Homoncule ?

De petits cheveux se dressaient sur la tête d’Agneta, elle était passablement agacée de cette situation et du comportement de leur accompagnatrice. C’était elle le boulet ici, mais elle préférait remettre la faute sur quelqu’un d’autre. Et en plus, elle se prenait pour la sauveuse alors que peu à peu la mort s’approchait dangereusement. Franchement, si elle avait su qu’elle avait à se battre, Agneta aurait préféré rester chez elle. Elle soupira et repensa rapidement à cet homoncule. Ils étaient parfois mentionnés dans ces récits pour enfants et les récits d’aventurier, mais en croiser un, jamais elle n’y aurait songé. Elle n’avait aucune idée de comment en venir un bout, surtout que de ce qu’elle en savait et pensait, un homoncule ne représentait qu’un homme fictif. Créé. Artificiel. Mais elle avait raison sur un point, cette bonne Queenie, ils n’étaient pas doués de raison.

Il avait répété encore cette phrase glaçante venue des tréfonds de la pièce, en résonnant cette fois sur les murs. Alors qu’elle tentait d’être stoïque, la seule envie de la jeune brune était de pleurer et partir en courant, son testament n’étant pas encore envoyé. Impossible de le vaincre, son espadon étant trop large et leurs corps à elle trois bien trop faible pour encaisser un coup. Vaincre le mal par le mal, si cette figure sombre était bel et bien un homoncule alors le seul moyen de s’en sortir était de le tuer comme il avait été créé. Ses yeux balayaient la pièce : avait-il toujours été là ? Par les ombres ? Par l ‘eau ? Par incantation ? Elle se souvenait alors de ce livre aux décorations de grimoire qui apprenait à comprendre et combattre, ou survivre face à, diverses créatures en tout genre : harpies, lamias, faucheurs… À l’époque elle l’avait jugé trop complexe et pas assez romancé pour le lire.

Elle regrettait.

- Il commence à me gaver le drapé là. Elle pestait entre ses dents. Sans son gros bâton tranchant, il aurait pris un coup dans la tronche.

L’idée lui apparut alors comme une évidence : si aucune d’elle n’avait la force de le battre, elles pouvaient toutefois l’entraver et lui redonner une étoffe de statue… de glace. Elle fit rapidement le tour de ce qu’elle avait emporté avec elle avant cette petite échappée : cordes, couteaux, silex, bougies, boussole… à part le premier élément, rien ne semblait pouvoir lui rendre la vie dure. Avec une magie capable de la rendre plus agile, invisible ou invisible, Agneta aurait tenté le coup de la corde, mais dans l’état actuel des choses mieux fallait se la jouer distance. Elle agrippa l’une de ses deux gourdes tout en la laissant dans son sac.

- On pourrait l’immobiliser.

Elle n’osait pas dire ce qu’elle pensait tout haut, mais de toute manière il fallait agir vite et si elles étaient assez vives, alors elles pourraient s’en sortir indemne.

- Si tu as de quoi lui limiter ses mouvements de pieds, comme quelque chose de gluant, ou pour le figer… alors je crois que c’est notre seule solution.

Je compte sur toi Kasha.

Résumé:

Un... Homoncule ? Qu'est-ce que c'était que ça ? Kasha n'en avait jamais entendu parler. Enfin, tout ce qu'elle avait besoin de savoir, c'était qu'il était impossible de raisonner avec cette entité. Parfait. Vraiment. Elles n'avaient plus qu'à faire leurs adieux à ce monde.

Mais c'était sans compter sur l'agressivité naissante d'Agneta. Kasha ne l'en aurait pas crue capable, mais, d'un autre côté, comment prévoir au premier coup d'oeil comment une personne réagira lorsqu'elle sera acculée ?

- Du calme. Ce n'est pas le moment de perdre ton sang-froid. Il y a forcément une solution...

Elle avait modulé sa voix sur une intonation optimiste, même si, en réalité, elle avait du mal à voir ladite solution. Mais d'un autre côté, elle devait se faire confiance à elle-même. Elle ne faisait pas partie de ces personnes qui clamaient à qui voulait l'entendre "il n'y a pas de problème, rien que des solutions !" Néanmoins, lorsqu'elle avait accepté cette quête, elle avait bien vérifié qu'elle n'avait pas été répertoriée comme dangereuse. Alors, il y avait forcément un moyen de s'en sortir sans se battre. Ou du moins, pas de manière conventionnelle, pas à la manière des combattants de la Guilde. Dans son cas particulier, sa force résidait dans son imagination. Il lui fallait donc être particulièrement créative.

Sans prévenir, une suggestion de sa partenaire surgit. Kasha ouvrit de grands yeux. Mais oui ! Maintenant qu'elle y pensait, c'était une évidence !

- Agneta, tu es un génie !

Si elle se l'autorisait, elle l'aurait prise dans ses bras. Mais les félicitations viendraient plus tard. Plus précisément, en ressortant, si elles y parvenaient. Pour l'instant, il fallait mettre le plan en marche. Elle sortit son glyphe polaire, qu'elle observa pendant un moment, avant de sortir ses réserves d'eau. Elle plaça la petite pièce à l'intérieur, et referma l'outre. Puis elle s'expliqua vis-à-vis d'Agneta, sans élever la voix plus que nécessaire pour qu'elle l'entende.

- Il va falloir attendre un peu pour l'activation. Mais dans l'idée, il devrait geler au contact de l'eau contenue là-dedans... Si on ne se précipite pas. En attendant... Je crois qu'il va falloir l'esquiver s'il attaque.

Bien sûr, c'était loin d'être une option idéale. Mais, d'un autre côté, si elles avaient réellement à esquiver, il serait plus facile à Kasha d'arroser leur adversaire une fois le glyphe prêt, et elle pourrait même faire passer ce geste pour de la maladresse en renversant carrément la gourde sur la créature. En espérant que cela fonctionne... Et qu'elles puissent gagner assez de temps pour que cette action serve à quelque chose.

Il faudrait qu'elle pense à remercier Queenie, songea Kasha. En effet, elle avait bien remarqué que la prêtresse venait probablement de leur sauver la vie. Il faudrait également qu'elle sermonne Agneta pour avoir tant douté d'elle... Ou peut-être pas ? Après tout, pouvait-elle vraiment lui en vouloir d'être prudente dans ces conditions ? Il serait toujours temps de se pencher plus tard sur ces questions. Pour l'instant, la créature semblait s'intéresser à sa cadette... Il était hors de question qu'il l'atteigne. Jetant un coup d'oeil à sa gourde, Kasha remarqua qu'elle n'était pas encore prête. Néanmoins, il fallait agir.

- Je vais attirer son attention, et rester en mouvement. Il n'a pas l'air rapide, ça devrait nous laisser du temps.

En espérant qu'elle ait assez d'endurance pour rendre cette stratégie possible. Néanmoins, elle ne tarda pas à être rassurée de ce côté. L'être était toujours lent, et ses éventuelles attaques étaient faciles à parer. L'espace d'un instant, elle se demanda si le glyphe était réellement nécessaire... Esquivant un coup d'épée qui semblait vouloir la prévenir de son arrivée tant il était peu vif, elle finit par décider que, puisque c'était la stratégie convenue, elle continuerait comme prévu. Si elle était seule, peut-être aurait-elle tenté de changer d'avis et de simplement l'achever d'un coup de son poignard empoisonné, qui devrait être suffisant pour l'handicaper. Cependant, elle n'était pas seule. Donc elle s'en tiendrait au plan initial.

Au bout d'un moment, commençant néanmoins à fatiguer, elle vérifia une fois de plus son glyphe, et, estimant que le délai d'activation était écoulé, elle se laissa volontairement approcher, puis abandonna sa gourde lors de son esquive. Le liquide glacé se répandit sur l'être, comme prévu, mais Kasha était consciente que la contenance de la gourde n'était pas suffisante pour recouvrir la créature entière. Néanmoins, la magie du glyphe pouvait ne pas se limiter à la surface recouverte d'eau, non ? Elle espérait que ce fut le cas. Sinon... Elle sortit le fameux poignard magique. Si une magie ne fonctionnait pas, ou plutôt n'était pas assez puissante, une autre devrait pouvoir finir le travail. Elle jeta néanmoins un coup d'oeil à Agneta. Elle aussi pourrait aider en cas d'échec. Néanmoins, Kasha jouait toujours le rôle d'appât et ne pouvait donc pas se permettre de rester distraite trop longtemps. C'est pourquoi son regard revint rapidement vers la créature, qu'elle étudiait. Si cette dernière parvenait toujours à bouger, elle continuerait à attirer son attention et esquiver ses potentielles attaques pendant la durée qu'elle estimerait correcte pour permettre à Agneta d'agir si elle avait une idée. Si cette dernière ne faisait rien à la fin de cette durée, Kasha amorcerait son plan basé sur sa lame.

Elle n'en revenait pas. Toute cette peur qui s'était glissée en elle au moment où elle avait franchi le premier escalier avait fini par devenir une sorte d'adrénaline, et d'un coup, tout retomba. Elle le vit, lui, cet être lugubre et imposant, se transformer peu à peu en un gigantesque pantin, lent et prévisible. Au final, elle n'avait servi à rien et devait sa vie sauve à son acolyte et à son glyphe. Les muscles tendus se desserrèrent et la pression est pendant quelques secondes paisible, calme. Le corps de l'homoncule disparut dans le néant, de là où il était apparu dans un souffle polaire. Agneta et Kasha se tenaient là, incrédules et soulagées. Les derniers mots du géant sombre résonnaient encore dans l'écho de la pièce et la quête semblait enfin se finir.

Dans les livres, il y avait toujours cet objet à récupérer lorsque l'ultime obstacle était décédé, mais ne voyant rien, Agneta s'apprêta à retourner sur ses pas quand le mur rocheux du fond se mit à trembler et puis à s'effacer pour laisser place à un nouveau chemin. Rebelote. Sa gorge se noua un peu plus, mais elle semblait confiante, comme si elle savait au fond d'elle que cet escalier serait le dernier de cette aventure. Une libération bien méritée. Pourtant, il ne ressemblait en rien à ceux d'auparavant : des marches oui, mais un air humide et pesant, qui par moment se révélait être plus frais. Il fallait résonner logiquement : une caverne sous terre qui n'avait vu ni homme ni soleil pendant une période indéterminée se rafraîchissait.

Queenie guidait les aventurières dans la pénombre et Agneta regretta soudain ses agissements envers la religieuse, elle qui, au final, n'avait rien demander de plus que de retrouver un reliquaire et c'était retrouvée prise dans un combat qui aurait pu lui coûter la vie.

Son pied atteignit la dernière marche, le sol de la dernière salle, et émerveillée, elle contempla la crypte qui se présenta à elle. Bien que très austère, elle dégageait cette aura fascinante qui envoûta Agneta, mais surtout, il y avait cette tombe, ici, qui enfin était découverte. La jeune fille tenta de s'approcher doucement, elle n'osait pas poser sa main sur le moindre mur, sur la moindre pierre et fit un pas timide en avant.

L'horreur.

Elle s'en voulait d'avoir toujours su, mais de ne jamais avoir été assez entreprenante pour s'imposer et imposer ses idées, ses convictions. Un sourire se figea son sur visage, ce genre de sourire qui avait l'air de dire : mais elle se prend pour qui celle-là. Oui, des aventuriers qui ne savent pas se battre, et une femme de foi qui n'en est pas vraiment une, ou du moins, pas éthiquement.

J'aurais dû lui briser son bâton. Elle se le serait mis où je pense.

Dès le commencement, tout était parfaitement normal, tellement normal que la tâche avait été reléguée à une prêtresse, que l'homme qui les attendait, s'était fait la malle comme si ... comme si tout n'était qu'une entourloupe. Elle ne se sentait pas triste ni trahie, elle s'en voulait de ne pas lui avoir claqué la face plus tôt : elle avait la tête de l'emploi.

Agneta ne savait même pas qui était Pampersa. À vrai dire, elle s'en fichait royalement, on lui avait confié une tâche et elle comptait la mener à bien, savoir le destinataire ou les moyens, très peu pour elle. Personnellement, elle n'avait aucune dent contre cette pauvre Pampersa enfermée entre les murs de pierres et les glyphes, il y avait eu tout au long de l'histoire humaine bien des créatures et des gens aux actes peu scrupuleux, mais aujourd'hui, c'était Queenie qui prenait cette place dans le cœur de la brune. La voir dans ce tombeau aurait été tout aussi appréciable.

Jamais.

Le colosse de la salle précédente lui avait donné la hargne, elle ne savait quel temps s'était écoulé depuis le moment où elles étaient pénétrées dans ce cachot, toutefois elle était pressée d'en sortir. Tellement pressée, que son esprit lui rappela par bribes d'idées qu'aucune d'elles n'était ici pour combattre un potentiel fléau. Par réflexe, elle glissa un couteau de cuisine dans la main et serra le manche comme si toute son impatience pouvait s'y transférer. Il y a avait tellement de solutions qui s'offraient à elles, le tout était de savoir s'il fallait faire un choix moral ou personnel. Après tout, établir si Sainte Pampersa était réelle ou non, la mission était accomplie, le reste, ce n'était pas de leur domaine. Elles s'étaient déjà confrontées à plus fort qu'elles, aucune envie de savoir si cette Queenie avait des capacités tout aussi démesurées.

Briser le cristal. Le retirer.
Tuer Queenie.
Fuir.

Seul le premier de ces choix permettait potentiellement d'inverser ce qui était en route, sans certitude. Risquer sa vie pour ne pas être sûre du résultat, voilà une bien drôle d'idée venant de la part d'une gamine qui n'avait pas la moindre idée de ce qu'était une aventure avant de venir ici. Le glyphe de la tombe se résorbait peu à peu, rapidement, le choix allait devoir être vif et lucide.

Sa paume brûlait d'envie d'enfoncer le visage malicieux de Queenie dans le mur d'en face, mais cela n'aurait servi à rien, cette envie n'était que le fruit d'une simple vengeance puérile et sans fondement, mieux valait s'en aller. Ce combat n'était plus le leur, et quoi qu'en diraient les autres membres de la guilde, qu'elles soient traitées de lâches ou non, elle ne souhaitait pas risquer sa vie pour quelque chose qui la dépassait. Elle était lasse de ce petit manège, elle ne comprenait pas les tenants et aboutissants de cette escapade et se rassurait en se disant que la guilde savait, avant même qu'elles aient franchi le seuil du village.

Elle se tourna vers sa camarade, le regard plein de haine, non pas envers elle, mais contre cette mission et le détourna sur Queenie, qui avait toujours cette mine réjouie, ignorant totalement son défi et ne laissant place qu'à de l'ignorance dans une réponse des plus sérieuses.

- Je crois qu'on a fini notre travail.

Résumé:

Le glyphe avait fonctionné. Plaçant une main devant ses yeux pour se protéger de la lumière lorsqu'elle fit irruption, elle observa son plan faire effet. Puis il disparut. C'était donc ainsi que tout se terminait ? Elle rangea son poignard, ne pouvant empêcher une certaine déception de l'envahir, aussi surprenant que cela puisse paraître. Etait-ce cela, la fameuse adrénaline qui apparaissait apparemment lorsque l'on commençait un combat ? D'un autre côté, il était évident qu'elle n'aurait pas pu tenir beaucoup plus longtemps, son souffle devenu court en étant la preuve.

Puis une autre porte s'ouvrit. Encore ? Combien en restait-il ? Les épreuves semblaient être plus difficiles les unes que les autres... Kasha n'était pas certaine d'avoir la force et surtout l'énergie de faire face à une nouvelle créature. Quant à Agneta... Eh bien, elle n'en savait rien. Et, avec un peu de chance, elle continuerait à ne pas savoir.

Une fois arrivée dans la crypte, elle eut à peine le temps de l'observer que Queenie se précipitait vers un tombeau qui trônait là... Que pensait-elle faire, exactement ? "Des aventurières qui ne savent pas se battre" ? Oui, et alors ? Puis elle leur fit un sermon. Kasha commençait à en avoir plus qu'assez. Peut-être était-ce le fait de se sentir trahie par celle qu'elle croyait son alliée ? Le fait d'avoir réprimé les ardeurs d'Agneta, alors qu'elle avait vu clair dans le jeu de cette femme depuis un moment, maintenant ? Ou simplement l'éspuisement, ou la frustration d'avoir travaillé pour rien, simplement pour qu'une autre s'approprie le fruit de leur travail ?

Et puis, d'un autre côté, Agneta avait raison. Elles avaient terminé ce pour quoi elles étaient là. Cependant, une dernière mission les attendait. Elles devaient partir, oui... mais cela voudrait dire revenir sur leurs pas... Serait-ce vraiment prudent, sachant que Queenie pouvait à tout moment tenter de les retenir ? D'un autre côté... Qui ne tente rien n'a rien, non ? Se rapprochant de sa cadette, elle lui glissa discrètement :

-Agneta, demi-tour. Si on est assez discrètes, on peut peut-être partir sans qu'elle ne s'en rende compte.

Puis elle ouvrit la marche vers l'endroit d'où elles étaient venues, allant juste assez vite pour ne pas faire trop de bruit. Inutile d'alerter Queenie si cela pourrait être évité... Et elle pensa également qu'au moment de faire leur rapport à la Guilde, il serait peut-être utile d'indiquer qu'une enquête au sujet de la fausse prêtresse devrait être ouverte... Mais on verrait cela plus tard. D'abord, il fallait sortir... Et quelque chose lui disait que ce ne serait pas si facile.

Agneta et Kasha, d'un commun accord, s'enfuirent comme elles purent, aussi discrètes que possible, laissant la dénommée Queenie à ses actes immoraux et mystérieux. Remonter les innombrables escaliers s'avérait être plus aisé que la descente, échappant aux divers obstacles qui finalement les avaient menées à cette fin pour le moins inappropriée. Le retour allait être joyeux, peut-être même elle perdrait son grade d'aventurière, mais avant tout il fallait sortir vivante de ce trou à rat. Les enjambées s'affaiblirent de plus en plus, pourtant enfin elles virent la lumière jaillir d'en haut, illuminant les bordures de chaque marche qui défilaient sous leurs pas.

Dehors, le calme était tel qu'elle aurait pu oublier le chaos de l'intérieur. Rien n'avait bougé, ni changé d'ailleurs, le vent soufflait délicatement dans les cheveux de la brune pendant qu'elle tentait, tant bien que mal, les deux mains sur les cuisses, de reprendre son souffle. Les gardes arrivèrent et la réalité reprit le dessus : comment expliquer cette malencontreuse mésaventure ? Comment expliquer que cette douce religieuse est en réalité une psychopathe aux idées douteuses ? Elle aurait aimé qu'on lui dise que tout ça n'était qu'une mise en scène, que le magistère, le Temple ou même la guilde était au courant, sinon pourquoi y envoyer une novice ? Le tremblement mit fin rapidement aux pensées bien trop nombreuses d'Agneta, lui sauvant finalement la mise et détournant rapidement l'attention des deux pauvres gardes.

Pampersa.

Elle ne l'avait jamais imaginé, mais en la voyant ainsi, elle se disait que cette option aurait été la dernière dans son imagination. À mi-chemin entre la veuve démoniaque et la reine déchue, elle attirait sur elle les regards de toutes les âmes incrédules qui se trouvaient sur les lieux. Insouciance, indifférence, l'une des deux correspondait au sentiment qu'Agneta ressentait à ce moment : une fois plongée dans les ténèbres de ce souterrain, plus rien ne l'étonnait, elle s'y attendait presque. La haine avait disparu, même les propos de leur ancienne guide n'avait su la raviver, laissant place au dépit et à la résignation. Quelqu'un finirait bien par s'en occuper de cette Pampersa.

La brume noire emporta la traîtresse et l'énigmatique fausse sainte en un battement de cils, et mit fin au calvaire d'une quête dont les retombées pourraient être insignifiantes comme catastrophiques. Qu'est-ce qu'elles avaient fait ? Leur travail, ce qu'on leur avait demandé, que "Sainte" Pampersa soit une menace n'importait que très peu à présent, l'essentiel étant de savoir qu'elle était effectivement bien réelle. Agneta haussa les épaules et les laissa tomber dramatiquement aussi vite. Elle observa l'un des gardes fuir à toute allure, sans grand espoir. Les deux femmes réapparaîtraient, un jour ou l'autre, sous une nuit d'orage ou au petit matin, si personne n'avait su les arrêter aujourd'hui alors quelqu'un en serait capable demain.

- J'espère que tu es experte en excuse bidon pour nous dédouaner de tous les problèmes qu'on a engendrés.

Le rictus qui se dessinait sur ses lèvres mettait en avant le ridicule de la situation, elle, Agneta Lindahl, une pauvre aventurière novice dans une quête contre le diable, dans une quête très loin de ce qu'elle avait pu imaginer.

- Après tout, ce n'était pas notre travail... Quelqu'un saura bien mieux le faire que nous. Dans un rire retenu, elle ajouta : Ils vont être contents à la Guilde. Son regard se perdait vers le village duquel elles venaient, il n'y avait pas à regretter, mais au fond de son cœur elle savait que tout aurait pu être évité à la première foulée dans ce patelin. En-tout-cas, merci. J'ai été ravie d'être ta partenaire.

Elle s'attendait à ce que la fin de la quête, la sortie de ce donjon annonce la fin aussi de leur aventure ensemble, chacune repartant de son côté pour mener sa vie, sans un regard ni un mot. Au lieu de ça, Agneta fut prise d'une pulsion viscérale et s'approcha lentement de sa camarade. Ses bras vinrent se serrent autour de sa taille pendant que son visage se logeait dans le creux de son épaule. Dans le murmure du vent, au milieu de ces monolithes imposants et de l'herbe parsemée, on pouvait l'entendre la remercier encore une fois.

Bon retour, Pampersa.

Résumé:

Apparemment, Kasha s'était encore inventé des obstacles là où il n'y en avait pas... Elles remontèrent sans problème. Le premier problème qui se présenta, en réalité, ce furent les gardes. Comment leur expliquer ce qui s'était passé ? Heureusement, ou peut-être pas, elle n'eut pas le temps d'y réfléchir plus. Une apparition se manifesta... Certainement la fameuse Pampersa... Kasha l'observa un moment, ne sachant trop que penser des évènements de ces dernières secondes. Auraient-elles plutôt dû prendre un peu de temps pour stopper le sort de Queenie ? Aurait-elle dû laisser Agneta en finir avec le bâton de cette dernière lorsqu'elle en avait eu l'occasion ?

Enfin. Quelles que soient les réponses à ces questions, elles ne pouvaient désormais rien changer à ce à quoi elles faisaient face.

Quant à ses paroles... Elle les remerciait ? Pourquoi ? Pour l'avoir libérée ? Ni Kasha ni Agneta n'étaient responsables de cela ! D'avoir mené Queenie à son tombeau ? Là... Elles en étaient responsables, oui, mais c'était involontaire. Si elles savaient à quoi elles s'exposaient, nul doute qu'elles n'auraient jamais servi les intérêts de la traîtresse. Mais une fois encore, ces considérations étaient vaines, car, après leur avoir promis de leur laisser la vie sauve, l'apparition disparut, évidemment sans le faire discrètement, cela aurait été trop simple.

Enfin. L'apparition avait disparu, un garde avait fui et Agneta lui demandait si elle savait inventer des excuses. Kasha laissa échapper un petit rire :

- Agneta... Ma spécialité est de me créer des identités pour m'infiltrer un peu n'importe où. Le mensonge est toute ma vie, bien sûr que je pourrais inventer des excuses. Mais je ne pense pas que ce sera nécessaire. Après tout, on a fait ce qu'on devait faire... Et je peux même te dire que si on tombe sur le bon hôte, il pourra nous couvrir si nécessaire.

Puis elle appuya ses propos, peut-être involontairement, en disant que gérer les conséquences ne faisait pas partie de ce pourquoi elles étaient parties. Et c'était vrai.

- Bien sûr que la Guilde sera contente. Après tout, on lui ramène encore du travail !

Elle laissa échapper un rire, même si elle n'était pas vraiment sûre de son intention avec cette phrase. À l'origine, elle voulait en faire une plaisanterie, mais elle réalisait à présent qu'elle contenait peut-être également un fond de vérité.

Néanmoins, une fois de plus, son attention fut attirée ailleurs que dans les méandres de ses pensées. Agneta prenait congé.

- Moi de même ! Mais qui dit que ce sera la dernière fois ?

En effet, rien ne les empêchait de se revoir dans le futur. Pour une quête, ou pas, d'ailleurs. Elle fut légèrement surprise quand sa cadette vint lui faire une démonstration d'affection, mais elle se reprit vite, la serrant doucement contre elle avec un doux sourire. Elle ne lui répondit pas, considérant que ce simple geste l'assurait qu'elle ne l'abandonnerait pas.

Puis, après un moment, elle offrit de faire le chemin du retour ensemble. Après tout, elles étaient venues ensemble, elles n'allaient donc pas être hypocrites au point de se séparer pour se rendre au même endroit...