Tandis qu'ils terminent de préparer leur vêtements et de tout ranger, le blond ne peut s'empêcher de jeter un regard au corps de la jeune femme avant qu'elle ne se vêtisse. Et définitivement, elle ferait se damner des divinités. C'est terrible à quel point elle peut paraître si douce et pourtant posséder une telle force, fruit de son travail à la forge. Se sortant cela de ses pensées, l'aventurier vient aider la demoiselle à tout ranger dans le sac sans fond. Le tri sera fait plus tard, enfin le peu qu'il en reste. Libérer la chambre, prendre un bon repas et ensuite s'occuper de toutes les tâches. La première étape est rapidement bouclée, et tandis qu'ils sortent il en profite pour venir lui répondre.

-"J'avais presque oublié la forge. Peut être après le passage à la guilde alors ? Je pense qu'avec le petit déjeuner on sera calés un moment. On peut faire tout ce qui nous attends dans la journée et se faire ce festin ce soir."

Vu l'heure tardive du lever, la salle commune est plutôt calme. Le déjeuner est rapidement commandé, et plus encore servi, même si comme toujours le serveur arque le sourcil à la liste de commande qui s'allonge rapidement pour le borgne. Heureusement les plats sont toujours aussi bons, et ils sont rapidement dévorés les uns après les autres. Avoir déjà sauté le diner de la veille était bien suffisant pour ouvrir l'appétit aiguisé de Sileas qui enchaine sans s'arrêter pratiquement. Sia n'est guère mieux, même si elle semble caler beaucoup plus rapidement. Cela n'empêche clairement pas le combattant de continuer, avant de cligner de l’œil à la taquinerie de la demoiselle. Un léger sourire étire ses traits après qu'il termine d'avaler sa portion, venant répondre sur le même ton.

-"Alors je sais que j'ai un sacré appétit et que j'en possède probablement le caractère, mais je suis loin d'être aussi velu que cet animal ! Surtout que tu as pu le vérifier de toi même."

Les derniers plats sont engloutis avec un flegme imperturbable, absolument pas troublé par ce commentaire sur son appétit. Quand enfin la dernière assiette est déposée, totalement nettoyée de son contenu et le repas payé, le duo se dirige vers l'extérieur. Avec un grognement, Sileas vient s'étirer en soufflant un bon coup, s'agitant pour chauffer ses muscles qui sont encore particulièrement endoloris sans réprimer un léger souffle peiné de douleur.

-"La guilde, le formulaire chiant pour le doyen. Malgré tes moqueries je me sens l'âme charitable, je veux bien faire la paperasse. Ensuite je crois que je vais voir un enchanteur et lui prendre un sac sans fond. A force de te voir utiliser le tiens, je commence à avoir une furieuse envie de pouvoir en faire de même. Surtout que j'ai pas envie de me trimbaler des kilos de métaux dans un sac classique."

Sachant bien qu'il a surement éveillé sa curiosité en parlant de minerais, l'aventurier étire un petit sourire en coin en prenant la tête de la marche, direction retour à la Guilde. Le voyage est rapide, et tout en fouillant dans son propre sac l'homme récupère le fameux papier signé. Cherchant la première hôtesse libre, Sileas s'en approche avant de déposer ce dernier.

-"Bonjour, nous venons signaler une quête terminée. Il nous faudrait aussi un formulaire pour déposer une plainte à propos de notre client pour mensonge sur la demande de la quête et le niveau de danger."

Clairement la jeune femme est surprise et ne s'attendait pas de si bon matin a avoir autant d'administratif à faire. Clignant des yeux elle secoue vivement la tête tout en fouillant dans ses classeurs, récupérant d'une main le bon de validation et sortant de l'autre le formulaire demandé, avec une exemplarité dont le Conseiller lui même serait fier.

-"Voici un formulaire C38B-5 pour faire une déposition officielle à la Guilde. Veuillez me laisser quelques minutes, je vais chercher votre récompense."

L'avis de validation de quête est tamponné, et la demoiselle s'en va plus loin. Récupérant un stylo et une plume, Sileas commence à remplir les champs les uns après les autres, notant toutes les informations contextuelles. Quand il en vient à la déposition en elle même, il soupire un long moment avant de tendre le tout à Sia.

-"Je... Préfère te laisser faire. Je risquerais de le charger plus que de raison, tu as la tête plus froide que moi à ce sujet. J'ai plus confiance en ton jugement qu'en le mien pour faire une déposition qui sera considérée sérieusement par la Guilde sans en faire trop."

Je souffle un petit rire à la réplique du blond, le regardant de haut en bas avec un petit air taquin avant de devenir parfaitement sérieuse en posant ma tasse.

« Toi ? Le caractère d’un ours ? J’ai vu bien pire, tu es loin d’être un ours pour moi. Et tu n’es effectivement pas si velu, mais tout aussi chaud. »

Je prends une nouvelle gorgée de thé pour garder mon sérieux et la termine pour ensuite attendre que le blond termine son festin. Quand c’est chose faite, nous payons nos consommations et gagnons l’extérieur. J’observe du coin de l’œil l’aventurier qui s’échauffe, me contentant de le suivre en souriant. Je l’écoute d’une oreille attentive tout en évitant les obstacles sur mon passage.

« Tu sais, je peux aussi faire la paperasse. Et il y a des boutiques plus communes où tu peux acheter des sacs. Tu as moins de chance de te faire arnaquer que chez un enchanteur. Si tu veux, je connais des noms à la Capitale. En échange, tu n’auras qu’à me conseiller de bonnes auberges à la Forteresse. »

Je me tourne alors vers lui pour lui afficher un petit sourire complice, arrivant déjà la guilde. Le blond s’occupe de trouver une hôtesse, réclamer notre prime et demander un formulaire de plainte. Je reste à côté de lui, appuyée contre le comptoir pendant qu’il commence à remplir le papier. J’observe les alentours, n’ayant pas beaucoup eu l’occasion de venir à la branche de la Capitale depuis un moment. Je pousse un petit soupir, souriant en regardant un groupe d’aventuriers profiter de la taverne de la Guilde de manière très matinale.

La voix de Sileas me sort de mes rêveries, tournant le regard vers lui avant de regarder le papier. Un nouveau petit rire alors que je me saisis de sa plume.

« Pas de problème. Alors, voyons voir... "Le Client, nommé ci-dessus, a volontairement cachée des informations aux Aventuriers. Après une petite enquête de voisinage, il s’est avéré que l’animal ciblé par la requête appartenait au client, ayant été dressé depuis petit par la fille de ce dernier grâce à son pouvoir. À la mort de celle-ci, l’animal est devenu incontrôlable en raison de sa croissance. Il a aussi été masqué l’espèce de l’animal qui s’est révélée plus dangereuse que la demande initiale : un chouettours ayant presque l’âge adulte." Qu’est-ce que j’oublie... Ah oui. Il nous a ignoré. "Quand les Aventuriers ont demandé de l’aide au Client pour trouver un moyen d’éviter de tuer la Créature, ce dernier a refusé d’obtempérer." Je pense que l’on est pas mal. »

Je rends le formulaire à l’aventurier qui s’occupe de remplir les derniers champs, signant en bas le document. Je l’imite pour apposer ma griffe avant que le papier ne soit rendue à la conseillère. Cette dernière parcoure rapidement les informations, fronçant le nez avant de nous regarder.

« Un chouettours ? Vraiment ? »

Je souffle un petit rire alors qu’elle nous regarde en remontant ses lunettes. Elle semble être légèrement étonnée de notre état et de notre manque de blessures.

« Oui. Et nous avons pu nous soigner avant de venir. J’espère que la Guilde s’occupera de faire réajuster notre prime pour que nous ne pâtissions pas des frais engendrés par un tel mensonge...
- Comptez sur moi Miss Zmeï. Je vais quérir un Examinateur pour une enquête approfondie à ce sujet. Le client pourrait aller jusqu’à perdre le droit de contacter la guilde à l’avenir. Quand l’enquête sera finie, vous recevrez un courrier pour que vous ayez un ajustement à votre récompense. Cela risque toutefois de prendre un peu de temps... »

Je soupire légèrement. L’administration. Un enfer. Je me rappelle encore la venue du conseiller chez moi, la pile de documents qu’il m’avait fait signer et les termes barbares qu’il avait pu employer. L’hôtesse vient ensuite nous donner notre prime avant de nous laisser partir. Je laisse Sileas avancer et retourne vers l’hôtesse un instant, une pensée m’ayant traversée.

« Quand vous le verrez, pourrez-vous dire au Conseiller Callahan ou un de ses confrères que je souhaite un rendez-vous avec lui ? Je vous laisse mon numéro cristallique ou vous pourrez me contacter à la branche de la Forteresse. Dites-lui que j’ai une proposition de projet pour les Artisans de la Guilde et souhaite discuter plus concrètement de cela avec lui.
- C’est noté ! Bonne journée à vous Miss Zmeï.
- Bonne journée. »

Je quitte rapidement les lieux, trottinant légèrement pour retrouver le blond qui m’attend. Avec un sourire, je viens m’accrocher à son bras, un air légèrement taquin sur le visage alors que je lève le regard vers lui.

« Allons maintenant t’équiper et trouver de quoi te refaire une armure décente. »

Le commentaire de Sia sur son caractère et sa chaleur font sourire le borgne alors qu'il terminait de manger, et il est clairement amusé à cette idée. Il ne se rend pas réellement compte lui même, habitué à sa propre température corporelle. La proposition qui s'ensuit fait se lever la tête de l'homme, un sourire plus doux et reconnaissant sur les traits alors qu'il répond.

-"Bien volontiers. Je connais pas mal d'adresses à la Capitale, mais vu que je ne me suis jamais intéressé au matériel magique, de ce coté j'ai un petit manque. Il faut aussi que je me trouve un enchanteur pour ma nouvelle arme. J'ai bien compris que les armes classiques ont leurs limites, surtout pour les missions toujours plus dangereuses. Et pour les auberges, j'en ai une bonne liste. Je passe pas souvent à la Forteresse, mais j'en connais quelques unes qui valent le détour !"


Laissant Sia écrire ce qu'elle pense juste, le blond se contente d'apporter son assentiment d'un léger signe de tête. Il n'aurait su mieux le dire, et une fois la complainte remplie, il termine les derniers champs,  avant que le papier ne soit ramassé par l'hôtesse qui semble dubitative un instant. Mais ce ne sont pas les premières missions qu'ils remplissent ici, surtout Sileas. Et elle finit par prendre leur parti alors que ce dernier se contente d'écouter l'échange d'une oreille attentive. Quand l'on parle d'augmentation des primes, c'est toujours important. L'argent est rapidement encaissé, et l'homme laisse sa partenaire discuter des derniers détails qui semblent plus personnels pour l'attendre à l'extérieur, profitant du soleil hivernal qui règne en cette belle... Ah non, la matinée est fini, et le début de l'après midi approche doucement. Et c'est une Sia pleine d'énergie qui vient s'accrocher à lui, ce qui lui arrache un sourire alors qu'il pose sa main libre sur celle posée sur son bras, tel un chevalier avec sa Dame pour prendre la route.

-"Bon alors, un magasin pour acheter un sac sans fond pour commencer. Ensuite, cela m'embête de te le demander mais je trouverais bien le moyen de me faire pardonner mais il me faudrait ton avis sur des alliages."

Tout en parlant, ils commencent à marcher. Guidés par la demoiselle qui semble connaître quelques bonnes adresses, auxquelles l'homme semble se fier. Si il peut obtenir un sac à un prix moins scandaleux qu'habituellement, pourquoi pas. Et tandis qu'ils slaloment entre les personnes déjà présentes et l'activité grouillante de la ville, le combattant continue.

-"Je l'ai bien vu durant le combat contre le Chouettours, les armes classiques montrent bien trop vite leurs limites. Et avec les différentes primes que j'ai enchainé ces derniers temps, j'ai un projet d'arme avec un peu plus de punch. Il me faudrait quelque chose de solide pour me faire une nouvelle arme d'hast que je pourrais enchanter. J'ai déjà une idée de ce que je souhaite, même si je sais que ça va me couter cher. Donc plutôt que de me faire avoir, je préfère te demander pour avoir les meilleurs métaux pour la fabrication."

Finalement, ils arrivent à la première adresse de la journée. Embarquant la demoiselle, Sileas vient rapidement faire le tour des différents produits disponibles avant de s'arrêter sur un grand sac sans fond. Le prix n'est pas donné, mais il en a clairement besoin. Après l'avoir examiné sous toutes ses coutures et même essayé d'y rentrer son épée avant de la ressortir sans aucun soucis, l'homme vient régler son achat en ressortant, laissant Sia faire ses propres emplettes si jamais ces dernières sont nécessaires.

Se retrouvant à l'extérieur, ils reprennent encore une fois la marche. Et pour changer, c'est le blond qui reprends la marche alors qu'il vient la guider à travers les rues, dans l'un des quartiers plus artisans. L'odeur devient plus lourde, mélange de charbon et de métal chaud, de verre fondu et de poussière de gemme. Si Sileas n'est pas forgeron, il vient souvent par ici pour ses achats et ses réparations, tandis qu'ils finissent enfin par arriver à une enseigne tout ce qu'il y'a de plus classique, pour une petite boutique qui semble familiale. L'enseigne est nommée "Aux équipements de Tulem", en un nom qui ne détonne pas plus que l'apparence de la boutique. Et pourtant, l'aventurier semble étrangement satisfait de se trouver ici.

-"Tu me demandais mon forgeron, le voici. Enfin, le père est armurier et le fils est forgeron. C'est chez eux que je m'équipe habituellement, tu verras, ils sont d'agréable compagnie, tu devrais apprécier leur parler."

Emportant la forgeronne par le bras d'une prise ferme mais pourtant avec une certaine douceur, l'homme enfonce pratiquement la porte de son autre bras. Le coup résonne alors que le carillon essaye de suivre la force de l'impact, et il y'a presque une seconde de battement avant qu'un grand sourire naisse sur les traits d'un homme approchant de sa cinquantaine, barbe grisonnante et chevelure coupée courte. Le fameux paternel lève la main.

-"Sileas ! Ça faisait longtemps que tu n'étais pas venu par ici, tu as encore explosé ton armure en faisant le con ? Et qui est cette demoiselle que tu ramènes, tu nous fais de la publicité gratuite maintenant ? C'est gentil de ta part."

Alors que quelques apprentis lèvent la tête de leurs tâches pour observer l'échange, retournant bien vite à leurs affaires quand l'un des artisans les aperçoit et leur donne une petite tape sur le dessus du crane, le borgne libère Sia de sa prise en levant légèrement la main avec un sourire amusé sur les traits, et un peu plus détendu qu'habituellement.

-"Herbert, toujours un plaisir de te voir. C'est pas une cliente c'est une collègue, je te présente Sia, aventurière et forgeronne. Et si je viens aujourd'hui c'est pour une demande précise. Tu te souviens de l'arme dont on avait discutés plusieurs fois ces derniers mois ? Il est plus que grand temps que l'on s'y mette, je viens donc voir avec elle pour faire la sélection des métaux et voir combien tu veux m'extorquer pour l'arme complète."

Tout en finissant de parler, l'aventurier commence à se diriger vers l'arrière boutique sans réelle gêne, l'air habitué des lieux, à tel point que les propriétaires ne s'en formalisent même plus, laissant Sia discuter avec ses comparses si elle le souhaite ou directement l'accompagner pour voir le stock de métaux. L'ambiance est plutôt bon enfant, même si le travail est assez minutieux et concentré, tournant comme une horloge soigneusement réglée.

Accrochée au bras du blond, nous marchons tranquillement en direction du magasin que j’ai en tête. Je sens sa main se poser sur la mienne, me faisant légèrement frémir malgré les gants séparant nos peaux. Même si j’essaye progressivement de m’habituer aux contacts plus réguliers et personnels avec les personnes que je juge de confiance, mon corps continue d’avoir ses petits réflexes. Je lui offre un large sourire en hochant de la tête, ne lui posant pas plus de questions pour le moment même s’il a su éveiller ma curiosité. Nous évitons des passants et je le guide vers l’échoppe que j’ai en tête.

Malgré les lunes que j’ai passées loin de la Capitale, je suis heureuse de voir que l’endroit existe toujours. Nous poussons rapidement la porte de la boutique et nous séparons pour faire nos différents achats. Pendant que Sileas regarde pour son sac sans fond, je refais le plein de bandages et autres outils de premiers soins. Après un tel affrontement, mon stock est bien entamé. Je fais également défiler mon regard pour vérifier les prix de plusieurs équipements que je prévois de m’acheter à l’avenir. Il y en encore pour un petit budget, mais je dois économiser progressivement. Hors de question de dilapider toute la prime que je viens de recevoir. Je dois peser les pour et contre pour acheter raisonnablement.

Une fois mes achats et ceux de l’aventurier fait, mais cette fois, c'est le blond qui me guide et m’entraine avec lui. Nous gagnons bien vite le quartier des artisans et j’y retrouve les odeurs et images de mon enfance. C’est ici que j’ai grandi et passé le plus de temps. La forge Zmeï se trouve ici et la maison est dans le quartier voisin. J’inspire un grand coup pour humer cette odeur si nostalgique et qui diffère pourtant de celle qui se dégage du quartier des ingénieurs de la Forteresse. Deux villes, deux ambiances différentes.

Finalement, nous arrivons devant une échoppe au nom familier. Je ne suis pas venue ici depuis des années. Un petit sourire nostalgique étire mes traits devant le nom de la boutique, suivant le blond sans rien dire de plus. Je ne savais même pas que le fils est devenu forgeron, je ne l’ai moi-même pas recroisé depuis que j’ai commencé mon apprentissage auprès de mon père. J’étais bien trop concentrée sur mon travail.

Je suis le blond à l’intérieur sans rien déclarer, le laissant faire les présentations alors que j’observe la boutique. L’endroit a beaucoup changé de mon dernier souvenir. La boutique a toujours été agréable et accueillante, mais je ne me la rappelais pas si grande. Plusieurs têtes se tournent vers moi et certaines semblent hésiter à la vue de ma fleur. Quand Sileas me présente un peu plus amplement à Herbert avant de commencer à faire comme chez lui. Je le regarde faire avant de m’avancer vers le patron.

« Bonjour Herbert, cela faisait longtemps. »

L’homme hésite en me voyant, son regard s’arrêtant sur ma fleur en réfléchissant. Il fronce des sourcils et plisse le nez un moment, comme pour essayer de déterrer de vieux souvenirs.

« Je suis Sia Zmeï, mon père tient la forge Zmeï qui est dans le quartier. Je jouais souvent ici plus jeune avec ma petite sœur Sio. Une hybride dragon. »

L’homme a le regard qui s’illumine, comme celui de quelqu’un qui se rappelle soudainement ce qu’il avait sur le bout de la langue. Il frappe son poing dans sa main avant de me pointer du doigt avec un air enthousiaste.

« Mais oui ! La petite Sia avec sa jolie fleur et Sio la petite gourmande. Vous étiez toujours celles qui venaient goûter les tartelettes de ma bonne femme ! Je me souviens de vous. Comme tu as grandi... Toutes ces histoires ça me rajeunit pas... Tu es devenue forgeronne et aventurière ? Tu vas reprendre la forge de ton père ?
- Non, j’envisage d’avoir ma propre entreprise et de laisser la forge Zmeï à l’apprenti que mon père choisira. »

L’armurier siffle, légèrement impressionné avant de me guider vers l’arrière-boutique pour rejoindre le blond. Tout en me guidant, il continue de me parler.

« J’ai entendu des rumeurs sur ce que mon imbécile de fils et les autres gamins vous ont fait à toi et ta sœur... Saches que je suis désolé et que s’il le faut, je vais chercher cet écervelé pour qu’il s’excuse en personne. »

J’affiche un petit sourire compatissant tout en regardant le dos de l’homme. Il a beaucoup vieilli, ses cheveux grisonnants étant presque entièrement blancs et gris maintenant, son ventre est devenu bien plus bedonnant et il a des signes que son dos le fait souffrir. J’inspire légèrement avant de répondre doucement pour qu’il soit le seul à m’entendre.

« Ça ira... C’était il y a longtemps, je suis passée à autre chose. »

L’homme hausse légèrement des épaules avant de me laisser entrer dans la pièce où le blond est déjà installé comme s’il était chez lui.

« Bon, moi je suis qu’armurier, je te laisse aux bons conseils de la forgeronne si tu veux parler de ton idée d’arme. Te faut plutôt mon fiston qui s’est occupé des plans, il est à côté avec un des apprentis. T’as qu’à le demander. Tu connais la maison, Sileas. »

Je fais un petit hochement de tête pour remercier le vieil homme qui s’éloigne et me tourne vers l’aventurier avec un large sourire et une curiosité non feinte.

« Dis moi tout. C’est quoi cette idée ? Je veux en savoir plus, bien plus ! Tu ne peux ainsi attiser ma curiosité sans la satisfaire. »

Si il y'a bien une chose à laquelle Sileas ne s'attendait pas, c'est avoir ainsi fait des présentations si inutiles. Jamais il n'aurait pu deviner qu'elle venait d'ici. Enfin, en un sens si, avec les quelques éléments apportés et le fait que la forge familiale de la jeune femme se trouvait à la Capitale, quelques connections auraient pu se faire. Mais de la à ce qu'elle connaisse l'homme qui s'occupe de son armure et de son arme ? Non, heureusement qu'il part en direction de l'arrière boutique pour cacher sa stupéfaction, autrement certains poissons auraient surement plus de crédibilité que sa bouche presque ouverte en coeur à cet instant. Finalement, une fois le choc passé, le blond arrive à glisser vers l'arrière boutique pour commencer à s'installer, écoutant d'une oreille ce qu'il se dit, quand le son des marteaux et des fourneaux ne supplante pas le tout.

Ainsi donc depuis son plus jeune âge, l'argentée est une gourmande ? Et elle a une sœur du même acabit ? Il va de surprise en surprise et l'image le fait sourire. Étirement des lèvres bien vite effacé en entendant des bribes de la suite. Ainsi donc Lancet était un petit con quand il était plus jeune. Pas très surprenant tiens, même si son caractère s'est apaisé, il est probable que ce soit plus sous les taloches de son père et l'usure des hauts fourneaux que simplement par bonté d'esprit et de cœur. L'aventurier laisse ses doigts commencer à fouiller dans son désormais sac sans fond pour en sortir un carnet avec une copie des plans faits avec le forgeron lors de ses précédentes visites. Des annotations théoriques ont déjà été apportées sur les minerais surement utilisés, la quantité, la masse. La forme de l'arme, ses détails. La version complète est rangée dans l'un des nombreux tubes alignés sur un rack contre l'un des murs. Et tandis qu'il récupère la protection contre l'humidité et les éléments, le borne redresse la tête avec un sourire pour Herbert.

-"Je savais pas que tu connaissais l'aventurière avec qui je viens de finir ma mission ! Et en même temps je suis content, ça sera plus simple quand elle viendra râler en disant qu'il vaut mieux utiliser tel alliage et non celui proposé par Lancet. Et ne t'en fais pas, vu la facture qui s'annonce, je compte bien faire comme chez moi."

Sileas tourne la tête vers sa forgeronne de comparse, et le sourire ne fait que s'élargir un peu plus. Il est content de la voir et de partager cette journée avec elle. Et encore plus de lui montrer le tube avec écrit dessus "Sileas - Orthos". Agitant ce dernier sous son nez alors qu'elle lui reproche d'ainsi jouer sur sa curiosité, le blond rit un instant.

-"Que devrais-je dire ! Je pensais te faire rencontrer un nouvel artisan, et je vois qu'en fait c'est une vieille connaissance ! Je me sens floué, outré ! Maintenant, comment puis-je être sur que tu ne vas pas me conseiller un devis plus cher que nécéssaire car cela aide une ancienne connaissance ? Je ne suis pas sur qu'il faille assouvir ta curiosité maintenant..."

Et le silence ne plane qu'une poignée de secondes avant qu'il recule vers une table d'étude de la pièce, avec un panneau incliné pour pouvoir installer et tenir les plans. Ouvrant le tube, il en sort précautionneusement les vélins pour les installer en place, révélant différentes parties de ce qui ressemble très fortement à une pertuisane à lame multiples, avec une seconde pointe au niveau du bas de la hampe pour pouvoir planter ce qui se trouverait en dessous. Laissant la jeune femme examiner l'aspect technique sans lui expliquer -elle le comprendra surement mieux que lui de toute façon-, il reprend, d'une voix portée par la passion et une certaine impatience, vibrante d'émotion.

-"Mon style est toujours basé sur l'utilisation d'une arme d'hast. Lance, hallebarde, pertuisane... Je ne te fais pas la liste de tout ce que je peux utiliser. Mais j'en suis venu à apprécier ce schéma de pointe et de lame pour son utilité contre la plupart des créatures un peu massives, qui sont la majorité de nos affrontements. J'ai donc décidé il y'a quelques mois de commencer à économiser et plancher sérieusement sur une arme enchantée fidèle, stable, et que je ne changerais pas régulièrement comme celle que j'ai pu utiliser durant notre combat. Voir la hampe de son arme briser au pire moment aurait pu me couter la vie... Et c'était pas la première fois. Cette arme est censée régler le problème."

Ne s’appesantissant pas sur le fait que cette faiblesse structurelle lui a pratiquement couté le bras, tant de douleurs et probablement sa bonne part des cauchemars de la forgeronne, il laisse simplement le doigt glisser au dessus du plan, sur l'arme qui est prévue pour être entièrement métallique des pieds à la tête. Alternant alliages plus légers au cœur pour garder un poids respectable, et un extérieur particulièrement solide, même si légèrement malléable pour ne pas se briser au premier choc trop important. L'arme entière est déjà prévue pour être engravée, ainsi que les divers points qui serviront à installer les runes magiques, les fins conduits offrant à l'arme toute sa puissance d'impact.

Observant le regard de la forgeronne et sa posture, Sileas vient croiser de nouveau les bras sur son torse, fermant un instant les yeux en penchant la nuque sur le coté avec un léger craquement suivi d'un grognement tandis qu'il se redresse comme si de rien n'était.

-"Le but est de faire une arme cinétique. Qui exploite la puissance d'un enchantement pour me permettre de frapper avec bien plus de force et ne plus me faire arrêter par un cuir ou une armure trop solide. Aussi la possibilité d'arriver à utiliser cette pression pour attaquer à distance en des sortes de lames tranchantes venteuses. Basiquement, c'est fait pour me permettre d'empaler quelque chose et m'assurer qu'il ne bouge plus beaucoup ensuite. Et je voulais donc ton avis la dessus, sur les alliages et les métaux utilisés, la forme... Et aussi assouvir un peu cette curiosité que je lis dans ton regard."

Sans qu'il ne puisse réellement dire pourquoi, cela fait vraiment plaisir à l'aventurier de partager cela avec Sia. Peut être car il sait que ça la passionne aussi, et qu'elle peut apprécier ce moment ? Il est sur qu'un rencard chez l'armurier pour discuter chasse au monstre n'est pas quelque chose de commun mais après tout... Est-ce que l'un des deux l'est réellement, normal ?

C’est donc Lancet qui a travaillé sur ce projet. Je frissonne légèrement, me pinçant le bras pour ne pas faire transparaitre ma réaction en entendant son prénom. C’est fini, c’est loin, je peux passer au-dessus de tout ceci. Je peux me concentrer sur le moment présent et l’avenir. L’aventurier vient ensuite me taquiner et je ne peux retenir un petit rire à sa remarque. Il arrive à faire revenir ma bonne humeur et je l’en remercie intérieurement.

« Je n’aime pas faire payer plus que nécessaire. Et tu m’as sauvé la vie, je n’ai pas de raison de te faire payer plus. »

Je tais aussi le fait qu’en passant par moi il aurait eu droit aux avantages de la Guilde, mais je préfère le laisser commencer à m’exposer l’idée qu’il a eu et la façon dont Lancet y a répondu. Le fait qu’il soit devenu forgeron est une véritable surprise pour moi et je suis maintenant curieuse de son niveau.

Rapidement mon compagnon défait le plan et commence à me l’exposer. J’observe minutieusement le dessin tout en écoutant ses explications. Pas une seule fois, je ne l’interromps, essayant d’assembler ce que je vois et ce que j’entends. Je prends un moment de réflexion tout en essayant de me remémorer le style de combat de Sileas, sa manière de tenir ses armes et les utiliser. Je me gratte légèrement la joue avant de venir déposer un calque sur le plan, m’emparant d’un crayon pour ajouter des annotations sans pour autant le modifier.

Sans un mot, je commence à écrire des réflexions sur les alliages, le fait de déplacer des lames de quelques millimètres ou centimètres, de précisions sur le poids et ce genre de choses. Ma réflexion se centre avant tout sur la problématique poids, résistance et conductivité magique. Contrairement au bracelet que j’ai pu faire pour le flocon de mon ami enchanteur, ici la pertuisane va être exposée aux chocs en permanence. Une véritable problématique. J’essaye ainsi d’ajouter mes pensées pour que le tout corresponde mieux, mais c’est de l’ordre du détail.

« C’est vraiment du très bon boulot selon moi. Ça va te coûter une fortune, mais ça va en valoir la peine. »

Je termine mes ajouts avant de poser mon crayon, soulevant le calque avant de le reposer et ainsi vérifier ce que j’ai corrigé.

« Ce n’est pas grand-chose, mais pour avoir travaillé concrètement sur des projets similaires et avoir reçus des conseils d’un des meilleurs dans le domaine, ton forgeron devrait envisager ces ajustements. Et tes mouvements seront sûrement plus naturels avec ces petits détails.
- Tu parles comme si je n’avais jamais fait ce genre de travaux. »

La voix me surprend légèrement. J’étais si concentrée que je n’ai pas entendu qu’une personne entrait dans la pièce. Je me tourne et manque de ne pas reconnaître l’homme qui me fait face, légèrement remonté. Il s’approche de moi avant de m’éviter et jeter un regard à mes annotations.

« Je n’ai jamais dit cela, mais maître Nerau est le meilleur dans ce domaine. Je ne fais qu’appliquer ses enseignements et faire en sorte que Sileas ne manque de perdre la vie à cause de son arme qui cède. »

Lancet a une sorte de petit hoquet avant de porter son regard sur le blond, comme pour vérifier qu’il va bien. Il revient ensuite vers moi, l’air bien plus farouche et contrarié que je remette en question son travail. Il me regarde de haut en bas avec un air mauvais alors que je reste parfaitement neutre. J’ai l’impression qu’il brûle de me dire certaine chose, mais que son vieux père a dû lui donner un bon avertissement. Lui et moi avons des âges proches, il ne doit avoir que deux petites années de plus que moi. Nous avons passé une bonne partie de notre tendre enfance ensemble avant qu’il ne soit influencé par la puberté et d’autres enfants.

« Je ne remets pas en cause ton travail, loin de là. Mon ami me demande des conseils et un avis, je le lui donne. Si tu ne vas pas en tenir compte, c’est ton choix. C’est toi qu’il a choisi pour ce travail. Pas moi. Ce sera ton œuvre et ta griffe qui sera apposée dessus, pas la mienne. Mais peut-être qu’un jour cette arme sauvera ma vie ou celle d’un autre aventurier et je souhaite qu’elle puisse tenir jusque-là. »

L’homme semble légèrement se calmer et devient presque gêné d’avoir agi ainsi. Il lit alors mes indications avec plus d’attention avant de se redresser.

« Désolé Sia, j’ai cru que tu voulais simplement me voler mon gagne-pain. Quand mon père m’a dit que tu étais ici et que tu es devenue une forgeronne de la Guilde, je l’avoue, j’ai perdu mon sang froid. »

Je souffle de manière amusée sans pour autant sourire, le regardant froidement en croisant les bras. Lancet est toujours un con impulsif, mais au moins maintenant il sait s’excuser et reconnaître ses torts.

La jeune femme semble être pleine de bonne volonté et mieux encore de ... Sincérité. Un artisan qui souhaite faire payer le juste prix sans en rajouter, ce n'est pas forcément commun, et le blond ne peut qu'apprécier cela, et ça se voit au léger sourire qui ne semble jamais quitter ses traits pour le moment. Une fois l'exposé fini, Sileas profite de voir la jeune femme en plein travail pour l'observer. Elle est passionné par ce qu'elle fait, ça se voit et se sent. C'est un délice de la voir ainsi observer les plans, les annoter et ajouter ses propres réflexions, y ajouter l'expérience qu'elle commence à accumuler avec ses propres projets. Finalement, les modifications sont terminées et l'aventurier glisse une main à son menton en le frottant légèrement du pouce, soufflant du nez de manière amusée.

-"Je sais que je vais payer une fortune. Mais tu es forgeronne, je te laisse imaginer le prix de casser une arme d'assez bonne facture tous les quelques mois car aussi bonne que soit une arme non enchantée, elle a ses limites. Et jamais une arme classique ne pourra avoir la puissance d'impact qu'il me faut. Le Chouettours était déjà coriace, mais ce n'est rien comparé à certaines créatures que je pourrais être amené à rencontrer si vraiment j'arrive à réaliser ce que je souhaite."

Il allait rajouter quelque chose quand elle termine de parler, mais Lancet vient l'interrompre en plein vol, et l'air peu commode, la voix encore moins amène. Sileas arque un sourcil, surpris de voir son forgeron habituel dans un tel état, lui qui possède certes son caractère mais sait habituellement le tenir. Et par réflexe, sans qu'il ne puisse réellement s'expliquer le pourquoi sur le coup, le blond se rapproche de Sia pour glisser une main sur son épaule et légèrement l'enserrer pour lui signifier son soutien, avant de laisser son avant bras complet glisser suite à son geste, d'une manière protectrice. Les deux hommes échangent un regard, et l'aventurier offre un léger signe de tête pour dire que tout va bien, autant passer à autre chose. Oui, il aurait pu mourir, mais ce n'est pas le cas. Et il est presque touché en entendant la forgeronne ainsi l’appeler son ami, avant de réaliser qu'en un sens,  c'est vrai. Ils ne se connaissent que depuis quelques jours, mais un étrange lien s'est déjà tissé entre eux, né dans le sang et le danger, forgé dans l'adversité et les chances accumulées contre eux.

La tension se calme légèrement quand Lancet admet ses torts. Sous ses doigts, Sileas sent toujours la jeune femme tendue et il la rapproche légèrement de lui si elle se laisse faire, n'insistant pas autrement. Une fois qu'elle a enfin fini de parler, le borgne se racle légèrement la gorge en accrochant le regard de l'homme pour qui il va bientôt dépenser une fortune.

-"Sia dit vrai, je ne compte pas te remplacer Lancet. Mais c'est une combattante en plus d'être une forgeronne, elle a un regard que ni toi ni moi ne pouvons avoir. Je lui ai simplement demandé une faveur de jeter un œil sur cette arme, et au vu du peu de modifications, je pense pouvoir dire que tu as déjà fais du très bon travail. Maintenant, j'ai cru comprendre qu'il s'était passé quelque chose entre vous quand vous étiez plus jeunes, soit. Mais je te demande de sincèrement considérer ses propositions et de me dire sincèrement si elles peuvent fonctionner."

Le brun face au duo souffle, pris entre deux feux. Il a beau avoir admis ses erreurs, il bout intérieurement de voir une autre compère ainsi discuter ses choix et remettre indirectement en question ses talents. Mais de l'autre coté, ces derniers sont réellement utiles, et il ne va pas mentir à son client, surtout un si habituel. Le dilemme est fort, et après un long soupir, le forgeron lit une dernière fois le calque avant de redresser la tête pour regarder Sia comme Sileas droit dans les yeux.

-"Elle dit vrai. Les modifications sont légères, mais peuvent apporter un plus à l'arme. Je les ajusterais légèrement, mais autrement, je ne peux rien y redire."

Clairement, cela écorche la gueule à Lancet de devoir dire une telle chose. Herbert a du sortir le savon et le gros sel pour ainsi le forcer à admettre un tel fait. Déconfit quelques secondes, il vient se saisir des plans, et avoir sous les yeux un tel travail, se souvenir que c'est sa griffe qui finira apposée dessus -et sa bourse qui sera remplie à la fin de la journée- arrive à lui rendre le sourire. Et finalement, il demande d'une voix moins tendue.

-"Père me disait que tu souhaitais enfin t'y mettre. C'est donc officiel, tu veux que je te fabrique cette lance et que je m'y mette pour de bon ? Depuis le temps que tu en parles, tu ne dois plus tenir."

Le borgne souffle du nez de manière amusée, avant de légèrement hocher la tête.

-"Herbert ne ment jamais quand il s'agit de commandes de toute façon. Tu peux me préparer la facture et le temps de travail, je viendrais sous peu t'apporter le paiement pour que tu commences le travail."

Nouveau hochement du forgeron qui semble soudainement de bien meilleure humeur. Rangeant tout dans son vélin originel -même les notes faites par Sia-, il vient l'emporter dans la pièce d'a coté d'où quelques éclats de voix se font entendre, plutôt joyeux. En effet, la facture va être belle et a de quoi ravir n'importe quel artisan qui pourra montrer tout son talent et son œuvre sur une nouvelle pièce qui sera peut être célèbre un jour. Une fois seuls dans la pièce, Sileas relâche enfin sa comparse avant de venir se mettre devant elle, baissant la tête pour la regarder dans l’œil.

-"Je te remercie d'avoir fait ça pour moi. Je viens te rejoindre dans quelques instants. Et je te paye un bon repas ce soir, je suis sur qu'on peut trouver un restaurant qui saura te plaire et qui soit digne de te remercier proprement pour cette aide."

Finissant par la laisser sortir de la boutique et l'attendre à l'extérieur, Sileas grogne en s'étirant quelques secondes avant de la suivre. Le duo père et fils est en pleine rédaction de la facture, et au bout de quelques minutes, un prix théorique sort. Il ferait grincer des dents n'importe qui, mais le travail en vaut la peine. Quelques échanges et le devis final est validé, avec un premier acompte sous peu. Et alors qu'il allait sortir, c'est Herbert qui finit par lui dire, après les au-revoir habituels.

-"Je savais pas que tu travaillais avec la petite Zmeï en tout cas ! C'est fou quand même comme le monde est petit des fois.."
-"Car tu crois que je me suis pas senti idiot à vous présenter alors que vous vous connaissiez déjà ? Allez, a bientôt Herbert, toi aussi Lancet, j'ai hâte de voir le résultat final !"

Avec un souffle de rire, le borgne sort enfin de l'établissement, croisant les bras en observant Sia, léger sourire en coin sur les traits tandis qu'il s'étire de nouveau, savourant de peu à peu sentir ses muscles se détendre et le contrecoup passer à petit feu.

-"Je ne savais pas que vous étiez connue de la moitié de la capitale en tout cas, mademoiselle Zmeï. Je vous promet de ne plus jamais refaire une telle erreur de jugement en m'adressant à Votre Sainteté."

Oui, il la taquine. Si la phrase en elle même ne suffit pas à le deviner, l'énorme sourire sur ses traits devrait finir de la convaincre.

La manière dont Sileas vient me montrer son soutien a quelque chose qui me touche. Je ne sais trop pourquoi, mais je sens qu’il souhaite me protéger tout en me laissant me défendre. Il me soutient à sa façon et je ne repousse pas son geste qui me rassure et m’apaise légèrement. Je ne le connais que depuis quelques jours, mais pourtant je sens qu’un jour, je pourrais réellement faire confiance à cet aventurier. Je ne souhaite pas précipiter les choses, mais l’appeler ami n’était pas une pensée en l’air. Nous avons chacun pu tisser des liens qu’il serait difficile de nouer autrement.

Quand il reprend la parole et vient confirmer mes faits, je ne peux m’empêcher de sourire. Il ne me défend pas bec et ongles, mais expose simplement les faits. J’apprécie son geste de ne pas chercher à me materner et le laisse échanger avec Lancet. Ce dernier fini même par admettre que mes suggestions sont intéressantes. Mes traits se détendent alors et je ne retiens pas mon sourire heureux et légèrement fier. Pas la fierté d’avoir été meilleure que lui, uniquement d’avoir su apporter un avis constructif et utile pour aider mon ami.

Je laisse les deux hommes se mettre d’accord sur la suite et quand le forgeron part pour annoncer la bonne nouvelle, le blond me relâche. Je souris à cette manière qu’il a de se baisser pour me regarder en face. Je lui offre mon plus beau sourire en lui répondant sur un ton légèrement enjoué.

« Ce n’est rien. Tu m’as laissé voir le plan d’une véritable petite merveille. Et merci à toi aussi... »

Je me recule ensuite avant de me tourner pour regagner la porte d’entrée. Après une rapide salutation en direction d’Herbert, je gagne l’extérieur. Je respire un bon coup en m’étirant, un petit gémissement satisfait s’échappant de mes lèvres. Je suis encore courbaturée, mais bouger dissipe légèrement cela. Je viens m’adosser à la façade de la forge et sort mon livre mémoire de mon sac sans fond. Rapidement, j’y note les plans que j’ai vus ainsi que les modifications que j’ai apportées. Des détails importants qui pourront sûrement m’être utiles à l’avenir.

La porte s’ouvre à nouveau, faisant retentir le petit carillon. Je range mon carnet et rejoins mon compagnon qui ne manque pas d’une occasion pour me taquiner. En voyant son expression, je ne peux me retenir de pouffer de rire. Cette façon qu’il a d’ainsi me parler me décroche un rire franc qui met un petit moment à se calmer. Je me force à reprendre mon sérieux même si mes traits trahissent mon amusement avant que je ne récupère son bras.

« Allons Messire, dire que je suis connue de la moitié de la Capitale est un peu exagéré. J’espère que vous êtes, en ce cas, honoré de pouvoir être en ma divine présence. »

Je pouffe à nouveau alors que nous nous mettons en route. Quand je suis à nouveau calmée, je reprends la parole.

« Plus sérieusement. J’ai grandi ici, normal que beaucoup d’artisans et enfants d’artisans qui sont dans ma tranche d’âges me connaissent. »

Je le guide et le dirige à travers le quartier dont la moindre ruelle n’a aucun secret pour moi. Je lui fais même emprunter des raccourcis réservés aux habitants et bien moins fréquentés que les rues plus avenantes. Nous marchons plusieurs minutes avant d’arriver devant la devanture d’une petite forge. Elle n’a rien à voir en taille à celle d’Herbert, bien plus petite avec une pancarte indiquant « Forge Zmeï » à son entrée. Je relâche le blond, et sans attendre plus je pousse la porte de la boutique. Une petite cloche retentit et je vois émerger un des apprentis de mon père qui, en sueur, se dirige vers le comptoir. Son air surpris en me reconnaissant me fait sourire. Entre l’absence de ma fleur et l’homme qui m’accompagne, il a de quoi l’être.

« Sia... Je...
- Salut. Mon père est là ?
- Euh... Non, tu veux le voir ?
- Non, c’est parfait. Ne lui dis pas que je suis passée, ni ce que tu as vu. Je t’emprunte l’atelier.
- Mais...
- Tu es un amour Gus ! »

Je m’approche alors de lui et me hisse au-dessus du comptoir pour claquer une bise près de sa joue sans pour autant le toucher. Je profite de son moment d’hébétement pour me diriger vers le fond où une petite porte est visible. Je fais signe à l’aventurier de me suivre et lui ouvre la porte vers le petit atelier d’entretien et réparation. Un lieu loin des hauts fourneaux et dont la chaleur se diffuse suffisamment pour que l’on n’a pas besoin de nos vestes.

Je me mets à l’aise et sort progressivement tout l’équipement à entretenir qui se trouve dans mon sac sans fond. J’aligne ensuite les outils à utiliser et commence à m’occuper de mon matériel ayant le moins souffert.

« Mets-toi à l’aise. Tu as tout ce qu’il faut pour t’occuper de tes armes. Pour ton armure par contre... Demande à ton armurier préféré de t’en fournir une provisoire en attendant que tu puisses regagner la Forteresse. »

Je viens récupérer un de mes carnets et un crayon. J’en arrache une page et y inscrit un nom et une adresse que je tends à l’aventurier.

« Quand tu passeras dans le Nord, vas à cette armurerie. Si tu as des projets pour mieux que ça, je te conseille de t’adresser à Adam et Ivan. Le premier est un ami à moi et je travaille régulièrement avec eux. Tu peux me faire confiance sur leurs capacités. »

Dès que l’adresse est récupérée, je me penche à nouveau sur mon travail. Avec le combat mené et le manque d’entretien immédiat, nous en avons jusqu’au soir même à deux pour entretenir autant de matériel. Nous n’allons pas nous ennuyer.

Sileas ne peut cesser de sourire en voyant que la forgeronne le suit dans ses blagues, et en rajoute même une couche. Son rire est agréable à l'oreille, et sans hésiter il vient commencer à la suivre en croisant les bras sur son torse. Finalement, un nouveau sourire étire ses lèvres en l'écoutant parler, observant les alentours. Ils passent par des ruelles et des petits chemins qu'il ne connait pas, alors qu'il vient souvent en ces lieux. C'est à la fois surprenant et intriguant de redécouvrir ce quartier qu'il pensait déjà connaître d'une nouvelle façon, hochant aux propos de Sia. Il ne sait pas quoi rajouter de plus, il se contente donc simplement d'assurer qu'il l'a bien écoutée.

Et enfin ils arrivent à la petite forge familiale. La pancarte vend directement la mèche, et laissant la demoiselle rentrer le premier il vient bien rapidement lui emboiter le pas. L'apprenti est stupéfait, et la tornade printanière ne lui laisse pas le temps de s'en remettre qu'elle l'a déjà embarquée dans ses aventures et s'en décharge pour rejoindre une autre partie de la bâtisse. Sileas sourit en coin, posant son regard sur le pauvre apprenti qui, malgré son habitude de la demoiselle, semble toujours aussi surpris.

-"Elle est vraiment toujours comme ça, ou aujourd'hui elle est vraiment particulièrement en forme ?"

La question est offerte avec un sourire en coin, et Gus cligne des yeux pour se remettre dans la scène. Regardant à droite et à gauche, il voit que Sia est déjà envolée et il finit par hausser les épaules en répondant.

-"Toujours. Et encore, elle est calme la, elle est souvent encore bien pire. Vous avez de la chance de la voir dans un jour calme."

Nouveau sourire de Sileas qui incline la tête pour l'apprenti avant de le laisser retourner à ses tâches en suivant le chemin emprunté par l'étoile d'argent quelques instants auparavant. L'atelier est chaud, et bien rapidement le blond retire son pourpoint en cuir pour ne garder que sa chemise. Les armes défilent, et certaines sont vraiment en piteux état entre le sang et la neige. L'épée qu'utilise Sileas elle même n'est guère glorieuse, et ce dernier soupire en voyant son état, avant de se concentrer sur la demoiselle qui est déjà passée à autre chose. Attrapant la note, il enregistre mentalement l'adresse avant de la ranger dans son sac.

-"Merci de me permettre d'user comme ça de ton atelier. On va en avoir pour un moment mine de rien, même à deux. J'espère vraiment que la prochaine fois qu'on travaillera ensembles, on finira dans un meilleur état pour pas devoir passer une journée entière à faire dans la réparation et l'entretien ensuite."

Oui, pour lui il y aura déjà une suite et d'autres missions. Pourquoi se priver alors que la première, malgré la difficulté, s'est bien passée ? Mieux encore, ils ont réussis à obtenir une prime pour cette dernière. De quoi être ravi de la tournure des évènements, malgré leur coté dramatique. Se sortant Aradesh de la tête, le borgne préfère se concentrer sur le bruit de frottement qui échappe des lieux, alors qu'ils enchainent les produits d'entretien pour nettoyer le métal, le purifier de ses imperfections avant d'user de plusieurs pierres différentes pour rendre aux lames tout leur tranchant. Bercé par ce bruit qui n'est certes pas celui de son enfance mais assez commun pour le réconforter, Sileas finit par reprendre d'une voix plus calme.

-"Je ne passe pas souvent à la Forteresse ou dans le Nord je dois dire. Je vais toutefois surement y aller pour voir ton armurier. Si tu me conseilles de faire un tel voyage juste pour une armure, c'est vraiment qu'ils en valent la peine. Et ça tombe bien, j'ai deux ou trois projets qui pourraient intéresser un armurier en plus d'une simple armure."

Il souffle de manière amusée après sa phrase, déposant son glaive enfin entretenu pour s'attaquer aux lances et tout le reste du matériel qui s'étend encore sur la table.

-"J'en ai donc pas fini avec les missions. Les prochaines semaines vont être agitées ! Mais maintenant que j'ai un sac sans fond, au moins je pourrais tout transporter avec moi... Qui sait, tu seras peut être celle qui réussira à me réconcilier avec la Forteresse ?"

Il a beau sourire en parlant, l'aventurier est sincère. Même si il va parfois dans le Nord et qu'il en est originaire, il ne peut pas dire qu'il y voyage souvent. Les heures suivantes s'annoncent longues, et si leurs mains elles sont occupées, c'est loin d'être le cas de leur esprit qui peut divaguer librement. Profitant un moment de ce silence ponctué du frottement des cuirs, pierres et divers outils, l'homme re prend la parole.

-"Je sens bien que tu brules de curiosité sur certaines questions, donc vas-y, n'hésite pas à les poser. On a beau se connaître que depuis peu, avec tout ce qu'on a déjà traversés je peux difficilement dire que l'on se considère encore comme des inconnus. Et je compte bien avoir l'occasion d'effectuer de nouvelles missions avec toi."

Silence, léger soupir étouffé. Sileas apprécie la présence de la demoiselle, c'est impossible de le nier. Elle a un coté apaisant, ilot de douceur et pourtant capable de se défendre par elle même. Un mélange plaisant, d'avoir quelque chose à protéger sans toujours devoir veiller dessus.

-"En tout cas vu comme tu sembles déjà douée à la forge, si jamais il me faut une nouvelle lame enchantée ou des objets de bonne qualité, je pense que je passerais par toi à l'avenir. J'ai déjà d'autres idées, pour quand ma bourse sera un peu plus renflouée, surtout que je pense que ton ami va bien taper dans ce qui restera après le paiement que je vais faire pour ma lance..."

Nous nous mettons tous deux au travail, profitant d’ainsi pouvoir retrouver l’atelier où j’ai débuté. Cet endroit me rappelle beaucoup de souvenirs et un sentiment de nostalgie s’empare de moi. Je me mets au travail tout en me revoyant utiliser les outils de cet endroit pour les premières fois. J’ai beaucoup évolué depuis : j’ai voyagé, j’ai appris auprès d’un autre, je suis devenue aventurière et je commence à me faire un nom. Je souris alors à la remarque du blond, cet endroit n’est plus à moi désormais, même si je me sers comme j’en ai envie, mon père risquerais de me jeter dehors s’il me voyait.

Je continue de l’écouter silencieusement, me concentrant sur mon travail. Habituellement, je m’enferme dans une bulle de concentration pour être plus efficace et rapide, mais Sileas n’est pas forgeron. Il n’a pas ma passion pour ce travail et semble avoir besoin de discuter. Je l’écoute, réagissant tout juste à ses différentes remarques et questions rhétoriques. Je note mentalement qu’il parait avoir un problème avec le Nord, j’ignore si cela vient du fait de son éducation ou de ses débuts, mais j’ai l’impression qu’il a du mal de retourner dans sa région natale.

Quand il parle d’Adam et Ivan, je ne peux que hocher du chef. Ils sont les meilleurs armuriers que j’aie pu rencontrer, mon ami apprend beaucoup et selon moi il a un très bon avenir devant lui. Il a ses problèmes de caractère et de personnalité qui le freine, mais quand il arrivera à les surpasser, plus rien ne l’arrêtera pour devenir excellent. J’arque un peu les sourcils quand il parle de se réconcilier avec ses origines, ne commentant toutefois pas.

Je soupire alors que j’arrive à la fin de l’entretien de la première arme, voyant encore la quantité de travail qui m’attend et la lenteur avec laquelle je vais. Outre la conversation du blond qui me retient d’être pleinement concentrée, mon corps est encore fatigué, mes muscles me tirent et m’empêchent de déployer toute mon énergie. Je grogne doucement de frustration avant de relever le nez vers Sileas qui souhaite que j’assouvisse ma curiosité. Je m’arrête un moment dans mon travail, croisant les bras en réfléchissant, regard dans le vide. Oui, je suis curieuse, mais est-ce que je souhaite assouvir toute ma curiosité maintenant ?

Avant de ne trouver cette réponse, il vient me donner un compliment qui m’arrête dans mes réflexions. Je rougis légèrement de gêne avant de baisser le regard pour m’emparer d’une nouvelle arme à entretenir, une de mes épées restées enfoncées dans le cadavre du chouettours. Les dégâts sont considérables et semblent les mêmes sur deux autres lames. Je relève alors le regard vers le blond, affichant un petit sourire timide.

« Je ne sais pas si je suis si douée que ça en tant que forgeronne... Surtout que tu ne m’as pas vu réellement travailler. Mais... Je peux arranger ce dernier point. »

Je récupère mes cheveux et commence à les enrouler pour en faire un chignon que j’attache fermement. Je viens ensuite défaire légèrement mes vêtements pour devenir bien plus libre de mes mouvements sans pour autant révéler quoique ce soit d’indécent. Je commence des petits mouvements des bras et de la nuque pour chauffer bien plus mes muscles et articulations, essayant d’atténuer les tiraillements pour récupérer un maximum mes capacités.

« Je vais garder ma curiosité pour notre repas de ce soir. Je vais maintenant travailler réellement. Je risque de ne pas t’entendre parler, mais au moins ça ira bien plus vite, sinon nous serons encore là demain. »

Sans un mot de plus, je me mets au travail. J’inspire un bon coup en fermant l’œil, me vidant l’esprit complètement avant de l’ouvrir en affichant une expression parfaitement neutre. Sans plus attendre, je me plonge dans l’entretien des armes. Nettoyages, réparations, ajustements, aiguisages, il y a beaucoup à faire et certaines armes me demandent plus de travail que d’autres. Mais je continue ainsi pour les heures qui suivent, ne réagissant à rien de ce qui se passe autour de moi. Quand je termine une arme, je la pose et l’aligne sur une table avant de passer à la suivante sans attendre. Je ne fais même plus attention à si l’arme m’appartiens au non, piochant simplement dans celles qui ont besoin d’entretien sans aucune distinction. Je travaille bien plus vite, mes muscles chauffants me permettant d’augmenter progressivement la cadence. Je ne vois même plus le temps passer.

Quand enfin je pose la dernière arme et que je reviens à moi, je pousse un long soupir avant de laisser mon corps entier se détendre. J’ai un peu forcé malgré mon état, mes muscles risquant de me faire souffrir ce soir et demain matin, mais j’ai pu abattre une bonne quantité de travail. La nuit est déjà tombée, signe que j’ai travaillé sans relâche plusieurs heures d’affilée. Je relève alors le regard, cherchant le blond un instant avant de le trouver. Je lui offre ensuite un petit sourire satisfait même si mes traits indiquent que le travail m’a fatigué. J’aime ainsi pouvoir me dépenser de manière utile.

« On se nettoie un peu et on va manger ? »

Certes ils avancent lentement et l'entretien leur aurait probablement pris bien plus longtemps qu'estimé initialement, ainsi distraits dans leur tâche par cette petite conversation. Mais a aucun moment Sileas ne s'attendait aux paroles de la jeune femme. Arquant un sourcil quand il l'entend parler de lui montrer de quoi il est réellement capable, l'homme devient curieux de ce que la suite lui réserve. Sentiment exacerbé quand elle lui dit ainsi retenir sa curiosité pour encore quelques heures et se mettre sérieusement à travailler. Déjà qu'elle va plus vite que lui, alors si elle ne faisait que "jouer" pour le moment... Un sourire léger étire les traits du blond qui regarde ainsi Sia se mettre en conditions de travail, ne ratant pas une miette du spectacle. Tant celui professionnel que le second, offert par ce corps qu'elle révèle un peu plus en se mettant à l'aise.

Et très clairement, il est stupéfait de la vitesse à laquelle elle commence à travailler et nettoyer les armes face à elle. Hélas pour Sileas, cela veut dire la fin de toute conversation. Reprenant son propre entretien, il continue d'observer la forgeronne agir à un rythme rapide pour ne pas dire effréné. Il y'a une certaine beauté dans ses gestes, dans cette optimisation et ce travail qui se suit en un rythme rapide. Si le combat est une danse particulièrement complexe, le borgne retrouve un peu de ce tempo muet et pourtant vital dans la façon qu'a Sia de restaurer leurs lames émoussées et abimées. Lui même finit par se plonger dans la même routine, même si il possède une concentration moindre, n'étant pas dans son domaine de prédilection. Il s'occupe de ce qu'il attrape avec soin, mais bien plus lentement que la jeune femme qui débite le travail sans sourciller et à une vitesse infernale. Surtout que bien régulièrement, son œil unique se perd sur le spectacle qu'elle offre pour en profiter sans même s'en cacher.

L'après midi et le crépuscule passent ainsi, avant d'enfin finir cette montagne d'entretien qui était la leur. Et encore, il ne s'agit la que des armes, pas des armures. Cette dernière attendra demain quand l'homme retournera voir Herbert. Et sans que l'aventurier ne puisse le retenir, un léger rire échappe de ses lèvres aux paroles de la jeune femme, sans qu'il ne se l'explique, avant qu'il ne vienne lui répondre.

-"Bien volontiers. Je présume qu'il y'a de quoi faire ici directement ? En tout cas, tu es sacrément concentrée quand tu travailles, et un bon repas est bien le moins que je puisse t'offrir, vu que tu t'es occupée de la majorité de l'entretien à toi seule. Je ne pouvais pas suivre ton rythme !"

Se redressant pour de bon en s'étirant, l'homme finit par ranger ce qui doit l'être dans son sac avant de le remettre en place. Que ça fait du bien de posséder enfin un de ces spécimens enchanté dont le poids n'a aucune importance. Déjà les pensées de Sileas se portent sur tout ce qu'il pourra fourrer dans ce sac de mission sans limites ni restrictions, si ce n'est celle de taille maximum. Mais avant de se perdre trop loin, il revient à sa comparse qui l'attend surement. Ce serait dommage de se perdre deux heures dans ses pensées alors qu'ils viennent déjà de passer l'après midi à travailler sans aucun répit. Remontant à son niveau, il vient lui offrir un petit geste de la tête sans perdre son fin sourire en coin.

-"Tu connais les lieux, je te suis."

Laissant la demoiselle les guider dans l'atelier jusqu'au coin où ils peuvent ainsi jouir de tout le confort nécéssaire pour se laver et retirer tant l'odeur de métal que les poussières d'acier et les divers produis d'entretien, Sileas réfléchit dans son coin, finissant par continuer sa pensée en mots.

-"Il faudra que tu me montres comment tu fais pour entretenir si vite ton matériel. J'imagine pas le nombre d'heures que je gagnerais avec ta technique, vu la régularité avec laquelle je suis obligé de passer sur l'intégralité de mon équipement pour le remettre en état."

Bon, il ne l'assume peut être pas pleinement, mais la raison est aussi d'avoir une bonne excuse pour arriver à repasser du temps avec la forgeronne et surtout la voir aussi passionnée. Il y'a quelque chose de particulièrement agréable et attirant de voir ainsi l'étoile d'argent exprimant sa passion pour ce qu'elle aime, et toute excuse est bonne pour pouvoir apercevoir de nouveau l'éclat que la demoiselle laisse exprimer quand elle se concentre ainsi pour oublier le monde extérieur et se plonger dans un état qui n'est pas sans lui rappeler celui que lui même arbore au combat et durant ses transes de bataille.

Enfin ils arrivent dans une petite salle d'eau, prévue spécialement pour permettre aux ouvriers et artisans de se nettoyer après une longue journée. Retirant ses gants, et finalement même sa tenue de cuir entière, l'homme n'hésite absolument pas à finir torse nu avant d'attraper du savon et commencer à se nettoyer les mains, les avants bras, puis le visage et chaque parcelle de peau recouverte de poussière métallique ou d'un quelconque produit d'entretien. Tout ça peut vraiment s'incruster dans la peau, et il préfère se décaper un bon coup plutôt que de passer trois jours à le faire ensuite. Et même si l'odeur du métal ainsi frappé est loin d'être désagréable, celui des acides et huiles l'est déjà beaucoup plus, surtout pour aller au restaurant. Une fois le nettoyage terminé, le blond attrape un linge pour se sécher, se rhabillant rapidement avant de reprendre avec un sourire pour la demoiselle.

-"Si mademoiselle est prête, je vais lui demander de me suivre pour enfin pouvoir se sustenter !"

La quantité de travail abattue est déjà impressionnante au vu de mon état et du peu de temps que j’avais. Le blond m’a aidé, même si bien plus lentement et moins efficacement et cela nous a permis d’au moins finir nos armes. Il lui reste son armure et la mienne, mais je pense personnellement voir pour m’en faire une nouvelle en demandant des conseils à Adam. Sileas va sûrement retourner voir Herbert pour la sienne avant d’aller au Nord quand il en aura l’occasion. Je m’étire encore un peu avant de guider le blond à travers le petit bâtiment.

« Tu comptes devenir forgeron ? Sinon tu n’arriveras jamais à avoir cette technique. Beaucoup d’entrainement, une quantité incroyable de travail et surtout je fais cela depuis que j’ai... environ 14 ans je crois ? Mais je peux certainement te montrer quelques trucs. J’avoue ne pas avoir beaucoup observé ta technique, mais on pourrait se prévoir cela à l’occasion. »

Je souffle un petit rire, joignant mes mains derrière ma tête avant de continuer sur un ton enjouer.

« Et puis, il n’y vraiment qu’avec la quantité de travail que ça vient. Il n’y a pas de secret. Je pense que ce qui a été le plus formateur, c’est un jour où après une prise de tête mon maître m’a fait faire l’entretien complet du magasin. J’ai dû m’occuper d’entretenir l’inventaire complet et nettoyer les lieux avant d’avoir le droit d’à nouveau entrer dans la forge. Donc j’ai développé des raccourcis pour accélérer mon rythme et j’ai appris à minimiser les gestes parasites ainsi. C’est beaucoup d’expérience finalement, il n’y a pas de solution miracle. »

Nous rejoignons la petite pièce servant de vestiaire pour les employés, un lieu où ils se changent et se lavent sommairement avant de rentrer chez eux. Il n’y a ni bain ni douche ici, mais des lavabos pour se rincer et des seaux pour ceux qui ont besoin d’un brin de toilette un peu plus prononcé. C’est rudimentaire, mais suffisant pour le budget que mon père a. Je récupère un linge et du savon et commence par me laver les mains avant de retirer mon haut. Je me retrouve torse nu à mon tour et commence un nettoyage pour supprimer autant que possible l’odeur du travail. Un bon bain sera des plus agréables avant le coucher, mais je n’ai pas le temps de m’en trouver un avant d’aller manger.

Je profite aussi de cette occasion pour changer de haut, mettre quelque chose de propre, même si ce n’est pas très élégant pour une sortie au restaurant. Est-ce que l’on peut parler de rencard ? Je rougis un instant à cette idée avant de la chasser. Je ne me suis jamais intéressée à ce genre de choses et je ne dois pas trop y penser, je n’ai pas le temps pour cela. Je termine mon nettoyage et débarbouillage avant de me sécher et m’habiller. Mon regard glisse un instant sur le torse nu du blond avant de m’en détourner pour lui laisser son intimité.

Quand nous sommes enfin prêts, nous récupérons nos affaires et je nettoie rapidement les lieux de notre passage pour ne pas contrarier mon père. Je lui laisse également un petit mot dans son carnet de commandes pour lui dire que je suis passée et ce que j’ai emprunté pour éviter que ses apprentis ne subisse son courroux par ma faute. Quand c’est choses faites, je rejoins le blond avec un air enjoué. La journée de travail touche à sa fin, les apprentis s’occuperont donc de fermer la boutique derrière nous. Nous quittons les lieux et je commence à suivre l’aventurier pour qu’il nous emmène vers un lieu où remplir notre ventre.

« Je vous suis très cher. Je fais confiance en vos choix gastronomiques. »

Avec un large sourire, je viens à nouveau récupérer son bras, lâchant même un petit rire. Pour le moment je ne pense à rien, je profite juste de l’instant et de cette agréable compagnie après une bonne journée de travail.