Une fois la nuit tombée sur le bon pays d'Aryon, la citoyenne quitta la Capitale et ses tavernes pour rejoindre le Grand-Port via le portail de téléportation. De par son métier, elle voyageait là où un client en avait besoin, aussi elle était habituée à la ville et ses rues. Les honnêtes travailleurs étaient rentrées tandis que les ivrognes et les criminels étaient sortis de leurs tanières pour commettre leurs méfaits. La blanche alla de rue en rue à la recherche de ce fameux établissement, le « Phasmo ». Une taverne lugubre où, disait-on, le patron et les clients étaient tous des fantômes et autres monstres hantant vos pires cauchemars. Plusieurs clients avaient perdu l'esprit en y allant et racontaient à qui voulait l'entendre de manière totalement hystérique que ce lien hanté était maudit par toutes les âmes en peine d'Aryon. On y servait apparemment les têtes décapités encore fraîches de vos proches dans une belle assiette en porcelaine et des boissons à base de boue et de sang. Entre autre, un lieu sacrément morbide, et Astrid voulait vérifier par elle-même si c'était le cas ou pas.
Au bout d'un moment, elle arriva devant ce qui semblait être la taverne tant recherchée. Il était même dur de se tromper. Plus qu'une taverne, on aurait dit un manoir. En fait, c'était un manoir. La façade de l'établissement était en ruine et en bois pourri, des chauves-souris étaient perchés sur les lampadaires et sur le toit, et une drôle de fumée s'échappait d'en dessous de la porte. On aurait pu s'attendre à un silence de mort, mais ce fut tout le contraire. Des cris s'échappaient du lieu. Des cris aigus de peur, des rires gras d'un quelconque psychopathe vous donnant froid dans le dos….Hm. En levant les yeux vers les fenêtres de l'étage, elle crut apercevoir dans l'obscurité des visages livides l'observer avec toute la haine du monde.
La citoyenne avait vu trop de choses dans sa longue vie pour avoir peur - après tout elle avait combattu un Fenrir et son ex-femme elle-même était un fantôme, puis dans un monde comme Aryon où on pouvait relever des morts et combattre des araignées géantes, mieux valait être courageux - mais ça ne l'empêchait pas de frisonner un tout petit peu et de se dire un instant que rentrer chez elle était peut-être une meilleure idée.
Non.
Elle avait une mission à accomplir.
En prenant une grande inspiration, elle posa sa mains sur la poignée en forme de tête de mort et la tourna lentement, et la porte s'ouvrit tout doucement, en grinçant.
Puis, soudainement, le cri d'une jeune femme transperça la nuit sans fin.
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-CUL-SEC CUL-SEC CUL-SEC !
-KYAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA !
-HAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHA !
Une énième chope à bière déposée lourdement sur la table sous les clameurs des autres clients qui tapèrent dans leurs mains de joie et d'excitation. Juste après, la même jeune femme aux cheveux blancs jongla avec des cacahuètes avant de les lancer en l'air et les attraper avec la bouche, finissant sur un dab.
-UNE AUTRE BIÈRE ! S'exclama Astrid en se passant le dos de la main sur ses lèvres pour se nettoyer.
Contrairement à ce qu'elle aurait pu penser, le lieu n'avait rien de ce que certaines personnes avaient pu dire, et loin de l'idée qu'on pouvait se faire en jugeant la façade de l'établissement. Lumineux, avec des clients chaleureux – pour la plupart -, des serveuses avec de jolies formes et une bonne bière de qualité à un prix abordable. Tout ce qu'on pouvait rêver d'une bonne taverne quoi.
-Pwah, franchement je vois pas pourquoi les gens disent que l'endroit est hanté ! Puis les visages que j'ai dû voir à l'étage tout à l'heure venaient probablement de mon imagination ! Hahahahaha !
-Ah ça ! Répondit un client en tapant dans le dos de la citoyenne. Les rumeurs les rumeurs ! T'inquiète pas pour ça !
-Ouais ouais je m'inquiète pas ! Par contre euh, c'est quoi la porte avec des panneaux rouges et l'avertissement « ATTENTION » dessus ? C'est pas que ça m'intrigue mais ça m'intrigue quand même.
-Boaaaarf, faut pas faire gaffe ! Je te conseille de pas y aller ! Tu veux d'autres cacahuètes ?
Au même moment, de manière tout à fait imprévisible, 3 personnes sortirent en trombe de la porte qui connectait vraisemblablement la grande pièce principale de la taverne au reste du manoir et aux étages supérieurs. Blancs comme neiges, les yeux injectés de sang, la bave aux lèvres, ils ne prirent même pas la peine de regarder autour d'eux et coururent droit vers la porte de sortie en poussant des cris de damnés. Là où cela surpris la citoyenne qui regarda le phénomène avec des gros yeux, cela n'eut pas l'air de surprendre les autres clients qui continuèrent leurs activités comme si de rien n'était.
-Euuuuh…Ils ont vu leurs parents entrain de forniquer avec des singes alcooliques ou comment ça se passe ?
-Encore des idiots qui n'ont pas écouté mon avertissement ! Bwaha !
Ok. Les rumeurs n'étaient donc pas totalement infondées huh ?
….
Mais d'abord, picoler !
Elle voulait juste finir sa tournée, car l'endroit où elle avait ses habitudes avait fermé prématurément car le propriétaire et ami de la garde s'était battu contre une bande de peigne-culs et avait fichu tout le monde dehors, Biezdań compris. Elle ne savait pas trop pourquoi, mais ce soir-là, elle voulait juste boire, et avait tourné dans le Grand-Port, sans trouvé taverne à son pied.
Alors que, la mort dans l'âme, elle allait rebrousser chemin vers le Bastion, elle avait été alpagué par une petite vieille haute comme trois pommes, sentant fortement la vieille prune.
- Bha alors mon p'tit bout, on s'promène, on est toute seuuuule ? Lui demanda la mamie d'une voix nasillarde. Elle posa une main aux doigts crasseux sur l'avant bras de Kemenes. Déjà un peu ivre, l'amiral ne se méfia pas outre mesure de cette petite baboushka.
- Euh. Oui.
- Tu cherches un endroit où crêcher mon bichoooon ?
- Un endroit où boire et manger surtout. Répondit la jeune femme avec une candeur presque étonnante pour une adulte. La vieille femme éclata d'un rire de sorcière et tapota gentiment son avant bras.
- Viens, viens ma petite caille. Je connais tout juste l'endrooooit. Et elle entraîna Kemenes, s'accrochant à son bras comme une grand-mère à sa petite fille, clopinant gaiement à ses côtés. La garde remarqua que la mamie faisait tomber des petits cailloux blancs le long de leur chemin.
- Vous semez des petits cailloux là, Grand-Mère. Lui dit la garde, avec curiosité.
- Fais pas gaffe. Répondit la mamie d'une voix rocailleuse. - Qu'est ce que je donnerais pas pour une roulée là.
Bref, voilà comment Kemenes Biezdań, amiral de la Navale, se retrouva devant la devanture du Phasmo, une sorte de manoir, taverne, B&B étrange, tombant presque en ruine et franchement pas accueillante. La garde cligna plusieurs fois des yeux devant ce bâtiment qui menaçait de s'effondrer à tout moment. Elle se tourna pour questionner la grand-mère, mais cette dernière avait disparue dans la nuit. Kemenes regarda autour d'elle, pas une trace de la vieille dame. Il ne restait que son odeur de vieille prune, qui donna encore plus envie à la jeune femme de boire un coup. Elle s'apprêtait à y entrer quand quelque chose attira son attention : elle se sentait observée. Était-ce encore la mamie ? Avait-elle trouvé ses clopes ? Biezdań leva instinctivement la tête et, au dessus de ce qui devait être la taverne, il y avait un étage avec des grandes fenêtres. Mais ce n'était pas ça le problème. Les fenêtres étaient jolies, avec un cadre gothique, un peu vieillot et bien sûr en très mauvais état comme elle l'avait remarqué plus tôt. Mais ce n'était pas ça le problème. Certains carreaux étaient cassés, et on pouvait entendre le vent geindre à travers les vitres. MAIS CE N'ETAIT PAS CA LE PROBLEME.
Le problème c'était ces visages blafards, déformés, qui fixaient la garde de leurs orbites vides.
Oui c'était vraiment un problème. La jeune femme resta un moment interdite. Elle cligna une fois fortement des yeux, pour faire partir l'hallucination, mettant ça sur le compte de l'alcool et la fatigue. Cela ne changea strictement rien, les faciès grimaçants étaient toujours là et se mouvaient étrangement, comme appâtés par le fait d'avoir été remarqués. Kemenes réagit presque sans réfléchir. Elle fit un sourire désabusé et tout en s'avançant raide comme piquet vers la porte d'entrée, elle salua les visages très poliment en hochant du chef.
- Bonsoiiiiir. Dit-elle d'une voix toute drôle. Et elle pénétra dans la taverne.
Voilà comment, à présent, elle était là, devant cette horde de saoulards qui piaillaient, chantaient et avalaient leur commande cul-sec. Devant ce tableau un peu plus réaliste et rassurant, Kemenes poussa un soupir de soulagement. Quelques visages se tournèrent vers elle et l'accueillirent en levant leur verre. L'amiral se fraya un chemin parmi tout ce petit monde en train se goudronner le vestibule et trouva une place non loin d'un petit groupe agglutiné autour d'une jeune femme aux cheveux blanc, particulièrement bruyante.
Kemenes commanda cinq shots de vieille prune, ne pouvant plus attendre. Elle avait besoin de décompresser.
Elle aussi remarqua les trois personnes sortir tout blanc comme des popotins de la grande porte, en criant comme des pourceaux qu'on allait égorger. Tout en écoulant deux premiers shots, elle ne put s'empêcher d'entendre la femme aux cheveux blanc demander d'une manière délicate ce qui leur arrivait, ce en quoi, ce qui devait être le gérant de l'établissement, lui répondit qu'ils n'avaient pas écouté son avertissement. Un avertissement ? Hein ?
L'homme était d'ailleurs assez curieux. Habillé tout de blanc, avec une veste queue de pie et une petite fleur rouge dans la poche de sa veste, il était immaculé, chose pour le moins étrange quand on voyait le taudis dans lequel il évoluait. Même ses chaussures étaient impeccablement cirées et blanches de surcroit. Ses cheveux étaient gominés et plaqués en arrière, avec une raie au milieu de son crâne. "Fallait oser pour la raie de cul sur la tête…" Pensa Kemenes en finissant son dernier shot. Alors qu'elle allait recommander, son regard croisa celui de la blanche, qui ne semblait plus s'arrêter de boire elle non plus.
Alors que sa énième bière arrivait, le regard de la blanche croisa celui d'une autre jeune femme apparemment venue en solitaire comme elle. La première chose qu'elle remarqua ne fut pas son apparence qui sortait de l'ordinaire, mais plutôt...les 5 petits verres vides devant elle. Eh bien, une personne qui boit ainsi ne peut qu'être de bonne compagnie ! Probablement. Quant à son apparence, la femme à tout faire devina une sorte d'hybridation quelconque avec un poisson ou animal marin. Mais dans tous les cas, elle n'était pas désagréable à l’œil – Astrid était pas trop difficile fallait dire - et elle le fit savoir avec un bon vieux clin d’œil et une blague de son cru :
-Est-ce que ce serait pas une jolie sirène que je vois là? On se sent comme un poisson dans l'eau dans cette taverne hein ! Ou dans l'alcool. Haha !
Nulle inquiétude. Elle n'était pas ivre. Enfin, pas totalement. Parce que sinon ça aurait été bien pire.
Cela dit, elle prit une grande gorgée de sa nouvelle bière et en fut totalement satisfaite. Elle fut si satisfaite qu'elle le fit prestement savoir avec un :
-Buuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuurp.
Ayant rayé de sa liste les priorités « alcool, blague, et drague » elle finit enfin par s'intéresser à ce qu'elle avait vu tantôt. Toujours avec son verre à la main qu'elle sirota plus lentement, elle demanda à l'homme habillé en blanc. Choix osé dans une taverne d'ailleurs, car ce genre d'habit pouvait rapidement être taché. Du sang, de la pisse, ou du vomi. Des taches qu'Astrid avait sûrement sur ses vêtements maintenant qu'elle y pensait.
Bref.
-Bon alors, c'est quoi cette histoire d'avertissement ? Y'a quoi derrière cette porte ?
Silence. Pas seulement de l'homme, mais également de l'ensemble de la taverne. L'un des clients marmonna un « Par encore… ! » exaspéré. Tout en haussant un sourcil, se demandant bien pourquoi il y avait une telle réaction des autres soûlards, Astrid continua à siroter sa bière en faisant autant de bruit que possible pour combler.
-Une autre person….
-SLUUUUUUUUUUUUUUUUUUURP.
-Une autre personne bien curi...
-SLUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUURP.
-Ahem.
-Oops pardon. Vas-y continue mon vieux.
-Je disais….
-Burp.
Le silence se fit plus lourd dans la salle et l'homme regarda la femme à tout faire comme si elle était attardée. Ce qui n'était pas loin de la vérité.
-Donc….Je te jure que si tu te mets à tousser maintenant…
Avertissement qui frappa juste, car la chieuse avait pris une grande inspiration, prête à cracher ses poumons comme un fumeur de cigare vétéran et s'arrêta au beau milieu, coite.
-Il n'y a qu'horreur et désolation derrière cette porte, jeune fille, avec cette question. Tu pourrais très bien perdre l'esprit et devenir folle, comme bon nombre de personnes avant toi si tu cherches à assouvir ta curiosité. En sachant cela, es-tu encore prête ?
Se curant le nez, l'alcoolique répondit :
-Ouais ouais, vas-y balance.
Poussant un petit soupir, à cause de l'attitude d'Astrid ou tout simplement parce qu'une autre personne allait perdre la tête, l'homme reprit :
-Tout a commencé il y a….
-La version rapide ?
-Je suis le propriétaire de la taverne et du manoir, il est hanté, et chaque soir des gens trop curieux passent quand même la porte interdite à leurs risques et périls.
Hmmm. La citoyenne ne savait pas si c'était à cause de la version courte, mais tout ça avait l'air d'être difficile à croire...et il manquait des détails. Donc l'endroit était vraiment hanté ? D'une certaine manière, ça expliquerait les rumeurs, l'apparence lugubre, et les personnes qui étaient sorties en courant. Puis des fantômes ce ne serait pas si étrange dans un monde comme Aryon. Cela dit…
C'était plus vraiment Halloween.
Hmm.
-J'peux jeter un coup d’œil sans soucis du coup ?
-C'dommage, je l'aimais bien la ptite. Commenta un client.
-Tout comme les précédentes personnes que tu as vu qui ont pris leurs jambes à leur cou, tu es libre de le faire...mais tu ne pourras pas dire qu'il n'y a pas eu d'avertissement. Par contre, il faudra être au moins 2, et vous avez des outils derrière le comptoir pour vous aider dans votre… « chasse ».
Drôle de condition, mais Astrid n'y voyait pas d'inconvénient. Elle avait la personne parfaite pour ça. Avec son éternel sourire narquois, elle se leva et se dirigea vers la femme hybride. Prenant une chaise, elle s'installa à côté d'elle et lui donna un coup amical dans le dos.
-Voilà ma partenaire ! À voix basse elle lui dit : Je te paierai des verres après si tu me suis, gamine, heh.
Comme à son habitude, la blanche impliquait des personnes innocentes qui n'avaient rien demandées....mais ça la faisait rire et ça l'amusait clairement, et ça se voyait.
- Je suis quasiment sûre que tu me devras plus que de la bibine, au vu du bourbier où tu veux m'embarquer la Blanche. La garde englouti son autre verre de vieille prune. - C'est quoi cette histoire d'outils là Gomez ? Demanda la garde. Le petit homme tout en blanc sursauta.
- Go...Gomez ? Mais je ne-
- Quels outils ? Quelle chasse ? C'est quoi cette entourloupe ? Sans s'en rendre compte, Kemenes avait pris une pause menaçante, et dévoila ses canines. Ses muscles étaient bien dessinés avec le jeu de lumière de la taverne et ses pupilles dilatées paraissaient inquiétantes. Le propriétaire prit un air doucereux, et se frotta les mains d'un signe d'apaisement. il émit un petit gloussement.
- Voyons, voyons nul besoin de s'énerver, soldat. Comme je l'ai expliqué, mon manoir est hanté. Outre quelques fantômes pas trop menaçants, il y a une entité qui pose soucis. Jamais personne n'a pu déterminé sa nature. Ni les prêtres de la Grande Lucy ni les exorcistes en tout genre. Malgré mes avertissement, votre acolyte ici présente souhaite passer la Porte. Pour se faire il vous faut vous équiper.
L'homme se dirigea vers le comptoir, passa un instant derrière et en sorti un sac en cuir tout usé. La salle était étonnamment calme. Tous suivaient du regard le propriétaire. Certains regardaient d'un air vide Kemenes et la blanche. les serveuses ne bougeaient plus, elles aussi alors que certaines avaient des plateaux de commandes en main. La garde soutenait leur regard quelques instants, pour s'apercevoir que certains ne clignaient quasiment pas des yeux. Elle se pencha vers sa nouvelle partenaire pour lui chuchoter :
- Ils ont gelé sur place ou quoi ? Elle montra du chef certains clients qui ne bougeaient plus, tels des paralysés, comme si ils avaient cessé de fonctionné.
Gomez, car l'amiral avait décidé que ça serait son nom, amena le sac de cuir vers les jeunes femmes. Il le posa avec précaution sur leur table, repoussa d'une main spectrale les verres vides de Kemenes. Curieuse, la garde se pencha en avant pour voir ce qu'il pouvait bien y avoir à l'intérieur. Puis, voyant que la clientèle était toujours dans une sorte de transe, elle fit part de son interrogation à Gomez.
- Oh. Je vois. Ils sont tout bonnement inquiets. Répondit-il avec élégance, en désignant l'assistance.
- Inquiets mon cul. La voix avait fusé de la foule. Un des sourcils du tenancier tressauta. Il se retourna vers les clients.
- Mes amis, je vous en prie, la soirée ne fait que...Commencer. Il avait terminé sa phrase avec un ton mystérieux et un grand sourire carnassier. "Berk, il a les canines jaunes le boug'." Observa la jeune femme avec un rictus de dégout.
L'assistance resta d'abord quelques secondes muette. Puis comme d'un accord, reprit en un seul instant vie. La joyeuse ambiance reprit alors de plus belle, certains éclatèrent d'un rire un peu trop forcé au goût de Kemenes. Quelque chose dans l'air avait changé. Certains des clients lançaient des regards indescriptibles aux jeunes femmes, certains faisaient des signes de croix en ricanant. La garde eut même l'impression de voir un des ivrognes avec les yeux totalement noirs. Elle secoua légèrement la tête, pour faire partir cette illusion digne des faciès bizarroïdes de dehors.
Gomez se retourna vers, pour leur révéler enfin le contenu du sac. Il sorti alors un petit tissu de velours rouge, qu'il étala sur la table avec des gestes exagérés, qui se voulaient minutieux et pleins de grâce.
Ensuite, il sorti un à un les objets suivants : un vieux thermomètre médical, un livre de coloriage pour enfants, une boite à meuh et une boule à neige avec le château de la Reine dedans. Il aligna chacun de ces objets avec cérémonie sur la table, en prenant soin qu'ils soient bien exposés. Il mit d'ailleurs une éternité à tous bien les placer, décalant un peu la boite à meuh plus à côté du livre, le thermomètre un peu plus à droite, il épousseta un peu plus la boule à neige, la secouant pour que la neige virevolte sur la château, il vérifia plusieurs fois que le live était bien droit. BREF IL EN METTAIT DU TEMPS POUR DES BROUTILLES BORDEL. Kemenes se râcla la gorge s'impatience. Il arqua un sourcil désapprobateur, comme si elle n'y connaissait rien.
- Vous avez oublié la barbie avec tout ça. Dit la jeune femme en s'affalant sur son siège. Elle avait la cervelle en terrine et souhaitait juste en finir au plus vite, au point d'en oublier les convenances. Et puis, elle avait l'impression que le comportement de sa nouvelle comparse déteignait légèrement sur elle.
- Vous les jeunes...Répondit Gomez avec un soupir agacé.
Kemenes lança un regard à la blanche en roulant des yeux.
-Faut pas énerver ma pote Gomez ! Elle peut facilement avoir une dent - pointue - contre quelqu'un. Heh.
Une blague qui aurait habituellement été accueillie soit avec des rires, soit des soupirs exaspérés de la part du public. Sauf que le public en question n'avait pas l'air trop réceptif pour une raison X ou Y. À un moment, la femme à tout faire cru bien que le temps s'était arrêté, ou que elle avait activé son pouvoir de vitesse du son (qui accélérait ainsi sa réflexion et ralentissait le monde autour d'elle) sans s'en rendre compte. Mais la réaction de sa partenaire du moment lui indiqua que...c'était une scène bien plus bizarre qu'elle ne l'aurait pensé.
-Euh, ptet qu'ils ont…j'sais pas…la diarrhée ? Une diarrhée magique qui les tétanise ? Hmm merde, j'aurais ptet pas dû boire et manger ici.
Elle ne le pensait pas vraiment mais n'avait pas de véritable réponse à apporter face à ce mystère des plus étranges. Qui n'était pas si étrange que ça en réalité en Aryon puisqu'une diarrhée magique ayant frappé un restaurant au nom de Buitoni vendant des pizzas aurait en effet, il y a une dizaine d'année de cela, figée des gens qui ne purent bouger pendant quelques heures, bloqués dans leur dernier mouvement pendant que leurs boyaux se vidaient à même le sol. Bref, sale histoire. Très sale histoire, surtout pour le nettoyage.
Heureusement pour Astrid qui soupira de soulagement, ce n'était pas à cause de ça. Les clients reprirent vie et la citoyenne put s'intéresser aux objets devant elle tout en continuant à picoler. Il n'y avait pas à le dire mais ces objets étaient pour le moins...excentriques pour une chasse aux fantômes. Tout en haussant les épaules, elle rangea les objets minutieusement déposés en vrac dans le sac et demanda :
-D'autres informations peut-être ?
-Hmm. Les équipes précédentes ont laissé d'autres objets qui vous seront sûrement utile.
-Rien sur les entités ?
L'homme secoua la tête, mais afficha un sourire en coin. Il ne voulait de toute évidence pas révéler certaines informations. Bah.
Plus sérieusement, même si Astrid était essentiellement motivée pour assouvir sa curiosité, tout travail méritait récompense, aussi elle n'hésita pas à mettre ce sujet sur le tapis :
-Et sinon Gomez, qu'est-ce qu'on y gagne dans tout ça ? Pourquoi tant de personnes tentent leur chance malgré les avertissements et tout le reste ?
-On dit qu'un trésor s'y trouve, alors forcément ça attire.
La femme à tout faire haussa les sourcils, perplexe et peu convaincue par cette histoire de trésor. Franchement, en l'an 1002, qui tomberait encore dans ce piège débile de trésor caché ? Mis à part les aventuriers, et encore….
-...mais il y a aussi la promesse de bière gratuite dans mon établissement pendant 1 an, et sinon il y a aussi….
-Pas besoin d'en dire plus ! Allez hop hop hop, on se met en route ma petite, allons-y, Alonzo ! L'avenir d'Aryon repose sur nos épaules !
D'un pas bien décidé et déterminé, la blanche se dirigea vers la porte, non sans claquer les fesses d'une serveuse sur le chemin qui poussa un cri indigné.
-Ça porte chance ! C'est comme un charme ! Heh !
Sans crier gare, elle ouvrit la porte violemment qui sembla souffrir le martyre tant elle grinça et Astrid hurla :
-Prêt ou pas, ON ARRIVE !
Contre toute attente, les lumières étaient allumées de l'autre côté de la porte. C'était déjà ça et assez rassurant. Par contre, il y faisait si froid que la chieuse eut la chair de poule, contrastant avec la chaleur qui irradiait de la salle principale de la taverne derrière elles. La citoyenne fit un pas en avant et eut une petite grimace en entendant le sol craquer et grincer. Mais outre tout cela, le plus embêtant était le bruit ambiant qui rendait l'atmosphère lourde. Ce n'était pas exactement un silence clair, mais plutôt étouffé. Comme si on se bouchait les oreilles. Ce qui était étrange aussi, c'est qu'elle n'entendait plus du tout le brouhaha ambiant de la taverne alors que la porte était encore ouverte derrière.
-T'ENTENDS LA MÊME CHOSE QUE MOI? Demanda-t-elle à sa comparse en haussant un peu la voix par peur de ne pas être entendue.
Par curiosité, elle sortit et le bruit disparut pour laisser place aux bruits des clients. Elle entra de nouveau, et le bruit revint de nouveau tandis que plus rien ne venait de la taverne. Elle tenta l'expérience 5 ou 6 fois sous les regards interrogateurs des clients et du patron qui avait l'air tout à fait perplexe :
-Euh...Tout va bien ?
-Ah ? Ouais ouais tout va bien. L'insonorisation est vraiment tip top de l'autre côté, ça m’impressionne de fou. J'suis sûre qu'on pourrait nous égorger et crier à l'aide une fois dedans qu'on nous entendrait pas ! Hahaha !
Pour n'importe qui ça n'aurait pas été la nouvelle la plus rassurante qui soit, mais pour Astrid, ce n'était qu'un détail. Aussi, elle s'enfonça un peu plus dans le manoir en compagnie de l'hybride, et fidèle à sa réputation de clown, elle ne put s'empêcher de faire une autre blague:
-Hey ma ptite, tu sais c'est quoi le comble pour un fantôme ?….De faire du mauvais esprit. Hehehe.
….
Et tout d'un coup, les lumières s'éteignirent, la porte derrière elles se referma en claquant lourdement, et le vent souffla, laissant presque entendre un « nuuuuuuuuuuul ».
-Oh. Ok...
- Il est pas gêné 'cui là. Grogna la garde en se frottant les tempes. - Au fait, moi c'est Kemenes. Enchantée ma jolie. La militaire n'avait plus vraiment de filtre, et donc laissait un peu sortir tout se qui passait par son petit cerveau de poisson poché à vieille prune.
La garde se détourna de sa compagne de mésaventure pour regarder un peu plus où elles avaient atterrit. C'était comme si elles avaient pénétré dans un manoir d'une famille de petite noblesse. La pièce ressemblait à une entrée, avec deux escaliers en marbrer partant des deux côtés opposés, pour se rejoindre au sommet du premier étage. Il y avait au centre, une cheminée où un feu crépitait faiblement, avec deux fauteuils crapauds capitonnées d'un vert douteux et usé placés non loin du foyer. Kemenes parcouru du regard l'endroit, qui semblait abandonné, aussi bien par son aspect insalubre que par son ambiance lugubre. Elle poussa un soupir résigné et se mit à jouer avec le thermomètre, faisant mine d'utiliser une baguette magique.
- AVADAAAA...Se mit-elle à entonner sans vraiment réfléchir - KEM A DES BRAAAS AHAHAHA !
Une deuxième bourrasque, plus forte celle-ci, se mit à souffler laissant clairement entendre un "super nuuuuuuuuuuuuuuuuuuul''. La jeune femme, blasée, fit retomber son bras.
- Je crois qu'on essaye de nous faire passer un message là. Dit-elle d'un voix morne à la blanche en haussant les épaules. Elle s'empara de la boîte à meuh et refila le livre de coloriage et la boule à neige à l'autre rigolote. - Je suppose qu'on doit explorer les lieux et voir c'est quoi cette histoire d'entité à chasser là. Je déteste qu'on se fiche de ma poire, si on croise que des araignées et des mulots il va m'entendre l'autre empaffé du dimanche, avec sa redingote de pingouin de la Capitale. Grommela la garde en examinant la vache dessinée sur la boîte à meuh. elle était très bien dessinée, elle faisait un clin d'œil et tirait la langue, meilleure vache de tout d'Aryon.
- Elle est vraiment trop bien dessinée cette vache n'empêche. C'est pas tout le monde qui peut réussir à en dessiner des biens en vrai. Y'à toujours un truc qui manque ou qui rend le dessin un peu dérangeant, tu vois ce que je veux dire ? Mais là nan c'est bien fait, c'est i-mma-cu-lé. Vraiment, chapeau l'artiste. Alors que tu vois, les chevaux, les dessins sont toujours bien. On pourrait se demander pourquoi hein ? Y'a peut-être un favoritisme sous-jacent là dedans. Les chevaux c'est nos montures, nos compagnons, nos lasagnes...Mais les vaches dans tous ça ? T'en vois beaucoup toi, des vaches sur des tableaux épiques ? Des princes avec leurs vaches ? Bha nan. Alors que c'est super gentil une vache. Et les veaux je te raconte même pas, a-do-rable. Trop, trop gentil. Ca a le même affect qu'un chien, ça adore les câlins, mais on préfère peindre des chevaux et des chiens, genre la chasse à couuuur mais pas les jolies vaches avec leurs veaux dans les champs, donc cette boîte à meuh, elle fait plaisir tu vois, ça change un peu. Je trouve que-
- MAIS ELLES VONT S'Y METTRE LES GONZESSES OU QUOI LA BORDEL ?! Hurla une voix de derrière la porte menant à la taverne.
- OH IL VA SE DETENDRE DEUX SECONDES LE TREPANE DES BURETTES OU C'EST PAS L'ENTITE QUE JE VAIS FARCIR MAIS BIEN TON C-
Une porte claqua très fort, à cause d'une énième bourrasque. Bourrasque heureuse, qui masqua le joli mot qu'allait employer notre amiral en chef. Elle pesta contre la porte et y décrocha un coup de pied rageur, pour se retourner vers sa compagne, qui faisait on ne sait trop quoi. Kemenes sonda un moment son esprit embué, puis eut une sorte d'illumination.
- Pourquoi il y'a du feu, aussi moche et mal entretenu soit-il, alors que cette bicoque à l'air aussi abandonné que ma vie sociale ? Demanda la jeune femme en sortant une flasque d'une poche de son pantalon. L'illumination n'était pas l'interrogation sur le feu. Non, non. C'était de s'être rappeler l'existence de sa petite bouteille. Par contre, pour le continue, vide total. Bah, elle verra bien. Elle prit une lampée du liquide de la petite bouteille tout en inspectant autour d'elle. Bonne âme, elle tendit la flasque à la jeune femme à la chevelure blanche, en prenant bien soin de garder la flasque en main. Elle savait très bien que l'autre énergumène aurait été capable de tout lui siffler et ça, c'était niet.
- Bon on fait quoi. Gomigomez nous a donné ses trucs là, ça doit bien pouvoir servir à quelque chose. Ce son ambiant là, c'est insupportable, on va poutrer son entité de mes deux et rentrer à la maison hein. A ces mots, elle retourna la boîte à meuh. - On sait même pas où il est ce grand fantôme. On doit faire quoi au juste, passer de pièces en pièces comme des bouffonnes en entonnant "Ou êtes-vous ? Donnez-moi un signe ? Où vous ?" C'est débile !
Alors qu'elle continue de tourner et retourner la boîte à meuh sans vraiment en tenir compte, la boîte se mit à grésiller, et la voix joyeuse de Clothilde la vache aryonnaise fut remplacer par une voix plus caverneuse, comme venue d'outre-tombe, pour prononcer ainsi ces mots :
- Derrière vous.
-Bah moi c'est Astrid ma beauté, enchantée gamine et ravie de t'avoir embarquée dans ma merde heh. Sans rancune hein Kem' ?
Elle en était déjà au surnom alors qu'elles ne se connaissaient pas et l'appelait gamine alors qu'elles ne devaient pas être si loin physiquement. Mais ça n'avait rien d'inhabituel pour la réincarnée de 85 piges. En tout cas, le manoir était typiquement ce que l'on aurait pu s'attendre d'un endroit potentiellement hanté.
Les clowneries de sa camarade hybride arracha un rire à la citoyenne qui était bon public pour les blagues même les plus nazes, mais il semblerait que ce n'était pas l'avis de tout le monde.
-Ooouh, public difficile ce soir, heh. Va falloir qu'on sorte le grand jeu on dirait.
Livre de coloriage et boule à neige en sa possession, la blanche alla près de la cheminée pendant que Kem faisait son long discours sur les vaches. Les restes d'un tableau étaient accrochés juste au dessus. La toile avait était non pas arrachée, mais comme lacérée par des énormes griffes. Hmm. Pas un bon signe ça.
-C'est vaaaaaaachement intéressant ce que tu dis ! Hehe. J'suis sûre que tu pourrais trouver une monture vache et la chevauch...non pas chevaucher..euh...la vacher en pleine bataille ! Ouais ! Heh !
Kemenes souleva une question intéressante qui n'avait pas frappé la citoyenne jusqu'à là. Quelle était l'origine de ce feu ?
-Boarf, ptet les gens qui sont sortis en détalant tout à l'heure l'ont allumé pour voir quelque chose ? Parce qu'il fait vachement sombre mine de rien.
En plus du feu dans la cheminée, deux petites étincelles s'allumèrent dans les yeux de l'alcoolique en voyant que sa camarade – et désormais amie, c'était décidé – lui proposa de boire dans sa flasque. La femme à tout faire tenta d'abord de la lui prendre des mains en la remerciant, mais en voyant que celle-ci refusa, elle se contenta de juste boire quelques gorgées. Bon, à moitié une amie du coup. Tss.
-Wé, j'suis d'accord pour régler ce problème en deux-deux. J'commence à avoir un peu la dalle. Un ptit kebab-frites là, une spécialité du sud, ça me ferait plaisir là tout de suite tu vois. Avec un bonne bière bien bien fraîche.
Alors que son ventre se mit à gargouiller en pensant à un tel festin, la boite à meuh...se mit à parler. Une voix à vous en glacer le sang tant elle était surnaturelle.
- Derrière vous.
-Hmm. Commença la blanche en déglutissant, sentant son cœur s’accélérer. Ce serait absolument et terriblement cliché de se retourner. Surtout qu'en général, dans les histoires d'horreur qu'on entend, c'est souvent la blonde ultra bonasse qui meurt en première. Après, j'suis pas vraiment blonde, mais je suis celle qui s'en rapproche le plus. Pour le côté ultra bonasse ? Dans son esprit c'était tellement évident qu'elle l'était qu'il n'y avait pas besoin de le souligner. Elle était humble, la Astrid. Et y'a pas non plus de noi….
Cela diiiiiiiiiiiiiiiiiiit…..malgré tout ce qu'elle venait de dire….la curiosité la rongeait quand même et prenait le dessus sur une quelconque peur ou logique qu'elle aurait pu – dû - ressentir. Aussi, elle se retourna d'un coup avant de finir sa phrase pour surprendre la personne qui venait de parler.
Au même moment, instantanément, le feu de la cheminée s'éteignit d'un seul coup, plongeant la salle dans l'obscurité avant qu'elles ne puissent voir quoi que ce soit. Peut-être avaient-elles vaguement aperçu une forme humaine, mais leur attention fut vite captée par le rire moqueur et inhumain qui commença à retentir. Elle semblait provenir du première étage...mais aussi de la boite à meuh.
-Ooooooooook. Il y a un ptit farceur à l'étage. Constata celle qui se considérait (ou que l'on considérait) comme la reine des clowns. D'ailleurs, elle ne tarda pas à le prouver : Tu tiens le coup ? T'as pas trop eu une peur….bleue ? Ah bah non, c'est ta couleur naturelle ! Bwahaha ! Bon montons, on a une entité à attraper !
Hmm. Simple farce et canular ou réelle présence surnaturelle ? Astrid n'en était pas si sûre.
Pierre de feu dans les mains pour éclairer un tant soit peu leurs pas sur le parquet grinçant et moisi, les deux chasseuses de fantôme montèrent au premier étage via l'un des escaliers, tendant l'oreille au moindre bruit suspect. Mais rien, mis à part le silence étouffé.
Une fois en haut, elles firent face à ce qui semblait être un immense et long couloir dont on ne voyait pas le bout tant il faisait sombre. Il y avait de multiples portes à droite et à gauche, et le lieu était richement et bizarrement décoré. Une grande armoire, des plantes flétries, des vases poussiéreux, des peintures représentant diverses personnes en tout genre mais tous bien habillés, et même plusieures statues, certaines avec des ailes. Tout était en mauvais état mais moins que ce qu'Astrid aurait pu imaginer.
-Hmm, c'est juste une impression ou les yeux des peintures et des statues nous fixent ?
Pour vérifier ses propos, elle avança de quelques pas et remarqua qu'en effet, leurs yeux tournaient en même temps.
-….chelou. Graaave chelou. Marmonna-t-elle en sentant des sueurs froides lui couler le long du dos, tout en resserrant sa prise sur sa pierre de feu et sa boule à neige et le cahier de coloriage qui étaient dans son autre main. Elle en avait presque oublié leur existence et décida de remuer cette fameuse boule pour voir s'il y aurait un effet quelconque. La neige à l'intérieur commença à virevolter dans tous les sens, et très vite, elle remarqua qu'en retombant, le tout forma une sorte de...flèche ? Qui pointait droit vers le fond du couloir. Eeeh, ptet pas totalement de la camelote ce qu'il nous a refilé le patron au fin…
Tout d'un coup, la pierre de feu s'éteignit. Et se ralluma. Et s'éteignit. Puis se ralluma.
Oh oh.
-Tu crois que c'est bon signe ?
- Pas sûre que le kebab-frites soit apprécié par ici. Pas très culturellement avancé dis donc. Dit-elle en prenant un ton réprobateur. Puis elle regarda la poitrine de la jeune femme en plissant des yeux.
- Naaaaan, tes seins sont trop petits pour mourir en première, bonne nouvelle nan ?
Et elle secoua la boîte qui laissa échapper un MEUUUUUUUUUUUUUUH plaintif comme pour appuyer ces dires. Cependant le meuh se transforma bientôt en un rire bien moins agréable qu'un meuh de gentille vache Le feu qui crépitait piteusement dans le hall s'éteignit d'un seul coup, laissant Kemenes et sa nouvelle compagne d'infortune dans une obscurité quasi complète, si la lueur de la lune n'éclairait pas à travers les fenêtres aux verres crasseux. Sans s'en rendre compte, les deux comparses s'étaient attrapé le bras, et Astrid fit une blague ultra nulle, ce qui laissa échapper un soupire à la militaire.
- Hilarant, j'en suis verte de jalousie tellement t'es si drôle. T'as compris, verte ? Bleue ? TRES DRÔLE T'AS VU ON SE MARRE BIEN LÀ. Elle lâcha le bras de la blanche, et se mit à tripoter le thermomètre. - 'Tain si jamais j'apprends que c'est celui de Gomez, je vais tout casser, je pète tout, je le soulève, je lui ouvre la bouche contre le trottoir et je lui mets un grand coup de...Eh mais il fait de plus en plus froid !!
En effet, une buée sortait de sa bouche pour appuyer ses dires et elle était presque certaine que ce n'était pas son haleine. Alors qu'elle allait montrer la température à sa nouvelle partenaire, celle-ci lui fit remarquer que les peintures aux murs, représentant sûrement les anciens propriétaires du manoir, semblaient les suivre du regard. D'abord sceptique, Kemenes se tourna vers les dites peintures pour constater avec effroi qu'elle avait bel et bien raison. Elle imita Astrid, et ensemble firent une sorte de petite chorégraphie avant, arrière.
- EEEEEH MACARENA ! Ahem, niveau hyper-réalisme c'est réussi en tout cas. Dis-moi, le thermomètre indique qu'on se caille les miches, et c'est pas pour dire on se pèle vraiment le fiak, en fait. Genre regarde. Y'a de la buée qui sort quand on parle.
Effectivement, plus les jeunes femmes se rapprochaient du couloir, plus la température ambiante semblait chuter drastiquement. Astrid semblait avoir, elle aussi, un accessoire pas complètement inutile mais alors qu'elle s'apprêtait à montrer sa boule -de neige, bande de coquinous- à la garde, la pierre de feu qu'elle tenait dans l'autre main se mit à clignoter. Et pas d'une manière sympathique ah-ah. Plus genre effrayant hou-hou-hou. C'est à ce moment qu'elles l'entendirent. Un bruit étrange, comme un bruit de gorge qui s'échappait de la boîte à meuh mais plus affolant encore, semblait venir du bas des escaliers. Le thermomètre émettait quant à lui un petit bip, stressant, qui paraissait être de plus en plus strident quand le bruit de gorge s'approchait lentement mais surement d'elles.
-Euh Astrid. Dis moi que c'est toi qui fait ce bruit ? Genre, les enchiladas qui passent pas ? C'est rien tu sais, je peux comprendre, manger épicé ça réussit pas à tout le monde mais là c'est violent quand même...
Et là STOMP STOMP STOMP, des bruits de pas lourds, bruyants se rapprochant dangereusement des deux jeunettes (jeunettes à demi, demi et demi) alcoolisées, qui restaient campées dans les escaliers comme des autruches.
- On se casse ? -STOMP STOMP- On se casse. -STOMP STOMP STOMP- ON SE CASSE, ON SE BARRE ON DECAMPE, ON LARGUE LES AMARES, ON DEBARASSE LE PLANCHER, ON BRISE LA POLITESSE, ON PREND NOS CLIQUES ET NOS CLAQUES, ON DECANILLE, ON MET LES BOUTS, ON BANDE LA CAISSE, ON BRAXE DE LÀAAAA !!!!!
La soldat, dans un élan de panique, asséna une tape magistrale au fessier d'Astrid, comme pour faire bouger un cheval trop têtu. On va pas se mentir, Kemenes a certainement plus donné de tapes à des chevaux entêtés qu'à de vraies personnes, donc réflexe malheureux ? Mystère. En tout cas, les voilà qui crapahutèrent à toute vitesse dans les escaliers grinçant, en titubant lamentablement, se prenant les pieds dans une ou deux marches en mauvais état.
Elles arrivèrent devant un couloir délabré, avec plusieurs portes closes et ce qui semblait être un...
- PLACARD ! L'amiral prit la main de la blanche et la traina avec la force du diable vers ce placard miteux, où devait avoir élu domicile colonie d'araignées et autres copains bien choupinets, mais Biezdań essayait de ne pas y penser, elle balança littéralement sa compère dans le placard, cru entendre quelques mots fleuris de sa part et s'y engouffra elle aussi. La pierre clignotait toujours alors Kemenes chuchota prestement sa collègue de la cacher, quelque part, n'importe où !
STOMP STOMP STOMP
Elle retint son souffle. STOMP STOMP. Le bruit de gorge se fit plus fort, et quoi que c'était, le "truc" passa une fois devant leur cachette de fortune. Après une minute qui semblait interminable, surtout collé-serré avec l'autre énergumène, le machin bizarre s'éloigna enfin. Et il n'y avait plus de bruit suspect. Soulagée, la garde esquissa un geste pour ouvrir la porte de placard.
- Je crois qu'on p- STOMP STOMP STOMP. Et c'était reparti, la pierre qui clignote, le bruit de gorge dégueu. Kemenes referma bien vite la porte du placard. - Nan mais c'est pas possible, il va pas nous laisser sortir l'autre pignouf ! S'énerva-t-elle tout bas.
- On va pas passer la nuit dans un placard, j'ai déjà passé mon adolescence à essayer d'en sortir, c'est bon quoi !