Il n’y avait aucun mot alors que le sourire du marchand s’était lentement affaissé pour ne devenir qu’une grimace déformant son beau visage gracile. La réalité, c’était qu’il ne se souvenait plus vraiment de ce rêve qui l’avait fait se redresser presque en sursaut au milieu de ses draps. Seuls quelques souvenirs désagréables qui le hantaient, alors que la longue chevelure neigeuse semblait lui évoquer une sensation déplaisante. Une main lasse enroba la courbe de son œil parfois encore douloureux alors qu’il finissait enfin de se réveiller.

C’était une matinée bien étrange qui s’annonçait, alors qu’Ombra s’extirpait avec aisance de son lit. Après tout, il était un homme du matin. Sachant apprécier l’aurore du matin qui déguisait les astres en un tableau coloré chaudement. Pourtant, ce réveil n’était pas aussi agréable que ceux auxquels il était habituellement confronté, gardant un sentiment de malaise, comme si les ancres de ses songes s’étaient accrochées à son esprit, tandis qu’il ne gardait que quelques bribes de ces souvenirs effacés.

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“Ombra ! Bonjour !”

La petite vendeuse tourna autour du commerçant qui terminait de déposer son sac sur le comptoir, un mince sourire venant décorer la ligne de ses lèvres. De nombreuses préparations étaient à prévoir alors que les premières festivités s’annonçaient. Charlotta termina enfin son manège, croisant ses bras derrière son dos, pour le regarder avec une moue presque adorable. Le glacier ne put s’empêcher un bref sourire qui épousa son visage.

“Bonjour Charlotta.”

Si d’abord, tout semblait ne pas être digne d’intérêt en ce début de saison chaude, il y avait toujours ce malaise qui persistait dans la poitrine du marchand. Comme si cela pouvait servir de rempart, il glissa faiblement sa main contre son front, un signe flagrant d’une migraine naissante. Contournant le comptoir de la petite boutique, il ne répondit que vaguement à l’enthousiasme de sa petite vendeuse au regard écarlate. Et sans chercher à interrompre la discussion, les caisses massives de crème glacée trouvèrent refuge dans le carcan métallique du comptoir. Une ventilation naturelle, et le plus gros travail de la journée était prêt.

“Tu sembles ailleurs aujourd’hui, fit remarquer la petite vendeuse en arrivant devant le champ de vision de son patron.”

Le regard égaré vers un point invisible, Ombra mit quelques secondes avant de revenir poser son attention sur la jeune femme qui attendait qu’il daigne enfin lui porter de l’attention. Une expression chaleureuse décora son visage puis il posa une main sur son épaule, tentant de la rassurer tant bien que mal.

“Oui, ne t’en fais pas, je réfléchis à notre journée. Et le sommeil me manque un peu aujourd’hui. Rien de bien grave.”

Il disparut quelques secondes dans l’arrière-boutique, pour préparer les blocs de glace qui seraient utilisés plus tard dans la journée, et revérifier le stock de ce qu’ils possédaient, afin de s’assurer qu’ils n’aient pas de mauvaises surprises.

“Excusez-moi, nous ne sommes pas encore ouvert.”

La voix de Charlotta résonna dans la petite boutique, et le glacier passa sa tête à travers la porte, alors que les clochettes familières attirèrent son attention. Il avait dû oublier de verrouiller l’entrée en arrivant ce matin. Une erreur qui vraisemblablement démontrait que sa nuit ne s’était pas montrée particulièrement reposante. Le regard sévère dirigé dans sa direction lui fit s’étirer un léger sourire d’excuse avant qu’il ne porte son regard sur la silhouette de la jeune femme qui venait d’apparaître dans son champ de vision.

Si Ombra n’avait pas eu un minimum de retenue, ses lèvres se seraient grandement ouvertes devant l’aventurière. De toute évidence, elle plaisait énormément au marchand qui dû se forcer à la lâcher du regard au bout de quelques secondes à la fixer avec un entrain qu’il ne se connaissait pas. Le raclement de gorge de sa jeune vendeuse termina de le faire revenir à la réalité, et d’un sourire aimable, il apparut enfin derrière le comptoir.

“Je vous demanderai juste de patienter un peu, par mégarde, j’ai laissé la porte ouverte. J’espère que ça ne vous dérange pas.”

Un autre point força Ombra à se reconcentrer alors que la belle invitée était pourvue de la longue chevelure d’albâtre qui hantait sa journée depuis que son rêve ne l’abandonnait pas. Et si elle se mettait à ravager ton étal ?

“Mais je peux bien faire une exception pour que vous n’ayez pas à attendre aussi longtemps, reprit-il d'un ton doux.”