Luz contemplait les œuvres gravées dans la neige et fut soudain prise d’un excès d’attendrissement. Chrystielle n’avait rouspété devant aucune des étrangetés dans lesquelles la praticienne l’avait poussée et s’était montrée être une invitée plus qu’agréable. Même là, lorsque Luz était prise d’élans enfantins qui seyaient peu à la fondatrice d’une organisation médicale, la vétérinaire ne mouftait pas, riait avec elle et l’acceptait telle qu’elle était. Pour une jeune femme qui avait passé la plupart de son existence en étant invisible à ses proches, elle bénéficiait décidément d’un tempérament solaire et naturellement altruiste. Luz se tourna donc tout à fait vers elle, un grand sourire chaleureux sur le visage. Tactile et parfois par trop envahissante, elle ne résista guère à l’envie d’immortaliser le moment :
Elle farfouilla quelques instants dans son sac et en ressortit son cadre magique avec une moue victorieuse. Lorsque Chrystielle eut donné son assentiment, elle se rapprocha d’elle et tendit un bras pour enlacer son épaule et réunir leurs deux corps. Ainsi collées l’une à l’autre, elles tenaient toutes deux dans le cadre.
Il y eut un petit clic et leurs deux silhouettes enlacées apparurent sur l’écran.
- Ho ! Bonne idée ! En espérant que mon pouvoir ne fasse pas encore des siennes.
Quand le docteur se met en m'enlacer, je ne peux pas m'empêcher de rougir. Cela se fait rare, les personnes qui me touche ! Je n'ai vraiment plus l'habitude...Mais je ne me décourage pas, et lui rend toute son attention en me collant à elle, l'enlaçant en retour.
Je rigolais à la phrase que la jeune femme sortit pour sourire. Comme c'est la première fois que je fis ce genre de chose, je ne sais pas trop ce qu'il faut dire en retour. Je me contente donc de souris bêtement, en espérant que je sois présente sur la photo.
Une fois fini, je constate du résultat. Et bien ! Je ne suis pas peu fière du résultat ! Je suis totalement visible et, en plus, mes yeux ne sont pas à moitié fermé.
- C'es une très belle photographie ! J'aime beaucoup le résultat.
C'est dommage qu'on ne puisse en avoir qu'une seule...j'aurai bien voulu la poser dans ma chambre. Et puis d'un coup, une idée me vient.
- N'y a-t-il pas ici des personnes capable de crayonner rapidement une toile ? Que dîtes vous de l'idée de nous faire peindre toutes les deux pour avoir un souvenir supplémentaire commun à accrocher dans nos maisons ?
Ca nous donnera en plus l'initiative de sortir de l'hôpital pour découvrir encore plus de chose de la Capitale.
Luz s’était accordé un instant de réflexion puis avait entraîné Chrystielle à sa suite vers l’une des grandes places touristiques de la Capitale. Les artistes de rue n’étaient pas rares, surtout dans les artères fréquentées de la cité. Après tout, les voyageurs venus de loin étaient la meilleure source de profit à des milles à la ronde… La place, effectivement bondée, ne les empêcha guère de jeter leur dévolu sur un vieux Monsieur qui travaillait sa toile en retrait des étaux et de l’activité marchande omniprésente. Un échange d’une poignée de cristaux noirs plus tard pour le convaincre d’adhérer à leur nouveau caprice, et il sortit sa palette de couleurs tout en réajustant son tabouret. Luz espéra qu’il n’oublierait pas de dessiner Chrystielle dans le processus.
Il dut commencer par esquisser leurs pieds, puisque son regard remonta progressivement jusqu’à leur visage. Alors, Luz vit ses prunelles faire la navette entre leur tête et un point situé plus haut sur le coin d’un toit :
A son air buté, la praticienne comprit qu’elles n’y réchapperaient pas. Elle se tourna donc vers Chrystielle, et tenta une proposition :
A part être crispée comme pas possible, les bras le long du corps, je ne savais pas quoi faire. Il est difficile de se détendre quand quelqu'un vous fixe avec autant d'intensité que le peintre.
- J-je suis dé-désolée...
C'est alors qu'il nous fait part de son avis de voir une scène un peu plus chaleureuse, avec notamment la présence de gui au-dessus de nos têtes.
Arriverais-je à embrasser quelqu'un sur la joue ? Me sentant rougir comme cela n'était pas permis, je prends mon courage à deux mains et tend mes lèvres vers le visage du docteur Weiss. Délicatement, ma bouche rencontra sa joue gauche, au-dessous de ce fameux gui.
- Parfait, beaucoup moins coincé. Restez comme cela pendant quelques secondes encore.
Une fois terminé, je m'excuse en mille complaintes auprès du docteur Weiss. Je suis entrain de bouillir de honte de l'intérieur...
Leur nouveau portrait dessiné en main, les deux jeunes femmes s’étaient longuement aventurées sur la place du marché, profitant des nombreuses animations que la Capitale avait à leur offrir. Les heures défilèrent malheureusement et Luz se fit un devoir de raccompagner à la porte nord sa jolie invitée. Elle glissa quelques cristaux noirs dans la main tendue du jeune garçon d’écurie qui leur avait ramené la monture de la vétérinaire après s’être assurée du bon état de l’animal. Hors de question après tout de créer une entorse à son hospitalité en retournant à sa propriétaire un cheval épuisé et maltraité !
Après tout, quel bandit attaquerait un cheval paraissant seul, étrangement peu attrayant et aussi trouble qu’un vieux souvenir d’enfance ?
Mutine, elle recula d’un pas pour laisser le champ libre à sa monture et écarta soudainement les bras et les jambes en une évidente imitation d’étoile :
Ses singeries encourageantes achevées, elle s’inclina respectueusement devant Chrystielle et observa son cheval s’engager d’un pas décidé sur la route. Ou peut-être la confondait-elle déjà avec quelqu’un d’autre, discrètement devenue invisible dans ce quart de seconde où elle avait détourné les yeux… ?
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