Sacrée est la ripaille
Midi et demi. Heure de repas pour la plupart des gardes en poste à l’immense caserne de la capitale. Les fantassins faisaient la queue en nombre et trépignaient tous d’impatience à l’idée de savourer le menu du jour. N’importe quel soldat au service de la garde savait que la nourriture servie dans les cantines de la capitale était la meilleure du pays. Il n’y avait pas la moindre concurrence ailleurs et ce n’était pas Lotta qui allait contredire cette vérité universelle. Dans sa piteuse caserne paumée entre des villages campagnards sans intérêt, elle se souvenait encore des plats fades lui remplissant amèrement l’estomac. Le budget alloué aux casernes provinciales étant rarement conséquent, la pitance qu’on osait lui servir à l’époque avait trop souvent le goût de plastique rigide. Les menus n’étaient pas trop variés non plus et se transmettaient continuellement la palme du pire repas jamais servi. Déguster les plats de la capitale était donc un sacré changement pour elle. Lorsque les premières effluves délectables chatouillaient ses narines, pendant les entraînements matinaux, elle ne pouvait s’empêcher de sortir les crocs…
« Je crois que je vais égorger quelqu'un… » râlait-elle, alors que la queue ne daignait se dégonfler.
Parvenir jusqu’à cette sainte ripaille était souvent long. Très long. Mutée à la capitale depuis, Lotta ne connaissait pas toutes les techniques pour être servie rapidement. Agacée, elle dut prendre son mal en patience plusieurs minutes. Le regard qu’elle adressait aux personnes devant elle était noir et contrastait avec la douceur de son visage. Quant aux personnes qui essayèrent de la doubler… Il n’y en avait pas. Personne n’osait la doubler ni même l’aborder amicalement. La plupart des gardes savait déjà qu’elle faisait partie des combattantes ici à ne déranger sous aucun prétexte. « Faut vraiment que je me défoule sur quelqu’un… » pouvait-elle par exemple pester dans la file d'attente. De temps à autre, elle pouvait même calomnier quelques immondices tel que « Franchement... Pourquoi servir les faibles en premier… ». Les canines aiguisées, elle cherchait le moindre moyen de passer le temps dans cette interminable file…
Et lorsque les odeurs gastronomiques se furent persistantes, ses crocs s’aiguisèrent méchamment. Le moment était bel et bien arrivé. La phrase aguicheuse et tant attendue atteignit ses oreilles inespérées « Bon appétit ! », la campagnarde cria intérieurement de joie. Les cuisiniers polis et amicaux lui avaient enfin servi ses victuailles. La régalade allait enfin commencer. Pour de vrai. Le pas impatient, elle se dirigea jusqu’à une table dénuée de personnes insupportables et s’y installa hautainement. Au menu du jour, riz et poulet. Un grand classique pour les gardes citadins. Une rare bénédiction pour un ex-garde campagnarde. Sans remercier qui que ce soit pour ce merveilleux repas, Lotta s’empressa de le liquider. Elle n’avait guère les courtoises manières des nombreux soldats de la capitale éduquée par la noblesse. Madame étant une campagnarde, sa façon de manger put ainsi être sujet à certaines moqueries. Néanmoins, personne n’osa lui dire quoi que ce soit. Pour l’instant bien sûr ! Choisir une table sans emmerdeur lui permettait déjà de ne pas entendre de remarques désobligeantes. Elle n’attendait donc personne. De même, elle ne souhaitait voir quiconque s’asseoir à côté ou en face d’elle. La tranquillité était un bien dont elle raffolait…
Je saluais comme il se doit mon supérieur direct. Un homme bien costaud en armure qui semblait toujours être en proie à la réflexion. Son image de jeune intello premier de la classe contrastait avec son gabarit de guerrier. C'était même assez troublant comment on pouvait être aussi proche de ces deux archétypes à la fois. Mais il semblait pas d'humeur à parler philosophie aujourd'hui, et après m'avoir fait signe de me remettre au repos, il semblait chercher quelque chose dans les notes de son vieux grimoire qui ne semblait plus de prime jeunesse. Un blanc gênant s'installait puis il sembla trouver ce qu'il cherchait. Il s'éclaircit la voix et ajoutait d'une voix calme.
"Lotta O'myris, ce nom vous dit il quelque chose ?"
"Négatif chef ! Je devrais ?"
"Hum, et bien elle fait partie de la garde royale. Peu importe si tu la connais ou pas. On m'a rapporté qu'elle serait une très mauvaise camarade, qu'elle s'amuserait à ridiculiser et tourner en bourrique d'autres gardes. Il faut que cela cesse. Hier, elle a malmené une nouvelle recrue qui a eu le malheur de lui passer devant au réfectoire. Je veux que tu ailles lui parler et mettre les points sur les i. Il est inconcevable que ce genre d’événement s'installe sur la durée."
"Je comprends, pourquoi ne l'avez vous pas convoqué directement pour la sanctionner ?"
"Et bien, j'ai bien peur que ça ne lui fasse ni chaud ni froid. En vérité je veux que vous régliez ça dans un entrainement spécifique pour vous deux. Vous êtes deux combattants et je pense que la ridiculiser sur son terrain pourrait peut être lui remettre les pieds sur terre."
"Comptez sur moi, je ne faillirai pas."
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Voilà comment je me suis retrouvé à faire la queue, deux personnes avant elle. En vérité, je voulais voir si un même scénario allait se reproduire. Mais bizarrement, personne n'avait osé passé devant elle. Sans doute c'était-elle déjà taillée une réputation auprès des gardes. Je l'entendais faire des raisonnements sur la lenteur du service, et elle tapait du pied pour savoir pourquoi est ce que les faibles passaient en premier. J'étais tout à fait d'accord avec elle pour le coup. Cependant, à la garde, il n'y avait pas énormément de faible. Chacun avait un rôle à jouer, mais le combat ne faisait pas partie de leurs prérogatives. Et puis bon, ils ont aussi le temps de devenir plus fort, certains ont à peine l'âge de tenir un rasoir. Alors que je la voyais s'avancer, je remerciais gentiment le cuistot en refusant poliment l'assiette. Il me regardait bizarrement. Il ne comprenait sans doute pas pourquoi j'avais fais la queue pour ne rien prendre au final. Mais j'avais mon idée en tête, et je pourrais ripailler quand ma leçon de discipline sera faite.
Je m'installais à sa table, juste en face d'elle. Mon objectif : Attirer son attention et la gêner pendant son repas. C'est vrai, n'y a t'il rien de plus désagréable que d'être fixé par un inconnu quand on est en train de manger ? C'était une sorte de duel psychologique avant l'heure. En plus, sa façon de manger façon paysanne me fit sourire en coin. Assez rare pour être remarqué, il est rare que je souris en service. Mais je jubilais déjà à la correction que je voulais lui infliger. Je regardais la demoiselle dans les yeux, et après être sûr d'avoir attiré son attention, je disais d'une voix calme et lasse.
"Alors c'est toi Lotta, la petite terreur."
J'accompagnais ces trois derniers mots d'une petite moue moqueuse. Je n'avais rien contre les gardes d'ici, mais le fait qu'ils se laissent marcher sur les pieds par une nouvelle arrivante me fit doucement sourire. Où est passé votre cran ? A quel moment avez vous décidé de renoncer à vous battre ? Vous êtes des hommes non ? Battez vous comme tel. Je ne supporte pas la faiblesse de ces gardes, mais je supporte encore moins la faiblesse de ces gens qui écrasent les autres pour se sentir bien. Je pense qu'elle doit faire partie de ces gens là, des gens piétinés par la vie qui s'attaquent aux autres pour ne pas voir à quel point ils sont eux même sales. Pauvre enfant qui n'a pas l'habitude de vivre en société, je vais pouvoir t'apprendre les bonnes manières, et en plus de ça, les précédents harcelés vont me voir en héros d'avoir remis cette peste à sa place. J'avais tout à gagner et rien à perdre. Je ne pus m'empêcher de lui balancer une pique moralisatrice.
"Tu te sens puissante de t'en prendre à plus faible que toi ?"
Sacrée est la ripaille
Le repas qu’elle dégustait actuellement était tout simplement exquis. Du pur plaisir pour ses papilles. On ne lui avait jamais servi un tel riz à la campagne. Parfumé et doux au palais, il complétait parfaitement la tendresse de ce poulet. Les cuistots derrière ce plat méritaient amplement la glorieuse renommée au sein de la Garde. A chacune de ses bouchées indignes de la noble bienséance, Lotta chavirait littéralement. L’émotion était telle qu’elle parvint à esquisser un honnête, mais rare sourire doux. Voilà une joyeuse face qui n’émergeait presque jamais de sa complexe personne. Sa mère était probablement la dernière à l’avoir vu ainsi, si niaisement comblée. Mais il y avait lui… ce type ! Cet énergumène qui avait osé s’asseoir en face d’elle, sans même lui demander si sa présence ne la gênait pas. Il ne manquait pas de toupet. Son regard perfide était agaçant. Son sourire était agaçant. En une simple seconde, il s’était allègrement fait snober par la demoiselle. De toute manière, rare étaient ceux à avoir eu ses faveurs un jour. De toute façon, ses acerbes paroles prouvaient très clairement qu’il n’était pas là innocemment ou amicalement.
« Tu disais quoi, sinon ? » le regarda-t-elle, déjà blasée par cette attitude moralisatrice. Même si Lotta avait entendu toutes les remarques désobligeantes de ce type, elle n’avait pas vraiment envie de rentrer dans son jeu. Lui accorder cet honneur reviendrait à lui donner du crédit, ce qu’elle ne voulait absolument pas. Pour le faire déguerpir, elle allait devoir le titiller un peu plus. « J’ai tendance à filtrer les paroles de tous les gros crétins osant me parler… » hocha-t-elle les épaules, simulant un air des plus désolé. « Tu m’en veux pas, hein ? » le questionna-t-elle, sur un ton irrespectueux. Et sur cette remarque peu amicale, la campagnarde reprit le cours de sa vie en ingurgitant de nouvelles fourchettes de riz. Lentement et sans s’intéresser une seule seconde à ce type. Pourquoi devait-elle se focaliser sur ce mec alors qu’elle avait dans cette assiette, l’une des meilleurs pitances jamais avalés dans sa vie ? Tout était dit ! Les enfournées de riz s’enchaînèrent donc et arrachaient de nombreuses expirations ravies…
L’assiette était presque finie. Grande désolation. Un soupir exprima son grand malheur. Non seulement, l’instant ripaille était presque fini, mais en plus, le débile était encore là à la fixer de manière si incommodante. Il était persistant et débordait d’une confiance en lui extrême. La ripaille pratiquement terminée, ces habituelles envies refaisaient surface. Briser ! Briser ! Briser ! Quoi de mieux qu’une petite correction pour entamer sa digestion. Le sourire qu’elle lui afficha devint beaucoup plus malsain que pendant la mangeaille. N’importe qui croisant ce regard affiné comprendrait qu’elle prévoyait de vilaines choses ! Celle qui avait la manie de tourmenter les faibles gardes de la capitale se remontraient enfin, plus irritante que jamais. « Les repas de la capitale sont vraiment exceptionnels ! J’ai même eu droit à un bouffon en face de ma table pour égayer mon déjeuner… » ne se gêna-t-elle de dire pour attaquer les nerfs de sa future victime « Le budget est complètement différent à la capitale… » s'émerveilla-t-elle exagérément avec une innocence écœurante.
Alertée par sa légendaire intuition, Lotta retourna sa tête un instant pour observer l’immense réfectoire dans lequel elle mangeait. La pièce était grande comme à l’accoutumée et accueillait ce qui était censé être la fine lame des gardes… De véritables lavettes, oui ! Beaucoup l’avaient épié d’un regard hésitant et s’était instantanément caché dès que ses yeux parcoururent malicieusement la pièce. Un rire, puis elle accepta enfin de regarder celui qui n’avait toujours pas quitté le siège qui l'affrontait. Têtu et téméraire. Le genre de caractères qu’elle adorait briser…
Son comportement m'irritait intérieurement au plus haut point. Après m'avoir traité de bouffon, elle promenait son regard dans l'assistance comme un prédateur cherchant sa future proie. Elle m'avait déjà mise de côté ? Peut être que j'avais raison, qu'elle ne faisait que la fier avec les faibles et délaisse les hommes qui lui semble relever du défi. Ce qui me fit soupirer, c'était les regards fuyants de certains de mes camarades. Mais bon sang, elle leur avait tous coupé les c***lles à ces pendards ? S'il n'avait pas le courage de relever les yeux face à elle, c'était vraiment des couards, ils n'ont rien à faire dans la garde royale. Je reportais mon attention sur la demoiselle. Bon, elle voulait de l'amusement ? Je vais lui en donner. Il est temps de passer à la vitesse supérieure. Je me levais tranquillement et tout en m'étirant, montrant bien que je n'avais rien à craindre d'elle, je passais mes mains derrière ma tête pour m'étirer en ajoutant :
"Parfait que le spectacle t'ai plu ! Bon, maintenant que tu as fini ta gamelle, il est temps de rejoindre Viktor sur le terrain d'entrainement. Il m'a demandé de te convoquer personnellement. Je crois que toi et moi on va passé une après midi de folie."
Mon regard passait rapidement d'amuser à hautain. Elle voulait me prendre de haut ? J'allais lui donner du fil à retordre. J'entendais derrière moi les couards chuchotaient entre eux et finir rapidement leurs assiettes. Je ne sais pas ce à quoi ils s'attendaient, mais ils avaient l'air tout à fait emballé par cet entrainement. Hum, peu m'importe, ma cible c'est elle, et je n'en démordrais pas. L'idée de l'intimider en me transformant en épée et en l'entaillant au visage m'est apparu, mais je l'ai refoulé, il ne fallait pas que je montre mon atout principal dès le début non ? Je vais le garder sous le coude, et peut être que ça me servira tout à l'heure. Alors que mon regard hautain devenait soudainement un regard défiant, je pris une voix un peu plus soutenue délibérément exagérée pour dire
"Est ce que sa royale altesse daignera bouger son fessier toute seule, ou bien dois je la conduire moi même par la peau de ce dernier ?"
Voilà, si maintenant il y avait des doutes, elle était désormais certaine que c'était ma cible aussi bien qu'elle croyait que j'étais la sienne. J'étais décidé à lui rendre coup pour coup, et dans la phase combat, encore plus. Mais il ne fallait pas se cacher. Ce que certains assimilés à la décontraction était en fait le début d'une guerre psychologique. Elle m'énervait mais je ne le montrais pas, et je devais sans doute l'énervait, mais elle restait impassible. Hum ce combat va me plaire. Je n'ai pas eu beaucoup d'ennemi dans la garde, mais une chose est sûre, toi tu seras la pire. Je t'apprendrai les bonnes manières, de gré ou de force, et avec un peu de chance, tu changeras. Sinon, sois en certaine, je serais en permanence sur ton dos pour t'empêcher de nuire à cette prestigieuse garde.
Sacrée est la ripaille
Des rires. Des tas de rire. Pleins de rires. Lotta n’arrivait plus à se retenir. Cette mascarade était tout simplement poilante. Des membres de l’instance supérieure avaient déjà une dent contre elle. En soi, elle s’y attendait, mais n’avait guère imaginé que les problèmes viendraient si vite. Et le clou du spectacle fut ce type. Ils n’osaient même pas venir eux même, préférant envoyer leur plus fidèle toutou. Voilà une belle preuve de couardise dont elle ne put s’empêcher de calomnier vivement. « Donc si je comprend bien, t’es un gentil toutou bien dressé… » sourit-elle méchamment pour le faire sortir de ses gonds. Les discussions semblant se faire rare dans la cafétéria, tout le monde put entendre l’arrogant jeu dans lequel elle plongeait ce bon toutou « Et t’as été envoyé par la trouillarde direction pour faire un boulot qu’ils n’ont pas les couilles de réaliser eux-mêmes… » accentua-t-elle raillant le courage pitoyable des gardes hauts-placé en place à la capitale. Très clairement, elle espérait mieux de ces hommes. Lorsqu’elle avait appris sa mutation à la capitale, elle s’imaginait rencontrer des hommes téméraires à qui elle pourrait vouer une espèce de respect… Que la vérité pouvait être cruelle. Ses soupirs moqueurs cachaient une profonde détresse vis-à-vis de sa piteuse faction.
« Franchement, je ne vois pas comment un pauvre clébard pourrait me faire passer un après-midi de folie… » le dévisagea-t-elle délicieusement, toujours assise sur sa chaise. Le public présent en nombre, ne voulait aucunement cette joute verbale épicée. Rare étaient ceux osant dire un mot. Certains étaient paralysés par l’atmosphère électrique régnant ici. D’autres trépignaient d’impatience à l’idée de voir qui sortirait vainqueur de cette affrontement. Tout le monde semblait avoir son compte ici… Sauf Lotta, bien sûr ! Même si cette ambiance pesante l’excitait tout de même au plus haut point, elle désirait toujours plus. Sadique, elle voulait contempler l’assurance décrépir sur le visage de l’homme arrogant. Assister à la destruction mentale de son adversaire était le résultat qu’elle recherchait grâce à ces paroles acerbes et peu respectueuses. Encore une fois, elle se montra inspirée pour réveiller les pulsions les plus sombres enfouies chez ce type. Ainsi, elle ne quitta pas son siège, malgré l’insistante demande du chiot trop bavard. Provocante, elle mordilla sensuellement sa lèvre inférieure et le fixa farouchement.
« En général, mes après-midi de folie, j’accepte de les passer avec des mecs virils et bien montés, si tu vois ce que je veux dire… » déclara-t-elle la voix suave et désirable. Le sous-entendu sexuel était on ne peut plus évident et fit rougir pas mal de soldats dans l’assemblée. Lotta était une femme à la plastique avantageuse. Se trouver un coup d’un soir était un jeu d’enfant pour elle. S’investir dans une relation durable était en revanche plus compliqué. En effet, son comportement était détestable et effrayait le moindre de ses prétendants. Encore maintenant, la jolie campagnarde montra au caniche ô combien, elle était une femme indomptable. Assassine, elle canarda malicieusement sa victime avec une nouvelle attaque désagréable « Les petits toutous qui remuent bêtement la queue quand leur maître les appelle… très peu pour moi ! Ils me font plus pitié qu’autre chose ! » Et sur ce, elle se servit tranquillement un verre d’eau à l’aide de la carafe sur sa table. Jacasser avec ce moins-que-rien lui avait donné soif. Cul sec, elle avala l’eau de son verre comme un ivrogne liquiderait sa choppe de bière. De quoi conclure son délicieux repas ? Pas encore ! Une dernière idée ! Une dernière folie…
Daignant enfin bouger son fessier divin de sa chaise, la campagnarde posa un genou sur la table et approcha voluptueusement visage et corps près de l'homme à la tignasse argentée. Cet approche entreprenante ne laissa personne indifférent. Le public avait haleté, mais ne percevait guère la malice qui habitait le visage de la demoiselle. Pour elle, toute cette scène n’était qu’une hilarante comédie dans laquelle elle cherchait à tirer la quintessence du divertissement. La main posée délicatement sur la joue de l’arrogant garde, elle appuya sa distraction d’une voix honteusement attendrissante « Très sincèrement, je ne m’attends à rien d’incroyable venant de toi… » Le garde également devait probablement se douter de l’estime ridicule qu’elle lui portait. Individualiste, elle faisait trop souvent en sorte de tout obtenir par elle-même, quitte à s’attirer des problèmes. De toute façon, il paraissait évident qu’elle était déjà en train de s’attirer des ennuis à peine muté à la capitale. Négligeable selon elle, puisqu’elle continua à proférer ses délectables idioties. « Mais si tu tiens tant que ça à me briser les reins, on peut faire ça ici… devant cette foule de petites lopettes ! Qu’est-ce que t’en dis ? » termina-t-elle ambigument sans que ce sourire téméraire ne quitte la somptuosité de son faciès. Une véritable cinglé…
"Si tu crois que nos supérieurs n'ont rien d'autres à faire que de venir fermer sa grande gueule à une minable comme toi, c'est vraiment que tu n'as rien dans le crâne. Je vais déjà te mettre ta rouste, pour te rappeler que la hiérarchie ça se respecte."
Ensuite vint les propos qu'elle tenait sur ma virilité. Elle était donc si basse que ça pour essayer de s'en prendre à moi par ce biais ? Je ne complexe pas dessus donc ça ne m'atteins absolument pas. Elle se pavanait devant moi comme une fille pourri gâtée qui pense que me faire les yeux doux suffit à m'amadouer. Elle a dépassé les limites et sera puni en conséquence, je n'ai pas de place dans ma tête pour une émotion ou une sensation. La seule chose qui m'importe c'est de la ramener au terrain d'entrainement, c'est mon ordre et je le tiendrais jusqu'au bout. Par contre, il y a quelque chose qui n'a pas été précisé, c'est son état général ? Non c'est la colère qui parle. Evidemment que si Viktor veut que je m’entraîne avec c'est pour la défoncer, mais il veut que je fasse ça place publique. Elle aime ça le publique elle aussi ! Et bien soit, je vais lui en donner. Toujours avec un même faciès décontracté, ne laissant pas transparaître ma frustration, je répondis avec répartie à son humour :
"Pour ma part, je préfère les femmes de peu de mots, tu serais bien triste avec moi à devoir la boucler. Parce que quand il s'agit d'avoir de la gueule, tu en as, c'est indéniable. Mais je connais les avortons dans ton genre, tu fais la courageuse mais en combat tu serais la première à prendre la fuite pour te planquer si les choses tournent mal. Tu n'as aucun sens de l'honneur et c'est pour ça que je vais te donner une leçon que tu n'oublieras pas de ci-tôt."
Bien, après avoir attaqué son égo surdimensionné, je pense qu'elle voudra en découdre. C'est le but après tout de mes attaques, je ne suis pas méchant par vengeance ou par amusement comme elle. Je ne fais que l'amener sur mon terrain pour ne plus avoir à supporter sa scène. Maintenant que j'avais capté son attention, il restait à casser un autre de ces points d'encrage. Tout comique doit avoir son public, et bien je vais lui en privé. Je dirigeais mon regard vers l'assemblée, et annoncé d'une voix étonnante d'énergie :
"Les gars, cette nana pense qu'elle peut débarquer ici et imposer sa loi, elle m'a défié en combat singulier. Vous êtes tous conviés à venir dehors pour assister à ça."
Ma voix avait semble t'il fait le tour de la pièce car des chopes se sont tendus et de nombreuses personnes se sont levés. Il y avait bien quelques faibles qui restaient à leurs places, mais les gardes royaux parlent entre eux. Ils ont une fierté, une envie de combattre la menace, qu'elle soit à l'intérieur ou à l'extérieur de cette caserne. Lotta, cette fille ne manquait pas d'audace mais elle restait une garde à remettre dans le droit chemin. Je pense que je vais finir par apprécier faire de la pédagogie. Alors que j'attendais que les gardes aient quasiment tous déserté le réfectoire, j'ai jeter un regard noir à ceux qui n'avaient pas bougé qui finalement se sont levés pour rejoindre leurs collègues en toute hâte. Et bien quel spectacle je m'étais donné ! Moi qui ait horreur de ça, il fallait bien que je prenne l'avantage du point de vue du public, maintenant qu'il n'y avait qu'elle et moi, elle n'avait plus le choix. L'annonce était passée et tout le monde la traiterait de lâche si elle ne venait pas. S'il lui restait un semblant d'honneur, elle devrait venir, sinon je ferais juste un rapport à Viktor devant une foule de témoin et on verra combien de temps elle restera en garde à force de désobéir aux ordres. Mon sourire disparu quand il n'y avait plus que nous deux. Plus aucune bienveillance dans mes propos, que des faits :
"Tu as vu ce que tu obtiens par la crainte, tu as vu ce que j'obtiens par le respect mutuel. Bien, tu veux m'affronter, faisons ça dans les règles. Risquez une bagarre ici n'est absolument pas le meilleur moyen de prouver ta force. Certains gradés seront présent, si tu veux les affronter un jour, ou même juste espérer avoir leurs considérations, tu ferais bien d'essayer de me battre. Quand on a un caractère comme le tien, il vaut mieux pouvoir compenser. Maintenant si tu as peur de m'affronter, ne t'en fais pas, ils comprendront très bien que tu n'es qu'une petite comédienne qui essaie d'attirer l'attention sur elle. Une lâche n'a rien à faire dans nos rangs, tu pourras toujours ramasser tes affaires et partir d'ici. "
Sans même attendre sa réponse, je me dirigeais vers la sortie. Elle était face au mur, allait elle perdre la face et perdre le masque qu'elle s'était embêté à forger auprès des nouveaux, ou bien allait elle se dégonfler ? Qu'en sais-je ? Le fait est que malgré le fait que je sorte de la pièce, je gardais un regard vers la demoiselle. Elle était vicelarde et après ce qu'elle m'a débité, je ne serais pas surpris de la savoir en train de mijoter un truc pas net dans mon dos. Alors Lotta ? Vas tu saisir ta chance, ou continuer à fuir comme tu l'as si souvent fait.
Sacrée est la ripaille
« Ça y’est ? T’as enfin fini de jacasser ? » soupira-t-elle, le sourire tourmenteur. « Bon sang ! On aurait dit ma mère, quoi que… Ma mère n’est pas aussi chiante que toi ! Et j’ai du respect pour elle aussi… » rigola-t-elle allègrement. L’interminable chansonnette du garde fut des plus téméraire. Que savait-il d’elle exactement, lui pauvre toutou léchant avec extase les baskets de ses supérieurs ? La bataille entre eux semblait pratiquement inévitable. Lotta n’était pas dupe. Pour se préparer correctement, elle daigna donc quitter sa sensuelle position pour se lever. A présent sur ses deux jambes, la guerrière aux cheveux sakuras contempla, lippes méprisantes, l’aberrante droiture de cet homme prenant la direction de la sortie. Le saigner était devenu un désir primaire passant presque au-dessus de ses envies de trash talk quotidien. Toutefois, avant qu’un véritable affrontement de gladiateurs ne débute entre eux, la vilaine Lotta comptait le gratifier d’une une nouvelle douche de rabaissement vocal. Après qu’il se soit tant donné en public, il était hors de question qu’il quitte cette pièce impuni, la prestance héroïque. Il pensait certainement avoir les clés de cette situation bien en main… Quelle lourde erreur de sa part !
« Mais ne t’inquiète pas ! Du respect, j’en ai un peu à offrir ! » le prévint-elle, pour rasséréner les craintes de cet homme à cheval sur le respect. En effet, la guerrière lui exposa les conditions draconiennes qu’elle s'était toujours imposée pour estimer quelqu’un « Seulement, je n’en accorde ni aux chiens mangeant et déversant bêtement de la merde avec leur bouche… » pestiféra-t-elle, le timbre suave mais corsée de pulsions sauvages. Ses sous-entendus étaient bien trop implicites et soulignaient puissamment l’appartenance de cet homme à la catégorie tout juste citée. Et elle alla bien plus loin dans l'arbitraire recensement, puisqu’elle le paqua avec les autres moutons qu’il avait conditionné pour assister à leur baston dehors. « Ni aux petits chiots influençables remuant bêtement la queue lorsqu’on leur jette un os… » vociféra-t-elle avec la sensualité d’une succube. La lippe basse pincée avec amour, elle s’émerveilla quelques secondes devant la puissance de ses dernières paroles, satisfaite de son inqualifiable comportement. Pur bonheur qu’elle mima avec des cris orgasmiques…
La joute verbale était-elle terminée ? Loin de là ! Telle la grippe, Lotta revenait toujours à l’assaut pour casser les pieds de ses futures victimes. « Je me pose une question ? Dois-je avoir du respect pour un homme me traitant de ‘’nana’’ devant toute sa clique de macho ? » proféra-t-elle dédaigneuse, la fixation sévère. Nullement vexée par cet appellation sexiste, la campagnarde grattait une nouvelle piste susceptible de mener à une nouvelle comédie épicée. Sur sa face élégante, régnait encore ce même rictus sadique et amusé. De mauvais augure pour la suite, si vous voulez mon avis. A pas vifs, mais inoffensifs, elle s’était élancée jusqu’à se rapprocher sensiblement du guerrier à la démarche lente. Ses intentions n’étaient guère meurtrières, mais le sourire qu’elle daigna afficher dans le désormais couloir n’inspirait rien de bon… « Tu ne m’as pas l’air très doué avec les femmes… » déplora-t-elle vipérine en se positionnant à côté de lui, la droiture serpentine. « Laisse-moi t’apprendre comment une femme se séduit. » ajouta-t-elle sur cette même intonation effrayante.
Entreprenante, sa première action fut déjà annonciatrice des pires espiègleries possibles. Sa main, délicate mais baladeuse à souhait venait effectivement de s’emboîter à celle de l’arrogant guerrier. « Les femmes aiment avoir la main tenue par un homme viril. Elles se sentent ainsi protégées... » Il ne voulait sûrement pas se faire tenir la main par une garce, mais elle était insistante. Sa poigne était assurément solide et témoignait d’une force que son apparence ne montrait pas forcément. Toutefois, ce simple fait n’allait pas l’impressionner très longtemps. Elle s’en doutait puisque la poigne de l’homme était lui aussi puissante. Dans son menu déroutant, elle avait ensuite prévu de lui susurrer quelques mots gênants, pour tester sa résistance aux allusions charnelles. Seulement, quelques yeux indiscrets la stoppèrent avant l’exécution de ses délires. Des gardes qui trainaient dans les couloirs les surprirent dans ce jeu ridicule où leurs mains s’agrippaient telles des amoureux. Sûrement se demandaient-ils pourquoi prenaient-ils autant de temps à ramener leur fessier sur le terrain d’entraînement… Lotta vit dans leur impatience une occasion idéale d’appâter la foule trop curieuse…
Pourquoi suivre un plan insipide alors que sa simple folie pouvait emballer un débat ? Ainsi, dans ce laps infime où la surprise avait dû attaquer l’homme, la sournoise changea ses plans et enlaça celui qu’elle allait très bientôt affronter. Et luxurieusement, elle scella ses lèvres aux siennes pour lui arracher un baiser pulpeux et dévorant. L’instant graveleux par excellence. Elle ne put faire virevolter sa langue bien longtemps dans la bouche du guerrier, mais l’effet escompté avait été obtenu. Non loin de leur position, le maigre public avait amoureusement rougi. L’envie soudaine d’hurler aux autres cette relation surgit si vite en eux qu’ils déguerpirent en direction du terrain d’entrainement. Enfin seuls, elle ne tarda pas à parler, vêtue de sa légendaire sournoiserie « Tu pensais réellement qu’ils s’étaient rendus sur le terrain d’entraînement, par respect pour toi… » s’exclama-t-elle, ses bras délaissant petit à petit le corps qu’elle avait plus tôt enlacé. « Ils sont juste attirés par le nouveau potin qui égayera leur morne journée… » eut-elle la décence de lui expliquer alors qu’elle reculait légèrement pour se mettre à une distance acceptable de combat.
« L’honneur ? La considération ou le respect de mes pairs ? Ne pas faire preuve de lâcheté ? Voilà des futilités qui me passent au-dessus de la tête ! Faire régner la justice est la seule chose ayant réellement de la valeur pour moi… » lui révéla-t-elle en dégainant les deux dagues qui étaient rangées dans son dos. Sa posture était décontractée, presque tentatrice. Rien de bien glorieux pour un combattant. Debout, elle se cambrait en avant et l’incitait à venir par le geste attirant de son index vindicatif. « Mais si ton esprit chevaleresque estime devoir me prouver le contraire, viens me voir… Mais ne me fais pas attendre, c’est péché de faire attendre une femme ! » déclara-t-elle, se léchant déjà les babines du combat qui pouvait éclater tout de suite.
Qu'est ce qu'elle mijotait ? Elle s'était peut être excusée d'avoir mal agi et tentait de m'amadouer ? Pourquoi ce changement soudain d'attitude ? Elle espérait vraiment obtenir de la sympathie de ma part en agissant gentiment maintenant ? Elle pouvait se mettre le doigt dans l'oeil. Elle a fait tout une esclandre pour m'insulter, me rabaisser et mettre de la mauvaise volonté dans notre duel ? Non, je n'aurai aucune pitié pour elle ! Elle aura beau essayer de me séduire par ces techniques des plus ingénieuses, je ne céderai pas. Ma volonté est de fer, et je suis particulièrement résistant au feu de la chair ! J'ai déjà affronté des femmes qui ont essayé de me décontenancer en plein combat, et je n'ai jamais céder. Mais je dois avouer ne pas en avoir rencontré beaucoup de femme aussi perfide qu'elle. La combattante avait ses règles à elle, et ce n'était pas les même que les miennes. A vaincre sans vertue, nous triomphons sans gloire. La mort plutôt que la défaite ! Je saluais mes collègues qui passaient par là et tout d'un coup, je me suis senti happé par la demoiselle. La garce elle voulait me prendre par surprise ? Et bien c'est rappé j'ai déjà ma main sur mon épée et ... cette dernière tombe lourdement au sol. Qu'est ce que ... Mais elle est folle à lier ma parole ? Je ne sais pas pourquoi j'ai mis autant de temps à la repousser, la surprise peut être ? Ou bien ses douces lèvres qui m'avait retenu captif l'espace de quelques secondes. Juste le temps pour moi de me remettre et de la repousser d'un raffut autoritaire. Et là, ce fût l'effervescence dans ma tête. Il y avait de tout : De l'incompréhension, du mépris, du dégout, de la satisfaction, du plaisir, des envies de meurtres, de la curiosité, et par dessus tout une sensation d'avoir été manipulé au plus haut point. Les deux hommes que je venais de saluer sont repartis en rougissant. Je ne sais pas lequel de nous trois étaient le plus incommodés. Elle venait vraiment de m'embrasser ? Et voilà que la douche écossaisse continuait. Des mots dures, mes camarades qui n'ont aucun respect pour moi. Ces mots ont résonné dans ma tête pendant quelques secondes, se mélant à la cacophonie déjà présente. Bon sang ! Mais réagis putain. La vérité m'éclatait au visage. Quand la situation se corsait beaucoup trop, je ne savais plus quoi faire. J'étais beaucoup trop habitué à suivre les ordres, et là, il n'y avait aucun ordre contraire, ni allant dans mon sens. Recentre toi ! Tu dois l'amener se battre !
Alors que je la regardais se donner en spectacle devant moi, profitant de l'aspect chronophage de sa démonstration pour remettre mes idées en place, j'eus soudainement une envie de lui sauter à la gorge. Elle essaiait de s'en prendre à mon image, elle voulait faire parler la rumeur que elle et moi on était ... ou que l'on avait ... Bref ! Vous m'avez compris ! Il faut des années pour passer pour quelqu'un d'honorable, et seulement 5 minutes pour devenir le pire des escrocs. Il faudra qu'après ce combat, je fasse le nécessaire pour que cela ne s'ébruite pas trop. Quoi que ? Est ce que c'était contraire à un ordre que l'on m'avait donné ? Ah mais arrête de pensez comme ça ! Tu m'énerves ! Concentre toi, tu as un combat à gagner pour laver ton honneur. Je n'ai qu'à la mettre au tapis et l'humilier, ainsi on verra bien que c'était qu'un subterfuge de sa part non ? Je devais chasser ces émotions et reprendre un visage normal, fermé et concentré. Elle l'avait vu sans aucun doute, cela m'avait décontenancé, mais cela ne devait plus durer. Pourquoi je ne l'ai pas attaqué de suite à sa demande ? Déjà parce que je n'obéis pas aux demandes d'une personne sans honneur, et ensuite, parce que j'avais reçu l'ordre de la combattre dehors et je le ferais. Je la voyais agiter ses lames sous mon nez et je vis Viktor arriver dans notre direction en nous faisant signe de nous presser. En bon petit soldat, j'ai repris la marche vers dehors, le visage fermé. Puis tout d'un coup, comme un réveil, je fis quelques pas en arrière, toujours les épaules tournés vers la sortie, pour ramasser l'épée que j'avais fait tomber. Elle était purement symbolique, l'épée, c'était moi, mais au moins je ne dévoilais pas mon jeu à mon adversaire. Je n'avais rien dis à la demoiselle en réponse à ses provocations. Cela a peut être dû lui procurrer un sentiment de victoire, car j'avais perdu de ma verve. Cependant, je pense qu'il valait mieux rien dire pour le moment, mes idées ne commençant à peine qu'à se remettre en place.
Une fois dehors, nous avions tout la place pour nous échauffer devant une foule de curieuxx qui faisait semblant de s'occuper à autre chose mais lancer des regards insistants, attendant sans doute le début de notre combat. Le terrain sableux d'entrainement était grand mais il semblerait que nous devions rejoindre Viktor qui avait quelque chose à nous dire semble t'il. J'ai rejoins le lieu du combat et ait salué comme il se doit mon supérieur. Je ne faisais plus attention à quoi que ce soit, trop focalisé sur le combat à venir et terminant de ranger mes pensées. Je ne dois pas faillir à mon rang, je suis un garde royal, je ne peux pas me laisser briser par deux trois techniques de manipulations bien essayé. J'écoute attentivement les paroles du chef, c'est l'entrainement qui commence après tout :
"Bien, vous allez vous affrontez dans les règles d'un duel amical. Et je précise bien amical ! Vous ne vous affrontez pas pour vous tuer, vous vous affrontez pour parfaire votre technique. Vous êtes collègues, vous laissez vos ressentis de côté. Votre duel est en 3 manches, le premier arrivé à deux manches gagnés l'emporte. Victoire d'une manche par immobilisation, mise au sol complète, ou abandon. Combattez avec honneur ! Que la première manche commence !"
Les paroles de Lotta me sont alors revenu en tête. Bon sang, pourquoi est ce qu'il faut que ces paroles me reviennent à ce moment précis. Allez, concentration. Je me mets en garde correctement, ma garde est propre et pourrait faire office de modèle. C'est peut être ça qui lui porte préjudice, je suis trop "propre" dans ma façon de combattre. Je ne sais pas pourquoi j'ai décidé de la combattre à la loyale. Je n'avais que mon épée à deux mains dans les mains et j'avais tombé le haut pour ne pas être gênait pour ma transformation. Je ne sais pas pourquoi je n'étais pas transformé, sans doute voulais-je me rassurer un peu. La battre sur ce terrain là signifierait pour moi beaucoup. Mon corps physique est ma principale faiblesse, quand je suis sous forme épée, je suis plus mobile et je décontenance mon adversaire. C'est peut être pour ça que j'ai voulu aller à l'affrontement direct, il faut que je me rassure et que je retrouve mes certitudes après la douche écossaise que j'ai subi. Allez Lotta ! Viens voir un peu ! Il est temps pour moi de te rendre la monnaie de ta pièce.
"Avant que le soleil se couche, je t'aurai fais ravaler tes paroles ..."
Sacrée est la ripaille
« Comment ça ‘’avant que le soleil se couche’’ ? » s’offusqua-t-elle devant la foule, grande comédienne qu’elle était. A ses dépends, il allait apprendre qu’un combat était tant un échange de gnons virils que de piques subtiles. « Dans les couloirs, tu as promis que tu t’occuperais également de moi une fois la nuit tombée… » rougit-elle d’une innocence maladive pour réveiller une galerie trop facilement manipulable. Les petites souris ayant eu le bonheur de les surprendre dans le couloir avaient fait du bon boulot. Des murmures digne des mégères arborant les marchés. Des suspicions amoureuses comme tout jeune espérait en trouver dans une cour de récré. Les gardes n’arrivaient à tenir leur langue dans la poche alors qu’une ardente bataille était sur le point de se dérouler sous leurs yeux. Ils s’imaginaient tous mille-et-un scénarios rocambolesque où amour et rivalité s’entremêlaient dangereusement. Son adversaire l’avait sûrement bien assez compris : Il n’y avait nul respect chez ses camarades. Seulement un désir puissant de potins…
« Et un Homme, ça tient toujours ses promesses, pas vrai ? » le questionna-t-elle malicieuse, au milieu de leur champ de bataille. Par un simple regard perfide, Lotta savait qu’elle avait un certain ascendant psychologique sur lui. Il était moins confiant comme en témoignait le long mutisme qui avait précédé le début du combat. Grâce à un calme extérieur et à une tranquillité intérieure, il espérait probablement se reconcentrer sur la situation qu’il devait affronter. Néanmoins, les échos de la foule couplées aux éloquences vipérines de la campagnarde étaient un poison entravant son rétablissement. Par ces incessants bruits incommodants, elle voulait l’étouffer. En effet, l’empêcher de se resourcer avec un peu silence était un excellent moyen de le pousser à la faute. Son manque d’hardiesse prouvait indéniablement la réussite de ses macabres procédés. En lui gangrénait des mauvaises herbes se nourrissant de son inépuisable crainte. Concrètement, tous les indicateurs d’une victoire facile étaient au vert…
Et dès qu’elle s’élança à l’assaut de sa victime tourmentée, elle put montrer à tous ses détracteurs qu’elle était plus qu’une manipulatrice provocatrice. Sa ruée fut vive et mettait en valeur sa vitesse, redoutable arme avec laquelle elle avait ridiculisé nombre de criminels arrogants. Madame n’avait guère la force de ses compères machos, mais elle avait trouvé le moyen de compenser. Une célérité au-dessus de la moyenne ne suffisait pas et elle l’avait très bien compris. Les mouvements sans cesse imprévisibles, elle transcendait de cette manière chacune de ses actions vivaces. Effectuer cette première ruée sans même dégainer une dague avait ainsi dû le surprendre. Tout comme celui d’opter pour un coup de pied en guise de premier assaut. Un coup inutile puisqu’il fut parer par la grosse épée du guerrier. « Il était faible mon coup de pied, hein ? » lui soufflota-t-elle, les lippes sadiques. Agile acrobate, elle s’était immédiatement reculée afin de récupérer un élan assassin. « Quel mâle puissant ! Mon cœur bat la chamade… » le railla-t-elle avant de poursuivre sa suffocante série d’assauts.
Le tempo était toujours le même. Etouffant et imprédictible. Les dagues enfin empoignées, la variation de ses coups était hallucinante. Coups de pieds, percées tranchantes et même coups de boules s’échangèrent durant ce combat d’entraînement. En apparence indécis, les professionnels savaient que les débats étaient contrôlés par Lotta. Les offensives de son adversaire étaient rares. Il s’agissait trop souvent de contre-attaques prévisibles que la gracieuse campagnarde n’avait aucun mal à éviter. « C’est ça ! C’est comme ça qu’un mâle doit se comporter avec une femme. » le félicitait-elle lors d’un rares assaut ennemi, naturellement raté. « Il doit prendre l’initiative… » le salua-t-elle moqueuse, lors d’un énième assaut encore raté. « Et lui montrer pourquoi la femme n’est qu’une nana à ses yeux ! » l’honora-t-elle de sa survie en raillant le diminutif sexiste qu’il avait eu le culot de lui attribuer tout à l’heure. Asphyxié par l’offensive et loquace demoiselle, il enchaînait petit à petit les fautes. Ses ouvertures devinrent effectivement nombreuses et allègrement, elle s’y engouffrait. Il ne tombait pas encore, preuve d’une légitimité au sein de la garde royale. Toutefois, avalée par la cadence infernale imposée par Lotta, ses genoux commençaient à fléchir. Pour avoir tenu aussi longtemps face à elle, il méritait peut-être un final honorable. A titre de comparaison, les premiers gardes de la capitale ayant osé la défier n’avaient pas tenu aussi longtemps dans la première manche...
Ainsi, elle combla la distance les séparant et bloqua cette lourde lame en la parant avec ses dagues. La résistance était vaillante des deux côtés. Puis, par ses effrayantes pupilles violacées, Lotta capta son regard pour faire pencher la balance de son côté. Une espèce de misdirection des plus téméraires. Face à de redoutables combattants, ce genre de stratagèmes ne durait jamais bien longtemps, mais elle adorait abuser de ces timings serrées pour surprendre ses opposants. Et dans ce court laps de temps où l’attention du guerrier avait été arrachée du combat, le pied de Lotta s’encastra soudainement sur le menton de l’homme grâce à un high kick bien placé. Viser le menton était un moyen efficace de neutralisation. Les sens en étaient bien souvent troublés et comme elle l’avait prédit, l’homme fléchit lourdement les deux jambes à terre. Il n’était guère K.O. Juste un peu sonné, mais cette manche était évidemment terminée. « Si tu ne peux même pas te relever, je risque d’être inquiète pour cette nuit… » le taquina-t-elle en penchant la tête vers l’homme à quatre pattes. Même à la fin de cette première bataille, Lotta n'oublia pas de jeter de la pitance aux adorateurs de potins disséminés dans la foule nombreuse.
« Vainqueur : Lotta O’Myris » déclara le garant de ce match. Dans cet état de mise au sol forcé, Lotta n’aurait eu qu’à agiter la lame pour l’éliminer définitivement. Le garant l’avait bel et bien compris. Et si son macho d’adversaire espérait voir le jour dans la seconde manche, il allait devoir se faire une raison. La vindicative demoiselle qui se replaçait en face de lui, la mine à l’extrême perversion, n’était pas à sous-estimer…
Et puis d'un coup, un coup de pied, du bas vers le haut, direction mon menton. C'est alors que tout se mis à tourner. Elle avait heurté mon point de K.O et malgré ma volonté de rester debout, ce fût le coup de trop et j'ai senti mes jambes s'affaisser. Je me suis vu tomber au ralenti, comme si le temps s'était arrêter progressivement. Je devais me rendre à l'évidence, je ne pouvais pas gagner dans ces conditions là. J'ai senti ma tête au contact du sable dont été composé ma tête. Tout semblait si calme, la cacophonie ambiante avait cessé. Ou bien est ce seulement moi qui n'entendait plus rien. J'ai essayé de me relever directement pour bien signifier que je n'avais rien et poursuivre le combat, mais j'étais comme aspiré au sol. Je suis rester quelques secondes, aux pied de mon adversaire, cette femme que je haïssais, mais qui m'avait dépassé. Je ne comprenais pas, pourquoi est ce que je n'arrivais pas à me battre contre elle ? Je sentais quelque chose bouillir en moi. Il fallait que je continue ce combat, mais comment, je ne pouvais pas me battre correctement ? Et je n'aurai sans doute pas d'autres chances de me relever. Si je restais trop longtemps au sol, l'arbitre pourrait estimé que je ne suis pas en état de me relever et aurait donné Lotta vainqueur par forfait. Jamais de la vie. Elle ne respectait rien, ni les gardes royaux, ses propres frères d'armes, ni les supérieurs qui étaient là pour s'assurer qu'elle fasse correctement son travail. Elle m'avait rabaissé, humilié, discrédité auprès de mes camarades. Et maintenant, elle voulait en plus me battre sur mon propre terrain ? INADMISSIBLE. Je me redressais doucement, mon sourire réapparut aussitôt suivi d'un ricanement malgré l'incompréhension du publique. Je me suis redressé de tout mon long et je me suis fais craqué la nuque. J'ai dès lors dit d'une voix calme
"Après m'avoir supplié avec tes manies tordues de ne pas t'infliger le deux à zéro, je ne pouvais pas laisser une demoiselle en détresse se faire ridiculiser de la sorte. J'ai tenu ma part du marché, j'espère que tu tiendras la tienne ce soir. Mais pour le moment, j'ai deux rounds à remonter ..."
Mon regard était devenu vide, je ne voyais plus qu'elle, il n'y avait plus de foule. Plus d'arbitre, et encore moins de rumeurs. Mes sens étaient tournées vers elle, je la voyais comme un prédateur regarderait sa proie. Elle était agile et rapide, en plus d'être une manipulatrice hors pair, je ne pouvais le nier, mais il était temps pour moi de montrer mon potentiel. Je l'ai harcelé de coup rapide, la forçant à prendre un peu de distance. L'avantage d'affronter une experte des dagues, et qu'elle ait obligé de s'approcher pour porter des coups à son adversaire. Là, j'avais plus d'allonge qu'elle et mon épée à deux mains me donnaient un net avantage sur elle en terme de distance. Je ne l'entendais plus, elle aurait pu continuer ses insultes, je ne l'aurai pas entendu. Mon attention ne voyait plus qu'elle, j'étais entré dans ma zone de concentration de combat. Mes attaques étaient plus précises, et je la forçais sans cesse à se repositionner, objectif la fatiguer. Elle n'avait plus aucun moment de répit, j'étais entrer dans une sorte de trans, un mélange de frustration, de colère, de soif de combat et de volonté inébranlable. Mes coups se succédaient et ceux qui me connaissaient ont pu voir que mon niveau avait monté d'un cran. Désormais je ne subissais plus ses assauts, j'avais retrouvé mon fighting spirit que j'avais perdu. Je m'en veux même d'avoir pensé à abandonner à un moment. Non, elle est largement à mon niveau. Non, je dirais même qu'elle est légèrement au dessus de moi niveau combat pur, mais je compense en détermination son léger avantage technique. Elle se bat pour rigoler et ne prend rien au sérieux.
J'aurai pu me transformer dès à présent en épée et lui infliger un coup par surprise, mais non, je me garde ça pour le troisième round. Là, il faut que je la force à utiliser sa capacité pour avoir l'avantage sur la dernière bataille. Le second round dure plus longtemps que le premier et aucun ne semble vouloir lâcher prise. Puis soudain, une faille. Son bras a repoussé ma lame et ait parti bien trop loin. Super, une ouverture, je rabats le plat de mon épée sur son genou, la forçant ainsi à poser un genou au sol. L'habile combattante essaie dès lors de croiser ses deux lames, faisant ainsi un arc de cercle pour me faire reculer et récupérer sa position. Mais j'ai anticipé, et je saute pile au bon moment pour lui envoyer mon genou plein menton. Le retour du berger à la bergère ! Le coup est violent et la force à tomber sur le dos. Je recule de quelques pas et me met en position d'attente. Mon épée plantée dans le sol, mes deux mains sur la garde. Je demeurais droit impassible. Elle avait voulu réveiller la foudre, elle y aurait droit. J'eus confirmation de mon résultat quand l'arbitre annonça :
"Victoire de Lancelot Steelhearth ! Un round chacun, la victoire reviendra donc à celui ou celle qui gagnera ce round ! Combattant en position !"
Je devais lui reconnaître quelque chose, c'est qu'elle était vaillante. Après avoir subi autant que j'ai subi au premier round, elle était encore d'attaque pour combattre. Mon coup de genou aurait sans doute refroidi voir assommé bon nombre des gardes présents en tant que spectateurs. Mais les faits étaient là, elle n'était pas du genre à abandonner à la première difficulté et c'est une qualité que j'apprécie énormément. En d'autres circonstances, si elle n'avait pas ce caractère difficile, nous aurions pu être de bon camarades. Pourquoi faut il que les choses en viennent toujours à dégénérer ici ? J'avais retrouvé ma sérénité, j'avais eu peur l'espace d'un instant de me faire surclasser, mais avec de la détermination, j'ai réussi à la remettre en place. Pour le prochain assaut, je n'utiliserais plus mon épée d'entrainement, c'est pour ça que j'avais pris le partie de la planter dans le sol. Je m'écartais de l'épée de quelques pas et plantait mon regard dans le sien.
"Je dois admettre que tu sais te défendre, ce troisième round promet d'être palpitant."
Je me fis craquer la nuque et me mit en position de combat pugilat. Evidemment, je n'allais pas me battre avec mes poings, mais peut être que son arrogance la pousserait à se jeter tête baissé dans mon piège et lui ferait relâcher sa garde. En vérité, j'attendais juste qu'elle s'avance un peu trop près de ma zone d'assaut pour lui asséner le coup final en me transformant en épée au dernier moment. Désormais, il était temps de jouer tous mes atouts. J'étais décidé à être encore plus agressif pour ce combat là. Une fois ma pièce maîtresse révélée, je ne lui laisserais pas le temps de réfléchir à comment me contrer. Il est désormais temps de mettre fin à ce combat. J'étais plus motivé que jamais et galvanisé par la foule qui me soutenait davantage qu'elle. Tout rentrait dans l'ordre au final ! C'est l'avantage d'être apprécié de ses pairs, peut être que cette leçon entrera dans sa petite tête ! Allez, en garde Lotta, mettons fin à ce combat qui a déjà bien trop duré.
Sacrée est la ripaille
Se faire autant malmenée par quelqu’un. Depuis qu’elle avait terminé sa formation d’espionne, Lotta n’avait que très rarement ressenti cet amer sentiment de défaite. Comble d’une arrogance et d’un irrespect démesurés, elle n’avait guère prévu de lui céder la seconde manche. En soi, ce coup infligé au menton n’était qu’un retour de flamme mérité. Les atrocités qu’elle n’avait cessé de manigancer lors du premier round, venaient enfin d’être virilement punis. La défaite était effectivement indiscutable. Ainsi, à la suite de cette cruelle déconvenue, il était peut-être temps pour elle de quémander une sincère rédemption. D’estimer plus sérieusement celui qui avait réussi la prouesse de l’acculer. Elle avait même songé une petite seconde à le féliciter. Néanmoins, elle broya aussitôt cette idée insensée de sa tête. Lui jeter des louanges maintenant revenait à lui donner la victoire sur tapis vert. Impensable, n’est-ce-pas ? Elle avait encore de nombreuses cartes à jouer pour cette dernière manche. Impatiente à l’idée de débuter ce dernier match, son faciès s’illumina d’un sadisme en apparence élégant. Ses lippes lui souriaient doucement alors que sa vue se fronçait malicieusement. Avait-il cru un instant que cette défaite entacherait son esprit combattif voire même son insolence ? Elle n’avait nullement perdu de sa superbe et ses premières paroles en furent une parfaite preuve :
« Ce soir, ce sera encore plus palpitant… » lui déclara-t-elle malignement excitée en faisant tournoyer une dague dans sa main. Petit tic, elle lui montra ainsi que sa dextérité assassine se caractérisait tant par ses lames que par sa bouche. « Tu vas tellement me faire hurler de plaisir que les gardes te jalouseront… » l’avertit-elle avec ce soupçon lubrique qui réveilla les pulsions animales des hommes les plus faibles. Ces sous-entendus graveleux donnaient de la consistance et de l’importance à cette dernière manche. Encore une fois, elle avait puisé dans les innocentes perches que lui envoyaient cet idiot de garde. « Ou alors tu vas juste mordre la poussière et me montrer que tu n’es qu’un toutou mal éduqué par ton maître… » Souffla-t-elle lascive en apposant sa paume contre sa joue.
Voilà qui était dit. Même après sa défaite, Lotta cherchait à le désemparer. A l’extraire de sa concentration guerrière. Et comme lors de la manche 2, ces mots ne parurent assez efficaces pour ébranler le silence mental dans lequel s’était plongé son adversaire. Il était presque évident que ses paroles acérées l’agaçaient, mais les ouvertures qu’il laissaient demeuraient plus ardues à exploiter. Même après avoir planté son épée au sol, les failles ne semblèrent évidentes. Pendant les premières secondes de cette manche, Lotta fit preuve d’une rare vigilance pour analyser la situation. Dire qu’il avait un certain ascendant sur ce début de round n’était pas trop exagéré. Pour autant, il ne lança guère les hostilités et préféra attendre. Attendre qu’elle se jette dans la gueule du loup. Le piège qu’il préparait était prévisible, mais sa nature lui échappait complètement. « Prépare-toi à danser… » lança-t-elle délicieusement les hostilités. Abandonnant l’idée d’en comprendre sa complexion, la campagnarde le chargea de front, protégé par un atout qu’elle gardait dans sa poche. Vitesse et précision fut les maîtres mots de cette première attaque. Proche de la prestance adverse, un double coup de dagues allait être portée…
Surprises, stupéfactions. Le saligaud avait prédit cet assaut si téméraire. Pour esquiver le coup qu’elle plaça au niveau de l’abdomen, l’arrogante guerrière eut l’étonnement d’assister à la transformation express de son adversaire en épée. Un pouvoir des plus intéressants ! Il avait changé sa morphologie pour esquiver les dagues et profita de l’élan procuré par sa métamorphose pour enclencher une contre-attaque incisive. La pointe dirigée vers la jambe de Lotta, il tenta habilement de l’entailler par un mouvement circulaire rapide. Handicaper les déplacements de la sauvageonne était un excellent moyen pour lui de sécuriser facilement sa victoire. Réactive, la guerrière empêcha la lame de s’enfoncer brutalement dans sa chair, mais ne put éviter complètement le coup. Trop proche de lui, elle avait un genou vacillant et fut à portée d’une seconde attaque clouant potentiellement ce match. Vivace, le guerrier voulut ainsi la neutraliser définitivement en entaillant sa seconde jambe. Sans donc quitter sa transformation, il ne tarda à tenter cette autre attaque, se sachant proche de la victoire. Et il fut à deux doigts de réussir ce coup de maître…
Des oiseaux, noirs, petits et vifs inondèrent tout à coup le champ de bataille. A son tour, Lotta s’était complètement transformée. A l’aide de son pouvoir, elle divisa la totalité de son corps en une nuée de martinets et esquiva brillamment le coup de son adversaire. Profitant de la vitesse de pointe de ses oiseaux, elle put même en profiter pour effectuer une contre-attaque. Saisissant ce maigre instant où l’attaque de l’ennemi avait été réalisé, la nuée se positionna au-dessus de la lame avant de reformer la totalité du corps de la guerrière. « Attention… » le prévint-elle délectable, de son impétueux assaut. Puis brusque et puissante, elle écrasa violemment ses pieds sur toute la longueur plate de la lame. Sous la véhémence du coup, la lame s’écrasa violemment au sol et rebondit en arrière, légèrement secouée. Avec un tel assaut, elle avait espéré briser littéralement la lame sous son poids, mais elle semblait plus résistante que prévu. Privilégiant le retrait à la poursuite d’attaque, Lotta enchaîna plusieurs pirouettes arrière pour se replacer. De son côté, l’ennemi reprit sa force humaine, blessée à la tête mais apte à poursuivre la rencontre.
« Tu seras encore d’attaque ce soir, au moins ? » se demanda-t-elle fanfaronne, pendant l’arrêt temporaire de ce combat infernal. Courbée pour exprimer son extrême et glauque excitation, elle n’avait toujours pas perdu de sa superbe et lui souriait toujours sadiquement.
Au compteur donc, une petite blessure chacun. Une petite entaille à la jambe pour Lotta. Un petit hématome à la tête pour son adversaire. Chose sûre, il y aurait du dégât dans cette dernière manche…
Elle ne savait pas ce que je manigançais donc elle a décidé de forcer sa chance en m'attaquant frontalement. Exactement comme je le pensais, elle ne s'attendait pas à un coup d'épée venu de nul part. Elle était agile, j'avais visé le ventre pour la contraindre à abandonner mais elle avait réussi à esquiver suffisamment pour que je ne la blesse qu'à la jambe. Son niveau de combat était exceptionnel, elle avait réagi en un millième de seconde et son cerveau fonctionnait à une vitesse folle pour avoir le temps d'assimiler autant d'informations d'un coup. Je n'allais pas la laisser reprendre son souffle et j'imposais une cadence infernale pour la forcer à se concentrer sur mes attaques et l'empêcher de réfléchir à une riposte. De toute façon, que pouvait elle faire ? Elle ne pouvait pas trancher ma lame avec ses dagues. J'allais lui asséner un autre coup quand son corps se décomposa en une nuée d'oiseau. Je m'y connais très peu en oiseau mais une chose était sûre : Si ses pouvoirs se résumaient à se créer une nuée d'oiseaux, je ne craignais rien. En effet, même si les oiseaux fonçaient sur moi, ils n'ont pas le mec suffisamment puissant pour casser une lame. Mieux, grâce à ma rapidité d'exécution, je pouvais aisément trancher quelques piafs pour la forcer à redevenir humaine. Magnifique, ce combat se profilait bien pour moi. Les coups se succédèrent quand tout d'un coup, elle feinta et se re-matérialisa au dessus de moi. Je n'eus pas le temps de comprendre qu'elle frappa très fort avec ses deux pieds sur le plat de ma lame qui rebondit sur le sol. Quel choc ! J'ai cru un moment que j'allais me briser en deux sous l'impact. Je reculais de quelques mètres pour reprendre forme humaine en la voyant s'éloigner. Saleté ! Elle m'avait pas loupé, j'avais l'impression d'avoir la trace de ses chaussures sur mon visage tellement le coup avait été porté avec une rare violence. Son intelligence de combat est exceptionnel, voyant qu'elle ne pouvait pas faire grand chose en combat direct, elle avait eut le temps de passer à une attaque verticale pour essayer de briser la lame. Mais c'est qui cette femme à la fin ? Comment peut on être aussi doué en combat et n'avoir que si peu d'intérêt pour les bonnes manières ? J'éclatais de rire à sa dernière remarque
"Moi ? Épuisé ? Tu rigoles j'espère ? Je pourrais faire ça toute la journée, et toute la nuit s'il le faut !"
J'analysais la situation. Elle était blessé à la jambe et cela allait peut être la gêner à la longue, est ce que nous aurions intérêt tous les deux à faire durer ce combat ? Probablement pas. Je ne veux pas gagner le combat sur une guerre d'usure. Je veux la battre à plat de couture en bonne et due forme. Jamais de la vie je ne me pardonnerais de vouloir gâcher un combat d'une telle intensité en me contentant de jouer la montre. Je devais la battre maintenant ! Son attaque avait été efficace, mais elle ne m'aurait pas une seconde fois, je m'attendrais à la voir se changer en oiseaux, donc mes coups seront sans doute beaucoup plus précis. Emporté par mon "fighting spirit", je commençais à tourner autour de la demoiselle comme un lion autour de sa proie. Il le fallait ! J'allais la battre et désormais je n'aurais aucune gène pour la passer au fil de l'épée, objectif lui entailler l'autre jambe et l'avoir ainsi à ma merci. Je jubilais tellement que j'ai coupé la parole à Viktor qui s'apprêtait à parler quand je l'interrompis en me jetant sur elle et ricanant :
"Une dernière volonté ?"
Je me transformais en épée, à une vitesse vertigineuse, j'allais user de ma vitesse pour la forcer à se transformer et je découperais volatile par volatile. J'étais tellement concentré dans mon attaque que je n'ai pas entendu Viktor qui avait dit quelque chose à ce moment là, couvert par ma voix sans doute. Pour ce qui est de Lotta, c'était pareil. Elle voulait gagner et n'avait sans doute que faire du discours du vieil homme. Elle s'élançait vers moi comme un Valkyrie en première ligne d'un champs de bataille. L'impact allait être lourd, et un seul de nous deux en ressortirait vivant à cette vitesse. Je ne fléchirais pas ! Peu importe les conditions ! Vivre dans l'honneur, mourir dans la gloire si nécessaire. C'est alors qu'une voix tonna à côté de nous !
"ASSEZ !"
Lotta et moi étions très rapide, mais ce n'était rien comparé à cette ombre blanche qui avait déferlé sur le terrain d'entrainement. J'ai eu à peine un millième de seconde pour apercevoir l'image de notre cher Viktor qui, entouré d'une lumière blanche projeta d'un coup de paume dans le plexus mon adversaire. De son autre main, il saisit le manche de Galaad et me projeta sans douceur contre le sol du terrain d'entrainement. Imprégné de la magie de Viktor, et sans compter le pouvoir passif de mon épée, j'avais fais plusieurs trous dans le terrain d'entrainement avant finalement d'arriver à freiner à quelques mètres du mur d'enceinte. J'avais littéralement traversé le terrain d'entrainement. Lotta avait été projeté elle aussi plusieurs dizaines de mètres derrière. Je vis que sur mon passage, j'avais découpé accidentellement la hallebarde d'un garde présent. Il n'avait plus qu'une sorte de lance maintenant, le solide bout de métal qui faisait le début de la hache était tombé par terre. La cassure était net, nul doute que c'était Galaad qui avait fait ça. L'épée volait légèrement secoué avant de revenir sur le sable du terrain d'entrainement là où je me trouvais actuellement. Je dé-métamorphosais, pris de tournis. Je vis que la jeune femme se relevait, malgré l'impact elle était encore en état de se relever, c'était tout bonnement incroyable. Mon corps fait d'acier avait amorti l'impact, mais elle s'était prise la paume de son supérieur en plein plexus. Souffle coupé, projeté sur dix mètres, peu importe son état d'esprit. Elle avait gagné tout mon respect.
"Quand je dis stop, c'est stop ... Je ne veux pas que le sang de deux précieux éléments de la garde vienne se déverser aujourd'hui. Je déclare donc le match nul entre vous deux. Vous vous êtes bien battu, vous avez de quoi être fier. Maintenant retourner à vos occupations. Et ça vaut pour tout le monde..."
Il avait dit ça à l'intention des petits curieux qui s'étaient amassés autour de notre petit combat. Ni une ni deux, ils s'étaient dispersés. Mon tournis venait à peine de disparaître, je lançais un regard à Lotta. Un regard pleins de frustrations et d'admirations. Je n'avais jamais ressenti une pareille envie de finir un combat. Je restais clairement sur ma fin, et j'aurai voulu que l'on continue ce combat ! Mais cela n'aurait pas été réglo vis à vis de la jeune femme qui avait encaissé un coup violent tandis que je venais de transpercer une hallebarde comme s'il s'agissait d'une simple brindille de blé. Je la réaffronterai ça c'est sûr. Je me redressais et m'approcher d'elle. Mon expression avait complètement changé, j'étais redevenu stoïque mais plus du tout d'envie guerrier. J'attrapais au passage mon épée d'entrainement que je mettais à ma ceinture. Puis, m'approchant d'elle, je n'ai rien trouver d'autre à dire que.
"Tu es vraiment douée. Je n'avais encore jamais connu quelqu'un qui me donne autant de fil à retordre que toi. Tu as très bien combattu, et même si cela t'importe peu, tu as gagné mon respect aujourd'hui."
Des paroles sincères, d'un homme trop franc. Je me doutais qu'elle allait se moquait de mon "respect", mais peu m'importe au final. J'avais trouvé une adversaire exceptionnelle et je n'aspirais qu'à une autre l'affrontée de nouveau. Je ne lui en voulais plus des masses en réalité malgré les potins qu'elle a fait circulé. Les gens oublieraient dans peu de temps pour se concentrer sur une autre rumeur après tout, c'était ça l'avantage des rumeurs. Je faisais l'homme stoïque, mais en réalité, ma tête me faisait encore mal et la fatigue commençait à se faire ressentir. Cependant, j'espérais, pour mon égo, qu'elle soit dans un plus sale état que moi. C'est vrai, c'est un match nul, mais au final j'ai gagné en légitimité auprès des soldats qui m'ont vu combattre, et j'ai trouvé une raison de reprendre sérieusement l'entrainement. Je ne peux pas me permettre qu'elle me passe devant après tout.
Sacrée est la ripaille
Misère de misère. Le coup asséné par le garant fut d’une puissance surprenante. Il ne l’avait guère épargné, elle qui fut projeté plusieurs mètres en arrière. Ses médailles ainsi que ses titres n’étaient pas que du vent finalement. Même si elle ne l’appréciait pas spécialement, Lotta dut reconnaître que ce fameux supérieur hiérarchique avait des capacités aux combats intéressantes. Le chihuahua qu’il lui avait envoyé avait également montré une combativité fort flatteuse durant ce match. Forcer la demoiselle dans une troisième manche prouvait indéniablement sa force. Néanmoins, fierté oblige, elle nuança ce constat pourtant si évident. Si le combat n’avait pas été interrompu, elle était pratiquement certaine qu’elle l’aurait gagné. Comment ? Là n’était pas la question ! Avec sa naturelle témérité et son imprévisible bestialité, elle savait que sa victoire n’aurait été qu’une question de minutes. Ainsi, cet interruption l’agaça légèrement. Elle qui avait été dérangé pendant son repas refusait une fin si insipide. Discuter avec le garant devint une priorité. Mais alors qu’elle se releva de son coup pour révoquer l’annulation de cet affrontement, elle ne le trouva guère sur le terrain. Sûrement avait-il pris la malle…
« L’enfoiré… » grinça-t-elle les dents, insatisfaite.
En mission, elle ressentait un sentiment similaire lorsqu’une cible était à portée de main, mais que sa direction lui ordonnait bêtement de se replier. Effectuant un nombre important de missions de reconnaissance pour la garde, ce genre de fatalités arrivait bien trop souvent et elle avait du mal à accepter cette retraite forcée. Généralement, elle n’en faisait alors ensuite qu’à sa tête et qui sait ce qui pouvait arriver ensuite. L’instabilité était un mot la caractérisant idéalement. Ainsi, suspendre maladroitement ce match fut sûrement la plus grosse erreur à ne pas commettre. Derrière son doux minois saupoudré de malicieux, Lotta était travaillée par une certaine irritation. Le plus juste aurait été de déverser son indignation sur les supérieures, mais puisque son adversaire était là, autant jouer avec lui encore un peu ! Non sans ressentir les séquelles des coups déjà encaissés, la campagnarde se rapprocha donc de lui et le fixa avec ses magnifiques pupilles violacées. « Et ce résultat te convient ? » l’attaqua-t-elle verbalement sur une intonation. Promeneur et sans raison particulière, son index tapota gentiment la joue de son interlocuteur. « Sache que moi, un match nul ne me convient AB-SO-LU-MENT pas ! » lui déclara-t-elle tout doucement pour exprimer avec une légèreté mesurée son agacement.
Madame était câline. Trop câline même. De telles approches ne correspondaient pas à la femme insupportable qu’elle était. Il y avait tout de même un sentiment de déjà-vu. Dans le couloir, une scène similaire s’était produite et s’était terminée sur un baise malicieusement arraché. Que prévoyait-elle donc maintenant ? Pour l’instant, elle sembla simplement se lamenter avec une délectable perfidie. « On m’a dérangé sans raison pendant mon repas… » énuméra-t-elle premièrement, tactile, la poitrine déposée contre le torse du guerrier affrontée tout à l’heure. « On m’a trainé de force sur un champ de bataille… » enchaina-t-elle taquine, en se mettant sur la pointe des pieds pour approcher l’oreille de son adversaire du jour « Et on m’a même embrassé… » lui susurra-t-elle, le timbre sensuel et facétieux alors qu’elle était l'impertinente demoiselle le lui ayant arraché des lèvres. A son insu, sa journée avait effectivement été mouvementée et très logiquement, elle demandait réparations. Les supérieurs n’étant pas là, il récoltait malheureusement les pots cassés. « Tout ça pour un match nul ! Et en plus, je ne sais même pas pourquoi j’ai dû être impliquée dans cette mascarade… » lui exposa-t-elle simplement la vérité.
Elle avait commencé à l’enlacer tendrement comme s’il était la moitié qu’elle désirait tant chérir. N’importe qui rougirait en voyant une telle scène. Pour Lotta, le but était on ne peut plus clair. Lui faire lâcher le morceau. Savoir pourquoi elle avait eu à subir tout ça aujourd’hui et ce, quitte à épaissir les rumeurs dans lesquels son adversaire trempait malgré lui. « Mais toi tu sais pourquoi j’ai dû subir tout ça, hein ? Tu le sais hein ? Toi, l’irrespectueux guerrier qui n’a toujours pas eu la décence de se présenter à moi… » En soi, elle le savait depuis la fin de la deuxième manche. Lancelot. Tel était le nom de l’homme l’ayant abordé au réfectoire tout à l’heure. L’apprendre via une véritable présentation lui aurait fait un peu plus d’effets. « Les femmes aiment recevoir des compliments… » le remercia-t-elle à sa manière, sournoise et tendancieuse avant de lui rappeler la chose importante. « Mais elle ne demande pas le nom de tous les hommes leur jetant des fleurs. » lui demanda-t-elle indirectement de se présenter à elle. La poitrine généreuse aplatie sur le torse de Lancelot et les bras enlaçant la carrure de ce dernier, Lotta était somptueuse. Sournoise, elle essayait bel et bien d’obtenir cette information par la force d’un savoir qui lui avait été inculqué durant sa formation. Une peste sans respect, oui…
C'était assez déstabilisant sa façon de faire. J'étais tiraillé entre l'envie de la croire sincère et adouci, et la raison qui me disait qu'elle s'essayait à des stratagèmes divers avec moi. Elle n'avait pas à faire tout cela pour me faire parler. Je n'ai pas de raison de cacher quoi que ce soit, personne ne m'en a intimé l'ordre. Je me demande comme elle qui de nous deux aurait gagné le dernier round. J'avais l'avantage physique d'être composé de métal tranchant, et elle avait l'avantage mental, d'être plus intelligente que moi. Pour briser mon épée, il en fallait quand même beaucoup, et rien ne me forçait à reprendre apparence humaine où j'étais clairement plus à mon avantage. Sur ce troisième round, elle s'était montré beaucoup plus déterminée à me combattre, et Dieu seul sait qui de nous deux aurait gagné ce combat. Cette pensée me fit sourire, c'était la première personne avec qui je n'avais aucune certitude sur l'issue du combat. Elle aurait très bien pu, tout aussi bien, jeter ses dagues et dire "je me barre j'en ai marre". Lotta était clairement quelqu'un d'imprévisible. Son petit jeu de séduction était plutôt efficace, car je n'ai pas eu le temps de répondre quoi que ce soit à ses remarques, captivés par son jeu d'actrice très finement joué. Je ne vais pas dire que je suis insensible à son regard violet et ses manières de tentatrices. Cependant, je crois que j'ai encore une légère rancune depuis tout à l'heure qui m'empêche de succomber à ses charmes. Y a pas à dire, elle est douée.
"Tant de questions, reprenons dans l'ordre. Ce combat ne me satisfait pas le moins du monde. C'est pour quoi je te propose un deuxième match. Pas tout de suite, car ce sera un match assez spécial et je ne veux pas que tu trouves l'excuse d'avoir subi une frappe de Viktor. Je te propose de miser sur ce match, pas de l'argent, rassure toi. Je te propose que le gagnant décide d'un gage pour le perdant. Si tu perds contre moi, tu iras voir toutes les personnes de cette caserne que tu as offensé de près ou de loin et tu iras leurs présenter des excuses. Voilà mes conditions, et je suis prêt à écouter les tiennes..."
J'avais marqué une petite pause le temps qu'elle assimile toutes les données que je venais de lui renvoyer. Pourquoi aller jusqu'à miser un gage pour notre prochain combat sachant que je ne suis pas sûr du résultat, et bien pour deux choses en réalité. Premièrement, je serais curieux de savoir ce qu'elle veut que je mise. En effet, au moins je saurais ce qu'elle attend de moi effectivement. La façon très personnelle qu'elle a de me tourmenter prouve qu'elle a autre chose derrière la tête que de seulement s'amuser avec moi. Au moins après cela, j'en saurais plus sur ces intentions. Et la deuxième chose qui me pousse à imposer un gage au perdant, c'est pour que je ne tombe pas sous son emprise pendant le combat. En duel amical, elle est suffisamment habile pour trouver où frapper psychologiquement et m'affaiblir. Quand je sais qu'un gage m'attend, ou qu'au contraire, je pourrais infliger un gage en retour, je suis plus motivé à terrasser mon adversaire. En plus, si je gagne, je peux être sûr que son ego ne s'en relèvera pas et qu'elle s’adoucira inconsciemment. J'ai tout à gagner, mais aussi beaucoup à perdre si elle arrive malgré tout à me battre. Je reprends la parole avant qu'elle ne puisse dire quelque chose d'autres.
"Pourquoi tout ça ? Je n'ai que des hypothèses personnellement. Déjà, je pense qu'il voulait savoir si l'un de nous deux était plus fort que l'autre. Il a aussi jaugé nos faiblesses et nos forces, et également, je pense qu'il était curieux de savoir comment je réagirai à un style de combat comme le tien. Pour ce qui est de ton cas, je pense qu'il espérait que je te batte pour t'inculquer de la modestie et que tu deviennes ainsi plus malléable par la suite. Tu n'as jamais eu à forcer ton talent jusqu'à aujourd'hui n'est ce pas ? Et bien je crois qu'il voulait te montrer que tu n'es pas la seule combattante redoutable ici. Je pense qu'il voulait aussi qu'on ... Non rien laisse tomber."
C'était une pensée stupide que j'ai eu, je me secouais la tête pour me l'ôter de l'esprit. Il attendait peut être qu'une relation particulière naissent entre elle et moi ? Que je la tire vers le haut du point de vue obéissance et qu'elle me pousse vers le haut en matière d'intelligence de combat ? C'est n'importe quoi, je commence à en avoir marre des expériences idiotes de Viktor. La seule relation qui pourrait un jour prévaloir entre elle et moi c'est de la rivalité ! Rien de plus ! Pour qui il se prend cet abruti ? Déjà qu'il interrompt un combat palpitant, il vient en plus semer le doute dans mon esprit. Quel enfoiré ! Mes mains sortent de mes poches et font le tour de la demoiselle, comme pour donner plus de consistances à son jeu. Plutôt que de lutter contre ses rumeurs, je vais les retourner contre elle, ce sera plus simple. Je dis alors de ma voix calme et tranquille.
"Je suis Lancelot Galaad Steelhearth, pour te servir ..." puis susurrait à son oreille "d'adversaire".
Mon jeu avait fonctionné semble t'il car les rares gardes présents étaient reparties rouges comme des tomates. Nous n'étions plus que tous les deux sur la base d'entrainement et personne ne semblait plus prêter attention à nous. Le silence était revenu et bien qu'en apparence nous soyons en train de nous coller l'un à l'autre, en réalité, nos deux âmes étaient en train de croiser le fer le sourire aux lèvres. J'avais tellement hâte de l'affronter, rien n'aurait pu me faire plus plaisir que cela. Quand un combat est passionnant comme le notre, il serait dommage de s'en priver.
Sacrée est la ripaille
« Oh ! Tu deviens très audacieux, Lance… » lui susurra-t-elle lascivement en réponse à sa gestuelle entreprenante.
Plutôt que de subir le malicieux jeu de cette cinglée, il avait eu la bonne idée de se l’approprier en devenant plus agressif. Ses mains décrirent parfaitement ce changement de mentalement soudain. Tel un homme protecteur et inquiet pour sa donzelle, il l’avait enroulé diligemment contre lui tout en la gratifiant de prudes caresses. Les rares personnes qui eurent l’infini honneur de les apercevoir ainsi, ne purent retenir leur immense gêne. Tous repartaient du terrain d’entraînement, les joues rougissantes et la bouche chargée de potins à déverser partout. Les répercussions de leur comédie pourraient être dramatiques à l’avenir. En avaient-ils seulement conscience ? Ne s’identifiant pas à ces soldats soucieux de l’image qu’ils montraient à leurs collèges, Lotta n’avait que faire des rumeurs sordides trainant sur elle. En effet, elle se fichait éperdument de l’étiquette plus ou moins glorieuses que ses ratés de ‘’collègues’’ lui collaient à la peau. Plus pointilleusement parlant, l’intégrité de sa vie ne dépendait guère de l’opinion publique. « Si ça continue, je vais éperdument tomber amoureuse de toi… » n’eut-elle donc aucune peine à murmurer dans l’oreille de ce dernier.
L’excitation était le moteur qui alimentait sa vie de garde. Provoquer. Enerver. Briser. Lotta était addicte à l’adrénaline que lui procurait les grands risques. A travers le défi qu’il lui avait lancé plutôt, elle n’y vit donc que des avantages. Néanmoins, il était encore possible de peaufiner les contours de ce futur combat exceptionnel. Tout accepter sans interjeter quoi que ce soit, n’était de toute façon pas son genre. La sulfureuse peste qu’elle était se munit donc, de ce redondant sourire arrogant et détailla grâce à son regard violacée, la face de l’homme l’enlaçant tendrement. « Tu penses vraiment qu’en me câlinant ainsi, j’accepterais plus facilement ton duel ? » l’interrogea-t-elle la voix suave en tourmentant subtilement le regard de son adversaire. Et pendant qu’un électrisant duel naissait entre leurs pupilles, Lotta effleura délicatement la nuque de cet homme à l’aide de ses doigts raffinés. Frissonnant de technique, elle savait où attaquer pour mettre facilement mal à l’aise. Ne jamais laisser de répit, elle l’asséna aussitôt de nouvelles remarques graciles « Tu manques encore de technique… » Lui chuchota-t-elle, étouffante alors que d’autres personnes les virent encore effectuer ce ridicule manège. Allez savoir combien de gardes seraient témoins de leur poilante comédie aujourd’hui !
« Et tu ne réfléchis pas assez aussi… » se lamenta-t-elle face à l’absence d’intelligence de son ‘’collègue’’. Le doux soupir qu’elle expira alors se transforma en une bise qui titilla le cou de Lance. Provocatrice à l’extrême, elle continuait à développer son jeu sur sa victime du jour. Plus tranchante, elle commença enfin à entrer dans le vif du sujet : Commet améliorer le défi que Lance lui avait lancé plus tôt ? « Lance, pourras-tu te satisfaire d’excuses artificielles adressées à des faibles ? » s’afficha-t-elle, femme fatale ayant trop souvent brisé des êtres fragiles. Ses crocs étaient de sorties, jamais avare de confrontation excitante. Rapprochant dangereusement son visage, Lotta s’arrêta à quelques centimètres de celui de son interlocuteur. Un moyen de pousser cette conversation jusqu’à un nouveau paroxysme. « ‘’Je t’aime’’… » sortit-elle soudainement avec une honnêteté immaculée pour surprendre. « ‘’Pardon’’… ‘’Toutes mes condoléances’’... » adressa-t-elle ensuite semblant sincère d’après les traits de son visage. « ‘’Merci’’… » l’embrouilla-t-elle alors avec une innocence dont elle avait maintes fois prouvé l’efficacité. Comédienne talentueuse, n’est-ce-pas ! Le rideau tombée, elle reprit ses airs facétieux et le tortura de nouvelles paroles accablantes « N’importe quel mot peut être prononcé sans aucune once de sincérité. » lui prouva-t-elle indéniablement grâce ce petit cirque ridicule.
« Qu’as-tu à gagner à m’entendre prononcer de factices excuses ? Je ne comprends pas… » le haussa-t-elle les épaules, très curieuse. Ses bras enlacèrent de nouveau le cou de Lance. Ainsi, Lotta de regagna quelques centimètres pour l’observer. Leurs visages étaient d’une extrême proximité, mais jamais ils ne se touchaient. Quelques centimètres de plus et leurs nez se frôleraient dangereusement. « Tu pourrais me demander tellement plus… » se lécha-t-elle les babines pour accentuer les sous-entendus lascifs et incommodes. « Des choses beaucoup plus excitantes auxquels je n’aurais d’autre choix que de me soumettre… » tenta-t-elle de faire naître nombre de regrets grâce à sa voix mielleuse. L’avoir pour lui seul. Commander des nuits de folie. Il devait commencer à imaginer monts et merveilles lui passant sous le nez. Etouffante, elle continua alors son show, plus manipulatrice que jamais. Délicieuse, elle glissa sa tête vers l’oreille de Lance pour l’embrasser très gentiment. Un petit souffle chaud s’abattit alors sur son lobe et lui fit miroiter d’exceptionnelles compétences ne concernant pas le monde du combat. « Mais soit ! Tu m’as l’air d’avoir pris ta décision, donc je n’insisterai pas, hein… » verrouilla-t-elle la sentence finale pour l’empêcher de changer son gage. Cruelle n’est-ce-pas !
« Encore faudrait-t-il que tu réussisses l’exploit de me battre pour voir ton rêve s'exaucer… » lui rappela-t-elle arrogamment en soulignant que ses chances de victoires étaient minces. Après avoir analysé son style de combat et eut la démonstration de son pouvoir, Lotta savait à quoi s’en tenir. De plus, elle avait pu se faire une idée de la résistance de sa lame. Il est peu probable qu’elle réfléchisse longuement à un plan pour l’anéantir, mais muni de ces informations, son instinct sera beaucoup plus affuté le jour de la confrontation. « Puisque tu seras amenée quoi qu’il arrive à perdre, laisse-moi te révéler tout de suite à quelle sauce tu seras mangé… » De la malice hantait ce faciès pourtant si simpliste. A travers ce sourire fin, la campagnarde exprimait une sournoiserie immense qu’elle ne tarda pas à exprimer « Tu seras mon chien et tu devras te comporter comme tel… Dès que je sifflerais, tu devras immédiatement te ramener. Dès que je t’ordonnerai quelque chose, tu devras immédiatement l’exécuter. Et comme tout chien qui se respecte, ‘’wouf’’ sera le seul mot que tu auras le droit de dire... » lui expliqua-t-elle globalement moqueuse et dotée une aberrante confiance en elle. Impatiente à l’idée de le voir se comporter ainsi, elle lui envoya tout de suite une petite pique peu sympathique « Et t’auras même droit à un collier avec ton nom dessus… » se moqua-t-elle allègrement de lui.
Voilà ses conditions et tant que femme fatale, elle était évidemment dure en affaires. Pas un instant, il n’eut le temps de placer un mot pour contredire ou exprimer un refus. Peut-être faudrait-il encore peaufiner les gages, puisque l’un semblait réellement disproportionné par rapport à l’autre. Devenir éternellement le chien d’une personne d’un côté. S’excuser auprès d’une masse de personnes de l’autre. Lotta semblait satisfaite du gage qu’elle avait imposé à Lance. En serait-il autant pour lui ?
"Je n'y vois pas d'inconvénient, je ne pense pas à l'heure actuelle que tu sois susceptible de me battre en un contre un. A dire vrai, j'ai bien analysé ta technique aujourd'hui. Et je ne pense pas pouvoir perdre à l'heure actuelle. Nous établirons un contrat que nous ferons passer à Viktor. Si l'un de nous ne respecte pas son engagement, il devra quitter la garde royale. Est ce que cela te convient ? Je sais ce que je mise, et je sais que tu ne me feras pas de cadeau si je perds. Je veux sécuriser notre arrangement en faisant en sorte que ton engagement soit véritable. Tu devras faire des excuses sincères et veiller à ne plus les tourmenter. Je pense que c'est une juste compensation comparé au fait que je risque de devenir ton chien jusqu'à ma mort."
Ma voix n'a pas faibli. Je n'étais pas de ceux qui se défilait. Mourir dans l'honneur ne me faisait pas peur, et me déshonoré au point de devoir être son chien ne me faisait pas non plus peur. Si j'avais une chance, même infime de la faire changé de comportement, je me devais d'essayer. C'était une personne géniale du point de vue du combat et un atout indéniable pour la garde. Le seul problème c'était son orgueil démesuré. Je ne pouvais pas croire que cette demoiselle était prête à s'excuser, mais vu la contrepartie qu'elle demandait en cas de victoire de sa part, je le comprenais. Devenir son chien jusqu'à la fin de mes jours, c'était une idée atroce. Mais ma vie n'a pas d'importance, car elle est au service de la garde. Si la garde a besoin d'élément important qui soit à son service, je suis prêt à courir le risque. Après tout, entre mourir dans d'atroces souffrances, tué par un cerbère ou autres monstruosité, ou finir à l'état de chien par une arrogante jeune femme, je ne vois pas trop de différence. Dans tous les cas, il n'y a plus lieu d'être dans la garde. C'est pour ça que j'ajoute à la suite de ma diatribe précédente.
"Et c'est pour quoi, je te demanderai de me laisser annoncer ma démission au sein de la garde royale avant de subir mon gage. Car bien que je n'ai que peu d'intérêt pour ma propre vie, le prestige de la garde royale m'importe."
Je resserrais l'étreinte autour d'elle, sans pour autant la brusquer. Mon but était vraiment de lui montrer combien cela me tenait à cœur. Je marquais une courte pause avant de finalement la relâcher et m'éloigner d'un pas. C'était une potentielle adversaire après tout. Je ne pouvais pas être un vrai garde royal si je n'étais pas fichu d'être irréprochable dans mes combats et dans la suite de ma vie. Si je perds contre elle, c'est que je ne suis pas digne d'être un garde royal. Le roi n'a que faire que d'être entouré de combattant inutile. Il n'y a pas de place pour la faiblesse, et si je me fais surpassé par la demoiselle, et bien je n'ai aucun intérêt pour la garde. J'accepterai mon triste sort, car c'est ce que font les soldats de la garde au quotidien, risquer leurs vies et faire en sorte que le bien-être des citoyens de Aryon passent avant leurs propres intérêts. C'est pour ça que mon regard n'a pas trésaillie, il n'y avait ni peur, ni inquiétude, ni même aucune once de méchanceté dans mon propos. J'avais passé un "accord" avec le diable sans penser aux conséquences. Je n'y vois que mon intérêt et au final, peu m'importe ce qui peut bien arriver. L'idée de voir Lotta faire un repenti sincère et redevenir une garde royale correcte me plaisait davantage. J'avais vu comment elle avait terrorisé les gardes au réfectoire, je ne pouvais pas laisser faire ce genre de chose. Que Lucy me vienne en aide, je pense que j'en aurai bien besoin.
"Acceptes tu les termes du contrat, et te soumettras-tu aux gages que je te réserve si jamais tu viens à perdre ? Je veux ta parole de combattante, ta vrai parole."
Je pensais encore combattre avec honneur, et même si mon adversaire n'en avait que très peu, je voulais à tout prix qu'elle jure. L'issue du combat ne seras que plus intéressant.
Sacrée est la ripaille
L’honneur ? Le prestige ? Lance avait basé toute sa parlote sur la grandissime fierté qu’il ressentait à défendre l’intégrité de la garde royale. Ses paroles étaient chevaleresques et moralisatrices. De quoi écœurer celle qui n’accordait du respect qu’à la famille royale. Ne pas broncher après un tel ramassis d’idiotie ne lui ressemblerait pas. Aussi, elle combla d’un pas entreprenant, la distance qu’il avait crée face à elle. Leurs corps ne se touchait pas, mais ils s’observaient avec attention. Sur ses lèvres, jamais ne quittait la subtile facétie des tourmenteuses. « Ton respect vis-à-vis des institutions te mènera à ta perte… » lui balança-t-elle sèchement à la gueule en secouant négativement la tête. Sa main se posa sur l’épaule de Lance et la tapota gentiment. Si elle avait voulu l’humilier tout de suite, Lotta aurait sûrement soufflé un commentaire virulent du style ‘’pauvre bête’’. Ce geste fut d’un rare amicalité, mais sa face démontrait tout de même une certaine pitié. Les plissures empoisonnées de sa bouche s’affichaient très clairement comme une tempête imminente. Et le premier foudroiement s’extirpa de ses lippes, sournoisement « Sais-tu pourquoi tu ne pourras pas me battre ? » lui déclara-t-elle avec sa célèbre voix de peste arrogante.
« Je vais te le dire… » lui murmura-t-elle sordidement, les pupilles illuminées de plaisir. Obstinée, elle se rapprocha dangereusement et glissa ses bras derrière le cou de Lance. La posture lascive qu’il avait brisée plus tôt s’était de nouveau reformé… Pour son plus grand bonheur. Sur la pointe des pieds, sa poitrine s’aplatissait avec insistance. Ses yeux le scrutaient mielleusement. La lèvre inférieure pincée par sa dentition, elle lui expira un air chaud qu’il avait l’habitude de ressentir à présent. « Parce que le prestige de la garde t’importe toujours… » lui susurra-t-elle, presque comme s’il s’agissait d’une évidence. Certes malicieuse, Lotta lui expliqua pourquoi elle s’estimait légitimement supérieure à lui. « Tu n’es pas prêt à faire tous les sacrifices nécessaires pour préserver l’intégrité de la famille royale ainsi que la sécurité du peuple… » le colla-t-elle à l’évidence en resserrant davantage l’étreinte que son corps imposait à celui du guerrier. La campagnarde n’avait rien de précieux à défendre si ce n’est le peuple et la famille royale. Son sens du sacrifice était à des années-lumière de tous ces soldats balbutiants se complaisant dans un prestige plein de paillettes. « Si par exemple, la royauté m’ordonne de tuer, alors je m’exécuterai sans aucune hésitation tandis que toi… » attaqua-t-elle, fronçant les sourcils en s’imaginant tous les fragiles de la caserne, tétanisés face au devoir soudain de liquider un ennemi de l’état. Ils n’ont guère été conditionné comme Lotta l’était. Sa dévotion pour le royaume était tant louable que glauque…
Furtivement, elle sonda le champ de bataille sur lequel les premières traces d’aurores s’abattit « Et tu souhaites tout de même parvenir à entendre ma vraie parole ? Celle que je ne montre qu’aux personnes ayant mon plus grand respect ? Très bien… » soupira-t-elle, un brin amusée après avoir vu ce qu’elle voulait. Quelque chose allait d’horrible allait se passer ! Ses bras arrêtèrent de se balader et revinrent petit à petit vers la taille élancée de Lotta. Elle avait d’opter pour une pose plus solennelle, plus élégante. La malice qui résidait au sein de ce visage machiavélique semblait s’être dissipé., mais sa posture paraissait moins hautaine. Elle avait l’air d’accord pour s’exprimer plus cérémonieusement… En apparence. Sur les quelques secondes qui s’écoulèrent, aucune parole de sortit pourtant de sa bouche, elle s’était tout simplement contentée d’attraper doucement les mains de Lance, comme pour s’adonner à une future confession amoureuse. D’onctueux et honnêtes mots allaient sortir de sa bouche et elle voulut approcher son visage pour les lui révéler clairement… Et soudain, plus tentaculaire, l’un de ses bras s’enroula autour de la tête du guerrier. La mine farouche, elle scella une seconde les lèvres de son adversaire pour les quelques secondes où il daigna se laisser faire :
« Et voilà ! Ce deal est maintenant signé ! » scella-t-elle arbitrairement ce deal, les babines heureuses de son méfait. En effet, de petits yeux indiscrets avaient pu intercepter une partie de la scène, comme prévu. De plus, ils avaient pu ouïr qu’un étrange contrat venait tout juste d’être signé entre eux. Jurer n’était pas un problème pour Lotta. Seulement, madame avait tenu à arracher l’once d’arrogance brillant dans les pupilles de son ‘’camarade’’. « Tu t’attendais à mieux ? » Se moqua-t-elle de lui. Rien ne lui serait servi sur un plateau et il aurait dû le comprendre dès qu’il l’avait rencontré aujourd’hui au réfectoire « La prochaine fois, je serais plus adroite… » se disculpa-t-elle vicieusement pour l’embrouiller dans une conversation qu'elle contrôlait. Elle ne s’excusait guère pour sa signature de contrat peu solennelle, mais pour son baiser qu’elle avait soi-disant raté. Lance lui-même savait que l'embrassade de la folle avait été terrible d'efficacité. Maline, cette déclaration lui permit d'arroser les discoureuses de potins et de rebondir habilement. Les deux-trois qui par hasard étaient passés par-là demeuraient toujours sur le terrain, faisant comme si de rien était. Grâce aux fortes intonations de Lotta, ils avaient tout entendu ! Absolument tout !
Quand le silence était enfin revenu, ils étaient partis, pleins de suppositions idiotes à crachouiller sur tous les toits. Une seconde de plus et il aurait pu être témoin des grommèlements virils émis par le ventre de Lotta. « Vu que tu m’as dérangé au réfectoire cet après-midi, tu m’en dois une non ? Donc invite-moi au resto ! Je suis libre de ce soir… » décida-t-elle mielleuse et étouffante. Par ce corps libidineux enserrant Lance et par ces paroles aveuglantes ne cessant d’enchaîner les sujets, Lotta le faisait suffoquer. Manger un bon repas sans nécessairement le payer était des plus alléchants après tout. La faim justifie donc les moyens…
Un garde royal, ça se respecte et c'est pour cela que je ne succomberais pas à ces tentations. Je crois que vivre au quotidien à côté de Lotta doit être un sport extrême auquel je ne me risquerais pas. Je la connaissais depuis une demi-journée et elle m'avait déjà fait faire les montagnes russes émotionnelles. Tantôt me disant "je t'aime" tantôt voulant faire de moi son chien, tantôt me volant un baiser du bout des lèvres. Ce serait mentir de dire que son contact était déplaisant, sa poitrine se collait à moi et ses mots tellement en inadéquation avec son côté enjôleur aurait pu rendre fou beaucoup d'hommes ici. Et même à dire vrai, j'aurai sans doute déjà vu des hommes accepter son offre canine sans réfléchir. La peste était dangereuse et je devais lutter du plus profond de mon âme pour ne pas baisser ma garde avec elle. C'était une experte, elle devait mettre les gens à l'aise très facilement quand elle le voulait, mais sa langue bien plus aiguisée que ses lames ne laissait aucune chance aux malheureux.
Puis soudain, il y eut ce baiser pour sceller notre accord. C'était pas la première fois qu'elle m'embrassait, et plus elle le faisait, plus j'avais du mal à éloigner mes lèvres des siennes. La première fois, je l'avais refoulé en un dixième de seconde, laissant à peine le temps du contact. Là, le baiser volé avait duré trois ou quatre secondes. Sans doute le résultat de son harassant harcèlement. Mon corps n'était pas trop fatigué du combat, mais mon esprit avait énormément pris. J'apercevais des hommes qui me regardaient en rigolant, les potins tourneraient dans la caserne, mais au final peu m'importe. Je n'avais plus qu'une envie en tête, gagner ce combat contre Lotta. Rien que pour le plaisir d'effacer son sourire niais de son visage et lui faire ravaler ses propos. Quand elle me proposa de l'inviter au restaurant, je me suis dis que ce serait l'occasion pour moi de glaner davantage d'information sur elle, il le fallait bien. Elle m'avait mis à nu en quelques minutes, trouvant les endroits sensibles avec une certaine dextérité, maintenant je devrais apprendre à mieux la connaitre pour mieux résister mentalement.
"Et bien, si c'est demander de cette manière, comment pourrais-je refuser ? Je connais un bon restaurant. "
Je faisais bien évidemment écho à son baiser. Je savais pertinemment ce que les gens allaient dire de moi, et cela m'importait peu. Je n'arrivais pas à trouver la clef vers la psyché de la demoiselle et cela me perturbait au plus haut point. Elle était bourrée de contradiction et je ne pouvais que mettre cela en exergue. Tandis que nous marchions vers le restaurant en question, j'ai finalement brisé le silence.
"Il va falloir que tu m'expliques ta logique. Tu me dis que tu es prête à tout pour protéger le peuple et la famille royale, mais que tu es prête à tuer quelqu'un du peuple pour la famille royale. Irais tu jusqu'à tuer un membre de ta famille si la famille royale te le demandait ? Tuerais tu le roi si le peuple entier te le demander ?"
Voilà, je n'ai pas pu m'en empêcher, c'était plus fort que moi. Lorsqu'il s'agit de la famille royale et du peuple, je pourrais en parler pendant des jours et des jours. Les motivations de chacun importe peu, par contre l'envie de tuer par contrat, comme un vulgaire assassin me fit changer légèrement d'opinion vis à vis de la jeune femme. Sur le trajet, je faisais exprès d'éviter au maximum le contact physique. Chaque fois qu'elle se collait à moi, j'avais l'impression qu'elle aspirait une partie de ma détermination. Elle voulait me faire douter, mais ma volonté est de fer ! Et jamais de la vie je ne lâcherai mes principes et mes valeurs pour une personne aussi maléfique. Ce sont ces mêmes principes qui me permettront de triompher contre elle. J'accompagnais mes précédentes phrases par :
"Tu me comparais à un toutou tout à l'heure, cela me fait bien rire après tes propos. Tu sous-entend que tu serais prête à tout pour faire plaire à la famille royale, allant jusqu'à bafouer les lois d'Aryon qui stipulent qu'il est interdit de tuer d'autres êtres humains. La famille royale s'est toujours portée garante de la paix et de la sécurité du royaume. Et toi, tu voudrais briser des siècles de paix en devenant un simple assassin à la solde du roi et de la reine ? Je crois que le chien de nous deux, c'est plutôt toi. On te siffle, tu rappliques, et tu obéis surtout à tes maîtres. Même si je suis quelqu'un d'obéissant, on ne me fera pas faire quelque chose que je n'ai pas envie de faire, roi ou pas roi. Et quand il s'agit d'ôter une vie, je n'en prendrais jamais une contre ma conscience."
La conscience, ce mot devait lui sembler étranger. C'est compréhensible, elle n'a peut être jamais entendu cette petite voix dans sa tête qui lui dit que quand même, il faudrait faire attention. Je ne pouvais m'empêcher de me dire à quel point c'était dommage qu'une aussi talentueuse garde soit autant guidée par de mauvais principes. Sa loyauté envers la famille royale en tout cas était remarquable, mais dommage qu'elle n'arrive pas à réfléchir par elle même. C'était peut être son point faible, la famille royale. Il faudrait que j'essaie un jour de la mettre hors d'elle en invoquant ce principe. Non, je ne suis pas comme elle, je la battrais à la loyale. A vaincre sans périls, on triomphe sans gloire non ? L'honneur vaut mieux que le trophée !
Sacrée est la ripaille
« Plaire ? » s’offusqua-t-elle, presque offensée par les paroles de Lance. En tant que groupie de la royauté, ce sujet lui était passionnant. Il lui prenait à cœur d’en parler avec plus entrain. Seulement, l’espace qu’il avait créé entre leur deux personnes ne l’enchanta guère. Elle perdait du terrain dans cette bataille spirituelle, ce qu’elle ne souhaitait surtout pas. Aussitôt, elle ligota la joie bizarre, sa carrure affriolante au bras de son chéquier du jour. A travers son membre musclé, il put caresser indirectement poitrines et silhouette. Même s’ils avaient maintenant quitté l’enceinte, Lotta tenait à préserver cette troublante brume. Les discussions devant être de mises lors de cette marche, laisser des ouvertures était hors de question. Elle ne comptait pas donner si facilement un accès à une fenêtre d’assaut qu’il pourrait horriblement exploiter. Rougissante de joie, elle lui déclara « Je ne veux plaire à personne, voyons… » L’authenticité de ses sentiments parut presque indéniable, mais ses côtés manipulateurs furent beaucoup trop récurrents. Ils revinrent d’ailleurs à la charge en brouillant immédiatement les pistes « Sauf à toi, peut-être… » soufflota-t-elle alléchante en appuyant l’emprise que toute sa volupté imposait à son puissant bras.
Se laissant guider par les pas concernés de Lance, Lotta profita allègrement. Après le bras, sa joue se colla au membre longiligne du guerrier. Deux tourtereaux, oui ! Cette comédie hautement ironique était désormais visible par les passants. Sans pour autant leur affecter de persistants regards, les deux gardes étaient observés. Assister à un flirt si peu pudique ne passait guère inaperçu. Des gardes en patrouilles eurent même l’honneur de les croiser pendant leur cinéma ridicule. De quoi alimenter les futures rumeurs qui hanteront prochainement à la caserne. « Penses-tu réellement que cette paix perdurera éternellement ? » Lui exposa-t-elle lourdement, suave, saupoudré d’un petit sérieux. Puis elle se blottit davantage autour de ce bras, vorace « Que la garde doit se reposer sur ses lauriers et ne pas se préparer aux pires éventualités ? » ajouta-t-elle progressivement fanfaronne. La marche vers la sainte nourriture devenait longue. Lotta en devenait blasée. Au moins, elle avait de cette façon pas mal de temps pour lui exposer sa manière de pensée si unique au sein de la garde. « L’interdiction de meurtre décrétée par la famille royale ? Je vois cette loi comme une épée de Damoclès... » lui expliqua-elle sur un ton étonnamment décontracté.
La faim lui avait rapidement fait perdre toute once de sérieux. « Elle maintient toujours la paix et la quiétude dans notre pays… » argumenta-t-elle agacée, pour étayer malgré tout, ces explications. Et au rythme de leurs pas, Lotta expliqua le revers évident à cette médaille, non sans esquisser de nombreux soupirs affamés « Cependant, elle n’a toujours pas eu à affronter un ennemi capable de l’outrepasser ou de la contourner subtilement... ». Il s’agissait de la stricte vérité. Depuis l’installation de cette loi, aucun drame sanglant n’avait frappé ce pays. Le jugement asséné pour l’infraction de cette loi était l’exil dans les sordides terres du nord. Un châtiment que peu désiraient. De plus, les guerriers de la garde restaient d’habiles combattants, même si Lotta n’en était guère convaincue. Contrairement à la plupart des gardes qu'elle avait déjà rencontré, Lotta avait été formé dans l’optique de parer à cette éventualité. « En tant que garde royale, il est de mon devoir me tenir prête face à cette fatalité. Perdurer dans la garde sans avoir cette mentalité est risible… » termina-t-elle son explication en se frottant la joue contre le bras de Lance, tel un chat désireux de son repas. La clarté de son argumentaire n’allait guère avec son faciès affamé. « Mais peut-être que cette fatalité ne frappera jamais le pays, qui sait ! En tout cas, un garde décent se doit d’être paré à cette dramatique éventualité… » précisa-t-elle sans se rendre compte qu’elle lui avait détaillé ce qu’elle attendait grosso modo d’un garde respectable. Le ventre réclamant sa pitance, la campagnarde tint seulement à boucler rapidement ses explications.
« Donc, si un jour la royauté se voit contrainte de devoir liquider quiconque, pour protéger cette paix durement acquise… » Si l’appétit ne lancinait pas son estomac et si l’exaspération n’était pas l’émotion dominante et animant son beau visage, ses mots auraient pu impressionner tous ces gardes la calomniant dans son dos. « Alors je m’exécuterai sans aucune hésitation… » le lui déclara-t-elle puissamment d’une voix tant cinglante qu’affamée. « Même si les cibles à abattre sont mes propres parents, je m’y suis préparé. Quand la famille royale est acculée, c’est aux gardes royaux que revient le devoir de se salir les mains sans état d’âme… » continua-t-elle à le cuisiner alors que son corps tout entier suppliait de trouver un cuisinier. Et pendant qu’elle se perdait encore une fois dans ses explications, son bide gargouilla de manière peu élégante. Le genre de bruits peu joyeux à entendre et qui choquerait des nobles. Campagnarde habituée à la simplicité, Lotta se pouffa tout simplement de rire. Ce hurlement gargantuesque l’avait tout simplement arrêté dans ses mélodrames à deux sous. « C’est pas tout ça, mais j’ai faim moi. Il est encore en loin ton resto ? » lui demanda-t-elle en aplatissant davantage de chair sur ce corps encore à sa merci.
"La paix permet aux gens de s’entraîner pour la prochaine guerre, c'est utopique de croire que tôt ou tard une guerre n'éclatera pas. Tu parles de la guerre, mais au final ni toi ni moi ne l'avons connu. Nous nous sommes entraîné, nous sommes devenus plus forts, et nous serons prêt pour la prochaine guerre."
Je marquais une courte pause, puis me rappelant d'un détail cocasse, je passais mon bras libre derrière ma tête et m'agrippais derrière la nuque signifiant à la fois un peu ma gène vis à vis de ce que j'allais annoncé.
"Enfin, si je réussi à te battre en tout cas, sinon ça voudrait dire que j'ai fais tout ça pour rien vu que je quitterai la garde royale." Je ris sincèrement "Plus sérieusement, la garde royale m'offre la possibilité de protéger ceux qui sont garant du respect des lois d'Aryon. Notre roi est quelqu'un de bon et sage, et je prie pour son successeur le soit tout autant. Je veux juste pouvoir devenir plus fort, si j'avais été plus fort ce jour là ..."
Je me stoppais net, j'allais dire une sacrée bêtise ! Certes la compagnie de Lotta est apaisante et plaisante, mais il ne faut pas que je baisse trop ma garde. Tout ce que je dirais pourra être utilisé contre moi lors du combat pour me déstabiliser. Il ne faut vraiment pas que je m'étale trop. Fort heureusement, nous arrivions au restaurant que je connaissais bien. Je fini ma phrase par un "c'est ici.". C'était un restaurant assez chic de la ville. Pourquoi je l'amenais là alors que j'aurai pu l'amener dans la première cantine de la ville ? Et bien parce que je connais le patron et qu'il me doit un service. J'espère pouvoir effacer mon ardoise car vu le bruit de l'estomac de Lotta, je pense qu'elle va littéralement manger tout ce qu'il a en cuisine.
La pièce était pas trop remplie et le peu de personnes présentes étaient trop occupées dans leurs discussions pour nous remarquer. Nous nous installons à une table et nous commande à boire. Je suis ravi qu'il y ait enfin une légère distance entre nous, cela me permet de plus réfléchir à mes dires avant d'ajouter quelques choses de compromettant. Etant l'un face à l'autre, elle ne pouvait pas me tenir le bras et je me délectais de cette séparation. Afin d'éviter de revenir sur le sujet préalablement exprimé, j'ai renvoyé la discussion sur elle.
"Si tu es prête à tuer tes parents pour le roi, tu dois l'avoir en très haute estime. Mais il y a forcément autre chose qui doit te motiver pour devenir plus forte. As tu vraiment quelque chose à prouver au monde ? Ou bien essaies tu de te prouver des choses à toi même ?"
De toute façon, avant chaque combat, j'essayais d'en apprendre un peu plus sur mon adversaire. Casser sa motivation à gagner, c'est m'assurer une victoire pour notre prochain combat. Elle m'avait surpassé le premier round en me déstabilisant complètement. Je n'avais pas sa clairvoyance, elle par contre était très douée pour voir les failles chez son adversaire. Aussi étrange que cela puisse paraître, malgré notre rivalité et nos divergences d'opinions, j'étais content que la garde royale ait des éléments comme elle dans ses rangs. Si seulement elle était un peu moins énervante et qu'elle laissait parler davantage ces vrais motivations aux lieux de tisser des relations avec du mensonge et du jeu du chat et de la souris.