Et merde, elle avait certes vomi dans la chope vide pour éviter le plus possible de salir le plancher, elle n'avait pas réussi à vomir droit et en mit un peu sur le côté.
On aurait pu croire que vomir ses tripes aurait signé la fin de sa soirée en compagnie du Capitaine, mais non. Vomir, c'est repartir, de plus belle ! Aussi, elle était prête à continuer, à boire et à manger. Mais tout d'abord, elle allait devoir nettoyer sa connerie.
La serveuse blonde était revenue avec la totale pour nettoyer le sol avec un air renfrogné, et pour s'excuser de tout ce bordel, Astrid lui proposa de l'aider à nettoyer. Cela sembla surprendre la jeune serveuse qui ne devait pas souvent rencontrer des ivrognes qui nettoyaient leur propre merde sur le plancher. Peut-être qu'elle jugeait d'un œil nouveau la citoyenne, heh.

Alors que le capitaine faisait le clown, annonçant qu'il ne regarderait pas le résultat, Astrid en fit de même en nettoyant le sol en compagnie d'une belle demoiselle. Elle entendit les dés rouler, puis des cris se lancer autour d'eux. Qui avait gagné ? Qui avait perdu ? Aucune idée, même si elle avait ses doutes, avec sa chance aux dés.

Une fois le travail fait, elle se releva et eut une petite grimace de dégoût en voyant les dés. Elle qui avait voulu jouer grosses couilles en visant une suite, elle avait perdu. Ce qui n'était pas étonnant en soi.

-Roh putain ! S'exclama-t-elle. Avec qui ta main droite te trompe-t-elle mon petit salaud ?

Lourdement, elle se rassit sur sa chaise pour observer le troisième verre dont le contenu avait été décidé par Yuduar. Il y avait de nombreuses possibilités sur le contenu du verre, mais étant elle même une maître dans l'art de faire les farces, elle pouvait plus ou moins se douter de ce que ça contiendrait. Il suffisait juste de le vérifier. De l'amer, du salé, du pimenté, du dentifrice, de la glace fondue, de la sauce tomate….
Avec une grande inspiration, la jeune femme avala son verre d'une traite.
De là, sa réaction fut des plus normales...pour Astrid Dalgaard. Ses yeux se firent grands et des larmes se formèrent, elle poussa un petit hurlement intérieur sans pour autant ouvrir la bouche, et frappa la table de son poing à plusieurs reprises, arrachant des rires des autres clients. Un goût amer et pimenté se mélangeait, et son estomac en était retourné. Heureusement qu'elle avait déjà tout vomi avant, sinon, elle l'aurait sûrement fait maintenant.
Lorsqu'elle ouvrit la bouche, ce fut pour dire :

-Serveuse ! Du lait à la fraise ! Vite steuplet !

-Hein ?

-J't'en supplie ! J'en peux plus ! Du lait à la fraise, ou du lait avec du sucre ! Vite ! J'pense pas que je vais mourir, mais j'en ai bien l'impression ! Steup Steup steup !

Quel goût d'une ignobilité sans nom ! Mais cela dit, elle avait plus ou moins prévu la même chose pour Yuduar dans l'optique de sa victoire à elle.

Lorsque le verre de lait à la fraise fut enfin apporté, Astrid se jeta dessus comme un animal sauvage et avala le tout en une fraction de seconde, soulageant son palais et son ventre. Vautrée sur sa chaise un petit moment, elle se rassit un peu plus convenablement et reprit son sourire narquois :

-Pas mal gamin, mais t'aurais pu faire mieux. C'était rien du tout ! Buuuuurp.

Toujours avec une grande gueule, alors même qu'elle venait de sécher une petite larme à l'oeil, heh. Tiens, ce rot n'avait-il pas un arrière goût de vomi ? Meh.

Astrid écouta l'histoire de Yuduar en haussant les sourcils. Pourquoi est-ce qu'il lui racontait ça…. ? Elle se gratta la tête un moment, puis se rendit compte que ses cheveux étaient collants et emmêlés à cause de l'alcool renversé sur elle tout à l'heure. Elle demanda donc à la serveuse de lui brosser et coiffer les cheveux, pour se faire pardonner. Après tout, c'était elle qui avait renversé l'alcool sur Astrid, aussi elle ne chercha pas à se chercher des excuses et sortit un peigne pour commencer à brosser les cheveux de la jeune femme. Quel plaisir de se faire coiffer par quelqu'un d'autre, de se faire démêler les cheveux par des mains délicates et expertes !
L'histoire d'un mec qui avait perdu ses souvenirs après avoir avalé un truc bizarre. Même Yuduar ne savait pas pourquoi il avait raconté ça.

-Je sais pas non plus, et c'était un peu balékouille. Avoua Astrid dans toute son honnêteté. Mais si je devais deviner, de toute évidence, le mec en face lui a fait boire une potion d'amnésie.  Et, elle eut un petit sourire taquin pendant que la serveuse s'amusait à lui faire une natte : ça me donne une bonne idée tiens, tu devrais faire attention la prochaine fois qu'on fait ce jeu, heh. Genre une potion pour rendre quelqu'un imberbe, ou qui lui rétrécisse les couilles. Haha.

Sa vengeance serait terrible ! Mais serait pour une prochaine fois. En attendant, le reste des clients voyant que le tout s'était arrêté étaient retournés à leur place. La serveuse avait terminé de brosser les cheveux d'Astrid et de la coiffer, et s'en alla servir les autres après s'être excusée une dernière fois. Pas de doute, la citoyenne reviendrait ici une prochaine fois pour retenter sa chance avec elle. Toutefois, il n'y avait presque plus rien sur la table, leur chope était vide, et Astrid voulait visiter ou revisiter d'autres tavernes.

-Bon, l'est temps de visiter une autre taverne. Je t'attends dehors. Annonça Astrid en avalant une dernière moule. Hey serveuse ! L'addition pour le bon gentleman en face de moi qui, en grand vainqueur et en grand homme magnanime, va payer pour ma part aussi !

Aussitôt dit, aussitôt elle fonça vers la sortie à la vitesse du son, laissant Yuduar en plan.
Elle allait l'attendre dehors, le temps qu'il paye l'addition, heh.

Tout en attendant Yuduar dehors, Astrid sifflotait tranquillement. Elle se sentait vahchement bien, malgré les verres inrgugités. Vomir l'avait, paradoxalement, requinqué et elle était prête à faire la tournée de toutes les tavernes du Grand-Port. Cela dit, le Yuduar prenait bien son temps. Peut-être qu'il n'avait pas les cristaux sur lui…. ? Nah nah nah.
En l'attendant, Astrid se testa elle et son ivresse, et sauta à cloche pied sur une dizaine de mètres sans perdre son équilibre. Elle fit le chemin inverse sur son autre pied, et se jugea bonne à repartir. Quand on pouvait faire ça sans se casser la gueule, c'est qu'on était pas totalement ivre. Parfois, les gardes demandaient à des ivrognes de faire ça, ou de tourner sur soi-même sans tomber, ou de réciter l'alphabet à l'envers pour juger de l'état d'ébriété de quelqu'un, heh. C'était drôle.

Mais sinon, l'autre prenait vraiment vraiment vraiment son temps...Est-ce qu'il tentait de draguer la serveuse maintenant qu'Astrid n'était plus là ? Naaaah. Pas qu'il n'était pas le genre d'homme à faire ça, mais plus qu'elle ne voyait pas la serveuse tomber sous son charme et sa barbe qui était bien moins majestueuse que celle d'Edmond.
…
Mais elle était quand même curieuse. Aussi, elle alla à une fenêtre pour tenter de le guetter, mais ne le vit pas parmi la foule.

Puis, « bouh ».
A la vitesse du son, Astrid avait sursauté et s'était retournée vers la source de ce bruit. Sans crier gare, elle donna un coup de poing dans le plexus de sa victime en criant un mot sans queue ni tête:

-MUDA !

Oh. A la vitesse du son, elle avait bien vu que c'était Yuduar et pas quelqu'un d'autre. Et elle ne lui aurait pas donné un coup de poing, s'il n'avait pas eu ce satané sourire aux lèvres et les mains dans les poches comme s'il pensait qu'il avait réussi à surpasser Astrid en manière de conneries et de blagues. Aussi, une fois que le capitaine se retrouva plié en deux, le forçant probablement à soit attendre que la douleur passe, soit faire le chemin en rampant, elle s'excusa – faussement - :

-Oh merde ! C'était toi Yuduar ?! Désolée, j'pensais que...C'était euh...un exhibitionniste qui se baladait à pwal ! Ou un pervers qui voulait toucher mon boule ou  ma poitrine! Heh.

Bonne excuse ça, si on oubliait le petit ricanement à la fin.

Pendant que Yuduar rampait sur le sol, Astrid elle sautillait à ses côtés en sifflotant, n'ayant aucun remord sur ce qu'elle venait de faire. C'était, pour elle, équivalent à une balayette ou à des chiquettes qu'on se collait entre amis. Elle avait connu ça, en grandissant dans son petit village en tant qu'Astrid avec les autres gosses. De bons souvenirs.

-Aye, prends tout ton temps gamin.

Et puis, le capitaine lui parla d'un autre bar avec une ambiance de marin. Eeeeh, intéressant. C'est vrai qu'elle n'avait pas bu avec beaucoup de marins, à la capitale, et les marins avec qui elle avait bu lors de ses courtes visites au Grand-Port lui laissaient toujours un agréable souvenir. Des blagues à tout va, des mains brisés pour avoir tenté de lui toucher les fesses, des concours de rot….Good ol' times.

-Je veux mon n'veu !  S'exclama-t-elle en tapant un grand coup dans le dos de Yuduar pour l'aider à cracher son glaire. Y'a pas plus grande gueule vulgaire et beauf que moi dans ce bas monde !

Elle aida le jeune con à se relever et tous deux se dirigèrent vers le fameux bar dont le capitaine avait parlé. Il faisait désormais sombre dans les rues mais cela n'empêchait en rien d'y avoir quelques passants. Par exemple, sur le chemin, Astrid vit une forme flotter en l'air, légèrement translucide, qui ressemblait à son épouse défunte. Elle sentit ses poils se hérisser, et elle hurla en pointant la chose du doigt:

-UN FANTÔME ! MA FEMME !

Sauf que, le fantôme en question prit immédiatement une autre rue, sans avoir entendu Astrid crier. La jeune femme sentit son cœur battre la chamade, et elle se frotta les yeux pour vérifier si elle n'avait pas halluciné.

-Euh, merde. Pourtant j'ai pas tant bu que ça. J'étais sûr d'avoir vu ma femme. Légèrement transparente, flottante... Merde alors.

Elle se gratta le menton, puis haussa les épaules.

-Eh, fausse alerte. J'dois être fatiguée. Mais pas assez pour ne pas aller boire !

Jeune et insouciante, dont la seule préoccupation était de savoir à quel point elle aurait mal avec sa gueule de bois du lendemain.

Alors que Astrid venait de crier au fantôme, c'était au tour de Yuduar de crier au...gloot ? La citoyenne jeta un regard en haut mais ne vit rien de spécial ni de gloot, aussi elle rétorqua :

-Euh, ok ? Je vois rien ? Oh putain. T'es sûr que y'avait pas une drogue quelconque dans la bière qu'on a bu pour voir des conneries du genre ?

Peut-être que le tavernier avait voulu se venger des conneries d'Astrid et du capitaine, et qu'il avait rajouté un petit truc en plus désagréable. Cela dit, les possibles hallucinations s’arrêtèrent là. Elle regarda à droite, à gauche, en bas, puis en haut, mais rien de rien. Pas plus de fantôme ou de gloot. C'était...déja ça. Mais il fallait tout de même rester vigilent, car c'était peut-être l’œuvre d'un pouvoir ennemi.
…
ou pas.

Puis, vint inévitablement une question liée au cri de la réincarnée qui reprit un sourire moqueur.

-T'es bien curieux. Tu veux savoir si je sais faire des claquettes aussi pendant que t'y es ? Et, pour répondre à cette non-question qui n'avait pas été posée, elle se mit à faire quelques claquettes sur le chemin. Cette démonstration inutile qui attira encore une fois des regards étranges faite, la doyenne reprit avec un air nostalgique : J'étais marié oui. Et quand j'entends « je », je parle d'Edmond. C'était une sacrée nana, mignonne et attentionnée. Les gens à l'époque chantaient sa beauté et ses qualités. Mais bon...comme tu peux t'en douter, elle est morte depuis l'temps. Elle haussa les épaules à cet état de fait. La mort était inévitable, et elle était la première à le savoir. Je compte pas du tout me remarier, même si ça m'empêche pas de batifoler. Et toi gamin ? Marié ou t'es toujours un puceau ? Ce qui m'étonnerait pas vraiment malgré le fait que t'aies un harem autour de toi à la garde, heh.

C'était bien le genre de remarque puéril qu'un gamin ferait, pas un vieillard de 83 ans dans le corps d'une nana. M'enfin...C'était Astrid Dalgaard.
Elle rajouta avec un clin d’œil et un coup de coude :

-Faudrait que tu me présentes à ton régiment un de ces jours, pour voir si j'ai mes chances avec certaines d'entre elles, heh.

Astrid avait tout de suite tiqué sur le « j'étais marié ». Oh. Ah. Lui aussi avait donc connu l'amour de sa vie, son âme sœur, pour finalement la perdre. Même si techniquement, Edmond était mort avant sa femme, et que sa femme était morte il y a une vingtaine d'années déjà. Aussi, depuis, Astrid avait eu le temps de faire son deuil. Elle se rappelait encore, le jour où elle avait regagné sa mémoire et qu'elle avait appris la mort de sa femme, être inconsolable des semaines durant inquiétant grandement ses parents actuels. Mais la vie était ce qu'elle était. Des morts, elle en avait connu en étant Edmond, et en connaissait encore en étant Astrid. Fergys était mort, d'autres soldats aussi, et un jour qui sait, Grimvor et Allys mourraient avant elle. Yuduar aussi. Elle était préparée, et avait appris à aller de l'avant.
La citoyenne tapota l'épaule de Yuduar et dit :

-Buvons donc en leur mémoire ce soir.

Tout prétexte était bon pour picoler, et particulièrement celui là.
Alors que Yuduar se faisait alpaguer par une mère et son gosse, Astrid elle observa les alentours et la populace, et repéra une jeune femme aux formes plantureuses qui attira son regard. Elle se baladait avec une amie tout aussi mignonne, et la citoyenne se demandait où elles allaient. Astrid s'éloigna donc un moment de Yuduar qui s'occupait du gamin et suivit la jeune femme un moment, se cachant dans la foule même si cela n'était pas vraiment nécessaire. Ses pas la menèrent au bar dont Yuduar parlait et elle vit les deux jeunes femmes y rentrer. Yeee boi. Elle allait peut-être avoir une autre touche après son échec avec la serveuse de tout à l'heure.
Rapidement, elle retourna auprès de Yuduar qui venait de terminer un dessin pour le gamin et ils se remirent en route vers le bar en question.

-Tu croiras pas ce que j'ai vu ! Deux bombes rentrer dans ton bar où y'a que des beaufs. Je crois qu'il est de notre devoir de les tirer de là !

D'un pas assuré et d'une confidence sans pareille, Astrid se dirigea vers la porte du bar et entra avec un grand fracas. Elle s'exclama :

-B'SOIR LE MONDE ! Cachez vos femmes et l'alcool, parce que Astrid Dalgaard et son fidèle acolyte sont dans la place !

Tous les regards se tournèrent vers elle, même ceux des rares demoiselles à qui Astrid fit un grand clin d’œil avec son sourire le plus narquois. Son but ? Ressortir d'ici en vomissant et avec une nana attachée à son bras.
…
Comme d'habitude, quoi.

La bière, la musique, l'odeur de transpiration et de la mer des marins, le bruit ambiant, tout se mélangeait si bien ! Astrid était dans son élément naturel et elle y nageait sereinement. Rapidement et efficacement, ils commandèrent à boire et à manger et allèrent s'installer sur une tableau haute pour s'y accouder. Une fois posés, ils purent scruter un peu plus clients et le lieu en général.
La citoyenne observa de loin en sirotant déjà sa bière le concours de bras de fer soutenu par les deux bombes de tout à l'heure, et regretta presque ses deux mètres de haut et ses muscles pour exploser les péquenauds du coin et gagner le cœur des jeunes demoiselles qui auraient sûrement été charmés par Edmond malgré son âge. Dommage. C'était un peu plus difficile en étant soi-même une nana. On avait pas les muscles qui allaient avec, de toute évidence.

-À nos femmes ! Répéta Astrid en trinquant joyeusement avec Yuduar et en prenant une grande gorgée, avant de prendre elle même un morceau de pain.

Tout en mangeant, elle avait toujours les yeux rivés sur les jeunes femmes. Puis, une idée lui vint, et son sourire s'était agrandit lorsqu'elle proposa l'idée à Yuduar :

-Tiens, nouveau cheu pour nous amusher l'eshpace de quelques minutesh.   Elle déglutit bruyamment. Tu vois les nanas là bas ? On en accoste une chacun, et on doit leur sortir la réplique la plus beauf à voix haute. Celui qui gagne est celui qui se fait baffer le plus fort ou celui qui fait rire le plus les autres connards du coin. T'en dis quoi ?

Toujours avec des jeux débiles, sans intérêts et assez gênants. Mais on ne pouvait pas lui retirer que c'était...drôle, selon le point de vue. Le point positif aussi, c'était qu'elle allait directement poser sa dominance en tant que beaufette et se faire respecter par les autres clients, éventuellement. De toute façon, que le capitaine soit d'accord ou non pour participer à ce jeu grotesque, Astrid était déjà partie avec sa chope à la main vers les deux jeunes femmes. Sur le chemin, elle vit deux personnes jouer au morpion avec une tablette et des pièces en bois et s'arrêta un instant pour jouer à la place de l'un des joueurs – sans permission - qui allait se faire piéger et perdre. C'était le genre de jeu où il était impossible de gagner et dont la seule issue était une égalité, quand on connaissait l'astuce. Cela dit, son geste fut seulement reçu avec des insultes de la part des deux joueurs aussi elle n'insista pas plus et haussa les épaules.
Il était temps de montrer de quoi Astrid Dalgaard était capable et qu'elle avait au moins métaphoriquement encore ses couilles.

Tiens tiens, Yuduar était arrivé avant Astrid et se donnait déjà en spectacle. D'ailleurs, pourquoi il était habillé comme ça ? Où est-ce qu'il avait trouvé cette écharpe et tout le tralala qui allait avec pour se déguiser ? Quoique, en y réfléchissant, il ne voulait peut-être pas que son visage de capitaine soit associé avec ce qu'il risquait de faire dans la minute, héhé.
…
Hein ? Une marelle ? Et la belle donzelle le fit aussi ?
…

-BWAHAHAHAHAHAHAHA !

À défaut de faire rire la foule, Yuduar avait fait rire Astrid qui se tordit de rire devant tant d'absurdité. Où est-ce qu'il allait chercher ça franchement ?
Et au final, est-ce qu'il avait vraiment compris le jeu et le défi qu'Astrid avait lancé ? Parce qu'à force de belles paroles et à jouer de ses charmes, la femme n'avait pas du tout envie de le baffer mais au contraire, s'était mise à rougir et semblait prête à accepter Yuduar dans son lit ce soir. De plus, ça ne faisait clairement par rire les autres ivrognes qui le regardèrent d'un œil mauvais.

-Pour qui il se prend ?

-Un connard qui mérite des claques. Répondit Astrid aux voisins de toute évidence jaloux.

Une rumeur à faire circuler de plus. Le capitaine de la garde au Grand-Port n'hésitait pas à courir les jupons ! Heh.
Bah. Dans tous les cas, le défi était encore en cours, et c'était au tour d'Astrid de se montrer en spectacle. Sauf que contrairement au capitaine, elle savait qu'elle n'avait aucune chance dès le départ parce qu'elle comptait sortir une réplique dégueulasse et pas une réplique de chiffe molle comme celle du capitaine qui ne semblait pas comprendre le mot « beauferie ». Mais après son petit manège devant la foule, ça avait donné envie à la citoyenne de faire la même heh.
Elle but donc cul-sec le reste de sa bière qu'elle avait, déposa la chope sur une table au pif afin de s'attacher les cheveux en queue de cheval au passage, et entra sur la piste préparée par son collègue ivrogne. D'un pas léger mais assuré, elle s'approcha de l'autre demoiselle aux formes généreuses et s'inclina de façon théâtrale en lui faisant un baise main.

-Mademoiselle, ce goujat qui sent le gouda avarié n'a de toute évidence pas de goût, puisqu'il ne vous a pas choisi.

La jeune femme observa Astrid d'un œil sceptique, se demandant pourquoi elle se faisait accoster par une femme aux cheveux blancs à la voix suave au lieu d'un homme musclé et huilé à la voix graveleuse, mais une certaine lueur de curiosité brillait dans ses yeux. Qu'est ce que Astrid allait lui réserver ?
Cette dernière se rapprocha de l'oreille de la belle et lui susurra à l'oreille de façon sensuelle :

-Sa démonstration de marelle est tout à fait enfantine, que diriez-vous de m'accorder une danse ? Laissez donc moi vous guider vers une nuit que vous n’oublierez jamais.

Toujours sceptique mais intriguée, la dulcinée se laissa faire et Astrid l'emmena dans une danse endiablée au rythme de la musique festive ambiante, la faisant tourner sur elle même avant de la rattraper avant qu'elle ne tombe, une jambe longue et fine en l'air et la tête en arrière.
Ce manège dura quelques minutes, et elles finirent par s'arrêter sous les applaudissements et les sifflements des lourdauds qui avaient les yeux brillants de voir deux femmes danser d'une telle manière ensemble, enflammant bien des esprits.

-Vous brillez et êtes aussi joyeux que des Lumios ! Sortit l'un des clients.

Ce à quoi Astrid répondit sur un ton moqueur :

-Merci, mais tout le monde sait que les Lumios sont tous dépressifs malgré le fait qu'ils brillent. Elle se tourna et lança un clin d’œil séducteur à sa compagne du moment et lui remit une mèche derrière l'oreille. À force de briller seuls dans un monde de ténèbre, ils doivent se sentir bien solitaires.

Elle même se tordait de rire intérieurement après avoir déballé cette connerie que la jeune femme semblait accepter comme une vérité, y trouvant probablement un sens que seule elle pouvait comprendre. D'ailleurs, le souffle encore court, la femme n'avait plus cet air suspicieux et demanda même le nom de la personne qui l'avait accostée.

Bingo.

-Lorie. Répondit Astrid avec son sourire narquois et sa voix redevenue habituelle. Elle avait abandonné toute façade, et ricana : Fice, heh. Lorie Fice.

Un blanc s'était installé soudainement autour d'eux alors que tout le monde faisait le lien entre le prénom et le nom. Très vite, des rires s'installèrent et la jeune femme cligna des yeux d'incompréhension :

-P..Pardon ?

-Vous m'avez bien entendu. J'aimerais bien connaître les vôtres d'ici ce soir d'aill... Et PAF. safédéchocapic. Balbutia-t-elle après avoir reçu une gifle, comprenant très vite d'après les insultes qu'elle entendait et les rires alentours qu'elle avait réussi sa mission et gagné son pari. Rofl, c'était juste une farce! Erf...100% je l'ai mérité, qu'on lui paye un verre pour me faire pardonner !

Mais la jeune femme s'était déjà éloignée, bien remontée tandis qu'Astrid s'était tournée vers Yuduar avec un air triomphant alors qu'elle avait encore sur la joue la marque d'une main :

- C'est comme ça qu'on fait, petit, heh.

Alors que Astrid se massait la joue encore légèrement douloureuse à cause de la baffe, Yuduar lui se donnait toujours en spectacle et provoquait pour une raison X ou Y les gros bras du coin. Peut-être qu'il voulait créer une bagarre générale, ce qu'Astrid ne pouvait que soutenir, mais il était encore un peu tôt et ils venaient tout juste d'arriver. Est-ce qu'il ne pouvait pas attendre un peu ?
Mais non. Yuduar jeta un regard insistant vers une Astrid qui était allée se recommander une chope et qui se curait le nez avec son éternel sourire moqueur. Contrairement à Yuduar, elle faisait partie désormais des autres beaufs sans succès et n'avait rien à craindre. Elle se permit même un :

-Cheh ! En plus ce connard a un harem à lui tout seul composé de magnifiques déesses !

Ça lui apprendra à être populaire. Comme si son harem dans la garde ne lui suffisait pas, pff. Comment ça Astrid était un peu jalouse ? Du tout non.
Puis le capitaine reparla de gloot, mentionnant l'étrange bête plusieurs fois déjà dans la soirée. Qu’est-ce qu'il avait avec ça ? Il en voulait un comme familier ? Il était secrètement gaga de ces bestioles ?

-Moi aussi j'adooooore les gloots ! Annonça Astrid tout à fait sincères, mais aussi pour se foutre un peu de la gueule du monde. Rouges ou bleus ! Sont mignons !

Alors qu'elle sirotait tranquillement sa chope en admirant de façon nonchalante le bordel que Yuduar était en train de créer, ce dernier se mit soudainement à embrasser la jeune demoiselle, provoquant un peu plus les marins. Sous la surprise de ce geste audacieux, Astrid avait recraché sa gorgée sur son voisin du coin qui se leva brusquement, surpris lui même et en colère de s'être fait cracher dessus.

-Qu'est-ce qui te prend salope ?!

-Wow wow wow, comment ça t'es pas content de te faire cracher dessus par une jolie nana comme moi ? Tu devrais te sentir honoré petit !

-Hein ?!

Ok, il était temps pour Astrid de déguerpir aussi. En plus, elle n'aurait pas à payer comme ça.
Mais avant ça…Elle piqua une bouteille de vin et deux, non, trois bâtons de saucissons sur le coin d'une table sous les regards ébahis des clients et s'en alla en courant en calant l'un des saucissons dans sa bouche, se faufilant telle une flèche à travers la foule avec une aisance surnaturelle sans utiliser son pouvoir, mais seulement sa rapidité et son agilité. Astrid la pro de la fuite qu'on l'appelait, qui avait fui un bon nombre de cas similaire et pire dans sa vie.
Elle était déjà sortie que Yuduar n'était toujours pas arrivé, et l'attendait en courant sur place pour ne pas perdre son rythme. Lorsqu'elle le vit enfin émerger, elle lui cria entre deux bouchées de saucissons, gardant toujours un sourire qu'on aimerait enlever à coup de baffes :

-C'EST LE MOMENT DE COURIR, YUDUAAAAR!

Pour fuir des badauds ? Même pas besoin d'utiliser son pouvoir et de se fatiguer inutilement ! Elle était déjà bien assez habituée à fuir avec un saucisson à la bouche et à s'excuser à moitié tout en bousculant des gens.
Puis ils firent la chose la plus sensée de la soirée, prendre des ruelles pour semer leurs poursuivants. La citoyenne aurait bien continué un moment pour être certaine d'avoir perdu les marins, mais le pauvre Yuduar demanda une pause pour reprendre son souffle. Quelle idiotie de tant s'habiller aussi, et puis c'était quoi ce truc dégueulasse au niveau de ses paupières ?

-De l'acier ? Répéta Astrid en ricanant après avoir avalé son morceau de viande. Nah, les poings ça aurait largement suffit. En remarquant le regard du capitaine sur ses victuailles, la femme aux cheveux blancs lui en lança un. Cadeau gracieusement offert par Jean-Ducon. À défaut de te retrouver à bouffer de l’huître fraîche, tu vas au moins pouvoir bouffer de la saucisse, heh. La même chose s'applique à moi. Bon, quelle taverne va-t-on fair…

Elle n'eut pas le temps de terminer, car au loin...non, pas si loin que ça, un cor de garde se mit à retentir.

-AH. S'exclama la citoyenne, légèrement surprise. Ils sont au taquet ici dis moi. Tu crois qu'ils sont après nous ? Juste pour avoir foutu le bordel ?Héhé.

Pas sûr que les gardes à la capitale soient aussi prompt à réagir pour une petite bricole comme ce qu'il venait de se passer. Mais dans tous les cas, maintenant que la garde était en alerte, ils allaient devoir faire profil bas et…

-Je crois qu'ils sont passés par là !

-Argh.

Tout de suite, Astrid se cacha à l’embrasure d'une porte et intima à Yuduar de trouver un coin où se cacher également. Bien sûr, si les gardes passaient par là, ils verraient bien une femme se coller à une porte en espérant ne pas se faire voir, mais elle avait un autre plan en tête.
La chieuse de service se racla la gorge et imita...un chat. Elle fit tous les bruits inimaginables qu'un chat pouvait faire, passant des miaulements aux ronronnements aux feulements. Elle espérait de toute évidence que les gardes se diraient que ce n'était qu'un chat et qu'ils prendraient une autre ruelle, mais…

-Euh...C'est clairement pas les bruits d'un chat ça…entendit-elle d'un garde au loin.

« Ah, merde », se lisait sur le visage de la demoiselle, qui ricana intérieurement.

-Bon beh, on continue à courir ?

Elle prenait tout ça avec légèreté, et s'amusait de la situation. De toute façon, si elle devait finir dans une cellule, ce ne serait pas la première fois qu'elle visiterait la prison du Grand-Port, haha. Et ça tomberait bien, elle n'avait pas encore cherché d'auberge où dormir.