Luz sentit l’endormissement s’emparer brusquement d’elle sans crier gare. Incapable de lutter, ses paupières se fermèrent et elle ne vit pas la fin de sa chute qui devait inexorablement s’être terminée par un choc contre les pavés : à la place, elle rouvrit les yeux sur un paysage brumeux et enneigé qu’elle ne connaissait guère. Elle sentit néanmoins immédiatement la saveur étrange de son environnement, cette fragrance qu’elle commençait à connaître pour l’avoir testé plusieurs fois avec Louise. La présence saugrenue de Chrystielle à ses côtés, plus réaliste que la vraie, vint confirmer l’hypothèse qu’elle n’était pas seule dans ce paysage onirique :
Une sorte de pastille de rêve version pouvoir, de ce qu’elle pouvait en juger. Ayant eu maintes fois l’occasion de pratiquer sa volonté avec Louise sous la forme de rêve éveillé, elle se concentra et une tenue chaude toute en fourrure blanche et rouge apparut sur sa silhouette pour la protéger de la neige environnante. Son contrôle était toutefois moindre, vu que le rêve devait appartenir plus intensément au patient, auteur de ce sortilège. Elle se retourna lorsqu’elle perçut l’attention de Chrystielle se diriger vers un mouvement, quittant des yeux un instant la petite maison perdue pour découvrir deux traîneaux se poser dans la neige environnante, tirés par une multitude de rennes et arborant divers cadeaux colorés. Quel rêve foutrement étrange ! Méfiante, Luz fit en pas en avant, un bras protecteur tendu devant sa jolie invitée. Pour ce qu’elles en savaient, le type pouvait très bien être leur patient colérique déguisé de tout à l’heure.
« Oh oh oh, pourquoi en auriez-vous ? Vous êtes dans le monde fantastique de la bonne humeur et élans festifs ! Entrez, entrez donc, j’ai des présents à vous offrir. »
Luz échangea un regard circonspect avec la vétérinaire et réfléchit intensément à la proposition. Bon. Elles étaient de toute façon dans un rêve que son propriétaire était libre de façonner comme il l’entendait. S’il leur voulait du mal, il avait cent possibilités de le faire, qu’elles entrent ou non.
Une kyrielle de petits êtres travaillaient dans ledit atelier d’arrache-pied et ne leur prêtèrent quasiment aucune attention. L’endroit était immense, beaucoup plus grand que ne le laissait présager la cabane extérieure, joliment décoré et fort chaleureux.
Le docteur Weiss me prit par le bras, et nous suivons l'étrange bonhomme rouge et blanc. A l'intérieur de l'atelier, mes yeux s'agrandissent : la neige tombait du plafond, mais elle n'était pas froide. La température ambiante était plutôt bonne, plus chaude que l'extérieure en tout cas. Moi qui pensais qu'il allait falloir que j'enfile moufles et fourrure...
Au dessus de nous, une aurore boréale se fait voir, comme s'il s'agissait du solstice.
Nous continuons a suivre l'étrange bonhomme, mais je n'ai pas l'impression qu'il nous veut du mal. On verra bien plus tard... et je compte bien sur le docteur Weiss pour nous protéger, même s'il ne s'agit que d'un rêve.
Quel étrange endroit. Luz ne cessait d’ouvrir de grands yeux mi stupéfaits mi curieux. Sans s’appesantir sur les détails improbables – là, dans le fond, un canard de la taille d’un éléphant jouait aux cartes avec Allys Renmyrth en version homme, et juste ici un morceau de viande juteux avait entreprit de dévorer goulument un beau barbecue en ferraille et pierres forgées -, Luz tâchait de décortiquer ce que ce foutu rêve attendait d’elles. Indubitablement, elle y voyait l’empreinte du gars qui les avait agressées puisqu’elle n’avait aucun contrôle sur la totalité de l’environnement, hormis son propre corps. Les lutins disgracieux et rieurs arboraient tous des visages différents, et parfois une face entièrement lisse, presque floutée. Peut-être des personnes mélangées et issues de ses souvenirs… ?
Elle voulut poser des questions inquisitrices à leur hôte, mais celui-ci la prit de vitesse. Il se tourna vers elles, un cadeau de la taille d’une pomme dans la main, richement emballé.
Luz qui était de toute façon bien moins méfiante que dans la réalité, car il était difficile de rester concentrée avec ce voile brumeux caractéristique des rêves sur son esprit, ne réfléchit pas outre mesure et prit machinalement le cadeau qu’on lui tendait. Elle tira sur le ruban, ouvrit celui-ci avec une moue désabusé et lorgna le fond vide de la minuscule boite.
Alors, il y eut un énorme « POP » accompagné de fumée vaporeuse, et Luz sentit soudainement toute velléité de parler s’évanouir comme neige au soleil. Elle porta instantanément sa main à sa gorge et retourna un regard stupéfait à Chrystielle, à présent tout bonnement incapable de produire le moindre son. Ah. Elles allaient donc avoir tout loisir de se regarder comme deux carpes hors de l’eau, agitant toutes deux vainement les lèvres. D’ailleurs, l’entièreté de l’atelier semblait subitement être passé en mode silence, et plus aucun bruit ne leur parvenait.
J'essaye de parler au docteur Weiss, mais aucun mot ne voulait sortir de ma bouche. Je l'ouvrais, criait tant bien que mal, mais non, rien ne faisait. Le docteur essayait aussi de faire pareille. En tapant dans mes mains, je me rendis vite compte qu'aucun bruit ne pouvait se faire entendre. Super...
Avec des gestes, je tente d'expliquer à Luz qu'elle ne doit en aucun cas me quitter du regard. Si elle le fait...et bien je n'aurai absolument aucun moyen de me rendre de nouveau visible. Oui, elle ne devait absolument pas me quitter du regard.
L'homme qui nous avait tendu les cadeaux piégés nous parlait, mais je ne comprenais pas le moindre mot. Lire sur les lèvres n'était pas une de mes compétences, malheureusement. Mais pourquoi avait-il fait ça ? Moi qui pensait qu'il était gentil ! J'ai vraiment du mal à reconnaître les mauvaises personnes...
Je prend donc le bras du docteur, et commence à faire marche arrière pour quitter l'atelier. C'est un rêve, cela ne fait aucun doute, mais je ne sais pas du tout comment faire pour en sortir. Et aucun moyen de le demander à ma coéquipière. Dans ce genre de situation, la fuite est la meilleure des solutions.
Mais je sentis quelque chose dans mon dos, et me retourna : les rennes qui avait tiré le les traîneaux sont derrière, et nous bloquent la seule sortie connue. Même, quand le bonhomme rouge se met à marcher dans l'atelier, il nous pousse légèrement pour qu'on le suive, sans nous donner le choix.
Et bien soit, continuons d'avancer dans cet atelier de plus en plus bizarre, à suivre un homme douteux...
Cette fois, tandis qu’elles marchaient de nouveau dans cet atelier interminable – par le nez prodigieux d’Helmex, ce truc était plus immense que la chaine montagneuse entière de la frontière ! – ce fut un lutin qui tendit un paquet à la praticienne. Il le fit toutefois dans le dos du propriétaire des lieux, sur la pointe des pieds et avec toutes les caractéristiques de quelqu’un qui fait des choses répréhensibles en douce. Il lui fit un clin d’œil et disparut à nouveau dans la foule. Pourquoi Luz s’en était saisi malgré leur précédente mésaventure ? Hé bien, précisément parce que l’ennemi de son ennemi était son ami. Si ce demi bout d’homme se conduisait de cette manière, c’était probablement parce qu’il n’était pas d’accord avec le grand type rouge à la barbe blanche. Une logique implacable dont elle se serait néanmoins bien passée. Car lorsqu’elle ouvrit le cadeau du bout des ongles, un sifflement de locomotive explosa dans la totalité de l’atelier, suivi d’un énorme panache de fumée.
Elle s’était exclamée et avait pointé un doigt rageur vers le vieux type qui les avait conduites jusqu’ici.
Elle écarquilla les yeux tandis que sa bouche continuait à débiter toutes les pensées qui la traversaient sans pouvoir se contrôler. Elle réalisait à présent que la totalité des lutins présents s’étaient également mis à déblatérer d’incontrôlables dialogues sans queue ni tête. Le deuxième cadeau était piégé !
- Pourquoi j'ai l'impression que tout est réel, ici ? Je suis sûr que si on se fait mal, on aura vraiment mal. Mais pourquoi tant de chose bizarre se passe ? Des cadeaux comme ça, c'est sûr que ce n'est pas dans le vrai monde qu'en on aurait ! Et aussi pourquoi je parle autant ? Ce n'est clairement pas normal ! C'est....C'est de votre faute monsieur ! Je suis sûr que vous nous avez piégé exprès !
Malgré tout, nous continuons à le suivre.
- Où nous allons comme ça, déjà ? Votre atelier à l'air sans fin ! N'est-ce pas, docteur Weiss ? J'ai déjà un peu mal aux pieds, en plus...Mais si j'ai mal, ça veut dire que nous sommes dans le vrai monde ? Non, ce n'est pas normal. Bien sûr que non ! J'ai vu le docteur Weiss s'habiller avec des vêtements qu'elle n'avait pas. Alors où sommes nous ? Dans un rêve ? Je n'ai jamais fait des rêves aussi réel... Habituellement, ce n'est juste des rêves normaux, sans...sans tous ces cadeaux bizarres !
J'essaye d'arrêter de parler, mais impossible. Les mots sortent sans que je n'arrive à les contrôler.
- On est bientôt arrivé ? Parce que mes pieds me font vraiment mal, c'est horrible. Et vous n'avez pas quelque chose à boire ? Des trucs avec des bulles ! Parce que j'adore les bulles. Ca fait des petites gratouilles dans la gorge, c'est super rigolo. Mais en même temps, ça n'arrête pas forcément l'envie de boire, c'est dommage ça. Faudrait inventer une boisson avec pleins de bulles qui déshydrate quand même. Ah oui, ça peut rapporter gros, cette invention. Mais je n'ai pas le temps de la faire. Dommage.
Haaa mais tais-toi, Chrys !
Fort heureusement, Luz s’était prise d’un fou rire incontrôlable en écoutant le monologue continue de sa compagne de mésaventure, cela contribua à faire taire ses propres pensés un court moment. Juste assez du moins pour qu’elle avise un immense sapin dans le coin de la pièce, dont les racines –oui parce qu’il était planté dans le sol- étaient recouvertes de nombreux cadeaux plus ou moins proéminent. Commençant à déceler une mécanique dans ce chaos ambiant, Luz s’agenouilla promptement à côté des offrandes et entreprit de les ouvrir à tour de bras. Au troisième, leurs divagations se turent enfin et leurs pensées profondes purent rester à couvert dans leur caboche. La praticienne laissa filer un soupir de soulagement, vite muer en froncement de sourcils irrités et en lueur d’accusation dans les prunelles.
Oui, elle s’était rappelée in extremis de la présence de Chrystielle que ses yeux avaient un peu trop longuement quittée le temps de cette action. Vu que certains des lutins entreprirent de triturer leur chapeau avec un air tout déconfit, et que le gros bonhomme arborait une profonde expression de regret, Luz tenta de pousser sa chance :
« C’est dans l’cadeau, M’dame. Faut ouvrir le cadeau. »
« … Lequel ? J’en vois autant qu’il y a de cheveux sur le crâne de la Trésorière royale. »
Il haussa les épaules, l’air de ne pas savoir, et soudain plus personne n’osa la regarder dans les yeux. Bon ben, pensa-t-elle, les pieds perdus dans la mer de cadeaux au pied du sapin, il n’y avait plus qu’à comme on disait…
- Il faut trouver le bon cadeau dans cette tonne de cadeau ? Mais c'est une mission complètement impossible, ça...
- Tenez, m'dame, une boisson avec des bubulles.
Un lutin nous tend, au docteur Weiss et à moi, un verre avec un liquide transparent à l'intérieur. Je prend le verre, mais je reste tout de même sur mes gardes.
- Encore un mauvais cadeau ?
- Non, promis, m'dame ! On veut plus vous faire de mal.
- Aaah, merci ! J'avais tellement soif !
Oui, bon. J'avoue. Je baisse ma garde assez facilement.
Le liquide coule dans ma gorge. Des bulles ! IL Y A DES BUBULLES ! Cela fait tellement du bien...Mais le gout est assez particulier...
- C'est du...c'est au chocolat ?
- Goût chocolat chaud aux chamallow, oui m'dame. Mais on vous avoue qu'on a un peu de mal avec le goût chamallow.
- C'est tout de même très bon ! Merci beaucoup petit lutin.
- Gnmgnmgnm...
Quand il part, j'ai l'impression que ces petits joues sont plus rouge que tout à l'heure.
Une fois la boisson terminée, je me retourne vers le docteur Weiss.
- Vous avez un plan d'attaque pour trouver le bon cadeau ? Où il va vraiment falloir qu'on les ouvre tous ?
Un peu plus loin dans l'atelier, de la neige se mit à tomber. Mais c'est quoi, cet endroit ?
Son verre dignement tenu à la main à la manière d’une véritable princesse, Luz se tourna vers le peuple des lutins et lança, impérieuse :
Ils la dévisagèrent durant d’interminables secondes, l’air de ne pas savoir si elle parlait la même langue qu’eux ou non. Alors, le grand bonhomme patibulaire leur fit un signe d’acquiescement silencieux, et tout ce beau monde se mit brutalement en mouvement. Tentant d’éviter tant bien que mal d’en écraser un ou deux dans le processus, Luz avala le reste de son verre à bulle, jeta le tout négligemment dans son dos, et se pencha pour ouvrir par ses propres moyens le premier paquet à sa portée. Elle n’en eut pas le temps – un bruit de lama qu’on égorge se fit entendre sur sa droite, et tout à coup le monde se brouilla.
Le reste de sa phrase fut absorbé par le paquet avec un horrible bruit de succion. Et ce fut bientôt l’entièreté du décor qui commença à être attiré et aspiré par la bouche désormais béante du carton.
Bien entendu, elle commença elle-même à glisser vers le siphon, et les deux jeunes femmes décollèrent du sol dans un tourbillon de couleurs et d’hurlements, manqua de heurter dans le processus l’immense canard de la taille d’un éléphant qui tenait toujours ses cartes à la main, une expression de surprise sur le visage. Lorsque Luz se réveilla, ce fut dans un interminable sursaut, la bouche ouverte sur un cri silencieux. Alors, un mal de tête l’envahit et elle porta sa main à son visage.
C’était la voix de l’un des internes. Elles étaient allongées sur le sol, leur agresseur ficelé dans un coin, inconscient. De retour dans la réalité. On les avait recouvertes d’un manteau rouge et vert pour s’assurer qu’elles ne prennent pas froid le temps de les réveiller…
La surprise fut de taille. Quand un des lutins trouva enfin le bon cadeau et l'ouvrit, tout autour de nous se fit inspirer à l'intérieur. J4ai tout juste eu le temps d'essayer de crier et de tendre la min vers le docteur Weiss que ma vision se brouilla et que je partie vers l'intérieur de la noirceur.
A mon réveil, une foule de personne c'était massé autour du docteur. Des internes vraisemblablement. Mais quelle ne fut pas ma surprise quand je me rendis compte que j'avais, comme le docteur, un manteau vert et rouge sur les genoux.
- Vous allez bien, ma dame ?
- Je...o-uoi, ça va. Co...comment vous m'avez vu ?
- Mon pouvoir consiste à annuler celui des autres. C'est ce que j'ai fait avec le patient, et c'est pour cela qu'on a pu vous voir.
- Parfait... Le...le docteur Weiss va bien ?
- Oui, ne vous en faite pas, ma dame. Elle va bien. Nous allons vous conduire dans une des salles d'examen pour vous regarder de plus près.
L'homme me tendit sa main, et je la prit avec plaisir, faisant glisser le manteau jusqu'à mes pieds. Je le laissais me guider jusqu'à la fameuse salle, toujours un peu dans la lune.
Assise dans la salle d’examen en compagnie de sa jeune invitée, Luz ressassait avec une pointe d’amertume à demi amusé l’accident qui venait de se produire. Elle espérait que ce léger contretemps n’ait pas refroidi la jeune vétérinaire sur la possibilité de s’engager auprès de l’Astre de l’Aube. Les recrues étaient bien trop rares pour être négligées et projeter ses invités dans une spirale onirique d’absurdités ne faisait pas parti de l’idéal de l’accueil que se faisait la praticienne. Ayant totalement oublié que ladite Chrystielle se trouvait sur la chaise juste à côté d’elle, elle sursauta lorsque celle-ci lui dit une politesse sur l’énorme sapin qui avait été installé dans un coin de la pièce dans le but d’égayer quelque peu l’attente des enfants. Il était surmonté d’une étoile et des imitations de jouets avaient été suspendues sur ses branches verdoyantes. Troublée et tâchant vaillamment de ne plus perdre le fil de la présence de Chrys’, Luz se tourna tout à fait vers elle et s’astreignit à ne plus la lâcher du regard.
Elle eut un soupir théâtral et reprit avec le sourire :
Après tout, elles avaient toutes deux été formées à gérer des situations difficiles.
Arrivée dans la salle d'examen, je ne peut pas faire semblant de ne pas voir l'énorme sapin dans un coin de la salle. Ses décorations sont magnifiques : petites boules rouges, jouets, petites poupées désarticulées et une grosse étoile à son sommet.
- Il est vraiment magnifique...
Quand le docteur Weiss me demande si les animaux ont les mêmes réactions que les humains, je ne peux m'empêcher d'émettre un petit rire.
- Ho que oui...si seulement vous saviez...une fois, j'ai eu un warg qui avait une peur bleu d'une compresse. Un warg. Une compresse. J'ai dû me retenir pendant tout l'examen pour ne pas rigoler. Mais son maître à réussi à le calmer, et j'ai pu soigner sa blessure.
On aurait du mal à le croire, mais les animaux ont tellement de point commun avec les humains.
Une fois que les docteurs ont fini de poster leur conclusion, le docteur Weiss et moi avons pu repartir finir la visite du centre hospitalier.
Luz les fit entrer dans le bâtiment voisin, contenant une majorité de chambres et de patients venus s’installer sur le long terme. Les infirmières occupées les saluaient à leur passage, s’esquivant adroitement pour ne pas bloquer les couloirs. Lancée dans d’interminables explications, Luz expliqua à sa jeune invitée la manière dont se déroulait la logistique des lieux, jusqu’au linge pris en charge par la compagnie Net’moi ça ! pour un budget fortement amoindri.
Elle l’avait conduite sur la terrasse extérieure du bâtiment administratif, au terme de leur visite. Un timide soleil commençait à percer les nuages, pas désagréable en extérieur malgré la température qui restait basse. Luz fit signe à l’un de ses employés qui leur rapporta des couvertures chaudes joliment cousues de dentelles sur les côtés :
Petite, Luz adorait déjà s’enrouler dans des plaids. Cela n’avait pas changé aujourd’hui ! Elle pencha doucement la tête vers Chrystielle, et reprit le cœur du sujet :
Arrivée sur la terrasse, je regarde le soleil essayer de se faufiler à travers la dentelle de nuages. Le docteur Weiss me tendit un plaid, que j'accepte avec plaisir.
A chacune de mes expirations, je peux voir la fumée monter vers les cieux. Le spectacle est vraiment magnifique. Les yeux tournés vers le haut, je me prend à me demander ce qu'il y a là haut, et si seulement il y a un là haut. Tant de mystère, d'incertitude...
- Oui, je me rend compte que vous possédez beaucoup de moyens. Des moyens que je ne pourrais jamais avoir en restant toute seule.
Tout cela me permettra de soigner beaucoup plus d'animaux, et surtout beaucoup mieux. Pourquoi devrais-je refuser ? Tous est à l'avantage des animaux.
Dans un grand sourire tournée vers le docteur Weiss, je lui répond.
- J'accepte de vous aider volontiers !
Le sourire de Luz s’agrandit, tout bonnement ravie que ses efforts du jour aient porté leurs fruits. Armée de son second thé de la journée, humblement apportée par l’un de ses employés, Luz leva sa tasse bien haut dans un simulacre de toast :
Ce fut pile cet instant que choisit le ciel pour craquer enfin sous le poids des nuages accumulés. Un premier flocon alangui vint paresseusement étendre ses branches entre les deux jeunes femmes, glissant silencieusement dans l’air. Il fut bientôt suivi par une kyrielle d’autres flocons dont les arrêtes glacées réverbéraient par instant la lumière rase du soleil. Soufflée par la beauté de ce spectacle singulier souligné par ce puits insondable de luminosité, Luz eut le réflexe de chercher la trace d’un arc-en-ciel qu’elle ne vit pas.
Elles avaient décidément bien fait de s’installer sur la terrasse ! Si cela ne dérangeait pas Chrystielle du moins.
Les yeux brillants d’une émotion non contenue, Luz ajouta :
C'était comme si le ciel s'est soudainement senti soulagé de par réponse. Dès que les mots on franchi mes lèvres, des milliers de flocons se sont mis à tomber, drapant le sol de la terrasse d'une fine couche blanche. J'étais bien heureuse d'avoir une couverture sur les épaules !
- Je...je ne pense pas que négocier sera vraiment nécessaire. Je vous fais en-entièrement confiance là-dessus.
Surtout que je suis vraiment nulle pour négocier. Ou pour donner des ordres. Ou pour avoir un bureau ordonné. Sainte Lucy mère de tous, était-ce vraiment une bonne idée d'accepter ?
Quand le docteur Weiss commence à parler de nourriture, c'était comme si c'était le signal d'alerte pour mon estomac. Il gémit dans un gargouillis aussi sonore que perturbant.
- Pa-pardon ! Il se peut que....Que j'ai un peu faim...
Je suis donc le docteur, lui faisait, encore une fois, confiance sur le choix du restaurant.
Elles mangèrent dans un confortable restaurant de quartier. A peine plus de quelques places disponibles, mais le patron fit un effort lorsqu’il reconnut l’une de ses clients les plus régulières, Dame Weiss en personne.
Le village était placé haut sur la carte dans le nord, à la frontière des montagnes perpétuellement sous la neige. Les habitants s’étaient fait tout un art de la traite de talbuck et de la création de fromages, composant ainsi un étrange plat du nom Welshbuck. Le tout s’agrémentait bien entendu d’une bière finement brassée aux épices. Puisqu’il les aimait bien, le patron disposa d’ailleurs sur la table un énorme plateau de charcuteries, fier des productions qu’il façonnait à l’arrière de sa maison.
C’est donc nourries à n’en plus finir et les joues rougies par la chaleur intérieure que les deux jeunes femmes ressortirent une heure et demi plus tard. Le froid coupant les happa immédiatement à la gorge, car une vaillante couche de neige commençait à s’accumuler sur cette voie reculée de la Capitale. Nul ne l’avait encore écartée du chemin, presque aucune carriole ne passant dans les environs.
Malicieuse comme un lutin, Luz s’accroupit et amassa la neige glacée entre ses doigts. Elle eut tôt fait de former un corps plus ou moins compact, ses bottes déjà recouvertes d’une pellicule blanche tant elle s’agitait. Oubliant le monde qui l’environnait, un grand sourire sur les lèvres, la praticienne se lança de la sorte dans la confection du plus splendide des bonhommes de neige…
Le docteur Weiss me fait découvrir un restaurant des plus traditionnel, où j'ai pu manger la plus délicieuse de toutes les nourritures. Même si je ne suis pas très fan du fromage, il y avait assez de charcuterie pour me remplir de joie.
Une heure et demi plus tard, nous sortons du restaurant. J'ai du mal à marcher, mon pantalon me sers énormément. Je me sens tellement lourde...Pendant ce temps, la neige avait largement eu le temps de recouvrir le sol d'une épaisse couverture blanche.
- Oui, nous avons un peu de neige chaque année. Mais avec les grands arbres qui nous protège, peut de flocons arrive jusqu'à nos pieds ou nos maisons.
Mais avant que je n'ai eu le temps de finir ma phrase, le docteur Weiss avait déjà les mains dans la neige. Je rigolais doucement, et puis l'aida à faire rouler la boule blanche. En quelques minutes à peine, le bonhomme de neige était né. Je cherchais quelques cailloux dans les environs, et en trouva assez pour faire les yeux, la bouche et les boutons de sa veste. Je trouve également deux branches pour faire les bras.
Nous reculions toutes les deux pour admirer notre oeuvre. Bon, il était un peu bancal, les bouts de bois n'ont pas la même taille, et il manque son magnifique nez en carotte. Mais au moins, nous avons pris plaisir à le réaliser !
Luz applaudit gaiement des deux mains, un sourire ravi sur les lèvres.
Elle n’était pas mécontente finalement d’avoir entrainé Chrystielle à l’écart de la foule qui arpentait quotidiennement la Capitale. Ici, elles étaient libres de s’épancher un brin et son invitée ne risquait pas de souffrir d’éventuelle claustrophobie une fois projetée dans une marée mouvante d’êtres humains. Elle jeta un coup d’œil à la petite colline que formait derrière elle un imposant monticule de neige, probablement constitué par l’un des habitants de ce quartier paisible qui cherchait à déblayer sa porte. Et puis, l’avantage de vivre dans un monde dénué de toute technologie, c’était bien l’immaculée blancheur de la neige ! Aussi poussa-t-elle sa jeune amie d’une main joueuse, s’assurant bien sûr au passage que Chrystielle tombait dans une chute à demi contrôlée dans la neige. Un rire dans la voix, elle s’empressa de la rejoindre et de s’étendre de tout son long dans la poudreuse, sa longue chevelure rousse presque immédiatement constellée de flocons :
Alors, histoire de lui donner l’exemple, elle se mit soudainement à écarter puis à rapprocher ses bras et ses jambes de son corps, formant progressivement la silhouette de ladite créature ailée dans la neige. Ce faisant, elle roula sur le côté dans la neige pour s’extraire de son carcan et observer ce dernier d’un œil critique.
- Ah oui, ça, je connais !
Même s'il ne neige pas beaucoup au village perché, j'ose un peu m'aventurer au delà de la protection des grands arbres, directement dans les plaines. Il n'y a rien là-bas pour éviter que la neige ne tombe en totalité sur le sol. Avec papy, quand il restait assez longtemps au village, nous nous amusions également à nous allonger, nous couvrant de froid et d'eau.
Suivant le docteur Weiss, je me laisse tomber en arrière dans la neige, et commence à battre des bras et des jambes. Le griffaon a prit forme rapidement et, une fois l'oeuvre terminé, je me laisse rouler sur le côté. Nous regardons, tour à tour, nos oeuvres d'art. Bonhommes de neiges et griffaons, on pourrait presque faire un village entier !