La réponse ne me surprit pas vraiment tant elle était convenu. Non pas qu’elle était banale, simplement, je m’attendais à un truc de ce genre. L’animal qui choisit son maître et tout ça. L’artiste confirma d’ailleurs qu’il n’était pas une bonne idée de forcé un familier dans le choix de son maitre. Logique, personne n’aime être forcé et je répondais d’une voix calme.
- Logique.
Oui pas besoin d’en dire plus, moi qui passais du temps parmi les animaux, j’avais largement pu me rendre compte de cet état de fait. Kasha avoua ensuite que si ça se trouvait, je finirais par avoir un familier et peut-être même dès le lendemain. Il fallait vraiment que je me retienne de rire pour répondre tant cette situation me semblait inconcevable à cette époque. En ces mots, j’avouais d’une voix plus nerveuse.
- Aucune chance, je suis seul et c’est très bien comme ça. Je te l’ai dit plus tôt, je n’aurais pas le temps de gérer un animal comme tu le fais. Avoir une attention constante dessus et des heures pour … « Éduquer » une bestiole. Je préfère laisser les animaux là où ils sont, dans leur environnement.
J’étais dans la répétition, mais c’était toujours mon opinion. Je me souviens d’ailleurs avoir appuyé sur le mot « éduquer » tout en tournant mon regard vers l’homme comme pour jouer sur ce qu’il m’avait dit plus tôt aussi. Ensuite, j’ajoutais en anticipant une éventuelle parade à ce que j’avais dit.
- Et ne me dites pas que je n’aurais peut-être pas le choix, qu’il me choisira. Si on ne peut pas forcer un familier, il en va de même pour un humain. Je ne le ferais pas pour moi, mais bien pour lui, il sera moins triste entre les mains de quelqu’un d’autres.
Ouais, ça, je le pensais sincèrement. Peut-être parce que j’avais la certitude que je raterais toute son éducation. Que je ne saurais pas m’en occuper. La simple pensée d’avoir une vie entre les mains m’effrayait profondément, que les choix que je pourrais faire auraient des conséquences potentiellement néfastes. Je ne voyais que le verre à moitié vide dans ma vision d’un avenir avec un familier. Toutes les responsabilités que je ne serais probablement pas capable de prendre. Le temps que je ne saurais lui accorder et j’en passé. Cependant, je lâchais tout de même comme on lâche quelques piécettes d’un plus gros pactole.
- M’enfin, allé savoir après, je ne suis pas devin et je ne sais pas de quoi l’avenir est fait non plus.
Tout en lâchant un grand sourire, parce que de toute façon, n’a aucun moment je n’avais parlé avec méchanceté ou autre. Mon ton restait détendu malgré le fond.
- D'accord, au moins, on peut te reconnaître que tu sais ce que tu veux !
Elle marqua une pause. Il n'avait pas parlé de ce qu'il voulait...
- Enfin, de ce que tu ne veux pas... Bref. Tout ça pour direque, d'accord, je te laisse tranquille là-dessus... Juste après t'avoir posé une question, une seule, promis : si jamais tu changes d'avis, tu me le diras, hein ?
Décidemment, elle était têtue. Et elle comprendrait parfaitement qu'il le lui reproche. Mais elle n'avait pas non plus été convaincue par son "je n'ai pas le temps". C'était clairement l'opinion de quelqu'un qui n'avait pas de familier. Une fois liés par ce lien, le temps se trouvait tout seul, tout simplement parce que, en tous cas pour elle, le familier accompagnait son humain partout. Donc, même en mission, on avait du temps pour son petit compagnon. Parce qu'on n'avait pas le choix, tout simplement.
En parlant de son compagnon, elle jeta un regard aux Tenkos. Comme d'habitude, ils jouaient ensemble, mais l'aîné ne semblait pas avoir envie de donner des cours à son cadet... Peut-être le roux était-il trop vieux et le noir trop jeune, finalement. Deux âges auxquels on n'a pas réellement envie d'apprendre ou d'enseigner... Elle s'adressa donc au marchand :
- Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais j'ai l'impression qu'ils n'ont pas tellement envie de partager un moment d'enseignement...
L'homme laissa échapper un soupir déçu :
- Oui, excusez-moi. Je pensais que ça pourrait vous aider... Mais peut-être devriez-vous essayer de trouver un Tenko plus proche du vôtre en âge. Un jeune adulte, peut-être. Et expliquez bien votre situation à son propriétaire.
Elle hocha la tête, récupéra Nox, qui en profita pour continuer sa sieste dans ses bras, puis prit congé, avant de revenir vers Fenrir.
- Bon, alors... Je dois à la fois te remercier pour ton idée et... Ben juste te remercier, en fait. Parce que même si le résultat n'a pas été celui qui était prévu, Nox a quand même socialisé avec un autre familier, et ça, c'est l'une des choses que je voulais pour lui. Donc, merci.
Elle marqua un temps d'arrêt, observant les environs, plus pour se donner une contenance et ne pas fixer Fenrir de manière gênante que par réel intérêt. Puis elle reprit, reportant son regard sur le sien :
- Tu veux faire autre chose ? Sinon, je te promets aussi de continuer l'entraînement qu'on a commencé plus tôt. ça pourrait en effet être efficace... Plus tard. Je ne sais pas exactement dans combien de temps.
Les familiers, ce n’était pas fait pour moi. J’en avais la certitude et je ne me voyais vraiment pas en avoir à ce moment de ma vie. Malgré tout, la jeune femme ne semblait rien vouloir lâcher et me demanda rapidement, si jamais je changeais d’avis, que je la tienne au courant. Houla, étant aussi buté qu’un sanglier en train de charger… Je me connaissais que trop bien sur la question et je ne changerais pas d’avis.
- Oh, crois-moi, le simple fait de changer d’avis sera un exploit en soi pour moi. Mais oui, si on se recroise, je ne manquerais pas de te le dire.
Je commençais à sentir qu’il allait falloir que je reprenne le cours de ma vie. Laissant Kasha parler avec l’artiste, j’observais l’horizon en tachant de me rappeler ce que j’étais en train de faire avant que toute cette histoire ne m’arrive. Préparer mon départ, car j’avais en tête de partir aux aurores le lendemain pour l’est. J’avais entendu parler d’une petite légende locale là-bas et je voulais aller en apprendre plus.
Après quoi, j’avais aussi en tête de revenir chez mon oncle pour m’y reposer quelque temps. N’ayant plus vraiment de chez moi, j’avais malgré tout eu la chance de pouvoir compter sur le frère de ma mère, plus vieux qu’elle, mais pourtant intègre, il avait accepté de m’accueillir et de m’offrir un point de chute pour quand je voulais faire une petite pause avec l’aventure. En échange de mon aide bien évidemment.
J’entendais la voix de Kasha briser le voile de mes pensées et me ramenant doucement sur terre. Clignant deux fois des yeux pour revenir à la réalité, je l’observais en hochant la tête pour dire d’une voix détendue.
- Je n’ai pas fait grand-chose. Puis c’est encore un peu tôt pour des remerciements. On n’est pas sûr que mon idée fonctionne !
Après quoi, elle me proposa si je voulais faire autre chose tout en me confirmant qu’elle allait continuer l’entraînement. Bah, qu’elle fasse ce qu’elle veut, me dis-je à moi-même. Cependant, je hochais la tête négativement à sa demande, le moment fut agréable, mais il ne fallait que je tarde sinon je n’aurais plus assez de temps de mon côté. J’admis donc avec sincérité.
- Non désolé, mes obligations me rappellent et je vais être obligé de partir. De toute façon, si je me refais chiper ma bourse un jour par un Tenko, alors je saurais que ton entraînement n’aura rien donné ! Aller, sur-ce !
Je lui fis un signe de main, ainsi qu’à l’artiste pour ensuite disparaître à l’angle d’une rue. Un départ certes précipité, mais je ne tenais pas à faire durer le moment plus longtemps. Les adieux n’ont jamais été mon truc de toute façon… Demandé à mon père, il vous le confirmera.