Je sens la lucidité me revenir. J'ai été trop arrogante... Je n'ai pas fait attention au facteur d'inconnu. Pourtant, c'est ma victoire que je vois. Il n'a pas osé porter de coup de grâce. Il a montré une faiblesse répugnante au moment où il prenait l'avantage. Alors que je n'avais même pas dit mon dernier mot... C'est ça. Il a cédé... Il a cédé à ses envies. Pourtant, toutes ses barrières ne sont pas encore tombées. Quelle gangrène que cet "honneur". Je ne veux pas parler de ce combat, surtout si je risque d'entendre qu'il prétend à la victoire.
"Tu verras bien ne t'en fais pas pour cela. Notre combat m'a mis en appétit."
C'est vrai, j'avais faim. Heureusement il y avait le lac à côté, j'espérais convaincre la demoiselle de nous ramener des brochets, ça serait cool, et puis s'il en reste je le montrerai à Viktor qui va être vert de voir avec quel aisance je capture des poissons ! Plus sérieusement, je regardais la demoiselle et je lui fis signe que j'allais m'asseoir. C'était cocasse comme situation, un homme assis décontracté avec une tentacule qui l'agrippe et deux autres qui lui servent de contrainte avec ce nodachi. Je n'étais pas dupe, la demoiselle pouvait contester cette victoire mais je m'attachais à mes valeurs comme d'un bouclier. Je ne les outrepasserait pas, surtout quand elles m'accordent la victoire.
"J'ai gagné, je peux donc disposer de toi pendant 24 heures comme ce qui était prévu, maintenant je suis disposé à t'accorder une faveur si elle n'est pas trop importante. Car c'est vrai, il faut l'avouer, je ne t'ai ni forcé à abandonner, ni assommé. Mais j'aurai gagné en te blessant, et ça ne m'aurait attiré aucune satisfaction. Et puis un baiser volé a plus d'intérêt à mes yeux qu'un coup d'épée. A mon tour de poser les questions, et toi à quoi pensais- tu ?"
J'ai souris et regarder vers le ciel. Je m'étais imaginer différents scénarii mais certainement pas à ...
Il y a des choses que beaucoup de gens ne comprendront jamais, et mon mode de pensée en fait partie. Pourtant, ce "rien" avait bel et bien un intérêt dans mes plans. Plus même d'intérêt que tout ce que j'aurais pu faire de décent en 24 heures. Cela explique aussi pourquoi je l'ai laissé en vie, car contrairement à ce qu'il doit penser, je ne l'ai pas épargné par éthique mais bien pour l'intérêt de mes projets.
À présent, je peux revenir au sujet principal, celui qu'il a chassé en proposant ce combat. Je ne vais certainement pas me contenter d'un simple baiser. Les deux futurs possibles sont le sexe, ou mon départ. Je n'ai pas plus de temps à perdre ici si je n'en tire rien. C'est mal parti vu qu'il s'assied.
Une manière implicite de lui rappeler également que même s'il avait gagné ce combat, je n'aurais strictement aucune raison de lui obéir durant 24 heures. Je fais disparaître écailles et tentacules, attendant sa réponse pour savoir si je dois me diriger vers le lac ou vers mes vêtements.
"Oh pour cela, il aurait fallu que tu gagnes. L'honneur m'a empêché de te porter un coup qui aurait pu t'être fatale, donc je pense que tu peux apprécier le fait que je l'ai encore avec moi. Et mon honneur m'intime de ne pas faire n'importe quoi avec n'importe qui. Notre rencontre et combat m'a permis de me rendre compte d'une chose. La force seule ne suffit pas à gagner tous les combats. Tes capacités sont extra-ordinaires, si tu avais été plus patiente, peut être l'aurais-tu emporter. Mais tu as préféré me sous-estimé, et cela t'a coûté la victoire."
Voilà, les choses étaient dites. Il n'y a rien au monde que je déteste plus que les gens sans paroles. J'ai gagné dans les règles de l'art, et j'espère qu'elle va s'acquitter de sa dette. C'est ainsi que les hommes civilisés fonctionnent. Lorsque l'on mise quelque chose que j'aurai fais en cas de défaite, je ne tolère pas que l'on puisse me le refuser lors d'une défaite. Je n'ai pas triché, je l'ai même plutôt préservé. En réalité, à partir du moment où elle s'est montré un peu trop sûre d'elle, elle avait perdu le combat. On aurait dit moi avant le premier round contre Lotta, j'arrivais sûr de moi, je me suis pris une dérouillée. Par contre, quand j'avais joué plus en finesse, j'avais repris l'avantage. Il est vrai qu'Arya était bien différente. Elle misait à juste titre sur la puissance de ces tentacules et sur sa force naturelle. Je reconnaissais bien là les nobles qui sous-estimaient tellement les gens de la plèbe. C'est pour ça que, en me relevant doucement voyant qu'elle n'était pas prête à s'asseoir avec moi, je lui fis remarqué.
"Je comprends bien que tu veuilles te soustraire à ton paris, et si tu veux partir je ne t'en voudrais pas. Par contre, si tu agis honorablement en appliquant ta mise de départ, je te considérerait comme digne de confiance."
Elle avait horreur de l'honneur, mais moi je ne coucherai pas avec une personne déshonorable.
Une leçon d'importance capitale lorsqu'il affrontera de véritables ennemis. Mais je cherche des amis, pas des ennemis. Il ne me coûte rien d'écouter ce qu'il attend de moi. J'aviserai ensuite si ma soumission en vaut la peine. C'est un bon entraînement pour placer mon objectivité devant mon égo.
Et ma curiosité me pousse à voir ses plans. Qu'est-ce qu'un homme comme lui pouvait attendre de moi? Pour être honnête, je crains qu'il ne me demande des choses dénuées de réel intérêt. L'honneur est un inhibiteur de pensée auquel il s'est soumis, je le comprends maintenant, on ne sort pas de cet enfer aux airs de paradis. En vérité... L'honneur est un outil de manipulation absolument magnifique.
"En fait, j'ai choisi vingt quatre heures car je pensais que tu n'allais pas honoré ta part du marché. En réalité, il y a quatre choses que j'attend de toi. Ce sera les prémices je pense d'un début de confiance entre nous deux. Si tu fini ces quatre travaux en deux heures, et bien, tu seras libre de faire ce que bon te semble par la suite. Je ne te contraindrais à rien, si tu veux partir tu peux à tout moment. Par contre, pour te motiver à rester et à agir honorablement, je te laisserai choisir un gage à m'imposer à la fin, pour te venger si tu estimes mes gages trop humiliants ou méchants. Je te préviens cependant, je ne tues ou blesses personne, et je ne ferais rien qui puisse nuire à l'image de la garde royale. Je ne demande qu'à te faire confiance, et si déjà tu réalises ces quatre travaux, on aura fait un grand pas en avant l'un vers l'autre."
Je marquais une courte pause, j'avais déjà ma petite idée sur la teneur de ces travaux. En réalité, ce n'était pas vraiment des travaux orientés vers mon besoin propre, bon appart peut être le premier, mais plutôt des choses que j'aimerai qu'elle fasse de son plein gré. Même si j'avais promis un gage qui faisait office de récompense, il fallait que le changement vienne d'elle. Je pourrais lui faire faire des choses humiliantes ou méchantes, mais qu'est ce que cela m'apporterait au final ? Appart gonfler la haine qui semble ancrée en elle dors et déjà, je ne vois pas ce que cela changerait. Je pense que le changement positif doit être un changement expliquer. Elle n'était pas faible, je ne la méprise pas, elle a un sacré caractère même. Cependant, il fallait que les choses changent doucement. Elle serait plus heureuse et moins gonfler de haine si elle apprenait à accueillir l'honneur dans son cœur. Je regardais le lac et ajouté d'une voix calme.
"Pour ce qui est de la première tâche, j'ai parié avec mon chef que je reviendrais avec plus de silure que lui dans mon panier. Il en a ramené trois, je voudrais en ramener au moins cinq. Je ne veux pas que ça paraisse humiliant pour toi, mais vu que tu es très habile dans l'eau, je pense que tu pourras aisément en attraper cinq. Si je lui ramène des silures qui ont été transpercé sur le côté, je pense qu'il me traitera de tricheur, alors qu'avec tes tentacules, je suis sûr que tu peux les attraper sans les détériorer."
Oui, bon, le premier défi n'était pas fou, mais c'était une entrée en matière à vrai dire. On m'avait expliqué qu'il valait mieux y aller progressivement pour amener quelqu'un à changer. La demoiselle avait encore beaucoup de chemin à parcourir avant que je la jauge digne de confiance. Cependant, elle montrait une certaine bonne volonté, contre fortune bon cœur comme on dit. J'avais volontairement choisi un premier gage pas trop dur car il ne nécessitait pas beaucoup d'effort pour la demoiselle. Les trois autres nécessiteront un plus grand effort de sa part, et il faudra sans doute que je sois un peu plus diplomate. Pour ce qui est de l'histoire du silure, c'était tout à fait vrai. Nous n'avions misé qu'une bière dans un des mess de la caserne. Je me fichais pas mal de perdre ou de gagner ce paris, c'était plus une histoire de joindre l'utile à l'agréable. J'étais curieux de voir si la demoiselle allait accepter sans broncher ou bien s'énerver et partir.
Le premier défi de Lancelot est des plus triviaux, et cette agitation m'avait donné faim, un peu de chasse me serait en tout point bénéfique. J'enlève donc ma chemise et mes sous-vêtements que je venais de remettre, et me couvre d'écailles avant de sortir huit tentacules, tous intactes, et de plonger dans le lac. Seulement cinq, a-t-il dit. Les tentacules ne sont pas toujours les mêmes, car il n'y a tout simplement pas la place en moi pour les rétracter. Ils sont, forcément, créés sur le coup. Mais cette génération est coûteuse en énergie, et le contrôle des protubérances l'est également. Mon pouvoir s'accompagne donc d'un besoin en nourriture très élevé.
Je reste un bon moment sous l'eau. Je nage plus vite que ces pauvres silures, et leur grande taille me permet de les attraper plutôt aisément malgré leur peau glissante. En revanche, ce sont des poissons solitaires et en débusquer n'est pas toujours simple. Je remonte à chaque fois que j'en ai attrapé un, je ne peux pas les trimballer avec moi à cause de leur poids. D'ailleurs, je me demande bien comment Lancelot compte les transporter... La plupart sont plus lourds que moi.
Après la cinquième, je plonge encore pour m'en trouver un. Je ressort donc avec mon repas, prête à la suite. Finalement, c'est plus comme un jeu.
Même moi, je ne pourrais pas tous les porter bien longtemps.
"Fantastique, tu es douée. Je pense que je vais m'en manger un aussi finalement, si je lui en ramène vraiment cinq de cette taille, il ne me croira jamais. Déjà qu'il risque d'avoir des doutes pour les quatre ..."
Je récupérais du petit bois non loin de là et allumé un feu. Je plantais ensuite deux morceaux de bois légèrement humide en Y sur le sol et mis à cuire les deux. Je la regardais se substanter de son morceau de poisson. Je ne touchais pas à celui-là. Je n'avais pas réellement faim, et j'avais appris à ne pas me forcer avec la nourriture. En plus, j'avais une autre idée quant à la destination de ce poisson. Je l'avais empalé de la bouche jusqu'à la queue avec un gros bout de bois, suffisamment gros pour permettre son transport par deux personnes. Lorsque la demoiselle se fût substanté, nous laissons ce qu'il restait du poisson accroché comme tel. Si des affamés avaient senti cette odeur, probablement ferions nous un ou deux heureux. J'avais profité du moment où elle était en train de chasser le silure pour creuser un trou et ensevelir les silures non-utilisé en attendant. C'était juste pour éviter qu'un prédateur vienne, attirer par l'odeur du silure. Je n'avais pas vraiment réfléchi au transport, mais je savais que je pouvais peut être trouver un chariot au lieu de notre deuxième épreuve. Je lui fis signe de me donner un coup de main. Prenant chacun de nous un côté du bout de bois pour arriver vers la taverne de tout à l'heure. Nous n'étions pas bien loin, et je suis sûr que la deuxième et troisième épreuve se feront rapidement pour retrouver les silures au plus vite. Je plantais le baton avec le silure devant la taverne où la demoiselle avait fait autant de grabuge puis sans dire un mot j'ouvrais la porte et fis signe au tavernier de venir.
"Je suis occupé vous savez ... je dois réparer les dégats qu'à occasionné la femme de tout à ... mais attendez qu'est ce qu'elle fait avec vous ?"
"Elle est désolée de ce qui s'est passée tout à l'heure, et elle s'est engagée à nettoyer tout le bazar qu'elle a provoqué dans votre établissement. C'est pour ça que je vais vous demander de sortir le temps qu'elle puisse s'acquitter de sa dette ..."
"AH ! ça lui fera les pieds écoute ! Allez vas y au travail ! Et que ça brille."
"S'il vous plait, c'est déjà assez dur pour elle de faire cela, n'en rajoutez pas ..."
"Oh pardon, oui, je la laisse faire."
Le tavernier, faussement confus, se décalait et laissait l'accès à sa taverne. Sûrement aurait il continuer à insulter la demoiselle le temps de son épreuve si je ne l'avais pas remis à sa place. Il pouvait se pavaner tant que j'étais là, mais il savait aussi bien que moi qu'il l'aurait fermé de peur que la demoiselle l'explose contre un mur. C'était un peu la partie désagréable de mon travail, permettre aux faibles de se pavaner devant les forts alors que par leurs natures, ils devraient juste être là à ramper aux pieds des plus forts. C'était à ça que servait les faibles en réalité, mais c'était les ordres royaux d'instaurer une équité entre faibles et forts. C'est pour cela que je m'attache à faire preuve de patience envers eux, alors qu'en réalité j'aurai bien laissé Arya s'occuper de lui comme bon lui semble. Je me tournais d'ailleurs vers elle et lui proposait :
"Voilà ta deuxième épreuve, réparer les dégâts que tu as occassionés tout à l'heure."
Sans accorder un regard au tavernier, j'avance dans la taverne. Les dégâts n'étaient pas si grands: quelques tables et chaises renversées, et des bouteilles éclatées. Je sors quelques tentacules pour faire le travail rapidement. Je remet rapidement tables et chaises bien en place, puis vais remplir plusieurs seaux d'eau que je jette au sol pour nettoyer l'alcool collant. Je passe rapidement la serpillère là où c'est nécessaire, puis balaye toute l'eau et les morceaux de verre vers l'extérieur avec mes tentacules. Le travail se finit rapidement, et sans même que j'aie à me baisser ni à bouger les mains. Je reviens vers le garde royal aussitôt.
Plus vite on enchaîne, mieux c'est. Je ne pourrais forcer Lancelot à changer le regard qu'il me porte à coups de gages, mais je peux l'amener à le faire en me montrant aussi docile. Il prend probablement plus de mal à me regarder faire que je n'en prend à exécuter les tâches.
"Merci, garde royal ! Tu as fais des miracles ici ! Je te suis vraiment reconnaissant. Comment pourrais-je te remercier ? Une tournée ?"
"Vous n'avez pas à me remercier, je ne fais qu'appliquer les lois de sa majesté."
"Votre bon coeur vous honore, et vous m'avez ramené ce silure grillé en prime ?" Dit-il en pointant du doigt le silure planté sur son piquet
"A vrai dire, je comptais l'utilisais comme paiement pour vous emprunter temporairement votre chariot à l'arrière. J'en ai quatre autres à ramener à la capitale et je ne pourrais pas tous les transporter à main nu."
"Affaire conclu ! Tu as l'air digne de confiance, mais ramène là moi dès que tu as fini, j'en ai besoin pour me faire livrer."
"Soyez sans crainte, je respecte toujours mes engagements".
J'avais fais en sorte de dire cette dernière phrase soit audible de la demoiselle. Elle qui trouvait idiot le fait d'être honorable, je la mettais face au fait accompli. Si c'était elle qui avait demandé à emprunter la charrette, il ne lui aurait jamais laisser. A moins d'user de la force bien entendu ou de la voler, mais quand même. Cela avait du bon d'être considérer comme bon par ses pairs. Elle me demandait déjà quel serait sa prochaine épreuve. Il n'y avait pas de raison de ne pas validé sa deuxième tâche. Le tavernier semblait ravi et en plus de cela, il avait acquis un silure qui lui permettrait de faire manger ces clients pendant les deux trois prochains jours. J'avais fais exprès de le rendre dans un état plus joyeux pour annoncer la troisième tâche. Je me tournais vers la demoiselle et ajoutais.
"Je crois que tu peux t'excuser maintenant du désordre que tu as causé, ce sera ta troisième tâche. Par contre, je veux des excuses sincères, pas un simple désolé du bout des lèvres."
Je soupire lorsqu'il termine de formuler son troisième gage. Il y a un petit détail gênant: la sincérité. Il va falloir que j'explicite le problème.
Livrer quelques paroles n'a rien de compliqué. La sincérité, en revanche, je ne peux pas me la sortir du cul. Elle est là ou elle ne l'est pas. Pour ma part, je suis trop rationnelle pour l'avoir. Personne ne peut changer en un claquement de doigt, surtout pas moi. Je suis trop accomplie.
J'ose espérer qu'il va allumer son cerveau et m'éviter d'inutiles insistances, quitte à ajouter un cinquième gage. Je ne vais pas mentir, il est en train de faire ma journée, je ne pouvais pas espérer mieux qu'un petit jeu comme celui-ci. Et cette idée m'arrache un sourire d'amusement qui ne devrait pourtant pas avoir sa place dans des gages sensés être humiliants.
"Le dernier gage que j'attend de toi n'en est pas vraiment un en réalité. C'est plutôt une suite de questions que tu vas devoir répondre le plus sincèrement possible. Je ne te demande pas d'excuses ou autres, ne t'en fais pas. J'ai bien compris que tu essayais de vivre sans regret."
Je m'allongeais sur le dos regardant le ciel, je n'étais pas inquiet. Je ne détectais aucune animosité extrême de la part de la femme. De toute façon, connaissant son tempérament de feu, je ne pouvais pas imaginer qu'elle ait patienté autant de temps avant de s'en prendre à moi. De plus, quel intérêt aurait elle de m'attaquer maintenant ? Elle était à deux doigts d'obtenir un gage de ma part. J'avais eu de la chance durant notre combat, sa suffisance m'avait permis de la guider plus ou moins dans la direction que j'attendais d'elle. Par contre, je ne peux rien deviner des intentions de la descendante Tolevira. Elle est aussi perfide que mignonne. Je ne pouvais pas imaginer sa tête quand elle entendrait ma question. Et en vérité, j'étais un peu gêné. J'avais rencontrer une personne formidable, et je voulais savoir si ...
"Est ce que tu as déjà ressenti de l'amour ? As-tu aimé une personne plus fortement que tu ne t'aimes toi ? A quel moment as-tu été sûr de tes sentiments à son égard ? Raconte moi ..."
Voilà c'était dit, bien sûr je ne parlais pas de la descendante Tolevira, mais j'avais vécu un événement dans le passé que je ne saurais décrire. Cela ressemble à de l'amour mais je ne savais pas exactement si c'était le cas. J'avais eu les commentaires d'une personne très franche et très bienveillante, mais maintenant je voulais la version de la femme ténébreuse. Si les deux versions concordent, peut être est ce que je ne serai pas si dénuée de sentiment à l'égard des femmes que ça. Je pouvais ressentir de l'amitié, de la haine, de la tristesse et même un semblant d'affection pour une femme, mais pour celle que j'ai rencontré, c'était encore nouveau. Je ne pouvais pas vraiment dire pourquoi, mais j'avais besoin de réponse.Et si j'étais parti pêcher, c'était avant tout pour trouver une réponse à cette question. Est ce qu'elle va me convenir ? Je ne sais pas, mais je suis curieux d'avoir sa réponse.
Sa première question m'amuse. Ce n'est pas le genre de question qu'on pose par simple curiosité. Difficile de croire qu'il serait tombé amoureux de moi, il parle probablement d'une autre... Ou d'un autre.
Je n'ai pas encore répondu à sa question, en fait je me demande pourquoi c'est à moi qu'il la pose. Il me semble évident que je ne suis pas du genre à jouer avec l'amour. Il n'a rien à faire dans mes projets. De toute façon, je n'ai jamais ressenti le besoin d'aimer quelqu'un... Ça me semble tellement superflu. Inutile de se créer des barrières.
Rubis est sans doute la personne que je suis le plus susceptible d'aimer, et pourtant... Oh, je ne peux pas nier avoir de l'affection pour elle. Mais je sais limiter ça, et je n'ai pas le sentiment d'avoir besoin de plus. Je n'ai certainement pas envie de donner plus d'importance à quelqu'un qu'à moi-même... Tant que ma vie est entre mes mains, j'ai toutes les raisons de placer un maximum d'importance sur ma personne. Moi qui prise tant le rationnel.
J'écoutais attentivement son discours sur l'amour. Il y avait tout un champs lexical intéressant dans ses paroles : "Prisonnier" "empêcher de prendre du plaisir" "encombrer". Elle n'avait pas l'amour en haute estime et c'était un point de vue tout aussi valable que le mien ou celui de mon amie un peu trop idéaliste. L'amour, ce serait donc un mélange entre une prison et un paradis, un frein au plaisir ainsi qu'un accélérateur, quelque chose qui nous encombre mais qui est un plaisir sans nom à ressentir. Le plus douloureux parait il que c'est quand on en guérit. Toujours allongé sur le sol, mon regard planté vers le ciel, je demeurais silencieux après les quelques mots de la demoiselle. Je trouvais ça intéressant comme discussion. Mais bon, toutes les bonnes choses ont une fin. Il n'y avait pas grand chose à redire là dessus, et j'avais accordé les quatre gages à ma camarade. Désormais, c'était à elle de prendre l'ascendant sur notre discussion en faisant en sorte que je me tienne au gage qu'elle me préparait. J'étais prêt psychologiquement à tout entendre et à devoir faire quelques choses de douloureux ou d'humiliant. Tant que la garde royale n'est pas affectée et que je n'ai pas du sang d'innocent sur les mains, je tiendrais parole. C'est l'un des revers de l'honneur, on ne se soustrait pas à ses obligations. Surtout qu'elle avait rempli sa part du marché. J'ajoutais donc d'une voix calme.
"Bien, tu as rempli ta part du marché. Comment puis-je remplir la mienne ?"
Mon regard toujours scrutant le ciel, je ne me sentais pas plus en danger que cela. En partant du principe qu'elle doit m'imposer un gage, ce serait idiot de m'attaquer maintenant. J'aurai du me sentir en danger connaissant la nature sombre et vindicative de la demoiselle, et pourtant j'étais allongé par terre en regardant le ciel, et elle était debout à côté de moi. Rien de plus simple pour elle de m'attaquer à ce moment là. Elle ne le faisait pas, c'est pour ça que je me suis dis qu'un début de confiance commençait à apparaître entre elle et moi. Cette pensée me fit sourire, qui l'eut cru. Moi le chancre de l'honneur et de la justice qui sympathisé avec l'incarnation de la folie. Peut être était je en train de le devenir moi aussi, après tout ne sommes nous pas tous un peu fou au final ?
La suite ne dépend que de lui. S'il refuse de jouer à mon jeu, alors je ne pourrai plus rien tirer de lui, et il ne sera plus qu'un obstacle. Sa mort sera mon soulagement. Une mort dans l'honneur. Son seul échappatoire sera de briser cet honneur, et dès lors, il n'aura plus le mérite d'être garde royal. Je ne peux qu'y gagner. Quand je dis que l'honneur est un magnifique outil de manipulation...
Je me retourne ensuite et marche vers le sentier principal, prête à prendre la route vers le château, la tête haute, épuisée et affreusement en manque, mais fière. Je louerai un carrosse sur le chemin.
"Moi, Lancelot Steelhearth, m'engage sur mon honneur à ne pas me trouver à moins de dix mètres de vous, que Lucy m'en soit témoin. Cela s'appliquera jusqu'à ce que vous décidiez de rompre vous même mon engagement."
J'avais dis cela d'une façon solennelle. Je m'étais bien gardé de cacher une carte dans ma manche. Il n'était pas question que je laisse le champs libre à une personne aussi maléfique de pénétrer dans le château. Elle a les dents longues et je ne crains que son appétit démesuré vienne un jour lorgner sur la capitale et sur le palais. C'est pour cela que j'ai pris mes précautions que je garderai bien pour moi. Je ne veux pas passer pour quelqu'un de sans honneur, mais je ne veux pas être un jour tirailler par le remord d'avoir fait une promesse que je ne peux pas tenir. Il est grand temps pour moi de prendre congé. Je n'ai plus de raison de rester près d'elle désormais et il serait grand temps que je rentre à la capitale après ce troublant échange avec la demoiselle. Elle me saluait en espérant me revoir bientôt. Je souris à cette phrase. Mon regard la jaugeant fini par dire
"Ne vous en faites pas pour cela, nous nous reverrons. J'en suis persuadé ..."
Je ris et m'approchais du chariot. Il y avait deux vieux canassons qui tiraient la charrette rempli de quatre gros silures. Ah j'avais déjà hâte de voir la tête de Viktor, je pense que ce serait encore une satisfaction cette nuit. Alors que je m'approchais de la charrette, je me suis senti soudain étrangement serein. Je dois l'admettre, ce bon Viktor avait raison. Rien de tel qu'une partie de pêche pour retrouver le sourire et mettre ses idées aux claires, mais dès demain je devrais me remettre sérieusement à l'entrainement. Je ne pourrais pas refaire deux fois ce coup à la demoiselle. Je m'éloignais du lac, l'odeur du silure m'incommodait, mais c'était également le parfum de la victoire. Je lui ferais payer son coup dès ce soir pour me reposer après cette journée des plus trépidantes