Ses yeux améthystes parcouraient le rapport tout en écoutant ce que Rivolti avait à dire. Bien entendu, il n’allait pas se ranger du côté du soldat Sprat. Il avait été suspendu d’ailleurs, plutôt une décision normale. Elle hocha la tête. La consultante avait oublié de ramener des exemplaires des journaux pour comparer, même si là encore, rien ne disait que ces papiers racontaient la vérité. Ça aurait toujours pu être un exercice intéressant. Le souci là encore était que les gens pouvaient le croire juste parce-que c’était écrit, sans qu’on ne sache vraiment de quelle source le journaliste s’est basé pour raconter ce genre de choses. Parce-que le beauf vindicatif anti-royaume du bar du coin, ce n’était pas vraiment une source fiable.
« A la limite, tant que des actions sont prises - en l’occurence une mise à pied ici - il est possible d’aller parler à la presse. Sans forcément répondre à toutes leurs questions à la con après avoir parlé, ça montre bien que le responsable est au moins hors d’état de nuire le temps de l’enquête. Et puis, c’est toujours possible de parler de prévoir des audits ou des inspections ou encore des enquêtes approfondies sur ce genre de choses, si ça fait plaisir. »
Elle tourna une page, daignant enfin relever les yeux du rapport vers le lieutenant, puisqu’elle avait toujours été occupée à la lecture de la chose.
« Même si c’est faux. Pas comme si les gens allaient encore vérifier que ce genre d’opérations internes avaient bien lieu un mois après les faits. Ils auront oubliés d’ici là, pour la plupart. »
Encore un avis qui risquait de ne pas plaire à Valentino, mais la communication, c’était avant tout du mensonge. Ou du moins savoir déformer les termes à son avantage pour pouvoir se défendre ensuite de ne pas avoir menti. Un peu hypocrite, un peu sale, mais nécessaire dans certains cas. Cela restait un joker à utiliser avec parcimonie.
« Et puis, ça aurait été vrai en plus. Une semaine après, me voici. Même si ce n’était pas vraiment lié à cette affaire et était déjà prévu avant du côté de la Commission. »
Elle haussa les épaules, se replongeant ensuite dans sa lecture. Ca allait prendre du temps, assurément, il y avait pas mal de choses à dire sur cette affaire. Elle passa certaines parties qui étaient assez inintéressantes, prenant quelques notes de son côté pendant ce temps. Il avait l’air bien réglementaire, après tout.
« En attendant, vous pouvez m’apporter un autre rapport d’une affaire non médiatisée, mais difficile également? Et un autre au hasard, disons, celui-là, là-bas. »
Elle avait demandé en désignant un rapport de l’étagère tout à faire au hasard, histoire d’essayer de rester le plus objective possible. Même si l’affaire était chiante et le rapport aussi, elle n’était pas là pour juger de sa capacité de divertissement, mais d’à quel point il était bien fait. Ou mal fait, ça dépendait. Plus que ça à voir, et elle pourrait enfin aller se boire un verre. Sûrement qu’elle ne passera pas tout le reste de sa journée dans la paperasse. Certainement pas, même.
J'dis cependant rien à ce niveau. Inutile, j'pense que l'inspectrice comme moi avons bien comprit quels sont les sujets entre nous qui provoquent des différences d'opinions entre nous. Plutôt que de perdre du temps avec cela, autant faire en sorte de répondre à ses attentes et lui prouver que malgré tout, le boulot est fait et bien fait ici! Elle me demande d'autres rapports : pour le premier, rien de difficile puisqu'elle le désigne elle-même : le rapport qui se trouve non loin, sur une étagère. Une affaire on ne peut plus simple : un cambriolage dans l'une des boutiques du grand port, on a arrêté le coupable alors qu'il tentait de revendre son butin donc on l'a facilement eu. Pour le dossier compliqué par contre, j'ai exactement ce qu'il nous faut! Je prends donc un autre rapport dans l'étagère et je reviens vers l'inspectrice en déposant les documents devant elle. Deux rapports bien distincts, celui du cambriolage et un autre, me tenant particulièrement à coeur.
"Le rapport que vous vouliez voir, rien de bien croustillant : une affaire classée de vol dans une des boutiques de la ville. Pour la seconde, c'est un peu plus particulier : une enquête difficile comme vous le vouliez : un trafic d'enfants pour leurs pouvoirs dans un orphelinat auquel subvenait la reine elle-même avant de se rendre compte du problème..." Dis-je en poussant un peu plus le dossier vers elle et en regardant la jeune femme avec un léger sourire en coin, presque orgueilleux en réalité. "Vous trouverez le rapport du soldat Khalie Drak'gnir ainsi que le miens, nous étions en effet les deux membres de la garde sur l'affaire comme vous le savez sans doute déjà. Tout est parfaitement détaillé dans un langage plus ou moins fleurit dépendant de la partie que vous lisez..." Dis-je en riant doucement.
Ses yeux parcouraient les affaires, celle qu’elle avait désigné semblaient s’être plutôt bien passé, surtout grâce à un voleur qui était mal renseigné sur ses revendeurs. Même si cela aurait pu être mieux géré, puisque quelques pièces semblaient tout de même avoir disparues dans la nature. Certainement déjà revendues ou refondues, et intraçables. L’autre affaire était également plutôt grave. Mais là encore, la reine ne pouvait pas vraiment le deviner. La question était aussi pourquoi aussi peu de précautions avaient été prises pour cet orphelinat là? N’y a-t-il pas eu d’enquête préalable ou les espions ont mis trop de temps à découvrir l’information et les suspicions?
« J’suppose qu’il va falloir un minimum bosser sur les informateurs et les enquêtes dans ce genre de cas… »
Après tout, c’était aussi le boulot de la garde de prévenir au moins d’une suspicion dans ce genre de cas. Même si la reine avait à coeur de soutenir les orphelins du Royaume, elle ne pouvait pas avoir le nez partout pour autant. Et la garde se devait aussi d’éviter ce genre de scandales publics. Amaryllis, de son côté, prenait des notes, l’air toujours un peu froid et blasé, comme d’habitude. Elle n’avait pas énormément de questions. Elle avait bien quelques remarques mais elle les gardait pour le rapport. Après tout, le langage fleuri n’avait en effet pas vraiment sa place dans ce genre de rapport qui étaient bien mieux lorsqu’ils ne comprenaient pas les avis et opinions de celui qui l’écrivait. Ils étaient bien plus pratiques à lire en restant factuels, aussi horrible la réalité soit-elle. Parce-que c’était tout de même une des pièces maîtresses des procès et des jugements ensuite. Et les cours de justice n’avaient pas besoin du langage fleuri des gardes.
Après quelques temps, Amaryllis finit par se relever, alors que ce besoin d’aller boire un coup se faisait aussi plus fort. Elle pourrait bien profiter du bord de plage aussi, pour une fois, et n’allait pas spécialement s’en priver après ce genre de journée. Elle pourrait bien écrire son rapport demain et le boucler à ce moment là, elle avait déjà largement assez de notes au brouillon comme ça.
« Et bien lieutenant, merci à vous pour ce petit tour de l’endroit. Le rapport au niveau de la commission sera accessible à toute la garde à priori, dans ce cas, je pense. Donc vous pourrez le consulter également. »
Après, les autres papiers en découlant, eux, ne seront pas forcément accessibles à tous, mais ça elle n’avait pas besoin de le dire. Elle pourrait très bien se baser de celui-ci pour des suivants, ou des propositions, ou d’autres choses encore. Elle verrait bien, avec le temps.
Après un petit moment, l'inspectrice referme le dossier et se relève, pas réellement de réactions sur ce qu'elle vient de lire si ce n'est son commentaire. Au moins, elle laisse rien paraître que ce soit en bien ou en mal et c'est pas plus mal d'une certaine manière! J'suppose qu'en réalité, il y a peu de gradés qui soient heureux de la voir débarquer à l'improviste? J'parle de moi et du fait d'être une sorte d'écharde dans le flanc des vieux mais, c'est probable que la belle soit vu comme une espèce de saloperie par d'autres gardes? Après tout, de ce genre d'inspection peut dépendre beaucoup de chose, y comprit la carrière de certains gars. Bien-sûr le rapport sera accessible à tous, faut savoir si les uns et les autres font bien leur devoir et puis, quand ça se passe mal, ça sert aussi d'avertissement : faites gaffe, vous pouvez pas faire ce que vous voulez! Mais pour l'heure, est-ce positif ou négatif? Aucune idée! Je sais qu'elle va pas le dire et j'ai pas l'intention de demander, j'suis pas ce genre de gamin qui va voir son instructeur pour savoir s'il fait bien ou mal, j'agis et je vis avec les conséquences...
J'fous ma clope entre mes lèvres, j'me mets au garde à vous comme un bon petit soldat et je salut la dame avec la tranche de ma main placé à quelques millimètres de mon front. "Merci de votre attention madame! J'attendrai donc le rapport suivant cette inspection, le soldat Miles va vous escorter jusqu'à la sortie si vous n'avez plus besoin de mes services?" Dis-je simplement, professionnel, entendu, c'est pas que mais j'ai encore du boulot... Putain de rapport de merde! Je me demande comment faisait Emeor pour apprécier la paperasse parfois même plus que le terrain...
Quoi qu’il en était, sa phase d’inspection touchait à sa fin, et elle se releva, saluant le capitaine par intérim d’un petit garde à vous rapide de son côté également.
« Non, tout ira bien. Je ne manquerai pas de revenir vers vous ou bien vers le Capitaine Al Rakija si besoin. »
Pour des questions, des demandes, ou quoi que ce soit. Même si elle n’avait pas particulièrement d’autorité sur eux de façon hiérarchique, elle pouvait toujours s’avancer en qualité de conseillère. De tout de façon, son influence était encore assez limitée pour le moment. Il y avait encore du travail à abattre.
Se dirigeant vers la sortie, elle pensait déjà au sens qu’allait prendre son rapport. Clairement l’état du sud n’était pas aussi délabré qu’en laissait état la Commission, du moins aux premiers abords. Mais il y avait un travail disciplinaire sur quelques éléments à effectuer, et un renfort des capacités d’enquête et d’informations à mettre en place. Et peut-être une refonte des différentes divisions navales et leur rapport aux divisions terrestres, également. C’était sûrement ces points là qui allaient être le plus développés. Après tout, elle ne s’attendait pas à voir une inspection parfaite, mais au moins, elle repartait avec moins pire que prévu.