- J’ai aussi perdu ma mère, et cela à un jeune âge, fit-il doucement. On en guérit très lentement. Mais je suis sûr que la vôtre serait heureuse que vous ayez repris sa société en lui attribuant un objectif qui vous tienne à cœur. Je ne vous cacherai pas que je suis une nullité en matière de minerais et d’enchantement, poursuivit Rhis sur un ton plus léger, Lin pourra peut-être vous le confirmer si vous lui évoquer mon nom. Puis, il ajouta sur un ton un peu plus sérieux : Quoi qu’il en soit, il n’empêche qu’on a toujours besoin de recherches magiques pour améliorer nos connaissances. Peut-être que nos futures connexions avec Empyrée pourront changer la donne ? Ils ont l’air de s’y connaître en golem. Je ne sais pas si vous comptez postuler pour pouvoir vous y rendre. Si votre société est spécialisée, un aller-retour pourrait vous être accordé.
Et puis, Lin avait aussi une certaine… notoriété.
Dans tous les cas, la conversation dériva sur son rôle au palais, ce qui captiva aussitôt la jeune Elya. Ca l’intéressait également bien plus que cette histoire de crevette – comme Fedora d’ailleurs – et Rhis ne chercha pas à cacher son amusement face aux réactions de la petite. Il rebondit ensuite sur les propos de la poupée, qui se souvenait du début de leur conversation, quand Rhis avait proposé qu’elle vienne au palais.
- Oui, comme je travaille là-bas, j’y ai mes accès et j’assiste également à une série de… réceptions et événements en tout genre. Comme vous vous en doutez, l’activité à la cour est assez variée. Puis Rhis répondit à sa seconde question et un sourire plus franc naquit sur ses lèvres. Je connais et fréquente effectivement le roi. C’est une personne chaleureuse et directe, qui sais commander ses troupes et veille véritablement sur sa famille. Cela dit, il n’est pas vraiment faite pour l’administratif et la gestion pure et simple d’un Royaume… A ce niveau, je ne puis malheureusement démentir les rumeurs qui circulent sur son compte à la cour, fit-il avec un sourire d’excuse. C’était bien connu, donc ce n’était pas forcément une mauvaise chose qu’il en parle à une autre noble. Cela dit, puis-je savoir qui est votre père ?
Ce n’était pas parce qu’il connaissait son nom – Fedora Sanward, s’il en croyait la dénomination de sa société – que Rhis était omniscient et qu’il connaissait le nom de son géniteur. Et la demoiselle ne prendrait certainement pas mal qu’il le lui demande.
Quoi qu’il en soit, leur attention dériva naturellement sur leur petite protégée, qui ne put cacher un bâillement. Ils l’avaient bien fatiguée – encore qu’Elya avait fait elle-même les trois quarts du travail – et si la petite fille ne voulut pas le reconnaître directement, Fedora savait s’y prendre avec les enfants. Sûrement parce qu’elle avait les siens… Heureusement que la poupée était là d’ailleurs, l’espion n’aurait pas pu mieux s’y prendre et il se pencha légèrement vers la gamine.
- Et puis, tu dois raconter à tous tes amis ce que tu as fait ! Je suis sûr qu’ils seront curieux de savoir tes aventures. Et bien sûr, ils te raconteront les leurs aussi !
La perspective de pouvoir raconter sa journée sembla plaire davantage à la gamine, et elle sembla dès lors se rassénérer un peu. C’était une bonne chose et Rhis la prit par la main alors qu’une idée lui traversait l'esprit.
- Et si je te racontais une des aventures de la princesse pendant qu’on rentre ? Et puis, Fedora pourra te raconter les effets de quelques-uns de ses enchantements, pour voir ceux qui t’intéressent ?
L’aventure qu’il raconterait serait partiellement inventée, bien sûr. Durant son périple hors du palais, Athéas défendrait la veuve et l’orphelin, rencontrerait un beau garde qui la défendrait, et qui la protégerait ensuite jusqu’à son retour au bercail… Encore qu’elle semblait s’être attachée à un certain Dante, mais il n’allait pas lui évoquer ces détails à la petite mistinguette. Il fallait que ça reste un beau conte pour une gentille petite fille… Et Rhis lança un regard complice à Fedora, attendant son feu vert pour y aller, pendant que le trio se remettait en route.
"Nul doute que vous le connaissiez! Il s'agit du capitaine Yuduar Al Rakija! Et oui, nous n'avons pas le même nom... Il ignorait mon existence en réalité, Sanward est le nom de ma défunte mère, je n'ai retrouvé mon père qu'il n'y a quelques lunes... Un an et demi tout au plus." Confie-t-elle comme si c'était la chose la plus naturelle du monde. Après tout, cela n'a rien de réellement incroyable, vu le passé d'aventurier du, maintenant, respecté capitaine de la garde dans le sud du royaume. Après tout, beaucoup d'aventurier sont également aventureux et Fedora n'a aucun doute de ne pas être la seule enfant illégitime que l'on peut trouver dans le royaume... Mais qu'importe, Fedora n'est pas le centre d'attention aujourd'hui! Loin de là même et une jeune fille semble commencer à fatiguer. Même si, en réalité, la poupée aurait aimé pouvoir passer plus de temps avec la petite Elya, cela n'est que partie remise! Maintenant, il est temps de la raccompagner et de lui permettre de se reposer. Une promesse de revenir la voir bientôt suffit à la convaincre même si, de son côté, Rhis avance d'autres arguments encore qui terminent de la faire accepter le retour au conservatoire : la possibilité de parler de sa journée avec ses amis et des histoires sur la princesse sont en effet un moyen relativement efficace de la convaincre.
"Avec plaisir mais, on pourra faire cela la prochaine fois Elya? Comme ça je pourrais te faire des démonstrations en même temps? Je dis toujours à Lin que la théorie est bien plus intéressante lorsqu'elle est vue en pratique!" Affirme-t-elle en riant doucement. "De plus, je suis bien curieuse d'entendre ces histoires sur la princesse..." Conclue-t-elle en offrant un regard entendu à son partenaire, se demandant ce qu'il va pouvoir inventer pour que ce soit captivant pour la jeune enfant. Prenant l'autre main d'Elya, Fedora ouvre la marche pour ramener tout ce petit monde à leur destination en laissant Rhis prendre le temps de parole cette fois.
Ainsi, elle était la fille du capitaine Yuduar Al Rakija. Rhis en avait forcément entendu parler, c’était quand même une personne importante au sein de la Garde, mais on ne pouvait pas dire qu’ils avaient vraiment fait connaissance jusqu’ici.
- Effectivement, votre père est connu, et j’ai déjà entendu parler de lui, sourit Rhis. Ce sera un plaisir de le rencontrer un jour, que ce soit au palais ou un autre endroit d’Aryon. Je vous avoue qu’on a pas eu réellement d’échanges ensemble, mais si Lucy le veut, ça arrivera peut-être bien un jour. Puis l’escrimeur écouta la demoiselle lui raconter que Yuduar et la poupée n’avaient pas le même nom, car elle portait celui de sa mère, et le capitaine n’apprit apparemment l’existence de sa fille qu’il y a quelques lunes. Décidément, sa vie familiale avait l’air remplie de péripéties, et nul doute que, derrière sa jolie voix, elle avait bien dû souffrir de la disparition de sa mère et de l’absence de son père. Comment avait-elle-même découvert qu’elle était son enfant ? C’est une bonne chose si vous avez pu prendre contact avec lui, commença Rhis. Mais, sans vouloir être indiscret, votre apparence n’a pas joué en votre défaveur ? Et il a réussi à vous croire ? Après tout, à la place de Yuduar, Rhis l’aurait gentiment envoyée voir ailleurs, sauf si la miss avait eu de solides arguments à lui présenter…
Quoi qu’il en soit, il était temps d’achever leur journée à la plage avec Elya et Fedora lui proposa donc de faire une démonstration de ses enchantements à sa prochaine visite. C’est aussi un bon moyen pour consoler Elya de devoir les quitter. Mais avant ça, il fallait la ramener au Conservatoire, et il fallait aussi lui raconter une histoire… En toute honnêteté, Rhis n’était pas le barde le plus excellent au monde mais son expérience chez les espions lui avait appris à mentir et à improviser facilement. C’est donc une voix tout à fait naturelle qu’il prit la parole à l’attention de la gamine :
- Il était une fois une princesse qui vivait dans un palais avec son frère, le roi et la reine. La gente demoiselle raffolait des belles robes, des bals, et surtout des bons desserts et des sucreries qu’on lui servait à la fin de la journée. Mais voilà, en elle sommeillait une aventurière, et la princesse s’ennuyait ferme au palais.
- Comment on peut s’ennuyer dans un château ?
- Qui sait, peut-être en avait-elle marre de sa routine journalière ? En tout cas, elle décida un beau jour de prendre la poudre d’escampette et d’utiliser un des portails de la capitale.
- Les trucs qui nous permettent de nous téléporter par magie ?
- Exactement. Elle se mêla donc aux gens du peuple, et elle cacha sa véritable identité bien sûr. Elle commença à vivre parmi le peuple et entendit parler…
- D’un dragon !
… Comment ça, d’un dragon ?
- D’un dragon tout rouge qui crachait du feu !
Bien décidée à se mêler aussi à l’histoire, Elya avait lancé sa proposition avec l’enthousiasme typique des enfants.
- Oui, d’un dragon qui vivait tout au Nord dans le coin de la Forteresse et qui terrorisait les pauvres villageois.
Et c’est ainsi que naquit Athéas, exterminatrice de dragon, grande aventurière de niveau saphir qui, fatiguée de sa quête dans le froid du nord, finit par rentrer au palais pour se reposer un peu de son périple bien agité. Si on s’était (légèrement) éloigné de la réalité, au moins, la petite avait été à fond concentrée dans l’histoire racontée par Rhis et elle fut même légèrement surprise quand l’espion s’arrêta.
- Eh bien, nous voilà arrivés au Conservatoire.
- Oui…
D’un coup, l’enfant était moins enthousiaste, mais elle suivit quand même Rhis dans le hall d’entrée. Si le conseiller se souvenait bien, il devait confier la gamine au personnel infirmier de l’établissement, et remettre également le matériel qu’ils avaient empruntés.
Mais avant ça…
- Je pense qu’il va falloir nous quitter bientôt, Elya. Tu sauras redire toute l’histoire que je t’ai racontée à tes camarades ?
L’intéressée hocha vivement la tête, mais il ne fallait pas être devin pour comprendre qu’elle n’était pas intéressée à leur dire au revoir. Aussi, à défaut d’autre chose, Rhis se tourna vers Fedora. Elle aurait peut-être les mots justes pour dire au revoir.
"Je suppose? Je mentirai si je disais que les choses ont été simples avec mon père. Voir une poupée de dix-neuf ans apparaître soudainement à la caserne et demandé à parler au capitaine pour lui dire "Maman est morte mais avant de mourir elle m'a dit que tu es mon papa"? qui donc aurait pu le croire? Surtout que, mon apparence rend difficile de trouver un point commun quelconque vous vous en doutez..." Commence-t-elle, expliquant simplement les choses telles qu'elles sont. "Pourtant, papa est quelqu'un de bien, d'avenant et d'attentif! Il a prit le temps de discuter avec moi, de m'écouter, de me laisser tenter de le convaincre. Bien-sûr il avait des doutes mais au final, il sait maintenant que c'était vrai" Conclue-t-elle finalement.
Et maintenant, il est temps de raccompagner la jeune demoiselle au conservatoire, cette journée a été riche en émotion mais, toutes les bonnes choses ont une fin. Sur le trajet, c'est Rhis qui n'a d'autre choix que d'amuser notre petite protégée en lui racontant une histoire sur la princesse! Histoire qui intéresse grandement la jeune demoiselle puisqu'elle ne cesse de poser des questions jusqu'à continuer l'histoire avec le conseiller royale sous le rire amusé de Fedora. Oh oui elle connaît bien cela, Melta aussi aime particulièrement détourner les histoires pour les rendre plus fantastique, plus passionnantes aussi sans doute, du moins selon lui? En tout cas, Rhis ne perd pas le nord est parvient à jongler avec cette péripétie soudaine pour la belle princesse qui vient de devenir héroïne malgré elle d'un conte fantastique dans lequel elle terrasse un terrible dragon! Est-ce que la princesse aimerait cette légende qui risque de se propager si Elya en parle à ses camarades? Difficile de le dire en réalité mais qu'importe? Si cela a plu à la jeune fille c'est le principale.
Mais déjà, les portes du conservatoire s'aperçoivent. Le moment de dire aurevoir est arrivé et, même si le gentilhomme tente de remonter le moral de la demoiselle en lui demandant si elle sera capable de répéter l'histoire, il est évident que le coeur n'y est pas. Dire aurevoir, c'est toujours compliqué! Fedora le sait, plus que quiconque même! Avec son apparence, elle s'attache vite à ceux qui ne la juge pas, ceux qui ne l'insultent pas, ceux qui ne veulent pas la chasser à grand renfort de coups. Ils sont certes de plus en plus nombreux mais ce n'est pas encore le cas de tous. Elle se lie vite d'amitié - du moins de son côté - et chaque fois qu'elle quitte ses nouveaux amis, elle promet de les revoir! Pour certains, cela a été le cas : Lin, Faolan, Jaina... Mais beaucoup d'autres ont disparus de sa vie sans jamais qu'elle ne les croise une nouvelle fois : Inaros, Aelith ou Kell entre autre... Le moment des adieux est toujours difficile. La poupée s'avance alors et s'agenouille pour se mettre à la même hauteur que la demoiselle.
"Elya tu te souviens de notre promesse n'est-ce pas?" Un hochement de tête de la petite en guise de réponse. "Moi je ne l'oublierai jamais! Je vais revenir très bientôt je te le promets..." Elle relève la tête, ses petits yeux brillent comme s'ils étaient larmoyants et Fedora vient passer ses bras autours d'elle. "Un câlin ça me remonte toujours le moral à moi! Tout va bien, on se revoit très bientôt!" Affirme-t-elle alors que la petite se laisse aller à lui rendre son étreinte. Après un petit moment, le personnel vient recherché la petite qui fait ses aurevoirs à grand renfort de signe de la main, les deux adultes rendent le matériel et Rhis et Fedora sortent du conservatoire.
"Pour être parfaitement honnête monsieur Rhis... Cela me fait beaucoup de peine d'avoir dû lui dire aurevoir..." Avoue-t-elle en souriant, un sourire voulant dire bien plus que cela cependant, avant de tourner son regard sur l'homme. "Je reviendrai bientôt comme je lui ai promis! Peut-être pourrez-vous vous joindre à moi? Pour l'heure, je crains qu'il ne soit également temps de nous quitter. Cela a été un plaisir de vous rencontrer!" Affirme-t-elle en faisant une révérence digne de la cour, tenant les pans de sa robe pour s'incliner.
Cela étant dit, de ce que Rhis avait pu voir, elle avait un bon caractère, qui la poussait certainement à aller en avant. Et c’était bien ! Sans compter que l’histoire avec son père s’était finalement bien conclue.
- Il m’a l’air d’un homme affectueux et à l’écoute, au moins. Tout le monde n’aurait pas pris le temps de vous recevoir aussi longtemps, et c’est tout à son honneur. Surtout si ça s’est finalement bien terminé !
Puis, les deux complices s’intéressèrent de nouveau à Elya. Le conseiller royal dut même broder une histoire au gré des envies de leur petite protégée. Athéas n’étais bien sûr pas une aventurière, ni une chasseuse de dragon, ni une femme qui protégeait envers et contre tout la veuve et l’orphelin, mais ces petites fantaisies étaient amusantes pour la gamine, et même pour les deux adultes qui l’accompagnaient.
Enfin, leur petit trio arriva au Conservatoire. Il ne restait plus qu’à remettre leur matériel… et évidemment dire au revoir à la petite-fille. Rhis laissa la main à Fedora, qui vint s’agenouiller dans la demoiselle. Elle vint même à lui donner un câlin… Ce qui était ma foi une bonne idée pour des adieux. La poupée lui rappela en plus leur promesse, et quand elle se détacha de l’enfant, ce fut Rhis qui prit la parole.
- Je garderai bien le coquillage que tu m’as offert en souvenir, lui fit-il en s’agenouillant et en lui caressant affectueusement les cheveux. N’oublie pas d’être aussi courageuse que la Princesse quand elle terrassa le dragon, d’accord ? Tu dois être un modèle pour tous tes camarades !
Cette fois, Elya hocha plus vigoureusement la tête que la toute première fois, et elle finit par les laisser quand le personnel soignant vint vers leur groupe. Elle leur fit un signe de main, que Rhis lui rendit aussitôt ainsi que sa partenaire du jour, et il resta finalement seul avec Fedora. Celle-ci ne tarda pas à lui avouer que ça lui faisait beaucoup de peine de lui dire aurevoir, et qu’elle comptait bien revenir comme elle le lui avait promis.
- Je vous accompagnerai avec plaisir, lui fit-il. Indiquez-moi peut-être où est l’atelier de Lin dans la capitale, je pourrai peut-être y passer un jour, et de là, nous verrons quand nous pourrons faire le voyage ensemble, lui proposa-t-il. Quand la poupée lui dit ensuite qu’elle allait le quitter et que ça avait été un plaisir de le rencontrer, un sourire franc naquit sur son visage. Plaisir partagé ! Si vous revenez un jour au palais, n’hésitez pas à me le faire savoir, ce sera un plaisir de vous revoir là-bas. Et avec sa vraie apparence cette fois-ci, et le beau brun poursuit. Je vais donc vous quitter aussi. Portez-vous bien et à bientôt, Fedora.
Saluant une dernière fois la demoiselle, Rhis sortit alors du Conservatoire pour se diriger vers le chemin du retour. Il avait accompli son devoir en venant ici, comme il l’avait promis, mais il en garderait un bon souvenir, et le coquillage d’Elya serait un bon moyen de lui rappeler leur petite aventure à l’Archipel.
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