Glissant une main dans son sac, l'homme en sort le petit cristal de communication qu'il a acheté à prix d'or. Les enchères ont été cruelles, mais le jeu en valait la chandelle. Après des lunes à essayer d'obtenir un tel objet, le voici enfin entre ses doigts. L'équivalent de plusieurs missions sont parties dedans, mais ce n'est pas grave. Son utilité sera clairement rentabilisée sur le temps. Les bottes continuent de faire bruisser les quelques feuilles présentes au sol, ainsi que la mousse dans laquelle les semelles s'enfoncent, avant qu'il ne se décide finalement à activer l'engin de communication pour contacter son amie. Sa concentration et sa volonté se déploient, et finalement au bout de quelques secondes il sent que les deux cristaux sont harmonisés et que Sia a acceptée "l'appel". Avec un léger soupir inaudible et rassuré, Sileas étire un sourire.
-"Bonjour Sia ! Pendant quelques instants j'ai cru que tu allais être trop occupée pour pouvoir me répondre... Vu que je n'ai pas réellement eut l'occasion d'échanger avec toi quand nous nous sommes croisés et que tu sembles débordée et épuisée, trop pour que l'on puisse en parler aussi sereinement que je l'aurais souhaité en face à face, je me suis dis que te contacter ainsi serait la meilleure idée... Si tu n'es pas trop occupée, bien sur."
A ce stade, c'est presque un vœu pieux. Mais l'homme apprécie l'idée d'entendre la voix de la demoiselle et qui sait, peut être même de pouvoir converser avec. Et si ce n'est pour l'aspect agréable de la chose, ils doivent aussi finir de planifier ce voyage qui se rapproche à grand pas... Est-ce une excuse pour ainsi la déranger et la monopoliser un peu ? Totalement, mais le borgne n'en a nullement honte et l'assume complètement. Il commence à prendre gout à ainsi passer du temps avec cette demoiselle aussi bornée que lui même.
Me retrouvant quasiment au pied de la ville à la suite de cette dernière course, je dois désormais remonter pour rentrer et faire les comptes avec Ivan. Je pense à cela et à la suite des tâches qui m’attendent quand mon dragon vient interrompre le flux de mes pensées.
*Faim ! ‘Rion et ‘Kaa aussi faim !*
Comme pour souligner ses propos, les deux chenilles se mettent à sautiller sur son dos. Un soupir m’échappe, regardant les boutiques autour de nous. Je me rends compte que nous sommes déjà à la fin de la journée et que l’heure du repas va effectivement arriver. Je commence à réfléchir à un endroit où s’arrêter pour manger qui pourrait aussi convenir à ma petite équipe bavante quand je me fais à nouveau interrompre. D’un côté, Pixie continue de tourner autour de moi en réclamant de la nourriture, et je sens que Sileas essaye de me contacter sur mon cristal de communication. Me mordant légèrement la lippe, j’hésite à répondre, regardant autour de moi pour trouver une ruelle plus calme.
Je me glisse entre deux bâtiments, m’éloignant de la rue passante et bruyante où des oreilles trop curieuses pourraient nous écouter. Je m’adosse à un mur, sortant des friandises pour calmer momentanément mes compagnons affamés. Je prends le temps de ranger le tout avant de me concentrer pour accepter l’appel de mon ami dont la voix ne tarde pas à se faire entendre depuis le cristal.
« Bonjour Sileas ! Je m’excuse, j’avais des familiers affamés à occuper. C’est adorable de ta part de penser à moi. Je viens de finir ma dernière livraison et je réfléchissais à un bon établissement où manger tout en nourrissant les trois ventres sur pattes vivant maintenant avec moi. Adam m’a dit que tu es passé et l’a aidé ! Et je suis désolée de ne pas avoir pu prendre le temps de discuter avec toi l’autre fois… J’espère que tu vas bien et que ta petite limace glacée ne t’en fais pas voir de toutes les couleurs ! »
Un sourire étire mes traits en parlant ainsi. Je reprends lentement mon chemin, me décidant à emprunter les petites rues de la Forteresse plutôt que les voies plus rapides. Ainsi, je vais pouvoir discuter banalement avec mon ami tout en rentrant. Mes familiers me rattrapent vite, réclamant à nouveau de la nourriture et je suis obligée de les calmer avec un ordre.
« Ça suffit vous trois ! Vous mangerez à la maison ! Il est encore trop tôt. Donc, vous attendez patiemment ou vous rentrez et demandez à Adam de vous nourrir. »
Légèrement mécontent et vexé de cette réponse, mon dragon grogne et se met à voler pour s’éloigner sans pour autant rentrer seul, gardant juste une certaine avance sur mes pas.
« Désolée… Je crois que Pixie commence une crise d’adolescence ou un truc du genre. Il mange encore plus que toi et moi réuni ces derniers jours ! »
-"Pas de soucis voyons, je me doute bien qu'avec autant de familiers, ça ne doit pas être facile tous les jours. Pour manger tout dépend, il faut déjà que tu arrives à trouver une auberge ou une taverne qui accepte les familiers, ou du moins de les servir. Certaines ne s'embêtent pas de ce genre de cas. Et autant je connais bien les bons lieux pour manger, autant je ne suis pas encore habitué à devoir penser à ceux qui acceptent ce genre de services."
Puis il se fait interrompre par la pointe d'autorité que Sia laisse échapper pour contrôler ses familiers, ce qui arrache un rire au combattant qui s'entend à travers le cristal. Quand enfin ils peuvent reprendre l'échange, l'homme hausse les épaules, même si c'est inaudible. Mais c'est l'intention qui compte, dit-on.
-"Ça ne serait pas surprenant, il commence à avoir quelques mois maintenant ! Et vu comme tu es obligée de hausser la voix, il ne semble pas particulièrement collaboratif. Moi je m'habitue doucement à vivre avec un familier. Je m'en serais bien passé je t'avoue mais bon, je vais pas l'abandonner n'importe où tout de même."
Heureusement pour lui, son étrange limace est relativement calme pour sa part. Enfin, calme. Surtout qu'elle ne peut communiquer avec lui et que contrairement à Sia, elles ne sont pas plusieurs pour préparer des coups en groupe. Il se retrouve juste avec ce familier qui semble adorer lui mettre de la bave glacée partout sur son blindage et toute la journée.
-"Et pour Adam... Disons que je voulais te voir à la base, mais quand il m'a dit que tu étais occupée ailleurs et que tu pensais enfin à prendre un peu de temps pour te reposer, je me suis dis que je n'allais pas te déranger. Et vu qu'il avait un problème à régler, je me suis dis que c'était d'une pierre deux coups. Mais de fait je n'ai pas pu te voir. Et ne t'en fais pas, je me doute qu'après ces quelques jours du repos tu as du mettre les bouchées doubles pour tenir le rythme... Tu penses arriver à t'en sortir pour que l'on puisse partir pour le Désert à ce propos, ou tu veux repousser un peu ?"
Bien sur, cette seconde option est loin de le ravir et cela se sent légèrement dans le ton de sa voix. Mais si Sia est débordée, il n'a pas non plus réellement envie de la tuer à la tâche et qu'elle passe la moitié de son voyage à récupérer de la fatigue accumulée par les commandes à répétition...
« Tu ne me déranges jamais voyons… »
Mon rougissement s’intensifie et mes pensées se bousculent en me rendant compte de l’intonation que j’ai prise et laisse transparaitre une certaine tendresse. J’ai peur qu’il interprète mal mes mots et que cela vienne à la déranger. Si j’aime beaucoup le blond, je ne sais trop si je peux me permettre des sentiments allant au-delà de l’amitié. Même si je me sens bien en sa présence et qu’il a une aura particulièrement réconfortante et chaleureuse sous ses airs froids et durs, je ne veux pas me bercer d’illusions. Pas à nouveau.
« Ne t’inquiètes pas pour moi ! Le rythme que j’ai depuis que je suis chez Ivan est incroyablement… tranquille je dirais ? J’ai été habituée à bien pire pendant presque un an. Ce sont quasiment des vacances pour moi. Il parait que j’avais un rythme inhumain… Enfin, tout ça pour dire que je suis en pleine forme ! »
Mon excitation transparait légèrement dans ma voix et je viens me mordre la lèvre pour me forcer à me calmer avant de poursuivre et ne pas le laisser me couper.
« Ne t’inquiètes pas pour le Désert Volant, ce sera comme prévu ! J’ai pu m’arranger avec Adam et Ivan. Même si cette histoire de Cerberus était inattendue, nous avons pu nous organiser pour que je puisse partir avec toi. J’espère que tu es toujours partant ? Tu voudras que l’on se retrouve pour se préparer ensemble ? »
La perspective d’une nouvelle journée tranquille en compagnie du borgne me donne des papillons dans le ventre. Je ne pensais pas que se détendre ainsi en sa compagnie et juste se promener pouvait être si agréable. J’ai tellement apprécié cela que je me suis surprise à espérer remettre cela depuis. Je ne peux plus vraiment nier que cet homme me fait son petit effet, même si je reste encore prudente…
-"Tu dis ça, mais quand je t'ai sortie de la forge tu avais le nez fourré dedans depuis je ne sais quand ! Tu as peut être un rythme plus reposant qu'auparavant, mais tu sembles toujours ne pas savoir quoi faire de ce temps libre que tu possèdes désormais ! Mais tant mieux si tu es en pleine forme, ça me fait plaisir à entendre. Je suis content de voir que tu vas mieux ces derniers temps, sincèrement."
Il faut dire que l'état de Sia quand ils sont partis en mission était loin d'être agréable à voir. Elle s'était pratiquement condamnée à une mission suicide, et la voir reprendre un peu de poil de la bête est rassurant, et agréable pour l'aventurier. Et tandis qu'il continue sa promenade, un mouvement a la périphérie de son regard capte son attention. Portant la main libre à son glaive il pivote vers cette dernière avant de lentement s'en approcher, finissant par voir qu'il ne s'agit que d'un petit rongeur qui file à toute vitesse avec son butin du soir. Poussant un soupir, le blond se redresse et se détend légèrement.
-"Totalement, pour le Cerberus pendant un instant j'ai même crû que c'était l'un de ceux que les chasseurs ont laissés échapper après la mission du Minotaure. Dans un premier temps, c'est la seule explication logique que j'avais pu trouver à la présence d'un tel animal sur une route... Et je t'avoue que je m'en voulais un peu. Mais heureusement, c'était autre chose et on a pas déclenché de malheur par mégarde."
Vient ensuite la proposition de finir leurs préparatifs ensembles. C'est surement plus efficace, et une occasion de passer du temps avec la forgeronne, cela ne se rate pas. Pour une fois qu'elle arrive à se rendre disponible, ce serait idiot de la rater. Surtout que ça sera l'occasion de discuter des derniers détails et de passer quelques moments avant cette aventure qui s'annonce surement bien plus stressante que prévue.
-"Et volontiers pour finir nos préparatifs, et bien sur que je suis partant. Dis moi quel jours que je m'arrange avec les portails, vu que je suis au Village Perché, et je m'arrangerais pour être la. Ça me fera plaisir de passer un peu de temps en compagnie avant d'aller bronzer sur les plages infinies de sable du Désert."
Voyant que peu à peu la nuit commence à prendre ses droits, et qu'il serait surement fort peu malin de rentrer en pleine nuit, même avec des lunettes de jour, l'homme commence à faire tranquillement demi tour, profitant de cette balade en charmante compagnie, même si elle n'est pas à ses cotés physiquement.
-"En parlant du Désert, je pense que je vais garder ton conseil. Je suis sur que Saïph saura être utile pour nous refroidir de l'eau. Je vais finir par le laisser faire sa vie sur ma gourde fontaine, histoire d'être sur de toujours avoir quelque chose de désaltérant et rafraichissant à portée de main."
Sileas aborde sa volonté de garder Saïph et je me sens esquisser un sourire à cette mention.
« Je pensais que tu t’en serais déjà débarrassé. À croire que ce glooby te fait penser à moi… »
Je dis cela sans trop y réfléchir, espérant quelque part que cela soit vrai. Je préfère ne pas lui laisser le temps d’infirmer cette taquinerie et le coupe.
« Je rigole ! Ton glooby semble plus intéressant que les miens. J’ai découvert qu’Ankaa est parfaitement ignifuge et insensible à la chaleur. Il m’a accompagné à la forge sans que je m’en rende compte, entrant dans le fourneau et quand j’ai voulu l’en sortir il était en pleine forme. Je suis donc en possession d’une réelle pierre à feu qui peut vivre dans un brasier. Je me demande si je ne vais pas lui créer un bocal qui pourrait servir d’un petit chauffage d’appoint s’il brûle des choses dedans… »
Voilà une idée à noter et donner à mon enchanteur préféré ! Je suis sûre qu’il trouvera une idée incroyable avec cela.
« Quant à Hypérion… Il est juste lumineux. Sa queue s’illumine de manière presque constante, l’intensité changeant avec ses émotions. Quand il dort, je sais s’il rêve. J’ai l’impression d’avoir une luciole dans ma chambre. Il mérite aussi son bocal qui servira de veilleuse je crois. »
Non pas que j’en aie besoin, mais cela peut être pratique d’avoir l’équivalent d’une lampe magique qui n’a pas besoin d’être rechargée pendant plusieurs heures.
« Pour le Désert Volant… Je te propose une fin de semaine ? On se retrouve sur mes premiers jours de repos comme ça nous faisons nos emplettes et préparatifs ensemble. Nous n’aurons plus qu’à partir en début de semaine ! Il faudra aussi que l’on pense à réserver le voyage en portail d’ailleurs… »
Il y a énormément de choses encore à préparer. Voyant que le soleil se couche, je hâte le pas pour rentrer, Pyxidis se retrouvant à me suivre désormais. L’aventurier pourra entendre le bruit de la ville et des discussions se faisant plus bruyants autour de moi.
-"Alors très sincèrement, je préfère trouver de meilleures raisons de penser à toi qu'une étrange limace givrée. Et ne t'en fais pas, j'en ai heureusement quelques unes en tête. Sinon le miens ressemble un peu au tiens de feu, sauf que c'est avec le givre. Neige, glace, eau froide, absolument rien en semble le déranger. Et il émane toujours du froid. Donc je présume qu'il pourra vivre une excellente vie dans un seau d'eau ou quelque chose du genre, qu'il gardera à sa température idéale."
Un rire le prend ensuite à la définition d'Hyperion. Pour un œuf qui devait être vendu une fortune, le résultat en est vraiment décevant. D'humeur taquine, le borgne vient en rajouter une couche.
-"Comme quoi, la prochaine fois qu'un petit vieux un peu trop passionné souhaite te racheter un œuf conté dans les légendes, tu le lui revend sans essayer de réfléchir. Tu aurais pu tirer une fortune, et lui un vieux glooby lumineux. Au moins il fera un excellent appât dans les grottes, à attirer toutes les créatures tellement il sera facile à repérer."
Les bruits de la ville se font plus présents, créant presque une certaine nostalgie à Sileas. Mais en cet instant, il préfère les sons de la forêt. Pour son comble, il aurait juste aimé avoir un porc-becue sous la main histoire de se faire un bon repas, mais il fera avec ce qu'il a. C'est à dire une bonne auberge une fois rentré, alors qu'au loin les premières lumières apparaissent, donnant l'impression que la canopée s'illumine de son propre astre stellaire.
-"Fin de semaine, c'est parfait. Par contre, pour aller au désert ça se fait en ballon volants et non en portails. Si tu veux je pourrais aller voir à la capitale pour réserver notre trajet entre la Forteresse et la ville, puis nos places sur un ballon. Comme ça, on s'assure d'une correspondance et on évite de passer plusieurs jours la bas sans raison."
Finissant sa phrase il ne peut s'empêcher de se racler la gorge. Les quelques nuits qu'il a passé en compagnie de la jeune femme à la capitale étaient loin d'être désagréables à vrai dire. Et même si il est tenu par la décence et un certain respect pour la demoiselle, difficile de dire que rester la bas, même sans raison, serait une expérience désagréable. Essayant de se sortir ces pensées parasites et particulièrement tenaces de la tête, il rajoute rapidement, presque trop a son ton empressé.
-"Je sais pas ce que tu en penses, mais j'ai vraiment hâte d'avoir l'occasion de découvrir quelque chose de nouveau. Faire partie de cette aventure naissante... Ça me donne envie de pouvoir aider ce petit campement à évoluer, à ma façon. Pas toi ? "
Il poursuit sur Hypérion et l’étrange expert qui voulait son œuf. Je commence à me demander si cet homme n’était pas de mèche avec le vendeur de la foire pour être sûr que l’on conserve nos gains. L’idée de faire de la luciole un appât n’est pas à rejeter, même si je doute réussir à me débarrasser de cet étrange insecte si facilement. C’est ce moment que Pyxidis choisit de revenir à hauteur, comme calmé. S’il ne dit rien, je vois bien qu’il est encore agacé. Avec un sourire, je viens le gratter sous le museau avant de récupérer les deux gloobies qui le torture. Le pauvre va pouvoir à nouveau se laver complètement.
La discussion se termine sur le désert et je note mentalement ce que me souffle mon ami. Je hoche de la tête pour approuver ses idées avant de me rappeler qu’il ne peut pas me voir.
« C’est parfait ! Et… Attends deux minutes. »
Arrivant déjà devant l’armurerie, je pousse la porte d’entrée pour rejoindre rapidement la partie de vie. Ivan et Adam me salue, mon dragon miniature allant rejoindre ce dernier qui cuisine. Je les salue à mon tour.
« Adam, tu veux bien me garder Pixie ? J’ai un appel. »
Quand mon ami me donne sa confirmation, je file rapidement dans ma chambre et m’y enferme. Dès que je suis isolée du bruit, je récupère mon cristal pour m’excuser auprès de Sileas.
« Pardon. Tu parlais donc du voyage en ballon. C’est parfait si tu peux nous réserver cela ! Ce serait avec plaisir. Enfin, si cela ne te dérange pas de le faire, évidemment… Et je suis d’accord avec toi, je trouve cela intéressant de pouvoir aider ce campement à se construire et évoluer. Je suis sûre que mes compétences pourront également servir là-haut. Et j’avoue être curieuse sur l’histoire de cet endroit et comment il a pu arriver ici… Il est si mystérieux, ça me donne envie d’en découvrir plus ! »
Je viens déposer mes limaces dans le grand bocal que je leur ai récupéré et aménagé, faisant office d’un vivarium temporaire tant qu’elles n’ont pas encore trop grandi. C’est que, ça mange beaucoup un glooby et ça grossit bien plus vite que je ne le pensais ! Il faudra sûrement que j’envisage de leur offrir un véritable aménagement rapidement. Débarrassée des limaces, je viens m’asseoir sur mon lit et poser le cristal à mes côtés. Les paroles de l’aventurier me reviennent en tête et mon rougissement revient. Je me mordille la lippe alors qu’un petit silence gênant se fait entre nous.
« Dis Sileas… »
Je remonte mes pieds sur le lit après m’être débarrassé de mes chaussures, mes bras s’enroulant autour de mes jambes pour poser mon menton sur mes genoux. Le borgne semble attendre la suite et je bascule légèrement de droite à gauche, hésitant à poser la question qui me brûle les lèvres. Prenant mon courage à deux mains, je me lance même si je sais que je me berce d’illusions.
« Tout à l’heure, tu as parlé de raisons que tu as en tête pour penser à moi… Je peux en connaitre une ou deux ?… »
Le feu s’empare de mon visage, un nœud se formant au niveau de mon estomac alors que je regrette presque d’avoir posé cette question. Je me prépare déjà à me prendre un vent ou râteau et ne veux pas espérer trop pour ne pas me blesser.
-"J'ai entendu des rumeurs comme quoi de nombreuses missions et demandes avaient été déposées justement, pour essayer de faire la lumière sur certaines des créatures ou des phénomènes qui ont lieu dans le Désert. Après que nous nous serons chargés de tes obligations la bas, on pourra toujours voir pour essayer de faire partie d'un groupe en partance, selon comment on se sent ? Et bon, on ne va pas se mentir, je ne crache jamais sur quelques cristaux si on peut lier l'utile à l'agréable."
Le silence qui s'ensuit est plus long. La demoiselle semble réfléchir, ou encore hésiter à demander quelque chose. Laissant le temps à la jeune femme de mettre en mots ses pensées, Sileas recule légèrement le cristal pour continuer sa marche à rythme accéléré. Autant éviter à Sia d'entendre le bruit de sa respiration de manière un peu trop proche. Personne n'aime se faire souffler à l'oreille comme ça. Puis, a la déclaration de la demoiselle, l'aventurier s'arrête presque net, ralentissant immédiatement pour peu à peu reprendre un rythme en arquant un sourcil. Il réfléchit à comment tourner cela, avant de finir par répondre après s'être raclé la gorge discrètement.
-"Eh bien on a déjà vécus des choses bien plus intenses et agréable que la mise au monde d'un trio de limaces aux dons discutables. Au hasard, les nuits que l'on a passés à dormir ensembles et à savourer ta douceur et ta chaleur. Nos missions, qui, même si elles ont été difficiles, restent de bons souvenirs. Ou juste le fait que j'apprécie toujours ta compagnie, aussi. C'est suffisant comme raisons ?"
Lui même serait presque pris d'une rougeur en disant cela aussi franchement. Mais c'est la demoiselle qui lui a posé la question, alors il peut assumer. Il se doute bien qu'elle n'est pas intéressée, ou qu'elle ne voit même pas les avances qu'il essaye de lui faire, mais bon. Il est tout aussi borné en mission qu'en sentiments. Et sentant qu'un nouveau silence s'installe après ses paroles, le blond prend sur lui d'essayer de relancer la conversation.
-"Et en parlant de passer du temps en ta compagnie, tu as déjà une idée de ce que tu aimerais faire après le Désert ? Une activité qui te serait agréable ou un moyen de te détendre que tu imagines ? On avait évoqués les sources chaudes ou profiter un peu de la nature et de ses recoins cachés, mais peut être que tu as d'autres idées en tête. Je ne sais pas, faire le tour de tous les fournisseurs de minerais d'Aryon pour négocier les meilleurs prix par exemple, ou m'attirer dans un concours de forge pour que je te serve d'apprenti improvisé ?"
L'aventurier souffle un rire, mi amusé et mi dépité. Il essaye clairement de relancer la conversation sur autre chose que ce sujet particulièrement intime et gênant qu'il vient d'avouer, mais force est de constater que ce n'est pas sa plus grand force alors qu'il se passe une main sur le visage, presque heureux en cet instant que la demoiselle ne puisse voir sa tête... Non, définitivement, il ferait mieux de parler de ce genre de sujets avec un ou deux verres descendus, plutôt que de prendre le risque de continuer à se ridiculiser ainsi.
Heureusement pour moi, l’aventurier enchaine sur autre chose et je peux reprendre un peu de contenance. Le sujet me fait toutefois légèrement grincer des dents. Je me souviens avoir proposé de faire quelque chose avec lui quand nous reviendrons du Désert Volant, mais j’ai aussi prévu d’autres choses.
« À ce propos… »
J’hésite sur la manière de formuler cela. Je ne sais pas à quel point cela lui est important et j’aurais aimé aussi passer du temps avec lui, mais j’ai eu plusieurs idées dont je dois discuter avec Almassar. Je pense qu’il faudra aussi que j’aborde plus ou moins l’épisode avec Vivianne avec lui, mais je ne pense pas que je dois confier cela à Sileas. J’ai peur de sa réaction à un tel événement et je ne le connais pas assez pour me sentir de lui en parler. Pour le moment.
« Je sais que tu voulais qu’on fasse quelque chose… Mais je pensais juste retourner à Forteresse. Je te rassure tout de suite, je ne vais pas reprendre le travail directement ! J’en ai discuté avec Ivan et j’ai négocié une semaine de repos à mon retour. Vu que c’est assez court, je pensais juste passer chez un enchanteur que je connais pour discuter d’une idée que j’ai eu pour modifier mon pouvoir… Ce genre de processus peut être un peu long et d’avoir un impact sur ma fatigue, alors je voulais profiter de cette petite semaine pour cela… »
Je me mords doucement la lippe. Je ne sais trop s’il va être déçu ou non, mais je m’en veux un peu d’avoir prévu cela tandis que visiblement il se souvient de cette proposition.
-"Je vois, je comprends. Effectivement, si tu as un enchantement de prévu cela risque d'être épuisant et tu auras besoin de te reposer. Ca m'attriste car j'avais hâte de pouvoir passer du temps avec toi sans une mission ou quelque chose au milieu de la route et juste pouvoir se détendre en ta compagnie. Mais néanmoins, je te tiens toujours à ta promesse. J'ai envie de passer quelques jours en ta présence -et ta présence uniquement-, et sauf si tu ne le souhaites réellement pas, auquel cas je préfère que tu me le dises immédiatement, je m'arrangerais pour que cela arrive."
Difficile d'être plus clair. Une fois la phrase sortie, l'homme prend une grande inspiration durant quelques secondes, posant sa main contre le cristal pour qu'elle ne soit pas audible. Si réellement elle n'est pas intéressée, elle pourra le lui faire savoir clairement avec la porte qu'il lui offre, et il cessera ainsi de chasser des chimères. Ruminant dans son coin en attendant la réponse, l'homme fait à peine attention aux lumières de la ville qui se rapprochent, a tel point qu'il arrive enfin à l'un des ascenseurs, mélange de mécanique et de botanique, permettant de monter dans les étages habités. Finalement, une fois le pied posé en ville, désormais à son tour entouré des bruits typiques des lieux, il vient reprendre.
-"Et cela me fait penser que je dois faire la même chose que toi. J'ai plusieurs idées d'enchantements qui pourraient améliorer mon pouvoir et me donner plus d'options tactiques en combat. Ca serait l'occasion de les faire aussi, que j'arrête d'oublier ou de repousser cela au lendemain sans jamais trouver le temps qui est nécéssaire."
Bien sur, il préférerait passer ce temps avec Sia... Mais si jamais elle ne souhaite pas sa présence, au moins qu'il ne se retrouve pas comme un idiot sans rien faire. Et devenir plus puissant est toujours un passe-temps agréable, après tout.
Il me faut un moment pour digérer cette information, tellement que j’entends l’ambiance changer autour de l’aventurier alors qu’il poursuit. J’ai l’impression de l’avoir blessé et qu’il est peut-être un peu énervé de cette nouvelle. Cette perspective me fait fondre et rougir malgré moi et je surprends à élever un peu le ton en répondant de manière bien plus empressée.
« Attends ! »
Les choses défilent bien trop vite dans ma tête et j’ai visiblement surpris mes deux limaces qui sursautent dans leur bocal. Je me racle un peu la gorge, essayant de trouver les bons mots à utiliser.
« Je suis désolée, je ne pensais pas que tu tiendrais tant à cette promesse… C’est ma faute. Je m’en excuse sincèrement Sileas. »
Je me mords la lèvre, prenant une grande inspiration que je ne cherche même pas à masquer. Je suis nerveuse de ce que je m’apprête à dire et le blond pourra sûrement l’entendre à ma voix chevrotante à l’hésitation que j’ai sur certains mots. S’il ne peut pas le voir, je joue avec le bout de mes doigts, baissant la tête en fermant les yeux pour me donner un peu de courage.
« Je souhaite… Je souhaite passer quelques jours en ta compagnie si tu le souhaites toujours. Mon enchantement pourra attendre… Pas le fait de passer du temps avec toi… Je ne sais pas quand on se reverra, alors je souhaite en profiter. »
J’ouvre à nouveau les yeux, soupirant doucement pour calmer les battements de mon cœur qui se sont soudainement affolés. Avant qu’il ne réponde à nouveau, je viens enchainer.
« Et si tu le veux, je sais même ce que l’on pourrait faire. Une fois mes affaires réglées, s’il s’agissait de la bonne personne, je devrais me rendre dans l’ancienne forge près de la Forteresse pour la vider. Je serais la seule héritière. Elle a passé toute la saison froide inhabitée et risque d’être en mauvais état, mais il y a ce qu’il faut pour dormir, une source chaude aménagée et privée et c’est en pleine nature. C’est un petit cocon de verdure loin de la civilisation. Et s’il y a erreur sur la personne, alors je te laisse me trainer ou bon te semble pour me faire pardonner… »
-"Ce n'est pas grave Sia, ça arrive à tous d'avoir des obligations, et je ne t'en veux pas. Tu es bien trop adorable quand tu réagis ainsi pour que je puisse t'en vouloir."
Puis elle vient lui proposer de tout de même passer ces quelques jours avec lui. Sileas est déchiré entre accepter cette offre qu'il trouve particulièrement séduisante, tout comme celle qui la pose sur la table, et en même temps cela le gêne un peu d'ainsi la perturber dans ses plans. Il se mord la lèvre en hésitant, un léger "hmmmm" naissant au fond de sa gorge. Mais au fond elle a raison sur le fait qu'ils ne vont peut être pas se revoir avant un moment. Et même si les cristaux sont efficaces, ils ne valent pas un contact physique. Finalement, ce qu'elle lui avoue rapidement ensuite finit de le convaincre. Un soupir passe ses lèvres, sachant très bien qu'il ne peut pas la laisser se charger d'un tel ménage sans rien dire. Et l'occasion d'avoir l'équivalent d'un petit chalet de montagne privé étant loin d'être désagréable, les mots qui finissent par glisser dans son souffle sont plus que prévisibles, le ton légèrement vibrant.
-"D'un coté cela m'embête d'ainsi troubler tes plans... Mais j'accepte bien volontiers ton offre. Si c'est la bonne personne que l'on retrouve, on s'occupera de faire de cet endroit un lieu de vie dans lequel tu pourras t'épanouir et prouver au monde tes talents, autrement... Eh bien j'ai déjà quelques idées pour passer une petite semaine sans personne pour nous déranger."
Et a l'idée d'avoir une semaine seul avec la demoiselle, a pouvoir apprendre à se connaître et se découvrir, le regard du blond pétille légèrement d'anticipation et d'excitation. Bien sur, elle ne le voit pas, mais elle peut clairement l'entendre a l'intonation de sa voix qui semble bien plus inspirée et motivée, presque vibrante.
-"Et ça me fera plaisir de te voir un peu avant le départ aussi. Tu souhaites que je te rapporte quelque chose de précis de la Capitale avant qu'on parte ? Ou même du Village Perché. Tu peux même demander des friandises pour Pyxie, j'assume avoir fait la proposition."
Après tout les cadeaux ça marche toujours... Non ?
Je ne l’avais pas vraiment oublié, mais c’est un détail. Le blond accepte toutefois ma proposition et cela me réjouit. Je viens récupérer mon oreiller et poser une main sur le cristal pour étouffer le petit cri heureux que je laisse échapper. Mes jambes battent l’air frénétiquement alors que je me laisse ensuite tomber sur le matelas. Je rapproche à nouveau le cristal de mon visage, un sourire heureux sur les traits, presque niais.
« Je ne sais pas encore si je vivrai là-bas… Mais je ne vais pas refuser ton aide pour débarrasser tout ce qu’il y a là-bas ! Comme dit, même si je risque de te mettre beaucoup à contribution, c’est un petit lieu très agréable. La source chaude naturelle y est divine au point que la faune locale vient régulièrement la squatter. Il faudra juste penser à récupérer de la nourriture pour tenir la semaine par contre… Et pour tes idées… Non, je te laisse me faire la surprise. »
J’avoue être particulièrement curieuse de ce qu’il peut me réserver, mais je préfère me garder cette surprise et réfléchir à tout ceci dans mon coin. Je suis particulièrement contente d’avoir pu redonner de la joie dans la voix de Sileas, mon erreur de plus tôt étant quasiment oubliée en l’entendant ainsi parler. Je roule sur mon lit, me positionnant pour pouvoir regarder le paysage à travers de l’unique fenêtre de la pièce.
« Je ne sais pas trop… Si tu veux plaire à Pixie prend des friandises goût fraises des bois. J’ignore pourquoi, mais ce sont ses préférées alors qu’il est carnivore. Et pour moi… Je ne souhaite rien de particulier, te voir me suffit amplement… »
Je rougis bien plus à cet aveu, ne sachant trop comment me rattraper, je me précipite pour qu’il n’ait pas le temps de répliquer.
« Je veux dire, tu n’as pas besoin de m’apporter quelque chose pour que je sois heureuse de te voir. Enfin… Ça me ferait plaisir que tu m’apportes quelque chose, même si je ne sais pas quoi… »
Sia, tu es irrécupérable. N’arrivant plus à calmer le feu de mon visage, je sens que ma voix vibre bien plus alors que je m’enfonce un peu plus.
« Je ne suis pas beaucoup allée au Village Perché… Ramène-moi juste une spécialité qui t’a plus là-bas ! Ça me suffira… Et j’apprendrai un peu plus tes goûts ainsi… »
J’ai bien noté le fait qu’il aime particulièrement la viande et la nourriture riche, aussi le porc-becue qu’il chasse lui-même et des petites choses comme ça. J’ai envie d’en apprendre encore plus, pouvoir un jour lui retourner la faveur et peut être même lui faire la surprise d’un tel cadeau.
« Et ça me fera également plaisir de passer du temps en ta compagnie avant de partir… »
Je ne cache pas cette intonation plus douce dans ma voix alors que je prononce ces mots. Je commence à entendre plus d’agitation venant des pièces de vie, signe qu’il sera bientôt l’heure de passer à table. Je me surprends toutefois à ne pas vouloir arrêter cet appel, continuer à ainsi discuter longuement avec l’aventurier, de tout et rien…
-"Alors quelque chose gout fraises des bois... Ça va être compliqué, c'est pas encore la saison. Mais je pense que je dois pouvoir trouver quelque chose qui lui plairait. Quand à toi, eh bien, ce ne sont pas les spécialités qui manquent, je verrais ce que je peux te ramener. Et cela me surprend sachant que tu côtoies Java, qu'elle ne t'aies pas encore fait découvrir en long, large et travers le village. Je crois bien que c'est la première chose qu'elle m'a fait faire, quand elle est enfin devenue garde."
Puis peu à peu, l'homme commence à remonter la trame des propos de la jeune femme, bien décidé à la taquiner un peu après cet ascenseur émotionnel qu'elle vient de lui offrir.
-"Je note en tout cas que tu n'as pas oublié ma promesse de t'emporter dans des sources chaudes, à tel point que tu souhaites me faire profiter des tiennes privatives. Pour la faune ne t'en fais pas, il suffit de la manger durant quelques semaines et cela fera passer le message aux autres, et tu retrouveras un lieu vide de toute présence incongrue."
Enfin la taverne arrive à portée de vue. Pas particulièrement dérangé, il s'y dirige, puis s'y engouffre en posant les mains sur son cristaux pour étouffer au maximum les sons. Plutôt que de se diriger directement vers une table, Sileas préfère monter à l'étage pour entrer dans sa chambre. Son ventre grogne certes après avoir senti de telles saveurs monter de la grande salle, mais manger voudrait dire laisser seule la demoiselle. Et pour une fois, son appétit peut bien être repoussé de quelques minutes.
-"Et tout est décidé alors. Je m'occupe de passer a la Capitale, faire les réservations pour le ballon, puis je reviens à la Forteresse pour te voir. Et si jamais tu trouves ce que tu cherches pour le désert, je m'occuperais de trouver de quoi passer une semaine avec des repas agréables. Tu imagines, une semaine entière sans travailler ? Je suis sur que c'est un enchainement de mots dont tu as oublié l'existence vu comme tu as du mal de lâcher ton travail..."
La voix est taquine, mais sans pour autant se dire dans le faux. Il faut dire que si il prévoit une semaine avec Sia, la première chose à laquelle il pense n'est clairement pas de travailler à la forge, même si la nettoyer sera une priorité...
Vient ensuite des taquineries qui m’aident à chasser cette nervosité qui s’est emparée de moi. Un rire plus franc franchi mes lèvres cette fois et je laisse l’aventurier l’entendre.
« Une promesse est une promesse ! »
Le sourire sur mon visage semble y être collé, ne voulant plus le quitter. Je ne crois pas m’être sentie si légère et de bonne humeur depuis un moment. Je suis réellement heureuse d’ainsi entendre la voix de Sileas, de discuter avec lui d’un peu tout et rien.
« Oui, j’imagine parfaitement, très cher ! Sachez que je peux aussi savoir me reposer, et pas uniquement quand je suis malade. Déjà parce que cela arrive bien trop rarement, mais, car un corps reposé est un corps efficace ! Et puis, même si je ne vais pas travailler, nous n’allons pas chômer. Mais je me demande plutôt, vas-u survivre à une semaine sans décimer la faune locale ? »
Mon propre ton est particulièrement taquin. D’abord hautain pour imiter une noble, ensuite plus enjoué, laissant clairement entendre le sourire qui fend mon visage. J’entends que les bruits provenant de la cuisine finissent par cesser, suivi de la voix d’Adam qui m’appelle pour manger. Je viens poser ma main sur le cristal pour étouffer ma propre voix des oreilles du borgne.
« J’arrive ! »
Je libère à nouveau l’instrument magique, l’approchant de mon visage.
« Si tout est décidé, c’est parfait alors… Dis, Sileas ? Je dois filer. On m’attend pour manger… Mais je me disais… Je pourrais te rappeler après si tu veux encore discuter ? Enfin, sauf si tu es fatigué ! Tu es en mission et tu as sûrement travaillé toute la journée, tu dois être épuisé… Oublie ce que j’ai dit et repose-toi. Tu pourras m’appeler quand tu le désires à l’occasion… »
-"Je tiendrais à rappeler à mademoiselle que j'ai justement dit que je m'occuperais de rendre ses sources privatives réellement privatives. Je n'aurais donc pas à retenir mes envies de grillades, étant donné qu'elles viendront d'elle même se présenter. Je penserais donc à apporter quelques herbes pour rendre plus gouteuse la viande. Et oui, on ne risque de pas chômer, c'est sur. Mais depuis quand tu me vois reculer devant un peu d'exercice physique ?"
Puis bien sur vient l'heure du repas. Le blond s'y attendait un peu, lui même sentant la faim qui continue de grimper doucement. Contrairement à elle, il a l'avantage de pouvoir manger quand il le souhaite, l'auberge restant ouvert jusqu’à particulièrement tard pour les aventuriers et voyageurs nocturnes. Un léger sourire étire néanmoins ses traits quand elle commence presque à bégayer la suite.
-"Oh non ce serait avec plaisir de te rappeler ensuite, j'ai encore de l'énergie à revendre. Je vais en profiter pour manger ensuite et on se récupère après alors, quand on sera tranquilles ? Bon appétit à toi dans ce cas, et à très vite."
D'une pensée il coupe ensuite la communication une fois les dernières politesses échangées par la jeune femme. Rangeant son cristal dans l'une de ses pochettes, l'aventurier finit par se relever en grognant, sans perdre son léger sourire avant de descendre prendre son repas dans la salle commune. Bon, par repas, il faut entendre ses multiples repas, la faim ayant bien creusé sa tranchée dans ses pensées. Et même si il a hâte de reparler à la demoiselle, il prend néanmoins le temps de faire un repas complet, au bonheur de l'aubergiste qui voit son chiffre d'affaire subir une pique de rentabilité à cette heure précise. L'estomac plein et l'esprit léger, le blond retourne dans sa chambre avant de commencer à retirer le plus gros de son armure. Et c'est en chemise et en pantalon léger qu'il se laisse tomber sur le lit avec un grognement, avant de rappeler la demoiselle, attendant qu'elle décroche pour souffler avec un léger rire.
-"Et me revoila, et cette fois je suis tout a toi pour la soirée et installé tranquillement, on ne risque pas d'être interrompus... Maintenant que ça ne sera plus le cas, si mademoiselle me disait les projets qu'elle possède pour l'avenir ? Tu auras surement bientôt ta propre forge, particulièrement bien placée. La clientèle suivra rapidement car je ne doute pas de tes talents, comment comptes-tu conquérir le monde des forgerons alors ?"
Le ton est très clairement taquin tout en étant en même temps sérieux. Si il s'amuse un peu à l'embêter, l'homme montre une réelle curiosité quand aux idées de Sia pour la suite de ses aventures...
« Avec plaisir ! Bon appétit et à tout à l’heure alors. »
L’appel se coupe et je laisse mon cristal sur mon lit avant de quitter la chambre. Je rejoins avec empressement les deux armuriers qui m’observent avec curiosité. Pyxidis est déjà en train de dévorer un petit plat qu’on lui a visiblement préparé en mon absence. Le repas se passe sans question et je mange avec un appétit et enthousiasme peu contenu. J’enchaine plusieurs assiettes que j’engloutis sous le regard mi-étonné mi-amusé des deux hommes. Dès que j’ai fini, j’aide à la vaisselle et pars me laver pour me préparer pour la nuit. Comptant que Sileas va aussi manger avant de me rappeler, j’estime avoir un peu de temps. Après tout, connaissant son appétit, je pense avoir un peu de marge puisque engloutir le stock complet d’une auberge ne se fait pas en cinq minutes.
Quand je sens à nouveau le lien magique s’établir, je suis déjà dans ma chambre, en train de finir de sécher mes cheveux encore humides du bain dont je sors. Je m’installe tranquillement sur le lit, mon linge dans une main, l’autre venant récupérer l’objet magique pour l’approcher. Le contact s’établit et la voix de l’aventurier résonne. Pixie relève le regard depuis son petit panier en entendant la voix de mon ami avant de s’installer à nouveau pour dormir en compagnie des deux limaces l’ayant rejoint. Je salue brièvement l’homme avant qu’il ne commence à poser les questions difficiles.
« Mes projets pour l’avenir ? Tu me poses un peu une colle… »
Mes deux mains reviennent s’occuper de ma longue chevelure, l’essuyant mèche par mèche. Je réfléchis à la manière de formuler mes idées. Je n’ai rien de concret et il m’est encore difficile de me projeter.
« À court terme, j’aimerais arrêter de vivre chez Adam… Je l’adore et il m’est très cher, mais ça me gêne de vivre chez lui. J’aimerais mon chez-moi. Avoir mes familiers et les prochains pouvant gambader librement sans risquer de gêner ceux qui vivent ici. Parce que oui, je souhaite avoir plus de familiers ! »
Me rendant compte que je m’écarte un peu du sujet, je me redresse et me racle la gorge avant de poursuivre.
« S’il s’agit bien de mon maître qui a été retrouvé dans le Désert Volant et que je peux effectivement hériter de son ancienne forge, je vais devoir réfléchir à ce que je veux faire de ce bâtiment. J’envisageais de monter un commerce de forge itinérante, pouvoir rester sur les routes tout en travaillant. Mais ç'a beaucoup d’inconvénients, surtout sans un objet comme une de ces théières enchantées. Ce sont des objets plutôt rares et me faire fabriquer un tel objet coûte une petite fortune… Je commence à me dire que je dois envisager d’avoir un pied à terre, quitte à mettre mon activité d’aventurière légèrement en suspens. Me créer une vraie boutique, commencer à avoir des employés et assistants, et quand j’ai du personnel pouvant faire tourner le tout même si je m’absente pour une mission, je pourrais reprendre plus sérieusement mes activités d’aventurière. Tu en penses quoi ? »
Ma question est sincère. Jusqu’à maintenant, Sileas a toujours été de plutôt bon conseil, alors je souhaite entendre son avis sur mes idées.
-"Plus de familiers encore ? Tu n'en as pas déjà assez avec les trois la ? Tu voudrais adopter quoi de plus pour compléter ta collection ?"
Vient ensuite la réflexion sur la forge qui demande plus ample questionnement. Une forge mobile est certainement une bonne idée, mais avec tant de plans qui ont été chamboulés, la question se pose. Grognant légèrement alors qu'il se passe une main sur le visage, l'aventurier laisse échapper un long soupir en fermant a moitié son dernier œil, essayant d'avoir une vue d'ensemble de la situation. Si Sia se tourne vers lui pour demander conseil alors que ce n'est pas du tout son domaine d'expérience, c'est qu'elle doit donner à son avis une certaine importance, donc autant ne pas dire de bêtises.
-"L'idée de la forge mobile était très bonne il y'a quelques mois je pense. Plutôt que de payer les frais de faire construire et assembler ta propre forge ou récupérer un bâtiment abandonné, investir dans une théière et une forge enchantée mobile. Sans tous ces évènements, je t'aurais clairement conseillé de continuer sur cette voie... Mais si tu hérites d'une forge entière en état de marche, pas trop loin de la Forteresse, je ne suis pas sur que financièrement tu puisses te disperser sur deux fronts en même temps, surtout que..."
Sileas reprend quelques secondes pour réfléchir avant de continuer. C'est pas facile à aborder, et il n'a pas envie que l'Edelweiss prenne mal son propos.
-"Remettre la forge en état de marche ne risque pas d'être compliqué, surtout à deux, mais tu vas devoir te faire ta propre clientèle, arriver à la rendre profitable et tirer un bénéfice de ton travail avec tous les couts qui vont se rajouter que tu n'avais peut être pas encore. Comme tu l'as dis, surement peu à peu re-recruter du personnel pour la faire tourner, même quand tu ne seras pas la. C'est une tâche compliquée qui t'attend. Je pense que si vraiment tu veux te diriger sur cette voie, le pied à terre est la meilleure solution. Quitte à continuer de prendre des missions quand tu auras un creux dans tes commandes pour continuer à te faire un peu d'argent en appoint. Et car j'ai encore envie de prendre des quêtes avec toi aussi, on ne va pas se mentir."
Voila, c'est dit. Quelques secondes de silence, un nouveau soupir. Cela manquerait au borgne de pouvoir partir en mission avec son aventurière et forgeronne préférée, mine de rien. Il comprend bien qu'elle a envie de se concentrer sur sa carrière et il tente de l'aider au mieux de ses réflexions.
-"Mais dans tous les cas je serais la pour t'aider de mon mieux. Certes, tu ne me demandera pas de forger une épée, mais qui sait, je saurais peut être me montrer utile. Et tu pourras toujours me délester de quelques cristaux quand j'aurais une commande à faire, tu en dis quoi ?"
Quand il finit son monologue et ses réflexions, je relève le regard sur le cristal, un large sourire étirant mes lèvres. Même s’il ne peut pas le voir, il l’entendra sûrement dans ma voix.
« Merci Sileas ! Je suis contente d’en discuter avec toi. »
Je reprends mes notes, griffonnant tout en parlant, désormais allongée sur le ventre, les jambes battant l’air.
« Je pense que la forge devrait être en bon état. Il y aura certainement beaucoup de ménage à faire, du rangement et me débarrasser des choses dont je ne vais pas avoir besoin. Je pense que je vais pouvoir compter sur mes différents contacts pour trouver ma première clientèle, j’ai toujours le partenariat avec Adam qui tient, peut-être que je pourrais motiver Sio à m’aider, ou encore discuter d’un partenariat plus long avec Almassar… J’ai aussi cette histoire des Artisans de la Guilde que je pourrais discuter pour avoir des tarifs et aides pour mon projet… »
Je me mets à parler toute seule plus qu’autre chose, étirant mes phrases et prenant un rythme plus accéléré à mesure que je réfléchis.
« Désolée de t’embêter avec ça ! C’est juste que je suis assez enthousiaste à l’idée de peut-être avoir ma propre forge… C’est mon rêve de gamine. Le bâtiment ne sera pas le plus adapté, il n’a que trois chambres puisque mon maître n’avait pas d’employé. J’étais sa première et unique apprentie. Et il y avait une chambre en plus pour héberger des clients coincés par le blizzard par exemple. Il faudra sûrement que j’étende le tout ou fasse construire des bâtiments si je veux des employés qui n’aient pas à rentrer à la Forteresse. Ou même des apprentis. Et il faudra que je crée un espace pour mes familiers. Il y a tellement à faire ! »
Me laissant à nouveau tomber sur le dos, des étoiles dans le regard et une pointe d’excitation et enthousiasme dans la voix, je pousse un long soupir. J’abandonne mes notes pour ferme les yeux et commencer à rêvasser. Mon sourire ne quittant plus mon visage, je sens que l’envie de discuter se prolonge et je décide de revenir sur les familiers.
« Et oui, je compte bien avoir plus de familiers ! Les deux gloobies n’étaient pas prévus, mais il me faudrait un familier combattant pouvant faire équipe avec Pixie ou pouvant se battre à mes côtés. J’avoue avoir un faible pour les espèces draconiques et j’ai pu rencontrer une mignonne petite laium il y a plusieurs lunes. Alors j’ai lancé des démarches pour en adopter un adulte ! Il parait que c’est compliqué, mais si je peux compenser la perte d’un maître tout en donnant un nouvel avenir à un familier, je ne vais pas hésiter. Il me faudrait aussi une monture pour voyager, peut-être même une qui sache voler. Et puis si je vais vivre en montagne, avec des familiers sachant se battre sera idéal autant pour éloigner les monstres que me protéger de potentiels bandits. Désolée, je parle beaucoup… »
Rougissant légèrement et me mordillant la lippe en me rendant compte que j’ai entamé un véritable monologue, je viens de cacher le visage dans les draps. J’espère que mon ami ne m’en tiendra pas trop rigueur…