-Je suis bien habillé, t’es sûr ?
-T’inquiètes Jack. On va pas te remettre examinateur parce que t’es pas tiré à quatre épingles.
-Merci Gégé, t’es un bon copain.
-De rien Jack. Par contre, il me reste une vraie question et j’aimerais que la réponse me plaise.
-Dis toujours.
-Est-ce que les réserves d’alcools sont suffisantes ?
-On a poussé les murs, les caves sont pleines à ras bord.
-Ouai… ça devrait suffire. Parfait.

Guilde des aventuriers, quelque part au milieu de troisième lune de la saison fraiche. Les traditions, c’est quelque chose d’important. C’est ce qui fait l’identité du groupe auquel on appartient. Et il est de tradition séculaire de célébrer la nomination des nouveaux membres du Conseil de la Guilde des Aventuriers. C'est-à-dire, moi, en l’occurrence. Certains ont été plutôt discret, comme le sévère conseiller Cornélius Tantale qui s’est contenté d’inviter sobrement tous ses amis dans une fête privé sur le budget « animations » du conseil de la Guilde. Les autres conseillers avaient été invités, condition sine qua non pour que le conseil ait validé cette petite sauterie. J’ai préféré quelque chose de plus populaire en organisant une kermesse de la guilde. Le plaisir de se retrouver entre aventuriers afin de boire, manger, danser, s’amuser. L’occasion de nouer de nouveaux liens, de faire la paix avec les candidats malheureux et d’informer les aventuriers qu’ils ont un nouveau conseiller, en passant, parce que certains ne connaissent même pas les examinateurs, c’est dire les problèmes d’informations qui existent au sein de l’institution vénérable.

-J’espère que Lou ne va me chercher. J’ai trois dossiers en retard.
-T’inquiètes, je lui ai demandé de rédiger un rapport sur les anciennes règles encore en vigueur. Même pour lui, ça va lui prendre quelques jours. Il n’a pas quitté les archives depuis hier. J’enverrais quelqu’un vérifier s’il est toujours vivant demain.
-Vrai que ça a du bon que tu sois devenu son supérieur.

Mes relations avec l’ex-candidat Trovnik, toujours actuel chef des examinateurs, n’a pas vraiment changé. L’impassible fonctionnaire a accepté ma nomination avec une joie débordante ; il a froncé les sourcils. Une seconde. Puis il a rayé mon nom dans une liste. On lui a donné une information, il l’a pris en compte, comme tous ceux tenant à jours les listings, rouages indispensables de nos machineries administratives. Je lui donne du travail alors que c’est lui qui m’en donnait, mais c’est toujours lui qui m’impressionne et c’est moi qui longe les murs pour éviter de croiser son regard d’où brille une passion purement bureaucratique. Bref, on est tranquille sur ce point. Pour le conseil, il m’en devait une. Je n’ai pas eu recours à une clause vieille de trois cents ans permettant une hypothétique prise de pouvoir de la guilde par un conseiller, clause qui a été rendu caduque, depuis, grâce à un vote express à l’unanimité. La peur du despotisme sait lier les esprits les plus clairvoyants de la guilde.

Qu’avons-nous donc pour ces festivités, un peu en mon honneur, mais en l’honneur de toute la guilde, en réalité, car que serait le conseil de la guilde sans aventuriers ? Juste un conseil. Et c’est clairement moyen prestigieux. Comme un aventurier qui se respecte est un aventurier qui lève le coude dans la culture populaire, la buvette de la guilde a fait l’objet d’un renfort conséquent. Des hôtes et hôtesses ont été embauché pour faire le service sous la férule de l’ex-candidate Camomille et comme je viens de le dire mon pote Gégé, les caves sont pleins. La guilde ne connaitra pas la sécheresse. En tout cas, pas aujourd’hui. On fait aussi de quoi remplir les estomacs, car même si une bière, c’est deux tartines, on ne dit jamais non à mettre un morceau de saucisson ou de fromage sur lesdites tartines. Enfin, on sert de tout hein, les gouts, ça varie d’un type à l’autre et il faut accepter tout le monde comme il est. Sur un côté, une estrade a été monté afin d’accueillir tous les groupes amateurs de la guilde. L’animation avait fait un sacré carton lors de la fête du solstice l’année dernière et je peux vous dire que les petits musikos ont bien bossé en un an. Ça va nous mettre une ambiance de feu. Puis on a un espace pour danser, parce qu’on sait s’amuser, chez les aventuriers.

Personnellement, je compte aider à la buvette, une tache que je maitrise plutôt bien et faire quelques allées retours avec un petit espace pour recueillir les doléances des aventuriers. Parce qu’on peut faire la fête et travailler en même temps. Satisfaire les besoins de tous ces braves gens risquant leur vie est une mission sacrée pour tous les conseillers de la guilde. Notre quête, elle est tous les jours, dans vos cœurs. Tiens. Je devrais la garder pour plus tard, celle là. Parait que je dois faire un discours à un moment. Ça pourra servir. Sinon, on a aussi des petits jeux dispersés par ci par là. Les aventuriers désireux de faire partager certaines de leur passion ont été cordialement invités à le faire. S’amuser et se connaître, vous dis-je !

-Tu crois qu’il y aura du grabuge ?
-Non. Ce n’est pas le genre de la maison. On est quand même civilisé. Pas comme la garde.
-C’est vrai ça.

L’important, c’est que tout le monde sache s’approprier ce moment. On a pas tous les jours un nouveau conseiller. Et on a pas tous les jours l’occasion d’échanger avec eux pour trouver des améliorations à une institution qui, même si elle traverse les âges, ne doit jamais cesser d’évoluer dans le bon sens. Tout ça, en restant sympathique, bien entendu.

Cela faisait maintenant plusieurs jours que la nouvelle s’était répandue dans toutes les branches de la guilde partout sur le Royaume. Une grande kermesse organisée par la guilde pour tous les aventuriers du royaume qui daigneraient se déplacer. Alors oui, la véritable raison était une histoire de fête suite à l’élection du Conseil de la Guilde. Techniquement, c’était leurs chefs, ceux qui décidaient de la marge qu’ils prenaient sur chaque quête et des autres aspects de l’administration qui étaient terriblement peu intéressants pour Violette.

Alors oui, la jeune aventurière n’en avait vraiment pas grand chose à faire des rouages administratifs ni même de qui dirigeait la guilde tant qu’ils n’étaient pas corrompus et que les cristaux qu’ils récupéraient à la sueur du front des nombreux aventuriers servaient des causes utiles. Des causes utiles telles que ce genre de fêtes. Bien entendu, elle comptait rester loin de toutes les discussions pseudo-politiques ou administrative, mais cet événement avait été vendu comme un moment convivial et amusant, loin des grands discours chiants et longs qui avaient l’effet de plonger Violette dans un ennui aussi profond que le sommeil qu’elle avait alors envie de rejoindre.

Néanmoins, si on lui vendait des chants, des rencontres, de la bonne humeur, de la nourriture et de l’alcool, elle n’était pas du genre à manquer ce genre d’occasions. Surtout lorsqu’elles ne lui coûtaient pas le moindre cristal. En l’état, c’était une occasion qu’elle ne pouvait pas manquer.

Pour l’occasion assez marquante, Violette avait décidé pour une fois de se soigner un petit peu plus que d’habitude. Au lieu d’une chevelure à moitié désordonnée et des habits confortables mais très peu classieux de l’aventurière de base, elle avait opté pour une chevelure attachée et des vêtements bien plus distingués que ceux qu’elle portait habituellement. Elle était encore à des kilomètres de ce qu’elle avait pu revêtir dans son enfance dans la noblesse : Après tout elle n’était pas venue en robe. Ce n’était pas comme si elle devait se rendre au palais non plus.

Elle s’était donc présentée à l’entrée de cette joyeuse fête dont elle entendait déjà l’animation depuis l’extérieur. Elle qui pensait être venue en avance, elle semblait avoir fait fausse route! Une petite inspection rapide de son badge d’aventurière et la voilà dans la salle, le temps de faire un rapide tour des lieux du regard… De la nourriture, une buvette prête à subir les tourments des aventuriers assoiffés, une scène, des ménestrels et autres saltimbanques, de quoi danser… Tout semblait réuni pour passer un bon moment.

En s’avançant, profitant d’une petite rupture dans la musique, un petit groupe d’aventuriers d’ores et déjà éméchés commencèrent alors à fanfaronner un hymne assez populaire - et heureusement bien plus distingué que paillard. Eux, ils avaient déjà picolés ensemble avant même de venir, mais cela ne dérangeait pas particulièrement l’aventurière. S’avançant vers eux, elle en profita pour les accompagner puisque bien évidemment elle connaissait les paroles par cœur. Un couplet entier, et déjà motivée comme jamais sans la moindre goutte d’alcool dont elle n’avait de tout de façon pas besoin pour s’amuser ainsi, et le groupe de musiciens local commença à les accompagner. Alors elle continua à chanter, même si sa petite voix face aux barytons qui avaient débuté le mouvement ne portait pas bien loin. Elle fut d’ailleurs assez bien reçue par le petit groupe, et chantait à tue-tête avec eux sans la moindre once de gêne.

Une fois la chanson terminée, elle s’éclipsa néanmoins jusqu’à la buvette qui n’était pas encore des plus sollicitée, fort heureusement. L’occasion pour elle d’aller trouver le principal participant à la fête, un éminent membre du Conseil dont elle n’avait pas la moindre idée du rôle. Mais un type qui lui semblait, pour le coup, vraiment sympathique, et pas uniquement parce-qu’il servait la bière.

« Hey, salut! Tu veux bien me donner une chopine de bière? Super idée en tout cas ce genre d’événements, y a déjà une super ambiance! » fit-elle remarquer avec un sourire, et toute l’excitation de ces soirées qui commençaient avec le pressentiment qu’elles allaient être inoubliables. Pour peu que l’alcool ne se charge pas de les faire oublier à ceux qui en abusaient.

Bon. J’aurais été étonné de ne pas être un phare au milieu des vagues déchainés des aventuriers, même si lesdits aventuriers ne sont pas si déchainés que ça. Par encore. Pas ce soir de préférence, mais on ne sait jamais. Mal avisé est celui à croire qu’il ne peut rien arriver de mal. C’est pas pour me vanter, non. Surtout que dans un autre point de vue, le comptoir du bar est certainement l’endroit le plus important de la soirée et il est bien normal d’y croiser beaucoup de monde, gens qui n’hésitent pas glisser un mot ou un geste pour moi, parce que je suis un peu l’une des principales raisons de l’existence de cette soirée. Et aux milieux des besoins naturels de satisfaire les soifs dévorantes de boissons alcoolisée (ou non) et de relations humaines, les aventuriers sont suffisamment polis pour me féliciter, principalement, et me remercier, pour certains ; alors qu’une fête aurait pu être organisé par un autre vainqueur que moi, cela va de soit.

-Trois bières pour le grand brun !
-Je prends chef.
-Et pour vous ?
-Une bière et un cocktail aux baies.
-Une bière et un cocktail B pour la jolie blonde !
-J’men occupe.

Chef d’orchestre, je le suis. Jusqu’à ce que Carciphona déboule. Une aventurière d’exception pour devenir Saphir. Mais aussi quelqu’un qui a passé du temps et donner des idées pour que je puisse gagner ce poste. On ne saura jamais si tout a été utile, mais chaque petit geste a permis d’arriver à cet événement. C’est ce qu’on garde en tête. Pour tout ça, je lui sers moi-même son verre. Je manque de mettre une trop grosse lichette de liqueur dans son verre quand elle cherche à me faire regarder ailleurs. Pas que ce soit désagréable, mais c’est soudain et puis, j’ai toujours un petit pincement au cœur sur le coup. J’ai ouïe d’une rumeur que la belle Saphir aurait trouvé chaussure à son pied, alors, je sais bien qu’elle vanne à moitié en essayant de me trouver pareille, mais les souvenirs ont la vie dur, même s’ils ne broient plus l’esprit. Vrai que la campagne, ça m’a permis de me sortir les idées de la tête et d’accepter enfin la vérité. Vrai qu’il faudrait passer à autre chose. Mais pour l’instant, je n’ai que deux mains et beaucoup trop de bières à servir.

-Attends que je prenne une pause et on verra tes bons conseils !

Faut parfois un peu forcer dans des sens qu’on n’aime pas trop. Au pire, on passera un bon moment, c’est l’occasion. Je passe aux clients suivants. Un groupe d’aventuriers âgés qui me parlent de mon prédécesseur, l’ex-Conseiller Mallory en lâchant une anecdote potache sur ces jeunes années. J’écoute. Je rigole. Je sers. Je passe à la suivant. C’est important d’écouter. Avec un réseau d’informateurs basés principalement dans des tavernes du Royaume, ça serait quand même con de gérer tout ce beau monde tout en faisant pas le b.a.-ba du boulot : écouter les gens et les servir. Je passe au suivant qu’est une suivante. Une jeune aventurière qui s’est mis sur son trente-et-un pour l’occasion. C’est là qu’on voit l’innocence des plus jeunes. Ils ne savent pas qu’une fête des aventuriers, ça finit jamais vraiment. Et les occasions de pourrir ses fringues ne manquent pas. Les bières renversées, ça se fait fréquemment. Y’en a dans la guilde où c’est une peu tradition. Avec le temps, on apprend à les connaître et à les éviter. Probablement qu’elle en fasse l’expérience. Mais faut pas lui dire, c’est presque du domaine
-Une chopine de bière ? Ca marche.

Je m’en occupe moi-même parce que les collègues sont assaillis de tout bord. Le début, c’est le moment le plus dur. Les gens arrivent et ont tous soifs.

-Oh bah organiser des événements, c’est toujours sympa. Le plus dur, c’est que les gens se motivent à lancer les idées et à y participer. On fait ce qu’on peut pour que la guilde ne soit pas qu’un boulot. C’est une famille.

C’est ce que j’ai dit quand j’ai fait mon discours ici-même, plusieurs lunes plus tôt. Et ce qu’ai dit devant les conseillers, maintenant mes pairs. Je suis le plus jeune du groupe maintenant, c’est à moi de regarder pour que cette vision de la guilde soit vraie et pas juste des paillettes qu’on jette aux yeux pour avoir ce que l’on veut. J’suis pas comme ça, oh non.

-Et voilà une chopine de bière. Et j’espère que tu passeras un bon moment ce soir, ma petite.

Et déjà, on m’alpague pour une nouvelle commande. Je vais la prendre plus rapidement que prévu, cette pause. J’attends de voir arriver Truelle. Avec son histoire avec Zahria, il doit être au bout du rouleau. Alors, c’est les copains qui doivent aider. Comme il m’a aidé en son temps.

La kermesse

Une fête, en voilà une idée ! Il faut dire que cela faisait un moment que je n’avais pas bu une bonne bière en compagnie d’aventurier. C’est donc avec plaisir que j’accueillis la petite annonce d’un de mes camarades. Par contre, la soirée était pour soi-disant féliciter l’arrivé d’un nouveau membre dans le conseil de la guilde. Un certain “Jack”, je dois avouer une chose...je ne connais absolument pas ce type. Il est clairement un inconnu pour moi. En réalité, je veux juste profiter de la boustifaille et de la boisson offerte. Après si, je rencontre quelques possibles comparses et des éventuelles possibles compagnons de quête alors cela ne me dérangera absolument pas. Je me prépare donc simplement. Après tout c’est une kermesse et non un bal, pas besoin donc de faire de manière.

J’arrive à l’endroit prévu et j’observe les alentours, je reconnais Aslander que je salut d’un simple geste de la main. Il faut dire que lui, je le connais bien. Après tout, si je suis encore en vie c’est grâce à ce monsieur. Il serait donc vraiment impoli de passer à côté sans au moins m’arrêter pour lui dire bonjour. Mais bon on m’a également enseigné que l’on n’interrompait pas une conversation. Je ne m’attardais donc pas près de ce dernier le laissant à ses occupations.

Pour ma part, je pris une bière et j’allais m’installer tranquillement dans un coin où il n’y avait absolument personne. En vérité, je me demandais où était ma douce en ce moment et si elle était en train de boire un chocolat chaud, il faut dire qu’elle ne supportait absolument pas le froid et c’était d’autant plus drôle qu’elle était une hybride panthère des neiges. Je vois encore sa peau pâle et ses cheveux d’argents. Enfin, ce n’est pas le moment de penser à elle, je m’approche d’un plat de chamallows pour en prendre quelques-uns. Ils sont bons, ils sont sucrés, c’est donc un véritable délice pour mes papilles. Je m’avance un peu pour regarder qui d’autres est présent dans la salle, a vrai dire, je reconnais d’eux trois têtes...j’ai partagé avec certains déjà quelques tournées, je m’incruste donc dans une conversation sur les créatures qui peuplaient nos contrées.

“Puisque je te dis que j’ai vu un dragon dans le nord ! Près de la frontière.”

“Mais oui c’est ça Casto ! Et moi j’ai vu un phénix sortir d’une grotte près d’un lac, non encore mieux, une scolopendre des mers dans ce même lac”

Visiblement le deuxième baroudeur ne croyait pas le premier. Ce qui pouvait paraitre normal à première vue. Voir une aussi fabuleuse créature était aussi rare qu’impressionnant et je dois dire que si cela était vrai et bien j’enviais ce dernier.

“Et toi Red, tu en penses quoi ? “

“Si c’est effectivement le cas, peut-être que cela vaudrait le coup d’aller au moins l’observer non?”

Codage par Libella sur Graphiorum

A la base, Violette était simplement venue chercher la première boisson de la soirée, et elle remarqua assez vite que ce barman à la moustache bien atypique n’était pas comme les autres. Il suffisait de constater le nombre d’attentions et de petits mots qu’il recevait. L’aventurière ne mit pas bien longtemps à comprendre qu’il s’agissait ni plus ni moins que du Roi de la soirée. Celui qui en était la cause, et à qui elle était évidemment reconnaissante pour un moment qui s’annonçait amusant.

Recevant alors son verre, elle sourit et rigola un peu à la sympathie du conseiller. Il avait l’air d’être un sacré chic type.

« Merci bien! J’doute pas du fait qu’elle sera géniale, il y a déjà une sacrée ambiance! » répondit-elle dans un premier temps, avant de s’emparer de sa chopine. Une chope entière l’aurait lancé sur une pente qu’elle n’avait pas particulièrement envie de suivre, alors la jeune femme avait décidé d’y aller doucement.

« En tout cas, bravo pour ta… Promotion? On peut appeler ça une promotion? » demanda-t-elle alors même si elle savait que c’était plutôt une élection, c’était aussi, en même temps, une montée de rang donc peut-être que le mot promotion fonctionnait aussi?

« Pas forcément à moi de dire ça mais hésites pas à faire un tour au milieu de la fête, ça a l’air intense, derrière le comptoir! » lui souhaita-t-elle simplement avant de s’éloigner de l’endroit pour laisser les autres avoir leur boisson. Après tout il semblait plus qu’occupé en ce moment, ce qui n’était pas si étonnant que ça, alors Violette s’en alla à travers la fête, son prix à la main, buvant rapidement quelques gorgées pour empêcher sa chopine de déborder alors qu’elle se déplaçait à la recherche d’une connaissance ou d’une discussion faisant frémir ses oreilles curieuses.

Un peu plus loin, un groupe d’aventuriers hétéroclite était en train de débattre d’un sujet palpitant.

« - Mais si, je te le dis, ton manteau ne ressemblerait à rien sur n’importe qui.
Moi je trouve que ses couleurs vives ravivent un peu mon teint.
Non mais avoue, vieux, tu l’as juste trouvé soldé dans une échoppe obscure? » se chamaillaient-ils sans animosité, finissant par se le passer un peu l’un l’autre, homme et femmes, et à se mettre à bien se marrer en voyant l’habit aux couleurs criardes se faire revêtir par tout un chacun.

Violette n’avait eu aucun mal à s’incorporer dans le groupe qui ne semblait même pas tant se connaître que ça et se laissait juste porter par la fête. Quelques remarques et rires fusaient aussi de sa part, jusqu’à ce qu’un finisse enfin par lui tendre le manteau rouge et vert criard absolument affreux. Elle n’hésita pas à l’enfiler rapidement, le fait qu’il était trop grand rendait la chose encore plus pathétique et elle éclata de rire suivie de la bande.

« En vrai, il est juste fait pour te tenir chaud en pleine forêt la nuit quand personne ne peux te voir au milieu d’une quête. » déclara-t-elle alors, juste après avoir fait une petite pose stupide avec l’habit, avant de le passer au suivant. De belles tranches de rires puisque ce truc n’allait vraiment à personne - même s’il était assez confortable, elle ne pouvait pas le nier. Ce n’était pas de la camelote non plus, mais le couturier qui s’en était occupé n’avait clairement aucun goût. Ou bien était un sacré avant-gardiste.

C’est avec une chopine à moitié vide que la petite Violette qui ne tenait pas en place repris sa route. Elle n’était pas des plus prudentes non plus et finit par rentrer dans un brun qui n’était plus tout jeune, mais assez propre sur lui. Il semblait assez concentré à regarder une scène un peu plus loin, d’ailleurs.

« Oh, désolée! » dit-elle simplement avant de regarder dans la même direction que lui. Il semblait avoir été concentré sur un groupe un peu plus loin, contenant notamment une femme aux oreilles atypiques très jolies, et à côté de celle-ci, un visage connu. Elle leva donc la main pour lui faire un signe en le regardant. Elle ne comptait pas forcément l’embêter, mais voulait au minimum le saluer.

Spoiler:

Hum ? De quoi ? J’ai peut-être eu une absence. Comme si le monde n’avait pas cessé de tourner autour de moi et que je m’étais un peu oublié. Enfin, pas physiquement, hein, on a beau gagner en âge, ce n’est pas pour autant qu’on atteint l’âge vénérable qui vous force à revoir vos principes de dignité. Enfin, passons. Je sors rapidement de ma torpeur soudaine pour sourire au visage le plus proche et tendre la pinte de bière bien mousseuse à cette personne qui ne la refuse pas. Ça doit être sa commande. A ma gauche, on me tapote l’épaule. Un collègue de buvette.

-Changement de fut ! Faut y aller mollo à la tireuse, Jack !
-De quoi ?
-Ca fait cinq minutes que t’es agrippé à ce levier comme si t’avais peur qu’il s’envole. C’est toi qui tire le plus ici. Comment tu fais ?
-Bah, suffit de ne penser à rien.

Ce qui est le cas.

-Bon, je vais changer ce fut. Profites-en pour faire une pause.
-Oh bah oui, pourquoi pas.

Ça va me permettre de me remettre les yeux en face des trous. Je m’essuie les mains avec un torchon avant de me faire craquer les mains. Vrai que j’ai une petite douleur dans les articulations à force d’avoir serré ce manche de bois. A quoi je pouvais bien penser pour avoir une si grosse absence ? Surement des problèmes. Une impression de vide dans les tripes. Comme si tout cela, ça ne comble pas vraiment la vie. L’année a été particulièrement déprimante, non ? Ca doit être ça. Espérons que la prochaine nous vaccinera de nos emmerdes et qu’on verra des jours meilleurs en belle compagnie. Je fais signe aux clients dans l’attente que je prends ma pause d’un large geste de la main. Ils m’en tiennent pas rigueur. Je passe à l’arrière, j’enlève mon tablier pour éviter de dégueulasser mes fringues avec un accident de service et je sors par la porte de derrière avant de me retrouver brasser dans la grande foule des aventuriers.

Je ne me fais pas vraiment d’illusions que beaucoup ne savent pas le fond du pourquoi de cette petite fête. En même temps, le processus de choix d’un nouveau conseiller est particulièrement étrange. Parce que le poste est à vie, ils préfèrent bien choisir et multiplie les moyens de confirmer leur choix. La phase visible de l’iceberg, c’est que chaque candidat à chercher le soutien d’aventuriers. Tous n’ont pas participé, évidemment. Et ce n’est pas celui qui gagne le plus de vote qui gagne le siège. C’est juste une indication. S’ils hésitent entre deux candidats, autant prendre celui qui a le plus de soutien derrière lui. Les autres sujets, c’était des questionnaires, des rapports sur le bon positionnement du candidat par rapport à la loi ; parce que ne faire rentrer les loups de la corruption dans la bergerie, c’est pas trop l’idée. Puis y a aussi les enquêtes sur le passif ou les mœurs. Parce que bon, si on se rend compte que le nouveau conseiller aime bien se faire fouetter avec des orties en étant en costume de lapin, c’est quand même un peu dérangeant pour l’image publique de la guilde qui se doit d’être la plus irréprochable possible. Surtout quand on a des tas d’aventuriers à qu’il ne faut pas cinq minutes pour jeter son honorable réputation dans la gadoue. Tiens. C’est le moment choisi pour voir Carciphona apparaître au milieu d’un événement impliquant une chute de plein pied et une hybride dont les charmes ont probablement un lien avec le fait que cette même Carciphona soit impliqué.

-Il y a des chambres pour ça, Carci. Ou veux-tu un bureau ?

Une petite boutade, toujours rendre la monnaie dans ce grand cercle des petites piques amicales entre amis. J’espère que Lou m’a pas entendu. Même si c’est une blague, il verrait d’un mauvais œil que l’on utilise le mobilier des examinateurs à d’autres fins que le remplissage assidu des rapports de terrains. J’ai beau avoir eu la promotion ; et c’est effectivement une promotion naturelle du rôle d’examinateur, puisqu’il s’agit de faire du travail administratif à des niveaux bien supérieurs, ce que j’ai pu dire à la jeune aventurière qui cause maintenant avec un bel homme dont j’ignore l’identité ; bah, Lou, il fait toujours la loi. Un peu compliqué comme phrase, non ?

Bref, je prends un peu la tangente. Beaucoup trop de monde au même endroit, encore un coup à ce que ça s’agite beaucoup trop autour de moi et que j’arrive pas à suivre. La fatigue, tout ça. C’est que les dernières semaines ont été éreintantes. On en prendrait bien quelques vacances. Je proposerais ça à Truelle si je le vois. Histoire d’éponger sa tristesse. J’ai bien besoin de poser un coup et je profite de ma position ; on pourrait presque dire que j’en abuse ; pour récupérer un fauteuil loin de la scène et de la musique pour profiter de l’ambiance posé. On se frotte les yeux et on regarde les gens. Ces forces vives qui font vivre et grandir la guilde. C’est pas beau, hein ?