C'était justement une permission, au trajet généreusement financé par la Garde, qui avait amené notre Capitaine en ces lieux chargés d'histoires. Quatre jours de repos, dument mérités après plusieurs missions aussi périlleuses qu'idiotes pour certaines. Yuduar avait pus ainsi rentrer au bercail. Le voyage en portail avait facilité le transport et le retour, qui se ferait aussi via portail, lui permettait de savourer chaque instants jusqu'aux derniers. Toute sa famille l'attendait de pied ferme dans la maisonnée familiale des Al Rakija dans la Ville Aquatique. Ses parents ne manquèrent pas de cuisiner leurs meilleurs plats, sa grand-mère en profita pour lui pincer les joues comme si il n'était encore qu'un poupon -âgé pourtant de ses trente-six ans- et ses enfants quant à eux ne quittèrent pas leur paternel d'une semelle pendant toute la durée du séjour. Ces instants en famille étaient cher aux yeux du Garde qui avait fait le choix de travailler loin de siens. Il espérait toujours que le futur saura se montrer plus clément en le rapprochant de sa marmaille et de ses géniteurs. Mais en attendant ce jour saint où l'administration réussira à se montrer humaine et intelligente plus de quelques minutes au fil d'une année, il jouissait de coquettes permissions spécialement déclarées pour raison familiale. Un prêté pour un rendu comme disait l'expression.
Mais comme chaque bonne chose à une fin, l'heure était au retour désormais. Il était arrivé au Grand-Port par navette bullaire en fin de matinée puis s'était directement rendu à la garnison militaire qui tenait lieu de place-forte au centre de la ville. Cette dernière, sous bonne protection de l'Officier Supérieur Hendricht, avait accueilli le Capitaine avec grande déférence. Yuduar ne devait être que de passage pour signaler son retour par Portail mais il en profita pour casser la croute avec quelques gardes en s'installant directement dans les cuisines. Il y avait là des gueules familières, notamment Ardos et Kopesh, deux gars qui étaient sous ses ordres deux ans plus tôt à la Forteresse. Des chics types, habiles sur le terrain en plus de ça. A tout les trois ils firent couler la bière et en profitèrent pour rompre le pain sous prétexte de faire découvrir un fromage du terroir à un Yuduar trop peu présent dans le secteur. Suite de quoi ils allèrent digérer en regardant l'entrainement de nouveaux gars récemment envoyés par la Caserne, pas tous des premiers de la classe mais il fallait visiblement faire avec, à défaut d'êtres impressionnants ils avaient au moins le mérite d'êtres drôles. Les heures défilèrent dans la bonne humeur et Yuduar quitta ses amis avec une panse bien remplie et le sourire aux lèvres.
Errant dans les rues marchandes du Grand-Port, le Capitaine Al Rakija flânait d'une étale à une autre sans véritables objectifs en tête si ce n'est celui de tuer le temps en attendant de rejoindre le Portail pour son retour. Son épais sac de voyage dans le dos, il se tâtait à ramener quelques vivres du coin pour se faire un petit garde-manger personnel avec des produits bien typiques. Vêtu en toute simplicité avec une mise claire mélangeant cuir brun et lin crème, il gardait malgré tout son fidèle baudrier de couteaux de lancé et ses deux épées à leur poste, le tout majoritairement recouvert par un long cache-poussière sans manche aux tons ocres. Son insigne de Capitaine lui servait d'attache à la manière d'une broche au niveau du coeur, détail nécessaire pour déclarer son identité y compris en permission.
Soudainement son attention fut attiré par un marchand qui visiblement avait sut rassembler les foules devant son commerce. Plusieurs chalands formaient un groupe désorganisé regardant la marchandise d'un oeil intéressés. Le marchand, un charcutier, était entouré de deux gamins occupés à faire la criée pendant qu'une charmante vendeuse s'occupait des transactions. L'homme était entrain d'annoncer un arrivage de boucton iodé, une spécialité locale au goût prononcé et inimitable. La viande de boucton ainsi traitée était séchée en suspension le long de falaises reconnues, frappées par le tumulte de l'océan, le sel de l'eau venait imprégner naturellement les tissus pour donner une charcuterie fine et reconnue. Saucissons, viande sèche, jambons avec ou sans os, il avait même du jarret maturé à l'iode et des pâtés fumés qui déclenchèrent une expression de surprise chez plus d'un.
C'est le sourire aux lèvres que Yuduar s'affaira à fendre la foule du marché en direction de l'étale du charcutier. Les concurrents autour ne baissèrent pas le nez mais au contraire, s'animèrent d'une fougue similaire, vantant ainsi la qualité de leurs fromages par-là ou la douceur liquoreuse de leur eau-de-vie par-ci. Un spectacle simple de gens du commun certes mais un environnement dans lequel le haut-gradé se sentait comme un poisson dans l'eau. Jouant des coudes pour faire quelques emplettes, le Capitaine allait pouvoir profiter de ces quelques heures pour organiser d'avance les retrouvailles avec les hommes de son régiment. La journée était belle au présent, la nuit s'annonçait déjà longue au futur.
Aussi étonnant que cela puisse paraître, elle avait accepté malgré tout, et s'était contentée de repérer l'alpha et de faire un duel à mains nues avec lui, qu'elle avait aisément gagné en raison de leur différence de corpulences. Cette démonstration de force faite, elle avait marqué le territoire qui appartenait jusqu'alors aux Jagras... Littéralement, elle avait pissé partout. C'était le meilleur moyen. Et ça avait marché : la meute s'était mise en route, à la recherche d'un nouveau territoire.
Sur le retour, elle avait donc décidé de s'arrêter au Grand Port, puisque la nuit commençait à tomber et qu'elle n'avait aucune envie de voyager dans la pénombre totale d'une nuit sans lune. C'était le lendemain, désormais, et elle déambulait dans cette ville qu'elle connaissait presque par cœur. Les souvenirs étaient toujours aussi vivants, aussi clairs. Dreina se souvenait des passages et des ruelles sombres dans lesquelles on gagnait du temps lorsqu'on était pressé ; des échoppes sans panneaux que l'on ne découvrait qu'une fois qu'on rentrait dans les bâtiments ; de toutes ces petites choses qui faisaient le charme de cette ville et qui avaient participé à la construire dans sa jeunesse.
À mesure qu'elle flânait dans ces rues familière, de bons souvenirs lui revenaient : les visages de ses amis d'alors et leurs activités. Le fils du boulanger de la Rue des Grues, les frères mendiants des Quais Sud, le Grand Jo qui les dépassait tous d'une tête, et tous ces autres gamins avec qui elle avait joué et combattu. C'étaient des compagnons d'armes qu'on ne pouvait oublier, comme s'ils avaient partagé une bataille titanesque dont le but était de sauver le monde, alors qu'en vérité ils ne faisaient que se foutre sur la tronche pour s'amuser. Mais c'était typiquement le genre de choses qui forgeait des amitiés solides.
Tandis qu'elle arrivait sur la Rue des Sels, connue pour être le repaire de vendeurs de sels aromatisés en tous genres et d'excellents charcutiers, ses souvenirs dévièrent jusqu'à ses parents, qui avaient leur échoppe à quelques rues de là. Sa mère lui manquait terriblement, sa douceur et ses attentions, sa voix et son parfum, la façon qu'elle avait de se vêtir avec les tissus splendides que son père vendait... Son père, en revanche, ne lui manquait pas du tout. Elle était toujours aussi furieuse contre lui et la façon qu'il avait eu de tenter de l'enfermer dans une vie qui n'était pas la sienne.
Les mauvais souvenirs remontaient, chargés de sentiments négatifs et d'envie de frapper dans tous les sens, d'envoyer ses poings cogner quoi que ce soit pour se détendre, quand elle entendit une voix familière. Elle ne remit pas immédiatement un visage sur cette voix, et dû attendre d'avoir la source de ces sons pour réaliser : c'était le Grand Jo. Il était habillé d'un tablier blanc tâché de sang et de traces de nourriture, et était dans une échoppe qui, apparemment, attirait foule. À ses côtés, une femme et deux gamins qui l'aidaient. Que foutait-il ici ? Il n'était pas fils de charcutier, ce bougre, pourtant ! Quoique... À tout bien réfléchir, elle ne pouvait trouver de moment où il avait dit de qui il était le fils. Il n'avait jamais beaucoup parlé de sa vie en dehors de leurs jeux...
Le choc passé de revoir ce grand bêta à la tête d'un magasin qui attirait tant de monde, un sourire énorme vint fendre son visage et le faire rayonner de milles feux. Elle enleva son casque, permettant à une cascade de cheveux cendrés de dévaler ses épaules, et le prit sous le bras en se frayant un chemin des épaules vers lui. C'était loin d'être tâche aisée, d'autant que le type à côté d'elle jouait autant des épaules qu'elle, aussi elle l'appela.
« Oy ! Oy Grand Jo ! Ça fait un sacré bail, dis voir ! C'est moi, Dreina ! Alors comme ça t'es dev'nu charcutier ! »
Elle souriait comme jamais auparavant, tant elle était heureuse de revoir ce grand dadet. Puis le coude du type à ses côtés vint se loger dans ses côtes, aouch ! Elle fit un pas de côté et bouscula le gars à sa gauche, tout en lui marchant sur le pied. Elle fit volte-face vers lui :
« J'suis désolée, mon gars, » dit-elle hâtivement avant de poser les yeux sur l'insigne qui brillait sur le torse de ce « gars ». Bien qu'elle ne fut pas garde, elle savait reconnaître leurs insignes et les grades qui allaient avec chaque insigne. Sans plus attendre, elle se corrigea, le rouge montant aux joues : « Euh, j'veux dire... Désolée, m'sieur l'capitaine... »
Ce n'était pas habituel qu'elle balbutie de pareille manière, mais il fallait montrer un certain respect à ces gens : on leur devait de base le respect, mais surtout on ne savait jamais ce qu'il pouvait passer par leur tête. Peut-être que ce gars-là était un fou de l'autorité doublé d'un sadique... Elle n'avait aucune envie de finir au trou pour avoir simplement mal présenté ses excuses.
« J'peux faire quelque chose pour vous, en dédommagement de ma maladresse, m'sieur l'capitaine ? J'connais le charcutier, y peut bien vous faire une ristourne si j'lui d'mande, j'crois bien... »
Sa voix chevrotait légèrement, trahissant son anxiété. Ce n'était pas la première fois qu'elle avait des embrouilles avec la garde, mais cette fois c'était pire : c'était un capitaine. Si jamais cet incident remontait jusqu'aux oreilles de la Guilde, il était tout à fait possible qu'elle ne puisse pas se défendre et que la sanction tombe immédiatement...
Le Capitaine s'imagina quelques-uns de ses collègues aux fronts perpétuellement barrés de rides sévères, accumulation visible du lourd poids de porter constamment l'autorité à bout de bras. Ces pauvres gars ne feraient pas long-feu dans un environnement pareil, un apprentissage qui manquait cruellement à l'ouverture d'esprit de certains gardes à vrai dire. Mais bon, on ne dépoussière pas toute une institution en quelques tournemains sur la moitié d'une année. Il nota tout de même qu'un exercice particulier pourrait se dégager d'une telle cohue, un exercice de patience, de contrôle de soit et de contact avec le peuple qu'ils se devaient de défendre de par leur serment en tant que Garde.
Pris dans ses pensées et ses élucubrations, un petit rire lui monta en gorge et son attention se relâcha quelques instants. Le tempo de son chemin discret et respectueux fut perdu l'espace d'un moment et il se laissa emporter par la marée humaine qui l'amena naturellement à se décaler sur la gauche, là où les clients convergeaient en fin de transaction. Merde. A grands renforts de "Pardon" et autres "Excusez-moi", le Capitaine repris sa route là où il l'avait laissée.
Soudainement une embardée amena la demoiselle qui s'était fait remarquée quelques instants plus tôt à presque dégringoler vers Yuduar. Elle lui marcha sur le pied, d'une botte lourde de son déséquilibre, ce qui eut pour effet d'arracher une petite grimace de surprise sur le visage du Garde. Rien de bien méchant sommes toutes. Le plus drôle fut la suite: après une sommaire excuse d'usage sans fond véritable, le regard de la jeune fille aux cheveux de cendres fut happée par l'insigne qui ornait le torse de Yuduar. Quelques courtes secondes de silences plus tard, le regard d'ambre du Capitaine croisa les yeux bleus de la demoiselle en armure qui semblait être une mercenaire. Et celle-ci s'épancha d'un coup d'un seul en excuses hésitantes et chevrotantes, le visage peint de la rougeur de ceux qui ne savent plus où se mettre en pareille situation. L'effet ne se fit pas attendre et Yuduar éclata de rire.
"Ahahahah, c'est bon pas de quoi s'alarmer mademoiselle!" entama t-il en lui flattant l'épaule d'une tape amicale et rassurante "Je ne suis même pas en fonction, un simple civil avec une jolie insigne rien de plus!" le visage souriant et le rire aux lèvres, Yuduar la dépassait d'une petite tête. Loin de lui l'idée de faire usage de son statut, encore moins en fin de permission et surtout pour une raison si insignifiante à vrai dire, il faut se laisser vivre de temps en temps. "Mais si vous pouvez m'aider à choper deux trois morceaux de boucton iodé avant que votre collègue se fasse dévaliser je suis preneur!" enchaina Yuduar en désignant l'étale du menton, les transactions allant toujours bon train "C'est pour que mes gars se couchent moins idiots ce soir, je suis sûr que quelque part ça rentre dans les services rendus au Royaume non?"
Il conclut sa phrase d'un petit clin d'oeil blagueur et brillant de malice. Il n'y avait absolument rien de sérieux dans ce prétendu "service au Royaume" mais après tout, quand on tire une bonne carte au milieu d'une partie aussi animée, ce serais quand même con de pas la jouer. En l’occurrence sa carte était la chance de tomber sur quelqu'un qui visiblement connaissait le propriétaire de l'affaire.
"Bon, on fend la foule ou on prend l'entrée des artistes?" le regard vers le commerçant, quelques bons mètres les séparaient du contact de la vendeuse qui tenait les comptes ou d'un des gamins occupés à brailler les prix et à faire rêver les clients.
Mais le gradé se montra tout de suite beaucoup plus avenant que ce que les rumeurs sur ces gens rapportaient. Mieux : il rit. Et aussitôt après, il répondit comme s'ils se connaissaient et qu'ils étaient amis. Quel drôle d'énergumène elle avait trouvé là. Les passants autour se détournèrent quasiment immédiatement de la scène. Ce n'était pas intéressant s'il ne s'énervait pas et ne provoquait pas une altercation avec cette demoiselle qui avait l'air plus dur à cuire qu'il n'y paraissait au premier coup d’œil. Eux ce qu'ils voulaient, c'était soit leur morceau de viande goûtue, soit une bonne bagarre qui se termine en arrestation musclée, histoire de se changer les idées et de rendre cette journée un poil plus intéressante. C'était, sommes toutes, une curiosité malsaine très largement répandue et que l'aventurière n'aurait su blâmer tant elle était faite du même bois.
Il continua à déblatérer, à propos de ses subordonnés qui devaient découvrir les plaisirs de la cuisine locale et de l'aide qu'elle pourrait apporter pour obtenir ce précieux sésame qu'il convoitait et qu'il tentait d'atteindre malgré les remous de la foule, qui ne manquaient d'ailleurs pas de continuer à les ballotter sans ménagement malgré leur conversation.
Il lui adressa un clin d’œil complice, comme s'ils étaient déjà comme cul et chemise, chose qui, en soit, ne déplaisait pas à Dreina. Se faire des connaissances, c'était toujours bon, encore plus lorsque ces contacts étaient si hauts placés dans l'état. Elle aurait peut-être une possibilité de soutirer des informations à ce gars, pour avoir des avantages ou des bons traitements si jamais elle était encore arrêtée après une bagarre clandestine. Il allait profiter d'elle pour avoir une ristourne, et elle allait profiter de lui pour avoir un ami bien placé. C'était parfait !
« Bon, on fend la foule ou on prend l'entrée des artistes ? »
Encore une fois, il avait parlé comme à son amie. Elle lui sourit et lui retourna son clin d’œil, puis se retourna, et lui prit la main en le tirant vers l'avant, et en se mettant à beugler.
« Place, place, faites place pour le capitaine et sa garde du corps !! Laissez passer on est pressé, nom d'une harpie dégarnie !! »
Et ils fendirent la foule tel une sorte de messie qui séparait la mer à l'aide de ses mains et d'une quelconque présence divine. Les gens s'écartèrent sur leur passage, et ceux qui ne le faisaient pas étaient gratifiés d'un coup de coude brutal dans les côtes et d'un regard insistant et plein de fermeté et de mépris, le genre de regard qui voulait clairement dire « ose me répondre et j'te pète la mâchoire sur mon genou après t'avoir fait bouffer tes godasses ». L'aventurière n'était vraiment pas commode, et elle ne faisait rien pour le cacher.
Une fois arrivé devant l'étal, le charcutier la reconnut enfin. Quelques paroles furent échangées, de quoi se féliciter d'avoir bien réussi sans trop faire attendre le reste de la clientèle, et un rendez-vous fut fixé le soir-même pour qu'ils parlent du bon vieux temps autour d'un morceau de pâté de jagra au porto et d'une coupe d'hydromel local. L'allégresse était telle que la blonde faillit oublier son nouvel ami bien placé.
« Oh ! Et, on voudrait un peu d'tes beaux morceaux d'boucton, là, les marinés ou j'sais pas quoi. C'est pour mon ami ! J'te présente le capitaine d'la garde... Euh... Le capitaine... » dit-elle en le fixant les yeux plissés, comme si elle essayait de se souvenir de son nom qu'elle n'avait pourtant jamais entendu. C'était clairement du bluff, mais elle tenta quand même le tout pour le tout :
« Le capitaine... Izdar, j'crois bien ? J'sais pu, trop picolé hier soir quand on s'est rencontré, » tenta-t-elle au hasard avec le premier prénom qui lui passa par la tête – celui d'un des frères mendiants des Quais Sud –, un sourcil interrogateur haussé pour essayer de trouver l'approbation de ce type barbu qu'elle venait tout juste de rencontrer.
La jeune femme, une fois l'étonnement passé, attrapa Yuduar par la main après lui avoir répondu d'un clin d'oeil malicieux aussi parlant que celui qu'avait envoyé le Capitaine. Le numéro de cirque entama sa course: à grand renfort d'une voix tonitruante elle écarta la populace amassée devant eux en mettant en avant le grade du militaire qu'elle accompagnait, selon ses dires. Derrière elle, un Yuduar tout sourire accordait ça et là quelques gestes de la main entre salutations et excuses modestes, de quoi contre-balancer les jurons et les expressions de mécontentement qui accueillait la parade inopinée formée par cet étrange tandem. Aucune opposition franche et vindicative ne fit son apparition au milieu des râles citoyens, tous surement étouffés dans l'oeuf devant le caractère de feu de son escorte en-armurée. Bon, qu'on se le dise ce n'était surement pas à ça qu'avait pensé le Capitaine en proposant de fendre la foule mais au final les résultats étaient présents. A coup sûr que les gars de la garnison du Grand-Port allaient avoir vent d'une telle apparition au milieu du marché et que la nouvelle sera reçu par une main platement claquée de dépit contre un front soucieux. Un grand classique de l'effet Al Rakija sommes toutes, pas de quoi se formaliser.
Le cortège arriva à destination en un tournemain. La mercenaire héla son camarade aux commandes de l'étale tandis que Yuduar était entrain de présenter ses excuses à une petite-dame rabougrie par l'âge qu'ils venaient de dépasser au dernier moment. Mettant en avant qu'il n'en avait que pour quelques instants avant de rejoindre son transport en portail, il ne suivit que d'une oreille distraite les échanges des deux vieux amis, son attention seulement happée par la mention d'un petit frichti au nom du bon vieux temps. Comme quoi, qu'importe la classe sociale ou les origines, les méthodes restaient les mêmes pour prendre du bon temps. Yuduar étant un homme du peuple, ces plaisirs simples et ce parlé franc étaient pour lui comme une seconde nature.
Lorsque la conversation revint à l'actuelle demande du dit Capitaine, ce dernier releva le nez pour saluer le marchand d'un grand sourire plein de dents blanches. L'homme ne semblait pas baigner dans la première finesse du monde mais son visage rond était éclairée d'une bonté d'âme communicative et faisait briller la richesse de son coeur, on pouvait deviner en lui un homme comblée par une vie simple. A côté de lui, la demoiselle beaucoup plus farouche et explosive tenta de coudre une histoire à la hâte, prête à inventer un nom au Garde qu'elle aurait visiblement rencontrée hier soir au détour d'un bar. Une situation qui aurait pus tout à fait être réelle en soit. Ce jeu, toujours plus gros, ne fit qu'accroitre le sourire amusé du Capitaine.
"Yuduar." corrigea t-il en rigolant, puis se tournant vers le charcutier en lui tendant une main destinée à le saluer "Capitaine Yuduar Al Rakija." L'homme, dont les yeux s'écarquillèrent de surprise, lui tendit un poignet en remplacement de sa main encore dégoulinante du sang des coupes de viandes qu'il venait de faire "Je voulais juste vous prendre deux trois saucissons, un petit jambon à l'os et un beau filet a griller dans la soirée, de quoi ravir mes gars en rentrant à la Caserne!"
Le marchand, après avoir acquiescé avec une étrange déférence, transmis immédiatement la commande aux petites têtes blondes qui s'affairaient autour de lui, ses arpètes ou ses gamins au choix vu la situation.
"En tout cas c'est vraiment des belles pièces que vous avez là!" enchaina Yuduar sur le ton de la conversation en englobant la mercenaire du regard "Une chance que j'ai rencontré votre camarade "hier soir" sinon je met ma main à couper que vous auriez été dévalisés avant même que je passe ma commande!"
A cette annonce anodine, qui n'avait en soit comme seul but que de rire dans sa barbe de ce mensonge inventé à la vas-vite par la mercenaire, l'ami charcutier tiqua en fronçant ses épais sourcils. L'insistance apportée sur le "hier soir" sembla lui avoir chatouillé le cervelet et très vite son visage s'empourpra d'un gène visiblement difficile à dissimuler. Yuduar compris vite que sa boutade cachée pouvait, en effet, être interprétée de diverses manières. La bourde.
"Ah oui, non, pas du tout, je vous vois rougir hein mais c'est pas ça non non non!" rajouta t-il en agitant une main alerte qui allait de paire avec son minois surpris de gaffeur à la petite semaine. "Mais quel con je fais, franchement"
Une fois ce coup de poker réussi terminé, le Grand Jo lui serra la pince et le soldat commença ses emplettes en énumérant sa liste de courses. D'ailleurs, sa liste était bien remplie, se dit Dreina. Elle n'avait pas vraiment d'idée sur les prix du charcutier, mais un tel paquet allait probablement lui coûter une somme coquette. Ce détail la fit tiquer. Il avait des moyens, ce type. Est-ce que c'était normal pour un soldat d'avoir de quoi payer autant de nourriture par caprice, ou est-ce que c'était un privilège exclusif aux capitaines ? De ce qu'elle croyait savoir, les gardes étaient moins bien lotis que les aventuriers, concernant la rémunération... Surtout la garde civile.
Ceci dit, il fallait bien reconnaître qu'un aventurier ne gagnait pas forcément bien sa vie. Nombre d'entre eux, trop faibles pour faire face à la réalité brutale de ce métier, mouraient, ou alors survivaient pour devenir des fantômes. Des aventuriers conscients de leur faiblesse, et qui ne prenne que des petites quêtes pour aider le peuple. Il était honorable de connaître ses limites : mais la famine qui les tiraillait alors en punition de ces travaux mal payés, elle, l'était beaucoup moins.
Et pourtant, elle venait d'aider un gradé à se frayer un chemin pour acheter en charcuterie l'équivalent d'une semaine de travail pour notre aventurière. Sa vision de ce corps de métier venait soudain d'en prendre un coup, de manière tout à fait positive. Elle était si perdue dans ses pensées, à se demander si elle avait fait le bon choix en étant aventurière, et si être garde n'apportait pas un semblant de mieux dans tout ce fatras, qu'elle ne fit pas attention à ce qui se dit lorsque le capitaine continua la conversation avec le Grand Jo.
Elle revint sur terre, et tourna la tête vers son vieil ami pour éventuellement acheter un peu de viande, elle aussi. Mais elle s'arrêta net, en le voyant si rouge qu'elle eut peur qu'il ne fut en colère. Mais un rapide coup d’œil analytique sur son expression, et son langage corporel, et Dreina fut en mesure de comprendre que quelque chose avait dit qui le gênait. Le Grand Jo était un bon gars, qui savait couper probablement s'occuper de sa viande comme il savait donner des coups de poings, mais qui était un grand timide par la même occasion. Elle se souvenait qu'à l'époque, la simple vue de jolies femmes dans les environs le rendait tout bizarre, presque bègue. La blonde n'eut pas plus le temps de se demander ce qui se passait que le capitaine s'enquit, d'une voix qui trahissait sa gêne.
« Ah oui, non, pas du tout, je vous vois rougir hein mais c'est pas ça non non non! »
Eh bien, décidément, elle ne comprenait rien. La petite vieille qu'elle avait bousculée en venant, en revanche, la regardait avec un air sévère et réprobateur. Elle crut même entendre un « traînée » marmonné... Ou bien était-ce le vent ? Son sourcil gauche se leva tandis que le droit plongeait et fronçait son œil, et son regard alla de l'un à l'autre des hommes, de son vieil ami à son nouvel ami.
« Pour moi ça s'ra juste trois tranches de jambon cru, c'ui-là là-bas, avec le torchon vert autour, » enchaina-t-elle, l'air toujours aussi suspicieuse de ce qui venait de se passer, en désignant du doigt un beau morceau qui pendait accroché par une ficelle à un montant en bois.
L'un des gamins apporta les saucissons à la femme et le filet à découper au Grand Jo, tandis que l'autre s'occupa d'aller chercher un beau jambon à l'os avant de se pencher sur la découpe de la commande de l'aventurière. Leur petite entreprise battait son plein et vivait sans qu'aucun ne gêne les autres. Chacun savait où il devait aller et quoi faire sans qu'ils aient à se parler, ou presque. On eut dit une valse tant c'était fluide et quasi artistique.
Mais l'attention de notre chère blonde ne resta pas longtemps sur la belle coordination dont elle était témoin : le Grand Jo était toujours aussi rouge. Là, vraiment, il y en avait marre ! Ses bras vinrent se croiser sur sa poitrine, dans une pose à la fois volontairement sérieuse malgré qu'elle n'était pas prête d'en imposer auprès de l'un d'eux avec son gabarit nettement inférieur.
« Bon, les gars, vous m'dites c'qui s'passe, oui ou merde ? Pourquoi qu't'es tout rouge le Grand Jo ? » demanda-t-elle cash à son ami, avant de s'adresser au capitaine nouvellement rencontré : « Qu'est-ce que c'est qu'vous lui avez dit comme connerie, hm ? »
Et le charcutier de balbutier :
« N-non, non, rien, rien. J'ai j-juste... Mal... Mal compris... Un truc... »
Elle l'avait fixé tandis qu'il répondait, et se retourna vers le militaire avec cette expression grave, accusatrice et interrogatrice que les mères arborent lorsqu'elles veulent savoir lequel de leurs enfants a fait la bêtise de casser ce vase.
Le silence continua ainsi quelques minutes. Le charcutier occupé à trancher les demandes à la chaine. La mercenaire dont le regard rebondissait entre les deux hommes. Notre cher Capitaine entrain de se frotter les mains d'un air innocent, sifflotant légèrement une rengaine de barde de taverne. Bientôt la viande allait être préparée, le tout empaqueté et tout le monde pourra reprendre sa petite vie là où ils l'avaient laissée. Jusqu'au moment où...
"Bon, les gars, vous m'dites c'qui s'passe, oui ou merde ? Pourquoi qu't'es tout rouge le Grand Jo ? Qu'est-ce que c'est qu'vous lui avez dit comme connerie, hm ?"
La jeune femme creva l’abcès d'un coup d'un seul, s'adressant à la fois à son camarade en terminant clairement son adresse à l'attention d'un Yuduar qui feint la surprise d'un air étonné.
"N-non, non, rien, rien. J'ai j-juste... Mal... Mal compris... Un truc..."
Le regard du charcutier rencontra celui du Capitaine, dont la bouche se pinça à mi-chemin entre moue et rictus, un léger sourire étirant les commissures d'un air enfantin.
"Je pense que votre ami à juste mal interprété la notion de notre "rencontre hier soir" en pensant que d'autres choses que quelques verres nous aient rapprochés..."
"Euh, o-oui, enfin non, hm..." le marchand toussa d'un air encore plus gêné qu'auparavant puis enchaina sur une voix de stentor qui sentait le forcé "Vot' commande est prête m'sieur euh, le Capitaine."
Yuduar, bon citoyen qu'il était, accusa l'annonce d'un "ah" un peu trop étonné et empressé. Il s'empressa de saisir sa sacoche de laquelle il extirpa une bourse bien dodue de plusieurs cristaux.
"Voila, hein, rien de bien méchant au final n'est-ce pas, hm?" continua t-il avec légèreté tout en faisant rouler les billes nacrées dans la paume du marchand qui attendait son dût.
Après avoir payé, faisant fi de la monnaie qu'il laissa volontiers comme pourboire au marchand, Yuduar risqua un regard aux sourcils hauts et à l'air rieur en direction de la blonde mercenaire. Expert en situation rocambolesque, quand bien même celle-là aurait été digne de figurer dans un recueil de farce de théâtre, son attitude solaire et décontractée tranchait radicalement avec l'air penaud et bas qu'affichait l'ami commerçant, qui semblait bien pressé de retourner trancher ses jambons.
Cependant, ce ne fut pas lui qui céda en premier, mais le capitaine. Elle renifla bruyamment, d'un air quasi méprisant, à l'attention du gamin, lorsque l'homme prit la parole pour lui annoncer quelque chose qu'elle n'avait effectivement pas envisagé : sa façon de présenter leur fausse rencontre pouvait laisser penser qu'ils avaient eu une entrevue plus osée que de simples verres bus à la taverne.
Elle ne l'avait pas vue venir, celle-là ! Prise de stupeur face à cette possibilité que le charcutier avait envisagé, elle resta immobile à cligner des yeux tandis qu'il donnait sa commande au capitaine. Quelle idiote elle avait été de dire une chose pareille en place publique ! Les gens autour allaient jaser, sûrement. Ce n'était pas le genre de choses qu'on disait à la légère... Et elle l'avait fait, bêtement.
« Voila, hein, rien de bien méchant au final n'est-ce pas, hm? » dit le capitaine, comme s'il n'était pas sur le point d'être la cible de rumeurs simplement parce qu'elle avait fait un impair dans sa façon de s'exprimer.
Elle se tourna finalement vers le Grand Jo alors que sa commande lui était apportée. Tout comme le brun, elle sortit sa bourse, mais l'air plus perdue qu'autre chose, et compta à deux reprises l'argent qu'elle lui donnait, tant elle était perdue dans ses pensées. Elle ne fit pas attention à la petite vieille derrière qui pestait, et prit son paquet silencieusement, avant d'arriver finalement à trouver ce qu'elle voulait dire :
« Tu sais l'Grand Jo, j'aurais bien préféré qu'ce soit vrai tout ce tintouin que tu t'imagines ! Au moins, ma soirée passée à dégueuler et rire aurait été encore bien meilleure, BAHAHAHAHA ! »
Et elle rit de bon cœur, si fort que la vieille derrière elle sursauta. Elle avait jugé qu'en rire serait la meilleure chose à faire : après tout, c'était faux, et en plus elle ne voyait pas pourquoi elle devrait avoir honte alors que c'était la réputation de ce capitaine qui était en jeu. Elle, elle n'avait aucune réputation à entretenir !
Elle fit alors demi-tour et accompagna le soldat en dehors de cette foule dense et puante. L'heure du repas était proche, ou du moins c'était l'avis des tripes de la blonde, qui se mirent à gargouiller furieusement telles le bain bouillonnant et brûlant d'un cratère de volcan. Elle claqua de la langue, et se tourna vers le militaire :
« Bon, et si on cassait la croûte, tous les deux ? J'ai quelques p'tites questions à vous poser, m'sieur l'cap'taine, et pis vous m'devez bien ça après l'coup d'main que j'viens d'fouler, trouvez pas ? »
Toujours aussi rayonnante de bonne humeur, bien que bourrue, elle avait visé dans le mille directement. Il lui devait effectivement bien ça, et, aux vues de l'argent qu'elle l'avait vu sortir, elle voulait des éclaircissements sur la situation des gardes. Après tout, peut-être que ça s'envisageait ?
Elle désigna une rue, à quelques mètres de là, et continua :
« Au bout de c'te rue y'a une place avec une fontaine où on s'asseoir pour manger. Si ça vous dit, ouvrez la marche et j'vous suis mon bon m'sieur ! »
Ensembles, ils saluèrent le charcutier à la volée, non sans une poignée de main adressé au poignet massif du camarade de la guerrière. C'était une belle journée, l'ambiance était festive, le soleil haut dans un ciel sans nuage et la place saturée de cris en tout genre des commerçants du coin. Mené d'une main de maitre par la jeune demoiselle, Yuduar marcha sur ses pas pour fendre la foule jusqu'à déboucher sur une rue plus clairsemée en bordure d'un quartier résidentiel tout à fait charmant. De lourdes bâtisses de pierre aux balcons métalliques se succédaient à des bâtiments plus modestes fait de chaux et aux poutres apparentes. Le tout baigné par des rues aux pavés inégaux par endroit, laissant poindre le coin d'un parc dans lequel entrait des familles accompagnées d'enfants en bas-âge tournoyants autour des parents. Les relents de viandes, de poissons et de fromages du marché laissaient place aux douces odeurs des cuisines entrain de tourner et des linges entrain de sécher à l'air libre. Une brise légère ajouta une note iodé au fond de cette paisible toile.
Lorsque la jeune femme lui proposa de manger un morceau, Yuduar leva le nez au ciel pour jauger la course du soleil. Le visage froncé par l'astre lumineux, il estima qu'une bonne généreuse heure lui était encore accordée avant de devoir rejoindre le portail de téléportation du Grand-Port.
"J'ai encore du temps devant moi avant ma téléportation pour la Capitale, j'ai déjà mangé avant de sortir mais je ne suis pas contre gouter une tranche de mes achats en taillant le bout de gras!" annonça t-il en se retournant vers sa camarade inopinée "Et je crois qu'on vas dans la bonne direction pour moi si je dis pas de conneries donc... en marche!"
D'un bon pas, ils traversèrent le quartier résidentiel en direction du centre économique du Grand-Port. Au final cela faisait un beau détour par rapport au plan initial du Capitaine mais la place du marché étant bondée à ne plus savoir quoi en faire, les petites ruelles indiquées par la mercenaire s'avérèrent plus agréables à voyager. D'ailleurs c'est au fil de quelques échanges légers qu'il en découvrit un peu plus sur la femme: elle se dénommait Dreina Nottsen, Aventurière de profession et non mercenaire comme il l'avait précédemment supposée, bien que les deux fonctions partagent bien des similarités. Elle ne pris pas en grippe la comparaison et Yuduar se présenta à nouveau bien que son identité ai déjà été révélée lors de leurs achats chez son ami. Le Charcutier, plus communément nommé le Grand Jo, était visiblement un ami d'enfance de l'aventurière, elle même native du Grand-Port. Les conversations allèrent bon train et ils arrivèrent enfin à bon port.
S'installant sur le bord de la dite fontaine avec un soupir de satisfaction, Yuduar releva une nouvelle fois la tête pour s'assurer que ses yeux ne l'avaient pas trompés plus tôt. Tout allait bien de ce côté là. L'édifice était large et haut, cerné d'un bassin circulaire de pierre blanche accusant en son centre une sorte de cairn statufié et ouvragé. Les passants, un peu plus nombreux qu'au coeur du quartier résidentiel qu'ils venaient de traverser, mélangeaient leurs rires et conversations en concerto avec le champ des mouettes et autres volatiles jonchant la grande place. Le Capitaine posa son sac de voyage entre ses jambes puis détacha sa cape aux tons ocres qu'il plia vaguement sur ses jambes.
"Ah! Nous y voila!" ouvrant son sac pour farfouiller à l'intérieur et en sortir une ficelle de boucton iodé que le commerçant lui avait gentiment glissé en cadeau, il accompagna sa trouvaille en dégainant un couteau d'un de ses étui de torse "Bon alors, mademoiselle Nottsen, qu'est-ce que je peux pour vous?" enchaina Yuduar en coupant la ficelle en deux pour lui en tendre un morceau "Vous aviez des questions pour moi c'est ça?"
Il se doutait bien que le tutoiement n'était pas vraiment le genre de la maison au vue du caractère bourrue de l'aventurière mais ses habitudes étaient bien ancrées, bien que son vouvoiement tranchait parfois bizarrement avec la familiarité de ses tournures de phrases. En attendant de trouver une logique à tout ça, il était temps de passer à table, au sens propre comme au figuré.
Ils commencèrent à marcher. L'aventurière fut surprise, en arrivant sur la petite place qu'elle avait mentionné, de voir que l'homme continuait sa route, lui. Elle l'aurait bien interpellé pour l'arrêter, mais il fallait dire que ce n'était peut-être pas un si bon endroit pour déjeuner : ses souvenirs d'enfant lui montrait un lieu grand et lumineux, encadrés de tables chargées de joueurs, de parleurs et de poivrots, avec en son centre une fontaine... Mais la vérité, à présent qu'elle avait une taille d'adulte, était tout autre. Elle se sentait écrasée, et tout autour d'elle participait à cette impression d'être enseveli sous les bâtiments. Finalement, ce n'était pas plus mal qu'il continua sa route, et elle le suivit sans rien lui faire remarquer.
Ils traversèrent une bonne partie de la ville, ainsi. Bien plus que ce que Dreina s'était attendue à marcher. Plus ils arpentaient les rues, plus elle se sentait affamée et nostalgique. Son ventre gargouillait furieusement, réclamait son dû bruyamment ; tandis que son cœur, lui, se serrait un peu plus à chaque rue dans laquelle ils s'engouffraient. Elles connaissaient ces passages. Beaucoup de choses avaient changées : des boutiques avaient fermé, d'autres avaient ouvert ; des étages s'étaient ajoutés ci et là, tandis que certains bâtiments avaient, eux, disparu, probablement dans un incendie ou un autre incident du genre. Mais elle appréciait toujours autant cette ville. Là où la Capitale lui semblait oppressante de par sa structure organisée, dans laquelle on sentait la richesse s'accroître à mesure que l'on s'approchait du cœur de la ville, le Grand Port, lui, était accueillant, et mélangeait ses bâtiments riches aux plus modestes. C'était sûrement du fait que la ville se soit construite au fur et à mesure, chacun venant chercher son lopin de terre à côté du dernier qui avait fait de même.
Tout en avançant, ils discutèrent un peu. Elle se présenta correctement, lui annonçant son identité ainsi que son occupation, avant qu'il se présente lui aussi, une seconde fois, plus en détails. Après tout, malgré le petit coup de poker qu'elle avait fait à l'étal, elle n'avait jusqu'alors pas la moindre idée de qui était concrètement ce type. La conversation allait bon train : il la pensait mercenaire, ce qui sembla logique à la blonde ; elle lui parla un peu du Grand Jo et de sa jeunesse dans ces rues ; ils échangèrent sur la raison de leur présence au Grand Port ; et autres banalités sur cette ville ou leurs activités.
Finalement, ils arrivèrent sur la Place Brillante, nommée ainsi en raison des rayons du soleil qui se reflétaient dans l'eau de la fontaine sur le bâtiment de pierre blanche, juste derrière, lorsque le crépuscule arrivait. Là aussi, les souvenirs étaient nombreux et joyeux, mais lui serraient le cœur malgré tout... Elle n'eut cependant pas le temps de se laisser aller à l'affliction, car le Capitaine Al Rakija s'assit sur le rebord de ladite fontaine et sortit quasiment aussitôt un morceau de viande de boucton qu'il coupa en deux pour en tendre l'un des morceaux à l'aventurière. Elle l'imita et prit le bout de viande, mordant à pleines dents dedans pour gratifier ses papilles d'un goût corsé et pourtant si agréable, tandis qu'il demandait :
« Bon alors, mademoiselle Nottsen, qu'est-ce que je peux pour vous ? Vous aviez des questions pour moi c'est ça ? »
Il n'était pas du genre à zigzaguer de droite à gauche, lui ! Mais ça lui plaisait. Elle avait effectivement des choses à demander, et aller droit au but était le mieux, surtout qu'ils avaient déjà bien entamé l'heure que le Capitaine pensait avoir devant lui avant de devoir se rendre au portail de téléportation – chose qui, bien évidemment, attira aussi l'attention de Dreina, qui n'avait pas accès à ce genre de transports, elle. Elle s'efforça de lui faire signe d'attendre un instant, qu'elle finisse de mâchouiller sa barbaque, avant de lui répondre :
« Oui... Hmmm... Alo's... » Elle finit par avaler le morceau de viande, et reprit : « Donc ! Voilà, vous l'savez j'suis aventurière. Et là, j'reviens d'une mission donc, et j'y ai pas gagné grand chose. De quoi m'nourrir encore une quinzaine de jours, quoi. Et vous, z'êtes là, tout pimpant, avec de quoi vous payer vot' boustifaille pour vos gars plutôt que pour vous, alors que moi y m'faudrait bien deux ou trois carcasses de grognours complètement dépiautées pour pouvoir m'offrir ce genre de luxe, m'voyez ? »
Elle marqua une pause. Elle parlait vite et n'articulait pas forcément très bien, alors il valait mieux faire des pauses comme ça de temps en temps, histoire de vérifier qu'il suivait. Elle le questionna du regard un petit instant, mais n'attendit pas sa réponse pour embrayer sur la suite :
« Et du coup, je m'disais : c'est t'y normal pour un cap'taine de s'payer ce genre de choses là pour le plaisir ? Enfin nan, pas pour un cap'taine ! Disons plutôt pour un garde lambda. Y pourrait t'y s'payer des douceurs comme ça de temps en temps, ou y vivrait comme moi, à devoir raquer sec pour avoir d'la bonne barbaque ? »
Encore une fois, elle marqua une pause, le temps de laisser digérer ces questions au Capitaine... Quoique. Elle reprit sa course folle de parole sans attendre plus de quelques secondes :
« J'veux dire... Moi, là, j'suis pov', et j'dors souvent dans l'foin, au dehors. Et j'veux pu d'ça, m'voyez. J'veux m'dire que j'aurais au moins un r'pas par jour, pis un lit où r'poser ma carcasse, la nuit. Alors si vous pouvez m'assurer qu'un garde il a d'quoi se flatter la panse comme ça, même juste de temps en temps, dites moi vite où c'est t'y que j'signe pour dev'nir l'une des vôtres ! »
Attentif, Yuduar écouta la folle diatribe de sa rencontre du jour. Ils avaient déjà partagés leur morceau de viande et l'aventurière venait d'engloutir sa moitié sans demander son reste. De là s'en suivirent les explications et demandes tant attendues. Et par Lucy qu'elle avait des choses à dire! Perdue dans son propre élan, rien se semblait pouvoir arrêter sa nuée de questions, aussi légitimes soient-elles. Au fil de la conversation, unilatérale pour le moment, le sourire du Capitaine s'agrandit tant et si bien qu'il en oublia de se couper une nouvelle rondelle de charcuterie. Cette aventurière ne manquait de pas de culot et savait aller droit au but pour obtenir les renseignements qui visiblement la tracassait! Une attitude qui n'était pas pour déplaire à Yuduar qui se considérait comme forgé d'un acier assez similaire. Au point où ils en étaient, s'épancher en mondanités n'était pas vraiment à l'ordre du jour. Elle voulait savoir des choses et comptait bien obtenir des réponses.
"Et bien, on peut dire que vous passez pas par quatre chemins vous!" rigola immédiatement Yuduar après avoir laissé un temps pour s'assurer qu'aucune autre phrase comptait débarquer derrière la dernière "Alors... par où commencer dans tout ça."
Il rangea le morceau de jambon qu'il avait à la main dans le tissu prévu à cet effet, se rincea le gosier d'un lampée d'eau et releva son attention sur Dreina.
"Déjà il est vrai qu'un Capitaine gagne plus qu'un "Garde Lambda", pour reprendre vos termes. On vas pas se mentir là-dessus. Combien exactement? Franchement j'en sais rien pour être franc." tout en rangeant sa gourde, il garda le regard rivé dans les yeux intéressés de son interlocutrice "Après en ce qui me concerne le cas est un peu plus particulier. Non seulement je suis Capitaine mais j'ai aussi... de belles économies on vas dire. Suffisamment pour pas avoir à trop me poser de questions quand j'ai envie de me faire plaisir ou d'offrir un petit gueuleton à mes gars." il laissa un temps avant d'enchainer "J'étais Aventurier avant, comme vous, et je me suis fait une paire d'années avec les poches bien remplies de cristaux. Une bonne paire d'années ouais."
Un soupir marqua une pause tandis que son regard, légèrement plissé par le soleil en contre-jour, balaya le ciel qui se couvrait des couleurs du crépuscules. A la seule mention de ces années, aussi belles soient-elles, il ne pus s'empêcher de se remémorer les galères qui allaient de paires avec tout le reste. Mais bon, il n'était pas là pour faire étalage de son passé tumultueux.
"Bref. Du coup j'en profite clairement aujourd'hui. Je suis lôgé à la Caserne en plus, on a nos cuisiniers là-bas, un réfectoire ma foi pas dégeulasse, du coup les trois quarts de ce qu'on se met dans la poche sert à se rincer des mousses dans les tavernes de la Capitale. C'est le cas pour moi, pour d'autres gars aussi." Yuduar revint à Dreina qui semblait boire ses paroles sur une idée d'une vie plus simple "Donc ouais la vie de Garde est pas trop mal en vrai. On a un lit, à manger, le boulot y'a pas toujours de quoi se taper le cul par terre mais ma foi on y trouve son compte. Je dirais pas non plus que le moindre gars croule sous les cristaux à juste se trainer des patrouilles de routines dans les rues mais au moins il dort sur un plumard correct et la panse bien remplie. L'ambiance est sympa, même si on a notre lot de bas du front -comme partout hein- mais après y'a de quoi se sentir aussi moins libre qu'être un Aventurier qui à de comptes à rendre à personne si ce n'est à soit-même en bout de course."
Yuduar marqua un temps, plus long cette fois-ci, le temps de laisser à Dreina de peser le pour et le contre de ce qu'il venait d'annoncer. Le choix de passer d'Aventurier à Garde lui était familier, même si dans son cas l'occasion à l'époque avairt été formulée d'une toute autre manière. Et dans un contexte plus sombre.
"Au final voila hein, c'est un choix comme un autre. Qui conviendrait pas à tout le monde. Souvent ça me fait chier de faire de la paperasse ou d'avoir pas grand chose à foutre parceque je suis "Monsieur le Capitaine", y'a d'autres jours où j'irais bien beugner les gars de l'administration parcequ'ils sont cons comme des chaises, puis y'a tout les moments où on part en vadrouille à travers le pays pour on ne sais quelle raison et on se marre vraiment bien." sur ces dernières phrases, il se gratta l'arrière du crâne et se massa la nuque, son sourire de retour et les yeux froncés du contact de ses doigts avec ses tensions.
"Je sais pas si c'est très vendeur ce que je raconte là mais vous devez vous faire une idée au moins?"
Il lui parla un peu plus de lui. Autrefois aventurier, il avait amassé un petit paquet avant de se ranger dans la Garde Civile. Ce fut difficile, mais elle parvint à se réprimer de lui demander comment il avait fait pour amasser des sous au point de pouvoir vivre encore en partie dessus au présent. En lieux de réponses concrètes, elle se contenta de laisser son imagination vaquer ça et là, supposant ainsi qu'il était doté d'un pouvoir puissant au possible et qu'il en avait tiré profit pour écraser des menaces qui n'auraient fait qu'une bouchée de Dreina ou d'autres aventuriers génériques. Ce n'était que conjectures, mais l'idée lui plaisait.
Il lui apprit aussi plus de choses sur la vie des gardes. Ce n'était pas forcément le rêve, mais elle qui voulait un lit pour sa carcasse et au moins un repas chaud par jour... Tout ce dont il parlait ressemblait à un bon plan plus qu'à une entourloupe. D'autant qu'il avait parlé de sortir boire des coups en ville... Et ça, c'était un argument de poids.
Lorsqu'il marqua une pause, elle se surprit à regarder autour d'elle, les gens qui passaient. Une femme en toge bleue, un vieillard qui déblatérait avec un autre, des enfants qui jouaient... Elle avait le sentiment que ces gens qu'elle distinguait au travers de la luminosité éclatante et de la poussière ambiante étaient ceux qu'elle aurait à protéger.
Et elle n'en avait aucune envie.
Aussi sûr que ce type n'avait parlé à aucun moment d'honneur et de sens du devoir, elle n'avait aucune envie de donner sa vie pour des gens qui n'en avaient aucune idée, des ingrats incapables de réaliser que leur petite vie était protégée par les Gardes... Mais aussi par les aventuriers, à tout bien réfléchir.
« Je sais pas si c'est très vendeur ce que je raconte là mais vous devez vous faire une idée au moins? »
La question du capitaine la sortit de sa torpeur pensive, et elle tourna à nouveau son attention vers lui. Sa façon de présenter les choses montrait qu'il n'essayait pas de la démarcher. Il donnait les informations brutes, comme elle l'aurait fait, sans autre prétention que de dire ce qu'il en était. Un sourire, aussi léger que l'odeur de sel que la mer pourtant proche portait jusqu'à eux, étira son visage.
« Ouais, j'vois. J'vois surtout qu'ça m'tente bien vot' truc, » dit-elle en marquant une pause. Un instant de réflexion pour ordonner ses pensées et les mots de ce qu'elle voulait dire.
« Voyez, moi la liberté j'ai toujours cherché ça, et la perd'... Ouais, ça pourrait bien m'peser sur l'moral. Mais ent' ça et une vie où j'dois m'dém'ner chaque jour pour éviter d'crever d'faim ou d'froid, le choix est vite fait ! »
Elle poussa sur ses genoux de ses deux mains. Ses doutes, bien qu'encore présents au fond de son être, s'estompaient doucement. Elle avait pris sa décision, et elle la suivrait, coûte que coûte.
« Et puis, m'plaisez bien. Vot' parler, vot' attitude. J'ai qu'à m'engager sous vos ord', comme ça mes journées s'ront plus intéressantes qu'la plupart des miennes actuellement ! »
Elle plongea ses mains dans l'eau claire de la fontaine et s'en jeta un peu sur le visage, histoire de se rafraîchir, puis commença à ramasser les affaires qu'elle avait déposées au sol.
« Alors, z'allez m'dire où que j'dois aller m'présenter pour être des vôtres, ou faut que j'vous gagne encore une aut' réduction chez l'Grand Jo pour ça ? » blagua-t-elle avec un sourire légèrement narquois.
De toute évidence, cette rencontre fortuite avait tracé une courbe phénoménale dans la ligne du destin de l'aventurière.
Mais l'heure n'était pas au plan sur long terme! Lorsqu'elle parla de l'idée de s'enrôler au sein du régiment Al Rakija, le Capitaine qu'il était en souris de plus belle. Elle ne s'attendait pas à ce qui allait lui arriver si tel était son souhait, Yuduar pouvait être attentionné et souriant avec ses hommes, il n'en restait pas moins un gradé revêches aux entrainements poussés à former des soldats d'élites. De toute manière avant d'en arriver là elle sera dans l'obligation de passer la batterie de test habituels pour rentrer officiellement dans la Garde.
"Bon, au moins vous m'avez l'air motivée c'est déjà un bon point." conclu Yuduar en se tapant sur la cuisse, moitié rigolard "A la limite ce que je vous propose c'est de rentrer avec moi à la Capitale direction la Caserne. Je vous fait une dérogation pour être logée ce soir et à partir de demain on arrange des entretiens. Puis comme ça en chemin je prendrais quelques infos en amont." il termina de ficeler son sac de voyage et ajusta sa cape dans un même élan pour se lever du rebord où ils discutaient.
"Je vais pas vous mentir ça risque de vous faire bizarre au début. Test physiques, bilan psychologique, vérifications des connaissances de bases en lecture, écriture, algèbre, y'aura surement de quoi vous faire reculer." un sourire malicieux se dessina sur ses lèvres, à la fois taquin et moqueur "Mais si vous voulez vous enrôler dans la garde en général ou chez moi en particulier, ce sera passage obligatoire."
Inspirant l'air iodé à plein poumon, il releva une nouvelle fois le nez au ciel et estima être amplement dans les temps pour rejoindre le bâtiment de téléportation.
"La Garde est plus cadrée que la Guilde mais y'a du bon aussi, enfin, comme je vous ai dis juste avant en gros. On se met en marche alors?"
Il souligna sa motivation apparente, bien que biaisée en raison de son manque d'honneur et de désir de protéger la veuve et l'orphelin ; puis lui fit la proposition de l'accompagner par le portail pour rentrer à la capitale le jour même. L'idée n'était pas déplaisante, en soi, surtout que Dreina n'avait jamais eu l'occasion de prendre ces portails de téléportation qui coûtaient trop cher pour l'instant. Il continua en énumérant les différentes étapes du recrutement par lesquelles elle aurait à passer : test physique et psychologique, intellectuels, et sûrement caché dans tout ça un petit entretien personnel pour connaître l'animal...
« Ha ! Z'inquiétez pas, cap'taine ! J'en ai pas l'air, comme ça, mais j'suis une fille d'bourgeois ! Pour c'qui est d'lire, écrire, compter et tout l'tintouin, y'aura pas d'soucis, ça passera comme papa dans maman ! »
Elle avait dit ça en accompagnant ses dernières paroles d'un sourire qui explosa en un rire sonore et rocailleux. C'était vrai, elle avait encore les souvenirs des cours qu'elle avait reçu durant son enfance, et n'aurait aucun mal à se hisser au delà de la moyenne intellectuelle qu'elle supposait pour les gardes. Ce dont elle doutait, en revanche, c'était le test psychologique... Est-ce qu'il se passerait vraiment bien ? Le doute l'assaillit soudain, et, alors qu'elle était prête à partir avec son potentiel futur supérieur, sa bonne humeur commença à s'estomper. Elle parvint à maintenir un sourire partiel, moins franc qu'auparavant, et reprit la parole :
« Je... J'pense que j'vais rentrer à pieds. C'est gentil à vous d'proposer, mais vaut mieux que j'fasse ça. C'est soudain et j'me d'mande si j'aurais toujours c't'idée là dans la tête d'main matin. Alors autant... Autant qu'je rent' tranquillement à pattes, histoire d'réfléchir pis tout, » dit-elle avec une voix bien moins assurée qu'auparavant. La peur de prendre un tournant si décisif avait fini par la rattraper.
Elle inspira profondément et tendit la main au capitaine de la garde :
« Merci pour vos réponses et pis pour l'bout d'barbac, m'sieur. On s'dit à dans quelques jours ? Même si j'décide de pas vous r'joindre, j'passe par la garnison vous laisser un p'tit mot pour vous l'dire. Et pis, qui sait, on pourra tout d'même aller casser la croûte un d'ces quatre, même avec vos gars si ça vous dit ! J'vous prends quand vous voulez à la boisson ! » balança-t-elle avec un air de défi soudain plus assuré que lorsqu'elle repensait à son choix de rejoindre ou non la Garde.
Une fille de bourgeois, alors celle-là il ne l'avais pas vu venir. Avec son armure noire, son franc parlé et ses manières un peu rustaudes, le Capitaine était loin de s'imaginer la jeune fille au milieu des soieries bourgeoises d'on ne se sais quelle origine. Surement le Grand-Port vu sa connaissance des lieux et le fait qu'elle a mentionnée plus tôt ses connaissances du coin étant gamine. Un bien étrange détail que voila!
Yuduar accueilli la nouvelle tout sourire, sentant un certain potentiel haut en couleur chez cette aventurière en recherche d'un nouveau foyer. Elle n'avait pas l'air d'avoir froid aux yeux et des profils comme le siens feraient le plus grand bien aux Gardes les plus classiques et académiques du genre. Elle avait en elle la force de dépoussiérer une partie de cette institution parfois trop rigide.
Lorsque Dreina perdu un peu de ce soleil dans le regard pour amener rune voix dans laquelle le doute prenait place, Yuduar s'approcha et plaça ses deux mains sur les épaules en-armurées de la demoiselle.
"Pas de soucis, quoiqu'il arrive la décision restera tienne et si jamais l'envie s'avère être suffisamment forte tu n'auras qu'a demander le Capitaine Al Rakija à la Caserne de la Capitale. Je me ferais une joie de te signer une dérogation et d'assister à tes tests d'entrée!"
Il rigola de bon coeur pour conclure et se décala avec respect. Le soirée commençait à poindre le bout de son nez dans le ciel et les minutes s'égrainaient follement jusqu'au moment où son rendez-vous de retour allait apparaitre. Les badauds se faisaient plus rares dans les rues, les odeurs de poisson de la journée montaient des docks jusqu'aux places publiques, le parfum des cuisines s'invita de plus belle autour d'eux. C'était en soit une parfaite journée ainsi qu'une plaisante rencontre pour terminer cette permission qui avait été des plus agréables. Lorsque Dreina lui tendit la main, Yuduar la serra avec respect tout en gardant son air solaire peint au visage. Qu'elle que soit la décision de la guerrière, il se ferait un plaisir de faire tinter sa chope contre la sienne à l'occasion, au détour d'une taverne de la Capitale où d'ailleurs. Les gens simples étaient une denrée rare par moment et souvent, à trop rechercher cette dite simplicité, les gens ne la reconnaissait plus une fois présente devant eux. Dreina était d'un acier certes brut mais laissais deviner ces traits au grand coeur cachés sous cette armure de jais.
"Faites bonne route alors! Et si l'occasion se présente je connais une paire d'enseignes qui valent le détour dans les rues de la Capitale! J'ai mis du temps à m'acclimater à la folie de cette ville mais une fois qu'on commence à prendre ses marques la vie n'est pas plus désagréable qu'ailleurs!"
Raffermissant l'anse de son sac de voyage sur son épaule, réajustant sa cape dans le même élan, Yuduar commença à se mettre en branle pour reprendre sa route là où il l'avait laissé. Il aurait surement un peu de retard avec tout ça mais rien de bien méchant qui risquerait de lui faire rater son retour au bercail. Et puis le statut de Capitaine lui permettait de prendre quelques largeurs bienvenue qui le mettait clairement à son avantage!
"En tout cas c'était une belle journée, je vais devoir allé retrouver mon téléporteur mais cette après-midi à été fort sympathique! Au plaisir de voir nos chemins se recroiser, possible-futur-Soldat Nottsen, ahaha!"
D'une dernière tape sur l'épaule, fier de son humour à deux cristaux, le Capitaine Al Rakija s'engouffra dans la grande rue en saluant chaleureusement sa rencontre de la journée. Il était temps de reprendre du service. Et si les étoiles venaient à guider cette demoiselle jusqu'à la Garde, une telle recrue dans son régiment serais le signe d'auspices bien favorable pour le futur de l'Unité Al Rakija.