Je sors du repère en jetant des regards par-dessus mon épaule, m’attendant à capter le regard inquisiteur d’un repris de justice, d’un criminel pathologique ou d’un mafieux ventripotent qui saura ce que je suis en train de me faire et qu’il lui suffit de claquer des doigts pour que deux armoires à glace me choppent pour me faire passer l’envie de contrecarrer ma tentative de les dénoncer aux autorités, soustrayant de leurs viles mains des potions qui appartiennent à la royauté. J’en vois, des regards suspects, mais peut-être que ceux-ci sont davantage nourris par les fabuleux gains que j’ai gagné aux jeux d’argent du marché noir. Ah, c’est sûr que je suis talentueux pour les jeux d’argents. On dit souvent que dans le milieu de la mafia, ils ne perdent jamais. Alors, se voir délester de sept cents cinquante cristaux, c’est quelque chose qui ne doit pas arriver souvent. Ou du moins, les vainqueurs ne doivent rarement partir très loin vivant. Autant faire démentir ce futur probable en mettant les bouts. Surtout qu’ils pourraient récupérer les potions sur mon cadavre agonisant et Lucy seul sait ce qu’ils pourraient faire avec ce genre de produits rigoureusement surveillé. Imaginer si des criminels faisaient parler des hauts responsables du gouvernement pour en connaitre des secrets inavouables ? Ce serait une grave attaque à la sécurité du Royaume. Et en tant que citoyen, doublé de conseiller de la Guilde des Aventuriers, triplé de mon anoblissement pour mes services rendus, je me dois d’être irréprochable pour préserver la couronne qui fait tant pour notre peuple.
J’entends des pas dans mon dos. Je commence à accélérer, sortant d’une ruelle malfamé pour entrer dans une rue malfamé. Je tends l’oreille pour capter d’autres pas, autour de moi. Le piège se referme. Diantre, je suis pourchassé par la pègre. Je suis découvert. Brusquement, j’entends un cri derrière moi.
-Arrêtez-vous !
Je fais ce que tout homme sous la menace d’un passage à tabac ferait, je fuis. Je me précipite dans la direction opposée, sourd aux protestations du criminel pour rejoindre le plus vite possible les grandes rues, la lumière et la sécurité de la Garde. Je n’en suis plus très loin quand soudainement, je bute sur le ventre d’un gars jaillissant juste devant moi. Je rebondis au sol avant de lever la tête, inquiet, avant d’identifier l’uniforme de la garde. Sauvé ! Je les mets rapidement au parfum.
-Monsieur l’agent ! Je suis poursuivi par des criminels ! Protégez-moi !
L’autre me jette un regard surpris avant de sonder le fonds des ténèbres derrière moi sans voir personne, alors que j’entends les bruits de pas se rapprocher. J’essaie de me glisser dans son dos pour qu’il fasse barrière de son corps qu’il a durement entrainé pour ce genre de moment héroïque à sauver l’honnête citoyen que je représente, même si je suis noble, mais on a peut-être pas la même couleur, on est quand même le même peuple. Sauf qu’il me choppe par le col et me plaque brutalement contre le mur.
-Holà ! On croit qu’on se fait la malle !
-Mais non, monsieur le garde ! Je vous cherchais en plus.
-Et bien, tu m’as trouvé, espèce de sacripants.
-Tu l’as ?
-Ouai !
Je tourne la tête vers les ténèbres d’où je viens pour voir apparaitre trois hommes en tenue officiel de la garde régulière. J’ai un soupir de soulagement et je leur offre mon sourire le plus chaleureux. Il est bon de se sentir protéger même dans les plus petites ruelles de la ville.
-Vous les avez fait fuir, adjudants. Félicitations !
-Fait fuir qui ?
-Les hommes qui essayaient de m’arrêter.
-C’est nous qui essayons de t’arrêter, imbécile !
Je fais les yeux ronds. Maintenant qu’il le dit, ça voit ressemble à celle de l’homme qui m’a interpellé. Quelle méprise. Mais bon, c’est surement là le geste de Lucy de me guider au plus vite à la garde.
-Pardonnez-moi, je pensais que c’était des hommes du Marché Noir que je viens de quitter. Je vous cherchais justement.
Il me regarde avec un sourire.
-T’as noté, sergent.
-Ouai, chef. Il a avoué.
-Et bien, mon gaillard, t’auras pas mis longtemps à te mettre à table. Tu ne serais pas le jeune conseiller de la Guilde ? Celui qui s’est fait anoblir récemment ?
-Oui, c’est moi. Conseiller Callahan. Whiseyjack.
-Et bien, on s’encanaille à grande vitesse dans la toute nouvelle noblesse.
-C’est pas ce que vous croyez. J’étais certes au marché noir, mais je ne sais pas pourquoi j’y étais. C’est comme si j’étais sorti d’un état second une fois dedans.
-Oui, oui… C’est ça. Garde ta salive. Cette excuse, on me l’a déjà sorti cinq fois.
-Enfin, bref. J’ai des potions de vérité à vous do…
-Il avoue encore chef.
-C’est bien. J’en voudrais plus souvent des criminels dans ce genre-là.
-Peut-être bien, chef, mais on s’amuserait beaucoup moins en interrogatoire.
-Pas devant les civils, sergent.
-Pardon, chef.
-Tenez, elles sont là.
-Hop, confisqué. Détention d’objets illégaux vendus au marché noir. La chute sera aussi rapide que la montée, on dirait. On savait déjà que t’avais récupérer ça, mais c’est gentil de faciliter les choses. Pour un criminel, vous êtes bien sympathique, monsieur Callahan.
-En même temps, je vous cherchais pour vous les rendre. Des objets volés à la couronne, c’est tout de même honteux.
-A qui le dites-vous ? Le crime organisé se croit tout permis.
-Et nos rues ne sont plus si sûres que ça à cause de tout l’argent qui est investi dans leur recel honteux d’objets prohibés.
-Tout à fait.
L’adjudant fait une légère pause avant de se pencher vers moi et d’avoir quelques mots sur le ton de la confidence.
-Vous savez, vous êtes biens sympathique et votre moustache est extrêmement séduisante, mais je dois quand même vous dire que tous vos propos depuis le début peuvent être retenus contre vous. C’est que… vous êtes un peu trop honnête pour un criminel, c’est assez déstabilisant. Ou c’est juste la moustache, je ne sais pas.
-Evidemment que je suis honnête. N’est-ce pas le devoir de tout citoyen que d’aider la Royauté et le Gouvernement ? Ces potions, je les ai soustrais au crime organisé et à aux potentiels acheteurs qui auraient pu commettre des horreurs par leur utilisation. Je suis fier de vous les donner.
-Ah non. On vous les confisque. On aurait l’air de quoi si maintenant, les criminels nous donnent des choses.
-Puisque vous insistez. Tenez.
-Par contre, vous pourriez opposer un peu de résistance ? Ça ne fait pas très confiscation si vous vous laissez faire avec le sourire.
-je veux bien vous rendre service…. Hum… non ! Je ne vous les laisserais pas les prendre !
-Trop tard, vil faquin ! Tu es pris ! Et hop, des biens royaux récupérés des mains sales de la criminalité.
-C’est bon, ça fait confiscation ?
-Oui, merci monsieur Callahan.
-Vous voulez aussi mes gains aux jeux d’argent du Marché Noir ? C’est probablement de l’argent sale.
- Hum… je ne crois pas que j’ai le droit de confisquer ça…
-Ah bon ? Les potions, mais pas les cristaux ?
-Oui, c’est dans le règlement.
-Bizarre.
-On ne fait pas le règlement.
-Moi, je le fais à la guilde, je peux vous dire que c’est sacrément du boulot.
-Je m’en doute.
-Mais, au fait, comment vous avez su que j’étais allé au Marché Noir ?
-Facile, on vous a vu. La garde a des yeux partout.
-Donc, vous m’avez vu au marché noir, mais vous n’avez rien fait pour arrêter le marché noir et mettre la main sur le stock entier de potions de vérité volé à la couronne.
-Bah… C’est que… je crois que ce n’est pas notre juridiction.
-Je crois bien, adjudant. On ne nous a jamais dit d’intervenir en tout cas.
-ça doit être de la responsabilité d’un autre service, peut-être les espions.
-surement, chef, que le marché noir doit être sous surveillance des espions pour ferrer tous les gros poissons.
-Ouai, ça doit être ça. Ça tombe, il y avait plusieurs espions présents dans les clients à côté du petit Callahan. Mais bon, on va éviter d’en causer, je n’ai pas envie d’attirer l’attention du Maitre-Espion et de sa clique d’agents très spéciaux. On va vous emmener au poste.
-D’accord. Ça sera avec joie.
-T’es beaucoup trop sympathique, quand même. Est-ce que tout ça, ça serait pas du mensonge ? Servir la couronne, tout ça. C’est quand même vachement bizarre ton histoire.
-Si vous voulez, je peux boire une potion de vérité que j’ai achetée, vous saurez la vérité.
-Ah non ! C’est confisqué. Qu’est-ce que t’as pas compris dans ce mot ? Confisqué Dé-fi-ni-ti-ve-ment.
-Mais vous voulez savoir que je mens, c’est une bonne solution. J’ai rien à vous caché.
-Ouai mais non. Je préfère douter de la véracité de ta défense plutôt que de toucher aux pièces à conviction. Ça fait partie de notre déontologie.
-J’imagine bien. C’est important de respecter les codes moraux.
-Tout à fait. Bien, on peut aller ? C’est qu’il fait un peu frisquet, j’aimerais bien me rentrer chez moi.
-Moi aussi, j’ai un petit creux en plus. Et demain, il y a du travail.
-J’sais pas si on te libère, faudra voir avec le Ministère de la Justice. T’as pas l’air du genre à fuir le pays. Peut-être une assignation à résidence sous surveillance de la garde, ça pourrait passer, le temps du jugement.
-ça serait gentil de proposer.
-Enfin, on verra. Bref, sergent, les menottes.
-Anti magique ?
-C’est quoi votre pouvoir, monsieur le conseiller ?
-Je me transforme en glooby ?
-Ah oui, je comprends pourquoi vous êtes aventuriers. Pas besoin des anti-magiques alors. Vous ne devez pas être difficile à rattraper.
-Pas trop, même si je glisse facilement entre les doigts.
-Pas trop de détail s’il vous plait.
-ça ne sera pas retenu contre moi, ça ?
-J’en doute. Enfin, je ne connais pas les gouts de la ministre, hein. Et on peut être étonné de tout, à notre époque.
-Pas trop serrer, sergent, ça me fait mal sinon.
-Ouai mais moi j’aime bien ça.
-Sergent, pas trop fort. On ne va quand même pas vilipender un criminel aussi conciliant.
-Ouai… ouai… D’accord chef.
-Je vous laisse entre les mains du sergent, Monsieur Callahan. Et si on ne se revoit pas, j’espère que ça vous servira de leçon.
-Tout à fait adjudant. Je sais qu’on peut toujours compter sur la garde maintenant.
-C’est pas…. Enfin, soit. Et bonjour chez vous.
Deux jours plus tard. 8h. Palais de Justice. Salle d’audience A2-017.
Je suis arrivé tôt. Ça doit bien faire une demi-heure que j’attends sur une chaise peu confortable, à l’entrée de la salle d’audience, tenant entre mes mains ma convocation signée du Ministère de la Justice. Mon cas a vraisemblablement été rapide à traiter par les services concernés et, en même temps, je le comprends. Je n’ai rien à caché et j’ai fourni tous les détails que l’on m’a demandé lors de garde à vue au poste de la garde qui a suivi mon arrestation, même si je ne la vois pas trop comme ça puisque je les cherchais. Au terme des interrogatoires, on m’a autorisé à revenir chez moi à continuer à travailler à la guilde tout en pointant à la caserne de la garde la plus proche toutes les six heures. Un contrôle judiciaire stricte qui doit correspondre à l’importance des mes fonctions.
Rares sont ceux à avoir évoqué ce sujet avec moi. Peut-être que les services du Ministère sont suffisamment consciencieux pour ne pas livrer le moindre citoyen à la vindicte populaire. De toute façon, je n’ai pas souvenir d’avoir entendu de folles rumeurs sur des suspects d’affaires au cours de ma vie ce qui suffit à imaginer que le secret est plutôt bien gardé dans les services de la Justice, même si ceux qui auraient voulu savoir ce qu’il s’est passé doivent être probablement au courant. Ça ne me dérange pas. Je n’ai rien à cacher. Je peux tout expliquer. Enfin, presque tout. Je n’explique pas cette absence dans mes souvenirs qui m’ont conduit à arriver dans ce marché noir. Je sais que je suis plutôt sympathique et que je me mets en confiance mes vis-à-vis, mais de là à me conduire dans l’un de ces repères du crime, c’est tout même plutôt étonnant. C’est peut-être du surmenage. Vous vous doutez bien que le travail de Conseiller est harassant et que je ne suis pas homme à m’accorder du repos si facilement quand il y a tant à faire pour la guilde, ces aventuriers et nos concitoyens.
Ça bouge. Je lève la tête pour voir deux gardes m’encadrés avant l’arrivée de plusieurs personnes aux visages austères malgré les quelques mots cordiaux qu’ils échangent comme le font des collègues de n’importe quel lieu de travail. Une femme d’une quarantaine d’année aux vêtements indiquant de grande responsabilité s’arrête devant moi.
-Monsieur Callahan.
-Lui-même.
-Juge Guigou. Vous pouvez entrer.
-Merci, votre honneur.
On prend place. La Juge Guigou vient s’asseoir en haut de son estrade. Je me mets en face au banc de l’accusé. Je n’ai personne pour me défendre. Ça n’en vaut pas la peine. Constituer une défense à l’aide d’expert en la matière, c’est bon pour chercher à enfumer le juge afin de cacher les vérités et s’en tirer à bon compte. Je n’en veux pas. Je veux que la vérité soit faite. Que ma bonne foi soit connue de tous. Ma réputation ne saurait être entaché par un jugement basé sur des jeux de manches d’avocats. Sur ma droite, le représentant du Ministère qui joue le rôle de l’accusateur. Il s’agit d’un homme plus jeune que moi qui semble prendre à cœur de mettre à son tableau de chasse un conseiller prometteur de la Guilde, sans me vanter, évidemment. Deux gardes derrière moi, prêt à agir au moindre problème. Deux greffiers prennent les notes. C’est public. Il y a quelques personnes derrières. Des curieux. Je ne m’en préoccupe pas. La vérité va éclater de toute façon. Soudain, le maillet s’abat.
-Monsieur Menaux, c’est à vous.
Le représentant du Ministère s’emploie alors à lister les motifs de mon inculpation : Entré au marché noir. Détention d’objets appartenant à la couronne. Et d’autres petites choses liées plus ou moins directement à ces deux motifs. Menaux liste ensuite les peines encourus pour ces crimes avant de me faire jurer sur l’honneur de dire toute la vérité. Sur le Royaume. Ce que je fais sans hésiter. Le tout est assez solennel. C’est impressionnant bien que je n’aurais jamais voulu vivre ça dans le rôle de l’accusé. Ensuite, le représentant du Ministère fait entrer l’adjudant Chesterfield, responsable de mon arrestation. De là, il entreprend de l’interroger méthodiquement sur toutes les actions ayant mené à mon arrestation, ainsi qu’à la façon dont il a obtenu les informations pour m’arrêter. Il met en particulier l’accent sur le délit de fuite, ce que je conteste fortement, motivant mes actes par l’obscurité et que quittant un Marché Noir d’où on est ressorti les poches pleines de l’argent du crime, on ne s’attend pas à se faire interpeller par la garde, mais plutôt par des sbires du milieu criminel peu enclin à laisser autant de cristaux s’échapper. La juge Guigou me laisse argumenter avant de m’inciter à me taire pour que l’interrogatoire de l’adjudant Chesterfield. Celui-ci retranscrit parfaitement ce que j’ai déjà pu vous raconter plus haut, pointant mon comportement assez étrange, dans la mesure où les gens sont rarement aussi cordiales quand ils se font arrêtés. J’hoche la tête en réponse. C’est vraiment un mauvais comportement.
-Tout ceci n’est peut-être qu’une astuce pour endormir votre vigilance. N’oubliez pas qui est cet homme. On le prend au Marché Noir alors que c’est un conseiller de la Guilde des Aventuriers, récemment anobli par la Reine. Il faut être sacrément habile pour avoir dissimuler sa part d’ombre à la Couronne elle-même.
Je conteste, mais ce n’est pas encore le moment de se défendre totalement et la juge Guigou tient à se que les choses se fassent dans le bon sens. Surtout que le Ministère n’a pas grand-chose à proposer ensuite. Un représentant administratif de la garde vient présenter mon casier judiciaire où rien ne m’est reproché. On relève même, qu’au travers de ma gestion des Petits Potes ; qui est un de mes emplois connus, rappelons-le ; j’ai contribué à résoudre des enquêtes de la garde en répondant à leur sollicitation via les connaissances de mon réseau d’information, en vertu d’un lointain accord obtenu avec le Commandant Höls qui est toutefois connu de peu de gens. C’est pour cela que je n’évoque pas le sujet, alors que, en quelque sorte, le soutien du Commandant Höls joue en ma faveur. Le commandant de la garde ne s’acoquine pas avec des criminels, n’est-ce pas ?
Après une heure, donc, c’’est au tour de ma défense. J’ai demandé à la conseillère Ginsburg de témoigner. Elle arrive à dix heures, comme c’était prévu et peut donc répondre aux questions du Ministère de la juge, me dépeignant tel que je suis, tel que vous me connaissez. Elle parle des actions que j’ai entrepris pour nettoyer la Guilde de ces problèmes. Les bandes d’aventuriers transformés en milice privé par des nobles peu scrupuleux. L’élimination d’un réseau de faux et de trafics au sein de la guilde. Tout ça pour le Prince, mais les conséquences ont été géré par le Conseil de la Guilde. Elle me décrit assez honnêtement, je trouve, et les états de services de la Conseillère Ginsburg parle pour elle. Elle parle pendant une demi-heure avec l’habilité qui la caractérise avant de retourner à la guilde non sans m’avoir lancé un regard acéré, celui qui me fait dire qu’elle me fait confiance mais que si jamais elle s’était trompée, la sanction de la Justice ne serait pas ce que je suis censé craindre le plus. Je ne produis pas d’autres témoignages. Ça n’aurait pas de sens. Les gens me connaissent. Je ne vais pas aligner des dizaines et des dizaines de personnalités aussi connues qu’anonymes pour qu’elles parlent de moi. Là n’est pas le sujet. Car à la fin, il y a des faits. Je suis allé au marché noir. J’ai été attrapé. Je clame l’ignorance. C’est ma parole qui est en jeu. Rien ne démontre que c’est la suite logique d’une suite d’action. Ça parait illogique pour le conseiller Callahan. Alors, que fait-on ?
-Votre honneur. Je crois important que par principe de précaution, il convient de sanctionner durement l’accusé. Nous ne pouvons nous permettre de laisser le doute l’emporter.
Le représentant du ministère attaque dur. Je conteste avec véhémence.
-J’ai passé toute ma vie à être un bon citoyen, à aider mon prochain et à contribuer à la grandeur de la Guilde des Aventuriers, véritable pilier du Royaume. Ça ne serait tout de même pas très sympathique que tout ceci s’arrête parce que vous ne voulez pas me croire.
-Si on devait croire tous les criminels, il n’y aurait jamais de coupable, monsieur Callahan.
-Mais je dis la vérité !
-A d’autres !
-Il suffit de me faire boire une potion de vérité et vous saurez !
-Enfin, on ne va pas faire boire une potion de vérité à tous les criminels. On en fait pas des tonneaux non plus.
-Non. On laisse même les criminels en vendre sans rien faire.
-Ces accusations sont outrancières !
-Calmez-vous, monsieur Callahan.
-Pardonnez-moi, votre honneur.
Je me suis un peu emporté. Ça ne m’aide pas, même si c’est tout de même cocasse que ce soit à moi qu’on cherche des problèmes alors qu’a priori, il n’y a rien eu pour contrecarrer le marché noir. Comme si le gouvernement pourchassait les clients des quêtes pour les destructions commises par nos aventuriers. Ça n’a pas de sens. Faut que j’essaie de convaincre la Juge.
-Votre honneur. Je vous le répète. Je ne sais pas pourquoi je me suis retrouvé là. Peut-être même que j’étais sous influence magique. On ne peut pas vraiment dire que ce n’est pas possible, non ? Mais je veux dire la vérité. Je veux la clamer. Et vous en avez un moyen.
-Vos potions de vérité ont été confisqués. Je le rappelle.
-Oui. Mais la Justice doit bien avoir, non ?
-Là n’est pas la question. Et monsieur Menaux a raison. On ne va pas les employer pour n’importe quelle affaire.
-Ah !
-Donc, vous voulez me dépeindre comme un esprit retors et machiavélique qui est parvenu à manipuler tout le monde depuis des années et même la royauté alors que je suis en réalité un criminel sans pitié ?
-Exactement.
-Tellement habile que je me suis laissé prendre si facilement à la sortie du Marché Noir sans penser une seule seconde à dissimuler mon identité.
-Même les plus grands criminels font des erreurs. C’est comme ça qu’on les attrape.
-Quel est mon intérêt de prendre des potions de vérité, de plus, si ce n’est pour les rendre ?
-Des citoyens qui rendent des objets à la couronne, c’est…
-Ce qu’ils devraient faire ?
-Oui, mais ça n’arrive pas souvent. Et puis, ce que vous auriez fiat de ces potions ne m’importent peu. La Justice ne juge pas sur des utilisations hypothétiques. Même si la menace d’extorquer des secrets à la couronne mérite réflexion.
-Ne vous dissipez pas, monsieur Menaux.
-Oui, votre honneur.
-Mais vous ne pouvez pas savoir si ça n’a pas déjà été le cas !
Il y a comme un blanc. Menaux se lève à moitié, fronçant les sourcils avant de poser la question qui s’assemble lentement dans sa tête.
-Etes vous entrain d’insinuer que vous avez déjà interroger un membre de la famille royale sous l’effet d’une potion de vérité ?
Je ne sais pas trop dans quoi je m’embarque, si ce n’est que je veux leur faire comprendre que tout ceci mérite d’être dit sous l’effet magique de la vérité.
-Puisque que c’est ma parole contre la mienne, je peux tout dire. Ça tombe, j’ai extorqué des informations, mais vous ne voulez pas le prouver.
-Ce sont de graves déclarations, monsieur Callahan.
-Je sais, votre honneur. Mais tenez le pour dit. Si vous pensez que ce que j’ai fait, ce n’est pas pour le rendre à la couronne, vous pouvez bien imaginer que j’ai déjà volé des informations au Prince lui-même, que je détiens des informations capitales. Que je suis peut-être l’un des plus grands représentants du crime organisé de la ville, m’acoquinant à l’eco-terroriste Klarion Brando. Que je sais peut-être sa cachette, puisque je suis un si gros criminel, mais que la Justice ne veut pas vérifier si tout cela est juste alors qu’elle a les moyens.
-Votre honneur, je crois que nous avons tous les aveux à notre disposition pour boucler cette affaire.
-Euh… attendez…. Votre honneur.
La juge me fixe un long instant, réfléchissant à mes propos. A laisser le doute quelque part, on peut rapidement créer un monstre de l’ombre reliant pour les plus vils des projets les pires criminels du Royaume à des personnalités importantes du Royaume. Pour quelle raison ? On ne peut pas le savoir. Sauf via une potion de vérité.
-Greffier. Veuillez récupérer une potion. Les menaces sont suffisamment graves pour envisager son utilisation.
-Votre honneur ! Il vous manipule ! C’est exactement ce qu’il veut !
-Et bien, nous allons lui donner. Je ne crois pas qu’un individu capable de se transformer en Glooby soit en mesure d’annuler les pouvoirs de la potion de vérité. Surtout quand l’accusé n’a rien d’autres pour altérer son pouvoir. Et puis, si tout cela se confirme, il vaut savoir la portée du complot qui est à l’œuvre.
-Si vous le dites.
Plus tard, une fois la potion administrée, l’interrogatoire peut reprendre. Je ne vais vous refaire une recopie puisque dans la mesure où l’on veut dire la vérité vraie de la vie véritable, il est difficile dire les choses autrement. A l’issu de l’audition qui empiète sérieusement sur l’heure du midi, la juge Guigou met un terme à la séance.
-Le verdict sera prononcé dans deux jours.
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