Demander de l'énergie... ça, c'était certain, se dit Kasha en tentant de récupérer une mèche de ses propres cheveux, dont le chaton avait décidé de faire son prochain jouet. Théoriquement, elle n'avait pas vraiment d'objection à ce qu'il joue avec, mais elle voulait surtout éviter qu'il les lui abîme à coups de griffes ou de crocs et, surtout, qu'il lui fasse mal en tirant trop fort dessus. Mais, alors qu'elle tentait de la dégager, elle agitait la mèche, et Nox, croyant qu'elle voulait jouer avec lui, lui rendait la tâche encore plus difficile.

- Mais lâche ça !

S'interrompant, le chaton l'observa, puis, doucement, sembla obéir, cherchant à dégager ses pattes... Mais il avait si bien emmêlé les cheveux qu'il n'y arrivait pas. Kasha vint à son secours, et même avec ses doigts d'humaine, eut du mal à le libérer.

Après plusieurs minutes de lutte, elle finit par réussir, et, prenant le chaton dans sa main, le leva au niveau de ses yeux, pour le regarder droit dans les siens :

- Voilà ce que tu risques en jouant avec n'importe quoi. On ne touche pas aux cheveux, compris ?

Il se ratatina dans sa main, laissant échapper un gémissement. Considérant qu'il avait compris la leçon, Kasha le reposa sur la table, résistant à la tentation de l'apaiser d'une caresse. Mais il devait comprendre qu'elle n'aimait pas ce qu'il venait de faire, et, pour que la réprimande soit claire dans la tête du chaton, elle ne devait pas lui donner de signaux contradictoires.

Alors que le chaton allait s'isoler dans un coin, Kasha en profita pour s'attacher les cheveux, afin de limiter les risques que cette bêtise se répète. Elle allait donc probablement sortir bien plus couvent avec les cheveux attachés, maintenant que le petit diable l'accompagnait...

L'incident terminé, elle reporta de nouveau son attention sur Sileas :

- Excusez-moi.

Il lui fallait à présent se concentrer de nouveau sur la conversation. De quoi parlaient-ils, déjà ? Ah oui, les familiers "sauvages"... Qui n'étaient justement pas des animaux sauvages. Elle hocha la tête.

- En effet, c'est sans doute beaucoup mieux qu'ils se trouvent un nouveau maître plutôt que de mourir en pleurant l'ancien...

Mourir... Elle était peut-être allée un peu loin, pour le coup, mais elle imaginait mal un familier abandonner son maître, même mort. Alors oui, si personne ne recueillait le familier en question, il finirait par mourir en le pleurant. Elle ne savait pas si un familier pouvait mourir de vieillesse, mais après tout, c'était un animal, non ? Magique, mais un animal tout de même, et tout animal a une durée de vie maximale, non ? En réalité, elle n'en savait rien. Et elle décida que ce n'était pas un sujet à aborder alors que son propre familier venait tout juste de naître, et avait donc de longues années devant lui.

- Et pour ce qui est du maître... J'imagine que certaines personnes ne veulent pas avoir à gérer les bêtises des tout jeunes familiers.

La dernière réplique de l'homme lui arracha un petit rire :

- En effet, ce serait dommage, surtout vu ce qu'il m'a coûté !

Puis, reprenant son sérieux, elle lui livra sa vraie réponse :

- Plus sérieusement, le prix n'est pas important. C'est sûr que je vais devoir l'éduquer, mais ça ne me dérange pas. Je ne regrette absolument pas mon achat.

Contrairement à ce que l'homme imaginait, Kasha n'eut pas de réaction spécifique au terme d'utilisation. Certes, elle aurait préféré qu'il emploie quelque chose comme "employer", par exemple, mais elle pouvait concevoir que tout le monde ne pouvait pas s'imaginer qu'il soit possible d'offrir un emploi à un animal au même titre qu'un humain. Ne trouvant pas d'auyre terme susceptible de correspondre, elle décida de ne pas s'en formaliser.
Puis elle se concentra sur l'ensemble de la tirade. Quelque chose la dérangeait. Certes, un animal adulte serait opérationnel bien plus tôt qu'un bébé, mais "traumatisé"... Il y avait quand même des actions à effectuer, du dressage, peut-être... Qui savait ce que pouvait faire un animal dérangé mentalement, même dans une situation de sécurité facile à gérer ? D'un autre côté, Sileas n'avait jamais dit que de tels familiers seraient immédiatement opérationnels, mais simplement qu'ils le serait "plus rapidement"... Là, elle était d'accord. Mais elle ne voyait pas vraiment quoi lui répondre, aussi, elle se contenta de hocher la tête.

Puis vint une question qui la fit sourire. Et elle réalisa qu'elle ne portait pas sa plaque... D'un autre côté, lorsqu'elle était arrivée à la Forteresse, elle souhaitait faire une pause, que la Guilde ne fasse pas appel à elle. Alors, elle lui répondit calmement :

- Oui, excusez-moi, je suis... On va dire en vacances. Et je suis une aventurière, moi aussi. Mais, comment dire...

Elle fit une pause. Elle voulait absolument ne pas lui laisser la possibilité de penser qu'elle était une combattante. Alors, elle finit par opter pour la simplicité :

- Eh bien, contrairement à vous, je ne suis pas une combattante. Je sais me défendre, mais cela ne va pas plus loin.

Fouillant dans ses affaires, elle en sortit sa fameuse plaque d'aventurière, qu'elle glissa vers lui. S'il voulait plus d'informations, il les trouverait sur le métal. Des informations du type que sa spécialité était l'infiltration, qu'elle était aussi employée pour contrôler les activités plus ou moins illégales de diverses personnes... Ce qui était en réalité son activité principale, mais qu'elle n'aimait pas. Par conséquent, elle n'en parlerait pas à voix haute. La vraie infiltration, qui lui demandait de porter des masques, d'incarner ses avatars principaux ou juste un qu'elle créait pour une mission précise sans le réutiliser par la suite, c'était ça qu'elle aimait. Bon, évidemment, il ne trouverait pas ses préférences sur sa plaque, mais elle était certaine qu'il y trouverait les informations recherchées. Plus pour la forme qu'autre chose, elle demanda :

- Besoin de précisions ?

Elle récupéra sa plaque avec un hochement de tête accompagné d'un sourire, ne pouvant s'empêcher de noter son changement d'attitude. Quelle cruche, elle aurait quand même pu lui en parler bien plus tôt ! D'un autre côté, elle avait d'autres soucis en tête à ce moment précis...

Puis il reprit la parole, et elle ne put s'empêcher s'il avait délibérément choisi le mot "famille" pour parler de la Guilde. Et elle ne put s'empêcher de commenter :

- Vous ne croyez pas si bien dire. Je vois la Guilde comme ma famille... Au sens propre.

Elle ne savait cependant pas si elle allait lui en donner la raison. Après tout, une amnésie volontaire n'était pas un sujet facile à partager... Et clairement pas un sujet qu'elle partagerait à n'importe qui, même si elle pourrait être qualifiée de sociable. D'accord, Sileas et elle se connaissaient un minimum, à présent, mais cela ne lui suffisait pas. Parfois, elle avait le sentiment qu'elle pouvait s'ouvrir à la personne face à elle sans aucun souci, ça avait été le cas avec le conseiler royal, avec Agneta également. Mais elle ne trouvait pas vraiment d'autre exemple... Et Sileas lui faisait l'effet d'un mur. D'accord, il laissait apparaître plus d'émotions que certaines personnes qu'elle avait croisées par le passé, mais elle n'était toujours pas sûre du degré de confidence qu'elle pouvait se permettre. Evidemment, il était aventurier, elle était prête à lui confier sa vie si nécessaire, d'autant plus qu'en tant que non combattante, il était parfois nécessaire de s'en remettre à ceux qui étaient plus doués avec les armes. Mais de là à lui confier pour ainsi dire l'essence de ce qu'elle était... C'était aller trop loin, clairement.

Elle se concentra sur la dernière partie de sa phrase. Il ne côtoyait pas ce genre de spécialité...

- En effet, vous auriez du mal à avoir rencontré quelqu'un comme moi... Je n'en ai moi-même jamais rencontré, et quand je suis arrivée, il a été rendu très clair que j'étais seule dans mon domaine. Je ne suis pas au courant de l'identité de toutes les nouvelles recrues, mais j'imagine que je suis toujours aussi seule... Mais je ne m'en plains pas, d'un côté, ça me rend unique, et il y a certaines missions que je suis la seule à pouvoir réaliser, ce qui m'enlève toute concurrence !

Elle retint un rire après sa dernière phrase. Evidemment, même si d'autres personnes venaient à partager sa spécialité, ce ne seraient pas des concurrents. Si plusieurs personnes étaient intéressées par la même quête, elles formaient simplement un groupe et partaient ensemble.

Puis vinrent les compliments. Aïe. Elle n'avait jamais été à l'aise avec ça. Elle se contenta donc d'un petit :

- Je pourrais vous dire la même chose...

- Mais le maniement des armes à un niveau supérieur que le purement utilitaire ne m'intéresse pas, compléta-t-elle en son for intérieur. Si jamais elle avait besoin de protection, elle pourrait toujours demander à n'importe quel aventurier combattant. Eux n'étaient pas rares, elle aurait d'ailleurs certainement le choix, si elle avait un jour besoin d'un protecteur. En tous cas, elle ne s'inquiétait pas de ce côté-là.

Elle en était là de ces considérations lorsqu'il lui fit une proposition alléchante. Un nouveau familier plus adapté ? Une rencontre ? Même si elle ne savait pas exactement ce qu'il entendait pas "adapté", agrandir le cercle de connaissances pour l'instant quasi nulle de son compagnon ne pouvait que l'intéresser. En espérant que cela aboutisse sur quelque chose de positif...

- En effet, ça m'intéresserait beaucoup. En espérant que votre nouveau compagnon s'entendra mieux avec Nox, parce qu'honnêtement, j'ai l'impression qu'il ne fait que tolérer le glooby...

Ayant entendu son nom, le chaton la regarda, implorant, n'osant visiblement pas revenir vers elle. Avec un soupir, elle le récupéra pour une longue session de caresses :

- Je ne t'en veux pas, tu sais ? À condition que tu comprennes que tu as fait une bêtise, et que tu ne recommences pas.

Elle avai trouvé sa voie, c'était certain. Par contre, ce qui lui plaisait...

- Je dois avouer que ce que je fais le plus souvent n'est pas ce que je préfère, mais bon... J'imagine qu'on ne fait jamais exactement ce qu'on veut.

De plus, elle avait de la chance. Certes, ce qu'elle préférait dans son métier n'était pas ce à quoi elle passait le plus clair de son temps, mais elle avait tout de même, de temps en temps, l'occasion de s'adonner à ces grosses missions d'infiltration, qui mettaient réellement ses compétences à rude épreuve. Alors oui, elle était loin d'effectuer ce genre d'opération tous les jours, mais elle le faisait de temps en temps, et devrait donc apprendre à s'en contenter.

Puis il vint détruire le préjugé qu'elle avait construit peu de temps auparavant. Ah ? La camaraderie ne régnait pas toujours chez ses collègues ? Il pouvait encore y avoir des débats ?

- Pourtant, la majorité des quêtes que je vois vous correspondent... J'imaginais qu'il y en avait assez pour tout le monde... Je suis sûrement naïve.

Lorsqu'il lui parla des quêtes qu'elle était la seule à accomplir, elle se souvint soudain de cette quête, une année auparavant, pour laquelle on lui avait demandé de voyager jusqu'à la Forteresse... Et elle se dit qu'il s'agissait d'une anecdote digne d'être contée rapidement :

- Vous ne croyez pas si bien dire. Il y a environ un an, je suis tellement seule dans mon domaine que j'ai dû venir jusqu'ici, à la Forteresse, pour rejoindre une aventurière qui avait besoin d'aide. Et probablement de mon aide en particulier... Ah, information qui pourrait vous être utile : j'habite à la Capitale.

Quand même. Il fallait lui fournir les informations de base pour qu'il puisse se faire ses propres conclusions.

Les suppositions qui suivirent pour tenter d'expliquer le comportement du Tenko la firent sourire. En effet, ces paroles étaient censées et pouvaient très bien être la vérité la plus pure. Néanmoins, elle se permit une réflexion, qui valait ce qu'elle valait :

- Les félins aiment le soleil, c'est indéniable. Mais pour ce qui est de Nox... Il est noir, le soleil lui tiendra probablement très vite trop chaud. Sans compter qu'il est né ici, où le climat n'est pas franchement celui d'une fournaise... Tout ça pour dire que je ne serais pas étonnée qu'il supporte moins bien la chaleur que ses frères de race. D'un autre côté, il reste un Tenko, donc... J'imagine que de toutes façons, nous serons très vite fixés, la saison chaude est sur nous, après tout.

Puis il exprima des doutes quant à son hypothétique future monture. Elle balaya ses objections d'un sourire :

- De toutes façons, vous avez mon nom, vous pouvez demander à la Guilde où me trouver si vous voulez organiser cette rencontre. Et si vous ne le voulez pas... Libre à vous de ne rien demander également. Même si j'ai moi aussi votre nom, donc je pourrai probablement demander de vos nouvelles dans quelques temps.

Voilà l'avantage de travailler pour le même employeur : même s'ils ne se trouvaient pas au même endroit, l'un comme l'autre pouvait toujours demander à un hôte la localisation de la deuxième partie du duo. Même si, pour être honnête, Kasha avait gardé cette mauvaise habitude de fuir lorsque son quotidien lui pesait trop. Si elle refaisait le même coup que lors de son séjour à la Forteresse actuellement sur le point de se terminer, si Sileas la cherchait, il pourrait toujours essayer... Il fallait vraiment qu'elle abandonne cette mauvaise habitude. Surtout qu'à présent, elle n'était plus seulement seule dans sa spécialité et mentor, elle était également propriétaire de familier... Les responsabilités s'accumulaient, il fallait qu'elle apprenne à y faire face avant que cela ne devienne tout à fait impossible...

Elle ne put s'empêcher à la mention des ambitieux visant à devenir Saphirs. Evidemment, puisqu'elle vivait dans les locaux de la Guilde, elle croisait tous les jours ce genre de personne. Mais, ne sachant pas si Sileas en faisait partie, elle préféra ne rien dire, se souvenant encore de son erreur précédente.

À la mention des missions "de routine ou de surveillance", elle ne put retenir un rire amer. C'était exactement ce qu'elle faisait la plupart du temps, même si elle se doutait que, dans leurs deux domaines, ces termes, même s'ils étaient identiques, ne désignaient probablement pas les mêmes réalités. Néanmoins, elle pouvait leur trouver un point commun : c'étaient des missions faciles et pour lesquelles il était difficile de trouver de l'intérêt. Enfin...

- J'imagine que le terme "mission de routine" ne désigne pas la même chose pour vous que pour moi, mais, si vous voulz mon avis, même si elles ne sont pas les plus intéressantes, elles ont quand mêmes quelques avantages : elles sont assez faciles et surtout rapides à effectuer. Et dans mon domaine, la rapidité est un avantage décisif.

Elle eut du mal à cerner de quels "échelons" il parlait, mais décida de ne pas lui poser la question. En effet, elle se doutait qu'il ne parlait pas de la hiérachie de la Guilde, les échelons se gravissant plutôt par des actions d'éclat, dans ce domaine. Le genre d'exploits dont elle se savait incapable et qui ne l'intéressaient de toutes façons pas.

Lorsqu'il parla de l'accès au portail, elle afficha une expression malicieuse :

- J'ai déjà cette autorisation. Mais c'est tout récent, l'année dernière, je devais encore me balader à pied.

Songeuse, elle finit par penser à voix haute :

- J'ai cette autorisation, oui... Encore faudrait-il que je pense à m'en servir !

En effet, elle aurait pu utiliser un tel accès pour sa petite escapade loin de la Capitale. Mais elle n'y avait tout simplement pas pensé. Et elle se revit économiser ses cristaux pour les dépenses du voyage... Avec les portails, cela n'était plus nécessaire ! Elle remercia mentalement Sileas pour le lui avoir rappelé, n'osant pas encore le faire à voix haute : après tout, si la conversation se prolongeait, rien ne disait qu'elle n'allait pas encore oublier...

Quand il la rassura vis-à-vis de sa boule de fourrure, elle acquiesca, songeuse, portant son regard sur le petit animal, qui s'était rendormi au creux de sa main.

- Je n'irai clairement pas l'exposer au désert, mais à voir comment il supportera la saison chaude, rien que ça, ça devrait donner une bonne indication au sujet de sa résistance.

Ensuite, il confirma sa proposition de reprendre contact, plus tard. Elle apprécia malgré elle le qualificatif utilisé pour la Capitale, et glissa une fois de plus son avis :

- C'est justement parce que c'est calme que c'est là que j'ai décidé de vivre.

Puis, après un moment de réflexion, elle ajouta :

- Mais ça peut aussi se faire dans l'autre sens. En quelque sorte, la Forteresse pourrait devenir ma deuxième maison, puisque j'y passe de plus en plus de temps. Et si je pense à utiliser ces fameux portails, il ne devrait pas m'être trop compliqué de venir vous voir.

Après une nouvelle minute de réflexion, elle pense quand même à s'assurer d'une information capitale :

- Vous vivez bien par ici ?

Encore une fois, face à la même situation, ils ne réagissaient pas de la même manière. Les deux avaient obtenu leur autorisation récemment, et l'homme ne pouvait s'en passer, alors que la femme avait du mal à simplement se souvenir qu'elle pouvait utiliser ces fameux portails... Et ne les avait donc pas encore utilisés.

Puis ses mots suivants vinrent confirmer qu'il n'avais pas exactement compris la raison de sa préférence. Raison qu'elle s'empressa d'expliciter :

- Même si vous n'avez pas complètement faux, c'est vrai que je n'aime pas trop ne pas savoir où je vais passer la prochaine nuit, mais mon choix a surtout été motivé, une fois de plus, par le travail. La plupart des personnes que je dois observer vivent à la Capitale, il est donc plus facile pour moi d'être déjà sur place.

En effet, même si elle était parfois amenée à voyager pour des missions plus importantes (qui la menaient presque toujours à la Forteresse, à croire qu'une fois encore, Lucy voulait lui faire passer un message), lorsqu'elle devait effectuer ces fameuses petites missions qui ne la passionnaient pas mais avaient d'autres avantages, c'était dans les différentes zones de la Capitale que cela avait lieu. Peut-être cela était-il dû également au fait que, dans cette ville, les habitants, n'ayant pas grand-chose à craindre des bêtes sauvages, étaient plus prompts à se soupçonner les uns les autres, peut-être simplement pour s'occuper... Car la plupart du temps, les personnes qu'on l'envoyait contrôler n'avaient rien à se reprocher... Elle soupira. Ce n'était pas la première fois qu'elle en voulait à ces clients d'en quelque sorte lui faire perdre son temps, mais, d'un autre côté, ils ne s'étaient jamais plaints d'elle. Elle avait toujours ses cristaux, et, peut-être cela lui permettait-il de gagner une certaine réputation parmi les clients... Elle n'en avait aucune idée, elle qui, de toutes façons, ne connaissait jamais les personnes pour qui elle travaillait.

Puis il lui expliqua qu'il était difficile pour lui de se définir une adresse. Etrangement, Kasha ne fut pas excessivement surprise. Hochant la tête, elle nota mentalement l'information, sans poser plus de questions.

La plaisanterie qui suivit la fit sourire, et elle compléta :

- Surtout que vous n'êtes probablement pas la seule personne à en posséder une, imaginez que j'en découvre une en espérant vous trouver, et que je tombe sur quelqu'un d'autre ! Je ne saurais pas comment m'en sortir !

Elle laissa échapper un petit rire. Evidemment, elle ne partirait pas à la recherche de quelque chose d'aussi insaisissable qu'un tel objet, mais, si, à un moment donné, la situation qu'elle venait de décrire lui arrivait... Il était évident qu'elle ne saurait pas où se mettre. D'un autre côté, pourquoi remuer ciel et terre pour retrouver quelqu'un qu'elle venait de rencontrer ? Peut-être plus tard, s'ils venaient à se rencontrer de nouveau et se rapprocher, mais actuellement... Ils étaient collègues. Certes, il l'avait guidée au sujet de son familier, et pour cela, elle lui en serait éternellement reconnaissante, mais de là à le traquer... Non, décidémment, elle ne se le permettrait pas.

Elle hocha de nouveau la tête. Exactement. D'un autre côté, elle ne put retenir une plaisanterie :

- J'attends le moment où on me demandera de poursuivre un ermite... À voir qui surprendra l'autre !

Même si elle savait que c'était impossible. En effet, ses clients, même si elle ne les connaissait jamais, lui donnaient toujours toutes les informations utiles, avec en bonus l'accès au lieu de "rencontre" avec sa cible si nécessaire, comme cela avait été nécessaire lors de ses deux dernières interventions chez les nobles. Mais les informations de base contenaient presque toujours, entre autres, les habitudes principales de la cible, afin de lui permettre de savoir où elle avait le plus de chances de la trouver. Dans le cas d'un ermite... Par définition, il s'agissait de quelqu'un qui ne voulait pas être retrouvé, les informations de base ne seraient donc probablement pas disponibles.

Alors qu'il reprenait sur le sujet de la potentielle reprise de contact, elle acquiesca :

- Je comprends. J'ai l'impression que ce ne sera pas si facile que ça de se revoir... Enfin, d'accord, nous passerons tous les deux par la Guilde. Après tout, les hôtes connaissent chacune de nos allées et venues !

Encore une fois, elle ne lui demanderait pas plus de précisions. Elle savait très bien ce que cela faisait de ne pas vouloir être dérangée, et supposait donc qu'il pouvait en être de même pour son vis-à-vis. Lequel en profita pour prendre congé, après avoir débarrassé son verre de son compagnon, sous le regard amusé de Kasha.

Avec une mimique d'approbation, elle enchaîna :

- Vous avez raison. De mon côté, me connaissant, je vais mettre du temps à trouver ce fameux portail de téléportation, autant me mettre en chasse au plus vite si je veux être rentrée avant la nuit...

En effet, en observant l'une des fenêtres de l'auberge, elle remarqua que le Soleil avait poursuivi sa course. Réveillant son chaton, qui émit un début de miaulement de protestation, avant de se taire en remarquant que sa maîtresse semblait vouloir bouger, elle récupéra ses affaires, l'installant sur son sac, qu'il commença à explorer une nouvelle fois.

- Oh non, pitié. Attends un peu, non ?

D'un autre côté, elle comprenait que s'il devait voyager sur ce sac, il devait d'abord s'assurer qu'il ne recélait aucun danger. Avec un supir, elle finit donc par le laisser renifler consciencieusement la moindre couture.

Avec un regard pour l'homme, elle s'excusa :

- Je ne pourrai partir que quand Monsieur aura décidé que j'en ai le droit. Mais si vous avez des choses à faire, n'hésitez pas, ne me laissez pas vous mettre en retard. À une prochaine fois, certainement !

Puis elle reporta son attention sur son familier, guettant le moment où il déciderait que son exploration serait terminée.