’elle avait à te raconter. Tu l’écoutas, continuant de manger le gâteau sans toucher celui qui était sucré. Oui, elle avait raison, tu avais proposé de partir à la forteresse, mais que faire ? Tu n'en savais rien. « Euuuh… Je sais pas. J’ai dit ça car… Ben, ça semble être un truc à faire. Mais je vais jamais à la forteresse sans une bonne raison logique et un but… Y aller pour passer mon anniversaire, c’est… Nouveau, très clairement. Alors passer un bon moment là-bas… Pff, à ce stade, je proposerais juste d’aller prendre un bain aux sources chaude puis dormir le reste de la journée pour pas travailler… » Tu plantas en arrière sur ta chaise croisant les bras et haussant les épaules. « Oui, je sais, je sais. Je sais faire que travailler et rien d’autre… Désolé de pas avoir la moindre autre passion ou de ne rien faire d’autres de ma vie. La forge, c’est ma vie. J’ai jamais appris à vivre autrement. » Une vérité que tu donnas vite à Sia, mais qui portait autant de vérité que de douleur. Ta vie était vide et peu passionnante, c’était le cas et ça ne pouvait pas vraiment être changé si facilement. Tu avais l'habitude de vivre une vie pareil.
« Si c'est nouveau, je peux te proposer des idées. »
Je prends un nouveau gâteau sucré, souriant en voyant qu'il n'a même pas essayé de toucher l'un d'entre eux. Je continue alors en me concentrant sur mon gâteau, ne regardant pas un instant le forgeron.
« On peut simplement faire les boutiques et se promener dans les rues de la forteresse en flanant. Il y a aussi de plutôt bons restaurants, tavernes et autres auberges là-bas, on pourrait voir pour manger là-bas ce soir... »
Je réfléchis un instant en prenant une bouchée, continuant dès que ma bouche est vide.
« Tiens d'ailleurs, il y a aussi des sources chaudes à la forteresse, avec des bains publics. C'est un truc que j'ai jamais essayé là-bas. Il y a même un complexe pour y séjourner et faire des sortes de cures pour le bien-être. Apparemment l'eau y aurait des propriétés spéciales. D'ailleurs, je crois avoir entendu une rumeur d'une auberge avec des sources chaudes privées et des services haut de gamme de ce genre. Le genre assez cher et chic, mais où on n'a pas grand-chose à faire à part se baigner, manger et se reposer. »
Pendant un instant, j'imagine Lyle avec un petit bonnet de bain et cette image me fait étirer un sourire. Je finis mon gâteau d'un dernier coup de crocs et reprends la parole.
« Après tu as sûrement raison, on peut aussi rester ici et juste se reposer. C'est ton anniversaire, tu choisis ce que tu préfères ! »
Je me tourne vers lui avec un sourire, finissant par lever un doigt entre nous, prenant un air faussement autoritaire, un petit sourire en coin sur les lèvres.
« Mais pas de forge. C'est ton anniversaire, on fait ce que tu veux tant que tu ne travailles pas. Prends ça comme un jour de congé un peu spécial. »
Je récupère alors le reste de gâteaux et l'emmène pour qu'on puisse le finir plus tard.
« Je pourrais aussi t'apprendre la recette de ces pancakes fourrés. Il reste des ingrédients pour en faire ! »