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Combien de temps avait-il dormi ? Marc-Antoine n’en savait rien. Moins que lui, c’était une certitude mais de là à donner une estimation fiable … Afin de ne pas dire de bêtise, il se tut et se contenta d’hausser les épaules, comme pour montrer son incapacité à répondre à l’interrogation posée. Quoiqu’il en soit, Yuduar se leva d’un bond et se prépara à explorer les bas-fonds de la tour. Les restes de Kerberus allaient être laissés aux charognes, si tant est qu’il y en ait. Dans le cas contraire, le temps ferait son œuvre et la bête se décomposerait naturellement après plusieurs semaines, mois voire années. En soi Marc-Antoine n’était plus emballé que ça à l’idée de déguster du Kerberus et se satisfit de la réponse donnée par le capitaine. Effectivement, découper chaque morceau de la bête prendrait un temps fou, temps qu’il n’avait pas. De même, le groupe n’était pas sûr de pouvoir stocker efficacement la viande.

Tous motivés à l’idée d’explorer les profondeurs du bâtiment, le trio s’en alla gaiement. Les trois guerriers étaient blessés mais le repos ainsi que le déjeuner les avaient revigorés. Ils n’étaient pas au mieux de leur forme mais tous étaient en mesure de marcher, de tenir une épée … Bref, de se montrer utile. L’escouade princière descendit les escaliers avec prudence jusqu’à rejoindre une nouvelle pièce, faiblement éclairée mais visiblement plus vaste que la précédente. Ci et là, des colonnes ornaient la salle et permettaient au plafond de ne pas s’écrouler sur les têtes des passants. Les yeux de Marc-Antoine se posèrent tantôt sur un coin de la pièce, tantôt sur un autre. A première vue, les pupilles azures de notre héros passèrent en revu la salle sans pour autant y trouver grand-chose d’intéressant. C’est en fouinant un peu plus qu’il remarqua ces inscriptions murales. Étant dans l’incapacité de comprendre ce charabia, il laissa le rat de bibliothèque – comprenez par-là Cassiel – s’affairer. Après tout, c’était son travail de traduire, annoter et déchiffrer les langues anciennes. Pour sa part, Marc-Antoine préféra fouiller le petit tas de babioles qu’il avait déniché. En effet près d’un pilier poussiéreux se trouvaient une foultitude d’objets. Pingre comme pas deux, il s’accroupit et se mit à fouiner. Il y avait face à lui des cuillères, des bracelets, un ou deux bijoux sans grande valeur qu’il jugea néanmoins bon de mettre dans son sac – celui-ci étant sans fond, autant en profiter … Ainsi que des ossements …
▬ Burk.
Une moue se dessina sur le faciès du grand blond qui envoya ce morceau d’humérus valdinguer. L’os en question rejoignit l’autre bout de la pièce et tomba jusqu’à former un écho audible par tous. Cette salle était définitivement BIEN plus grande que la précédente. Plus vaste, plus haute aussi … Pour lui, cela ne faisait aucun doute, cet endroit méritait d’être exploré avec bien plus de minutie. Certes, il n’avait pas trouvé de trésor et le Kerberus ne cachait – à première vue – que des babioles et bijoux de basse valeur néanmoins il y avait forcément quelque chose à trouver.
Il espérait que Cassiel puisse les éclairer, notamment en déchiffrant ces inscriptions murales.

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Loin d’être exceptionnelle, la collecte d’objet était sympathique au regard du de l’Épée. Bien sûr, il n’allait pas devenir riche aujourd’hui mais ces modestes gains lui permirent de ne pas totalement se sentir lésé dans cette affaire. Il avait vaincu le Kerberus Alpha et ce dernier cachait bel et bien des items. Yuduar était lui aussi enthousiaste à l’idée de trifouiller ce tas de babioles. Une fois la besogne effectuée, l’attention de Marc-Antoine se porta sur les murs et sur l’archiviste. Cassiel avait réussi à déchiffrer en parti les inscriptions et était enclin à faire part de sa science qui, à n’en pas douter, était infuse.
▬ Hm ?
Par cette onomatopée, il invita le rat de bibliothèque à discourir. Pour une fois au cours de son existence, Marc-Antoine écouta religieusement les propos d’un homme plus savant que lui. Bientôt, Cassiel fut interrompu dans son propos. Pour une obscure raison, les inscriptions murales s’illuminèrent. Le cadet de la famille de l’Épée fit quelques pas en arrière. Malgré ses mouvements, il fut happé et de nouveau aspiré dans ce qui lui semblait être un rêve. De nouveau, les ténèbres avaient englouti la pièce. L’absence de sensation avait quelque chose de déroutant. Pour la énième fois aujourd’hui, il avait été privé de tous ses sens. Seule la vue lui était laissée néanmoins rien n’était perceptible dans ces conditions. Il se sentait vivant et c’était l’essentiel néanmoins, tout autour de lui avait disparu : les piliers, la pièce, ses camarades : tout. Face aux ténèbres, Marc-Antoine médita de nouveau. Il fut pris de panique par moment, pensant ne jamais émerger de là. Finalement, la lumière frappa les pupilles du félon chevalier. Ce dernier plissa les yeux, les ferma même mais fut soulagé.
▬ Ça brûle.
Il se plaignait par principe plus que par réel agacement. Dans le fond, il était heureux de retrouver ce qu’il estimait être « le monde des vivants ». La dimension ténébreuse qu’il visitait de façon occasionnelle avec ses camarades était loin, très loin d’être à son goût. Son soulagement fut cependant de courte durée. En effet, une fois ce temps d’habituation à la lumière passé, Marc-Antoine se rendit au rebord de la plateforme et remarqua que, en contrebas, seul le vide s’offrait à eux.
▬ Je crois que nous sommes sur le toit. Et c’est haut. Très haut. Trop haut. On fait comment pour redescendre ?
Ses camarades n’avaient probablement pas la réponse à cette question. Marc-Antoine pour sa part n’était pas en mesure de voler, contrairement à certains de ses camarades de la garde. Décontenancé, il tâcha de chercher un moyen de regagner la terre ferme. Il y avait probablement un escalier ou une trappe cachée. Soit dit en passant cette histoire de faille racontée plus tôt par Cassiel l’intriguait.
Il se souvint à son tour d’une histoire racontée par son précepteur, le légendaire Jean-Didier, celle-ci faisait mention de faille, de toit, de créatures semblables à des élémentaires de feu sortis des enfers qui pleuvaient du ciel. Pendant un instant, Marc-Antoine fut prit de panique tant les évènements comptés par son maître d'arme trouvaient un échos avec sa situation présente. Et puis ... Il se souvint que Jean Didier était un homme à moitié timbré, un affabulateur. « Je ne crains rien » s’était-il dit alors qu’il examina avec minutie ce toit dans l’espoir de trouver une issue.

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Si dans les premières minutes Marc-Antoine cherchait de façon aléatoire un mécanisme à activer, il comprit bien vite que les méthodes chaotiques ne le mèneraient à rien. Il lui fallait procéder avec méthode et minutie. A son avis – qui n’avait rien de humble – il y avait un moyen de redescendre. Il était incapable de dire lequel mais il fit fonctionner ses petites cellules grises afin de le trouver. Ce plateau décrivait un cercle presque parfait et il supposa naïvement que la solution – si tant est qu’il y en ait une – se trouvait en son centre. Féru de contes et d’histoires magiques, il imaginait qu’en rejoignant ce point précis du plateau, les pierres dans leur entièreté changeraient de forme afin d’ouvrir une voie ou de former un escalier. Oui, il avait une imagination débordante. Jean-Didier commençait à déteindre sur lui. D’ailleurs, en parlant du bougre, le grand blond se souvint d’une histoire racontée par son précepteur faisant mention d’un sceau mystique de forme circulaire.
▬ Hum-mh.
Il se racla la gorge afin de se donner un brin de solennité puis s'arrêta net. Ce souvenir lui avait inspiré une idée.
N’étant ni mathématicien, ni expert en géométrie, il utilisa la méthode la plus empirique qui soit afin de déterminer la position exacte du point recherché : les pas. Après une rapide estimation du diamètre, il compta le nombre de pas à effectuer du bord du plateau afin de rejoindre ce qu’il considérait être le centre. La méthode étant fortement imprécise, le cadet de la famille de l’Épée était dans l’incapacité de déterminer quelle « pierre » formait ce « centre » tant recherché. A défaut, il parvint néanmoins à définir une zone qu’il inspecta avec minutie dans l’espoir de trouver une marque semblable à celles décrites par l’archiviste. Pour ce faire, il dépoussiéra les pierres une à une. Ce vent amenait avec lui des particules qui se déposaient sur cette roche et finissait par la noircir. Qui sait, peut-être qu’en astiquant un peu, il finirait par trouver quelque chose.

En outre, étant quelque peu farceur, il se mit à sauter sur lesdites pierres. Jusqu’à présent, les membres de l’escouade princière – qui depuis peu évoluaient sans le prince – avaient activé des mécanismes sans avoir conscience de le faire ou sans même le désirer. Ici, c’est sciemment qu’il sautait, essayait de retirer les pierres du sol … Bref, qu’il faisait n’importe quoi en priant pour que la Déesse soit de son côté.
▬ Ne me regardez pas comme ça, il faut bien faire quelque chose !
Il était ridicule et en avait conscience. Mais comme le disait si bien son précépteur : « Le ridicule ne tue pas. Ce qui ne te tue pas te rend plus fort. Donc le ridicule rend plus fort. » C’est en suivant ce syllogisme qu’il continuait de s’afférer.

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Le ridicule rend certes plus fort en certaines circonstances mais, en l’occurrence, les actions de Marc-Antoine ne servirent pas à grand-chose, si ce n’était à le faire passer pour plus idiot qu’il ne l’était. Le bougre sautait, s’afférait mais rien ne se produisit. Les pierres au centre de la plateforme étaient on ne plus banales. Il n’y avait rien à tirer ici et il fallut plusieurs longues – très longues – minutes à Marc-Antoine pour s’en rendre compte.
De son côté, Yuduar n’était pas beaucoup plus chanceux. Ses faits et gestes n’aidèrent en rien le groupe. Les méthodes du guerrier fantasque n’étaient pas académiques néanmoins Marc-Antoine les jugeait efficaces. Aussi, si le Capitaine ne trouvait rien, le de l’Épée estimait que c’était tout simplement car il n’y avait pas grand-chose à dénicher. Ainsi donc, face à l’échec de son collègue, il abandonna l’idée de fouiller dans cette direction.
Après avoir poussé un soupir d’exaspération, l’apprenti chevalier vit son collègue à la chevelure argentée dessiner sur une feuille de papier. L’homme gribouillait sur ce support les différents signes représentés sur le mur observé plus tôt. De là, il tenta de reproduire ces inscriptions sur le sol. La procédure dura un long moment et, quand bien même cela semblait fonctionner, Marc-Antoine poursuivit ses recherches de son côté.
▬ Malin le r-, l’archiviste.

Si enquêter sur le centre de la plateforme s’était avéré vain, observer plus en détail les rebords pouvait être une solution. Par conséquent Marc-Antoine rejoignit l’extrémité sud de la plateforme. Arrivé à quelques mètres du rebord, il planta son épée au sol afin de ne pas tomber dans le cas où le vent soufflerait en sa direction. Ceci-fait, il observa avec une certaine angoisse le contre-bas et notamment ces arbres. De là où ils se trouvaient, tout était plus petit. Le campement était pour sa part introuvable quand bien même il fut imposant. De nombreuses tentes avaient été installés et pourtant … Il plissa les yeux et tâchaient de discerner quelque chose, une forme, un signe, un indice ;  le tout en faisant attention à ce vent malicieux.

Lorsqu’il eut terminé, l’épéiste en devenir sortit sa lampe magique. Bien qu’il ne fasse pas noir, Marc-Antoine imaginait qu’utiliser cet item allait peut-être leur permettre d’y voir plus clair. Il l’utilisa sur les rebords de la plateforme. En plein jour, il doutait que cela soit utile mais qui sait … Attendre la tombée de la nuit n’était peut-être pas une si mauvaise idée.

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Persuadé que la solution résidait dans la forêt, il concentra toute son attention sur les majestueux végétaux. Les arbres avaient beau mesurer des mètres et des mètres de haut, de sa position tout lui parut plus petit. Il espérait repérer des formes, peut-être celles d’un ou deux signes mais il n’en fut rien. Par conséquent, le jeune homme sortit de son sac la lampe magique qu’on lui avait confié et tâcha d’observer les rebords du plateau sous cette lumière. Il comprit bien vite que, là encore, il s’agissait d’une mauvaise idée. Peut-être recommencerait-il une fois la nuit tombée … Quoiqu’il en soit, Marc-Antoine écouta quelques secondes les élucubrations et théories farfelues du capitaine avant de reprendre ses recherches. Curieux et persuadé d’avoir manqué quelque chose, l’apprenti chevalier retourna côtoyer le vide et remarqua des traces lumineuses sur les parois du bâtiment. Les murs de cette tour étaient parsemés de ces signes anciens. Ceux-là scintillaient en écho avec la marque créée par l’archiviste. Le cadet de la famille se frotta les yeux, peu sûr de son fait mais fut bientôt catégorique : Il s’agissait bien des mêmes signes et du même type de curieuses ondulations.

Marc-Antoine jurerait que ces inscriptions étaient à deux doigt de quitter la pierre avant de finalement se raviser. Puisque l’heure était aux théories et qu’on l’invita à prendre part à la discussion, il retourna auprès de Yuduar et de son acolyte avant de répondre :
▬ Du neuf, oui. Il y a des signes sur les murs de cette tour. Les mêmes que ceux que l’archiviste a gribouillé. Ils scintillent par moment et semblent bouger avant de finalement reprendre place comme si de rien était. Je n’ai qu’écouté qu’à moitié vos théories, pardonnez-moi. Cependant s’il s’agit d’un portail, il nous manque quelque chose pour l’activer. Un objet, une clé quelconque, un mot de passe, qu’en sais-je. Ces signes ne demandent qu’à sortir de la pierre et à effectuer leur œuvre si vous voulez mon avis.

Pour se donner de la contenance, le membre de l’illustre famille de l’Épée se gratta le menton. Le jeunot ne possédait que trois poils de barbe mais les tira à de multiples reprises avant de reprendre :
▬ Ceci-dit, cette histoire de portail ne me dit rien qui vaille. Admettons que ces signes peuvent nous téléporter … Il y a un monde idéal où nous retournons d’où nous venons, sur la terre ferme, auprès de nos familles … Et il y a un autre cas de figure où nous allons Lucy sait où.
Cela n’avançait à rien d’être négatif et il aurait mieux fait de garder cela pour lui néanmoins l’interne ne pouvait s’empêcher de penser à voix haute.

▬ Soit dit en passant, cette tour est apparue du jour au lendemain. Il est possible qu’elle soit elle aussi passée par un téléporteur ou une faille spatiale. La théorie selon laquelle ce bâtiment est sorti d’une brèche menant à un autre monde n’est pas pour nous rassurer. En supposant que cela soit vrai, qui sait à quoi ressemble cette autre dimension et ce qui peut en sortir.
Ils avaient vu un Kerberus Alpha dans cette tour. Ce n’était pas bon signe pour la suite. Bien sûr tout cela n’était qu’hypothèses mais Marc-Antoine, tout comme Yuduar avant lui, s’était pris au jeu.
▬ Restons ensemble et tâchons de trouver comment activer ce … Cet … Ces … Enfin, vous m’avez compris.
Ce portail ? Ces signes ? Cet enchantement ? Cette œuvre du démon ? Personne ici ne savait réellement à quoi ils avaient affaire. Jusqu’à présent, les trois aventuriers pataugeaient gaiment dans la semoule.

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